Harivansa ou histoire de la famille de Hari/Lecture 22

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VINGT-DEUXIÈME LECTURE.

PREDICTION DE SOUMANAS.

Mârcandéya dit à Bhîchma :

Alors deux des canards sauvages, ses compagnons, lui dirent : « Nous voulons te suivre, et partager la destinée de notre ami. » « Ainsi soit fait, » répondit Soutantra, jusqu’alors uniquement animé par des pensées religieuses, et ils s’associèrent tous trois pour cette résolution. Souvâk lui dit : « Puisque ne consultant que ta passion, tu rejettes nos pieux exercices, pour former des vœux mondains, écoute mes paroles. Sois maudit de nous[1] : tu seras roi à Câmpilya, et ces deux amis t’y suivront. » C’est ainsi que les quatre oiseaux, fidèles à leur vocation, adressaient des imprécations et des reproches à leurs anciens compagnons que le désir d’un trône avait détournés de la bonne voie. Maudits, déchus de leur dévotion, tout éperdus, ces trois malheureux demandaient grâce à leurs camarades. Leur désespoir était touchant, et Soumanas leur parla au nom des autres : « Notre malédiction aura son effet. Vous deviendrez hommes, mais vous reprendrez un jour les saintes pratiques de la dévotion. Soutantra connaîtra les langues de tous les animaux. C’est à lui que nous devons les faveurs dont nous ont comblés les Pitris. Quand nous avons tué la vache de notre maître, c’est lui qui nous a conseillé de l’offrir en sacrifice aux mânes : c’est donc à lui que nous devons attribuer la science que nous possédons, et la dévotion que nous avons pratiquée. Oui, un jour, en entendant quelques mots qui vous rappelleront, d’une manière concise, un passé dont la conscience aura été cachée au fond de vos âmes, alors vous abandonnerez tout pour revenir à la dévotion. »

  1. Remarquez qu'une malédiction a toujours son effet ; en annonçant à Soutantra qu’il serait roi, Souvâk accédait à ses vœux ; et cependant il le punissait en même temps, puisque ce roi futur perdait le fruit qu’il avait mérité d’obtenir par sa pénitence.