Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Waterloo (BATAILLE DE)

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Administration du grand dictionnaire universel (15, part. 4p. 1282-1285).

Waterloo (bataille de), perdue par Napoléon Ier contre les armées anglo-hollandaise et prussienne le 18 juin 1815, et qui mit fin à l’épopée napoléonienne. Le plan du futur vaincu de Waterloo avait été, il faut le reconnaître, très-habilement conçu : se jeter brusquement entre ses ennemis et les écraser successivement, tactique qui, on le sait, avait toujours constitué le caractère et la force de son génie. Dès le début de cette fatale campagne, la fortune avait paru sourire à Napoléon ; sa marche avait été si rapide qu’il se trouvait entre Wellington et Blücher avant même qu’ils l’eussent cru en mouvement, et tandis que Ney luttait aux Quatre-Bras pour barrer le passage à l’armée anglo-hollandaise, Napoléon, à Ligny, infligeait un sanglant échec à l’armée prussienne. Mais cette activité allait bientôt se ralentir. Napoléon sentait qu’il jouait sa suprême partie, et tout ce qu’on sait de ces journées terribles prouve qu’il était indécis, flottant, ne sachant plus prendre ces résolutions rapides qui déconcertaient si bien autrefois ses ennemis. Dans la journée du 17 juin, qui précéda la grande bataille, il commit la faute de ne point faire serrer Blücher d’assez près, de manière à ne pas lui permettre de se dérober, et à s’opposer à sa jonction avec Wellington. Napoléon connaissait bien néanmoins l’ardent patriotisme et l’infatigable énergie du général prussien, et, s’il venait de le vaincre, il ne devait pas ignorer que ce n’était qu’une simple défaite, insuffisante à désagréger une armée aussi fortement organisée et disciplinée que l’armée prussienne commandée par de tels généraux. En conséquence, il expédia trop tard à Grouchy l’ordre de se lancer à la suite de Blücher et de se mettre en travers de ses mouvements si celui-ci voulait rejoindre l’armée anglo-hollandaise au cours de la lutte acharnée qu’il prévoyait pour le lendemain. Au quartier général de l’armée française, on ignorait même la direction qu’avait prise l’armée prussienne, et Napoléon hésitait entre ces deux opinions, ou que Blücher battait en retraite pour rejoindre Wellington, ce qui était le plan des deux généraux ennemis, ou qu’il se retirait sur le Rhin, auquel cas il n’eût plus été à craindre, pour le moment du moins. Mais une telle conviction eût fait peu d’honneur à la perspicacité de Napoléon, qui devait connaître Blücher et savoir qu’il n’était pas homme à se décourager si vite et à abandonner son allié dans une circonstance aussi décisive. Il tomba donc dans la grave erreur de croire, comme il l’a dit lui-même, qu’il l’avait mis hors de cause pour deux ou trois jours au moins, et cette erreur entraîna les délais qu’il apporta dans l’expédition des ordres envoyés à Grouchy ; c’est ce que le colonel Charras prouve péremptoirement dans son magnifique ouvrage : Histoire de la campagne de 1815. C’est à cet historien si compétent que nous allons emprunter les éléments de notre récit.

À midi et demi, le lendemain de la bataille de Ligny, Napoléon se trouvait encore sur le théâtre de la lutte ; ce n’est qu’à partir de cette heure qu’il se mit en marche pour se porter aux Quatre-Bras, à la rencontre de Wellington. Il ne redoutait qu’une chose, c’est que le général anglais, à la nouvelle de la défaite de Blücher, ne se dérobât à travers la forêt de Soignes, en avant de laquelle il était établi ; mais Wellington l’attendait de pied ferme, certain de la coopération de Blücher. Vers deux heures de l’après-midi, un épouvantable orage s’étendit sur toutes les plaines de la Belgique, « Le ciel, chargé d’épais nuages, dit M. Thiers, finit par fondre en torrents d’eau, et une pluie d’été, comme on en voit rarement, inonda tout à coup les campagnes environnantes. En quelques instants, le pays fut converti en un vaste marécage impraticable aux hommes et aux chevaux. Les troupes composant les divers corps d’armée furent contraintes de se réunir sur la chaussée (des Quatre-Bras à Bruxelles). Bientôt l’encombrement y devint extraordinaire, et les troupes de toutes armes y marchèrent confondues dans un pêle-mêle effroyable. » Les chemins, détrempés à la suite de cet orage, retardèrent beaucoup la marche de l’armée française ; mais si Napoléon peut bénéficier de cette excuse, il faut bien aussi, pour rester dans les limites de l’impartialité, l’étendre à Grouchy, placé dans les mêmes conditions. Or, c’est ce que n’ont fait ni Napoléon ni M. Thiers, son historien. Le premier surtout a reproché amèrement à son lieutenant les retards apportés à sa marche par les circonstances, alors que lui-même en avait été victime. « Ce qui aurait valu le mieux, fait justement observer te colonel Charras, c’eût été de chercher, de découvrir la retraite des Prussiens dès le point du jour, de mettre cette infanterie (celle de Grouchy) en mouvement dès le lever du soleil et, de l’acheminer non sur Gembloux, mais sur Sombreffe, d’où sortait alors Thielmann, ou bien sur le chemin de Tilly, où étaient Zieten et Pirch 1, et si cela ne fut pas fait, c’est à Napoléon seul qu’il faut le reprocher, car seul il commandait. »

C’est dans la nuit du 17 au 18 juin que l’armée française arriva sur le terrain de la lutte qui allait prendre pour nous le nom sinistre de bataille de Waterloo. La pluie continuait de tomber à torrents et le tonnerre ne cessait de gronder dans le lointain. On eût dit que la nature, par ce déchaînement, voulait former le prologue du drame sanglant qui allait se jouer. À une heure, Napoléon monta à cheval et, accompagné de Bertrand, gagna les hauteurs coupées par la chaussée de Bruxelles vers la ferme de Rossomme. Une ligne de feux, ceux des bivouacs de l’armée anglo-hollandaise, éclairait l’horizon de Braine-l’Alleud à Frichemont. Nos bataillons arrivèrent de bonne heure sur les positions qu’ils devaient occuper et y attendirent avec impatience la fin de cette nuit orageuse. Napoléon ressentit une extrême satisfaction en voyant que l’armée ennemie, dont il craignait la retraite, semblait l’attendre de pied ferme, résolue à affronter le choc redoutable qui se préparait. Ainsi, après avoir battu les Prussiens isolés, il avait l’heureuse fortune de rencontrer les Anglo-Hollandais également isolés, et il ne doutait pas du succès : c’était la réalisation de ses profondes combinaisons. Naguère, dans le Moniteur, il avait fait publier que Wellington était « un présomptueux, un téméraire, un ignorant destiné à essuyer de grandes catastrophes ». À ses yeux, cette prédiction allait donc enfin se réaliser. Nous avons « quatre-vingt-dix chances pour nous et pas dix contre », dit-il en ce moment à ses généraux. De son côté, Wellington comptait sur la force de la position qu’il avait choisie, étudiée depuis longtemps, car il ne faisait rien au hasard ; il connaissait la fermeté, l’ardeur de ses troupes, et lui aussi se croyait sûr de vaincre. II écrivait à Charles Stuart, à Bruxelles : « Les Prussiens seront de nouveau prêts à tout ce matin... Tout tournera à bien. » Il écrivait en même temps au duc de Berry : « J’espère et, de plus, j’ai toute raison ne croire que tout ira bien. »

La pluie avait cessé vers six heures du matin ; mais le ciel restait encore très-couvert. Nous empruntons au colonel Charras la description du champ de bataille :

« En partant de la ferme du Caillou, où se trouvait le quartier général de Napoléon, on rencontre trois rideaux de hauteurs dirigées uniformément du sud-ouest au nord-est. La chaussée de Bruxelles en coupe successivement les crêtes, vers la ferme de Rossomme, vers l’auberge de la Belle-Alliance et à 150 ou 200 mètres plus loin que la ferme de la Haie-Sainte.

« La crête des hauteurs formant le dernier de ces rideaux est la limite sud d’une vaste croupe qui s’étend, à l’ouest, jusqu’au-dessus de Merbe-Braine, hameau situé dans un vallon allongé du sud au nord ; à l’est, jusque vers Ohain ; au nord, jusqu’au hameau de Mont-Saint-Jean, où commence une pente de faible inclinaison qui descend au village de Waterloo, bâti à une lieue de la Haie-Sainte, dans une échancrure de la forêt de Soignes.

« Cette croupe est ce qu’on appelle le plateau de Mont-Saint-Jean. À 500 ou 600 mètres et à l’ouest de la Haie-Sainte, un contrefort, de peu de largeur, s’en détache et vient finir en s’abaissant régulièrement tout près de la chaussée de Bruxelles et de l’auberge de la Belle-Alliance. La ligne de partage des eaux du bassin de la Senne et de celui de la Dyle suit ce contre-fort. Deux vallons y prennent leur origine. L’un, s’ouvrant au sud-ouest, passe derrière le château de Goumont et débouche, tout auprès, dans le vallon de Merbe-Braine ; l’autre, s’ouvrant au sud-est, passe immédiatement au-dessous de la Haie-Sainte, des fermes de Papelotte, de la Haie, et comprend le hameau de Smohain.

« Ces deux vallons forment ainsi, au pied même du plateau de Mont-Saint-Jean, une sorte de circonvallation, interrompue seulement par le contre-fort dont nous venons de parler. Les pentes qui les limitent, au sud et au nord, sont, en général, d’accès facile, même pour l’artillerie. Celle du nord offre cependant de la roideur, dans le voisinage immédiat de la Haie-Sainte et sur une longueur d’environ 500 à 600 mètres. Cette ferme est au bord même de la chaussée de Bruxelles.

« Le château de Goumont en est à 1,500 mètres à l’ouest. Il s’élève sur le haut de la pente qui limite le vallon du côté du sud. La chaussée de Nivelles le laisse à 350 mètres sur sa droite, traverse sur un remblai le vallon de Merbe-Braine et va se confondre, au hameau de Mont-Saint-Jean, avec la grande route de Charleroi à Bruxelles.

« Les fermes de Papelotte et de la Haie sont à 1,400 et 1,500 mètres à l’est de celle de la Haie-Sainte ; le hameau de Smohain, à moins de 2,000.

« Sous la Haie, le vallon se rétrécit, se ravine ; et il en sort, au milieu de sources marécageuses, un petit ruisseau qui va couler sous Ohain et verser ensuite ses eaux dans le ruisseau de Lasna, affluent de la Dyle.

« Le château de Frichemont, à 300 mètres au sud de Smohain, est bâti au sommet de la pente qui horde le vallon de ce côté.

« Tel était le terrain sur lequel Wellington s’était résolu à recevoir le choc de Napoléon. »

Nous compléterons cette description par celle que V. Hugo a donnée dans ses Misérables, très-facile à saisir et appelant moins le secours d’une carte.

« Ceux qui veulent se figurer nettement la bataille de Waterloo n’ont qu’à coucher sur le sol par la pensée un A majuscule. Le jambage gauche de l’A est la route de Nivelles, le jambage droit est la route de Genappe, la corde de l’A est le chemin creux d’Ohain à Braine-l’Alleud. Le sommet de l’A est Mont-Saint-Jean, là est Wellington ; la pointe gauche inférieure est Hougomont, là est Reille avec Jérôme Bonaparte ; la pointe droite inférieure est la Belle-Alliance, là est Napoléon. Un peu au-dessous du point où la corde de l’A rencontre et coupe le jambage droit est la Haie-Sainte. Au milieu de cette corde est le point précis où s’est dit le mot final de la bataille. C’est là qu’on a placé le lion, symbole involontaire du suprême héroïsme de la garde impériale.

« Le triangle compris au sommet de l’A, entre les deux jambages et la corde, est le plateau du Mont-Saint-Jean. La dispute de ce plateau fut toute la bataille.

« Les ailes des deux armées s’étendent à droite et à gauche des deux routes de Genappe et de Nivelles ; d’Erlon faisant face à Picton, Reille faisant face à Hill.

« Derrière la pointe de l’A, derrière le plateau de Mont-Saint-Jean est la forêt de Soignes.

« Quant à la plaine en elle-même, qu’on se représente un vaste terrain ondulant ; chaque pli domine le pli suivant, et toutes les ondulations montent vers Mont-Saint-Jean et aboutissent à la forêt...

«  Les deux généraux avaient attentivement étudié la plaine de Mont-Saint-Jean, dite aujourd’hui plaine de Waterloo. Dès l’année précédente, Wellington, avec une sagacité prévoyante, l’avait examinée comme un en-cas de grande bataille. Sur ce terrain et pour ce duel, le 18 juin, Wellington avait le bon côté, Napoléon le mauvais. L’armée anglaise était en haut, l’armée française en bas. »

Un chemin de traverse allant d’Ohain à Braine-l’Alleud marquait presque exactement le front de l’armée anglo-hollandaise, dont la gauche s’étendait, par l’une de ses extrémités, jusqu’à la hauteur de la Haie, et par l’autre jusqu’à la chaussée de Bruxelles, fortement barricadée. Elle comprenait les divisions de Picton, de Perponcher et une brigade de celle de Cole. Le centre couvrait l’espace compris entre les chaussées de Bruxelles et de Nivelles, comptant les divisions Alten, Cooke (gardes anglaises) et la brigade Kruze (contingent de Nassau). La droite était formée des divisions Clinton, Chassé et de la brigade Mitchell, détachée de la division Colville. Trois brigades de cavalerie anglaise se tenaient derrière l’extrémité droite du centre. La réserve comprenait : le corps de Brunswick, entre Merbe-Braine et la chaussée de Nivelles ; la brigade Lambert (division Cole), à la ferme de Mont-Saint-Jean, et six batteries d’artillerie à cheval anglaises, ainsi que la division Collaert (cavalerie hollando-belge) et les deux brigades de grosse cavalerie anglaise Somerset (gardes) et Ponsonby.

Le commandement de l’aile gauche était confié au général Picton, celui du centre au prince d’Orange, celui de l’aile droite au général Hill.

D’un autre côté, le prince Frédéric des Pays-Bas occupait Hall avec la division Stedmann, la brigade indienne, la cavalerie hanovrienne d’Estorff et deux brigades de la division Colville, en tout à peu près 17,000 hommes, que Wellington, dans la crainte d’être tourné par la droite, avait détachés à une distance assez éloignée, en sorte que, sur le champ de batailla proprement dit, il n’avait à sa disposition qu’environ 70,000 hommes, dont 13,500 de cavalerie et une artillerie comprenant 159 bouches à feu.

Quant à Napoléon, après avoir attentivement étudié les dispositions de Wellington, il disposa ainsi son ordre de bataille. Il mit son armée en marche sur onze colonnes, quatre devant former la première ligne, quatre la seconde, trois la troisième. Les quatre colonnes de la première ligne comprenaient les trois divisions d’infanterie et la cavalerie du 2e corps (Reille), ainsi que les quatre divisions d’infanterie et de cavalerie du 1er corps (d’Erlon). La seconde ligne était formée par les cuirassiers de Kellermann et les cuirassiers de Milhaud, les deux divisions d’infanterie du 6e corps (Lobau) et les deux divisions de cavalerie légère Domon et Subervie. Enfin, les trois colonnes de la troisième ligne comprenaient la division de grenadiers à cheval et dragons de la garde, sous Guyot, les trois divisions d’infanterie de la vieille et de la jeune garde, avec Friant, Morand et Duhesme, et les chasseurs à cheval et lanciers de la garde, commandés par Lefebvre-Desnouettes. Quant à l’artillerie, elle flanquait les colonnes. Toutes ces troupes se déployèrent avec une admirable précision. « La terre, dit Napoléon dans son langage un peu emphatique, paraissait orgueilleuse de porter tant de braves. Ce spectacle était magnifique, et l’ennemi, qui était placé de manière à apercevoir jusqu’au dernier homme, dut en être frappé. »

L’armée française comptait, toutes armes comprises, 72,000 hommes, dont 15,000 hommes de cavalerie et 240 bouches à feu. Comme on le voit, elle était à peu près égale en nombre aux Anglo-Hollandais ; mais elle leur était un peu supérieure en cavalerie et beaucoup en artillerie.

Cependant la première moitié du jour commençait à s’écouler, et pas un coup de canon n’avait encore été tiré. Napoléon attendait, pour faire manœuvrer son artillerie, que le sol, détrempé par la pluie de la veille et de la nuit, se fût affermi ; faute capitale de la part de Napoléon, car s’il eût engagé l’action deux ou trois heures plus tôt, Blücher ne fût arrivé sur le champ de bataille qu’après la complète destruction de l’armée anglo-hollandaise, dont il fut le salut.

Vers onze heures, Napoléon dicta une première indication de son plan de bataille. « À peu près à une heure après midi, disait-il, au moment où l’empereur en donnera l’ordre au maréchal Ney, l’attaque commencera pour s’emparer du village de Mont-Saint-Jean, où est l’intersection des routes. À cet effet, les batteries de 12 du 2e corps et du 6e se réuniront à celles du 1er corps. Ces vingt-quatre bouches à feu tireront sur les troupes de Mont-Saint-Jean, et le comte d’Erlon commencera l’attaque, en portant en avant sa division de gauche et la soutenant, suivant les circonstances, par les autres divisions du 1er corps.

« Le 2e corps s’avancera à mesure pour garder la hauteur du comte d’Erlon.

« Les compagnies de sapeurs du 1er corps seront prêtes pour se barricader sur-le-champ à Mont-Saint-Jean. »

Tout porte à croire que le projet de Napoléon était de produire son maximum d’effort sur la gauche ennemie, de la déborder et de frapper simultanément le coup le plus vigoureux au point de jonction de cette aile et du centre, au-dessus de la Haie-Sainte. Les hommes compétents trouvent ce plan très-beau de conception, très-puissant de développement, et il devait infailliblement réussir si rien ne venait déranger les calculs du chef de l’armée française. Malheureusement, Blücher devait venir les renverser.

À onze heures et demie, le canon et la fusillade éclatant à l’extrême gauche de l’armée française, donnèrent le signal de la bataille. Reille faisait aborder la position de Goumont par la division Guilleminot. Des généraux anglais, avec l’esprit de précision et le sang-froid qui caractérisent leur nation, regardèrent leur montre au premier coup de canon et constatèrent qu’il était alors onze heures trente-cinq minutas.

L’attaque de Reille avait pour but d’appeler sur ce point l’attention du général anglais, de l’y inquiéter et de favoriser ainsi l’action principale, qui devait se produire contre son aile gauche. La position à emporter était forte, le château de Goumont étant dominé, à moins de 300 mètres en arrière, par la crête du plateau de Mont-Saint-Jean. Toutes les dépendances, tous les abords du château étaient mis en état de défense et occupés par un bataillon de Nassau détaché de la division Perponcher et comprenant environ 700 hommes, ainsi que deux compagnies hanovriennes. Tous les murs étaient crénelés et, contre ceux du jardin, on avait élevé un échafaudage permettant de tirer par-dessus. Le château, le jardin et le verger attenant étaient occupés par quatre compagnies de gardes anglaises (division Cooke).

Les cinq bataillons de la brigade Bauduin s’élancèrent à l’attaque et, malgré la mort de leur brave général, qui fut tué dès le début do l’action, elles ne tardèrent pas à gagner du terrain. Néanmoins, il fallut bientôt leur envoyer du renfort, et, dès lors, une assez vive canonnade s’engagea entra notre artillerie et celle du centre droit ennemi. Wellington, à cheval près de la chaussée de Nivelles, suivait attentivement les péripéties de l’attaque ; voyant que le bois allait être enlevé par nos troupes, il y fit avancer un bataillon de Brunswick ; mais déjà les soldats de Guilleminot avaient balayé le terrain, ils atteignaient la limite nord du bois et croyaient la position emportée, quand ils se virent tout à coup écrasés par un feu épouvantable partant des gardes anglaises, qu’abritaient des haies et des murs crénelés hauts de plus de 2 mètres. Nous n’étions munis d’aucun moyen d’escalade ; nos troupes s’acharnèrent néanmoins contre ces obstacles infranchissables et ne réussirent qu’à se faire décimer. Quelques-uns, des plus agiles et des plus audacieux, profitèrent de quelques ouvertures des haies pour pénétrer dans le verger ; mais la mort était aussitôt le prix de leur intrépidité. C’était la brigade Soye que l’on sacrifiait ainsi inutilement. Celle de Bauduin, appuyant à gauche, avait tourné le bois et enlevé le petit verger situé dans le vallon de Merbe-Braine. Mais elle aussi se trouva arrêtée par des murs, qu’une demi-batterie de 12 aurait renversés ; cependant ni Guilleminot, ni Jérôme Bonaparte, ni Reille lui-même n’en eurent l’idée. On dirait que cette imprévoyance soit un mal chronique chez nos généraux ; car, naguère encore, dans divers épisodes du dernier siège de Paris, nos combattants allèrent se briser contre des murs crénelés à l’abri desquels les Prussiens les fusillaient impunément, sans qu’un général eût l’inspiration si naturelle de leur ouvrir un passage avec le canon.

Quelques compagnies du îor léger et une compagnie de sapeurs du génie avaient poussé jusqu’à la porta nord du château et l’avaient enfoncée k coups de hache, malgré la fusillade et la mitraille qui partaient du plateau. Tous trouvèrent la mort dans cette tentative audacieuse. Quand on ramassa dans la cour le sous-lieutenant ; Legros, il serrait encore sa hache dans sa main crispée, et cet épisode sanglant est resté légendaire. Guilleminot, néanmoins, ne pouvait se résigner à battre en retraite, lorsque le bataillon da Brunswick et quatre compagnies de gardes anglaises vinrent renforcer les troupes qui défendaient la position. Alors la division Guilleminot fut rejetée jusqu’au milieu du bois. Il était une heure, nus tirailleurs s’étaient déployés sur toute la ligne jusque visa-vis de Papelotte ; eaux de l’ennemi, repliés, se tenaient sur la pente du plateau. À l’aile droite de notre armée, l’artillerie tonnait, préparant l’attaque ordonnée de ce côté.

En ce moment, un grave incident commença k préoccuper Napoléon ; il suivait du regard l’attaque de Goumont, promenant sa lunette sur l’horizon en avant des hauteurs de Rossomme, lorsqu’il aperçut un corps de troupes sur Chapelle-Saint-Lambert, village situé à 7 kilomètres en ligne droite par le nord-est de la ferme de Rossomme I Quelles étaient ces troupes dont on ne pouvait connaître l’uniforme k cette distance ? Était-ce Grouchy qui accourait au bruit du canon, comme Desaix à Marengoî Était-ce Blucher qui arrivait sur le champ do bataille avec ses 90,000 hommes ? Les divisions de Subervie et de Domon reçurent aussitôt l’ordre de se porter en reconnaissance au-devant du corps en vue, tandisque le général Bertrand, aide de camp de Napoléon, était expédié dans la même direction avec quelques cavalieurs, afin de rapporter encore^plus rapidement des nouvelles précises. Il n était guère probable cependant que ces troupes-appartiussent au corps de Grouchy. Ce maréchal avait envoyé à Napoléon deux dépêches datées toutes deux de Geinbloux, l’une de dix heures du soir la 17, l’autre de deux heures du matin le 18. Dans ces dépêches, Grouchy exposait ses incertitudes sur la. direction prise par l’armée prussienne ; il ne savait si elle se retirait par Wavre ou par Perwez, village situé près de la voie romaine, et il attendait, pour agir sur un point ou sur un autre, les rapports qui lui parviendraient. Napoléon ne répondit k ces dépêches qu’à dix heures, le 18, par cette lettre signée du major général Soult : «.... L’empereur me charge de vous dire qu’en ce moment Sa Majesté va faire attaquer l’armée anglaise.qui a pris position à Waterloo, près de la forêt de Soignes ; ainsi Sa Majesté désire que vous dirigiez vos mouvements sur Wavre, afin da vous rapprocher de nous, vous mettre en rapport d’opérations, poussant devant vous les corps de-1’armée prussienne qui ont pris cette direction et qui auraient pu s’arrêter à Wavre, où vous devez arriver le plus tôt possible. Vous ferez suivre les colonnes ennemies qui ont pris sur votre droite parquelques corps légers, afin d’observer leurs mouvements et de ramasser leurs traînards... Ne négligez pas de lier vos communications avec nous... »

Ces instructions prouvent évidemment quo Napoléon voyait juste ; malheureusement il était trop tard pour que Grouchy pût les mettre à profit ; il lui aurait fallu les rececevoir dix ou douze heures plus tôt, car les

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chemins qu’il avait k suivre étaient défoncés par ta pluie, k travers un terrain très-diflicile, très-coupé, rempli de défilés. Or. ladistance à franchir était d’environ huit lieues ; Napoléon ne pouvait donc guère conserver d’illusion à cet éard. Au reste, Bertrand allait dissiper ses incertitudes ; après avoir galopé dans la.direction de Chapelle-Saint-Lambert, il avait mis pied à terre et s’était approché de manière k reconnaître distinctement une ligne de tirailleurs sortant du vallon dans la direction de Plancenoit. C’était de l’infanterie prussienne, et c’est ce que Bertrand vint apprendre k Napoléon. Maintenant, quelle était la force de cette infanterie ? C’est ce qu’il apprit bientôt , en partie. En effet, on lui amena en ce moment un hussard prussien porteur d’une lettre. Il donna tous les renseignements désirables et apprit que la colonne qu’on apercevait sur Saint-Lambert était l’avant-garde du corps de Bùlow, arrivant avec 30,000 hommes. La lettre annonçait l’arrivée de ce corps et demandait des ordres à Wellington. Le hussard dit en outre que les autres corps de l’armée prussienne étaient campés k Wavre, qu’ils y avaient passé la nuit du 17 au 18 et qu’ils n’avaient aucun Français devant eux.

L’intervention prochaine de 30,000 Prussiens sur le champ de bataille où nous luttions déjà contre des forces égales aux nôtres, constituait un danger d’autant plus terrible qu’il s’aggravait de la nouvelle, non moins imprévue pour Napoléon, de la réunion sur Wavre de tout le reste de l’armée prussienne. Or, de Wavre à Smohain, où s’appuyait l’extrême gauche des Anglo-Hol-landais, il n’y a que trois lieues en ligne droite. En face d’une pareille éventualité, qui présageait un désastre, Napoléon continua la bataille, espérant toujours écraser l’armée anglaise avant l’arrivée des Prussiens, De nouvelles instructions, plus pressantes, furent envoyées à Grouchy ; mais il était bien impossible qu’elles arrivassent à temps. Pendant ce teinps-lk, Ney reçut l’ordre d’ouvrir le feu d’artillerie qui devait préparer l’attaque dont la but était la prise du hameau de Mont-Saint-Jean. Les trois batteries de 12 de d’Erlon, de Reille et de Lobau, réunies aux batteries divisionnaires du premier et renforcées de deux batteries de la garde, en tout 78 bouches k feu, établies sur la pente des hauteurs de la Belle-Alliance, tonnèrent sur lu gauche et la partie adjacente du centre anglo-hollandais, qui ne pouvaient leur opposer qu’une artillerie inférieure, loi nous empruntons le récit de. M.Thiers.

« Cette importante opération devait commencer par un coup da vigueur au ceutre contre la ferme de la Haie-Sainte, située sur ta grande chaussée de Bruxelles. Notre aile droite déployée devait ensuite gravir le plateau, se rendre maitresse du petit chemin d’Ohain, qui courait k mi-côte, se jeter sur la gauche des Anglais et tâcher de la culbuter sur leur centre pour leur enlever Mont-Saint-Jean au point d’intersection des routes de Nivelles et de Bruxelles. La brigade Quiot, de la division Allix (lrB de d’Erlon), disposée en colonne d’attaque sur la grande route, et appuyée par une brigade des cuirassiers de Milhaud, avait ordre d’emporter la ferme de la Haie-Sainte. La brigade de Bourgeois («a d’Allix), placée sur la droite de la grande route, devait former le premier échelon de l’attaque du plateau ; la division Dbnzelot devait former le second, la division Marcognet le troisième, la division Dtiruttele quatrième. Ney et d’Erlon avaient adopté pour cette journée, sans doute pour donner plus de consistance à leur infanterie, une disposition singulière et dont les inconvénients se firent’ bientôt sentir. Il était d’usage dans notre armée que les colonnes d’attaque sa présentassent à l’ennemi un bataillon déployé sur leur front, pour fournir des feux, et sur chaque flanc un bataillon en colonne serrée pour tenir tête aux charges de la cavalerie. Cette fois, au contraire, Ney et d’Erlon avaient déployé les huit bataillons de chaque division, en les rangeant les uns derrière les autres à distance de cinq pas, de manière qu’entre chaque bataillon déployé il y avait à peine place pour les officiers, et qu’il leur était impossible da se former en carré sur leurs lianes pour résister à lacavalerie. Cesquatre divisions formant ainsi quatre colonnes épaisses et profondes, s’avançaient k la même hauteur, laissant de l’une k l’autre un intervalle da 300 pas. D’Erlon était à cheval, à la tête de ses quatre échelons ; Ney dirigeait lui-même lu brigade Quiot, qui allait aborder la Haie-Sainte.*

Sur un terrain favorable, fuit justement observer le colonel Charras, cette formation complètement et k juste titra inusitée, aurait été bien dangereuse ; sur le sol accidenté, bourbeux qu’il fallait parcourir, c’était une folie. On se mettait k la merci d’une charge de cavalerie. Ces étranges colonnes présentaient ici douze, là vingt-quatre et vingt-sept rangs d’épaisseur et un front de 150 à 200 hommes, suivant la force des bataillons. Au signal de Ney, elles descendirent, aux cris redoublés de «Vive l’empereur !• dans le vallon qui séparait les deux armuea. Tous ces vaillants soldats, qui n’avaient pris part ni à l’affaire de Ligny ni à callo des Qiintre-Bras, brûlaient d’impatience de se signaler uar Quelque action d’éclat. Ils se heurtèrent Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 15, part. 4, Vl-Zz.djvu/148 WATB

Qui pourra jamais calculer ce que les Napoléon ont coûté h la France ?

Le nom de Waterloo, devenu si légendaire, a passé.dans U langue pour caractériser une destruction, une ruine, une défaite irrémédiable :

La fortune du faisan s’en va toujours croissant avec celle de la famille des Bourbons, depuis Henri IV jusqu’à Louis XVI. Après avoir atteint son apogée sous ce dernier règne, elle subit une éclipse sous la Révolution, puis se relèvis sous l’Empire. Cette fortune semble même briller d’un éclat plu3 vif que jamais Sous la Restauration ; mais cet éclat, hélas ! n’est qu’éphémère. Bientôt l’expédition de Rambouillet a lieu, et l’inviolabilité du faisan disparaît dans la catastrophe où sombrèrent tant d’autres inviolabilités. L’expédition de Rambouillet s’appellera dans l’histoire le Waterloo du faisan, du daim et du dix-cors. Ainsi tout finit, ainsi

tout passe 1 ■

Toussenel.

t Au diable 1 je voudrais bien ne me devoir qu’à moi-même ; j’aurais soin de ne pas me payer et je ne serais pas forcé de recourir à ta médecine !... Au fait, tu as raison 1 Après un Waterloo comme celui de ce soir, une retraite honorable, bien gantée et bien cravatée, est le meilleur parti qui nous reste. » Armand du Pontnartin.

Woicrloo (Ligny kt), par M. Achille de Vaulabelle, extrait de YHistuire des deux Restaurations (1865, in-18). La campagne de 1815 en Belgique, terminée par les batailles a’e Ligny et de Waterloo, est encore le fait militaire le plus considérable de la première moitié du Xtx« siècle. Quoique chaque jour nous éloigne de cette époque néfaste et cependant glorieuse pour la France et pour sa Grave armée, on est toujours avide de cette histoire, dont on voit chaque jour disparaître quelques-uns des héroïques acteurs. Depuis quelques années, elle a passionné les écrivains ; Edgar Quinet, le colonel Charras, Erkmaim-Chatrian l’ont étudiée sous différentes formes, mais tous avec un peu de parti pris, et c’est encore le récit de M. de Vaulabelle qui est empreint de la plus grande impartialité. Enfoui dans VHistoire des deux Instaurations, ce récit n’était pas assez en luitrère pour produire son effet, et l’éditeur Perrotin a conçu une heureuse idée en en faisant 1» matière d’un ouvrage & part. Outre l’attrait du style, on y trouve celui de la vérité historique, poussée si loin chez l’auteur qu’il n’a reculé devant aucune recherche, devant aucune considération personnelle pour retrouver et pour exposer les faits tels qu’ils se sont passés. Là sont expliquées avec talent les causes de nos désastres dans cette courte et mémorable campagne. Au récit lucide, dramatique et complet de la campagne de Waterloo sont joints des documents et dos preuves recherchés avec soin, compulsés avec bonheur et habilement mis en relief. C’est l’œuvre la plus vraie, ta plus complète, en un mot l’histoire réelle de la campagne de 1815, comme le livre de MM. Erkraann-Chatrian en est le roman, et l’une n’offre pas moins d’intérêt que l’autre.

Effort héroïque de l’Empiro expirant, la batailla de Waterloo, malgré ses résultats, fut digne de la lutte engagée vingt-trois ans auparavant par la France révolutionnaire contre l’Europe coalisée. Bien que formées à la hâte et composées, pour moitié„de conscrits et de volontaires enrégimentés depuis quelques semaines, les troupes qui livrèrent ce combat suprême se montrèrent les égales des plus vaillantes légions de ia République et de l’Empire. Elles comptaient 59,000 combattants à Ligny ; à Waterloo, 65,000 ; les alliés perdirent près de 60,000 hommes. Jamais armée française ne porta, on la voit, des coups plus terribles. Fantassins, cavaliers, artilleurs de la ligne et de la garde, tous les soldats furent admirables ; eux seuls jusqu’à la dernière heure ne commirent aucune faute. Le plus grand nombre des officiers de troupe, les généraux eiieoro jeunes se montrèrent dignes de commander àde tels soldats. Mais il n’en fut pas de mémo des maréchaux, des généraux qui exerçaient les commandements supérieurs, et qui ne surent pas se montrer dignes deux-mêmes. Leurs fautes pendant ces quatre jours furent si lourdes que Napoléon a pu dire : « Tout a été fatal dans cette campagne et prend la teinte d’une absurdité. •

C’est surtout le point de vue patriotique auquel s’est placé l’auteur qui rend sa narration émouvante.

Waterloo, roman de MM. Erckmann et Chairiun (1865, in-18). Ce roman fait suite au Conscrit de 1813 ; nous retrouvons Joseph Bertha, le conscrit, vivantealineet tranquille, marié avec Catherine et travaillant toujours avec M. GouUlen. La guerre vient de nouveau l’arracher à ses foyers ; mais cette fois eu n’est pas l’esprit de conquête, c’est la défense de la patrie qui réclame son bras ; aussi, tuut en tournant de temps en temps la tête vers cette pauvre maison où il ne demandait qu’à vivre paisible et où il a laissé toute son espérance et tout son bonheur, il

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8e laisse emporter par la colère et finit par crier comme les autres : « En avant ! pas de quartier ! pas de quartier I » Comme dans le Conscrit, c’est encore lui qui fait la récit des événements, tout en ne racontant guère que ce qui sa trouve en contact direct avec lui. Nous ne le suivrons pas sur ces champs de bataille, k travers ces journées terribles où la guerre prit des proportions plus effrayantes et plus destructives qu’elle n’en avait jamais eu. Chaque détail en a été consigné dans des livres dont on connaît l’autorité et qui peuvent, eux aussi, passer pour nationaux. « Entre ces livres et le genre de récit des auteurs de Waterloo, il y a la même différence, dit M. de Lagenevais, qu’entre les grands tableaux de bataille où le peintre semble s’être placé sur une hauteur, da*is les rangs de l’état-inajor, à deux pas du général en chef, hors de la portée des boulets, et ces toiles épisodiques qui représentent un jeune soldat mourant seul au fond d’un ravin ou un blessé étanchant sa soif au bord d’un ruisseau. La voix de Joseph Bertha est une voix au milieu de cette immense clameur, une larme dans cette tempête de gémissements et de sanglots, une goutte de ces torrents de sang qui emportent la via d’une génération et d’un pays. Ce n’est plus la représentation du courage militaire théâtral, personnifié dans un type de convention, l’inévitable colonel de I Empire ; c’est un enfant de la grande famille humaine qui, tout en s’acquittant de son devoir de Français, déteste la guerre, sent, avec une patriotique colère contre l’étranger, gronder en lui une sourde révolte contre la raison du plus fort et l’esprit de conquête, le tout compliqué de méfiance, de rancune préventive contre cette affreuse réaction antinationale, qui a fait tout le mal et qui va profiter de ces désastres. Qu’on ne s’imagine pas trouver dans Joseph Bertha un de ces énergiques démocrates de la grande époque ; non ! l’enfant du peuple s’érige, sans morgue, sans rancune, guidé par son simple bon sens, en pacificateur et en justicier. C’est au nom de la justice et de la pitié que Joseph vient, près d’un demi-siècle iiprès la chute de l’Empire, rappeler les souffrances et revendiquer les droits des petits et.des faibles dans les phases terribles qu’ils eurent à traverser, jjeindre l’agonie de la grande armée et l’invasion de 1 étranger. Son patriotisme se réchauffe au souvenir des malheurs de sa patrie et des maux qu’a l’ail fondre sur elle l’ambition insatiable d’un seul homme, debout sur une pyramide de cadavres comme le génie de la destruction, mais qui sent pes monceaux de chair humaine prêts à s’écrouler sous lui et à l’entraîner dans leur chute sinistre. •

Waterloo (lb soldat dk), tableau d’Horace Vernet ; collection de la famille d’Orléans. Le peintre a représenté sur cette toile un grenadier de la garde impériale, assis sur un tertre sépulcral ou donnent d’un glorieux sommeil ses compagnons morts sur le champ de bataille où la veille deux armées se disputaient le monde. Le soleil se couche ; ses derniers feux colorent la scène. Le guerrier, accablé de fatigue, après avoir donné la sépulture à ses camarades, se livre à de douloureuses méditations et donne un dernier regret à ses drapeaux, une dernière pensée à notre gloire éclipsée. Ce petit tableau, popularisé par des représentations de toute sorte, plein de sentiment et d’expression, est d’une couleur vigoureuse et brillante. Il appartenait au duc d’Orléans. Il a été gravé en mezzo-ltnto par Jazet et lithographie par Weber. Réveil l’a gravé au trait dans son Musééde peinture.

Waterloo (la bataillb db), tableau de Steuben. Le moment choisi par le peintre est celui où les généraux supplient l’empereurde quitter le dernier bataillon de réserve au milieu duquel il était venu chercher la mort. Sombre, impassible, Napoléon, revêtu du costume légendaire, est à cheval au milieu de lu composition. Ses. généraux se précipitent vers lui et le prient de s’éloigner : l’un d’eux, le sabre à la main, semble se tenir prêt à défendre son maître. La mort frappe à coups redoublés tout autour de l’empereur ; le premier plan est jonché de cadavres ; à droite, les grenadiers échangent avec l’ennemi des coups de fusil ; à gauche sont deux prisonniers anglais qui regardent avec une admiration mêlée de surprise le grand empereur qui veut mourir. Cetie composition, qui a paru au Salon de 1835, est un des meilleurs ouvrages de Steuben ; elle a été gravée pur Jazet, Audibran, Réveil, etc.

Tout le monde connaît la célèbre allégorie de Raffet intitulée : le Cri de Waterloo, et qui a été popularisée par la lithographie d’Emile Bry (lSCl). Raffet a lithographie lui-mémo, en 1830, une autre pièce de sa composition représentant la Bataille de Walerluo. M. Eugène Bazin a peint un Episode de la bataille de Waterloo (Salon de 1838) ; AI. Joseph Lorentz, les Derniers soupirs de Waterloo (Salon de 1848) ; Al. Emile Bayard, le Lendemain de Walerluo (lutte entra des blessés français et des blessés anglais, dans une grange, scène peinte avec vigueur et qui a été exposée au Salon de 1875) ; Horace Vernet, un Soldat à Waterloo (vieux grenadier assis, une bêche à la main, sur le champ de bataille où il vient d’enfouir les cadavres de ses compagnons, des débris d’armes et d’éten WATH

dards, composition pathétique connue par la gravure de Jazet), etc. La superbe description que Victor Hugo u faite, dans les Misérables, de la charge héroïque des cuirassiers à Waterloo a inspiré plusieurs tableaux ; le meilleur est celui que Bellangéa exposé au Salon de 1865 ; d’autres ont été exposés par M. Castellani (Salon de 1855), P.-N. Arbo (Salon de 1800). Des tableaux de la Bataillé de Waterloo ont encore été peints par Andrieux (Salon de 1852), Dupray (Salon de 1870), J.-L.Brown (Salon ds 1809). Parmi les compositions dues à des arlistes étrangers, nous citerons celles de Sauervceidt (gravé par Cook), Cooper (gravé par J.-Ch. Bromley, 1837), Atkinson et Davis (gravé par J. Rurnet), J.-W. Pieneman (musée de Harlem), J.-A. Langendyck (eau-forte datée de 1817).