Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/VACQUERIE (Auguste), littérateur et journaliste français

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Administration du grand dictionnaire universel (15, part. 2p. 719).

VACQUERIE (Auguste), littérateur et journaliste français, né à Villequier en 1819. Il fut admis fort jeune dans le cénacle romantique et devint un admirateur passionné de Victor Hugo, dont son frère Charles épousa la fille, Léopoldine. Ces liens de famille furent brusquement rompus par la fin tragique de Charles Vacquerie et de sa jeune femme, qui trouvèrent la mort dans une promenade en bateau à Villequier, près du Havre, en 1843 ; mais l’attachement que M. Auguste Vacquerie portait à la famille Hugo ne fit que s’accroître encore à la suite de ce deuil commun. Doué d’une imagination vive et originale, mettant en pratique les principes littéraires mis au jour par Hugo dans sa célèbre préface de Cromwell, M. Vacquerie débuta en 1840 par un recueil de poésies, l’Enfer de l’esprit (in-8°), et publia dans le Globe, puis dans l’Époque, des articles littéraires et critiques qui brillaient moins par le goût que par la recherche paradoxale, l’éclat du style et les fioritures de l’esprit. En 1844, il fit représenter à l’Odéon une traduction en vers de l’Antigone de Sophocle, en collaboration avec M. Paul Meurice, et publia, l’année suivante, Paroles, d’après Shakspeare, et les Demi-teintes (1845), recueil de poésies fantaisistes et quintessenciées, dans lequel on trouve son fameux sonnet à la neige (v. sonnet). En juillet 1848, il fit représenter à la Porte-Saint-Martin un drame bouffon en cinq actes et en vers, Tragaldabas (v. ce mot), dont la chute fut retentissante, tant la pièce renfermait d’énormités. Lorsque, le 1er août 1848, M. Victor Hugo fonda l’Événement, M. Vacquerie devint naturellement un des principaux rédacteurs de cette feuille, qui fut l’organe spécial de la politique du grand poëte. Après avoir soutenu la candidature de Louis Bonaparte à la présidence de la république et manifesté une sympathie médiocre pour les républicains, l’Événement passa avec son directeur dans le camp de la démocratie socialiste. M. Vacquerie s’occupa dans ce journal beaucoup plus de littérature que de politique. Il fut chargé d’y rendre compte du mouvement des lettres et du théâtre. Toutefois, lorsqu’à la suite de condamnations multiples la plus grande partie de la réduction de l’Événement, métamorphosé en Avénement du peuple (1851), se trouva en prison, M. Vacquerie remplaça les absents et écrivit sur la politique courante des articles plus brillants que solides. Après le coup d’État du 2 décembre 1851, qui amena la suppression du journal, M. Vacquerie suivit volontairement Victor Hugo dans l’exil et vécut pendant longtemps auprès de lui à Jersey. De temps à autre il se rendait à Paris, pour y faire représenter des pièces de théâtre, dont quelques-unes eurent du succès. En 1869, il vint se fixer dans cette ville, où il fonda, avec MM. Rochefort, Paul Meurice, Charles et François Victor Hugo, le Rappel, journal d’avant-garde qui fit une guerre acharnée à l’Empire. M. Vacquerie y mena de front la politique et la littérature. Un de ses articles, intitulé : C’est pour l’enfant (19 avril 1870), y fut particulièrement remarqué. Après le 4 septembre, il appuya le gouvernement de la Défense nationale ; mais, après l’armistice, il se fit le défenseur de la politique radicale, et, après l’insurrection du 18 mars 1871, il se rangea du côté de Paris contre l’Assemblée. Devenu le rédacteur en chef du Rappel, M. Vacquerie n’a cessé depuis 1871 de diriger cette feuille, qui s’adresse à la démocratie la plus avancée et qui, tout en faisant de fortes réclames à son rédacteur en chef, tient une ligne politique bien capable d’étonner ceux qui connaissent le tempérament aristocratique et littéraire de M. Vacquerie. « M. Auguste Vacquerie, dit M. Le Reboullet, est un des gardiens du temple où resplendit la figure surnaturelle de Victor Hugo. Il s’est donné pour profession de desservir ce culte avec un soin jaloux et d’exclure du portique sacré non-seulement les hostiles, mais les indifférents. Il a des dévouements féroces. Peu à peu cette passion s’est emparée de tout son être ; poëte, critique ou polémiste, M. Auguste Vacquerie a dans la voix quelque chose des inflexions du maître ; sa petite flûte se donne un mal infini pour singer le tonnerre. Il voit le nom symbolique de ses rêves écrit sur les murs, sur les édifices, jusque dans les tours de Notre-Dame. On a, de lui un vers qui peint à merveille cet état de son cerveau :

  Les tours de Notre-Dame étaient l’H de son nom.

Du disciple prosterné, il se dégage néanmoins, dans M. Vacquerie, un écrivain brillant, vigoureux et spirituel quelquefois. Par malheur, dans son horreur du banal, il tombe fréquemment dans la recherche, l’afféterie, l’abus de l’antithèse et le cliquetis des mots. C’est ainsi qu’on trouve dans ses écrits de polémiste des phrases comme celles-ci : « Non, tant que Paris vivra, personne ne sera seul, » et encore : « Ah ! que toutes les mères fassent téter à tous les nouveau-nés l’horreur des princes ! » Dans le journaliste perce toujours en lui l’auteur du Sonnet à la neige.

Outre les ouvrages précités, on doit à M. Vacquerie les ouvrages suivants : les Drames de la Grève (1855, in-8°), en vers ; Profils et grimaces (1856, in-12), recueil d’articles ; Souvent homme varie (1859, in-18), comédie en deux actes et en vers, représentée au Théâtre-Français ; Chateaubriand, sa vie publique et intime, ses œuvres (1860, in-8°), avec M. Clergeau ; les Funérailles de l’honneur (1861, in-12), grand drame romantique en sept actes, représenté à la Porte-Saint-Martin (v. funérailles de l’honneur) ; Jean Baudry (1863, in-8°), comédie en quatre actes, jouée avec succès au Théâtre-Français (v. Baudry) ; les Miettes de l’histoire (1863, in-8°), souvenirs sur Jersey ; le Fils (1866, in-8°), comédie en quatre actes, donnée au Théâtre-Français ; Mes premières années de Paris (1872, in-8°), récit en vers de ses débuts littéraires ; Tragaldabas (in-4°), pièce jouée en 1848, publiée pour la première fois en 1874, mais très-modifiée ; Aujourd’hui et demain (1875, in-18), recueil d’articles.