Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Rainouart au Tinel, chanson de geste

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Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 2p. 647).

Rainouart au Tinel, chanson de geste qui se rattache incidemment au cycle de Guillaume au Court-Nez. Rainouart est un géant burlesque, très-beau, invincible à la guerre, mais simple d’esprit, ivrogne et glouton d’habitude. Après la bataille d’Alescham, Guillaume l’avait remarqué dans les cuisines du roi, où le jeune géant était alors marmiton. On découvre qu’il est fils de l’émir de Cordoue. Rainouart, emmené par Guillaume, reçoit le baptême et, sans souci des liens du sang, combat contre son père ; il défait pour ainsi dire à lui seul l’armée des infidèles : pour toute arme, il a une énorme massue qu’il appelle Tinel, avec laquelle il assomme une multitude de Sarrasins. Après la victoire, Rainouart épouse la belle Aelis, dont il a pour fils un autre géant nommé Maillefer. Ici finit la première branche de Rainouart ; elle comprend six mille vers.

Dans la seconde partie, nous voyons les démons et les fées jouer un rôle important, chose très-rare dans les poèmes carlovingiens ; c’est un emprunt fait aux romans de la Table Ronde. Rainouart tue en combat singulier le géant sarrasin Loquifer. Un autre duel a lieu entre l’émir de Cordoue, père de Rainouart, et Guillaume au Court-Nez ; le Sarrasin est vaincu et tué après trois jours de lutte ; Rainouart ne dissimule pas sa joie et plante la tête de son père au-dessus de la porte de son château ; mais cette tête amène de si furieux orages, qu’il se voit contraint de la jeter à la mer. Cependant Aelis est morte et le jeune Maillefer a disparu, enlevé par les païens ; Rainouart est inconsolable. Une distraction pourtant lui est offerte. Les fées le transportent un beau soir dans l’île d’Avalon, le pays des enchantements ; là, il voit le roi Artus, Roland, Gauvain, Perceval et devient l’amant de la fée Morgane. Au bout de quinze jours, le bon géant s’ennuie de toutes ces merveilles et part d’Avalon pour se rendre à Odierne, où il espère retrouver Maillefer. Mais Morgane, furieuse, fait échouer le navire ; heureusement, les sirènes, que la beauté de Rainouart a séduites, le recueillent et le déposent sur le rivage d’Odierne. Maillefer n’y était plus ; Rainouart revient dans son château.

La troisième partie de la légende de Rainouart, versifiée par Guillaume de Bapaume, est intitulée : Moniage de Rainouart. Le guerrier finit comme Guillaume au Court-Nez, comme Bernard de Naisil et bien d’autres ; il se fait moine pour expier ses péchés ; il entre à l’abbaye de Brioude. Mais bientôt il effraya ses paisibles compagnons par son étrange voracité, son mépris de la discipline et son indifférence pour les offices. Les moines essayent plusieurs ruses pour se débarrasser de cet homme terrible, mais ils n’y peuvent parvenir. Rainouart reste malgré tout à Brioude, où il finit sa longue et aventureuse carrière. Il y a ça et là dans ces trois poèmes des éclairs de gaieté et d’esprit, mais souvent aussi des lieux communs et des longueurs.