Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/PHILIPPE V, roi d’Espagne, le premier de la maison de Bourbon

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Administration du grand dictionnaire universel (12, part. 3p. 813).

PHILIPPE V, roi d’Espagne, le premier de la maison de Bourbon, né à Versailles en 1683, mort à Madrid en 1746. Ce prince, connu d’abord sous le nom de duc d’Anjou, était fils de Louis de France, dauphin, et petit-fils de Louis XIV, et fut appelé au trône d’Espagne par le testament de Charles II. Proclamé en 1700, il fut reconnu en Espagne. Il n’y avait plus de Pyrénées, suivant le mot attribué à Louis XIV. Mais bientôt la ligue d’une partie des puissances de l’Europe vint protester contre cet agrandissement de la maison de France et déterminer cette longue et désastreuse guerre de la succession d’Espagne, dont la France supporta en grande partie le poids, la gloire et les malheurs. Néanmoins, Philippe V eut à défendre l’Espagne contre l’archiduc Charles d’Autriche, le Portugal, les Anglais et les Hollandais. Aidé par les troupes de la France, il fut confirmé comme roi d’Espagne par le traité d’Utrecht (1713), à la condition de renoncer à ses droits éventuels à la couronne de France et à la souveraineté de Gibraltar et de Minorque, de la Sicile, des Pays-Bas, du Milanais, de la Sardaigne et de Naples. Dirigé par la princesse des Ursins, puis par Alberoni, ce prince faible et mélancolique fut entraîné à des résolutions aventureuses, telles que la revendication des provinces italiennes cédées à Utrecht et des complots ourdis en France pour arracher la régence au duc d’Orléans. Ces tentatives inconsidérées armèrent contre lui la Quadruple Alliance (1719), et une suite de revers l’obligea à renvoyer Alberoni et à signer la paix (1720). En proie à une mélancolie noire, il abdiqua en 1724 en faveur de don Louis, son fils, dont la mort l’obligea, sept mois plus tard, à reprendre le fardeau des affaires. De nouvelles guerres contre les Anglais, les Maures d’Afrique, une intervention dans les guerres de la succession de Pologne et de la succession d’Autriche, l’établissement de son fils don Carlos sur le trône des Deux-Siciles, des efforts pour conquérir à son autre fils Philippe une souveraineté en Italie, remplirent la dernière partie de sa vie. L’Espagne dut à ce prince quelques sages réformes dans l’administration, dans la justice, un code de lois et la fondation de manufactures, de l’Académie d’histoire, etc. Il ranima la vertu guerrière des Espagnols, rétablit la discipline et créa une marine aussi redoutable que l’avait été celle du plus puissant de ses prédécesseurs. Bien qu’il eût peu d’aptitude pour les affaires et qu’il se laissât facilement gouverner, il mérita l’affection de ses sujets par sa sollicitude pour leur bien-être et par son esprit de justice. Philippe V était quelque peu bossu, mais néanmoins de bonne mine, affable, d’un excellent caractère et parlant peu. Il tomba dans une profonde mélancolie qui, vers la fin de sa vie, dégénéra en dérangement complet des facultés intellectuelles. Il refusait de quitter son lit, de prendre de la nourriture, de s’occuper d’affaires. Le castrat Farinelli pouvait seul, par sa voix ravissante, triompher par instants de l’état de somnolence dans lequel son intelligence était constamment plongée et lui faire donner alors quelques signes apparents de volonté et d’activité. Philippe V eut, de son premier mariage avec Marie-Louise-Gabrielle de Savoie, Louis et Ferdinand VI, qui furent rois d’Espagne, et de son second mariage avec Élisabeth Farnèse quatre fils, dont l’un fut Charles III, roi des Deux-Siciles, puis d’Espagne.

— Iconogr. C’est par des artistes français que le petit-fils de Louis XIV fit le plus souvent exécuter son portrait. Quelques jours avant de quitter la France pour aller prendre possession de son royaume d’Espagne, en 1700, il fut peint par Hyacinthe Rigaud, dans un tableau qui se voit aujourd’hui au Louvre : il est debout, tête nue, la main droite appuyée sur la couronne placée sur une table recouverte d’un tapis de velours rouge, la gauche sur la hanche ; il porte le cordon du Saint-Esprit et le collier de la Toison d’or. Une gravure de Pierre Drevet exécutée en 1702, d’après H. Rigaud, représente le jeune prince vêtu à l’espagnole. On doit au même graveur un autre portrait de Philippe V d’après Fr, de Troy. R. van Àudenaerde en a gravé un à Rome, d’après P. Valentini. En Espagne, le portraitiste ordinaire de Philippe V fut Jean Ranc, de Montpellier ; le musée de Madrid a, de la main de cet artiste, trois portraits, dont l’un représente le roi à cheval, revêtu d’une cuirassa avec une écharpe rouge, la décoration de l’ordre du Saint-Esprit et un bâton de commandement à la main, précédé par la Victoire et suivi d’un écuyer qui porte son casque. À Palerme, sur la place de la Victoire, est une statue en marbre de Philippe V, qui a remplacé une statue de bronze détruite en 1848, et dont le piédestal est décoré de quatre figures d’Esclaves. J.-B. Berterham a gravé les Cérémonies du serment de fidélité prêté à Philippe V. Un tableau d’Ingres, peint en 1818 et qui appartient au duc de Fitz-James, représente Philippe V et le maréchal de Berwick ; il a été gravé par Réveil.