Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/concombre s. m.

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Administration du grand dictionnaire universel (4, part. 4p. 850-851).

CONCOMBRE s. m. (kon-kon-bre — lat. cucumis, même sens. Benfey rapporte ce mot latin à la racine sanscrite kmaz, être courbé, en zend kamere, concombre et voûte, en grec kamara, racine kamptô, courber, latin camera, voûte, arche). Bot. Genre de plantes, de la famille des cucurbitacées, tribu des cucumidées : Les concombres sont des plantes herbacées annuelles. (F. Gérard.) On ne sait ni quand ni où le concombre a commencé à être cultivé. (Duchesne) Le concombre se cultive exactement de la même manière que le melon. (Raspail.) || Fruit comestible de la même plante : Plat de concombres. Salade de concombres. Concombre farci. Pâte de concombre pour la toilette.

Le tortueux concombre arrondirait ses flancs.
Delille.

|| Concombre du Canada, Nom vulgaire du sicyos anguleux. || Concombre d’âne, d’attrape, sauvage, vesseur, Nom vulgaire de l’ecballion élatérion, plante de la famille des cucurbitacées, appelée aussi giclet || Concombre d’Égypte, Nom vulgaire d’une espèce de momordique.

— Blas. Meuble représentant le légume de ce nom, et qui est le plus rare que l’on connaisse : Favier du Boulay : De gueules, à trois concombres d’argent, les queues en haut.

— Erpét. Espèce de serpent.

— Moll. Nom vulgaire de la volute glabre.

— Echin. Concombre de mer, Nom vulgaire de différentes espèces d’échinodermes et d’holothuries, qui ont la forme allongée d’un concombre.

— Encycl. Les concombres sont des plantes annuelles, à tiges couchées et munies de vrilles, à feuilles alternes, échancrées à la base et divisées en cinq ou sept lobes plus ou moins profonds. Les fleurs, assez grandes, jaunes, portées sur des pédoncules axillaires, sont monoïques ou polygames. Elles présentent un calice à cinq sépales, soudés avec le tube de la corolle dans une étendue variable ; une corolle à cinq divisions. Les fleurs mâles ont cinq étamines triadelphes, à anthères conniventes. Les femelles ont un ovaire infère, à trois loges multiovulées, surmonté d’un style à trois divisions, terminées chacune par un stigmate bifide. Le fruit est une péponide plus ou moins volumineuse, charnue, à écorce plus ou moins épaisse, renfermant de nombreuses graines obovales et comprimées.

Les espèces assez nombreuses que renferme ce genre sont, pour la plupart, originaires des régions chaudes et tempérées de l’Asie. La plus intéressante est le concombre melon (cucumis melo), connu sous le nom de melon. La plante qui porte plus spécialement chez nous ce nom de concombre est celle que les botanistes nomment cucumis sativus. Elle est annuelle et a des tiges rampantes, anguleuses, pleines, rameuses, munies de vrilles ; des feuilles larges, découpées, rudes au toucher, d’un vert foncé ; des fleurs jaunes, monoïques ; un fruit cylindrique, le plus souvent allongé, légèrement anguleux à écorce mince, lisse ou parsemée de verrues épineuses, à chair plus ou moins blanche, transparente, divisée au centre en trois cloisons pulpeuses, sur lesquelles sont fixées des graines jaunâtres. Originaire des Indes, le concombre est cultivé de temps immémorial dans les jardins potagers. Il a produit plusieurs variétés, entre autres : le concombre blanc hâtif, à fruit blanc verdâtre ; le concombre blanc long, un peu plus tardif que le précédent, un peu plus anguleux et à écorce moins lisse ; le concombre blanc de’Bonneuil, plus tardif encore, préféré par les parfumeurs pour faire la pommade ; le concombre hâtif de Hollande, à fruit jaune pâle, plus précoce que les précédents ; le concombre jaune gros, à fruit d’un jaune vif et couvert de mamelons épineux ; le concombre vert long, devenant jaune brun à sa maturité complète ; le concombre à cornichon vert foncé et rugueux à l’âge où on l’emploie, plus tard jaune foncé et presque lisse ; le concombre de Russie, le plus précoce de tous, jaune brun à la maturité. Dans le nord de la France, le Concombre se cultive sur couche, comme les melons ; mais dans le centre, et à plus forte raison dans le midi, il réussit en pleine terre. On sème en place au mois de mai ; on creuse des trous, qu’on remplit de fumier, et dans chacun desquels on met trois graines. Après que celles-ci ont bien levé, on conserve le plus vigoureux des jeunes plants, et on supprime les deux autres. Quand la plante a quatre ou cinq feuilles, on pince sa tige au-dessus de la seconde. Les deux rameaux latéraux qui en résultent sont à leur tour, quand ils ont acquis un développement suffisant, taillés au-dessus de la quatrième ou cinquième feuille, et on continue à traiter de même les rameaux qui naissent ultérieurement. Les fruits noués étant en nombre plus que suffisant, on conserve les plus beaux et les mieux placés, et l’on supprime le reste. Si le sol est naturellement humide, il sera bon de donner des rames pour support aux concombres, comme on en donne aux haricots et aux pois, afin que le fruit ne pose pas sur la terre. On peut aussi cultiver ces plantes en espalier, au pied d’un mur, à l’exposition du midi. Quand on cultive le concombre dans le but d’avoir des cornichons, on évite de tailler la plante ; il importe, en effet, que les rameaux s’allongent de manière à produire le plus grand nombre possible de fruits, ceux-ci devant être cueillis très-jeunes et presque aussitôt après qu’ils sont noués. Le concombre est depuis longtemps employé comme aliment. Sa chair est blanche, peu sapide et peu nutritive, et ne convient qu’aux estomacs robustes ; on en fait surtout une grande consommation dans les pays chauds, à cause de ses propriétés rafraîchissantes, mais un peu laxatives ; on le mange cru, en salade, fortement assaisonné, ou bien cuit au gras ou au maigre et associé aux viandes rôties. Il peut nuire aux tempéraments faibles, délicats ou lymphatiques, et aux personnes sédentaires, surtout sous les climats humides et froids. Les jeunes fruits, cueillis avant leur maturité et confits dans le vinaigre avec divers aromates, sont connus sous le nom de cornichons, et fréquemment servis sur les tables pour exciter l’appétit. La pulpe du concombre est usitée en médecine ; on l’emploie comme topique, sur la tête, dans les frénésies, l’inflammation des méninges, certaines fièvres atoniques ; en cataplasme, contre les brûlures superficielles. Elle entre dans la composition de la pommade de concombre, cosmétique qui passe pour avoir la propriété d’adoucir la peau et de faire disparaître en peu de temps les éruptions qui s’y forment. Les graines font partie des quatre semences froides majeures ; on les associe aux amandes douces pour faire des émulsions calmantes et rafraîchissantes.

Le concombre serpent (cucumis flexuosus) doit son nom à la forme de ses fruits, longs quelquefois d’un mètre et bizarrement contournés. On le cultive surtout comme curiosité ; néanmoins, il est comestible, et on peut en faire des cornichons. Le concombre papengaïe ou paponge (cucumis acutangulus) se trouve dans toutes les régions chaudes et tempérées de l’Asie. On le cultive rarement en Europe. Il se reconnaît sans peine à ses fruits allongés et marqués de dix angles tranchants. Encore vertes et arrivées seulement à la moitié de leur grosseur normale, les papengaies ont la pulpe blanche, juteuse, très-appétissante ; on les mange cuites sur la braise, ou bien avec le riz, ou mieux encore assaisonnées en salade. Lors de la maturité parfaite, la pulpe se dessèche, devient fibreuse tandis que l’écorce durcit et permet d’en faire de petits vases. Le concombre arada (cucumis anguria) est cultivé et très-estimé à la Jamaïque. Le concombre délicieux (cucumis deliciosus), dont la patrie primitive est inconnue, se cultive beaucoup en Portugal. Sa chair est blanche, fort odorante, d’une saveur très-délicate et agréablement parfumée ; elle est recouverte d’une écorce panachée d’un jaune plus ou moins foncé. Le fruit, ovoïde arrondi, est de la grosseur d’une pomme de reinette ; il se distingue du melon par les poils courts de son enveloppe. Le concombre d’Arabie (cucumis prophelarum) a un fruit globuleux, à pulpe amère, mais très-rafraîchissant et fort recherché par les Orientaux. Le concombre de Perse (cucumis Dudaïm) a, au contraire, une chair blanchâtre, molle et un peu fade, mais dont l’odeur est fort agréable.

Plusieurs concombres sont cultivés comme plantes grimpantes d’ornement ; nous citerons, entre autres, le concombre métulifère (cucumis metuliferus), dont les fruits, d’un beau rouge écarlate, produisent un charmant effet. À ce genre appartiennent encore le chaté et la coloquinte.

— Parfum. Plus encore que dans la salle à manger, le concombre est en faveur dans le cabinet de toilette. Avec la pulpe du concombre, en effet, on prépare divers cosmétiques qui ont la propriété d’assouplir la peau, de l’adoucir et de faire disparaître ces petites éruptions furfuracées, ces légères couperoses qui se montrent quelquefois sur le visage des dames. « Mme  Bosard Saint-James, la femme du fameux financier de la marine qui fit une faillite de 14 millions, Mme  Saint-James, raconte Balzac dans les Deux rêves, avait pour ambition de ne recevoir chez elle que des gens de qualité, vieux ridicule toujours nouveau. Pour elle, les mortiers du parlement étaient déjà fort peu de chose ; elle voulait voir dans ses salons des personnes titrées qui eussent au moins les grandes entrées à Versailles. Dire qu’il vint beaucoup de cordons bleus chez la financière, ce serait mentir ; mais il est très-certain qu’elle avait réussi à obtenir les bontés et l’attention de quelques membres de la famille de Rohan, comme le prouva par la suite le trop fameux procès du collier. Un soir (c’était, je crois, en août 1786), je fus três-surpris de rencontrer dans le salon de cette trésorière, si prude à l’endroit des preuves, deux nouveaux visages qui me parurent d’assez mauvaise compagnie. Elle vint à moi dans l’embrasure d’une croisée où j’étais allé me nicher avec intention : « Dites-moi donc, » lui demandai-je en lui désignant par un coup d’œil interrogatif l’un des inconnus, « quelle est cette espèce-là ? Comment avez-vous cela chez vous ? — Cet homme est charmant. — Le voyez-vous à travers le prisme de l’amour, ou me trompé-je ? — Vous ne vous trompez pas, reprit-elle en riant ; il est laid comme une chenille, mais il m’a rendu le plus immense service qu’une femme puisse recevoir d’un homme. » Comme je la regardais malicieusement, elle se hâta d’ajouter : « Il m’a radicalement guérie de ces odieuses rougeurs qui me couperosaient le teint et me faisaient ressembler à une paysanne. »

Le plus renommé de ces cosmétiques, le plus en usage, est la pommade de concombre. Voici, d’après MM. Piesse et O’Reviel, comment il doit être préparé et employé :

Axonge au benjoin 3,000 gr.
Spermaceti 1,000 gr.
Essence de concombre. 500 gr.

Faites fondre le spermaceti avec l’axonge, remuez constamment pendant que le mélange refroidit, malaxez-le ensuite dans un mortier, en ajoutant peu à peu l’essence de concombre, continuez jusqu’à ce que toute l’essence soit évaporée, et vous avez alors une pommade d’une merveilleuse blancheur.

On emploie la pommade de concombre, soit en l’étendant sur la peau au moment de se mettre au lit, soit en en mettant gros comme une noisette sur l’éponge ou sur la serviette avec le savon, quand on fait sa toilette. On peut aussi avec avantage en enduire un peu la peau avant de s’exposer au soleil, ou quand on va sur le bord de la mer chercher le plaisir et la santé. Le melon et les autres fruits semblables peuvent également servir à parfumer des graisses selon les mêmes procédés.

Avec la pulpe de concombre, on fait encore un lait et un vinaigre de toilette. Voici, d’après les mêmes auteurs, la formule de ces deux cosmétiques. Pour le lait de concombre, prenez :

Amandes douces mondées 113 gr.
Jus de concombre 0 lit. 56.
Alcool à 60 degrés 226 gr.
Huile verte, cire, savon d’huile, de chacun 7 gr.

Faites bouillir le jus de concombre pendant une demi-minute, refroidissez-le aussi promptement que possible, passez-le à travers une mousseline fine ; continuez ensuite la manipulation selon la formule ordinaire.

Pour le vinaigre, prenez :

Suc de concombre 500 gr.
Vinaigre fort 1,000 gr.

Faites macérer quinze jours. Filtrez.

Enfin on prépare avec le concombre un cold-cream trës-apprécié. Nous extrairons encore sa recette du livre que nous venons de citer, La voici :

Huile d’amandes douces 500 gr.
Huile verte 500 gr.
Jus de concombre 500 gr.
Cire 28 gr.
Spermaceti 28 gr.
Esprit de concombre 56 gr.

On extrait aisément le jus du concombre en soumettant le fruit à l’action d’une presse ordinaire. Il faut le chauffer à une température assez élevée pour faire coaguler la petite portion d’albumine qui y est contenue ; après quoi, on le passe à travers un linge fin. Mais l’essence de concombre est très-volatile, fait remarquer l’auteur : « Nous n’avons pu, dit-il, obtenir d’essence de concombre, et l’eau qu’on en tira par la distillation ne rappelle que très-faiblement le fruit. Si pourtant on distille à plusieurs reprises de l’alcool sur des concombres fraîchement coupés, on obtient, à peu près à la troisième distillation, un esprit ayant tout à fait la véritable odeur que l’on cherche. »