Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Ormuzd

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Administration du grand dictionnaire universel (11, part. 4p. 1488).

ORMUZD, dieu suprême, principe du bien chez les anciens Perses. Voici en quels termes en parle Zoroastre lui-même : « Au commencement, il y avait deux jumeaux, deux esprits, ayant chacun leur activité propre : le bon et le méchant en pensées, en paroles et en actions. Choisissez entre ces deux esprits. Soyez bons, et non méchants. » Et dans un autre passage : « Ahuramazda est saint et véridique ; il faut l’honorer par la véracité et par de saintes actions… Vous ne pouvez servir les deux esprits. » Cet Ahuramazda, dont on a fait Ormuzd, était connu des philosophes grecs sous le nom d’Orosmadès. Platon, en effet, appelle Zoroastre fils d’Orosmadès, et Aristote parle aussi d’Orosmadès comme du principe du bien selon la doctrine des mages. D’autre part, nous retrouvons le nom du même dieu dans les inscriptions de Darius et de Xerxès, s’il faut toutefois accepter la lecture de Burnouf. Darius disait dans un passage de ces inscriptions : « Par la grâce d’Ahuramazda, je suis roi ; Ahuramazda m’a donné le royaume. » Mais quelle signification faut-il donner à ce nom ? La question est des plus difficiles. Nous pouvons cependant être mis sur la voie par un passage des inscriptions achéménides dans lequel Ahuramazda est écrit en deux mots, qui sont déclinés tous deux ; nous y trouvons Ahurahya mazdaha, comme génitif d’Ahuramazda. Mais cette forme est encore inintelligible et n’est, après tout, qu’une corruption phonétique de Ahurô mazdaô. Ahurâ mazdaô est représenté dans le Zend-Avesta comme étant le créateur et le gouverneur du monde ; comme étant bon, saint et véridique, et comme luttant perpétuellement contre tout ce qui est mal, ténèbres et mensonge. Les méchants succombent devant la sagesse et la sainteté de l’esprit sage et vivant. Dans les plus anciens hymnes, le démon des ténèbres, qui est opposé à Ahurô mazdaô, n’a pas encore reçu son nom d’Angrà mainyus, iequel devint plus tard Akriman ; mais on en parle comme étant une puissance de mensonge. Toute la doctrine de Zoroastre est fondée sur la lutte entre ces deux principes, Ormuzd et Ahriman, le bien et le mal.

La linguistique moderne a longuement discuté la signification du nom d’Ormuzd, qu’elle ramène, comme nous l’avons dit, à Ahurô mazdaô. Le zend ne donnant pas l’explication de ces mots, les savants l’ont demandée au sanscrit. D’après les lois qui régissent les changements des mots communs au zend et au sanscrit, Ahurô mazdaô répondrait au sanscrit Asura medhas, qui signifie l’Esprit sage..

Les Iraniens, en renonçant au polythéisme de l’Inde, auruient pu conserver ce nom pour leur divinité suprême, tandis qu’ils répudiaient celui de Dêoa, déjà déchu à leurs yeux par son application à des esprits inférieurs.

Les zoroastriens avaient sur Ormuzd et sa lutte avec Ahriman des idées remarquablement élevées. Ormuzd, distinct de la nature, n’est pas le dieu créateur, mais le dieu ordonnateur, auteur, non pas de tout ce qui est, mais de tout ordre, c’est-à-dire de tout bien. Sa volonté, infiniment bienveillante, n’est malheureusement pas toute-puissante : la première résistance qu’il a rencontrée, lorsqu’il a voulu commander le bien, a été celle d’Ahriman, sujet rebelle, dont la révolte rappelle celle de Satan. Toutefois, par une conception supérieure, selon nous, à celle du christianisme sur l’origine et la nature du mal, le mazdéisme n’admet pas le mal comme éternel ; dans la lutte d’Arhiman contre Ormuzd, il y a une sorte de bonne foi, et à la fin le principe du mal sera, non pas terrassé et condamné avec ses victimes au feu éternel, mais converti, gagné au bien et à la vérité, admis avec tous ses disciples à la participation de l’harmonie universelle. La vie future du chrétien est le triomphe du bien assuré par l’éternel châtiment du mal ; la vie future du zoroastrien est l’union de toutes les volontés dans celle d’Ormuzd.

Ormuzd est principalement honoré par la culture de la terre, le soin des animaux domestiques et la destruction des animaux impurs, funeste création des dêvas. Tout homme, après sa mort, est appelé devant le tribunal d’Ormuzd et jugé d’après ses actions. Les méchants sont précipités du pont de Tchinevad dans l’abîme, mais pour ressusciter lors du triomphe d’Ormuzd sur Ahriman et recommencer, dans un univers renouvelé, une vie de bonheur parfait et éternel.