Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Vox populi, vox dei

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Administration du grand dictionnaire universel (15, part. 4p. 1203-1204).

VOX POPULI, VOX DEI (La voix du peuple est la voix de Dieu). Il est rare que le jugement de tous ne soit pas la révélation du vrai et de l’instinct du bien. Mais il ne faut pas confondre la voix du peuple avec les bruits populaires. Le proverbe ne signifie pas qu’il faut adopter l’avis de la multitude ignorante. La Fontaine a dit :

Le peuple est juge récusable ;
En quel sens est donc véritable
Ce que j’ai lu dans certain lieu,
Que sa voix est la voix de Dieu ?

Colbert, ce ministre tant regretté, faillit être déchiré par la multitude après sa mort ; une femme du peuple qui avait été voir son convoi disait avec satisfaction en s’en retournant : « Je viens de donner de l’eau bénite à Colbert, parce que j’ai entendu dire que cela fait souffrir davantage les damnés. » Pourrait-on répéter ici : Vox populi, vox Dei ?

« Vox populi, vox Dei. Je ne sais si jadis ce proverbe s’appliquait juste ; mais si jamais il a dit vrai, je sais qu’aujourd’hui vox Dei, quand elle prend pour organe vox populi, est assez mal écoutée, et qu’on ne se gène pas pour lui dire : Taisez-vous, impertinente, vous êtes une factieuse. »

Victor Ducange.

« Vox populi, vox Dei, » avait répondu Danton, en entendant le premier coup de tocsin du 2 septembre, à un député qui le pressait d’intervenir en faveur des victimes. »

Lanfrey.

Le régime représentatif a élevé aujourd’hui le vieil adage, vox populi, vox Dei, au rang d’article de foi politique. »

Michel Chevalier.

« Le maître avait dit : « Quand vous serez plusieurs ensemble, mon esprit sera avec vous. »  » Le christianisme primitif se montra toujours fidèle à cette parole divine. Il a compris que le vrai sanctuaire de l’Esprit saint est la foule, le peuple, la société : Vox populi, vox Dei. »

Vacherot.

Quand il fut question d’introduire en France l’industrie des toiles peintes, toutes les manufactures du royaume jetèrent des cris de détresse. La ville d’Amiens se distingua entre toutes les autres par son indignation et son éloquence. Elle envoya au ministre une adresse qui se termine par ces paroles : « Au reste, il suffit, pour proscrire à jamais l’usage des toiles peintes, de rappeler que tout le royaume frémit d’horreur quand il entend annoncer qu’elles vont être permises : Vox populi, vox Dei. »

Jules Simon.