Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/attendre v. a. ou tr.

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Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 3p. 888-889).

ATTENDRE v. a. ou tr. (a-tan-dre — lat. attendere, même sens ; formé de ad, vers : tendere, tendre ; proprement avoir l’esprit tendu vers). Rester, demeurer dans un lieu jusqu’à ce qu’arrive une personne ou une chose, ou qu’un fait se réalise : Attendre une personne chez soi, l’ attendre à son passage. Attendre l’ennemi. Attendre l’omnibus. Je vous attendrai jusqu’à midi. C’est ici qu’on attend le bateau à vapeur. Des brigands l’ ont attendu au coin d’un bois. (Acad.) Les yeux fixés sur l’avenue, j’attendais avec des transes mortelles d’y voir paraître quelqu’un. (J.-J. Rouss.) Le sort en est jeté : tu attendras ici la princesse. (Scribe.)

Je me rends à mon poste, où sans doute on m’attend.

C. Delavigne.

— Compter sur, espérer la venue d’une personne, l’accomplissement d’une chose : Nous vous attendons depuis huit jours. Je vous attends à déjeuner. On attendait de ses nouvelles. J’attends encore la lettre que vous m’ayez promise. Les assiégés attendaient avec anxiété des secours. J’attends le sauveur que vous m’avez promis. (Pasc.) Les Juifs attendent encore Jésus-Christ, et leur attente, toujours frustrée, fait une partie de leur supplice. (Boss.) Les généraux attendaient en suspens le jugement du sénat. (Boss.) Il est l’oracle d’une maison, celui dont on attend, dont on prévient, dont on devine les décisions. (La Bruy.) Elle attendit tout le matin des nouuelles, elle n’en reçut point. (Mme de Sév.) Je rentre maintenant dans ma coquille, et je me borne à attendre avec impatience le mémoire que vous m’avez promis. (Volt.) J’ai mal pris mon temps, je vois que vous attendez du monde. (Scribe.)

Montrons Héraclius au peuple qui l’attend.

Corneille.

Le peuple obéissant vous attend à genoux.

Racine.

Sa beauté la rassure, et, malgré mon courroux,
L’orgueilleuse m’attend encore à ses genoux.

Racine.

Mais hier il m’aborde, et, me serrant la main :
Ah ! monsieur, m’a-t-il dit, je vous attends demain.

Boileau.

Je t’attendais hier. Je t’attendis longtemps, Je ne reviendrai pas, et c’est toi qui m’attends.

C. Delavigne.

— Être, demeurer en suspens dans la prévision ou l’espoir d’une chose bonne ou mauvaise, d’un événement heureux ou malheureux : Attendre une grâce, une récompense. Attendre sa condamnation. Attendre i heure de sa délivrance. Attendre la mort avec courage. Vous attendrez longtemps l’effet de ses promesses. (Acad.) J’attends toujours avec patience, dont, bien me prend, ce qu’il plaira au roi de faire de moi. (Buss.’-Rab.) Les événements font quelquefois naître notre salut des causes dont nous attendions notre ruine. (De Jaucourt.) Le lit funèbre où il attendait la mort me semblait une espèce dé’sanctuaire. (Thomas.) Avec ceux qui ne veulent rten faire pour eux-mêmes et qui attendent que Dieu seul les tire de peine, Dieu attend aussi et les laisse souffrir. (Guizot.) La terre ne produit qu’une moisson qu’il faut attendre pendant une année. (Thiers.) L’homme faible craiid la Barnevelt, tragédie de Lemierre, te poète, ive acte j représenté ce grand homme au fond d’une prison, refusant les moyens qu’on lui offre d’échapper au sort qui le menace. Son fils vient lui offrir son épée ; mais Barnevelt dédaigne de se soustraire à la mort’ « même la plus injuste. « Caton se la donna, lui dit son fils. — Socrate /’attendit, » répond le père avec une sublime résignation.

Las d’espérer, et de me plaindre
Des Muses, des grands et du sort,
C’est ici que j’attends la mort
Sans la désirer ni la craindre. Maynard

— Se promettre une chose, l’espérer : Je n’ attends rien de bon de cet homme. J’attends cela de votre complaisance. N’attendez pas que je vous réponde là-dessus. (Acad.) Il est à l’agonie, on n’en attend plus rien. (Acad.) Je n’attendais de vous que de l’ingratitude, et je ne me suis pas trompé. (Lav.) N’attendez ni vérité, ni consolation des hommes. (Pasc.) Nous attendons que notre espérance ne sera pas déçue. (Pasc.) Il n’y a rien à attendre de la


tradition des scints. (Boss.) Ce service, monseigneur, n’est— pas le seul qu’on attend de vous. (Boss,) Nattendez de moi qu’une indifférence entière et un oubli parfait. (Mass.) Les apôtres attendaient que leur maître délivrerait Israël du joug des nations, et qu’il les ferait asseoir eux-mêmes sur douze trônes terrestres. (Mass.) Vous « ’attendez plus rien après cette vie. (Mass.) Il ne faut attendre de bonheur ici-bas que dans la vertu et l’innocence. (Mass.) Quan-t on est destiné à gouverner les hommes, il faut les aimer pour l’amour de Dieu, sans attendre d’être aimé d’eux. (Fén.) Je nattends pas moins de votre valeur, de la sagesse de vos conseits. (Fén.) On attend tous les jours que M. de Luxembourg batte les ennemis. (Mme de Sév.) Vous pouviez attendre de nouveaux succès. (Flécli.) Il a rendu tous les services qu’on peut attendre d’un esprit ferme et agissant, quand il se trouve dans un corps robuste et bien constitué. (Fléch.) JTattendez pas quq je recueille ici toutes ses actions, dont une partie est presque incroyable. (Fléch.) Il faut tout attendre et tout craindre du temps et des hommes. (Vauven.) L’esprit public, qu’on attend pour permettre la liberté, ne saurait résulter que de cette liberté même. (Mme do Staël.) Que de choses j’ai vainement attendues ! (Cliateaub.) Il est des caractères dont on peut tout attendre en ne paraissant pas douter d’eux. (Mme Cottin.) On ne trouve pas l’amour quand on le cherche ; il vient à nous quand nous ne lattendons pas. (G. Sand.) Sa voix était celle qu’on pouvait attendre Senn.) Attendre est sage, à la condition « ’attendre quelque chose. (De Broglie.) Il n’y a rien de bon à attendre d’une coquette. (M » e de nous ? Voilà ce que nous aimons à demander à tous les porteurs de parole. (E. Pelletan.)

Tu crains des châtiments ; attends des récompenses.

Corneille.

Quels honneurs dans sa cour, quel rang pourrai-je attendre ?

Racine.

Les juifs n’attendent rien d’un méchant tel que toi.

Racine.

Nous ne vivons jamais, nous attendons la vie.

Voltaire.

J’attends le jour sans fin de l’immortalité.

Lamartine.

Attends des jours plus doux, espère un sort meilleur.

V. Hugo.

J’attends du moins, j’attends de votre complaisance Que désormais partout vous fuirez sa présence.

Racine.

…… Dans un âge si tendre Quels éclaircissements en pouvez-vous attendre ?

Racine.

Levons les yeux vers les saintes montagnes
D’où l’innocence attend tout son secours.

Racine.

Non cruel n’attends pas que ma main meurtière
Fasse couler le sang de ton malheureux frère.

Crébillon.

oncurrent malheureux à cette place insigne,
Votre orgueil l’attendait, mais en étiez-vous digne ?

Voltaire.

N’attendez rien de bon du peuple imitateur,
Qu’il soit singe ou qu’il fasse un livre,
La pire espèce, c’est l’auteur.

La Fontaine.

|| Avec la préposition de suivie d’un infinitif : N’attendez pas de le trouver sans imperfection. (Fén.)

Cher amant, n’attends-pas d’être un jour mon époux.

Corneille.

Vivre seul, c’est languir, c’est attendre de vivre.

Lamartine.

|| Avec la préposition à suivie d’un infinitif : J’attends k partir qu’il fasse moins chaud. (Acad.) Qu’attendons-hous donc k nous soumettre ? (Boss.) Il y a des hommes qui attendent a être dévots que tout le monde se déclare impie et libertin. (Boss.) < ? u’attendez-uous à vous convertir ? (Boss.) Attendez a lui donner des conseils, quand il aura assez de force pour les demander. (Fén.)

— Cet emploi illogique de la préposition à est aujourd’hui inusité ; on la remplace par la préposition pour.

— Retarder, différer, réserver son action ou son opinion jusqu’à une certaine époque, une certaine circonstance : Attendre des preuves pour croire. Attendre la belle saison pour aller à la campagne. Nous « ’attendions que le vent pour mettre à la voile. On m’attend que votre consentement pour terminer l’affaire. Il se targue beaucoup de ce premier avantage, mais attendons la fin. (Acad.) Sa haine « ’attend qu’un prétexte pour éclater. (Acad.) JV attendez pas la dernière heure pour commencer à bien vivre. (Boss.) Ils attendirent qu’Annibal fit vaincu pnur désarmer Philippe. (Boss.) // attend que son.fils revienne. (Fén.) Il attend avec soumission que les ordres de Dieu s’exécutent. (Fléch.) Ils attendent de n’être plus propres au monde pour être propres au royaume de Dieu. (Mass.)S’i vous attendez de vous convertir à la mort, vous mourrez dans votre péché. (Mass.) Pour juger de ce qu’il est, attendez de savoir ce qu’il fait. (J.-J. Rouss.)

Pour paraître, attendez que ma voix vous appelle.

Racine.

Pour défendre vos jours de leurs lois meurtrières,
Mon amour n’avait pas attendu vos prières.

Racine.

Sors, traître, n’attends pas qu’un père furieux
Te fasse avec opprobre arracher de ces lieux.

Racine.


Faudrait-il sur sa gloire attendre à m’exercer Que ma tremblante main commence à se glacer ?

Boileau.

Le blé pour se donner, sans peine ouvrant la terre,
N’attendait pas qu’un bœuf, pressé par l’aiguillon.
Traçât à pas tardifs un pénible sillon. Boileau.

Les vents me sont moins qu’à vous redoutables ; Je plie et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici Contre leurs coups épouvantables Résisté sans courber le dos ; Mais attendons la fin La Fontaine.

|| Être différé jusqu’à : La sagesse m’attendit pas en elle la maturité de l’âge. (Fléch.)

Je suis jeune, il est vrai ; mais aux ames bien nées La valeur n’attend pas le nombre des années.

Corneille.

— Être prêt, préparé pour recevoir, pour être mis au service de ; Le déjeuner, le dîner vous attend. Ma voiture m’attend à la porte. Les caves, le pressoir, le cellier, les futailles m’attendaient que la douce liqueur pour laquelle ils sont destinés. (J.-J. Rouss.) Dépêchez-vous de venir passer huit jours avec nous ; la jolie petite chambre donnant sur le jardin vous attend. (Balz.)

Prêts à vous recevoir, mes vaisseaux vous attendent

Racine.

|| Être réservé, destiné à : La gloire, la fortune vous attend. Tel est le sort qui vous attend. C’est en vain que les hommes détournent leurs pensées de cette éternité qui les attend, comme s’ils pouvaient l’anéantir en n’y pensant pas. (Pasc.) La misère attend le dissipateur ; la honte, les méchants ; les remords, les scélérats. (J.-J. Rouss.) Quand on songe à la destinée qui attend l’homme sur la terre, il faudrait arroser de pleurs son berceau. fleurs ; il ne prévoit aucun des dangers et des malheurs qui /’attendent. (Ladép.) De cruelles déceptions attendent la femme qui a placé tout son bonheur dans l’amour. (M » >c Romieu.) Dès 1814, il était entré tout entier dans les voies de l’érudition, où l’A gloire. (Ste-Beuve.)

Suis-nous du moins où l’honneur nous attend.

Boileau.

— Absol. Rester dans l’attente : Attendre impatiemment. Il va peut-être arriver, attendons. (Acad.) Je lui prouverai bien qu’un artiste n’est pas fait pour attendre. (Scribe.) L’église est le seul lieu où l’on « ’attend pas. On y trouve toujours celui qu’on y cherche. (Mme Swetchine.) Le cardinal de Bernis, n’étant encore qu’abbé, sollicitait un jour un riche bénéfice du vieux cardinal Fleury, alors premier ministre. « Tant que je vivrai, répondit le cardinal, qui se rappelait quelques folies de jeunesse, vous n’obtiendrez rien de moi. Fort bien, monseigneur, répondit le spirituel abbé, j’attendrai.

Cette anecdote a sans doute inspiré les vers suivants :

 « Un mot de vous va faire mon bonheur ;
Dites-le-moi, ce mot, belle Lucile.
— Moi, vous aimer ! vous le dire ! en honneur,
Vous me croyez, monsieur, bien imbécile !
Certainement vous serez, de la ville
Le dernier homme à qui je me rendrai.
— Ah ! calmez-vous, la plainte est inutile :
Je suis poli, madame ; j’attendrai. »

D’attendre si longtemps, ma foi ! j’ai de l’humeur.

Al. Duval.

C’est lâcheté de fuir quand on peut se défendre ; Mais lorsqu’on ne le peut, c’est un tort que d’attendre.

Du Ryer.

|| Réserver, différer son action, ses paroles, son jugement : Le moment n’est pas favorable pour l’exécution de notre dessein, attendons encore ; attendons. (Acad.) Puisque tout doit rentrer dans l’ordre un jour, il suffit û’attendre. (J.-J. Rouss.) Quand on a beaucoup d’années à dépenser, on se persuade qu’on peut attendre. (Chateaub.) Il faut savoir attendre pour convaincre. (La RocheL-Doud.) Pour arriver au bien, il ne faut çu’attendre. (B. Const.) Il faut attendre un peu de temps pour juger les grandes’actions. (M » " Necker.) Les âmes vraiment éner^fiques savent attendre. (G. Sand.) Un courtisan engageait Henri I Va sévir contre quelques cantons de la France où le peuple, vaincu, mais non soumis, refusait de prier pour lui dans les offices publics: « Il faut attendre, répondit généreusement ce prince; ils sont encore fâchés. »

Attendre est, pour juger, la régie la plus sure.

Gresset.

Attendre après une personne, après une chose, En avoir un pressant besoin, la souhaiter avec impatience : Attendre après le médecin. Attendre après ses convives. Attendre après ses appointements. Il y a longtemps qu’il attend après cette succession. (Trey.) Cette somme est une bagatelle, et je h’attënds pas -après. (Acad.) Ce n’est pas avoir du respect pour le minisire, que de le faire attendre après vous. (Boss.)

Attendez-vous encore après l’aveu d’un frère ?

Racine.

— Attendre quelqu’un de pied ferme, Ne pas le craindre, être tout prêt à soutenir ses attaques : Qu’il vienne, je /’attends de pied ferme.

Faire attendre, Différer de donner, de procurer, de produire : Faire attendre de l’argent. Faire attendre une réponse. Faire attendre un livre au public. Expliquez-vous ; vous vous faites bien attendre ! Faire attendre la justice, c’est injustice. (La Bruy.) || Faire attendre après soi, se faire attendre


Différer de venir en un lieu où l’on est attendu ; Il y a de l’égoxsme à se faire attendre. Je suis exact aux rendez-vous, car j’ai remarqué que ceux qui attendent ne songent qu’aux défauts de ceux qui se font attendre. (Boil.) Un véritable gourmand ne se fait jamais attendre. (Grimod.) Fit dit-elle, que c’est malappris de faire attendreI (Alex. Dum.)

Je suis réellement Outré, désespéré de m’être fait attendre.

La Chaussée.

|| Être différé, en parlant des choses : Le beau temps se fait bien attendre. On peut observer toutes les nuances de ces divers états dans tout salon où le diner se fait attendre. (Brill.-Sav.)

— Loc. fam. Attends donc, attendez donc, Sorto d’exclamation exptétive pour indiquer qu’une ehgsc, un fait, un nom revient tout à coup à la mémoire : Attendez donc ! mais je connais parfaitement la personne dont vous me par les, n Exclamation d’impatience qui signifie, Laissez-moi parler, laissez-moi achever : Attendez donc ! j’arrive à la question. Il Attendre quéqu’un a, Attendre qu’il s’engage dans une difficulté, qu’il arrive à tel moment critique ; se dit surtout par menace ou par défi : // veut m’attaquer en justice, c’est la que je l’attends. Vest la que Dieu l’attendait pour foudroyer son orgueil. (Boss.) // est vrai, cette somme lui est due, mais je l’attends a cette petite formalité ; s’il l’oublie, il ne revient plus et perd sa somme. (La Bruy.) Ne vous mettez pas en peine, j’ai des remèdes qui se moquent de tout, et je l’attends à l’agonie. (Mol.)

Bajazet touche presque au trône des sultans ;
Il ne faut plus qu’un pas, mais c’est où je l’attends.

Racine.

|| Ne pas attendre l’autre. Se dit en parlant d’actions ou de paroles qui se succèdent rapidement, se suivent sans interruption : Un coup n’attendait pas l’autre. Une saillie n’attendait pas l’autre. Un éclair n’attendait PAS L’AUTRE.

— Prov. Attendez-moi sous l’orme, Se dit en parlant d’un rendez-vous où l’on ne veut pas aller, d’une promesse que l’on ne veut pas tenir :

Attendez-moi sous l’orme. Vous m’attendrez longtemps. REatURD. Nous empruntons au savant M. Quitard l’explication de l’origine de ce proverbe : C’était sous quelque gros arbre, ordinairement sous un orme, planté devant la porte de l’église ou du manoir seigneurial, que se tenaient les assises judiciaires, appelées pour cette raison les plaids de la porte. C’était là aussi que se payaient les redevances et dettes, ainsi que l’attestent de vieilles cédules évocadoute, les assignés manquaient souvent à l’appel, et de là vient l’expression Attendezmoi sous l’orme, pour faire comprendre à quelqu’un qu’on ne veut point se trouver à un rendez-vous, ou qu’on ne compte point sur sa parole. Cette expression peut tout aussi bien avoir tiré son origine de l’usage des plaids et gieux sous formel, espèce de cour d’amour qui jugeait gravement les affaires de galanterie, et voulait obliger les amants à la constance, et les époux à la concorde. L’autorité d’un pareil tribunal était méconnue impunément, et l’on pouvait dire à celui par qui on y était cité : Attendez-moi sous l’orme, expression ironique qui était fort de saison, n Titre d’une pièce de Regnard. V. ci-dessus.

— Tout vient à point à qui sait attendre. avec du temps et de la patience, on réussit, on vient à bout de tout. Bossuet n’a pas dédaigné de commenter ce proverbe dans le passage suivant : « La science des occasions et du temps est la principale partie des affaires. Il faudrait transcrire toutes les histoires, saintes et profanes, pour savoir ce que peuvent dans les affaires le temps et les contre-temps. Précipiter ses affaires, c’est le propre de fa faiblesse, qui est contrainte de s’empresser dans l’exécution de ses desseins, parce qu’elle dépend des occasions. ■ Cest une paraphrase éloquente de ce passage de VEcclésiaste : Omnibus hora certa est, et tempus suum cuilibet catpto sub calis. S II attend que les alouettes lui tombent toutes rôties dans le bec. (V. Alouette.) n // faut attendre le boiteux, Pour être sur d’une nouvelle, et avant de la répandre, il faut attendre que le temps, qui paraît long et boiteux aux nouvellistes, soit venu la confirmer, il // ennuie à qui attend, On ne peut attendre sans éprouver do l’ennui, de l’impatience. Il Attendre quelqu’un comme les moines font l’abbé, Ne point l’attendre, partir, se mettre à table sans lui, parce que, dans les communautés, on n’attend personne pour se mettre à table, n Attendre quelqu’un comme le Messie, L’attendre avec une vive impatience, comme les Juifs attendaient le Messie. Il Vous ne perdrez rien pour attendre, Le retard que— vous éprouvez vous sera plutôt utile que préjudiciable : Depuis un an, je me suis mis en campagne pour trouver un mari à Camille, et, d’aujourd’hui seulement, j’ai réussi. Que dites-vous ?Que vous n’avez PAS PERDU POUR ATTENDRE. (Scribe.) DaTiS un sens opposé et par menace, Vous n’échapperez pas au châtiment. 1 Attendre une per- sonne au passage, La surprendre, la prendre tellement à l’improviste, qu’elle ne puisse refuser ce qu’on lui demande. || C’est au Sanctus que je l’attends, Je me réserve, pour le juger, qu’il soit arrivé au moment critique, à la principale difficulté : Ce ministre triomphe, mais la discussion des chambres va commencer et c’est au sanctus que je l’attends. Cette locution a d’abord été en usage dans les églises, parce que le Sanctus y passait pour être le morceau le plus difficile, celui où échouaient les chantres même qui avaient réussi dans l’introït, le graduel, l’Alleluia et autres morceaux plus aisés ; mais on donne à cette locution une autre origine plus plaisante, sinon plus vraie. On raconte qu’un prêtre de Gascogne, célébrant la messe dans une église depuis longtemps abandonnée et hantée par les souris, sentit, dès l’introït, un de ces petits quadrupèdes rongeurs, qui lui grimpait le long du corps, et qui avait élu domicile sur sa poitrine. La démangeaison était portée à son plus haut degré, et le bon abbé, craignant de manquer à la gravité de ses fonctions en se débarrassant ostensiblement de cet note incommode, se contentait de murmurer entre ses dents:Au Sanctus, je t’attends ; au Sanctus, je t’attends. On devine que, le moment arrivé, le prêtre se frappa la poitrine avec un redoublement de dévotion qui coûta la vie à la malencontreuse souris. L’anecdote fut rapportée, le mot fit fortune, et l’exclamation ne tarda pas à passer en proverbe. || J’ai attendu attendras-tu, Manière expressive de faire comprendre une attente prolongée et souvent inutile.

— Manég. Retarder l’éducation d’un cheval qui manque de force.

— Art cul. Se dit en parlant des viandes ou de tous autres mets ou boissons que l’on conserve jusqu’à ce qu’ils soient à point pour être consommés ; Ce gigot, ce dindon est dur ; il n’a pas assez attendu. Vous avez trop attendu ces fruits ; ils sont trop mûrs. Attendez ce vin deux ans encore, et il sera parfait.

— S’attendre, v. pr. Être attendu :

L’heure dont on est sûr de tant de confiance
S’attend sans amertume et sans impatience.

Lamartine.

S’attendre à ou que, Prévoir, regarder comme assuré : Je m’attends à vous revoir bientôt. Attendez-vous à trouver bien des obstacles. Il fallait vous y attendre. Je ne m’ttendais pas que les choses dussent tourner si mal. (Acad.) Dieu ne veut pas qu’on s’attende à de tels miracles. (Pasc.) Le chrétien s’attend à tout, de peur d’être pris au dépourvu. (Boss.) L’erreur la plus pernicieuse est de nous attendre que Dieu nous attendra. (Bourdal.) Les mourants qui parlent dans leurs testaments peuvent s’attendre à être écoutés comme des oracles. (La Bruy.) Il faut s’attendhe aux censures du monde, quand’on ne veut pas suivre ses exemples. (Mass.) Je ne m’attendais pas que sa mort me préparât la place que son mérite lui avait acquise. (Mass.) Les eaux me font un bien auquel je ne m’attendais pas. (Volt.) Vous ne vous attendiez pas à rencontrer madame ici. (Le Sage.) Je sais ce qu’il faut croire de ce pays-là ; je ne m’attendais pas du tout à m’y amuser. (Mme de Staël.) Le malheur peut nous surprendre au moment où nous nous y attendons le moins. (Bril).-Sav.) Il est dans la plus grande faveur auprès du prince, et vous obtiendrez par lui tout ce que vous désirerez.Je ne m’y serais jamais attendu. (Scribe.) Qui se fût attendu à l’entrée de ce père venant mettre le holà aux fredaines de monsieur son fils ? (Th. Gaut.)

A de moindres fureurs je n’ai pas dû m’attendre.

Racine.

Ils ne s’attendaient pas lorsqu’ils me virent naître, Qu’un jour Domitius dût me parler en maître.

Racine.

Je ne m’attendais pas que de votre hymenée Je dusse voir si tard arriver la journée.

Racine.

Je connais votre cœur ; vous devez vous attendre Que je vais le frapper par l’endroit le plus tendre.

Racine.

… La divinité qui préside aux festins Ici ne s’attend pas à d’injustes dédains.

Berchoux.

….. Votre message a droit de me surprendre ; À cet excès d’honneur j’étais loin de m’attendre.

Delavigne.

|| S’est employé dans le même sens avec la préposition de : Quand on voit le style naturel, on est tout étonné et ravi ; on s’attendait de voir un auteur, et on trouve un homme. (Pasc) On lui donne une pompe funèbre où l’on s’attendait de lui dresser un triomphe. (Fléch.) Cassius s’était bien attendu de trouver une opposition générale à sa proposition. (Vertot) || Racine a même employé cette tournure avec un nom de chose pour sujet :

Mes transports aujourd’hui s’attendaient d’éclater.

|| Cet emploi de la préposition de a également vieilli ; on se sert du à. || Compter sur : Je ne m’attendrai plus à vos promesses. (Trév.)

Toi donc, qui que tu sois, ô père de famille, T’attendre aux yeux d’autrui quand tu dors, c’est erreur.

La Fontaine.

|| ce sens a également vieilli.

S’attendre à quelqu’un, Se fier à quoiqu’un, se reposer sur lui, compter sur lui : Je m’attends à vous. (Acad.) Je ne m’attends qu’ à vous. (Vaugél.)


Ne t’attends qu’à toi seul : c’est un commun proverbe

La Fontaine.

Le vrai sage ne doit qu’à soi-même s’attendre.

La Fontaine.

Après ce coup, Narcisse, dqui dois-je m’attendre ?

Racine.

C’est une erreur extrême
De nous attendre à d’autres gens que nous :
Il n’est meilleur ami ni parent que soi-même.

La Fontaine.

— Attendes-vous-y, Vous pouvez compter là-dessus :

Je n’ai goûté jusqu’ici nulle joie ; J’en goûterai désormais, attends-t’y.

La Fontaine.

|| Iron. Se dit pour exprimer qu’on est loin de vouloir faire ce qu’une personne désire, ou de croire qu’elle obtiendra ce qu’elle attend. Malgré l’exemple cité, cette expression n’est guère usitée au singulier, à cause du peu d’harmonie de cette phrase attends-t’y.

— Prov. Oui s’attend à l’écuelle d’autrui est exposé à mal diner, Quand on compte sur les autres, on est souvent trompé dans ses espérances.

— Réciproq. Se dit de deux personnes dont chacune attend l’autre, soit tour à tour, soit simultanément : {{|Nous nous attendons}} chaque soir, tantôt dans un café, tantôt dans un passage. {{|Nous nous attendons}} tous deux ; nous ne pouvons guère nous rencontrer.

Syn. Attendre, espérer. Ce que nous espérons est pour nous l’objet d’un souhait ; On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère. (J.-J. Rouss.) Ce que nous attendons, nous croyons qu’il arrivera : Les Perses n’ attendaient que le moment d’accabler les Grecs. (Boss.)

Syn. Attendre, s’attendre à. On attend une chose qui arrivera peut-être ; mais on s’y attend, quand on compte dessus et qu’on la tient pour assurée. Lorsqu’un prodigue attend un héritage pour payer ses dettes, il arrive souvent que le bien qu’il s’attendait à possédé est donné à un autre.

Prov. hist. J’ai failli attendre, Allusion à ce mot fameux de Louis XIV, qui peint si bien le caractère altier du grand roi.

Louis XIV mettait rigoureusement en pratique ce mot si connu d’un de ses successeurs : « L’exactitude est la politesse des rois. » Rarement, en, effet, ce prince manqua d’être exact aux rendez-vous qu’il assignait ; mais, s’il était exact, il exigeait qu’on fut empressé. Ses voitures, un jour, n’étant arrivées qu’à l’heure précise où il les avait demandées ; J’ai failli attendre !, dit-il en regardant sa montre.

Ce mot de l’orgueilleux monarque rappelle ces vers de Corneille, dans sa tragédie a Attila, quand il fait dire au terrible barbare :

Où sont donc mes deux rois ? Allez, et qu’on leur die.
Qu’Attila les attend et qu’Attila s’ennuie.

Il nous en rappelle un plus généreux de Louis XIV, quand il éta-itjeune. Comme ce prince partait pour la chasse, il arriva, avec toute la cour, a une porte du parc de Versailles, qui n’avait pas été ouverte. Le gardien s’était absenté, et on le cherchait depuis longtemps, lorsqu’on le vit accourir tremblant et tout essoufflé. Les courtisans le gourmandant à qui mieux mieux, le roi s’interposa : « Calmez-vous, messieurs, leur dit-il ; ce pauvre homme est déjà assez affligé de m’avoir fait attendre. »

Le mot de Louis XIV est l’objet de fréquentes allusions :

« Mme de Montrevel allait répondre ; mais en ce moment la porte s’ouvrit, et un homme paraissant :

— Le premier consul attend madame de Montrevel, dit-il.

— Allez, allez, dit Joséphine, le temps est si précieux pour Bonaparte, qu’il est presque aussi impatient que Louis XIV, qui n’avait rien à faire. Il n’aime pas à attendre. »

Alex. Dumas.

« Ce serait la première fois qu’il manquerait à un rendez-vous.

— À ma connaissance, ce serait au moins la seconde.

— Avec moi, pourtant, il est fort exact ; il sait que je n’aime pas à attendre.

— En cela, tout député de la gauche que vous êtes, vous ressemblez à Louis XIV. »

Charles de Bernard.

« Le linge de ce phénix des maris est soigné comme celui du confesseur d’une dévote à péchés véniels. Ses chaussettes sont sans trous, A table, tous ses goûts, ses caprices même sont étudiés, consultés : il engraisse ! Il a de Tencre dans son écritoîre, et l’éponge en est toujours humide. Il ne peut rien dire pas même, comme Louis XIV : « J’ai failli attendre ! » Enfin, il est à tout propos qualifié d’un amour d’homme. » . de Balzac.

« Bertuccio baissa la tète devant le regard impérieux du maître, et il demeura immobile et sans réponse.

— Ah çàl mais que voua arrive-t-il ? Vous allez donc me faire sonner une seconde fois pour la voiture ? dit Monte-Cristo du ton que


Louis XIV mit a prononcer le fameux : « J’ai failli attendre ! »

Bertuccio ne fit qu’un bond du salon à l’antichambre, et cria d’une voix rauque :

— Les chevaux de son Excellence ! »

Alex. Dumas.

« Il y eut donc un instant de lutte très-critique entre ces deux femmes : aucune des* deux ne voulait céder à l’autre le moindre avantage ; aucune des deux ne voulait tendre la main la première, celle-ci— pour donner, celle-là pour recevoir. Elles.étaient : là toutes les deux ; l’une tendant la main avec l’arrogancédu mendiant à escopette dans OU Blas ; l’autre regardant la quêteuse face à face, d’égale à égale, d’un regard irrité et qui d’sait comme le regard du grand roi ; * Je crois que. j’ai attendu ! » J. J. Janin.

Allus. littér. Mais attendons la fin, Allusion à un hémistiche de La Fontaine dans sa fable te Chêne et le Roseau. Celui-ci répond au chêne, qui s’apitoie orgueilleusement sur sa faiblesse :

Les vents me sont moins qu’à vous redoutables ;
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin…

Dans l’application, ces mots signifient qu’il est imprudent de compter sur une constante prospérité, tant qu’on n’a pas mené à terme une entreprise :

« Maintenant, je suis heureux, nul homme vivant, ne l’est davantage, et peut-être aucun n’est aussi content ; je n’envie pas même les paysans que j’ai vus dans la Suisse : j’ai sur eux l’avantage de connaître mon bonheur. Ne me venez point dire, mais attendons la’fin ; sauf le respect dû aux anciens, rien n’est plus faux que cette règle : le mal de demain ne m’ôtera jamais le bien d’aujourd’hui. »

P.-L. Courier.

Allus. littér. Ne t’attends qu’à toi seul, Allusion à un émistiche d’une des plus charmantes fables de La Fontaine : L’Alouette, ses petits, avec le Maître d’un champ, où le fabuliste montre, dans un drame charmant, en trois actes, que si l’on ne veut pas s’exposer à des déceptions, il ne faut compter que sur soi seul et jamais sur autrui. C’était déjà un adage chez les Grecs, qui disaient : Si tu veux du bien, tire-le de toi-même :

« Je m’aperçois tous lès jours, à mon grand regret, que la philosophie doit prendre pour devise : Ne t’attends qu’à toi seul. »

d’Alembert.

— Allus. littér. On ne s’attendait guère à voir Ulysse en cette affaire, Allusion à la fable de La Fontaine : la Tortue et les Deux Canards. V. Affaire.