Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Renaud de Montauban, chanson de geste attribuée à Huon de Villeneuve

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Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 3p. 947).

Renaud de Montauban, chanson de geste attribuée à Huon de Villeneuve, mais due probablement à un trouvère anonyme du xiiie siècle. Cette chanson forme une des branches de la célèbre légende des Quatre fils Aymon, si souvent remaniée et traduite dans toutes les langues de l'Europe. Le récit commence par une grande cour plénière tenue à Paris. L'empereur Charles jette les yeux autour de lui ; il distingue parmi ses vassaux le duc Aymon et son frère Girart de Roussillon ; mais le duc Beuve d'Aigremont, autre frère d'Aymon, est absent ; l'empereur, irrité, jure qu'il abattra son château et sa ville. Aymon se lève et essaye d'excuser son frère ; il avertit Charlemagne que le duc a trop de bons amis pour être aisément réduit à demander pardon. « Mais qui donc oserait le défendre contre moi ? répond l'empereur. Par ma barbe mêlée, s'il s'en trouvait un seul, je n'hésiterais pas à le faire pendre! » S'adressant ensuite directement au duc Aymon :

« Aymes, allez vos en, sans nul atargement;
Je saisirai vo terre et votre chasement. »
Et li duc li répond : « Donc ira malement ! »
Lors se parti de cour sans nul détriement;
Avec li s'en allèrent quatre mil et sept cents.

Ce départ étonne l'empereur et lui fait prêter l'oreille à de meilleurs conseils. Avant de commencer la guerre, il envoie au duc d'Aigremont une ambassade. Les messagers remplissent leur mission avec l'insolence requise en pareil cas; le duc Beuve répond en tranchant de son branc acéré la tête de l'orateur. « Voilà, dit-il aux autres, le seul tribut que votre empereur recevra de moi ; portez-lui cet hommage et dites-lui que, s'il ose venir assiéger Aigrement, il ne sera pas mieux traité. » Charlemagne, cédant aux instances de ses barons, tente un nouveau moyen de conciliation. Cette fois, c'est Lohier ou Lothaire, le fils de Charles, que Naime propose d'envoyer vers Beuve. L'empereur essaye bien de soustraire son fils à un pareil danger ; mais les conseillers lui résistent. Lohier reçoit donc le gant et le bâton, signes de la délégation royale, et part accompagné de 300 chevaliers qui, pour rendre la route moins longue, chantent et répètent sonnets, fabliaux et chansonnettes. Ils arrivent au point du jour devant Aigrement. On ouvre les portes ; dans la grande salle du château étaient rassemblés une multitude de vassaux, Lohier fait un discours insultant et plein de menaces ; il ordonne à Beuve de venir à la première fête servir l'empereur à la tête de 400 chevaliers ; s'il hésite, Charles viendra lui-même le chercher et le fera pendre. Il finit en s'exaspérant de plus en plus et tire son épée ; la mêlée devient aussitôt générale. Les Français étaient armés de pied en cap ; les Bourguignons n'avaient que- leurs brancs acérés. Ils reculent, s'échappent dans les couloirs et les escaliers ; puis, quelques instants après, reviennent couverts de leurs cuirasses ; le peuple accourt aussi et les Français sont massacrés. Le peu qui survivent placent le cadavre de Lohier sur un cheval et reprennent tristement la route de Paris. La guerre commence ; l'empereur ne peut forcer les murs de Troyes défendu par Beuve et une réconciliation finit par avoir lieu. Mais, peu de temps après, le duc d'Aigrement est assassiné.

C'est après ces divers épisodes que paraît le héros du poëme et que s'ouvre la partie la plus originale du récit. Le duc Aymon a quatre fils, dont l'aîné est Renaud. Dans une partie d'échecs avec Bertholain, neveu de l'empereur, il _est insulté et tue Bertholain d'un coup de l'échiquier sur la tête. On s'émeut ; on crie aux armes ! Les quatre frères font une glorieuse retraite, après avoir jonché le palais de morts et de blessés. L'empereur réunit son conseil et jure de punir de mort quiconque prendra le parti des quatre frères. Aymon se voit contraint d'abandonner ses enfants ; il s'engage même par serment à les livrer à Charlemagne s'il peut les joindre. Les quatre fils Aymon se retirent à Château-Renaud, au milieu de la forêt des Ardennes, et l'empereur les poursuit. Ici commence un long récit d'aventures et de combats dont on trouvera l'analyse à l'article AYMON (les quatre fils), qui donne la physionomie générale de cette fameuse épopée.