Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/PRUSSE, royaume faisant partie de l’empire d’Allemagne (supplément 2)

La bibliothèque libre.
Administration du grand dictionnaire universel (17, part. 5p. 1744-1745).

  • PRUSSE, royaume faisant partie de l’empire d’Allemagne. — La population, qui était en 1875 de 25.742.404 hab. se montait en 1885 à 28.318.470, sur lesquels 319.192 étaient originaires d’autres États allemands, et 156.969 étrangers, pour la majeure partie Autrichiens, Italiens, Danois et Russes. Quant au culte, 64 pour 100 environ sont protestants ; 34 catholiques et moins de 1 pour 100 juifs. La Prusse, en 1885, possédait 12 villes de plus de 100.000 habitants:Berlin (1.315.287) ; Breslau (299.610) ; Cologne (261.401) ; Francfort-sur-le-Mein (154.513) ; Kœnigsberg 151.151) ; Magdebourg (143.471) ; Hanovre 139.731) ; Dusseldorf (115.190) ; Dantzig (114.805) ; Elberfeld (106.499) ; Altona (104.717) ; Barman (103.068). 43, 63 pour 100 de la population totale s’occupent d’agriculture ; 34, 42 pour 100 d’industrie ; 9, 90 pour 100 de commerce.

Agriculture. L’agriculture est développée surtout dans les provinces de Posen, de la Prusse orientale et occidentale, de la Poméranie. La petite et la moyenne culture dominent ; la grande culture ne se rencontre que dans quelques provinces de l’Est. L’impôt foncier varie depuis 11 fr. 50 par hectare, dans la Prusse orientale, jusqu’à 37 fr. 80 dans la province rhénane, et 39 francs en Saxe. La Prusse pourrait suffire à nourrir ses habitants ; néanmoins l’importation et 1’exportation des produits agricoles sont considérables. 8.146.037 hectares sont occupés par des forêts qui se répartissent fort inégalement, selon les régions, et dont 2.409.739 hectares appartiennent à l’État. Celui-ci les administre fort sagement et il a fait récemment des lois contre le déboisement.

Trois haras principaux appartenant à l’État pourvoient à l’entretien et au perfectionnement des belles races chevalines. L’ensemencement des rivières a produit d’excellents effets.

Mines. L’exploitation des mines en 1883 a donné 69.222.260 tonnes de minerai, d’une valeur de 458.000.000 de francs ; la houille seule atteignait une quantité de 50.611.018 tonnes, d’une valeur de 318.000.000 de francs. Les hauts fourneaux sont au nombre de plus de 200.

Industrie — La politique commerciale du gouvernement, les lois de protection des brevets, les capitaux considérables engagés dans les affaires, enfin les progrès qu’a faits l’enseignement technique ont mis la Prusse au rang des premières nations industrielles.

Moyens de communication. On estime la longueur totale du réseau des chemins de fer à 22.000 kilom. 90 pour 100 des lignes de chemins de fer sont la propriété de l’État.

Le nombre des bâtiments faisant le service sur les côtes et sur les rivières est de 13.120. Mais la flotte prussienne n’a pas dans le commerce universel une part en rapport avec son importance réelle, car elle emploie souvent l’intermédiaire des villes hanséatiques, de la Grande-Bretagne et des Pays— Bas.

Finances. L’administration prussienne est très économe des deniers publics. En 1888, la dette de la Prusse, y compris celle des pays annexés, était d’environ 5.000.000.000 de francs. Pour l’année financière 1888-1889, les recettes nettes se sont élevées à 946 millions 108.516 francs ; les dépenses, à. 1.763.411.151 francs. L’année financière commence le 1er avril.

Instruction publique. On sait que la Prusse est l’une des nations où l’instruction publique est le plus perfectionnée. L’enseignement élémentaire est obligatoire ; la direction supérieure de l’enseignement appartient à l’État. Parmi les recrues annuelles, c’est à peine si 2 pour 100 sont dénuées de toute instruction. Ce chiffre même s’abaisse encore pour certaines régions. Le nombre des écoles publiques est d’environ 33.000 où plus de 4.000.000 d’enfants reçoivent les leçons de 60.000 maîtres et maîtresses ; 120.000 enfants fréquentent les écoles privées. De nombreuses écoles du soir et du dimanche, souvent subventionnées par l’État, donnent aux adultes un complément d’instruction. Les frais des écoles primaires s’élèvent, chaque année, à plus de 120.000.000 de francs, dont 66 pour 100 sont fournis par les communes, 12 pour 100 par la rétribution scolaire qui n’est pas encore abolie partout; 12 pour 100 par l’État, et le reste par diverses autorités laïques ou ecclésiastiques. Chaque écolier coûte par an environ 30 francs. Il y a pour l’enseignement secondaire:500 gymnases et realschulen ; pour l’enseignement supérieur, des universités à Koenigsberg, Breslau, Greifswald, Berlin, Halle, Kiel, Gœttingue, Marburg et Bonn, avec plus de 1.000 professeurs et 13.000 étudiants environ ; des écoles techniques supérieures pour l’agriculture à Pappelsdorf et à Berlin, puis à Breslau, Halle, Gœttingue ; des académies forestières à Eberswald, Munden, et de très nombreuses écoles secondaires et inférieures pour toutes les branches de l’industrie et pour l’agriculture.

Les académies des Beaux-Arts de Berlin, Kœnigsberg, Cassel, Dusseldorf, l’École supérieure de musique de Berlin, etc., sont destinées à l’enseignement des arts.

Criminalité. Pour apprécier la moralité publique, nous remarquerons que, en 1884, sur 10.000 personnes âgées de plus de douze ans, 104.2 étaient condamnées, dont 17.4 pour des délits contre l’État, 1’ordre public ou la religion; 34.3 pour délits contre les personnes, et 52.0 pour délit contre la propriété. Armée. L’armée prussienne forme, comme ou le sait, la partie principale de l’armée de l’empire allemand, et comprend, outre le contingent prussien proprement dit, le contingent de tous les États de l’Allemagne, sauf la Bavière, le Wurtemberg et la Saxe. Pour Waldeck, Schwarzburg-Sondershausen, les deux provinces de Lippe et les trois villes hanséatiques, la Prusse a pris la direction de l’administration militaire, et peut disposer, sous certaines réserves, des troupes de ces États. Les contingents de Bade, de Hesse, des deux Mecklembourg, d’Oldenbourg, d’Anhalt et des États de Thuringe font partie, sous diverses formes, de l’armée prussienne, de sorte que le roi de Prusse en serait le chef en cas de guerre.

L’armée comprend, sur le pied de paix, environ 14.000 officiers et 330.000 hommes ; sur le pied de guerre, 25.000 officiers et 1.000.000 d’hommes. Les contingents des autres États allemands non incorporés dans l’armée prussienne ont reçu la même organisation.

Marine. Il n’existe plus de marine prussienne depuis la fondation de l’empire d’Allemagne ; il n’y a plus qu’une marine impériale allemande, sous le commandement suprême de l’empereur d’Allemagne.

Histoire et littérature. V. Allemagne.

Prusse (ÉTUDES SUR L’HISTOIRE DE), par Ernest Lavisse (Paris, 1885, in-16). Les études réunies dans ce volume sont des morceaux détachés de l’histoire de Prusse. M. Lavisse y montre que la Prusse est « un État allemand fondé hors des frontières d’Allemagne » et que, si elle a prévalu sur l’Autriche, c’est qu’elle a été un État au service duquel toutes les forces ont été pliées et disciplinées. La Prusse moderne date du XVIIe siècle, du jour où le Grand Électeur mit le même uniforme sur le dos de ses soldats des duchés rhénans, du Brandebourg et de la Prusse, et plaça au-dessus des États provinciaux et des privilèges de chacun de ces pays une administration centrale qui représenta la partie prussienne. Mais il importait d’étudier les lointaines origines, et M. Lavisse a consacré deux chapitres à l’histoire de la Marche de Brandebourg jusqu’au XIVe siècle. Il a ensuite retracé les destinées de la corporation chevaleresque allemande. Les chevaliers Teutoniques ont fait sur la rive droite de la Vistule la même œuvre que les margraves de Brandebourg sur la rive droite de l’Elbe ; ils ont été, bien loin du corps de bataille, une avant-garde allemande exposée aux efforts de l’ennemi et dont l’histoire a le dramatique intérêt d’une lutte perpétuelle entre deux races. Les chapitres sixième et septième, où il est parlé des princes colonisateurs, montrent que l’État des Hohenzollern a été avec des moyens meilleurs et des idées plus nettes le continuateur des margraves et des chevaliers.

L’histoire de la fondation de l’université de Berlin est le sujet de la dernière étude. Cette université a été créée au temps où la Prusse semblait sur le point de mourir moins encore de sa défaite que des défauts de sa constitution. M. Lavisse fait remarquer qu’un régime politique où les individus ne sont que des instruments au service de l’État procure, pendant un certain temps, à cet État des forces extraordinaires, mais que les individus s’habituent à se reposer sur lui du soin de tout savoir et de tout faire. Si donc il arrive que quelque coup imprévu brise ou dérange le mécanisme, l’individu ne sait où se prendre pour résister ou pour continuer de vivre, Iéna fut ce coup imprévu, mais le roi de Prusse comprit toute la force qu’il retirerait de la création d’une université et songea au relèvement de l’État par l’école.

Les épisodes développés par M. Lavisse sont pleins d’intérêt pour l’histoire générale de la Prusse. Nous ajouterons qu’ils sont traités avec cette hauteur de vues dont on ne devrait jamais se départir lorsqu’on parle d’un ennemi.

Prussienne (ÉTUDE SUR L’UNE DES ORIGINES DE LA MONARCHIE), par Ernest Lavisse (Paris, 1875, in-8°). La monarchie prussienne a une double origine, la Prusse et le Brandebourg, dont les histoires demeurèrent distinctes l’une de l’autre jusqu’en 1618. L’histoire spéciale de la Marche de Brandebourg méritait donc une étude à part, et l’ouvrage dont on a lu le titre, ouvrage par lequel M. Lavisse préluda à ses solides études sur la politique allemande, est précisément destiné à exposer les origines de la Marche qu’il conduit jusqu’à l’extinction de la dynastie ascanienne. Quand est né le Brandebourg ? Quelle mission fut assignée à ses chefs et comment l’ont-ils remplie ? Quelles relations ont-ils entretenues avec l’Allemagne ? Quelles ont été leurs conquêtes en pays slave ? Quel est le véritable caractère de l’autorité margraviale et quelle est la portée de son œuvre ? Telles sont les grandes lignes de l’étude de M. Lavisse.

Il s’agit, on le voit, d’un point peu connu d’histoire ; la genèse de l’État prussien. « L’État brandebourgeois est sorti d’une Marche, et cette origine en a déterminé tout le caractère… De même que certaines institutions s’imposaient au Brandebourg, à cause de sa qualité d’État frontière, de même la direction où devait s’avancer la conquête ascanienne était marquée d’avance par la situation géographique de la Marche. Placée au milieu de la grande plaine germano-slave, sur les deux rives de l’Elbe moyen, elle ne pouvait s’étendre du côté de l’Allemagne, où toutes les positions étaient prises. C’est à l’est qu’elle devait prendre corps, aux dépens des petites principautés slaves désorganisées. Mais un État ne peut s’allonger en plaine, parallèlement à la montagne et à la mer, sans chercher à couvrir ses flancs menacés de toutes parts. Riverains de l’Elbe, les margraves ne pouvaient point ne pas s’efforcer de remonter le fleuve et de le descendre. Ils étaient nécessairement attirés vers la montagne et vers la mer. Ils ont atteint l’une, et à plusieurs reprises touché l’autre. » N’ayant pas, à proprement parler, de frontières, le Brandebourg devait, ou périr comme la Pologne ou sortir de la médiocrité, mais s’il devait durer, il fallait d’abord qu’il prît racine par des institutions très fortes sur ce sol découvert, et il était condamné pour garantir sa sécurité à s’agrandir toujours. « Les margraves ascaniens, sans cesse en mouvement, achetant tout ce qui est à vendre, prenant tout ce qui est à prendre, annoncent les Hohenzollern, mettant à profit toutes les occasions de rectifier leur frontières. C’est sans le savoir que les Hohenzoilern ont suivi sur tant de points l’exemple des ascaniens : la persévérance dans les mêmes traditions s’explique par la persistance des mêmes nécessités. »