Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/attendrir v. a. ou tr.

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Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 3p. 889).

ATTENDRIR v. a. ou tr. (a-tan-drirrad. tendre). Rendre plus tendre, moins dur, moins coriace. Se dit surtout des aliments : Attendrir un gigot, une volaille. C’est par l’étiotement qu’on attendrit certains légumes, certaines salades. La gelée attendrit les choux. (Acad.) Les premières gelées attendrissent le raisin. (Trev.)

— Fig. Toucher, émouvoir, exciter la sensibilité : Plaintes, prières, larmes qui attendrissent. Laissez-vous attendrir, (Acad.) Je te défie cî’attendrie, du côté de l’argent, l’homme dont il est question. (Mol.) La vertu souffrante attendrit tous les cœurs. (Fén.) La vue du fils to’attendrit le cœur pour le père., (Fén.) Faut-il bous attundrir par la douleur de ceux qui vivent ? (Fléch.) Le monologue de Madame Denis attendrit tout le monde, parce que Madame Denis a la voix tendre. (Volt.) St la tristesse attendrit l’âme, une profonde affliction l’endurcit. (J.-J. Rouss.) D’où vient que les malheureux trouvent avec tant de facilité le secret d’attendrir et de déchirer nos âmes ? (Barthél.) Demosthène ne paraît point chercher à vous attendrir. Écoutez-le cependant, et il vous fera pleurer par réflexion. (Maury :) La musique attendrit les âmes. (Chateaub.).

— Heureuse, si mes pleurs peuvent vous attendrir.

Racine.

Dieux ! qu’il m’attendrissait ! Delille.

Et me déshonorant par d’injustes alarmes,
Pour attendrir mon cœur, on a recours aux larmes.

Racine.

|| Rendre attendrissant, intéressant, touchant ; donner une tendre idée à :

Sans qu’une fois au moins votre muse en extase
Du mot de tolérance attendrisse une phrase.

Gilbert.

A ! dites bien qu’amoureux et sensible
D’un luth joyeux il attendrit les sons.

Béranger.

— Poét. Rendre moins violent dans ses conséquences :

Un roi qui, non content d’effrayer les mortels,
Laisse aux pleurs d’une épouse attendrir sa victoire.

Racine.

— Absol. Toucher les cœurs Personne n’a mieux connu que Simonide l’art sublime et délicieux d’intéresser et d’attendrir. (Barthél.) Buffon surprend par son style : mais rarement il attendrit. (Chateaub.) Celui qui sait attendrir sait tout. (Lamart.)

S’attendrir, , v. pr. Devenir tendre, en parlant des aliments. : Le gibier s’attendrit, quand il se faisande. Le céleri s’attendrit, à la gelée.

— Fig. Être touché, ému ; montrer, exprimer de l’émotion, de la pitié, de l’intérêt ; Je commençais à m’attendrir. Son cœur est facile à s’attendrir.. S’attendrir pour quelqu’un, sur le sort de quelqu’un. Ceux qui ont connu le malheur sont prompts à s’attendrir. Il n’y eut cœur quit ne s’attendrit à l’entendre parler de lui-même avec tant de modestie : (Boss.} Elle feignit de s’attendrir pour Ulysse. (C’est vous seul pour qui mon cœur s’attendrit (Fén.) À ces mots Idoménée s’attendrissait et ne pouvait parler, (Fén.) Ouf ! Je me sens attendrir à ces douces paroles ; elle me fend le cœur. (Campistr.) Madame de Vins s’attendrit en parlant de la bonté de vôtre cœur, et tous nos yeux rougirent. (Mme de Sév.) Je plaidai si bien la cause de mon neveu, qu’elle s’attendrit sur son sort jusqu’à verser des larmes. (Le Sage.l On s’attendrit aisément sur les maux que l’on cause. (Mme Riccoboni.) Il y a une certaine douceur à s’attendrir sur ses maux et sur ceux des autres. (J.-J. Rouss.) Je converse avec l’auteur de l’univers ; je pénètre toutes mes facultés de sa divine essence ; je m’attendris à ses bienfaits, et je le bénis de ses dons. (J.-J. Rouss.) Son âme compatissante aime à s’attendrir sur les maux de l’humanité. (Barthél.) Je m’attendris encore aujourd’hui en songeant à la dispersion de mes premiers camarades et de mes premiers maîtres. (Chateaub.) L’égoïste s’attendrit à l’aspect d’un naufrage, en songeant qu’il aurait pu se trouver sur le navire ! (Petit-Senn.) L’amiral Coligny se serait cru sacrilège de soupçonner un jeune roi qui le nommait son père, et qui s’ attendrissait avec lui sur tes misères publiques. (Lemontey.) Heureux ceux qui peuvent s’attendrir et pleurer quand leur cœur est trop plein ! (B. Barbé.)

Peut-être a-t-il un cœur facile a s’attendrir.

Racine.

Pour ces deux étrangers laissez-vous attendrir.

Voltaire.
.

Eh ! qui donc s’attendrit pour un infortuné ?

Crébillon.
.

Les cœurs ambitieux ne s’attendrissent pas.

La Harpe.
.

L’alguazil, dur au pauvre, au riche s’attendrit.

V. Hugo.

Malheur à qui toujours raisonne,
Et qui ne t’attendrit jamais, Voltaire.

Antonymes. Durcir, endurcir et rendurcir. Dessécher.