Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/PHILIPPE III, fils du précédent, roi d’Espagne

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Administration du grand dictionnaire universel (12, part. 3p. 812).

PHILIPPE III, fils du précédent, roi d’Espagne, né à Madrid en 1578, mort dans la même ville en 1621. Il monta sur le trône en 1598. La nature lui avait refusé tous les vices énergiques de son terrible père, ce qui ne l’empêcha pas de commettre de grandes fautes et de hâter la décadence de sa patrie. D’un caractère faible, apathique et irrésolu, il ne régna pas, mais vécut sous deux ou trois favoris, rusés, intrigants, habiles même dans le mauvais sens du mot, mais incapables de porter le pesant héritage de Charles-Quint, tombé aux mains d’un roi p|us inepte que Louis XIII, et dont les favoris étaient loin d’avoir le génie de Richelieu. Le duc de Lerme, premier ministre, continua la guerre contre les Provinces-Unies, qu’on s’obstinait à considérer comme en état de révolte ; mais, en 1609, il se vit forcé de signer une trêve de douze ans. Faiblesse et violence, tel est le signe des États en décadence. Philippe le prouva bien en publiant, vers la même époque, un édit qui chassait définitivement d’Espagne les descendants des Maures. Après la conquête de Grenade par Ferdinand le Catholique, ces Maures avaient forcément embrassé le christianisme ; ils formaient une masse de population soumise, industrieuse, cultivant admirablement la terre et enrichissant l’État ; mais le fanatisme espagnol ne leur pardonnait pas leur origine. Leur expulsion (mesure qui ne manque pas d’analogie avec la révocation de l’édit de Nantes) fut, au reste, fatale à la péninsule, qui perdit près d’un million de ses habitants les plus industrieux et ruina son agriculture et son industrie. Ceux de ces malheureux qui refusaient d’abandonner leur patrie furent traqués comme des bêtes fauves et massacrés ; on ne garda que les enfants au-dessous de sept ans, qu’on fit vendre comme esclaves, après, toutefois, qu’on leur eut administré le baptême, sollicitude bien étrange dans un pareil moment ! La preuve la plus caractéristique des misères de l’Espagne après l’exécution de ces mesures ineptes et barbares, c’est l’édit, rendu par le roi, qui accordait la noblesse et l’exemption de guerre à ceux de ses sujets qui cultiveraient la terre. Cette misère était encore accrue par des variations continuelles sur les monnaies et des impôts écrasants sur les denrées et les matières premières. En 1612, une alliance avec la France donna pour épouse à Louis XIII l’infante Anne d’Autriche, fille de Philippe III ; celui-ci mourut en 1621. Au milieu de sa décadence, l’Espagne conserva encore sa gloire artistique jusque sous le règne suivant.

— Iconogr. Velazquez a fait un magnifique portrait équestre de Philippe III, qui est au musée de Madrid. Le roi, à l’air grave et stupide, couvert d’une cuirasse, ayant une écharpe rouge en sautoir, une fraise au cou et un petit chapeau noir sur la tête, galope le long de la mer sur un cheval blanc à la crinière abondante, Il se tient sur sa monture avec l’aisance d’un homme qui, suivant les historiens de son temps, se distingua dans sa jeunesse par son aptitude aux prouesses du manège. Le tableau, peint en 1631, après la mort de Philippe III, est d’une couleur extrêmement puissante ; il a été gravé à l’eau-forte par Goya et lithographie par J. Jollivet. Au palais Durazzo, à Gênes, est un portrait de Philippe III par Rubens : le souverain, vêtu de noir et décoré de la Toison d’or, appuie la main gauche sur la garde de son épée. Des portraits de ce même prince ont été gravés, d’après Rubens, par P. de Jude le jeune et Meyssens.