Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Tristan et Iseult, poëme chevaleresque du XIe ou du XIIe siècle

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Administration du grand dictionnaire universel (15, part. 2p. 520).

Tristan et Iseult, poëme chevaleresque du XIe ou du XIIe siècle. Il appartient au cycle de la Table ronde et est un des plus célèbres de ce cycle. Il roule tout entier sur les aventures de Tristan du Léonnois, sur ses amours adultères avec Iseult, femme de Mark, roi d’Islande, et sur les bons tours que les deux amants jouent au pauvre mari. C’est un des thèmes sur lesquels se sont le plus exercés les poètes du moyen âge ; il en existe des versions dans toutes les langues, et les aventures de Tristan furent chantées jusqu’en Scandinavie et en Islande. Cependant, le texte original a disparu et, des diverses rédactions qui subsistent, en prose ou en vers, toutes offrant entre elles d’assez notables différences dans les accessoires et les détails, aucune ne parait être autre chose qu’une traduction. Quatre de ces rédactions nous sont parvenues en entier, ce sont : une rédaction française ou plutôt normande, en prose, généralement attribuée à Luce, seigneur de Gast, près de Salisbury ; l’auteur dit avoir traduit cette histoire du latin sur l’ordre de Henri II, roi d’Angleterre ; une rédaction allemande, également en prose, qui parait avoir eu pour base la précédente ; un poème en vers, de Godefroy de Strasbourg, un des minnesingers les plus connus du XIIe siècle ; un poëme écossais de Thomas d’Erceldoun, en stances symétriques de onze vers chacune. On a de plus des fragments considérables de quelques autres rédactions, soit en prose, soit en vers ; Chrestien de Troyes en avait composé une qui est entièrement perdue ; il dut eu exister aussi une version provençale, à laquelle les troubadours du XIIe et du XIIIe siècle font de fréquentes allusions.

On n’a longtemps vu dans le roman de Tristan que le produit de l’imagination. Il est aujourd’hui démontré que tous les personnages qui y figurent sont historiques ; les romans de la Table ronde ne paraissent pas être autre chose que de très-anciennes chroniques, versifiées ou arrangées sous une forme agréable pour un public que la gravité de l’histoire aurait éloigné.

« Tristan, lit-on dans le Cambrian biography, fils de Talweh, célèbre capitaine qui vivait au milieu du VIe siècle, était avec Greidiol Gwon, l’un des trois hérauts de la Bretagne. Tristan, avec Gwair et Cai, était appelé l’un des trois princes couronnés. On les comptait aussi parmi les trois puissants porchers ; les deux autres étaient Coll et Pryderi. Il était un des trois qui portaient l’épithète de chefs obstinés que personne ne pouvait détourner de leurs projets. Il était aussi désigné comme un des trois fidèles amants, par rapport à son attachement pour Esyllt, femme de March Meirchiou, son oncle ; ce héros est familier aux lecteurs de romans sous l’appellation de sir Tristam. »

Suivant d’autres traditions, Tristan était aussi un barde gallois, disciple de Merddin. De plus, il était un des trois com-peers de la cour d’Arthur et vivait en 520. Il reste un dialogue en vers gallois entre lui et Gwalzmai, neveu d’Arthur.

M. Francisque Michel a publié, sous le titre de Tristan (Paris et Londres, 1835, 2 vol. in-12), le Roman de Tristan, fragments du poème en français-normand de Luce de Gast ; une poésie dont on ne sait pas l’origine, intitulée De Tristan ; le Lai du chèvre-feuille ; un extrait du Dounez des amans ; divers morceaux de poésie grecque ou latine du XIVe ou du XVe siècle, dont Tristan est le sujet. L’ouvrage de M. Francisque Michel contient, en outre, une table analytique, un glossaire et une introduction étendue, dans laquelle on peut trouver des renseignements très-précieux sur les légendes relatives à Tristan et sur les romans de la Table ronde en général. Un troisième volume (Londres, 1839, in-12) contient des fragments du poème de Tristan par Thomas d’Erceldoun.