Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/bordeaux s. m.

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Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 3p. 995-996).

BORDEAUX s. m. (bor-dô). Vin très-estimé, des environs de Bordeaux : Bordeaux rouge. Bordeaux blanc. Bordeaux vieux. Le bordeaux. Du bordeaux. Une pièce, une bouteille de bordeaux. Un verre de bordeaux. Le bordeaux est le seul vin que son inimitable bouquet mette à l’abri de la contrefaçon. (Brill.Sav.)

J’estime le bordeaux, surtout dans sa vieillesse.
J’aime tous les vins francs, parce qu’ils font aimer.
                        A. de Musset.

       Le bordeaux.
       Le mursaulx.
     L’aï que l’on chante,
  Vont donc enfin m’être connus.
                          BÉRANGER.

— Encycl. On donne généralement le nom de vin de Bordeaux aux vins récoltés dans les onze départements qui forment la région dite du Sud-Ouest : Gironde, Dordogne, Landes, Basses et Hautes-Pyrénées, Gers, Haute-Garonne, Lot, Lot-et-Garonne, Tarn et Tarn-et-Garonne ; mais, dans cette république composée de onze États, la Gironde trône comme un astre au milieu d’humbles satellites, comme une reine au milieu de princesses qui émaillent sa cour. Les vins de la Gironde se classent en quatre espèces, suivant les terrains où sont plantées les vignes : Graves, Côtes, Palus et Entre-deux-Mers.

Sous la dénomination de Graves sont compris les crus de : Château-Margaux, Château-Laffitte, Château-Latour et Château-Haut-Brion, vins désignés sous le nom général de Médoc ; puis ceux de Brane-Mouton, Cos-d’Estournel, Durefort, Lascombes, Léoville, Mouton, Pichon de Longueville, Rauzan, Desmirail, Dubignon, Ducru, Duluc, Fruitier, Ganet, Giscours, Lagrange, Barton, Lanoir, Montrose, Pouget, Malescot, Delage, Bekker, Beychevelle, Calon-Lestapis, Carnet, Castéja, Dubignon, Ferrière, Lafon-Rochet, la Lagune, Lesparre-Duroc, Mac-Daniel, Pagès, Palmer, Saint-Pierre, Batalley, Bedout, Bourran, Pontet-Canet, Cantemerle, Chaullet, Constant, Cos-Labory, Coutanceau, Croizet, Ducasse, Grand-Puy, Jurine, Liberal, Liversan, Lynch, la Mission, Mouton-d’Armailhac, Castéja, Pop p, Seguineau, Marquis d’Aligres, Le Boscq, Morin, Lanessan, Merman, Le Paveil, Pédescleaux et Trouquoy-Lalande. Tous ces vins sont produits par les communes de Margaux, Pauillac, Pessac, Cantenac, Saint-Estèphe, Saint-Julien, Saint-Lambert, Labarde, Saint-Laurent, Ludon, Macau, Saint-Sauveur, Soussans, Cussac, Saint-Seurin-de-Cadourne, Cissac et Verteuil.

Les Côtes comprennent les crus de Saint-Émilion, Canon et Fronsac ; puis viennent ceux de Vicomte-du-Barry, Peychaud, Marsaud, Chatenier, Sunder, Bourg, Camillac, La Libarde, Bayon, Gauriac, Villeneuve, Samonac, Saint-Seurin-de-Bourg, Comps, Saint-Ciers-de-Ganesse, Basseins, Cenon, Camblanes, Quinsac, Floirac, Latresne, Sainte-Foy et Castillon.

Les vins de Palus, ou terrains d’alluvion, sont les produits de : Queyries, Montferrand, Basseins, Ambès, Camblanes, Quinsac, Valentous, Saint-Gervais, Bacalan, Saint-Loubès, Sainte-Eulalie, Latresne, Macau, Bautiran, Izon, Saint-Gervais, Cubzac, Saint-Romain, Asque, l’île Saint-Georges, Carbon-Blanc, Ambares et la Grave. Ces vins sont riches, généreux, colorés, et ont un délicieux bouquet de framboise ; ils viennent immédiatement après les vins classés, et peuvent servir à relever les vins usés du Médoc, avec lesquels ils ont une certaine analogie.

L'Entre-deux-Mers, partie comprise entre la Garonne et la Dordogne, donne les vins de Brane, Pujols, Pellegrue, Sauveterre, Cadillac, Créon, Saint-Macaire et La Benauge.

Comme vins blancs, la Gironde s’enorgueillit des crus de Sauterne, Château-d’Yquem, Bommes, Preignac, Barsac ; Château-de-Carbannieux, Dariste, Cérons, Podensac, Toulène, Saint-Pey, Pujols, Sainte-Croix-du-Mont, Loupiac, Léognan, Martillac et d’autres de qualité inférieure, comme ceux de Virelade, Arbanats, Budos, Laudiras, Illats, Langoiran, Cadillac, Baurech, Tabanac, Paillet, Rions, Beguey, Larroque, Portets, Castres, Sùint-Selve, Beautiran, Saint-Médard, Ayrans, La Brède, Cambes, Cubzac, Bourg, Fronsac, Blaye, Sainte-Roy et Castillun.

Nous allons dire quelques mots des dix autres départements comptés dans ce cercle :

Dordogne. La plupart de ces vins, blancs et rouges, se trouvent sur les deux rives de la Dordogne, et sont désignés sous le nom général de vins de Bergerac. Pour qualités distinctives, ils ont la légèreté, la finesse, la franchise de goût.

Landes. Les vins de ces vignobles sont de qualité secondaire, et on les convertit pour la plupart en eau-de-vie.

Basses-Pyrénées. Ces vins ont perdu de leurs qualités, sans doute à cause d’un changement apporté dans les plants ; c’est là que se trouvait le fameux vin de Jurançon, le premier qui mouilla les lèvres de Henri IV. Ce produit, le blanc surtout, est corsé, généreux, mais aussi très-fumeux. Les amateurs d’origines et de causes premières trouveront sans doute dans cette propriété la raison du tempérament bien connu du roi vert-galant.

Hautes-Pyrénées. Ces vins doivent perdre dans le fût leur couleur trop foncée et leur goût pâteux. On les emploie à donner du corps aux vins faibles. Les plus estimés sont ceux de Madiran et Castelnau.

Gers. Les vins de ce département servent surtout à la fabrication des eaux-de-vie connues sous le nom d’armagnac.

Haute-Garonne. Vins estimés dans le commerce, surtout s’ils proviennent des vignobles de Toulouse, de Muret ou de Villandrie.

Lot. On connaît surtout les vins noirs de Cahors, très-précieux pour les mélanges.

Lot-et-Garonne, Vins estimés, entre autres ceux d’Agen, de Thézac, de Péricard et de Monflanquin. Les vins blancs de Clairac sont surtout très-estimés.

9a Tarn. Le Tarn envoie la plupart de ses vins à Paris. On les récolte à Gaillac, à Cussac et à Caisaguet. Ils sont légers, délicats, moelleux, et ont un excellent bouquet.

10° Tarn-et-Garonne. Assez bons vins, qui ne sortent guère du pays.

Les vins de Bordeaux, surtout ceux de la Gironde, sont l’honneur de la France viticole, et une des sources principales de sa richesse ; certains crus ne se vendent pas moins de 6,000, 7,000, 8,000 et même 10,000 fr. le tonneau de 912 litres. Le bordeaux possède des qualités particulières, sui generis, qui le distinguent des vins de tous les autres pays. Comme le Gascon, il a un assent particulier, et on le connaît du pôle brûlant au pôle glacé. Le caractère propre de ces vins est une belle couleur pourprée, du velouté, de la suavité ; son bouquet a de la finesse ; il ne laisse dans la bouche aucune odeur vineuse, fortifie l’estomac sans porter à la tête, et peut ne pas incommoder, alors même qu’il est pris à forte dose. Il ne redoute ni les variations de température, ni les longs voyages, qui fatiguent parfois nos bourgognes. Il a certaines propriétés qui le recommandent particulièrement aux estomacs délicats ; il est moins spiritueux et plus doux à boire que le vin de Bourgogne. Il convient aux vieillards, aux malades, aux convalescents, précieuse qualité que le vin de Bourgogne est assez généreux pour ne pas lui envier ; mais comme un parallèle entre ces deux frères ennemis peut avoir du piquant, c’est au mot Bourgogne que nous tirerons la chose au clair. Ce jour-là — et ce sera bientôt — nous aurons sur notre bureau un flacon de chambertin et un autre de château-la-rose. À droite, côté du foie, synonyme de santé et d’Esculape, le bordeaux ; à gauche, côté du cœur, synonyme d’amour et de Vénus, le bourgogne.