Harivansa ou histoire de la famille de Hari/Lecture 20
VINGTIÈME LECTURE.
Grand roi, je vais te dire sur la famille de ce prince ce que m’a raconté le saint pénitent Mârcandéya : prête l'oreille à mon récit.
De qui était fils Anouha ? dans quel temps vivait-il ? quel fut le glorieux père de ce fils vertueux ? quelle fut la puissance du roi Brahmadatta ? Et comment devint-il roi, lui qui était un des sept Brahmanes dont tu m’as parlé ? Sans doute le divin Souca, si honoré dans le monde, si animé de l’amour du bien, n’a pu donner l’illustre Critwî qu’à un prince redoutable par les forces de son empire. Voilà des détails que je désire apprendre de toi, noble héros ; raconte-moi, je te prie, l’histoire de Brahmadatta ; répète-moi ce que Mârcandéya t’a dit sur les transmigrations de ces Brahmanes.
On m’a dit que ce Brahmadatta, saint Richi parmi les rois[2], était contemporain de mon pieux aïeul Pratîpa : ce fut un grand prince, adonné aux exercices de la dévotion, connaissant la langue de tous les êtres, pour lesquels il éprouvait une tendre sympathie. 11 eut pour précepteur spirituel et pour ami le fameux Gâlava, qui, par la force de sa pénitence[3], composa l'art de prononcer les mots[4], et mit plus d’ordre et de clarté dans les préceptes de la loi divine. Son ministre fut Candarîcha, qui ne connut d’autre amour que celui du devoir. Or, dans leurs sept naissances[5] successives, ces sept Brahmanes se trouvèrent toujours ensemhle, et se distinguèrent par leur mérite.
Je vais te dire, d’après le grand Mârcandéya, quelle a été l’antique famille de Brahmadatta, cet illustre rejeton de Pourou.
Le roi Vrihatkchétra[6] avait eu pour fils le pieux Souhotra : Souhotra donna le jour à Hastin, qui fut le fondateur de la fameuse ville d’Hastinâpoura[7]. Celui-ci eut trois fils, renommés surtout par leur attachement à la loi divine : Adjamîdha, Dwimîdha, et Pouroumîdha. D’Adjamîdha et de Dhouminî naquit le roi Vrihadichou : Vrihadichou laissa pour fils le glorieux Vrihaddhanou, qui à cause de sa grande justice fat surnommé Vrihaddharma. Vrihaddhanou donna le jour à Satyadjit ; Satyadjit à Yiswadjit ; Viswadjit au grand monarque Sénadjit.
Sénadjit eut quatre fils connus dans le monde : Routchira, Swétakétou, Mahimnâra, et Vatsa, roi d’Avantî, d’où est sortie la famille des Parivatsacas. De Routchira naquit le fameux Prithouséna, qui donna le jour à Pâra ; Pâra fut père de Nîpa, et Nipa de cent un fils, héros pleins de courage, habiles à conduire les chars de guerre et à manier les armes ; tous surnommés Nîpas. Un prince, héritier de ces Nîpas et soutien de leur gloire, régna à Câmpilya. Il se nomma Samara, à cause de son amour pour les combats. Il eut trois fils. Para, Pâra et Sadaswa, particulièrement amis de la justice. De Para naquit l’illustre Prithou. Celui-ci eut pour fils Soucrita, ainsi nommé à cause de ses bonnes actions ; ce fut un prince orné de toutes les vertus. Il donna le jour à Vibhrâdja, et Vibhrâdja à Anouha, gendre de Souca et glorieux époux de Critwî. C’est de cet Anouha que naquit le saint roi Brahmadatta. Celui-ci eut pour fils un prince célèbre par ses austérités et sa dévotion, nommé Viswakséna : c’était Vibhrâdja revenu au monde en récompense de ses bonnes œuvres.
Brahmadatta eut un autre fils, appelé Sarwaséna, qui eut les yeux crevés par l’oiseau Poûdjanîyyâ, depuis longtemps commensal de Brahmadatta.
Nous avons dit que son autre fils était Viswakséna : ce fut un prince très— puissant. Il donna le jour au monarque Dandaséna, et Dandaséna Bhallâta, qui fut tué par Carna, fils de Radhâ[8]. Bhallâta était un guerrier magnanime, fait pour honorer sa famille ; son fils[9] fut insensé et causa la perte de cette maison des Nîpas ; à cause de lui, Ougrâyoudha extermina[10] tous les membres de cette famille, et vint ensuite périr sous mes coups, emporté par sa déraison ; prince ambitieux, n’ayant d’autres pensées que celles de son orgueil, et ne se plaisant que dans le désordre.
De qui était fils cet Ougrâyoudha ? quelle était sa famille ? dis-moi comment il a trouvé la mort sous tes coups.
Adjamîdha avait eu un fils, nommé Yavînara[11], qui régna et se distingua par sa sagesse. Yavînara donna le jour à Dhritimân ; Dhritimân, à Satyadhriti ; Satyadhriti, au vaillant Dridhanémi ; Dridhanémi, au pieux Soudharman ; et Soudharman, au grand Sârwabhôma, ainsi appelé parce qu’il fut roi de toute la terre. Dans sa nombreuse lignée exista Mahân, honneur de la race de Pourou. Mahân fut père du roi Roukmaratha ; Roukmaratha, de Soupârswa ; Soupârswa, du sage Soumati ; Soumati, du vaillant Sannati ; et Sannati, du puissant Crita, disciple du fameux Hiranyanâbha, surnommé Côsalya. C’est Crita qui divisa en vingt-quatre chapitres le Sâma-Véda : de là vient que dans le Prâtchya[12], les Brahmanes qui lisent le Sâma sont appelés de son nom Cârtis. Il eut pour fils cet Ougrâyoudha qui pouvait faire la gloire de la race de Pourou. C’est celui-ci qui vint attaquer et qui tua le roi de Pantchâla, Nîpa, aïeul de Prichata. Ougrâyoudha eut pour fils l’illustre Kchémya ; Kchémya donna la naissance à Souvîra ; Souvîra, à Nripandjaya ; et Nripandjaya, à Vahouratha. Ces princes ont été distingués par le nom de Pôravas.
Or, Ougrâyoudha fut un prince bien malavisé. Habile à lancer un tchacra étincelant, et rempli de courage, il avait donné la mort au roi Nîpa. Ce triomphe l’enfla d’orgueil, et les autres princes de cette famille tombèrent aussi sous ses coups. Mon père venait de mourir : assis à terre, j’étais entouré de mes conseillers, quand un envoyé d’Ougrâyoudha vint de sa part me faire cette insolente proposition. « Bhîchma, me dit-il, je te demande aujourd’hui pour épouse ta mère[13], l’illustre Gandhacâlî, qui est la perle des femmes. Ô fils de Courou, si tu condescends à mes désirs, j’agrandirai ton royaume, et je te comblerai de présents. Je possède des richesses et des pierres précieuses : choisis ce qui peut te faire plaisir. » Cependant, en entendant ces mots, je sentais mon terrible tchacra s’enflammer dans ma main, ce tchacra dont la vue, ô fils de Bharata, fait fuir mes ennemis au milieu du combat. Son envoyé osa ajouter : « Si tu désires le bien de ton royaume ou de ta famille, si tu tiens à la vie, obéis à mon ordre : autrement tu n’as point de repos à espérer. » Assis sur mon lit de feuillage, j’écoutais cet émissaire : il se tut, et finit un discours qui me brûlait comme un trait de feu. Connaissant donc les intentions de cet insensé, je fis assembler de tous côtés les chefs des armées. Vitchitravîrya, encore enfant[14], courut lui-même aux armes pour me défendre. A cette vue, je cessai de retenir mon ressentiment et je me préparai au combat.
Entouré de conseillers expérimentés, de prêtres pieux, d’amis sages et prudents, pleins d’instruction et d’intérêt pour moi, avant de commencer l’attaque, je demandai leur avis sur la conduite que me dictait la circonstance. « Sans doute, me dirent-ils, l’impie a son tchacra levé contre toi : mais, de ton côté, tu ne t’es pas encore purifié[15]. Et certes ce n’est pas par le combat qu’il faut commencer. Nous te recommandons d’abord les moyens de conciliation, de séduction même ; cherche ensuite à diviser tes ennemis[16]. C’est alors que, purifié de toute souillure, tu pourras invoquer les dieux, faire ton sacrifice au feu, demander la bénédiction des Brahmânes[17], et les honorer par tes hommages. C’est alors que, de leur aveu, tu marcheras à la victoire. Mais, avant la cérémonie de ta purification, ne va pas engager le combat, et croiser tes armes avec celles de ton ennemi. Tel est l’avis des vieillards. Quand les trois moyens légaux auront été provisoirement employés, alors tu iras à l’ennemi, et il succombera sous tes coups, comme a succombé Sambara sous les coups d’Indra[18]. » Il faut écouter le conseil des sages et des vieillards : leur voix calma un instant mon courroux. Toutes les cérémonies furent faites par ces hommes instruits dans nos saints livres, et alors il me fut permis d’exécuter ma résolution.On essaya d’abord des moyens de conciliation et des autres conseillés par les sages. Mon imprudent ennemi ne voulut rien écouter. Le tchacra de l’impie, que le désir de l’épouse d’un autre lui avait fait lever, était toujours dans sa main : il persista dans son égarement, et périt, victime de ses propres œuvres, et blâmé par les hommes de bien. Pour moi, lavé de ma souillure, armé de mes flèches et de mon arc, monté sur mon char, je sortis de ma ville, et béni par les Brahmanes, j’allai combattre mon ennemi. Les deux armées furent bientôt en présence : pendant trois jours elles se livrèrent un combat furieux, pareil à ceux que se livrent les Dévas et les Asouras. Ougrâyoudha, frappé par mon tchacra brûlant aux premiers rangs de son armée, tomba par terre et mourut du moins en héros.
C’est alors, ô roi fils de Courou, que Prichata vint à Câmpilya, après la mort du chef de la maison des Nîpas et d’Ougrâyoudha. Au royaume de ses pères, cet illustre prince ajouta celui d’Ahitchhatra[19]. Il se laissa diriger par mes conseils, et fut le père de Droupada. Celui-ci, devenu roi, osa insulter Drona : aussitôt il fut attaqué et vaincu par Ardjouna, qui fit don à Drona d’Ahitchhatra et de Câmpilya. Drona les reçut ; mais il rendit, comme tu le sais, Câmpilya à Droupada.
Tel est le récit que j’avais à te faire sur la famille de Droupada, de Brahmadatta, de Nîpa et d’Ougrâyoudha.
Ô fils de Gangâ, comment l’oiseau Poûdjanîyâ creva-t-il autrefois les yeux du fils de Brahmadatta ? Par quelle raison cet oiseau, depuis longtemps commensal et ami de ce prince, commit-il envers lui cette indignité ? Qu’était-ce que Poûdjanîyâ ? qu’était-ce que cette amitié qui existait entre cet oiseau et le roi ? Fais-moi le plaisir de me dire là-dessus toute la vérité.
Grand roi, voici cette aventure[20], telle qu’elle arriva dans le palais de Brahmadatta. Ce prince avait pour ami un oiseau dont les ailes étaient noires, la tête rouge, le dos et le ventre blancs. Cette amitié semblait ferme et durable. L’oiseau avait fait son nid dans le palais du roi : il sortait pendant le jour et volait sur les bords de la mer, des lacs, des fleuves et des rivières, sur les montagnes, dans les bois et les forêts, sur les étangs fleuris, au milieu des lotus odoriférants, qui abandonnent aux vents les parfums de leurs fleurs épanouies ; après avoir erré dans tous ces lieux enchanteurs, il revenait le soir à Câmpilya, et se reposant auprès du sage Brahmadatta, il lui faisait des récits de tout ce qu’il avait vu dans ses courses aventureuses. Le roi Brahmadatta eut un fils nommé Sarwaséna. Dans le même temps, Poûdjanîyâ (c’est le nom de l’oiseau) devint mère : dans son nid elle déposa un seul œuf, qui vint à éclore ; il en sortit une masse de chair dont les membres[21] n’étaient pas encore bien distincts, qui entr’ouvrait un large bec, et semblait privée d’yeux. Peu à peu les yeux parurent, les ailes grandirent, et cette masse d’abord informe devint un oiseau charmant. Poûdjanîyâ aimait également le fils du roi et son petit ; et cet attachement croissait de jour en jour. Quand la nuit revenait, elle apportait dans son bec pour les deux enfants deux pommes d’amrita[22], égales pour le goût à l’ambroisie céleste. C’était un vrai plaisir pour eux de manger ces fruits. Pendant que Poûdjanîyâ était sortie, la nourrice du fils de Brahmadatta faisait jouer le petit prince avec le petit oiseau[23], et allait prendre celui-ci dans le nid de Poûdjanîyâ. Un jour l’enfant du roi, en badinant, saisit par le col et serra fortement dans sa main l’oiseau, qui fut promptement étouffé. Brahmadatta, en voyant par terre, le bec ouvert et sans vie[24], le fils de son amie, mis à mort par son propre fils, se livra à toute sa douleur. Il se mit à pleurer, et gronda sévèrement la nourrice. Son chagrin était extrême, et il plaignait le sort du pauvre oiseau, quand Poûdjanîyâ revint dans le palais, par les routes de l’air, apportant les deux fruits selon sa coutume. A son arrivée, elle aperçoit son enfant, celui qui a été formé de son corps, étendu sans mouvement et sans vie. D’abord elle perd l’usage de ses sens ; mais quand elle revient à elle-même, elle fait entendre ces tristes lamentations : « Ô mon cher petit, j’arrive, je t’appelle, et tu ne sautilles pas autour de moi ! tu ne fais pas entendre ces sons inarticulés et si doux à mon oreille ! Ouvrant ton bec jaune et mignon, et me découvrant ton palais empourpré, pressé de la faim, pourquoi ne viens-tu pas aujourd’hui ? Pourquoi ta mère n’entend-elle plus tes cris[25] ? Quand reverrai-je cet enfant, qui faisait mes délices, le bec ouvert, me demandant de l’eau, et agitant ses ailes devant moi ? En te perdant, j’ai perdu tout mon bonheur. »
Après avoir exhalé bien d’autres plaintes, elle s’adressa ainsi au roi : « Ne sais-tu pas quels sont les devoirs prescrits par la loi divine, toi qui as reçu l’eau du baptême royal ? Par le fait de cette nourrice, tu as toi-même immolé mon enfant ; par la main de ton fils, c’est toi qui l’as tué. Injuste Kchatriya, pour éclairer ton esprit, Angiras[26] n’avait-il pas dit : Vous devez toujours protection à celui qui est venu implorer votre secours, soit qu’il fût pressé de la faim ou poursuivi par son ennemi, surtout quand il est longtemps resté sous votre toit. L’homme qui refuse de le protéger va certainement en enfer. Comment les dieux pourraient-ils recevoir son offrande, et les Pitris sa swadhâ ? » À ces mots, s’abandonnant à tout son courroux[27], elle, si bonne, si sensible, égarée par la douleur, elle creva les deux yeux de l’enfant royal. D’une serre cruelle elle lui arracha la vue, et s’élança aussitôt après dans les airs.
En voyant son fils dans cet état, le roi dit à Poûdjanîyâ : « Ma belle amie, sois sans crainte, ton action n’est que trop légitime. Tâche de te consoler, et demeure avec moi : que notre amitié reste inaltérable. Comme auparavant, continuons nos rapports et nos récréations. Je n’ai point contre toi de ressentiment à cause du malheur de mon fils ; soyons amis, tu n’as fait que ce que tu devais faire. » Poûdjanîyâ lui répondit : « Je juge de ton amour pour ton fils par celui que j’avais pour le mien. Prince, après avoir privé ton enfant de la lumière, et coupable envers toi, je ne veux plus rester dans ton palais. Je te rappellerai les sentences du sage Ousanas[28] : Il faut éviter d’avoir un mauvais allié, un mauvais pays, un mauvais roi, un mauvais ami, de mauvais enfants et une mauvaise femme. Avec une mauvaise alliance, point d’amitié ; avec une mauvaise femme, point de plaisir ; avec de mauvais enfants, point de srâddhas[29] ; avec un mauvais roi, point de justice ; avec un mauvais ami, point de bonne foi ; dans un mauvais pays, point de vie agréable. Avec un mauvais roi, on éprouve une crainte continuelle ; avec de mauvais enfants, des malheurs naissent de tous côtés. L’inférieur qui se fie au méchant périt bientôt, privé de protecteur et de force. Ne comptez point sur un homme de mauvaise foi ; même comptez peu sur l’homme de bonne foi. La crainte qui succède à la confiance coupe jusqu’aux racines de la sécurité. C’est aventurer ses jours que d’oser follement se reposer sur la foi des hommes de cour, dont le cœur est naturellement gâté. Celui qui cherche à se grandir auprès des rois, est bientôt écrasé comme un vil insecte[30]. Ousanas a dit encore, ô prince : Un adroit ennemi, sous le masque de la bonté, vous embrasse et vous étouffe ensuite, comme la plante rampante qui presse un grand arbre. Il se fait doux, souple et petit ; peu à peu il vous enveloppe : c’est la fourmi qui ronge insensiblement les racines d’une plante. Hari lui-même, endormant la défiance de Namoutchi[31] pendant quelque temps, finit, en présence des Mounis, par le tuer avec l’écume des eaux. Les hommes, pour se défaire de leur ennemi, attendent le moment du sommeil, de l’ivresse, de la passion ; ils emploient le poison, le feu, le fer et la magie même. Leur sollicitude va jusqu’à détruire tout ce qui peut rester de lui : ils donnent la mort à ses enfants, ne doutant pas qu’un jour ceux-ci professeront aussi contre eux la même inimitié. Ce qu’on laisse d’un ennemi, est comme un reste de dettes ou de feu, qui ne peut, ô prince, que croître et s’augmenter. Tout ce qui lui a appartenu, doit donc être anéanti. Un ennemi rit et cause avec vous, il mange au même plat, il s’assied sur le même siège, et ne perd pas le souvenir de son injure. Il ne faut point se fier à lui, lors même qu’il deviendrait votre parent. Indra[32] devint le gendre de Pouloman, et cependant il lui donna la mort. Le sage ne doit point s’approcher de celui qui lui parle amitié, et qui cache l’inimitié dans son cœur : il doit le fuir, comme le cerf fuit le chasseur. Gardez-vous de rester auprès de celui dont la haine a gonflé le cœur : il vous entraînera avec vos racines, comme le torrent emporte l’arbre de sa rive. Ne comptez pas sur la fortune que vous pouvez recevoir d’un ennemi ; ne dites pas avec confiance : Je suis bien haut. Cette élévation même causera votre perte : vous serez écrasé comme l’insecte méprisable. Voilà les maximes d’Ousanas, maximes que doit retenir le sage et celui qui veut sa propre sûreté. Pour moi, j’ai commis envers toi une faute horrible, j’ai ôté à ton fils la lumière du soleil : je ne puis plus me fier à toi. » À ces mots, l’oiseau s’envola dans les airs.
Voilà le récit que tu m’avais demandé, ô roi, sur Brahmadatta : telle est l’histoire de Poûdjaniyâ, tels sont les renseignements que tu désirais sur le srâddha, ô sage Youdhichthira Je te dirai maintenant l’antique histoire que Sanatcoumâra a racontée à Mârcandéya pour lui prouver l’avantage du srâddha et des bonnes œuvres. Ecoute, ô grand roi, ce qui arriva pendant sept naissances successives à Gâlava, à Candarîcha, à Brahmadatta et aux autres Brahmanes, compagnons de leurs pieux exercices.
- ↑ La suite nous montrera que cette ville de Câmpilya ou Câmpilla se trouvait dans le Pantchâla, contrée du nord-ouest de l'Inde, qui n'était pas le Penjab d’aujourd’hui, mais qui pouvait en être une portion. Voyez la dissertation de M. Lassen, de Pentapotamiâ Indicâ.
- ↑ C'est-à-dire, Râdjarchi.
- ↑ Remarquez l’étendue de la signification de ce moi pénitence, qui désigne à la fois l’ardente application à une chose, et les travaux zélés et méritoires par lesquels on mortifie le corps et l'on rend l’esprit plus actif.
- ↑ Sikchâ est le nom de cet art, et en même temps celui d’un des six Védângas. Ce Védânga enseigne la prononciation des mots employés dans les Vèdes : il est attribué à Pânini, petit-fils de Dévala, sous le nom duquel on a publié des soûtras ou aphorismes de grammaire, où sont cités les prédécesseurs de Pânini, parmi lesquels se trouve Gâlava. Au reste, le mot sikchâ veut aussi dire instruction en général, et c’est dans ce sens que Vyâsa est surnommé Sikchâcara.
- ↑ Le nombre sept a sans doute ici quelque rapport avec les sept ordres de Pitris.
- ↑ Prince de la dynastie lunaire, dont nous parlerons plus loin.
- ↑ Ville dont les rois lunaires firent pendant un temps leur capitale. Elle fut submergée par le Gange, et le siège de l'empire transféré à Côsâmbî. On a prétendu que Dehli occupe l'emplacement de l'ancienne Hastinâpoura, qui parait toutefois avoir été à près de cinquante-sept milles plus loin vers le nord-est. Le roi Hastin a pu vivre du temps de Râma, roi d'Ayodhyâ.
- ↑ Carna était fils naturel de Countî, mère des Pândavas. Il fut exposé par elle sur les bords de l'Yamounâ, et recueilli par Radhâ, femme de l'écuyer de Dhritarâchtra. Celle-ci l'éleva, ce qui l'a fait appeler fils de Radhâ. Carna fit la guerre aux Pândavas ses frères, et périt de la main d’Ardjouna.
- ↑ Ce fils n'est pas nommé ; l’auteur ne le désigne que sous le nom général de Nîpa.
- ↑ Cette destruction ne fut pas générale, puisque le petit-fils de Nîpa, Prichata, monta depuis sur le trône après la mort de l'usurpateur Ougrâyoudha.
- ↑ D'autres donnent pour père à Yavînara le prince Dwimîdha, frère d'Adjamîdha. Fr. Hamilton suppose que, fils d’Adjamîdha, Yavînara avait été adopté par Dwimîdha.
- ↑ Ce mot me fait soupçonner que le royaume de ces princes était précisément une contrée du Prâtchya, pays à l'orient de la Saraswatî, et comprenant le Tirhut et le Béhar méridional. C'était là qu'habitaient les Prasii.
- ↑ C’était sa belle-mère, autrement appelée Satyavatî. De Parâsara, elle avait eu d’abord Vyasa ; devenue ensuite l'épouse du roi Santanou, elle lui donna pour fils Vitchitravîrya. Le même Santanou avait eu auparavant de Gangâ ce Bhîchma qui parle dans cette lecture.
- ↑ Je rends ainsi le mot bâla que je ne regarde pas comme un nom propre.
- ↑ Les funérailles causaient une impureté qui ne pouvait être effacée que par certaines cérémonies, telles que l'ablution mritasnâna. Voyez Rech. asiat. t. vii.
- ↑ Ce précepte est dans les lois de Manou, lect. vii, sl. 198.
- ↑ C’est la cérémonie appelée swastivâtchana, dans laquelle les Brahmanes invoquent les dieux en répandant à terre du riz bouilli.
- ↑ C’est à Pradyoumna, fils de Crichna, que cet exploit est ordinairement attribué. Mais l’auteur a peut-être voulu éviter un anachronisme. Le dieu Indra est de tout temps, et pu combattre le Détya Sambara.
- ↑ C’est l’Adisathus de Ptolémée, qui correspond au pays de Barranagpour.
- ↑ Cette fable se retrouve dans le chapitre xii de Calila et Dimna, et dans le chapitre viii de la iiie partie des Contes et fables indiennes, traduites par Galland et Cardone. La Fontaine l’a imitée dans ses fables, liv. x, fab. 12.
- ↑ Le texte renferme les mots de pieds et de mains : par le mot main l’auteur désigne sans doute les deux membres supérieurs, c’est-à-dire les ailes de l’oiseau, non encore garnies de plumes.
- ↑ Rien n’indique l’espèce de cet arbre. Jones, iie vol. des Rech. asiat., dit que l’amrita est le jambosier (rose apple).
- ↑ On emploie ici d’une manière générale le mot चटक tchataca, qui signifie proprement moineau. C’est peut-être ce mot mal entendu qui a fait introduire dans la fable le moineau qui est la cause de la dispute des deux amis. Voyez la Fontaine.
- ↑ L’expression sanscrite indique que l’animal est réuni aux cinq éléments, il est entré dans le Pantchatwam.
- ↑ Je me suis abstenu de reproduire ces cris, exprimés cependant dans le texte. Je les insère ici pour ceux que ces petits détails pourraient flatter ; voici la transcription de cette onomatopée que j’ai rencontrée plusieurs fois : tchitchî-coutchi.
- ↑ On prête à un personnage, nommé Angiras, un traité sur les lois, qui subsiste toujours. J’ignore si les maximes suivantes en sont extraites.
- ↑ Voyezxiiie lecture, note 5.
- ↑ Ousanas est le même que Soucra, fils de Bhrigou, et régent de la planète de Vénus. Il est le précepteur et le prêtre des Dêtyas. On lui donne aussi le nom de Cavi, poëte, et on cite souvent de lui, dans les grands poëmes, des maximes morales qu’on lui attribue.
- ↑ Les Indiens tenaient à ces cérémonies funèbres, qui devaient assurer leur bonheur après leur mort ; et c’était un devoir de bon fils que de les célébrer à certaines époques déterminées.
- ↑ L’insecte dont on parle ici est le pou, प्राकारकीत.
- ↑ Namoutchi est le nom d’un Asoura, d’un ennemi des dieux, et nous verrons ailleurs les combats variés que se livrent ces terribles rivaux, combats dans lesquels Vichnou est toujours obligé d’intervenir.
- ↑ Indra est le dieu du ciel, et sa femme se nomme Satchî : c’était la fille du Mouni Pouloman, qui avait le malheur d’être de la race des Dânavas, et par conséquent ennemi des dieux. Indra avait enlevé Satchî, et pour prévenir la malédiction d’un père irrité, il tua Pouloman.