Granum Sinapis

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Verlag C. H. Beck (p. 4-6).

Granum Sinapis


Au début
Au delà de toute compréhension
Etait le mot.
Précieux joyaux,
qui initie l’initial !
Sein paternel,
d’où coule la joie
et le flot des verbes !
Et bien que ce sein-là,
c’est vrai, garde en lui ses mots.



Des deux coule un flot,
de la braise et de l’amour,
liés tous deux,
et des deux reconnus,
coule le doux flux de l’esprit
sur le même plan,
inséparable.
Les trois sont Un.
Sais tu cela ? Non.
Lui seul sait ce qu’il est.

Ces trois liés ensemble
choquent profondément,
et cette stupeur
jamais tu ne la comprendras :
C’est une profondeur sans fond.
Echec et mat
au temps, aux formes et aux lieux !

Le formidable cycle
est l’origine,
et son centre est immobile.

De ce centre la montagne
qu’il faut gravir sans agir,
avec lucidité !
Le chemin mène
dans un désert merveilleux,
si large, si libre,
qui sans limite s’étend.
Ce désert n’a
ni époque ni endroit,
il est sa propre cause.

Le désert si bon,
que nul pied n’a foulé,
les idées que l’on se fait
jamais n’y sont allées :
cela est, et nul ne sait ce que cela est.
c’est ici et c’est là
c’est loin et c’est proche,
c’est en bas et en haut,
tant bien que
ce n’est ni ceci ni cela.

Il est la lumière, il est manifeste,
il est si obscur,
Il est sans nom,
Il est inconnaissable,
libre de fin comme de début,
Il reste serein,
nu, sans habits.
Qui connait sa maison ?
Il vient là
nous dire quelle est sa forme.

Deviens tel un enfant
Deviens sourd, deviens aveugle !
Ton ego
doit devenir mort,

Tous les quelque-chose et tous les riens doivent s’en aller !
Quitte l’espace, quitte le temps,
Rejette même ton image !
Va sans méthode
par l’étroit chemin,
et tu verras des traces de pas dans le désert.

O mon âme
sors et Dieu entre !
Fait naufrage mon ego
Dans le divin néant,
sombre dans le fleuve sans fond !
Que je fuis,
tu viens.
Que je me perde
je me trouve,
Ô félicité suprême !