Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Montpensier (Mlle DE), roman de Mme de La Fayette

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Administration du grand dictionnaire universel (11, part. 2p. 525).

Montpensier (Mlle DE), roman de Mme de La Fayette (1660, in-12). C’est une œuvre d’imagination, ou du moins, si l’auteur a eu en vue un fait réel, il a caché les personnages sous des noms supposés. Il y a beaucoup de charme dans ce petit livre, écrit avec une rare délicatesse de plume et de sentiment. Comme il parut anonyme, on l’a attribué longtemps à la comtesse de La Suze, mais Mme de La Fayette l’a revendiqué.

À proprement parler, c’est moins un roman qu’une nouvelle, mais une nouvelle délicieuse ; il est difficile de rassembler avec plus d’art, dans un petit espace, une foule d’événements plus naturels et mieux conduits. Le personnage le plus remarquable est celui du comte de Chabannes. Mlle de Mézières, l’héroïne, devait épouser le duc de Guise, qu’elle aimait et dont elle était aimée ; mais ses parents l’unissent au prince de Montpensier. Elle suit son époux à Champigny, et le prince laisse près d’elle son ami intime, le comte de Chabannes. Quoique d’âge à être son père, ce dernier tombe amoureux de la princesse et meurt presque de douleur, lorsqu’il voit que son cœur appartenait au duc de Guise. Tel est, cependant, l’excès de la passion qu’il a conçue, tel est l’ascendant que prend sur lui Mlle de Montpensier que, pour lui plaire, il consent à servir son rival. Il devient l’intermédiaire des deux amants, intermédiaire d’autant plus fidèle qu’il n’était bien reçu que lorsqu’il apportait des nouvelles du duc. Il va jusqu’à favoriser un rendez-vous entre la princesse et le duc, qu’il est plusieurs fois tenté de percer de son épée au lieu de l’introduire chez celle qu’il aime. Tandis qu’il joue ce triste rôle, arrive le prince de Montpensier qui va surprendre les deux amants ; Chabannes se dévoue encore ; il fait échapper son rival, et s’offre à sa place à la colère du prince, qui le croit l’amant de sa femme. Le prince n’a pas le courage de frapper un ancien ami et Chabannes s’enfuit à Paris, où il périt l’une des premières victimes de la Saint-Barthélémy. Le duc de Guise, renonçant à courir de nouveau de pareils dangers, poursuit le cours de ses aventures amoureuses en s’affichant avec Mme de Noirmoutier. La princesse de Montpensier meurt de chagrin de se voir abandonnée d’un homme auquel elle avait sacrifié un époux tel que le prince et un ami tel que l’infortuné comte de Chabannes.

Rien de plus frais que cette nouvelle, racontée avec simplicité et avec émotion. Il fallait véritablement une plume féminine pour relever le singulier rôle que joue le comte de Chabannes, pour exciter même, non-seulement la pitié, mais encore la sympathie en sa faveur.