Histoire de France abrégée/18

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Dezobry & Magdeleine (p. 175-191).

SIXIÈME PÉRIODE.
Les Bourbons depuis la fin des guerres de religion jusqu’à la Révolution française, 1598-1789.




CHAPITRE XVIII


La France entre dans une ère nouvelle de prospérité et de grandeur qui prépare sa prépondérance en Europe. — Le pouvoir royal est relevé et fortifié. — Le traité de Westphalie assure l’équilibre européen.

Fin du règne de Henri IV, 1598-1610. — Louis XIII 1610-1643. — Minorité de Louis XIV, 1643-1661.

320. administration de henri iv. — Henri IV avait été le vainqueur de ses sujets ; il en voulut être, il en fut le père. Cç prince est le chef de la maison de Bourbon, dont les deux branches ont occupé le trône de 1589 à 1848, sauf une interruption de 23 années, de 1792 à 1814 (v, tabl. généal. V). La seconde parlie de son règne est remarquable par les réformes et les améliorations administratives que ce grand roi, aidé de Sully, son ministre et son ami, réalisa dans le royaume.

Après avoir mené à bonne fin l’expulsion des étrangers et la pacification religieuse, Henri IV s’occupa exclusivement d’accroître la prospérité intérieure. Sully chercha d’abord à améliorer la condition des paysans ; c’était le désir de son maître que chacun d’eux eût la poule au pot tous les dimanches, il commença par réprimer les abus qui existaient avant lui dans l’administration des finances ; il réduisit et régularisa les impôts, favorisa surtout la labourage et le pâturage, qui étaient, disait-il, les deux mamelles dont la France est alimentée, les vraies mines du Pérou. Le commerce et l’industrie n’avaient pas à ses yeux une aussi grande importance pour le bonheur de la nation. Il voulait bannir le luxe et toutes ces babioles qui en sont la conséquence ; Henri IV pensa autrement. Par des traités avec les autres puissances, il favorisa le commerce extérieur, et il envoya deux colonies en Amérique, au Canada et dans la Guyane, pendant qu’il introduisait en France l’industrie de la soie, la fabrication des étoffes d’or et d’argent, des tapisseries de haute lisse en laine et en soie rehaussée d’or, et qu’il créait des manufactures de glaces, de faïence et de verrerie. Il contribua au développement de la navigation intérieure en creusant le beau canal de Briare, qui unit la Loire à la Seine ; il fit réparer les grandes routes, qui furent plantées d’arbres ; il forma la place Royale à Paris, continua le Louvre, acheva le pont Neuf, qui avait été commencé sous Henri III par Catherine de Médicis, et sur le terre-plein duquel on voit aujourd’hui sa statue équestre ; en un mot, il agrandit, embellit et transforma tellement la capitale, que, quelques années plus tard, l’ambassadeur du roi d’Espagne Philippe III ne la reconnaissait plus. Il agrandit le château de Saint-Germain, et fit construire celui de la Flèche, école militaire pour la jeune noblesse, ainsi que des hospices militaires et des arsenaux. Et cependant, Sully trouva le moyen de payer encore 100 millions de dettes et d’acheter pour plus de 150 millions de domaines.

321. démêlés avec la savoie. — complots et attentats. — Ces utiles travaux furent interrompus par une courte guerre avec le duc de Savoie, guerre qui tourna à l’avantage de la France, et lui donna (1601) la Bresse, le Bugey, le Valromey et le pays de Gex, situés sur les limites des deux pays[1]. Henri IV reprit alors son œuvre de restauration. Mais le bien qu’il faisait, la sollicitude constante qu’il montrait pour le peuple et pour la France ne désarmèrent pas les partis. Des complots et des attentats menacèrent plusieurs fois sa vie. Les complots étaient les derniers efforts des passions mal éteintes ou des ambitions déçues. Celui qui affligea le plus son âme généreuse fut la conspiration du maréchal de Biron, qu’il avait comblé de preuves d’amitié en mémoire des services de son père. Biron s’était entendu avec le duc de Savoie et l’Espagne pour démembrer la France. Henri IV, décidé à lui pardonner, essaya vainement de lui arracher un aveu de sa trahison ; il fut obligé de le livrer à la justice du Parlement, qui le condamna à mort (1602). Les attentats furent plus nombreux encore que les conspirations ; on en compte jusqu’à dix-huit, commis par des insensés ou des fanatiques. Nous ne signalerons ici que ceux de Jean Châtel et de Barrière.

322. projet de henri iv. — Cependant ni les complots ni les attentats ne détournaient le roi d’une grande pensée, qui devait compléter son œuvre. Par ses soins, la France était devenue l’arbitre de l’Europe ; il voulait qu’elle en fût la libératrice, qu’elle l’affranchit de cette domination que faisait peser sur elle la maison d’Autriche. Pour atteindre ce but, il songeait à former une république chrétienne dans laquelle régnerait une paix perpétuelle. D’acord avec les principales puisances, il aurait divisé l’Europe en six monarchies héréditaires, cinq monarchies électives et quatre républiques souveraines ; on aurait rejeté en Asie les Turcs infidèles et les Russes schismaliques, en cas qu’ils n’eussent pas accepté l’alliance générale ; enfin on aurait institué un tribunal européen, avec six conseillers inférieurs, où les députés de toutes les nations auraient jugé tous les différends, de manière à rendre toute guerre impossible[2]. On n’au[[rait toléré que la religion chrétienne, c’est-à-dire le catholicisme et les deux grandes sectes du protestantisme, les luthériens et les calvinistes. Déjà une armée se mettait en marche pour l’Allemagne, et Henri IV, ayant confié la régence à la reine Marie de Médicis, allait en prendre le commandement, lorsque la mort suspendit l’exécution de ce vaste projet.

323. mort de henri iv. — Le vendredi 14 mai 1610, comme le roi se rendait à l’Arsenal pour faire visite au duc de Sully, qui était malade, son carrosse entrant de la rue Saint-Honoré dans celle de la Ferronnerie, fut arrêté par un embarras de voitures. Pendant ce temps, « un scélérat sorti des enfers, appelé François Ravaillac, natif d’Angoulême, monte sur la roue du carrosse, et d’un couteau tranchant de deux côtés, lui porte un coup entre la seconde et la troisième côte, un peu au-dessus du cœur, qui a fait que le roi s’est écrié :Je suis blessé ! Mais le scélérat, sans s’effrayer, a redoublé et l’a frappé d’un second coup dans le cœur, dont le roi est mort sans avoir pu jeter qu’un grand soupir. Ce second a été suivi d’un troisième, tant le parricide était animé contre son roi, mais qui n’a porté que dans la manche du duc de Montbazon. Chose surprenante ! nul des seigneurs qui étoient dans le carrosse n’a vu frapper le roi : et si ce monstre d’enfer eut jeté son couteau, on n’eût sçu à qui s’en prendre. Mais il s’est tenu là comme pour se faire voir, et pour se glorifier du plus grand des assassinats. » (Journal de l’Estoile). Le crime de Ravaillac fut attribué par le peuple à l’empereur, au roi d’Espagne, aux jésuites. Le fanatisme suffit pour l’expliquer ; l’assassin, égaré par les exécrables maximes qu’avaient tant préconisées les prédicateurs de la Ligue, et qui avaient encore quelque crédit sur les esprits faibles, sur les consciences timorées, crut faire une œuvre méritoire en frappant un prince que l’on soupçonnait d’être toujours protestant au fond du cœur. Dans les interrogatoires qu’il subit, à la torture, sur l’échafaud même, il persista à dire qu’il n’avait pas de complices.

324. jugement sur henri iv. — On ne saurait affirmer que Henri IV ait songé à accomplir dans tous ses détails le projet que lui attribuent les Mémoires de Sully ; mais ce qui est certain, c’est qu’il voulait consommer l’abaissement de la maison d’Autriche, afin de consolider l’équilibre européen et la liberté religieuse. C’était la politique qu’avait suivie François Ier ; c’était celle qu’allait suivre d’une manière si glorieuse le cardinal de Richelieu. Dans ces généreux desseins qui intéressaient non pas seulement la France, mais l’Europe entière, est le véritable secret de l’adoration qui accompagne encore maintenant le nom de notre Henri IV. Il faut, pour obtenir les hommages de toute une grande nation pendant plusieurs siècles, autre chose que de l’esprit et des bons mots, autre chose même que de bonnes intentions. Ceux qui se contentent de rapporter les vives reparties du Béarnais et les anecdotes relatives à sa vie privée, et à ses rapports avec Sully, font injure à sa mémoire, s’ils ne disent pas aussi quelle fut sa politique, quels furent ses projets : ils montrent l’homme d’esprit, et cachent le grand roi.

325. louis xiii. marie de médicis ; concini. — La mort de Henri IV laissait le trône à un enfant de neuf ans, Louis XIII, et la régence à une faible femme, Marie de Médicis. Marie abandonna toute l’autorité au Florentin Concini et à sa femme Eléonora Galigaï, qu’elle avait eue pour sœur de lait. Concini acheta le marquisat d’Ancre, près d’Amiens, et la charge de premier gentilhomme du royaume ; il se fit donner les gouvernements d’Amiens, de Péronne, de Dieppe, de Pont-de-l’Arche et de Bourg en Bresse ; il devint premier ministre, et même maréchal de France. Au dedans et au-dehors, toutes les idées de Henri IV furent mises en oubli. Sully fut disgracié ; on ne résista ni aux prétentions des nobles ni à celles des huguenots, qui obtinrent des pensions, des dignités et des priviléges. On renonça enfin à la guerre contre la maison d’Autriche, et un double mariage, celui du roi avec l’infante d’Espagne Anne d’Autriche, celui de sa sœur Élisabeth de France avec l’infant Philippe, unit étroitement les deux maisons royales.

326. états-généraux de 1614. — Déclaré majeur peu de temps après, Louis XIII convoqua les États-Généraux à Paris. C’est la dernière assemblée de ce genre qui ait eu lieu avant les États de 1789, qui commencèrent la Révolution française. Le clergé y comptait]][3] 140 membres, la noblesse 132, le Tiers-Etat 182. Au nombre des représentants du clergé était le jeune évêque de Luçon, si célèbre depuis sous le nom de cardinal de Richelieu. Les trois ordres ne purent s’accorder entre eux au sujet des réformes demandées ; l’assemblée se dispersa sans avoir remédié a aucun des embarras du gouvernement. Les nobles étaient toujours en armes, se plaignant à haute voix de la faveur accordée à Concini, et reclamant de nouveaux privilèges. À leur tête se trouvait Condé, qui s’était fait donner cinq places de sûreté et plus de trois millions et demi en six années. Il affecta une telle hauteur, il montra un tel dédain pour la reine mère et pour le maréchal d’Ancre, que celui-ci poussé à bout le fît arrêter et enfermer à la Bastille.

327. concini renversé par luynes, 1617. — Concini se crojait désormais libre de toute entrave et maître absolu ; il touchait à sa perte. Un ancien page de Henri IV, attaché en la même qualité au roi Louis XIII, Albert de Luynes, qui avait gagné la faveur du prince en lui dressant des oiseaux de proie, renversa le premier ministre et prit sa place. Un jour que le maréchal d’Ancre se rendait au Louvre, il trouva sur le pont le capitaine des gardes Vitry, son ennemi personnel, qui l’arrêta. Concini tirait son épee pour la lui remettre ; Vitry feignit de croire qu’il voulait se défendre, et d’un coup de pistolet il l’étendit mort à ses pieds. On ne se borna point à cet infâme assassinat : la maréchale d’Ancre fut mise en jugement, condamnée comme sorcière, et brûlée sur la place de Grève ; la reine-mère elle-mêne, privée de son crédit, fut reléguée au château de Blois. Le nouveau favori se fît donner la dépouille de Concini ; il fut fait duc, pair et même connétable de France, quoiqu’il ne sût pas ce que pesait une epée. Vitry reçut le bâton de maréchal pour prix de l’assassinat qu’il avait commis : on eût dit que toutes les notions du juste et de l’injuste étaient confondues.

328. troubles civils ; mort du duc de luynes, 1621. La fortune du duc de Luynes reposait sur des bases trop odieuses pour être durable. Marie de Médicis conspira contre lui avec le duc d’Épernon. En même temps que le roi était obligé de combattre sa mère et de lui abandonner le gouvernement de l’Anjou, les protestants s’agitèrent de leur côté. Ils publièrent une déclaration d’indépendance à la Rochelle, et préposèrent de changer l’organisation de la France, et de partager en huit cercles les sept cents églises réformées qu’elle contenait ; c’était remettre en question l’unité du pays. Le roi marcha contre eux avec le connétable ; il fut repoussé au siège de Montauban. Le duc de Luynes atteint d’une fièvre dangereuse, que le chagrin de cet échec aggrava, ne tarda pas à succomber. Louis XIII, après avoir continué quelque temps les hostilités, signa la paix de Montpellier, par laquelle il confirma l’édit de Nantes ; mais il ne laissa aux protestants que la Rochelle et Montauban pour places de sûreté, et leur interdit toute réunion politique.

329. richelieu, 1624. — Tout allait bientôt changer de face. Marie de Médicis, revenue aux affaires, fit entrer dans le conseil l’évêque de Luçon, dont elle espérait se faire une créature. Armand du Plessis, duc de Richelieu, fils d’un capitaine des gardes de Henri IV, était alors âgé de 39 ans. Nommé cardinal, puis élevé au poste de premier ministre, il ne se contenta pas longtemps du pouvoir équivoque d’un favori ; il prit avec fermeté la direction des affaires, et y déploya aussitôt toutes les ressources et toute la vigueur de son génie. « Le roi a changé de conseil et le ministère de maxime, » écrivait-il à l’ambassadeur français près du Saint-Siège. On s’aperçut en effet qu’une nouvelle politique était inaugurée. Les plans de Henri IV furent repris et complétés. Richelieu se proposa un double but : affermir le pouvoir de la royauté, afin de maintenir l’unité de la monarchie ; placer la France au premier rang parmi les puissances européennes. Pour atteindre ce double but, il fallait, au dedans, abattre le parti protestant et la noblesse ; au dehors, abaisser la maison d’Autriche. Il commença par les protestants.

330. ruine de la rochelle ; ruine du parti protestant. — Les calvinistes, puissants par le grand nombre de leurs frères répandus dans chaque province, étaient surtout à craindre tant qu’ils resteraient maîtres de la Rochelle, où il leur était facile de constituer une république maritime, et de recevoir de l’Angleterre des munitions et des vivres ; ils y possédaient déjà une marine assez considérable pour triompher de la flotte royale. Richelieu résolut de renverser ce boulevard du protestantisme. Une première expédition, dirigée par Soubise en 1625, n’ayant pas réussi, le cardinal alla faire en personne le siège de la Rochelle. Le duc de Buckingham, favori du roi d’Angleterre Charles Ier, amena une flotte et une armée au secours de la ville ; il fut battu. Pour abréger la résistance et pour empêcher l’arrivée de nouveaux renforts, Richelieu fit construire, malgré la mer et les vents, une immense digue qui ferma l’entrée du port. Cependant, la ville ainsi isolée résista encore onze mois ; le maire Guiton avait juré, en déposant un poignard sur la table de l’hôtel-de-ville, qu’il l’enfoncerait dans le cœur du premier qui parlerait de se rendre. La famine seule put dompter les assiégés ; ils firent leur soumission à la fin d’octobre 1628. De trente mille habitants, il en restait à peine cinq mille. On leur laissa leurs biens et le libre exercice de leur culte, mais on rasa les fortifications de la ville et on lui enleva tous ses privilèges. Le parti protestant avait perdu désormais toute importance politique. Richelieu s’attaqua à la noblesse.

331. Lutte contre la noblesse. — Politique de Richelieu. — « Nous serons si sots, disait le maréchal de Bassompierre, que nous prendrons la Rochelle. » La chute de cette ville fut en effet un véritable échec pour la noblesse, qui plus d’une fois avait fait alliance avec les protestants, et trouvé dans leurs complots une diversion utile à ses intérêts. Non-seulement les grands seigneurs inquiétaient la royauté par leur esprit d’indépendance, nais les gouverneurs des provinces se montraient fort disposés à seconder le morcellement de la France en une foule de petits États confédérés. Richelieu était donc condamné à voir son œuvre incomplète, s’il laissait subsister la puissance de la noblesse. Il ne recula devant aucune nécessité pour accomplir ses projets ; il ne craignit pas de s’attaquer aux têtes les plus élevées et de les faire plier sous le joug commun de la loi. Ainsi qu’il le disait lui-même, il renversait tout, fauchait tout, et ensuite couvrait tout de sa robe rouge. Le salut de la monarchie, qui se confondait à ses yeux avec la puissance absolue de la royauté, ne lui permit jamais d’hésiter devant une mesure de rigueur, lorsqu’il la jugeait indispensable. Abolition des privilèges, suppression des grandes charges[4], exils et disgrâces, jugements par commissions, condamnations juridiques, exécutions capitales, tout lui fut bon, la fin justifiant pour lui les moyens. Plus l’exemple était grand, plus il le croyait salutaire.

332. supplice des principaux seigneurs. — Les principales victimes de la politique du cardinal furent le jeune comte de Chalais, qui avait conspiré avec le duc d’Orléans Gaston, frère du roi ; le comte de Chapelle et le duc de Montmorency-Bouteville, punis de mort pour avoir affecté de se battre sur la place Royale, au mépris d’une ordonnance qui défendait le duel ; le surintendant des finances Marillac et son frère le maréchal, qui s’étaient unis à la reine-mère pour renverser Richelieu, et qui furent, l’un exilé, l’autre décapité ; le maréchal Henri de Montmorency, gouverneur du Languedoc, exécuté à Toulouse par sentence du Parlement de cette ville, pour avoir pris les armes contre le ministre avec Gaston ; enfin le jeune Cinq-Mars (v. ci-après). La reine-mère elle-même ne fut pas épargnée : emprisonnée à Compiègne, elle fut réduite à quitter la France, et mourut à Cologne dans l’abandon et la misère. Le duc d’Orléans n’obtint sa grâce qu’en sacrifiant tous ses amis et en s’engageant à aimer le cardinal. Le duc de Lorraine, qui lui avait fourni des secours, fut puni par la confiscation de son duché (1634).

333. conspiration de cinq-mars. — De tous les complots tramés contre Richelieu, le plus grave fut sans contredit celui du jeune Cinq-Mars, fils du marquis d’Effiat et grand écuyer de Louis XIII. Cet ambitieux, qui devait son élévation à Richelieu et qui aspirait à le remplacer, n’hésita pas à trahir son pays pour devenir ministre. Séduit par les offres de la cour d’Espagne, il signa avec cette puissance un traité, par lequel il lui cédait plusieurs villes françaises en échange d’une armée. Connaissant d’ailleurs l’aversion secrète du roi pour le cardinal ; il ne douta plus alors du succès et accusa hautement Richelieu. Celui-ci, qui était dangereusement malade à Tarascon, semblait perdu ; à force d’or, il parvint à se procurer une copie du traité conclu avec l’Espagne et l’envoya au roi. Louis XIII indigné abandonna son favori. Le cardinal fit aussitôt instruire le procès de Cinq-Mars et de son ami de Thou, dont le seul crime était de n’avoir pas révélé le secret de la conspiration qui lui avait été confié. Il les traîna à sa suite jusqu’à Lyon, où il les fit décapiter le 12 septembre 1642, sur la place des Terreaux.

334. abaissement de la maison d’autriche. guerre de trente ans. — Richelieu ne réussit pas moins dans l’exécution de ses projets contre la maison d’Autriche que dans sa lutte contre la noblesse et les protestants. Il commença par enlever aux Espagnols (1625) la Valteline, petite province du nord de l’Italie, entre l’’Adda et le lac de Côme, qui établissait une communication par le Milanais entre les États des deux branches de la maison d’Autriche. Il assura ensuite au duc de Nevers (1631) la succession du duché de Mantoue, que lui disputaient les Espagnols et le duc de Savoie. Enfin, il prit une part active à la guerre de Trente ans : on appelle ainsi la guerre qui eut lieu en Allemagne de 1618 à 1648, entre les princes protestants d’un côté, l’empereur et les princes catholiques de l’autre. Après avoir envoyé des recours d’argent aux ennemis de la maison d’Autriche et suscité contre l’empereur le célèbre Gustave-Adolphe, roi de Suède, le cardinal fit intervenir dans la querelle les armes de la France elle-même ; il déclara la guerre à l’Espagne et à l’empereur en 1635, et engagea les hostilités à la fois en Allemagne, en Italie, dans le Roussillon et dans la Catalogne. Les succès du duc Bernard de Saxe-Weimar, ope la France avait pris à sa solde, et la conquête du Roussillon, que le roi fit en personne, furent comme le prélude des grandes victoires qui devaient inaugurer glorieusement le règne de Louis XIV.

335. mort de richelieu et de louis xiii. — L’expédition de Roussillon fut la dernière campagne de Richelieu et de Louis XIII, qui se suivirent dans la tombe à cinq mois d’intervalle. Le ministre mourut le 4 décembre 1642, à l’âge de 57 ans ; le roi, le 14 mai 1643, à l’âge de 42 ans.

336. Réformes intérieures. — Richelieu a été l’un des plus grands ministres qu’ait eus la France. Grèce à son activité et à son énergie, le règne de Louis XIII fut fécond en utiles réformes. L’une des plus importantes fut la réforme de la législation opérée par la publication du Code Michau en 1629. Les finances, livrées au plus grand désordre pendant la régence, furent sévèrement surveillées ; de nouveaux impôts furent établis sur les objets de luxe et sur le tabac ; la maison du roi et des princes fut astreinte à une économie plus régulière ; les revenus égalèrent bientôt, puis surpassèrent les dépenses. Richelieu protégea aussi le commerce en sa qualité de surintendant de la marine ; il autorisa la formation de compagnies pour exploiter les colonies du Canada et des Indes ; il conclut avec le czar de Russie, le dey d’Alger et le roi de Maroc des traités favorables au commerce extérieur ; enfin il fit décider que les nobles pouvaient se livrer au négoce sans déroger. On commença à tirer du sucre des colonies qui furent fondées à la Guadeloupe, au Sénégal et à Gayenne. La marine marchande sortit de sa langueur ; la marine militaire fut créée : Richelieu eut cent vaisseaux de guerre sur la Méditerranée et sur l’Océan. Il répara les ports et il construisit ceux de Brest et de Lorient.

337. Lettres et arts — Académie française. — Saint Vincent de Paul. — Les lettres et les arts eurent une large part dans la sollicitude de ce grand ministre. Il fit construire le Palais-Cardinal, le plus célèbre monument de l’époque, qu’il légua en mourant au roi, et qui est devenu le Palals-Royal. À son exemple, Anne d’Autriche fonda le Val-de-Grâce, devenu un hôpital militaire, et Marie de Médicis fit élever le palais du Luxembourg, dont le fameux peintre flamand Rubens décora les galeries. Le jardin du Luxembourg, le jardin des Plantes, la place Royale et presque tout le quartier voisin, à Paris, beaucoup d’églises et de châteaux datent aussi de cette époque. Mais le plus grand service rendu aux lettres par le cardinal Richelieu fut la création de l’Académie française, qu’il fonda en 1635. Quarante membres composèrent cette illustre société, qui devint bientôt l’arbitre du goût pour toute la France. Sous ce règne la philosophie donna au monde Descartes, et la poésie dramattqtie enfanta Corneille, l’immortel auteur du Cid (1630), Horace, de Cinna, de Polyeucte, etc., le précurseur du grand siècle que devaient illustrer à jamais Racine, Bossuet et tant d’autres grands noms. Le cardinal lui-même composa des pièces qui furent représentées. C’est sous ce règne enfin que vécut saint Vincent de Paul, le bienfaiteur et le protecteur de l’enfance, le fondateur de l’admirable institution des Sœurs de Charité pour le service des pauvres malades, de ces saintes filles dont le dévouement a brillé tout récemment du plus vif éclat dans la guerre d’Orient.

338. louis xiv ; régence d’anne d’autriche. — Louis XIV n’avait pas encore cinq ans, lorsqu’il fut appelé au trône par la mort de son père. Le testament du feu roi instituait un conseil de régence, que devait présider le prince de Condé. Mais le parlement de Paris cassa cette disposition, et déclara régente la reine-mêre Anne d’Autriche. La régente s’entoura d’abord de gens peu capables, qui n’avaient d’autre titre à sa faveur que les flatteries qu’ils lui prodiguaient. Leurs grands airs et leurs façons superbes les firent désigner par le nom d’Importants, qui depuis est resté dans la langue pour exprimer la présomption jointe à la sottise. Heureusement ce parti sans consistance ne tarda pas à se diviser, et Mazarin fut appelé au ministère. La fortune lui réservait de grandes destinées.

339. Mazarin. — Le nouveau ministre était un Italien de noble famille que Richelieu avait attiré en France, et qu’il avait employé avec succès dans quelques négociations. Jules Mazarin avait reçu en récompense le chapeau de cardinal à l’âge de trente ans (1641). C’était un homme de beaucoup d’esprit, souple, patient, actif, sachant courber la téte au besoin devant l’orage, pour surnager ensuite comme le liège qui revient sur l’eau[5]. Richelieu avait marché droit à son but ; Mazarin se flatta d’obtenir par l’adresse et le laisser-aller ce que son prédécesseur avait obtenu par la crainte. Il ne s’étonnait pas des revers, et ne perdait point confiance en son étoile. S’agissait-il de choisir quelque confident ou quelque instrument de ses desseins, il demandait si c’était un homme heureux ; il croyait que le succès fait rarement défaut à toute entreprise qui est conçue avec prévoyance et conduite avec vigueur. Il résumait lui-même sa politique par ces deux mots : « Le temps et moi. » Souvent en effet le grande habileté dans les affaires consiste à savoir gagner du temps. Enfin, il répondait aux plaisanteries dont il était l’objet à cause de sa prononciation italienne, que son cœur était français si son langage ne l’était pas beaucoup. Et il est juste de reconnaître que ce ministre a fait de grandes choses pour la France.

340. batailles de rocroi, de fribourg, de nord-lengen et de lens. — Son premier titre de gloire fut l’heureuse et brillante issue de la guerre de Trente ans. Louis XIII, à son lit de mort, avait vu en songe le duc d’Enghien, prince de Condé, remporter une grande victoire sur les ennemis. Le 19 mai 1643, cinq jours après l’avènement du jeune roi, la bataille de Rocroi couronnait de lauriers le berceau de Louis XIV. Dans cette mémorable journée, un général de vingt ans ne craignit pas d’attaquer, contre l’avis du vieux maréchal de l’Hôpital, une armée presque double de la sienne, et composée en partie de ces vieilles bandes espagnoles dont la réputation était européenne. Le succès justifia son audace ; l’infanterie de l’armée d’Espagne, jusqu’alors invincible sur tous les champs de bataille, fut mise en déroute à la journée de Rocroi ; elle ne se releva pas de cette défaite, et céda désormais la place à l’infanterie française. La vainqueur rejeta les ennemis au delà du Rhin, passa ce fleuve après eux, et les attaqua sous les murs de Fribourg en Brisgau[6], où ils s’étaient retranchés dans une position formidable. Trois fois il fut repoussé ; trois fois il revint à la charge. Il décida enfin la victoire en jetant son bâton de commandement dans les retranchements ennemis ; ses soldats s’élancèrent tous pour l’aller reprendre. Ce nouveau succès fut suivi de la prise de Philipsbourg et de Mayence, de la victoire de Nordlingen (1645), et de celle de Lens (1648), qui hâta la conclusion de la paix de Westphalie.

341. Traité de Westphalie, 1648. — Depuis trois ans déjà, des négociations étaient entamées a Munster et à Osnabruck en Westphalie, sans qu’on eût pu s’entendre pour régler ni les rapports des catholiques avec les protestants, ni ceux de l’empereur avec les princes de l’empire, ni les indemnités de guerre réclamées par la France et par la Suède. Au mois d’octobre 1648, deux mois après la bataille de Lens, fut signé ce traité célèbre qui sera l’éternel honneur de Maxartn. La France obtint la confirmation de la souveraineté des Trois-Évéchés, que lui avait assurés la paix de Cateau-Cambrésis et qui complétaient sa frontière du N.-E. ; celle de la forteresse de Pignerol, que le duc de Savoie lui avait cédée en 1631 ; la cession de l’Alsace, et la promesse qu’aucune place forte ne serait élevée sur la rive droite du Rhin depuis Bâle jusqu’à Philipsbourg, avec le droit de tenir garnison dans cette dernière ville. Elle fit reconnaître l’indépendance de la Suisse, et accorder à la Suède, son alliée, une vaste étendue de territoire sur les côtes méridionales de la Baltique. Les deux grandes fractions du parti protestant, les luthériens et les calvinistes, obtinrent non-seulement le libre exercice de leur culte dans l’empire, mais encore des droits politiques égaux à ceux des catholiques ; et il fut décidé que les empereurs ne pourraient prendre désormais aucune résolution importante sans le consentement de la Diète germanique. Quelques mois avant la conclusion de ce traité, l’Espagne avait reconnu, par un traité particulier avec la Hollande, l’indépendance des Provinces-Unies, qui avaient secoué son joug en 1579. Ainsi quatre puissances protestantes, la Suède, la Suisse, la Holande et les princes d’Allemagne, voyaient consacrer définitivement leur indépendance politique. La puissance de la maison d’Autriche, qui, sous Charles-Quint et Philippe II, avait été si redoutable pour la France et pour l’Europe, était enfermée dans de justes limites. L’équilibre européen était assuré, et la liberté de conscience reconnue en matière de croyance religieuse. Tout cela était l’œuvre de la France : François Ier et Henri II y avaient coopéré par la lutte qu’ils avaient soutenue contre la maison d’Autriche ; Henri IV avait suivi la même politique avec une pensée mieux arrêtée ; Richelieu, reprenant les projets de ce grand roi, les avait poursuivis avec une rare intelligence ; Mazarin venait de les mener à bonne fin par son habileté diplomatique.

342. la fronde. — Le jour même où l’on chantait un Te Deum à Notre-Dame pour célébrer la victoire de Lens, une émeute populaire donnait à Paris le signal de ces troubles civils, qu’on appelle la Fronde. Les Frondeurs[7] étaient le parti des mécontents, des adversaires de Mazarin et de la cour. On distingue la Vieille et la Jeune Fronde. Dans la Vieille Fronde, le Parlement de Paris, soutenu par la bourgeoisie et le peuple, lutte d’abord contre le cardinal, et essaye de fonder en France une monarchie tempérée par la magistrature. Menacé dans Paris par l’armée royale, il accepte ensuite les services de jeunes seigneurs, qui se font un jeu de la guerre civile pendant quelques mois, et mêlent leurs fêtes licencieuses et leurs intrigues galantes aux graves intérêts de la politique. La lutte, sérieuse au début, devient frivole, ridicule et quelquefois bouffonne dans les détails. La Jeune Fronde commence avec la révolte de Condé, autour duquel se groupe le parti des petits-maîtres ; c’est une tentative coupable et impuissante de l’aristocratie contre la royauté. Les principaux acteurs de la Fronde parmi la noblesse furent le prince de Conti, frère de Condé, le duc de Longueville, son beau-frère, les ducs de Bouillon, d’Elbeuf, de Vendôme, de Nemours et de La Rochefoucauld, le duc de Beaufort, surnommé le roi des halles, parce qu’il était l’idole de la populace, et surtout le fameux Paul de Gonndi, coadjuteur, puis archevêque de Paris, plus connu sous Le nom de cardinal de Retz, qui aimait à s’entendre appeler le petit Catilina, et qui disait qu’il faut plus de grandes qualités pour former un bon chef de parti, que pour faire un bon empereur de l’univers. À côté des jeunes seigneurs, nommons aussi les duchesses de Chevreuse et de Longueville.

343. émeutes et barricades. — guerre civile. — Les fautes de Mazarin fournirent au Parlement un prétexte pour s’immiscer dans l’administration. Les finances, étaient dans un tel désordre, que le ministre était réduit aux expédients pour se procurer des ressources. Deux édits fiscaux ayant excité une assez vive irritation, le Parlement se fit l’écho des plaintes générales. Mazarin crut imposer silence aux clameurs des mécontents par un coup d’autorité ; il fit arrêter (26 août 1648) le président Blancménil et le conseiller Broussel, qui s’étaient signalés entre tous par leur opposition : contre le ministre et contre la cour. À cette nouvelle, le peuple s’ameuta et courut au palais en criant : « Broussel et liberté ! » Par l’influence secrète du coadjuteur, on éleva des barricades dans toutes les rues, et le Parlement, en robe rouge, ayant à sa tête le premier président Mathieu Molé, alla forcer la régente à relâcher ses deux prisonniers. La cour, effrayée de ce mouvement populaire, s’enfuit en toute hâte à Saint-Germain, sans se donner le temps d’emporter ni meubles ni provisions ; le jeune roi dut coucher sur la paille, faute d’un lit. Par une ordonnance du 24 octobre, la Régente déclara que les impôts ne seraient légalement perçus, à l’avenir, que s’ils avaient été discutés et enregistrés librement par le Parlement. C’était une révolution qui associait la magistrature à la puissance souveraine. Mazarin résolut d’annuler cette concession par la force ouverte. Paris se prépara à la guerre, et le Parlement appela à son aide une noblesse turbulente et légère. Mais l’approche de Condé, avec sept mille hommes de troupes royales, et une invasion des Espagnols, qui n’avaient pas posé les armes en 1648, déterminèrent les habitants à traiter. Le roi rentra dans la capitale le 18 août 1649.

344. la jeune fronde. — fin de la guerre. — Le calme ne fut pas de longue durée : Condé, voyant qu’il était indispensable depuis que Turenne[8] s’était jeté dans le parti des Frondeurs, éleva des prétentions excessives, et affecta tant de dédain pour le ministre, qu’on le fit arrêter et emprisonner à Vincennes avec le prince de Conti et le duc de Longuerille. Alors la duchesse de Longueville s’enfuit en Flandre, où elle rejoignit Turenne ; la guerre civile recommença et gagna les provinces. Cette fois, ce fut la noblesse seule qui dirigea les hostilités. Le turbulent Gaston, duc d’Orléans, se mit à la tête des factieux ; Turenne envahit la Champagne avec les Espagnols, et fut battu à Rethel. Néanmoins, l’alliance des étrangers et des Frondeurs détermina Mazarin à s’éloigner pour laisser passer l’orage ; il se retira à Cologne, d’où il continua à diriger les affaires comme s’il eût été présent. Condé, qu’il avait mis en liberté avant de quitter la France, ne put voir sans dépit que le ministre conservât de loin toute son influence sur l’esprit de la régente ; il oublia qu’il était prince du sang, et ne rougit pas de s’unir aux ennemis du royaume ; il traita avec les Espagnols. Au moment où il sortait de France, Mazarin se hasardait à y rentrer ; reçu à bras ouverts par la cour, il ramena Turenne au parti du roi, et l’opposa aux ennemis. Condé, vainqueur à Bléneau, battu à Gien, se replia sur Paris, où l’armée royale vint l’attaquer. Un combat sanglant eut lieu dans le faubourg Saint-Antoine (2 juillet 1652) ; Turenne était sur le point de remporter la victoire, lorsque la fille de Gaston, Mademoiselle, fit tirer le canon de la Bastille sur les troupes du roi, et couvrit la retraite de Condé. Les hostilités allaient reprendre avec plus d’acharnement peut-être par l’arrivée d’un renfort de douze mille Espagnols envoyé aux Frondeurs. Un second exil du ministre termina cette guerre civile, dont tous les partis étaient également las. Le roi, déclaré majeur en 1652, et la reine-mère, avec la partie du Parlement restée fidèle à la cause royale, rentrèrent dans Paris. Mazarin lui-même y revint quelques mois après (1653), et la multitude accueillit avec des feux de joie celui dont la tête avait été mise à prix peu de temps auparavant. Enfin un édit royal défendit expressément au Parlement de s’occuper des questions de finance et de politique. Ainsi fut terminée la guerre de la Fronde.

345. Caractère et résultats de la Fronde. — Cette guerre civile manqua complètement le but que se proposaient ceux qui l’avaient entreprise. C’était, nous l’avons dit, un nouvel effort du Parlement pour devenir un corps politique au lieu d’une cour de justice, et de la noblesse pour ressaisir l’autorité qu’elle avait perdue. Le Parlement fut plus que jamais réduit à ses attributions judiciaires ; la noblesse dut renoncer à l’espoir de ressusciter en France le morcellement féodal, et la royauté sortit plus puissante de cette lutte, qui un instant, l’avait sérieusement menacée, la Fronde donna en outre à la France un enseignement utile ; elle montra par l’exemple de Turenne et de Condé, toujours vainqueurs avec l’armée royale, toujours vaincus à la tête des Espagnols, qu’on ne prend pas impunément les armes contre son pays.

346. paix des pyrénées. — mariage du roi. — Pendant les huit dernières années de son ministère, Mazarin répara le mal que ces troubles civils avaient fait au royaume. Les Espagnols, repoussés de la Picardie par Turenne en 1653, forcés dans leurs lignes devant Arras l’année suivante, vaincus à la bataille des Dunes le 14 juin 1658, demandèrent la paix. Un traité fut signé le 7 novembre 1659, par les ministres de France et d’Espagne, Mazarin et don Louis de Haro, au nom de leurs rois Louis XIV et Philippe IV, dans la petite île des Faisans, au milieu de la Bidassoa, qui forme au S.-O. la limite commune des deux royaumes. On appelle ce traité la paix des Pyrénées. L’Espagne abandonna à la France l’Artois, moins Aire et Saint-Omer, plusieurs villes de la Flandre et du Hainaut, la Cerdagne et le Roussillon. Condé fut réintégré dans tous ses biens, honneurs et dignités ; il promit d’être désormais un sujet fidèle, et il tint loyalement sa parole. Le traité des Pyrénées donnait en outre à Louis XIV la main de l’infante Marie-Thérèse, fille du roi d’Espagne, avec une dot de cinq cent mille écus d’or. L’infante renonça à la succession paternelle ; mais il fut stipulé, sur la demande de Mazarin, que cette renonciation ne serait valable qu’autant que la dot serait exactement payée. Mazarin voulait par ce mariage préparer l’agrandissement éventuel de la France, ou du moins lui créer des droits sur la succession de Philippe IV ; il prévoyait que l’Espagne, épuisée par ses longues guerres et par la ruine de son industrie, de son agriculture et de son commerce, serait hors d’état de payer la dot de Marie-Thérèse.

347. mort de mazarin, 1661. — Ce fut là le dernier acte de sa politique ; il complétait dignement l’œuvre de la paix de Westphalie, et plaçait la France à la tête des puissances européennes. Mazarin vécut deux ans encore, et conserva jusqu’à sa mort l’autorité absolue qu’il avait exercée.

Synchronisme. — Avénement des Stuarts en Angleterre, 1605. — Règne orageux de Charles I, 1625-1649. — La République et Cromwell, 1649-1659. — Restauration des Stuarts, 1660. — Guerre de Trente ans en Allemagne, 1618-1648. — Révolte de Masaniello à Naples, 1648. — L’expulsion des Maures ruine l’industrie et le commerce de l’Espagne, 1609. — Révolution de Portugal ; avènement de la maison de Bragance, 1640. — Gustave-Adolphe roi de Suède, 1611-1632. — Avénement de la maison de Romanov en Russie, 1613. — Galilée établit le mouvement de la terre autour du soleil, 1632.

  1. Ces pays forment aujourd’hui de département de l’Ain.
  2. Note WS : la partie signalée entre crochet correspond aux pages 178 et 179, manquantes de notre fac-similé, elle ont été retranscrites à partir de l’exemplaire de Gallica à partir de cette page jusqu’à celle-ci
  3. Note WS : fin de la reprise des pages manquantes
  4. La charge de connétable fut supprimée après la mort de Lesdiguières, successeur de Luynes ; la charge d’amiral fut changée en celle de surintendant de la marine, que Richelieu prit pour lui.
  5. Mémoires de Mme de Motteville.
  6. Partie S.-O. du grand-duché de Bade actuel.
  7. Les noms de Fronde et de Frondeurs furent appliqués, dit-on, aux mécontents, par un magistrat du Parlement, qui compara leur résistance à celle des enfants du peuple qui s’amusaient à se livrer bataille avec des frondes dans les fossés de Paris, et qui se tournaient souvent contre les archers envoyés pour les séparer. Les mots frondeur, fronder, sont restés dans la langue, pour exprimer la manie du blâme, de la critique.
  8. Turenne avait commencé sa réputation militaire dans la guerre de Trente ans ; il était déjà maréchal de France.