Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/bénédictin

La bibliothèque libre.

◄  bénédictie
Index alphabétique — B
bénédiction  ►
Index par tome


BÉNÉDICTIN, INE s. (bé-né-di-ktain — du n. pr. lat. Benedictus, Benoît). Hist. relig. Religieux, religieuse de l’ordre de Saint-Benoît : Les bénédictines prétendent qu’elles sont averties de l’approche de leur mort par quelque bruit nocturne, qu’elles appellent les coups de saint Benoit. (Volt.)

— Par ext. Un homme érudit d’une science profonde et solide : C’est un véritable bénédictin. Les encyclopédistes ont été surnommés, avec raison les bénédictins du xviiie siècle. || Peut avoir un complément et désigne alors un spécialiste de premier ordre Son appel a été entendu par les bénédictins du pinceau. (Moniteur.)

— Adjectiv. Qui a rapport à l’ordre des bénédictins Annales bénédictines. Il était ignorant et superficiel sur toute chose, mais il devenait d’une érudition bénédictine quand il s’agissait de la science de sa maison (Balz.)

Encycl. Ce fut saint Benoît qui créa l’ordre religieux des bénédictins, et qui établit ses premiers disciples dans un monastère qu’il fit élever, à cet effet, sur le mont Cassin, en Italie. C’étaient de simples laïques, qu’il groupa en communauté et pour lesquels il institua spécialement une règle de conduite, qui fut plus tard adoptée par un certain nombre d’ordres du même genre, et qu’on désigna sous le nom de règle de Saint-Benoit. Elle avait pour principales bases d’excellents principes, puisqu’elle reposait sur la pratique de l’amour de Dieu, du travail et du silence, et l’observation de cette règle était rigoureusement exigée, à ce point, que si un des religieux y contrevenait, il était d’abord officieusement rappelé à l’ordre, et, en cas de récidive, réprimandé publiquement, puis excommunié, c’est-à-dire mis à une sorte de secret, enfin soumis aux peines corporelles ; et, lorsque toutes ces pénalités avaient été impuissantes à corriger le coupable, on le chassait du monastère.

Saint Benoît avait voulu que la vie monastique fût accessible à tous ; aussi, jeunes et vieux, riches ou pauvres nobles ou roturiers pouvaient-ils demander leur admission dans l’ordre, en prenant l’engagement de se soumettre aux prescriptions du règlement. La réception se faisait d’une façon assez bizarre : lorsqu’un postulant se présentait, on commençait par le laisser frapper à la porte pendant quatre ou cinq jours, et chaque fois on le repoussait au dehors ; puis, cette première épreuve subie, on l’introduisait dans la maison au bout de deux mois, on lui lisait la règle, on lui en faisait une seconde lecture six mois après, puis une troisième au bout de quatre mois, et enfin il était reçu, après avoir eu de la sorte une année, pendant le cours de laquelle il lui avait été loisible de réfléchir avant de s’engager d’une manière définitive. Au reste, tout avait été parfaitement prévu et défini par saint Benoît dans la règle qu’il imposait à ses religieux, et elle est remarquable par la sagesse de ses prescriptions ; elle ne demandait ni jeûnes outrés, ni abstinence, ni pratiques ridicules et superstitieuses, aussi contraires à la véritable religion que le sont celles d’une vie dissolue ; l’hygiène, la sobriété, l’amour du travail, tels sont les points fondamentaux de cette règle, qui devrait être celle de toutes les communautés. « Chacun, y était-il dit, a le don et la grâce particulière qu’il a reçus de Dieu, l’un d’une manière, l’autre d’une autre, et c’est pourquoi nous avons quelque scrupule et quelque peine à régler le vivre d’autrui ; toutefois, ayant égard à la faiblesse des infirmes, nous croyons qu’une hémine de vin (un quart de litre) par jour suffira à chacun. S’il s’en trouve à qui Dieu donne la grâce et la force de s’en abstenir entièrement, qu’ils s’assurent d’en recevoir une récompense particulière. Mais si la nécessité du lieu, ou le travail, ou l’ardente chaleur de l’été, demandent qu’on augmente cette mesure, le supérieur pourra le faire s’il le trouve bon, pourvu qu’il prenne bien garde que la gourmandise ou l’ivrognerie ne s’y glissent. »

Et plus loin : « L’oisiveté est l’ennemie de l’âme c’est pourquoi les religieux doivent s’occuper durant quelque temps aux ouvrages des mains, et durant certaines heures à la lecture des saints livres. Et que l’on ait un soin particulier de choisir un ou deux des anciens pour faire la revue du monastère, aux heures où les frères s’occupent à la lecture, et prendre garde s’il ne se trouve point quelque lâche et paresseux qui soit oisif et s’amuse à badiner au lieu de s’appliquer à lire, et qui non-seulement perde le temps à ne rien faire, mais le veuille faire perdre aux autres en les détournant de leur ouvrage… Quant aux frères faibles et délicats, qu’on leur ordonne un ouvrage ou un métier qui soit proportionné à leurs forces, et qui leur fasse éviter l’oisiveté, de peur que, s’ils étaient accablés par la violence du travail, ils ne se portassent à tout quitter et à s’enfuir. En quoi l’abbé doit aviser, en réglant leurs exercices selon la faiblesse de leur corps. Nous avons dressé cette règle, dit enfin le dernier chapitre, afin que, la pratiquant dans les monastères, nous témoignions qu’il y a parmi nous quelque honnêteté de vie et quelque commencement de vertu religieuse. » Quoi de plus digne et de plus sage que ce langage ! Il y eut encore, dans la constitution de l’ordre des bénédictins, un point essentiel qu’il est bon de signaler : ce fut celui qui était relatif à la propriété ; les moines conservaient ce principe vital de toute société mais cette propriété, d’individuelle qu’elle était, devint commune. « L’un des principaux désordres qu’il faut retrancher du monastère, jusqu’aux plus petites racines, est qu’aucun religieux ne prenne la hardiesse de donner ou de recevoir quoi que ce soit sans l’ordre de l’abbé et n’ait rien en propre, ni livres, ni tablettes, ni stylet, en un mot rien du tout, puisqu’il ne leur est pas permis d’avoir en leur propre puissance ni leur corps ni leur volonté… Que toutes choses ainsi soient communes à tous, afin que, selon le témoignage du Saint-Esprit dans les Actes, nul ne s’attribue rien comme étant à soi propre. Et si l’on reconnaît que quelque religieux soit porté à ce détestable vice, qu’il en soit repris une ou deux fois, et s’il ne se corrige pas, qu’il en soit châtié. » Il était formellement défendu aux religieux de rien donner ou recevoir du dehors, et dès qu’un postulant était admis à se faire moine, il devait donner tout ce qu’il possédait aux pauvres ou au monastère.

Fondé vers 528, l’ordre des bénédictins ne fut d’abord qu’une institution de plus parmi toutes celles du même genre qui existaient ; mais saint Benoit, dans sa vie monastique, lui donna un caractère tout particulier ; déjà saint Martin dans les Gaules, Cassien à Marseille, saint Honorat à Lerins, saint Isidore, saint Colomban et d’autres avaient établi des communautés religieuses mais aucune d’elles ne possédait en soi une cause de progrès semblable à celle que la volonté de son fondateur avait introduite dans son principe, celle de l’aptitude à tout travail. « Il offrait, dit M. J. Leroux, aux papes, aux évêques et aux rois, un instrument plus souple et plus capable de remplir le but civilisateur qu’ils poursuivaient, qu’aucun autre ordre monastique. » Il devint vite célèbre ; en 534, un des principaux disciples de saint Benoît, saint Placide, alla établir des religieux de son ordre en Sicile, et, en 543, un autre, saint Maur, vint en France, accompagné de quatre religieux, bâtir un monastère dans la province d’Anjou. Bientôt il y eut des bénédictins chez toutes les nations en Angleterre, où ils s’établirent en 596 ; en Espagne, où on les voit fixés en 690 ; en Allemagne, où fut fondée en 744 la célèbre abbaye de Fulde, etc.

En France, pays de l’aumône et de la charité, les bénédictins acquirent de grands biens aussi couvrirent-ils le royaume de monastères mais dès que la richesse fut venue, la discipline se relâcha, et, préoccupés sans cesse du désir d’accroître leurs domaines et d’acquérir une grande influence, ils délaissèrent peu’à peu le soin des choses spirituelles pour’se consacrer trop aux temporelles ; c’en était fait de la fameuse règle de saint Benoît, qui leur interdisait formellement de mettre le pied hors du monastère, de se nourrir de viandes, etc. les bénédictins des viie et viiie siècles avaient changé tout cela ; la vie facile, agréable, oisive dans laquelle la pratique de l’abstinence et de la chasteté n’entrait pour rien, était devenue celle des membres de l’ordre, qui attirèrent sur eux l’attention de l’autorité royale. Louis le Débonnaire fit assembler un concile en 817, et une réforme sévère y fut votée et notifiée aux bénédictins, qui, pendant un certain laps de temps, parurent s’amender ; mais ce ne fut qu’une espérance, et ils ne tardèrent pas à se signaler de nouveau par un relâchement de mœurs qui était tout à fait en désaccord avec le but de l’institution. En 927, une nouvelle réforme eut lieu sur l’initiative prise par l’abbé de Cluny, saint Odon, qui forma une sorte de séparation entre les religieux une partie d’entre eux se rangèrent sous son obéissance et prirent le nom de Bénédictins de Cluny ; saint Odon fut reconnu pour supérieur général de l’ordre ; peu à peu les autres adoptèrent, à quelques exceptions près, la règle de ce réformateur, et l’ordre y gagna considérablement en puissance et en réputation, puisque, en 1157, il comptait environ deux mille maisons tant en France qu’à l’étranger.

Mais un fait à remarquer dans l’histoire de toutes les communautés religieuses, c’est que toujours la prospérité fut chez elles le signal d’une prochaine décadence de nombreux écarts furent encore signalés dans les différents monastères et une scission nouvelle s’opéra. Le fondateur de l’abbaye de Cîteaux fit adopter la règle de son ordre chez les bénédictins ; mais une partie de ceux-ci refusèrent de s’y soumettre, et se retirèrent à l’effet de se constituer en un ordre indépendant, qui devint celui des bernardins, du nom de Bernard, leur chef.

Les choses allèrent ainsi pendant plusieurs siècles ; mais le temps avait marché, les mœurs n’étaient plus les mêmes ; il fallut derechef apporter des modifications dans les conditions réglementaires des bénédictins, et elles furent édictées par le concile de Trente. Ce fut le prieur de l’abbaye de Cluny qui fut, en 1621, le principal instigateur de cette nouvelle réorganisation. Toutes les communautés qui l’adoptèrent prirent alors le nom de bénédictins de Saint-Maur, du nom d’une congrégation qui devint maison-mère, et qui dut son origine au vœu exprimé par le clergé de France, aux états de 1614, de voir importée en ce royaume la réforme naissante du monastère de Saint-Vanne en Lorraine. En 1618, l’abbé de Saint-Vanne, reconnaissant l’impossibilité de rattacher les différents monastères à la réforme, jugea utile de solliciter auprès du roi l’érection d’une congrégation nouvelle, placée hors de sa dépendance et dans laquelle viendraient s’affilier toutes les communautés réformées. Telle fut l’origine de cette fameuse congrégation de Saint-Maur, qui obtint du roi Louis XIII des lettres patentes constitutives, datées d’août 1618, et dont l’existence fut solennellement reconnue et confirmée en cour de Rome, le 17 mai 1621. Elle devait bientôt s’acquérir une réputation destinée à traverser les siècles. En effet, ce furent les bénédictins de Saint-Maur qui eurent le glorieux honneur de faire oublier tous les motifs de plaintes qu’on avait formulés contre les bénédictins en général, et ils se montrèrent aussi studieux, aussi passionnés pour la science et les lettres, qu’ils avaient jusqu’alors été oisifs et inutiles, et le couvent cessa de servir de refuge à des hommes faibles et ignorants, pour devenir un asile de savants, qui se donnèrent la mission d’apporter des pierres monumentales au grand œuvre de l’instruction universelle.

Les immenses travaux des bénédictins de Saint-Maur ont rendu d’éminents services à l’Église, aux sciences, aux lettres, à l’agriculture ils ont tout embrassé et tout traité avec une grande supériorité d’intelligence. Certes, il ne faut pas chercher, dans les gigantesques monuments littéraires qu’ils ont élevés, le souffle d’un esprit libéral ; toutefois, loin de consacrer leur plume d’une façon exclusive à la défense du catholicisme, on les voit, pionniers hardis, s’élancer les premiers dans le domaine de l’inconnu pour tâcher d’y faire la lumière. Ils étudièrent beaucoup, et les fruits de leurs études furent d’excellents livres ; ils ont particulièrement laissé de nombreux ouvrages sur l’histoire de France. Savants, modestes et laborieux, ils furent les auteurs de la Gaule chrétienne, des Actes des Saints, de la Collection des historiens de France, etc., etc. ; la Bibliothèque historique et critique des auteurs de la congrégation de Saint-Maur fut publiée par les soins de Jean Leclerc, en 1726. On trouve encore une nomenclature des nombreux ouvrages de ces religieux dans une notice sur les ouvrages et la vie des écrivains de la congrégation du Mont-Cassin, par dom M. Armellini, qui fut publiée de 1731 à 1734, et forma quatre volumes in-fol. ; enfin, dom François fit paraître, en 1778, la bibliothèque générale des écrivains de l’ordre de Saint-Benoît, qui forma aussi quatre gros volumes in-folio.

L’importance de ces catalogues montre ce que fut l’œuvre des bénédictins au reste, ils se rendirent si célèbres par leurs publications, qu’aujourd’hui encore, lorsqu’on veut qualifier quelque grand ouvrage encyclopédique ou d’une longue et difficile composition, on dit que c’est un travail de bénédictin.

Ce fut dans cette fameuse abbaye de Saint-Maur-les-Fossés que Rabelais qui fut bénédictin, écrivit son Pantagruel. On montra la chambre qu’il y avait occupée, pendant plus de cent ans après sa mort.

Des hommes dont le nom est resté comme synonyme d’un haut degré de savoir ont appartenu à l’ordre des bénédictins Mabillon, qui se fit remarquer par la vaste érudition qu’il montra dans ses livres d’histoire et de diplomatique, fut un des plus illustres parmi les moines bénédictins de la congrégation de Saint-Maur ; la belle édition de Saint Bernard, les neuf volumes des Actes des saints de l’ordre de Saint-Bernard, les quatre volumes d’Analectes, contenant des pièces inédites et ramassées à grand’peine dans les abbayes bénédictines d’Allemagne, de France et d’Italie, les Annales de saint Benoit, qui demandèrent à Mabillon neuf années d’un travail soutenu avant qu’une ligne en fût imprimée, sont là pour attester la science profonde de ce savant religieux, dont l’émule, d’Achéry, exerça une puissante influence sur la direction des études au sein de la communauté, et sut encore attacher son nom aux précieuses découvertes qu’il fit de pièces historiques, dont le recueil parut en treize volumes in-4o, sous le titre de Spicilége. Et Sainte-Marthe, qui le premier conçut et commença l’exécution de cette œuvre immense, qu’on appelle la Gallia christiana ! et Edmond Martène ! et son fidèle collaborateur Ursin Durand ! les immortels auteurs du Thesaurus novus et du Veterum scriptorum ; et Bernard de Montfaucon ! le savant membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, helléniste consommé, dont la plume traite avec la même autorité les sujets profanes ou religieux. « Destiné par mes supérieurs dit-il lui-même, aux éditions des Pères grecs, je m’aperçus d’abord que, pour y réussir, l’étude du profane m’était absolument nécessaire, et je partageai mon temps entre l’étude de l’Ecriture sainte et des Pères, et celle de l’antiquité profane. »

Que d’hommes éminents ! que de travaux capitaux ! Ce furent les bénédictins de la congrégation de Saint-Maur qui écrivirent l’Art de vérifier les dates ; l’Histoire de la ville de Paris, de Félibien ; l’Histoire de l’abbaye de Saint-Denis ; l’Histoire de Bretagne, de dom Lobineau, et tant d’autres ouvrages qui dénotent chez leurs auteurs, non-seulement, nous l’avons dit, un savoir profond, mais encore une activité prodigieuse, due tout entière à la puissance de l’association.

Dom Calmet, qui appartenait à la congrégation de Saint-Vanne, laissa des travaux non moins considérables que ceux de Mabillon et de Montfaucon, et son nom ne le cède en rien au leur.

La congrégation de Saint-Maur, après avoir brillé d’un si vif éclat pendant l’espace d’un siècle, se voua plus tard à l’éducation de la jeunesse, et Louis XVI lui confia la direction de plusieurs écoles militaires, dont elle fit des pépinières d’hommes instruits.

La Révolution de 1789 abolit l’ordre en France et supprima couvents et congrégations ; mais les divers États d’Europe conservèrent des établissements de bénédictins. Les principales abbayes de cet ordre fameux furent, depuis cette époque, celle du Mont-Cassin, établie lors de la rentrée des Bourbons à Naples ; celle de Montferrat en Espagne ; celles de Kremsmunster, Moelk, Goetweih et Saint-Florian, en Autriche ; celle de Martinsberg, en Hongrie, et en France l’abbaye de Solesme, où se trouve établie la nouvelle congrégation des bénédictins.

Bénédictins anglais. Ce fut à la suite du schisme que fit naître Henri VIII en Angleterre, que des religieux bénédictins quittèrent ce pays pour venir se réfugier en France. En 1615, Marie de Lorraine, abbesse de Chelles, fit venir à Paris six de ces bénédictins, et les établit au collège de Montaigu où ils étaient à peine installés que, par un caprice de cette princesse, ils durent en déménager pour aller habiter le faubourg Saint-Jacques, d’où elle voulut les faire sortir encore ; mais les bénédictins, qui n’étaient pas disposés à se promener ainsi de quartier en quartier, refusèrent. Alors Marie de Lorraine, mécontente, cessa de protéger les bénédictins, et ceux-ci livrés aux seules ressources de la charité publique, se virent sur le point de manquer du nécessaire mais leur esprit ingénieux y suppléa ; ils se mirent en quête de nouveaux protecteurs et, comme à Paris les riches dévotes étaient en grand nombre, non-seulement ils purent subvenir largement à leurs besoins journaliers, mais encore ils parvinrent à s’enrichir. Toutefois, ils semblèrent avoir été destinés à un déplacement perpétuel. S’étant recommandés à la bienveillance du chef de la congrégation des bénédictines anglaises, celui-ci les logea dans une maison de la rue de Vaugirard, puis dans une autre de la rue d’Enfer, dont ils sortirent pour aller s’établir à l’ancien couvent des Feuillantines. Enfin, en 1640, l’archevêque de Reims leur acheta trois maisons rue Saint-Jacques, dans lesquelles ils purent définitivement se fixer ; et, en 1674, ils étaient parvenus à pouvoir faire démolir les anciens bâtiments, pour y faire élever à leur place un magnifique édifice avec une superbe église. Ce fut là que furent enterrés le corps du malheureux Jacques II d’Angleterre, et celui de sa fille Marie Stuart.

En 1790, le couvent des bénédictins anglais fut supprimé.

Bénédictins guillemites. Ces religieux faisaient partie de l’ordre des bénédictins ; ils s’étaient détachés en 1298 du monastère du Mont-Cassin, en Italie, pour venir à Paris s’établir dans le couvent précédemment habité par les religieux blancs-manteaux dont le peuple continuait à leur donner le nom, bien que les bénédictins portassent des manteaux noirs. Leur église renfermait des tableaux de prix, et, au XVIIIe siècle, le couvent était cité pour sa bibliothèque, composée de livres choisis parmi lesquels figuraient en grand nombre les ouvrages des Pères bénédictins. Le décret qui supprima l’ordre fit en même temps disparaître les guillemites.

Congrégations de bénédictins. Saint Odon de Cluny, en rétablissant la règle fondamentale de saint Benoît dans son abbaye, comprit que le seul moyen de lui conserver toute sa force était de la propager dans les différentes communautés que les moines bénédictins fondaient sur les divers points de la France et de l’étranger et, pour cela, il commença à déclarer et à poser en principe que toute abbaye, fondée n’importe où par des bénédictins, relèverait immédiatement de Cluny. Or, comme tous les nouveaux monastères comprenaient le besoin de s’appuyer sur le crédit et la réputation de l’ordre de Saint-Benoît pour pouvoir accroître leurs richesses et leur puissance, ils ne firent aucune difficulté de reconnaître l’autorité abbatiale de Cluny ; quant aux abbayes anciennes, qui étaient considérablement déchues par le relâchement des mœurs, elles acceptèrent cette sorte de vassalité dans le désir d’échapper à une disparition probable. Il y eut donc alors une espèce de confédération, dont chaque agrégation, tout en ayant une réglementation uniforme, conservait une certaine autonomie en ce qui touchait les règlements intérieurs et la constitution du régime, dont les abbés de Cluny se gardèrent fort sagement de changer la rédaction. Ces différentes succursales de l’abbaye principale devinrent des congrégations, nom que prit également le monastère de Cluny, qui s’intitula Congrégation des bénédictins de Cluny, tandis que les autres furent dénommées diversement. Nous allons en donner ici la liste, sans préjudice de l’article spécial que nous consacrerons à celles qui jouèrent un rôle important dans l’histoire. On compte, suivant l’ordre chronologique, la congrégation des Camaldules (v. ce mot), fondée en Italie vers 1012, et en Espagne en 1030, et qui s’accrut plus tard de celle du mont Coryl ; la congrégation (d’Hirsfeld, fondée en Allemagne à peu près à la même époque ; la congrégation de Vallombreuse, fondée en Italie en 1060 ; la congrégation de Cave, dont l’institution par saint Alfred remonte à la même époque son troisième abbé lui donna une telle extension, qu’elle compta jusque trois mille religieux ; la congrégation de Castelle, fondée en 1064 la congrégation de Saint-Lanfranc, fondée peu de temps après la congrégation d’Hirsau, instituée en Suède en 1080, et qui étendit ses ramifications sur toute l’Allemagne la congrégation de Grandmont en France, fondée la même année ; la congrégation de Cîteaux, fondée en 1098 ; la congrégation de Fontevrault, instituée en 1121 ; la congrégation de Melly, fondée la même année en Allemagne par Sigebert ; la congrégation Saint-Guillaume, fondée sous le pontificat d’Anastase IV vers 1156, dans les Pays-Bas ; la congrégation de Flore, formée en 1196, et qui fut unie à celle de Cîteaux ; la congrégation des Humiliés, fondée la même année par des gentilshommes milanais, et qui fut abolie par le pape Pie V à la suite de l’assassinat que l’un de ses religieux commit sur la personne de saint Charles Borromée, archevêque de Milan ; la congrégation de Saint-Paul ermite, fondée en 1215 en Hongrie ; la congrégation de Saint-Sylvestre, fondée par ce bienheureux en 1258, et qui, peu de temps après, se confondit avec celle de Vallombreuse, dont plus tard elle se sépara : elle comptait des monastères des deux sexes ; formée en Italie, elle se répandit en France, où, dans le Dauphiné, fut instituée la congrégation du Petit-Vallombreuse ; la congrégation du Val-des-Choux, instituée en France, près de Dijon, par un moine bénédictin ; la congrégation des Célestins, fondée en 1274, et qui se répandit en Allemagne, en Hongrie et en France ; la congrégation du Val-des-Ecoliers, formée en Champagne ; la congrégation d’Olivet, fondée en 1320, sur le sommet d’une montagne avoisinant la ville de Sienne, et dont les membres se répandirent en Italie en Sicile et en Hongrie ; la congrégation des Moines-Noirs, fondée en Angleterre en 1335, et qui comptait vingt-quatre abbés jouissant du droit de suffrage dans la chambre haute du parlement la congrégation de Sainte Brigitte fondée aussi en Angleterre en 1340 ; la congrégation de Bursfeld, fondée en Saxe à l’issue du concile de Constance ; la congrégation de Saint-Bernard fondée en Italie vers la fin du xve siècle ; la congrégation de Chezal-Benoit, formée en 1494 dans une abbaye du Berry, et qui, en 1636, se fondit dans la congrégation de Saint-Maur ; la congrégation du Mont-Cassin, fondée en 1503, et qui reçut sa constitution du pape Jules III Ce fut de cette congrégation que sortirent celles de Saint-Vanne en Lorraine, de Saint-Maur en France, et la congrégation réformée de Cluny ; enfin, la congrégation de Valladolid, fondée en Espagne en 1520.

Outre ces diverses congrégations, plusieurs ordres, tels que ceux des bernardins, des feuillants, des récollets, des trappistes, des guillemites, des célestins, des blancs-manteaux, etc., et même certains ordres chevaleresques et militaires, étaient soumis à la règle de Saint-Benoît et considérés comme agrégés à l’ordre des bénédictins à des degrés différents.

Bénédictines. Le premier titre qui soit connu, touchant l’ancienneté de cet ordre religieux, est une sévère réprimande que s’attirèrent les bénédictines pour avoir fait cadeau de mouchoirs à des religieux de Saint-Grégoire et le second est une plainte portée contre elles par un homme qui leur avait donné de grands biens, et qui fut payé par elles de la plus noire ingratitude. Saint Benoît, qui l’on doit la fondation de l’ordre, ne fut pas satisfait de la conduite de ces religieuses et les blâma fort de ne savoir retenir leur langue, trop facile à médire du prochain : « Retenez votre langue, leur dit-il ; car si vous ne vous corrigez, je vous excommunie. »

Elles se corrigèrent, rapportent les historiens, et, après la mort de saint Benoît, elles demeurèrent dans le monastère du Mont-Cassin, où elles menèrent une vie fort régulière. Quelques auteurs ne s’accordent point cependant sur l’époque de la fondation de ce monastère, pas plus que sur le nom de son véritable fondateur, qu’on suppose aussi être sainte Scolastique. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’en 532 les bénédictines occupèrent ce couvent du Mont-Cassin, et que, de là, elles se répandirent bientôt dans toute l’Italie, ainsi que chez les nations voisines.

En France, elles arrivèrent en 544 ce fut sainte Radegonde, femme de Childebert Ier, qui leur fit bâtir un monastère à Poitiers, sous l’invocation de la sainte Croix ; peu de temps après, sainte Clotilde leur en fit construire un autre à Chelles, près de Paris ; mais aussitôt après leur installation en France, les bénédictines trouvèrent la règle de saint Benoît un peu sévère, et préférèrent en choisir une d’une plus facile observance ; c’est pourquoi elles substituèrent dans leurs monastères la règle de saint Césaire, puis celle de saint Colomban. Mais, en 742, un concile d’Allemagne prescrivit que toutes les bénédictines observeraient la règle de saint Benoît. Elles firent d’abord mine de se soumettre mais elles ne tardèrent pas à secouer de nouveau le joug, et elles prirent l’habit de chanoinesses, et portèrent des robes blanches et des surplis de toile fine bien empesés. À partir de ce moment, ce fut une lutte continuelle entre l’autorité religieuse et la mauvaise volonté des bénédictines, qui, défendant le terrain pied à pied, prétendaient toujours avoir le droit de se diriger par elles-mêmes. Ce fut ainsi qu’on en vit embrasser la règle de Fontevrault et prendre l’habit de cet ordre ; d’autres s’habillaient selon leur fantaisie, et, pendant des siècles, il fut difficile de les astreindre à une règle absolue. En 1614, Jeanne de Bourbon, abbesse de Jouarre, retira à ses religieuses le bréviaire de Fontevrault et voulut changer leur vêtement, mais la résistance opiniâtre qu’elles firent détermina l’abbesse à les laisser en paix ; toutefois, en 1626, elles finirent par céder, et, sur la fin du xviie siècle, toutes les bénédictines portaient une robe noire, un scapulaire de même couleur, et, par-dessus la robe, une tunique qui, autant que possible, devait être faite d’une étoffe non teinte. Au chœur et dans les cérémonies, elles portaient un grand habit de serge noire, comme les bénédictins.

Il y avait, au xviiie siècle, des couvents de bénédictines un peu partout : en Champagne, en Flandre, en Lorraine, etc. À Paris, il en fut établi plusieurs : les bénédictines de la Ville-Lévêque, les bénédictines anglaises, les bénédictines de Notre-Dame de Liesse et les bénédictines de Notre-Dame de la Consolation. Le premier de ces monastères était situé près de la rue de Suresnes, le second au faubourg Saint-Marcel, le troisième rue de Sèvres, dans les bâtiments qui furent affectés depuis à l’hôpital Necker, et le quatrième dans la rue du Cherche-Midi.

Mais, outre ces quatre grands couvents, qui étaient régulièrement établis et fonctionnaient avec l’autorisation voulue, il existait encore deux autres établissements de bénédictines : c’étaient ceux des bénédictines de la Consolation et bénédictines mitigées ; jetons un coup d’œil sur ces bénédictines accessoires.

Bénédictines de la Consolation. Le renom que s’étaient acquis les religieuses bénédictines et la faveur dont elles jouissaient en France en avaient prodigieusement augmenté le nombre, et plusieurs maisons ou communautés avaient été fondées, sous ce titre, par des personnes pieuses qui, sans calculer les ressources possibles que l’avenir pouvait assurer à ces établissements, se contentaient de réunir plusieurs filles ou femmes dans des bâtiments achetés ou même loués, et les exhortaient à y vivre de leur mieux ; ces communautés, sans existence légale, n’offraient aucune garantie, ni morale ni réelle de ce nombre était celle des Bénédictines de la Consolation, établies on ne sait par qui, sans l’approbation d’aucune autorité ; aussi, en 1670, le parlement, ému de cet abus, se décida à intervenir, et un arrêt supprima la communauté, en ordonnant que les religieuses rentreraient au couvent où elles avaient fait profession, ou seraient enfermées dans le monastère du Verbe incarné, ce qui s’exécuta.

Bénédictines mitigées. Celles-ci furent établies en 1649 dans un couvent de Paris, situé rue des Postes, et fondé par la veuve du sieur Billard de Carrouge ; elles étaient quatre seulement, qui y vivaient sous l’obéissance d’une prieure, nièce de la fondatrice, avec laquelle elles ne tardèrent pas à être en complet désaccord, malgré les exhortations de archevêque de Paris qui tenta vainement de les réconcilier et qui dut finir par les séparer, en 1650. Trois de ces quatre religieuses se retirèrent dans une maison particulière, et l’autre, fidèle à la prieure, alla l’aider à fonder une nouvelle communauté de bénédictines mitigées, qui s’appelèrent aussi les religieuses de la Présentation de Notre-Dame. Des lettres patentes du mois de décembre 1656 autorisèrent cette fondation elles furent renouvelées en 1661, et, en 1671, les bénédictines mitigées revinrent habiter la rue des Postes, où elles vivaient d’une façon si précaire, que Louis XIV dût accorder une loterie à leur bénéfice, afin de leur venir en aide. La communauté fut supprimée en 1790.

Dès 1795, on vit dans le nord de la France des bénédictines tenter avec succès le rétablissement de leur ordre ; ce fut d’abord un externat qu’elles ouvrirent à Calais, puis, en 1805, elles se placèrent à la tête des écoles chrétiennes, et plus tard un couvent put s’ouvrir. En Lorraine, elles reprirent possession de leur communauté en 1824. À Lyon, elles rentrèrent dans leur demeure lors de la restauration des Bourbons en France.. Un monastère chef-lieu fut fondé dans cette ville par les soins de Mme de Bavos. Des succursales de ce vaste établissement furent créées dans diverses villes, et aujourd’hui la maison-mère de Lyon est en pleine voie de prospérité. Les membres de la communauté se divisent en quatre classes : les religieuses du chœur, les oblates, les sœurs converses et les sœurs. Les premières suivent la règle de saint Benoît. L’habit des religieuses bénédictines est de couleur noire. Les constitutions relatives aux règlements de clôture et autres ont été approuvées par la cour de Rome et imprimées en 1853, sous le patronage de l’abbé Plantier, aujourd’hui évêque de Nîmes