Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/attente s. f.

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Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 3p. 891).

ATTENTE s. f. (a-tan-te — rad. attendre). Action d’attendre ; état d’une personne qui attend : Longue attente. Attente ennuyeuse, pénible. Passer une journée tout entière dans l’attente. Être dans /’attente, en l’ attente de quelqu’un, de quelque chose. Si vous prêtez à cet homme, vous y perdrez et l’argent et l’ attente. (Acad.) Il nous lient dans l’ attente de ce qu’il veut faire. (Boss.) Souvenez-vous que la jouissance, durant cette vie, se cache souvent sous l’ attente. (Boss.) Quand même il n’y a plus aucune espérance, la longue habitude d’attendre toujours fait que l’on vit toujours en attente. (Boss.) Tout ce qui n’est pas Dieu ne saurait remplir notre attente. (Pasc.) L’attente est une chaîne qui lie tous nos plaisirs. (Montesq.) L’attente est plus souvent un tourment qu’un bonheur. (La Rochef.-Doud.) Il y a des transes, des angoisses, des voluptés indéfinissables dans l’ attente. (E. Sue.) Il se promenait en sifflotant un petit air, pour tromper l’ennui de l’attente. (Alex. Dum.) L’attente est longue à ceux qui aiment, si patients et si résolus qu’ils soient. (X. Marinier.) La vie n’est pas seulement une station, c’est encore une attente. (E. Pelletan.) Il y a dans l’ attente d’un grand plaisir un trouble qui ressemble à la frayeur. (A. Mén.) On peut considérer l’attente comme le supplice du, bonheur. (J. Sandeau.)

Je ne puis supporter cette pénible attente.

Étienne.

Que l’attente et la nuit allongent les moments !

C. Delavigne.

L’attente d’être heureux devient une souffrance.

A. de Musset.

Si ne doutez que bien ne vous contente
Vous n’y perdrez seulement que l’attente.

Villon.

Quel que soit le transport d’une âme impatiente
Ma parole m’engage à rester en attente.

Molière.

Semblable au désespoir, l’attente nous dévore ;
Et tout près du bonheur on est à plaindre encore.

Arnault.

Vous dont trois ans d’attente ont éprouvé la foi,
Je vous connais toujours incapable d’effroi.

C. Delavigne.

Oh ! que l’incertitude est un affreux tourment,
Et qu’une heure d’attente expire lentement !

C. Delavigne.

L’attente d’un retour ardemment désiré
Donne à tous les instants une longueur extrême,
Et l’absence de ce qu’on aime.
Quelque peu qu’elle dure, a toujours trop duré.

C. Molière.

O moment de l’attente ! instant délicieux
où l’amour tient encore son bandeau sur les yeux,
Combien on vous regrette auprès de ce qu’on aime !
Ah ! vous êtes pour moi la volupté suprême !

De Bièvre.

— Par ext. La personne, la chose qu’on attend : Le Messie devient l’{{sc|attente]] des nations, et il règne sur un nouveau peuple. (Boss.) Les deux Testaments regardent Jésus-Christ ; l’Ancien comme son attente, le Nouveau comme son modèle. (Pasc.) Le prophète qui devait être la dernière attente du monde a-t-il été prédit ? (Pasc.) À peine Jésus l’attente et le désiré des nations, est né, et voici les Mages qui viennent le reconnaître. (Fén.) Les Juifs s’en remettent à des inconnus sur un sujet qui avait fait de tout temps l’attente et la passion de leurs pères. (Flech.)

Qu’il vous donne ce roi promis aux nations,
Cet enfant de David, votre espoir, votre attente.

Racine.

— Prévision, espérance, désir ; opinion qu’on a conçue de quelqu’un, de quelque chose : Réussir contre l’ attente générale, contre toute attente. Son attente a-été frustrée ; il a été trompé dans son attente. Ce prince a répondu à l’attente qu’on avait de lui. (Acad.) Le succès n’a point trompé notre attente. (Acad.) Tout succède au delà de votre attente. (La Bruy.) On conçoit une si haute attenté de ces maximes… (Pasc.) Un silence extrême annonçait éloquemment la crainte, l’attention, le trouble, la curiosité de toutes les diverses attentes. (St. Sim.) L’Europe fut encore trompée dans son attente. (Volt.) Je nourrissais dans mon cœur la plus douce at-


tente. (J.-J. Rouss.) C’est l’objet d’une {{sc[attente}} générale. (Lamenn.)

Qui t’a donné, tyran, une attente si vaine ?

Corneille.

C’est l’attente du ciel, il nous la faut remplir.

Corneille.

Tout ce qui brille moins remplit mal mon attente.

Corneille.

Chimène, le succès répond à votre attente.

Corneille.

Tout mon dessein n’était qu’une attente frivole.

Corneille.

Je ne m’étonne point si je romps tes attentes.

Molière.

L’événement n’a point démenti mon attente.

Racine.

Son courage, madame, a passé mon attente.

Racine.

Quoique vieux je suis homme à lasser voire attente.

C. Delavigne.

Ainsi trompé de mon attente,
Je me consume vainement. Malerbe.

Pièce, salle d’attente, Chambre où l’on attend. Se dit particulièrement des salles dans lesquelles les voyageurs attendent le départ des trains de chemins de fer : La salle d’attente était encombrée de voyageurs. Les ministres étrangers n’étaient introduits que l’un après l’autre, suivant qu’ils étaient arrivés dans la pièce d’attente. (St-Sim.)

— Prov. Une bonne fuite vaut mieux qu’une. mauvaise attente, Il est plus sage d’abandonner une entreprise que d’en attendre inutilement le succès. || Attente, tourments, Attendre, est un véritable supplice.

— Costume milit. Morceau de drap, tissu de cuivre, d’argent ou d’or qui sert à retenir les êpaulettes sur la tunique.

— Archit. Pierres d’attente, Pierres saillantes ménagées d’espace en espace, au bout, d’un mur, de manière à pouvoir faire liaison avec un mur que l’on viendrait à construire à côté. On les appelle aussi pierres d’arrachement, harpes et amorces. || Fig. Ressources ménagées pour préparer ou aider à attendre ce qui doit ou peut se faire plus tard : Les ducs de la Trémoille exigèrent deux bagatelles qu’ils donnèrent à leur sœur pour pierre d’attente. (St-Sim.) L’histoire de la nature est un édifice à peine commencé ; ne craignons pas d’y poser quelques pierres d’attente. (B. de St. P.) Ménagez-les ; ils sont la pierre d’attente de la civilisation future. (Lamart.) || Par plaisant. Personne sans position et qui reste disponible pour la première qui s’offrira à elle : Moi, greffière !… Feu mon mari est mort, la charge est vendue, je n’ai plus de titre, plus de qualité : je suis une pierre d’attente. (Dancourt.)

— B.-arts. Tables d’attente, Plaque, pierre, planche ou panneau sur lequel il n’y a encore rien de gravé, de peint, de sculpté. || Fig. Jeune homme dont l’esprit n’est pas encore entièrement formé, mais qui est propre à recevoir, toutes les impressions qu’on voudra lui donner : Ce n’est qu’un jeune homme, mais c’est une bonne table d’attente.

— Techn. Table d’attente, Panneau de menuiserie en saillie au-dessus des guichets des grandes portes, sur lequel on fait des ornements en sculpture.

— Chirurg. Ligature d’attente, Ligature provisoire.

— Epithètes. Longue, prolongée, vaine, superflue, agréable, aimable, joyeuse, charmante, pénible, fatigante, ennuyeuse, dure, cruelle, douloureuse, mortelle, affreuse, effroyable.