Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/nu-pieds s. m.

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Administration du grand dictionnaire universel (11, part. 3p. 1165-1166).

NU-PIEDS s. m. Hist. Nom donné à des insurgés normands, au XVIIe siècle : Les nu-pieds s’étaient barricadés dans les faubourgs d’Avranches et s’y défendirent avec fureur. (H. Martin.)

— Encycl. Les nu-pieds étaient des paysans normands qui se révoltèrent en 1639 et s’emparèrent de Rouen. Les guerres civiles et la guerre contre l’Espagne épuisaient l’État et nécessitaient des impôts toujours croissants. Les mesures fiscales écrasaient le peuple. Déjà, à l’occasion de l’impôt sur les boissons, de violentes émeutes avaient éclaté de 1636 à 1637 dans le Périgord, la Charente, la Guyenne et le Poitou. En 1638, les états de Normandie présentèrent au roi le tableau le plus sombre de la province : les campagnes désolées par les soldats et les agents du fisc, les prisons pleines des victimes de la gabelle, les villages déserts, les paysans fuyant dans les forêts, se faisant brigands. Chose particulièrement odieuse, tous les paysans, dans une commune, étaient solidaires vis-à-vis du fisc, et si l’un ne pouvait acquitter l’impôt, les autres payaient pour lui. La cour des aides de Rouen rendit un arrêt pour défendre les poursuites à raison de cette solidarité, mais le conseil cassa cet arrêt. Quelque temps après, l’excès de la misère poussa les paysans à se soulever en masse. Sous la conduite d’un certain Jean Va-nu-pieds, qu’ils s’étaient donné pour chef, ils marchèrent sur Rouen, dont la population tout entière leur était sympathique, et y entrèrent sans résistance.

La révolte parut dès lors avoir le caractère d’une résurrection de l’esprit provincial, d’une tentative faite pour affranchir la Normandie de la domination des rois de France et lui restituer l’autonomie. Le cardinal de Richelieu frappa sans pitié ; il cassa le parlement de Rouen, la cour des aides, le maire, les échevins, le lieutenant général. Il remplaça toutes les autorités locales par une commission présidée par le chancelier Séguier et composée de juges tirés de Paris. Puis, Gassion, maréchal de France, marcha avec 4,000 hommes sur les insurgés. Il entra à Caen et attaqua Avranches, où il trouva une résistance désespérée. Les insurgés, retranchés derrière une barricade, arrêtèrent cinq heures durant les troupes royales. Ils se battirent jusqu’à ce qu’il n’y eût plus que dix d’entre eux vivants. Pour avilir l’insurrection, on promit la vie à celui des dix qui voudrait pendre les autres ; l’un d’eux, après avoir longtemps hésité, se décida. Tous les autres rebelles qu’on put trouver furent pendus ou roués vifs.