Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/POLIGNAC, en latin Apolliniacum, bourg de France (Haute-Loire)

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Administration du grand dictionnaire universel (12, part. 4p. 1298).

POLIGNAC, en latin Apolliniacum, bourg de France (Haute-Loire), cant., arrond. et à 4 kilom. N.-O. du Puy, au pied d’un rocher élevé ; pop. aggl., 587 hab. — pop. tot., 2, 274 hab. Fabrication de dentelles ; commerce de grains et bestiaux. Sur le rocher escarpé qui domine le bourg s’élèvent les ruines de l’ancien château de Polignac. Ce château, dont les ruines pittoresques occupent la vaste plate-forme volcanique qui domine le bourg, fut entièrement dévasté à l’époque de la Révolution ; mais le donjon carré, d’une épaisseur que ni le temps ni la main des hommes n’ont pu entamer, a été intelligemment réparé par les ordres de la famille de Polignac. Peu de monuments offrent à l’archéologue et à l’artiste des particularités plus curieuses que ces ruines ; l’édifice fut évidemment construit sur l’emplacement de quelque colonie romaine ; dans l’une des salles basses des tours se trouvent dix à douze belles pierres antiques en grès blanc; l’une d’elles porte une inscription latine abrégée dont voici la traduction:« Tibère Claude, César auguste, vainqueur des Germains, grand pontife, dans sa cinquième puissance tribunitienne, père de la patrie, consul pour la quatrième fois. » Ce monument n’est autre que celui qui consacrait jadis la présence de l’empereur Claude, venu en grande pompe de Lyon à Polignac pour consulter l’oracle d’Apollon. Indépendamment de ces pierres, il faut encore citer, parmi les antiquités romaines du château, le masque ou bas-relief d’Apollon, d’un travail large et achevé, et le Puits des oracles, en granit. « Ce masque colossal, dit le savant archéologue qui nous fournit ces détails, a 1m, 28 de largeur sur 1 mètre de hauteur. L’ouverture de la bouche, qu’on remarque au milieu d’une barbe très-volumineuse, ne laisse apercevoir qu’un trou ovale qui a dû servir à l’introduction d’un tube. Le Puits des oracles est une excavation de 7 mètres de profondeur surmontés par un bloc de grès, imitant extérieurement la forme d’un autel antique, évidé et formant comme la margelle d’un puits. Sa hauteur est de 0m, 65 ; il est orné extérieurement de moulures d’une belle proportion. Le masque d’Apollon s’appliquait exactement sur cette sorte d’autel et fermait le puits. Le fait est d’autant plus certain qu’on remarque des restes d’agrafes de cuivre scellés dans le masque et qui correspondent aux trous qu’on voit sous l’autel. » On remarque encore au château de Polignac les salles souterraines dites du Puits de l’oracle ; le fond de ce puits présente latéralement deux salles voûtées, en rectangle de 7 mètres de longueur sur 3m, 25 de largeur, séparées par cinq arcades à plein cintre que supportent d’énormes piliers d’un seul bloc, hauts de 1 mètre et demi. Ces salles, lors de l’établissement du château fort, furent converties en citernes pour les besoins de la garnison. Enfin, à 10 mètres environ du Puits de l’oracle, à l’ouest, on rencontre le précipice, puits véritable, parfaitement rond et taillé dans le roc. La tradition rapporte qu’il y avait jadis au bas de ce puits, creusé en forme de cône renversé, une communication avec le Puits de l’oracle. Quant au donjon dont nous avons parlé et qui domine toute la contrée, c’est, grâce aux intelligentes restaurations dont il a été l’objet, un des plus curieux restes de l’architecture militaire du moyen âge.

Les seigneurs de Polignac, comme tant de barons du moyen âge, furent pendant plusieurs siècles la terreur des habitants du voisinage. Ils organisaient de petites expéditions, pillaient et rançonnaient tout ce qui habitait ou passait à portée de leur repaire.

Pons de Polignac et Armand son fils détroussaient les passants ou les conservaient prisonniers, et se faisaient payer en argent ou en nature, selon leurs besoins du moment, n’épargnant ni clercs ni laïques. Associés à plusieurs brigands de leur espèce qui possédaient des manoirs voisins du leur, ils se livraient à cette lucrative industrie. De 1158 à 1163, l’évêque Pons II et après lui l’évêque Pierre IV, du Puy, cherchèrent à résister à ces déprédations, et, ne pouvant y parvenir, implorèrent le secours du roi de France. Louis XII vint assiéger Polignac en 1163 et s’en rendit maître ; mais il se montra clément pour les sires de Polignac et se contenta de leur faire jurer qu’ils renonceraient à leurs courses dans les montagnes. Ils tinrent leur serment aussi longtemps que l’armée du roi de France fut à portée de les châtier ; mais quand elle eut quitté la province, ils reprirent leur ancienne vie. Louis XII vint de nouveau les attaquer, les vainquit, les emmena prisonniers à Paris et mit garnison dans leur château. Alors seulement la province du Velay put trouver la paix à l’abri de l’imposante forteresse gardée par les soldats du roi.