Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Vendeurs chassés du temple (LES), célèbre eau-forte de Rembrandt

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Administration du grand dictionnaire universel (15, part. 3p. 842-843).

Vendeurs chassés du temple (LES), célèbre eau-forte de Rembrandt. Le Christ, armé d’une poignée de verges, met en fuite la troupe mercantile ; debout sur le devant de la composition, il lève son fouet sur un changeur dont la table culbute et qui, saisi d’effroi, ramasse une partie de ses écus ; un gentilhomme (la scène n’a rien d’hébraïque), qui traitait sans doute d’une affaire avec ce vendeur d’argent, se penche vivement en arrière, le dos tourné au spectateur. Tout près de ce groupe, à gauche, deux négociants, assis dans la pénombre et dont l’un est coiffé d’un bonnet persan, paraissent absorbés dans un entretien ; mais un Oriental qui se sauve se tourne vers eux comme pour les prévenir de ce qui se passe. À côté de cet Oriental, un paysan, portant sur sa tête une corbeille de pigeons, détale au plus vite. Sur la droite, un homme tombe à plat ventre, un chien jappe, un paysan, renversé sur le dos, est traîné par un bœuf au moyen d’une corde qu’il tient des deux mains et qui est attachée aux cornes de la bête. Un peu plus loin, deux jeunes gars cherchent à calmer et à retenir un autre bœuf. Toujours du même côté, mais sur une espèce d’estrade, le grand prêtre, assis sous un baldaquin et entouré de lévites, interrompt une cérémonie religieuse pour contempler la déroute des marchands. Au fond, à gauche, s’ouvre une nef voûtée à plein cintre et bordée de hautes colonnes ; un lustre est suspendu à la voûte.

Cette composition, signée : Rembrandt f. 1635, est pleine de mouvement et offre de beaux effets de lumière.

On connaît deux états de cette eau-forte ; c’est la figure de l’homme traîné par le bœuf qui sert à les distinguer ; dans les épreuves du premier état, le haut du visage est plus clair, la bouche plus petite et moins travaillée, la semelle du soulier traversée vers le milieu par deux lignes très-fines et très-rapprochées ; ces épreuves sont, en outre, d’un ton brillant et velouté très-agréable. Dans le second état, l’homme renversé a le visage beaucoup plus ombré ; on ne distingue plus la lèvre inférieure, la bouche a l’apparence d’une tache, la semelle du soulier est traversée par un gros trait noir, non ébarbé ; les épreuves de cet état sont lourdes et d’un aspect terne ; on les nomma dans le commerce « épreuves à la grande bouche. » Une copie de cette eau-forte a été gravée sur bois par Gauchard, sur un dessin de Marvy, dans l’Histoire des peintres de toutes les écoles. Salomon Savry a gravé une autre composition de Rembrandt sur le même sujet.