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Hændel/06

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La musique de chambre de Hændel fait preuve de la même maturité précoce que sa musique de clavier.

Six sonates en trios pour deux hautbois et harpsicorde[1] semblent dater d’environ 1696, quand il avait onze ans, et qu’il était encore à Halle, où il écrivait « comme un diable, disait-il, surtout pour le hautbois, son instrument préféré ». — Elles sont en quatre mouvements : adagio, allegro, adagio, allegro. Les morceaux lents sont souvent très courts, et le second d’entre eux sert parfois de simple transition.

Une Sonata pour viola da gamba et cembalo concertato en ut majeur[2], est probablement de 1705, quand Hændel se trouvait à Hambourg. Elle est unique de son espèce dans l'œuvre de Hændel, qui s’y montre un précurseur de J.-S. Bach. La sonate est en trio. Outre la basse, le clavier joue encore une seconde partie obligée. Comme le note M. Seiffert, « dix ans avant que Bach travaillât à des sonates avec accompagnement de cembalo obligé, Hændel avait donc eu déjà la claire conscience de cette nécessité ».

Trois sonates pour flûte et basse[3], d’une grâce élégiaque, remontent peut-être au temps de Halle, et d’après Chrysander semblent s’être répandues vers 1710 à Hanovre.

Mais les principales œuvres de musique instrumentale de chambre, écrites par Hændel, ont été publiées à Londres, entre 1732 et 1740 ; et elles comprennent trois recueils[4] :

1. 15 Sonatas or Solos for a german Flute, Hoboy, or Violin, with a thorough bass for the Harpsicord or Bass Violin, op. 1.

2. 9 Sonatas or Trios for two violins, flutes, or hoboys, with a thorough bass for the Harpsicord or Violoncello, op. 2.

3. 7 Sonatas or Trios for two violins or german flutes, with a thorough bass for the Harpsicord or Violoncello, op. 5.

Le premier recueil contient des pièces assez anciennes, dont certaines datent du temps où Hændel était chez Burlington et Chandos ; d’autres ont pu être destinées au prince de Galles, dont le professeur de violon était un ami de Hændel, John Dubourg, et datent des environs de 1730.

Le second recueil parut d’abord à Amsterdam, puis à Londres, chez Walsh, avec un titre français[5], en 1733.

Le troisième recueil fut composé en 1738, et parut au commencement de 1739[6].

Le premier trait à noter, c’est, en général, l’indétermination des instruments pour lesquels cette musique est écrite. Suivant l'esthétique un peu abstraite du temps, le compositeur laissait les exécutants en décider. Cependant, il n’y a point de doute que, dans la conception première de Hændel, certains de ces morceaux n’aient été faits pour flûte, d’autres pour violon, et d’autres pour hautbois. Dans le recueil op. 1 de Sonates soli (pour flûte, ou hautbois, ou violon) avec basse (harpsicorde ou violoncelle), la coupe la plus générale est en quatre mouvements[7] : adagio, allegro, adagio, allegro. Les morceaux lents sont très courts. Plusieurs sont inspirés des airs des cantates italiennes et des opéras. Quelques-uns des morceaux sont apparentés entre eux[8]. L’harmonie est souvent maigre, et a besoin d’être complétée.

D’une valeur beaucoup plus grande sont le deuxième et le troisième recueils, qui comprennent des trios, ou sonates à deux parties (pour 2 violons, ou 2 hautbois, ou 2 flûtes traversières) avec basse (harpsicorde ou violoncelle). Toutes les sonates du second recueil, à une exception près[9], sont en quatre mouvements : deux lents et deux rapides alternativement, comme dans l'op. 1. Tantôt elles s’inspirent d’airs d’opéras ou d’oratorios, tantôt elles en ont fourni l'esquisse. Le largo élégiaque qui ouvre la première sonate se retrouve dans Alessandro ; l’allegro qui termine la troisième, forme un des mouvements de l’ouverture d’Athalia ; le larghetto de la quatrième a servi de second mouvement à l'ouverture d’Esther. D’autres morceaux ont été repris à des œuvres de clavier, ou à d’autres œuvres instrumentales. Les plus beaux de ces trios sont le premier et le neuvième, d’une poésie pénétrante. Dans le second morceau du neuvième trio, Hændel a utilisé, avec bonheur, un thème populaire anglais.

Les sept trios du troisième recueil offrent beaucoup plus de variété dans la coupe et le nombre[10] des morceaux. Les danses y tiennent une grande place[11]. Ce sont de véritables Suites. Elles ont été composées dans les années où Hændel était tenté par la forme de l'opéra-ballet. La musette et l’allegro de la deuxième sonate viennent d’Ariodante. D’autres morceaux graves ou pompeux sont empruntés à des oratorios : les deux allegros qui ouvrent la quatrième sonate sont détachés de l’ouverture d’Athalia. En revanche, Hændel reprendra dans le morceau final de Belsazar le bel andante qui ouvre la première sonate.

Qui jugera ces œuvres en historien, et d’un point de vue intellectuel, trouvera, comme Chrysander, que Hændel n’a pas inventé ici de formes nouvelles, et que plutôt, en avançant en âge, il revient vers la forme de la suite qui est déjà du passé, au lieu de continuer sa route vers la sonate à venir. Mais qui les jugera en artiste, pour leur charme personnel, verra en elles quelques-unes des créations les plus pures de Hændel, et de celles qui sont restées le plus jeunes : leurs belles lignes italiennes, leur sensibilité délicate, leur simplicité aristocratique, sont rafraîchissantes pour l’esprit et le cœur ; notre époque, fatiguée par l’art post-beethovenien ou post-wagnérien, peut y trouver, comme dans la musique de chambre de Mozart, un refuge poétique où guérir son agitation stérile et puiser de nouveau le calme et la santé.

  1. 6 Sonatas or Trios for two Hoboys with a thorough bass for the Harpsicord, — publiées dans le t. XXVII.
  2. Tome XLVIII, p. 112.
  3. Tome XLVIII, p. 130.
  4. Tome XXVII.
  5. VII Sonates à 2 violons, 2 hautbois, ou 2 flûtes traversières et basse continue, composées par G. F. Handel. Second ouvrage.
  6. Plus tard, Walsh fit arranger les airs favoris des opéras et oratorios de Hændel en « Sonates » pour flûte, violon, harpsicorde. 6 vol.
  7. Dans onze sonates sur seize. Une sonate (la 3e) est en 3 mouvements. Trois sont en 5 mouvements (la 1re, la 5e et la 7e). Une est en 7 mouvements (la 9e).
  8. Dans la sonate I.a, le presto final en quatre temps reprend le thème de l’andante en 3/4, qui forme le second morceau. Dans la sonate II, le presto final en quatre temps est bâti sur le thème de l’andante en 3/4, un peu modifié.
  9. La 5e sonate, qui est en 5 mouvements : larghetto, allegro 3/8, adagio, allegro C, allegro 12/8.
  10. De 5 à 7 morceaux.
  11. Une gavotte termine le premier, le second et le troisième trios. Un menuet termine le quatrième, le sixième et le septième. Une bourrée termine le cinquième. On trouve en outre, deux musettes et une marche dans le second trio ; une sarabande, une allemande et un rondeau dans le troisième ; une passacaille et une gigue dans le quatrième.