Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/SALICETTI (Christophe), homme politique italien

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Administration du grand dictionnaire universel (14, part. 1p. 109-110).

SALICETTI (Christophe), homme politique italien, né à Bastia en 1757, mort à Naples en 1809. Il appartenait à une famille originaire de Plaisance, que les querelles des guelfes et des gibelins chassèrent de la ville. Après avoir fait ses études au collège des barnabites de Bastia, Salicetti étudia le droit à Pise. De retour en Corse, il se fit inscrire avocat au conseil supérieur de l’île. Il montrait déjà toute la fougue de ce caractère hardi et prompt qui en a fait une des figures les plus accentuées de la Révolution. Paoli était réfugié à Londres ; plein d’admiration pour son compatriote, qui, pour lui, personnifiait encore l’amour héroïque de la liberté, le jeune avocat entra en correspondance avec lui et, le mettant au courant des faits de chaque jour, il ne cessait d’entretenir chez le général l’idée d’un prompt retour : mais il ne put se rencontrer avec le grand patriote. En 1789, le suffrage de ses compatriotes le porta aux états généraux pour représenter le tiers état. Il s y dévoila bientôt novateur hardi : ne reculant devant aucune des conséquences qu’entraînait la liberté, il fit décréter la réunion de la Corse à la France ; en même temps qu’il dénonçait son compatriote Buttafoco, député de la noblesse, il obtenait le rappel de Paoli et faisait déclarer infâme son calomniateur, Buttafoco. Jamais la Corse n’eut de plus zélé défenseur de ses intérêts ; aussi, quand l’Assemblée constituante résigna son mandat, Salicetti reparut à la Convention nationale, après avoir exercé quelques mois en Corse les fonctions de procureur syndic. Il vota la mort de Louis XVI sans appel au peuple ni sursis. Paoli, lassé, effrayé peut-être des excès de la Révolution, avait appelé les Anglais. Salicetti le renia alors, se fit envoyer en Corse et y décréta la formation d’un corps de troupes chargé de la défense de l’île ; mais il fut appelé à l’armée devant Toulon, comme commissaire de l’Assemblée. Il vit là son jeune compatriote Bonaparte, le protégea, le soutint contre ses collègues avec cette ardeur qu’il portait en tout. En 1794, il fut envoyé à l’armée d’Italie en qualité de représentant du peuple en mission ; il prévint la révolte dans Gênes, lança des proclamations aux villes italiennes, les électrisant ou les effrayant tour à tour, et contribua ainsi au succès de la campagne. Cependant, son zèle, son emportement l’avaient désigné à la réaction antiterroriste. Appelé à Paris, décrété d’accusation le 9 thermidor pour avoir participé à un mouvement populaire dirigé contre la Constituante, il vint lui-même se défendre et emporta son acquittement. Il rentra alors à l’armée d’Italie, et là, malgré le Directoire, qui l’avait envoyé avec mission de surveiller et surtout de contrarier les plans du général Bonaparte, il adopta les plans de son compatriote et encouragea ses audaces. En novembre 1796, il passa en Corse et, en mars 1797, le département du Golo l’envoya au conseil des Cinq-Cents. Fidèle à ses principes républicains, il entra dans la Société du Manège et fit partie du club de la rue du Bac. Le 18 brumaire vint l’y surprendre. Comme il s’était détaché de Bonaparte, dont l’ambition le blessait dans ses convictions, Sieyès l’avait porté sur la liste de proscription ; mais le premier consul le raya de sa main, il lui devait trop. Après une nouvelle et courte mission en Corse, il fut nommé ministre plénipotentiaire à Lucques pour y présider à l’établissement d’une nouvelle constitution. En ventôse an X, nommé ambassadeur à Gênes, il échoua dans son projet de réunion de cet État à la France. En 1806, Napoléon l’attacha à son frère Joseph, qu’il venait de nommer roi de Naples, en lui disant : « Mon frère, je vous donne un homme précieux, sur lequel vous pouvez entièrement vous reposer, » jugement que l’empereur devait reproduire dans ses mémoires sous cette forme si concise et si énergique : « Salicetti, les jours de danger, valait cent mille hommes. » Successivement ministre de la police générale et ministre de la guerre, il ne recula devant aucune mesure de rigueur pour anéantir les insurrections que ne cessaient de fomenter les Anglais ; c’est lui aussi qui conserva la couronne sur la tête du roi Joseph en l’empêchant de se retirer lors de la révolte de la Calabre. Ferme sans cruauté, quoi qu’en aient pu dire certains historiens, il le prouva par sa conduite après la paix de Tilsitt ; il se montra alors aussi modéré, aussi juste, le calme rétabli, qu’il avait été inexorable aux jours de danger. Il avait marié sa fille au prince de Torello, et, peu après, il faillit être victime d’un complot : un baril de poudre, caché dans les caves, fit sauter une partie de son hôtel ; il en fut préservé par miracle, au moment où il sortait de l’appartement de sa fille, et celle-ci fut retirée saine et sauve des décombres. Lorsque Joseph quitta Naples pour monter sur le trône d’Espagne, Salicetti obtint de ne pas quitter son poste et, seul, il gouverna le royaume jusqu’à l’arrivée de Murat. Il porta ombrage à ce dernier, qui le destitua et le remplaça par le général Reynier. Rentré à Paris, Salicetti se plaignit à l’empereur de cet étrange procédé. Napoléon, que blessait déjà la hauteur de son beau-frère, renvoya Salicetti auprès de Joachim pour le surveiller et surtout pour soutenir avec la reine le parti français. Il protesta donc hautement contre le décret du roi Murat qui forçait les Français résidant dans ses États à se faire naturaliser, et devait ainsi séparer le royaume de Naples de l’empire français. Murat plia devant la volonté nettement formulée de l’empereur, mais Salicetti dut partir.

Nommé membre de la consulta chargée de prendre possession de Rome, il quitta la ville dès qu’il apprit que l’armée anglo-sicilienne débarquée en Calabre marchait sur Naples. Il arriva dans cette ville quand Murat allait se retirer derrière le Volturne. Organisant aussitôt la garde nationale et oublieux de l’ingratitude du nouveau roi, il déploya dans cette crise, à laquelle mit fin la victoire de Wagram, l’énergie et le dévouement dont il avait si souvent donné la preuve au roi Joseph. Cette conduite devait-elle lui rendre l’affection et l’estime du roi Murat ? le préfet de police Maghella craignait-il de se voir remplacé par lui ? on ne le sait ; toujours est-il que, le 11 décembre 1809, en sortant d’un dîner donné par ce Maghella, Salicetti fut pris de coliques et mourut aussitôt.