Histoire de France abrégée/07

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Dezobry & Magdeleine (p. 63-64).

CHAPITRE VII.


Considérations générales sur la période carlovingienne.

107. Féodalité. — C’est pendant l’époque dont nous venons de retracer l’histoire que s’est constituée la Féodalité. Nous dirons succinctement ici en quoi consistait cette forme de société, dont l’origine remonte aux premiers temps de la conquête. Avant l’établissement des Francs en Gaule, le chef germain donnait pour récompense au guerrier qui s’était vaillamment conduit dans le combat une framée, espèce de lance, ou un beau cheval ; ou bien il assemblait tous les guerriers et les conviait à un grand festin. Il n’en fut pas de même après la conquête ; alors ce furent des terres et de beaux domaines, que le chef donna à ceux qui lui avaient été fidèles.

108. Alleux et fiefs. — Suzerain, vassal. — Ceux qu’il voulut récompenser les premiers et de la manière la plus brillante reçurent ces terres sans rien devoir en échange ; ils en furent les propriétaires et les souverains. On appela les terres de cette espèce alods, terres allodialles, ou alleux, des deux mots germains al-od, qui veulent dire toute propriété. Les autres reçurent des domaines, à condition de payer une redevance et de se reconnaître les hommes du donateur par la cérémonie de l’hommage, c’est-à-dire de lui promettre aide et assistance, dans toutes les occasions où il pourrait en avoir besoin. Celui qui donnait la terre prenait le nom de suzerain, celui qui la recevait était appelé vassal. La terre elle-même, dans ce dernier cas, senommait bénéfice ; c’est-à-dire bienfait, récompense ; ou fief, des deux mots germains fee-od, qui signifient propriété donnée à titre de salaire.

109. Hiérarchie féodale. — À côté des propriétaires d’alleux vinrent donc se placer les propriétaires des grands fiefs, qui eux-même, pour se faire des alliés dans un temps où les guerres étaient si fréquentes, donnèrent à d’autres vassaux quelques portions de leurs propre domaines en bénéfices ; ceux-ci, à leur tour, s’attachaient encore de la même manière de petits vassaux ou arrière-vassaux. Le domaine, la richesse et le ppuvoir se trouvèrent ainsi partagés entre une infinité de propriétaires, grands ou petits, qui étaient liés respectivement par les devoirs du vassal envers le suzerain et du suzerain envers le vassal. Le roi, chef de la féodalité, avait sous lui les grands vassaux, qui relevaient immédiatement de la couronne ; ceux-ci étaient les suzerains des vassaux, qui avaient sous eux les arrière-vassaux.

110. Capitulaire de Kiersy-sur-Oise, 877.— L’acte qui contribua le plus à consolider le pouvoir des seigneurs fut le capitulaire de Kiersy-sur-Oise, par lequel Charles-le-Chauve consacra l’hérédité des fiefs et celle des offices royaux. La transmission héréditaire des fiefs existait en fait depuis longtemps ; elle avait été la conséquence presque nécessaire de la concession faite aux seigneurs par le traité d’Andetot. Le capitulaire de Kiersy ne faisait que la convertir en droit. Mais la perpétuité des offices accordée aux comtes et aux ducs qui commandaient dans les provinces était une mesure bien autrement grave et préjudiciable au pouvoir de la royauté, en face de laquelle elle constitua une autorité rivale, indépendante et jalouse. Depuis cette époque la féodalité grandit toujours, jusqu’au moment où l’un des seigneurs uni la couronne à son fief (avénement des Capétiens).