Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Temple (sir william)

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Administration du grand dictionnaire universel (14, part. 4p. 1586).

TEMPLE (sir William), célèbre homme d’Etat anglais, né à Londres en 1628, mort en 1699. Il était fils de sir John Temple, maître des rôles d’Irlande, connu comme auteur d’une Histoire de la réuolte irlandaise de 164 i. Élevé d’abord par son oncle, Henri Hammond, théologien distingué et zélé royaliste, il fut envoyé plus tard à l’université de Cambridge ; mais, au rapport de sa propre sœur, lady Giffart, qui a écrit sa biographie, il y mena une vie aussi joyeuse que paresseuse. En 1648, il partit pour le continent, passa deux ans en France, visita ensuite la Hollande, les Flandres et l’Allemagne, et revint en Angleterre possédant à fond les langues française et espagnole. Bien que son père ne fût pas riche et qu’il eût même été privé un certain temps de son emploi de maître des rôles, William n’embrassa d’abord aucune carrière et vécut au sein de sa famille en Irlande, après avoir épousé, en 1054, la fille de Pierre Osborne, gouverneur de l’île.de Wight, pour laquelle il éprouvait depuis plusieurs années


un profond attachement. En 1660, il fut élu, snns avoir posé sa candidature et à son corps défendant en quelque sorte, membre de la convention d’Irlande pour le comté de Carlow et, après la restauration, fut envoyé par le même comté au premier Parlement régulier, où il eut pour collègues son père et son frère puîné. En juillet 1661, il fut l’un des commissaires chargés d’aller attendre le roi et d’appuyer auprès de ce prince la mise à exécution de diverses mesures relatives aux intérêts de l’Irlande. En 1663, il alla se fixer en Angleterre et fut recommandé par le ddc d’Ûrmond à. lord Arlington, secrétaire d’État, qui le prit en grande affection et le fit charger, en 1665, d une mission secrète auprès de l’évêque de Munster, qu’il s’agissait de mettre en mouvement contre la Hollande, alors en guerre avec l’Angleterre. Bien que l’envoyé n’eût pas atteint le but désiré, il avait fuit preuve dans cette négociation des talents d’un diplomate consommé et parut à Arlington l’homme le plus capable d’occuper le poste de résident de l’Angleterre à Bruxelles. Mais bientôt après (décembre 1667), il fut envoyé à La Haye et y décida de la conclusion du fumeux traité de la Triple-Alliance entre l’Angleterre, la Hollande et la Suède. De là, il passa, comme ambassadeur, à Aix-la-Chapelle, où il eut une part importante à la conclusion de la paix entre l’Espagne et la France. Il résida dans cette villa jusqu’en 1670, toujours fidèle à la politique qu’il avait inaugurée parle traité de la Triple-Alliance ; mais, dans cet intervalle, un revirement complet s’était opéré dans les desseins de Charles II, qui étuit devenu l’allié secret de la France, et Temple, brusquement rappelé et ne voulant pas seconder une politique si opposée à celle qu’il avait suivie jusqu’alors, quitta ses fonctions. On dit hautement à cette époque en Angleterre que sa démission avait été une des conditions imposées par le gouvernement français. Il vécut dans la retraite jusqu’en 1674, où il fut rappelé pour conclure à Londres un traité de paix avec la Hollande. On lui offrit ensuite l’ambassade d’Espagne, mais il la refusa pour reprendre son ancien poste à La Haye, où il prit la part la plus importante aux négociations qui amenèrent le traité de Nimègue (1678), ainsi qu’à celles du mariage de la princesse Marie, nièce de Charles II, avec le prince d’Orange. À son retour à Londres, on voulut le faire entrer au ministère, mais il refusa et déclara que sa carrière politique était terminée. Les offres brillantes que lui fit plus tard Guillaume ne purent le faire revenir sur cette résolution, et il vécut retiré dans ses terres, s’occupant de travaux littéraires et d’études agricoles. Sir James Mackintosh nous paraît l’avoir, bien jugé dans les lignes suivantes:« Il semble être le modèle du négociateur, unissant la politesse et l’adresse à l’honnêteté. Son mérite, au point de vue de la politique intérieure, est aussi fort grand; à une époque d’événements critiques, il se montra à la fois partisan de la liberté et ennemi de tout ce qui aurait pu troubler le repos public. « Johnson, de son côté, appréciant en lui l’écrivain, dit « qu’il fut le premier qui donna de la cadence à la prose anglaise. » Un des esprits les plus fins de ce temps, M. H. Rigault, a jugé ainsi qu’il sqit cet homme politique:Temple, dit-il, ne fut pas un grand homme d’État ; il craignait les orages de la vie politique dans un État libre, et quand Guillaume III vint le visiter dans son verger pour le ramener du jardinage au ministère. Temple lui montra, comme Dioclétien, Bes fleurs, ses légumes et les abricots dont se moque M. Macaulay. Il se souvint qu’Horace, son chef d’école, avait refusé d’être le secrétaire d’Auguste, et il repoussa le portefeuille, se contentant, comme le dit très-bien Basnage, d’en avoir paru digne. Temple n’est pas un héros, c’est un sage, et, comme l’héroïsme est rare, on peut se rabattre sur la sagesse, quand on la rencontre, et n’être pas mécontent. Le désintéressement de Temple n’est pas d’un exemple dangereux. Les hommes seront toujours plus tentés par l’éclat des grandes places que par les douceurs du repos. Temple a vu le feu diplomatiquement, et il a eu son jour de victoire. Le traité de la Triple-Alliance fit sa réputation en Europe. Sans doute, il ne compte pas dans sa carrière beaucoup d’exploits comme celui-là ; mais alors même que ses services jetèrent inoins-d’éclat, ils furent toujours habiles et honorables. Ce n’est pas un grand politique, c’est surtout un homme de lettres qui, ayant appris à se connaître lui-même et sachant que, dans l’art de conduire les hommes, il entre encore plus de volonté que d’esprit, s’éloigna sagement des affaires, où il apportait plus d’esprit que de volonté. Il n’est pas certain que cette sobriété d’ambition ait privé l’Angleterre d’un grand ministre, et il est sûr qu’elle lui a donné un excellent écrivain. »

Ses œuvres furent publiées à diverses reprises; la meilleure édition est celle de 1814 (4 vol. in-8°). Les parties suivantes ont été traduites en français:Remarques sur l’état des Provinces-Unies (1674, in-8°) ; Œuvres mêlées (Utrecht, iG93, in-12) ; Introduction à l’histoire d’Angleterre (Amsterdam, 1695, in-12) ; Lettres écrites pendant ses ambassades (1700-1725, 6 vol. in-12) ; Mémoires, de 1672 à 1679 (Amsterdam, 1708, in-12); Nouveaux mémoires (La Haye, 1729, in-12). Outre la Biographie de William Temple, écrite par sa sœur


lady Giffart, et qui se trouve en tête de l’édition de ses œuvres publiée en 1731, on peut encore consulter avec fruit : Mémoires sur la vie et les négociations de sir William Temple, par Abel Boyer (Londres, 1714, in-8°) ; Mémoires sur la vie, les œuvres et la correspondance de sir William Temple, par Courtenay (Londres, 1836, 2 vol.).