Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/pélican s. m.

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Administration du grand dictionnaire universel (12, part. 2p. 521).

PÉLICAN s. m. (pé-li-kan — latin pelicanus ; du grec pelikanos ou pelikan, pelikas, proprement le pivert qui taille le bois de son bec ; de pelekao, hache). Ornith. Genre d’oiseaux palmipèdes, de la famille des totipalmes ou type de la famille des pélécanidées, comprenant cinq ou six espèces répandues dans les deux continents. Les PÉLICANS aiment à vivre en société. C’est le PÉLICAN que l’on cite comme offrant l’exemple le plus admirable de l’amour maternel. (Z. Gerbe.) En Europe, les PÉLICANS dorment à terre et ne paraissent pas se percher. (V. de Bomare.)

Lorsque le PÉLICAN ouvre sa chair vivante
Pour nourrir ses petits et qu’ils mordent son flanc,
Avec une douceur dont l’homme s’épouvante,
Il regarde leurs becs tout rouges de son sang.

 DE BANVILLE.

|| Pélican américain, Nom vulgaire du couricaca.

— Artill. Ancienne bouche à feu de 6.

— Techn. Crochet de fer employé par le menuisier pour assujettir son ouvrage sur son établi.

— Chir. Instrument recourbé à l’usage du dentiste.

— Chim. Ancien alambic aujourd’hui hors d’usage.

— Encycl. Ornith. Les pélicans ont le bec très-long et large, droit, aplati horizontalement, terminé par un onglet crochu et comprimé ; la mandibule inférieure flexible, formée de deux branches, réunies seulement à la pointe et donnant attache à une membrane dilatable en sac volumineux ; la face et la gorge dénudées ; les jambes nues dans le bas, la queue arrondie, l’ongle médian sans dentelures. Le pélican blanc est un grand oiseau dont le corps est gros comme celui du cygne. Sa taille est d’environ 2 mètres ; son envergure est de 4 mètres. Le bec seul a 0m, 50 de longueur et sa poche peut contenir plus de quinze litres d’eau ; le plumage est d’un blanc légèrement rosé, selon l’âge, et les rémiges sont noires. Le tour des yeux est nu, ainsi que la gorge.

Le pélican nommé onocrotale à cause de son cri, qu’on a comparé à celui de l’âne, vit sur les bords de la mer, des lacs et des fleuves, dans les parties orientales de l’Europe, en Afrique, en Asie et en Amérique ; il se nourrit de poissons, dont il emplit sa poche, pour les avaler ensuite à mesure que la digestion s’achève. Il vole très-bien et quelquefois fort haut ; mais ordinairement il se balance au-dessus des vagues, entre la lame qui se brise et celle qui s’approche en roulant. Lorsqu’il a aperçu un poisson à sa convenance, il tombe sur lui comme un plomb et s’enfonce dans l’eau, qu’il fait jaillir très-haut.

Souvent les pélicans se réunissent pour pêcher en commun ; ils forment dans l’eau une demi-lune, dont la concavité répond au rivage, puis ils s’avancent lentement vers le bord en battant fréquemment la surface de l’eau avec leurs ailes et en plongeant de temps en temps, le cou tendu en avant ; ils ont soin d’observer entre eux une distance égale à l’envergure de leurs ailes. Le croissant formé par eux se rapproche peu à peu de terre, et les poissons, resserrés de plus en plus, se trouvent réduits à un espace étroit. Alors commence le repas ; les prémices ont été recueillies par les grèbes qui, nageant dans l’espace circonscrit par la demi-lune, avant qu’il ait été rétréci, ont plongé fréquemment sur les poissons effrayés et étourdis. Les restes du festin sont partagés par des centaines de corbeaux et de mouettes, qui attendent le moment favorable de happer les poissons chassés hors de l’eau. Quand la pêche sociale est terminée, les convives vont s’installer au soleil et y digérer à leur aise.

Les pélicans perchent souvent sur les arbres pour y passer la nuit, mais ils n’y établissent jamais leur nid ; ils le font à terre, dans un enfoncement qu’ils garnissent d’herbes. La femelle pond de deux à quatre œufs ; elle nourrit ses petits en dégorgeant devant eux des poissons qu’elle a laissés longtemps macérer dans sa poche ; elle leur apporte aussi de l’eau de la même manière, et comme elle presse son bec contre sa poitrine en cherchant à vider sa poche, d’où sortent des matières toujours sanglantes, on conçoit l’origine de la croyance populaire qui attribue à cet oiseau l’habitude de se percer la poitrine avec son bec pour alimenter ses petits.

« Le pélican, dit le P. Raimond, peut devenir non-seulement familier, mais docile ; j’en ai vu un chez les sauvages, si bien dressé, que le matin, après qu’on lui avait fait sa toilette à la caraïbe, c’est-à-dire en le peignant en rouge avec du roucou, il s’en allait à la pêche et revenait le soir, apportant dans son sac une quantité de poissons, dont ses maîtres lui faisaient rendre une partie pour leur usage. »

Le Père Labat a observé une couvée de pélicans sur laquelle la mère veillait très-assidûment ; ayant pris un jour deux jeunes, il les attacha à un piquet ; les soins maternels continuèrent. Ces deux individus devinrent bientôt très-familiers ; ils se laissaient volontiers toucher et caresser et venaient même prendre les petits poissons qu’on leur présentait avec la main. Toutefois, on put remarquer que ces oiseaux étaient fort malpropres.

Buffon a émis l’idée de mettre à profit leur instinct pour la pêche, en les dressant à la manière des cormorans. Sans doute, on retirerait des avantages d’autant plus grands qu’ils pourraient, dans une seule pêche, faire une provision considérable de poissons ; mais la difficulté est dans l’exécution, et il est probable que la grande voracité de ces oiseaux, qui engloutissent, dit-on, dans une seule pêche autant de poissons qu’il en faudrait pour le repas de six hommes, sera toujours un obstacle à la réussite d’une semblable tentative.

La chair du pélican, comme celle de toutes les espèces qui se nourrissent exclusivement de marée, a une odeur et une saveur désagréables, qui rappellent l’huile rance ou le poisson pourri. Pourrait-on l’améliorer par un changement de régime ? Il n’y a rien d’impossible à cela. D’après Vieillot, le pélican en captivité mange très-bien des rats et d’autres petits animaux. M. Z. Gerbe a vu nourrir un de ces oiseaux, avec une pâtée composée de viande crue ou cuite, de pain, d’herbe, etc. ; il s’accommodait volontiers de cet aliment, auquel, il est vrai, on ajoutait de temps en temps un peu de poisson. Le pélican pourrait donc, avec quelques soins et de la persévérance, arriver à se nourrir d’autres mets que ceux qui composent sa nourriture habituelle. On sait que la chair de cet oiseau était rangée par Moïse au nombre des viandes impures.

En revanche, on a souvent tiré parti de la poche membraneuse du pélican. Chez quelques peuplades indigènes de l’Amérique, en la laissant adhérente à la partie inférieure du bec et en l’étendant convenablement, on en fait une sorte d’écope pour vider l’eau qui entre dans les pirogues. D’autres en fabriquent des sortes de bonnets. Avec cette poche et la partie supérieure du cou, les matelots européens font des blagues à tabac, fort recherchées dans l’Amérique centrale, et. qu’on enjolive quelquefois par des broderies en or ou en soie. Voici comment V. de Bomare décrit la préparation de ces poches:« On les étend dès qu’on les a tirées du cou de l’oiseau et on les saupoudre de sel battu avec de la cendre ou avec de l’alun afin d’emporter l’excès de la substance grossière qui s’y trouve ; après quoi, on les frotte entre les mains avec un peu d’huile pour les rendre souples et très-maniables ; quelquefois, on les fait passer à l’huile comme les peaux de mouton ; alors elles sont bien plus belles et plus douces ; elles deviennent de l’épaisseur d’un parchemin et extrêmement souples et douces. » On pourrait peut-être utiliser les œufs du pélican, dont les pontes sont très-abondantes ; mais les voyageurs ne disent rien à cet égard.

Il existe plusieurs autres espèces de pélican; telles sont:le pélican huppé ou frisé, qui habite les parages de la mer Noire ; le pélican brun, que l’on rencontre aux Antilles, sur les côtes du Pérou, au Bengale et à la Caroline du Sud; le pélican à lunettes, qui se trouve au Mexique et au Chili.