Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/amphigouri s. m.

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Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 298-299).

AMPHIGOURI s. m. (an-fi-gou-ri — du gr. amphi, autour ; guros, cercle). Discours, passage rendu à dessein d’une manière inintelligible : Un plaisant amphigouri. Scarron, Collé, ont fait des amphigouris. L*s deux plaidoyers et la sentence qui se trov-mt au livre n de Pantagruel offrent un exemple curieux ^’amphigouri. (Bouill.) h Tout écrit, tout discours, dont les idées, les phrases sont obscures, dépourvues d’un sons déterminé : Je n’ai rien compris à ce drame ; c’est un amphigouri. Quel amphigouri 1 La langue française est éminemment contraire à /’amphigouri métaphysique. (Malte-Brun.) Cette pièce est le plus détestable . amphigouri qu’on puisse lire. (Grimm.) Son goût, quoique sain et sobre en soi, ne l’empêche pas de trouver merveilleux les amphigouris métaphoriques de MM. Talon et de Broussel. (Stc-Beuve.)

— Encycl. Comme exemples du style amphigourique, on a coutume de citer la plaidoirie de Petit-Jean dans les Plaideurs de Racine, le compliment de Thomas Diafoirus dans le Malade imaginaire de Molière, et le jargon que ce dernier met dans la bouche de ses précieuses ridicules. — « Mon Dieu, mes chères, dit Madelon, nous vous demandons pardon. Ces messieurs ont eu fantaisie de nous donner les âmes des pieds, et nous vous avons envoyé quérir pour remplir les vides de notre assemblée. » — « De grâce, monsieur, dit Catbos, ne soyez pas inexorable a.ce fauteuil qui vous tend les bras, il y a un quart d’heure ; contentez un peu l’envie qu’il a de vous embrasser. •

En poésie, le nom ^’amphigouri s’applique a une pièce de vers en pur galimatias. Collé a composé un grand nombre de couplets de ce genre ; il les regardait comme des égarements de sa jeunesse, delieta juventutis, et il n’a admis que le suivant dans le recueil de ses poésies :

Qu’il est beau de se défendre

Quand le cœur ne s’est pas rendu !

Mais qu’il est fâcheux de se rendre

Quand le bonheur est suspendu !

Ce couplet a donné lieu à une anecdote littéraire. Il semble tellement présenter quelque sens, que Fontenelle, l’entendant chanter chez madame de Tencin, crut le comprendre un peu et voulut le faire recommencer, pour le comprendre mieux. Mme de Tencin interrompit le chanteur, et dit à Fontenelle : « Eh I grosse bête, ne vois-tu pas que ce couplet n’est

?ue du galimatias ? — Ma foi ! il ressemble si

brt à tous les vers que j’entends lire ou chanter ici, répondit malignement Fontenelle, qu’il n’est pas surprenant que je me sois mépris. »