Hermine Gilquin/XLIX

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E. Fasquelle (p. 247-250).
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XLIX


Tout ne fut pas terminé avec le dernier soupir d’Hermine. Ce premier janvier se passa avec les démarches nécessaires pour l’enterrement. Le corps d’Hermine fut rapporté dans sa chambre, escorté par les hurlements de douleur de Pyrame, auxquels répondirent les cris et les gémissements des écuries, des étables, des volières, comme si le même frisson avait passé sur toutes choses.

La morte fut veillée par la vieille servante. La petite Zélie vint, de la porte, regarder ce doux visage, si terrible aussi. Le médecin prononça que le décès était dû à une angine de poitrine. Le curé parut, geignant, récita les prières funèbres, partit après avoir serré la main de François Jarry, en prenant une physionomie compatissante.

Le service et le convoi furent décidés pour le lendemain, mais les menuisiers et les ensevelisseurs chôment le premier janvier, et il fallut bien attendre pour la mise en bière au matin des obsèques.

François Jarry passa la fin de la journée à fouiller la chambre et le grenier.

Il se doutait bien que la « vieille canaille de facteur » avait dû mettre à la poste une lettre que lui avait confiée Hermine. Pourquoi n’avait-il pas obéi à son mouvement instinctif qui était d’arracher au bonhomme sa boîte ? Mais, si violent qu’il fût, Jarry avait en lui du calcul et de la peur. Il avait craint de voir apparaître sur la route les chevaux et les bicornes des gendarmes en tournée, et sans connaître avec précision les articles du code qui punissent les voies de fait sur un fonctionnaire, il se doutait bien qu’il aurait risqué gros en attaquant et en dépouillant un facteur sur une route. Tout de même, si Hermine n’avait pas eu le temps de confier sa lettre à Moutier ! Il accomplit donc fiévreusement ses recherches. Il trouva le coffret, des lettres insignifiantes, les portraits, des fleurettes, des carnets où il essaya de lire des histoires auxquelles il ne comprit rien, ces petites narrations des Saisons, qui célébraient pourtant les spectacles habituels aux paysans, le charme des biens de la terre, les changements de beauté de l’éternelle nature, et d’autres écrits encore, des pensées, des confidences qu’il épelait, bouche béante. Aucun papier d’affaires, rien qui parlât d’intérêt et d’argent.

Il refourra toutes ces paperasses et tous ces objets dans le coffret qu’il laissa là, et continua ses recherches. Il découvrit un peu d’or, quelques billets de banque, immédiatement enfouis dans le portefeuille qui était toujours dans sa poche, qu’il mettait sous son traversin la nuit.

Il fut mieux renseigné, le lendemain matin.