Histoire de Jules César/Appendice D

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Plon (Tome 2p. 563-574).

APPENDICE D.




NOTICE SUR LES LIEUTENANTS DE CÉSAR.



Dans sa campagne contre Arioviste César avait six légions ; il mit à la tête de chacune d’elles soit un de ses lieutenants, soit son questeur (Guerre des Gaules, I, lii.) Ses principaux officiers étaient donc, à cette époque, au nombre de six ; savoir : T. Labienus, portant le titre de legatus pro prætore (I, xxi), Publius Crassus, L. Arunculeius Cotta, Q. Titurius Sabinus, Q. Pedius et S. Sulpicius Galba.


1. — T. ATTIUS LABIENUS.

T. Attius Labienus avait été tribun du peuple en 691 et s’était, en cette qualité, porté accusateur de C. Rabirius. Il servit avec zèle César pendant huit années dans les Gaules. Quoiqu’il eût été comblé de ses faveurs et qu’il eût grâce à lui amassé une grande fortune (Cicéron, Lettres à Atticus, VII, vii. — César, Guerre civile, I, xv), il déserta sa cause dès qu’éclata la guerre civile, et en 706 devint lieutenant de Pompée en Grèce. Après la bataille de Pharsale, il alla, avec Afranius, rejoindre Caton à Corcyre, et passa ensuite en Afrique. Scipion vaincu, Labienus se rendit en Espagne, près de Cn. Pompée. Il trouva la mort à la bataille de Munda. César fit faire des funérailles solennelles à celui qui avait payé ses bienfaits par tant d’ingratitude (Florus, IV, ii. — Appien, Guerres civiles, II, cv. — Dion-Cassius, XLIII, xxx, xxxviii.)


2. — PUBLIUS LICINIUS CRASSUS.

Publius Licinius Crassus Dives, fils puîné du célèbre triumvir, partit avec César pour la guerre des Gaules, fit la conquête de l’Aquitaine, et fut chargé de conduire à Rome les soldats qui devaient voter en faveur de Pompée et de Crassus. Il quitta l’armée de César à la fin de 698 ou au commencement de 699. Emmené par son père en Syrie, il périt en 701 dans la guerre contre les Parthes, encore fort jeune, car Cicéron, lié avec lui d’une étroite amitié (Lettres familières, V, viii), le qualifie d’adolescens, dans une lettre à Quintus (II, ix), écrite en mai 699. Il était néanmoins déjà augure, et le grand orateur lui succéda dans cette dignité (Cicéron, Lettres familières, XV, iv. — Plutarque, Cicéron, xlvii.)


3. — L. ARUNCULEIUS COTTA.

La biographie de L. Arunculeius Cotta avant son arrivée dans la Gaule n’est point connue. Son nom fait supposer qu’il descendait d’une famille de clients ou d’affranchis de la gens Aurelia, chez laquelle le nom de Cotta était héréditaire. La mère de César était une Aurelia.


4. — QUINTUS TITURIUS SABINUS.

Les antécédents de Quintus Titurius Sabinus ne sont pas plus connus que ceux d’Arunculeius Cotta, dont il partagea le triste sort. Son nom montre qu’il appartenait à la famille d’origine sabine des Titurii, laquelle avait donné divers magistrats à la République ; le nom de Titurius se lit sur plusieurs médailles consulaires ; on le trouve aussi dans quelques inscriptions postérieures au temps de César.


5. — Q. PEDIUS.

Q. Pedius était le fils d’une sœur de César (Suétone, César, lxxxiii.) Élu édile en l’an 700 (Cicéron, Discours pour Plancius, vii), il doit avoir quitté l’armée des Gaules au plus tard en 699. Quand éclata la guerre civile, il demeura un des plus fermes adhérents de son oncle, dont il soutenait, en 705, les intérêts à Capoue (Cicéron, Lettres à Atticus, IX, xiv.) Il était préteur lorsqu’il fut assiégé dans Cosa, par Milon, partisan de Pompée. Il fut envoyé en Espagne avec Q. Fabius (César, Guerre civile, III, xxii. — Guerre d’Espagne, ii. — Dion-Cassius, XLIII, xxxi.) Institué, par le testament de César, héritier d’un huitième de ses biens, il abandonna à Octave ce qui lui était légué (Suétone, César, lxxxiii. — Appien, Guerres civiles, III, xciv.). C’est sur la proposition de Q. Pedius, devenu consul, que fut rendue la loi qui a reçu son nom et qui était dirigée contre les meurtriers du dictateur (Velleius Paterculus, II, lxv. — Suétone, Néron, iii.) Q. Pedius resta fidèle à Octave ; il proposa néanmoins le retrait de la déclaration de guerre lancée contre Antoine et Lépide. Il fut mis dans le secret du triumvirat qui allait se conclure, et mourut subitement avant l’expiration de l’année 711 (Dion-Cassius, XLVI, lii. — Appien, Guerres civiles, IV, vi.)


6. — SERVIUS SULPICIUS GALBA.

Servius Sulpicius Galba, que l’empereur Galba comptait parmi ses ancêtres, était de l’illustre famille des Sulpicii ; il descendait de Sulpicius Galba, consul en 610, qui avait laissé la réputation de grand orateur. S. Sulpicius Galba, le lieutenant de César en Gaule, avait déjà fait la guerre dans ce pays sous C. Pomptinus, en 693 (Dion-Cassius, XXXVII, xlviii) ; ce qui explique le choix que fit de lui le futur dictateur. Il doit avoir quitté l’armée de César au plus tard en 699, car il fut, sur la recommandation de celui-ci, élu préteur en 700. (Dion-Cassius, XXXIX, lxv.) Il brigua vainement le consulat en 705. Pressé par les créanciers de Pompée, pour lequel il s’était porté caution, il fut tiré d’embarras par César, qui paya ses dettes (Valère Maxime, VI, ii, § 11.) Se voyant définitivement déçu dans son espoir d’arriver au consulat, S. Galba entra dans la conjuration contre son ancien chef (Suétone, Galba, iii. — Appien, Guerres civiles, II, cxiii.) Il servit dans la guerre contre Antoine, sous le consul Hirtius. On a de lui une lettre à Cicéron, écrite du camp de Modène (Cicéron, Lettres familières, X, xxx.) Poursuivi, en vertu de la loi Pedia, comme meurtrier de César (Suétone, Galba, iii), il fut condamné, et mourut vraisemblablement en exil.


Le Sénat accorda à César, en 698, dix lieutenants : Labienus, Arunculeius Cotta, Titurius Sabinus, déjà dans la Gaule, Decimus Brutus, P. Sulpicius Rufus, Munatius Plancus, M. Crassus, C. Fabius, L. Roscius et T. Sextius. Quant à Sulpicius Galba, à P. Crassus et à Q. Pedius, ils étaient retournés en Italie.


7. — DECIMUS JUNIUS BRUTUS.

Decimus Junius Brutus, appartenant à la famille des Junii, était fils de Decimus Junius Brutus, élu consul pour l’an 677, et de Sempronia, qui joua un rôle si célèbre dans la conjuration de Catilina. Il fut adopté par A. Postumius Albinus, consul en 655, et prit, pour ce motif, le surnom d’Albinus, par lequel on le trouve quelquefois désigné. Quand César l’emmena dans les Gaules, il était encore fort jeune : les Commentaires lui donnent l’épithète d’adolescens. Il devait être de retour à Rome en janvier 704, puisqu’une lettre de Cicéron y signale sa présence à cette époque (Lettres familières, VIII, vii.) L’année suivante il commandait la flotte de César devant Marseille (César, Guerre civile, I, xxxvi. — Dion-Cassius, XLI, xix.) Il remporta, bien qu’avec des forces inégales, une victoire navale sur L. Domitius (César, Guerre civile, li.) Ayant reçu de César, en 706, le gouvernement de la Gaule transalpine, il réprima, en 708, une insurrection des Bellovaques. (Tite-Live, Epitome, CXIV.) Objet des faveurs les plus particulières de son ancien général, qui éprouvait pour lui une vive affection, D. Brutus fut associé, avec Antoine et Octave, au triomphe que César célébra en 706, à son retour d’Espagne, et monta avec eux sur son char. (Plutarque, Antoine, xiii.) Par son testament des ides de septembre, le dictateur le nommait un des tuteurs d’Octave, et l’instituait un de ses seconds héritiers (Dion-Cassius, XLIV, xxxv. — Appien, Guerres civiles, II, cxliii. — Suétone, César, lxxxiii) ; il lui fit attribuer, pour l’année 712, le gouvernement de la Gaule cisalpine. Malgré cette amitié dont César lui avait donné tant de preuves, et que celui-ci croyait payée de retour, Brutus, resté fidèle à son bienfaiteur dans la guerre civile, prêta l’oreille aux propositions des conjurés et se laissa séduire par M. Brutus, son parent. Non-seulement il vint au sénat pour frapper aussi la victime, mais il accepta la mission d’aller engager le dictateur, qui hésitait, à se rendre dans la curie (Dion-Cassius, XLIV, xiv, xviii. — Appien, Guerres civiles, II, cxv. — Plutarque, César, lxx.) En butte à la haine publique (Cicéron, Philippiques, X, vii), et intimidé par les menaces d’Antoine, il quitta Rome pour aller prendre possession de la province que César lui avait fait assigner. (Cicéron, Lettres à Atticus, XIV, xiii.)

Il paraît d’ailleurs n’avoir agi qu’assez mollement en faveur du parti qu’il avait embrassé. Antoine s’étant fait donner par le peuple, en échange de la Macédoine, la province que Brutus commandait (Appien, Guerres civiles, III, xxx), ce dernier se refusa à abandonner son gouvernement, et, appuyé par Cicéron, il obtint du sénat un édit qui le lui maintenait (Cicéron, Philippiques, III, iv. — Appien, Guerres civiles, III, xlv) ; ce qui amena une lutte à main armée entre les deux compétiteurs. Poursuivi par son rival, Brutus se jeta dans Modène et y soutint un long siège (Appien, Guerres civiles, III, xlix. — Tite-Live, Epitome, CXVII), qui eut pour résultat final la bataille célèbre où Antoine fut défait. D. Brutus, effacé par de nouveaux acteurs dans ce drame sanglant, y demeura presque simple spectateur. (Dion-Cassius, XLVI, xl.) Il se rangea alors du côté d’Octave, sans toutefois que le rapprochement de ces deux hommes ait été bien étroit et bien sincère. Il continua à exercer un commandement important pendant la guerre, mais la fortune ne tarda pas à lui devenir contraire. Pressé par Antoine, qui s’était uni à Lépide, menacé personnellement par les poursuites qu’Octave, armé de la loi Pedia, dirigeait contre les meurtriers de César (Tite-Live, Epitome, CXX. — Dion-Cassius, XLVI, liii), il se vit abandonné de ses troupes, et, après avoir vainement tenté de passer en Macédoine, il se dirigea avec une faible escorte vers Aquilée ; mais un chef gaulois, Camillus, trahit à son égard les droits de l’hospitalité, le retint prisonnier, et manda à Antoine ce qu’il avait fait. L’ancien lieutenant de César expédia aussitôt Furius avec des cavaliers, qui tuèrent Brutus et lui rapportèrent sa tête (Appien, Guerres civiles, III, xcvii-xcviii. — Velleius Paterculus, II, lxiii-lxiv.) Brutus a été l’un des correspondants de Cicéron, qui lui donne des éloges, notamment sur sa constance dans l’amitié, éloges dont il était assurément peu digne.


8. — PUBLIUS SULPICIUS RUFUS.

Publius Sulpicius Rufus, qui appartenait à la même famille que S. Sulpicius Galba, servit, en 705, la cause de César en Espagne (César, Guerre civile, I, lxxiv) ; il commanda, l’année suivante, avec le titre de préteur, la flotte qui croisait à Vibo, sur la côte du Bruttium (César, Guerre civile, III, ci), plus tard il obtint le gouvernement d’Illyrie, contrée où il avait fait la guerre dans les rangs des Césariens, et succéda conséquemment à Q. Cornificius (César, Guerre d’Afrique, x. — Guerre d’Alexandrie, xlii.) Une lettre de Cicéron, à lui adressée (Lettres familières, XIII, lxxxvii), montre qu’il était encore dans cette province en 709. On ne sait rien de certain sur ses actes. On a supposé avec vraisemblance qu’il est le même qu’un P. Sulpicius, censeur sous le triumvirat, et mentionné dans une inscription latine (Tabula Collatina), à laquelle renvoie Drumann (t. I, p. 528).


9. — LUCIUS MUNATIUS PLANCUS.

Lucius Munatius Plancus, dont le nom se lit sur plusieurs inscriptions et sur un assez grand nombre de médailles (voyez notamment Orelli, Inscript. n° 591), appartenait à une famille plébéienne illustre. Lié d’abord avec Caton, il gagna ensuite toute l’affection de César (Plutarque, Caton d’Utique, xlii. — Cicéron, Lettres familières, X, xxiv), et lui demeura fidèle jusqu’à la fin. Après avoir servi en Gaule, il devint, en 705, un de ses plus actifs lieutenants en Espagne (César, Guerre civile, I, xl), puis en Afrique. (César, Guerre d’Afrique, iv.) César lui fit attribuer, pour l’année 710, le gouvernement de la Gaule transalpine, moins les Gaules narbonnaise et belgique (Appien, Guerres civiles, III, xlvi — Cicéron, Philippiques, III, xv), et le désigna pour prendre, avec D. Brutus, le consulat en 712 (Velleius Paterculus, II, lxiii. — Dion-Cassius, XLVI, liii) ; il était alors en grande faveur près du dictateur : Cicéron s’adressait à lui pour obtenir les bonnes grâces de César (Lettres familières, X, iii ; XIII, xxix.)

Après le meurtre de César, Plancus, qui redoutait sans doute, comme Antoine, la vengeance du parti des conjurés, proposa une amnistie, de concert avec lui et Cicéron (Plutarque, Brutus, xxii), et se hâta d’aller dans la province qui lui avait été assignée. En Gaule, il fonda les colonies de Lugdunum et de Raurica (Orelli, Inscriptions, n° 590. — Dion-Cassius, XLVI, l) ; plus tard, gagné par Antoine, il abandonna à la vengeance de celui-ci, durant la proscription, Plotius, son propre frère (Appien, Guerres civiles, IV, xii. — Valère Maxime, VI, viii, § 5.) En 712, Plancus prit avec Lépide, au 1er janvier, le consulat que César lui avait destiné (Dion-Cassius, XLVI, liii ; LXVII, xvi.) Dans la guerre de Pérouse, il commanda les troupes d’Antoine, qui l’envoya, en 714, en Asie. En 719, il gouvernait encore la Syrie pour ce triumvir, et on l’a accusé de la mort de Sextus Pompée. (Appien, Guerres civiles, V, cxliv.) Il se rendit en Égypte avec Antoine, près de Cléopâtre (Velleius Paterculus, II, lxxxiii.) Prévoyant la ruine d’Antoine, dont on lui reproche d’avoir été le bas adulateur, il n’attendit pas la défaite d’Actium pour embrasser le parti d’Octave ; il rentra à Rome, et attaqua vivement son ancien ami dans le sénat (Velleius Paterculus, II, lxxxiii.) Dion-Cassius (L, iii) l’accuse d’avoir révélé le contenu du testament d’Antoine. Dévoué désormais à Octave, il proposa, en 727, de lui déférer le titre d’Auguste (Suétone, Octave, vii. — Velleius Paterculus, II, xci.) En 732, il exerça la censure (Dion-Cassius, LIV, ii.) Les monuments épigraphiques et les médailles nous montrent qu’il fut aussi revêtu d’autres dignités. On ignore la date de sa mort. Horace lui a adressé une de ses odes (Livre I, ode vii.)


10. — MARCUS LICINIUS CRASSUS.

Marcus Licinius Crassus Dives était le frère aîné du jeune Crassus, dont il avait pris la place en qualité de lieutenant de César dans la Gaule. On sait peu de chose de sa vie : Cicéron, moins lié avec lui qu’avec son frère cadet, en a peu parlé (Lettres familières, V, viii.) Il se rangea du côté de César, lors de la guerre civile, et devint, en 705, gouverneur de la Gaule citérieure (Appien, Guerres civiles, II, xli. — Justin, XLII, iv.) On ignore l’époque de sa mort.


11. — CAIUS FABIUS.

On ne sait pas ce qu’avait été Caius Fabius avant la campagne des Gaules. Quand la guerre civile éclata, il resta fidèle à César, qui lui donna l’ordre de se rendre de la Gaule narbonnaise en Espagne. Avec sa célérité ordinaire il se porta à marches forcées sur Ilerda (Lerida), ville près de laquelle campait Afranius. Il se distingua dans toute cette campagne, où l’armée de César, qui l’avait rejoint, se trouva un instant compromise. Il n’est plus fait mention ultérieurement de C. Fabius. Son nom ne se retrouve ni dans le récit des campagnes de Grèce, d’Alexandrie, d’Afrique, ni dans celui de la seconde guerre d’Espagne, ni ailleurs.


12. — L. ROSCIUS.

L. Roscius, qui n’a joué qu’un rôle secondaire dans la guerre des Gaules, paraît être le même que le personnage auquel Cicéron donne le nom de L. Fabatus, et qui périt à la bataille de Modène, en 711. (Lettres familières, X, xxxiii.) Il fut préteur en 705, et Pompée, qui savait l’amitié que César avait pour Roscius, le lui députa à Ariminum avec des propositions de paix (César, Guerre civile, I, viii, x. — Dion-Cassius, XLI, v.) On croit que c’est son nom qui, suivi du surnom de Fabatus, figure sur des deniers romains portant l’image de Junon Lanuvina. On a cru aussi le retrouver sur une inscription latine.


13. — TITUS SEXTIUS.

Titus Sextius, dont on ignore l’histoire avant son arrivée dans les Gaules, devint, en 710, gouverneur de Numidie (Dion-Cassius, XLVIII, xxi.) Selon Appien (Guerres civiles, IV, liii), il se rangea du côté d’Octave ; suivant Dion-Cassius (XLVIII, xxi), du côté d’Antoine. Il fit la guerre à Q. Cornificius, qui voulait garder l’ancienne province d’Afrique, que le sénat lui avait attribuée. Sextius aspirait au même gouvernement, et il s’apprêtait à l’exercer pour Octave, auquel l’Afrique avait été assignée dans le partage des triumvirs. (Appien, Guerres civiles, IV, liii.) La défaite et la mort de Cornificius lui permirent de réaliser ses projets, et il resta en possession de sa province jusqu’en 713. Appien et Dion-Cassius ont raconté différemment les événements qui contraignirent Sextius, après la bataille de Philippe, à abandonner la Numidie, où Octave avait envoyé un nouveau gouverneur. On ne sait rien de plus sur sa biographie.


Dans l’année 700, on voit apparaître deux nouveaux lieutenants, Q. Tullius Cicéron et C. Trébonius, qui venaient remplacer Arunculeius Cotta et Titurius Sabinus, tués par les Gaulois à Tongres.


14. — Q. TULLIUS CICÉRON.

Quintus Tullius Cicéron, frère puîné du grand orateur, était né en 652, et alla avec celui-ci à Athènes se perfectionner dans les lettres, qu’il cultiva aussi avec succès. La correspondance des deux fières que nous avons conservée en fait foi, et nous savons, d’autre part, que Quintus avait composé divers ouvrages qui se sont perdus. Quintus avait épousé, antérieurement à l’an 686, Pomponia, sœur d’Atticus (Cicéron, Lettres à Atticus, I, v, vi), avec laquelle il vécut en assez mauvaise intelligence, et dont il finit par se séparer. Il fut édile en 688, année de la préture de son frère ; et, en 691, lors du consulat de celui-ci, il lui prêta, dans l’affaire de Catilina, son intelligent appui et partagea les mêmes dangers. (Cicéron, Lettres à Quintus, I, i ; — Quatrième Catilinaire, ii, iii.) Toutefois il n’opina pas comme lui dans le jugement des conjurés, où il vota, avec César, contre la peine de mort (Suétone, César, xiv.) Il devint préteur en 692, défit, dans le Bruttium, la bande du Catilinaire Marcellus (Orose, VI, vi), et présida le tribunal qui jugea Archias. (Scholiaste de Bobbio sur le Discours pour Archias, p. 354, éd. Orelli.) En mars de l’année 693, il se rendit dans la province d’Asie, dont il avait obtenu le gouvernement (Cicéron, Discours pour Flaccus, xiv) ; il administra cette province avec autant d’équité que de talent, secondé par d’habiles lieutenants (Cicéron, Lettres à Quintus, I, i.) On eut cependant à lui reprocher de fréquents emportements, ce qui lui attira les remontrances de son frère. À la fin d’avril 696, Quintus quitta l’Asie pour se rendre directement à Rome, sans prendre le temps d’aller voir, à Thessalonique, M. Cicéron, encore sous le poids de sa condamnation à l’exil. C’est qu’il redoutait une accusation de concussion, que s’efforçaient de préparer contre lui ses ennemis et ceux de son frère. (Cicéron, Lettres à Atticus, III, ix ; — Lettres à Quintus, I, iii ; — Discours pour sa maison, xxxvi.) Il s’employa activement en faveur de ce dernier, et faillit être tué dans la sédition excitée par Clodius, le 8 des calendes de février 697, lors de la proposition du tribun Fabricius (Cicéron, Discours pour Sextius, xxxv. — Plutarque, Cicéron, xliv.) Quand ce même Clodius s’opposait à la reconstruction de la maison de M. Cicéron, Quintus vit la sienne, qui en était voisine, incendiée par les partisans du turbulent démagogue (Cicéron, Lettres à Atticus, IV, iii.) Vers la fin de cette même année, Quintus fut un des quinze lieutenants donnés à Pompée pour diriger les approvisionnements, et c’est en cette qualité qu’il se rendit en Sardaigne (Cicéron, Lettres à Quintus, II, ii.) Il partit pour les Gaules au commencement de 700, et l’on voit, par un passage du Discours pour Milon, qu’il y était encore en 702. Il laissa l’armée de César en 703, et alla rejoindre, en qualité de légat, son frère devenu proconsul de Cilicie, auquel il prêta l’indispensable appui de son expérience et de son habileté dans les choses de la guerre (Cicéron, Lettres familières, XV, iv ; — Lettres à Atticus, V, xx.) Durant la guerre civile, Quintus se rangea du côté de Pompée, mais il imita la circonspection de son frère, et, après la bataille de Pharsale, il mit tout en œuvre pour se disculper aux yeux de César, vers lequel il députa, en Asie, son propre fils, et c’est ainsi qu’il obtint son pardon. Après la mort de César, Quintus se prononça énergiquement, comme M. Cicéron, contre Antoine, opposition qui lui devint également fatale, car il fut, ainsi que son frère, enveloppé dans la proscription. Ayant vainement tenté, avec celui-ci, de gagner la Macédoine, il revint à Rome en compagnie de son fils, et tous deux furent livrés par des esclaves aux mains qui les frappèrent. (Appien, Guerres civiles, IV, xx. — Plutarque, Cicéron, lxii.)


15. — CAIUS TREBONIUS.

Caius Trebonius était fils d’un chevalier romain dont Cicéron parle dans ses Philippiques (XIII, x). Questeur en 694, il combattit la loi Herennia, qui autorisait l’adoption de Clodius par un plébéien ; tribun du peuple en 699, il proposa les célèbres lois qui donnaient à Pompée et à Crassus d’importantes provinces et prorogeaient pour cinq ans le commandement de César en Gaule. Appelé par César l’année suivante, en qualité de légat, il demeura en Gaule jusqu’au moment de la guerre civile. Il fut ensuite envoyé en Espagne contre Afranius, puis chargé d’assiéger Marseille par terre (César, Guerre civile, I, xxxvi. — Dion-Cassius, XLI, xix.) En 706, il devenait préteur urbain (Dion-Cassius, XLII, xx) ; un an après, il succédait à Cassius Longinus dans le gouvernement d’une des deux Espagnes. (César, Guerre d’Alexandrie, lxiv ; — Guerre d’Espagne, vii. — Dion-Cassius, XLIII, xxix.) Contraint de quitter la Péninsule, après des revers, il revint à Rome, où César le fit nommer consul en octobre 709, et lui fit assigner, pour sa sortie de charge, la province d’Asie (Dion-Cassius, XLIII, xlvi. — Appien, Guerres civiles, III, ii.) Tous ces bienfaits ne purent cependant assurer au dictateur le dévouement de son lieutenant : Trebonius n’avait pas encore pris possession de son proconsulat d’Asie qu’il entrait dans la conjuration tramée contre la vie de César. Mais, retenu par Antoine hors de la curie, il ne put le frapper de sa propre main (Appien, Guerres civiles, II, cxvii. — Dion-Cassius, XLIV, xix. — Cicéron, Philippiques, II, xiv ; XIII, x.) César mort, Trebonius partit tranquillement pour son gouvernement d’Asie, et il se trouvait en mai 710 à Athènes (Cicéron, Lettres familières, XII, xvi.) Durant son proconsulat, il soutint le parti de Brutus et de Cassius. En février 711, Dolabella, qui était venu pour le remplacer, l’attira à Smyrne dans un piège, le tua et jeta sa tête au pied d’une statue de César, vengeant ainsi son ami, si indignement trahi (Cicéron, Philippiques, XIII, x. — Appien, Guerres civiles, III, xxvi. — Velleius Paterculus, II, lxix. — Dion-Cassius, XLVII, xxix.) Cicéron, dont Trebonius a été le correspondant, stigmatise ce guet-apens, où Antoine voyait la juste punition d’un scélérat et d’un parricide. Il est certain que Trebonius était entré dans la conspiration sans remords, puisque plus tard il écrivait à Cicéron : « Si vous composez quelque chose sur le meurtre de César, ne m’en attribuez pas une faible part. » (Cicéron, Lettres familières, XII, xvi.)


Pendant les années 701 à 705, de nouveaux lieutenants vinrent rejoindre César dans les Gaules : ce furent Minucius Basilus, Antistius Reginus, M. Silanus, Caninius Rebilus, Sempronius Rutilus, Marcus Antonius, P. Vatinius, Q. Calenus et Lucius César.


16. — L. MINUCIUS BASILUS.

L. Minucius Basilus avait pris son nom et son surnom d’un riche Romain qui l’avait adopté. Il s’appelait auparavant L. Satrius. Cicéron le nomme ainsi dans un de ses traités (Des Devoirs, III, xviii), quoique ailleurs (Lettres à Atticus, XI, v) il le désigne par ses nom et surnom. Il devint préteur en 709. (Dion-Cassius, XLIII, xlvii.) Irrité de n’avoir point obtenu, pour sa sortie de charge, la province qu’il convoitait, et de n’avoir reçu de César que de l’argent, il entra dans la conspiration tramée contre le dictateur. (Appien, Guerres civiles, II, cxiii. — Dion-Cassius, XLIII, xlvii.) Quelques mois après, il fut assassiné par ses esclaves, qui se vengèrent ainsi de ce qu’il avait soumis plusieurs d’entre eux au supplice de la castration. (Appien, Guerres civiles, III, xcviii.)


17. — C. ANTISTIUS REGINUS.

On ne possède aucun renseignement sur les antécédents et la fin de ce lieutenant de César. À en juger par son nom, il devait appartenir à la famille des Antistii, d’où sont sortis divers magistrats de la République, et dont plusieurs membres ont perpétué leur mémoire dans des inscriptions.


18. — M. SILANUS.

Marcus Junius Silanus, fils de Servilie, était frère utérin de M. Brutus. Après le meurtre de César, il accompagna son beau-frère Lépide dans sa campagne au nord de l’Italie, et fut envoyé par lui, en 711, à Modène, sans instructions précises (Dion-Cassius, XLVI, xxxviii) ; au grand dépit de Lépide, il passa du côté d’Antoine (Cicéron, Lettres familières, X, xxx, xxxiv.) Antoine ayant été battu, Silanus, qui avait perdu la confiance de Lépide, se rendit en Sicile près de Sext. Pompée et ne revint à Rome que quand la paix de Misène eut été conclue avec celui-ci, en 715. (Velleius Paterculus, II, lxxvii.) On ne sait rien de plus sur sa vie, si ce n’est qu’Auguste le prit, en 729, pour son collègue au consulat (Dion-Cassius, LIII, xxv.)


19. — C. CANINIUS REBILUS.

Caius Caninius Rebilus, arrière-petit-fils, selon toute vraisemblance, du personnage de ce nom qui fut préteur en 583, n’apparaît dans l’histoire qu’au moment de la guerre des Gaules. César l’envoya, en 705, à Scribonius Libon pour traiter de la paix avec Pompée (César, Guerre civile, I, xxvi.) Rebilus accompagna ensuite Curion en Afrique, et n’échappa qu’avec un petit nombre à la défaite que leur fit éprouver le roi Juba. (Guerre civile, II, xxiv.) En 708, il guerroyait encore dans la même province, et il s’empara de Thapsus après la défaite de Scipion. (César, Guerre d’Afrique, lxxxvi, xciii.) En 709, il commandait en Espagne la garnison d’Hispalis (César, Guerre d’Espagne, xxxv.) À la fin de cette même année, César le fit nommer consul, en remplacement de Q. Fabius, mort subitement ; c’était la veille des calendes de janvier que cet événement était arrivé. Rebilus ne fut ainsi consul que quelques heures, et la courte durée de sa charge a excité les plaisanteries de Cicéron. (Lettres familières, VII, xxx. — Dion-Cassius, XLIII, xlvi. — Plutarque, César, lxiii.) On n’a pas d’autres détails sur la vie de ce lieutenant de César.


20. — M. SEMPRONIUS RUTILUS.

L’histoire se tait sur ce que devint ce lieutenant de César après la guerre des Gaules.


21. — MARCUS ANTONIUS (MARC-ANTOINE).

La biographie de Marc-Antoine est trop connue, elle se mêle trop à l’histoire des événements qui suivirent la guerre des Gaules, pour qu’on ait besoin de l’esquisser ici. On sait que Marc-Antoine, né en 671, était le fils d’un Marc-Antoine qui avait fait la guerre en Crète, et petit-fils du célèbre orateur du même nom. Sa mère était une Julia, et appartenait par conséquent à la famille de César. Après avoir encouragé et soutenu celui-ci dans ses projets sur Rome, il devint son magister equitum lorsque la dictature lui eut été conférée. À Pharsale, il commandait l’aile gauche de l’armée de César. Après le meurtre du grand homme, il fut le rival d’Octave, et plus tard, avec Lépide, son collègue au triumvirat. Lorsque la désunion se fut mise entre le futur Auguste et l’ancien lieutenant de son oncle, la bataille d’Actium consomma la ruine d’Antoine, qui, s’étant sauvé en Égypte, se tua de désespoir, sur l’avis que Cléopâtre, dont il était violemment épris, lui donna de son imminent suicide.


22. — PUBLIUS VATINIUS.

Le rôle joué par Publius Vatinius avant de devenir lieutenant en Gaule a été exposé dans le cours de cet ouvrage. C’est au sortir de son tribunat qu’il fut employé dans l’armée de César ; mais il avait déjà, après sa questure, servi en Espagne, avec cette même qualité de lieutenant, sous le proconsul C. Cosconius. Menacé par la loi Licinia et Junia, Vatinius revint à Rome et réussit, grâce à l’appui de Clodius, à éviter le procès qui allait lui être intenté. Il échoua dans sa candidature pour l’édilité, figura comme témoin à charge dans le procès de Sextius, où il montra une vive animosité contre l’accusé et contre Cicéron, son défenseur. Des événements importants marquèrent sa préture en 699. Lieutenant de César dans la guerre civile (César, Guerre civile, III, xix), après la bataille de Pharsale, il défendit Brindes contre Lelius (Guerre civile, III, c.) En 706 et 707, il continua à servir dans les rangs des partisans du dictateur, qui lui fit, à la fin de cette dernière année, conférer le consulat pour quelques jours. (Dion-Cassius, XLII, lv. — Macrobe, Saturnales, II, iii.) En 709, il était envoyé par César, avec le titre de proconsul, en Illyrie (Appien, Guerre d’Illyrie, xiii), province d’où il adressa des lettres obligeantes à Cicéron (Lettres familières, V, ix, x.) Après le meurtre du dictateur, les Dalmates s’étant révoltés et ayant fait subir une défaite à un corps considérable de son armée, Vatinius, auquel la fidélité de ses soldats inspirait de la défiance, se retira à Épidamnus et remit sa province, ses légions à M. Brutus (Tite-Live, Epitome, CXVIII. — Velleius Paterculus, II, lxix. — Appien, Guerre d’Illyrie, xiii.) Néanmoins il obtint, à la fin de cette année (711), un triomphe pour ses victoires. On ignore ce qu’il devint par la suite.


23. — Q. FUFIUS CALENUS.

Q. Fufius Calenus, d’une des familles les plus illustres de Rome, la gens Fufia, fut tribun du peuple en 693, et servit alors activement les intérêts de Clodius, accusé d’avoir violé les mystères de la Bonne Déesse. (Cicéron, Lettres à Atticus, I, xiv.) Préteur durant le consulat de César et de Bibulus, il a attaché son nom à une loi judiciaire et servi avec zèle, pendant sa magistrature, les projets de celui dont il devint le lieutenant en Gaule. Il soutint également Clodius dans l’affaire de Milon. Quand la guerre civile éclata, Fufius Calenus alla rejoindre César à Brindes ; il le suivit ensuite en Espagne, en qualité de lieutenant (Lettres à Atticus, IX, v. — César, Guerre civile, I, lxxxvii.) Envoyé plus tard en Épire, il s’empara, avant la bataille de Pharsale, des principales villes de la Grèce. En 707, il devint consul avec Vatinius (Dion-Cassius, XLII, lv), se rangea, après la mort de César, du côté d’Antoine, qu’il défendit contre les attaques de Cicéron (Philippiques, VIII, iv. — Dion-Cassius, XLVI, i à xxviii), et fut son lieutenant pendant les luttes qui suivirent. Il commandait une armée dans la Gaule transalpine en 713, quand une mort subite l’enleva, au moment où il allait se mesurer avec les troupes d’Octave. (Appien, Guerres civiles, V, iii, li. — Dion-Cassius, XLVIII, xx.)


24. — L. CÉSAR.

L. Julius César, qui n’apparaît comme lieutenant du grand César qu’à la fin de la guerre des Gaules, appartenait à la même famille que lui ; il était, fils de L. Julius César, consul au temps de la guerre contre les Marses, lequel périt assassiné par Fimbria, et frère de Julie, mère de Marc-Antoine. Il brigua sans succès l’édilité (Cicéron, Discours pour Plancius, xxi), fut plus heureux dans sa pétition du consulat, et exerça cette haute magistrature en 690. (Cicéron, Discours pour Murena, xxxiv ; — Lettres à Atticus, I, i, ii. — Dion-Cassius, XXXVII, vi.) Il fut avec César, l’année suivante, l’un des juges (duumvir perduellionis) dans le procès de C. Rabirius. (Dion-Cassius, XXXVII, xxvii.) Lors de la délibération du sénat sur la conspiration de Catilina, la parenté qui l’unissait à P. Lentulus ne l’empêcha pas d’opiner pour sa condamnation à mort. Après la guerre des Gaules, il retourna à Rome, et, en l’an 707, Marc-Antoine l’investit des fonctions de préfet de la ville ; il était alors fort âgé. (Dion-Cassius, XLII, xxx.) César assassiné, L. César s’éloigna du parti d’Antoine, bien que celui-ci fût son neveu ; ce qui lui a valu les éloges de Cicéron (Lettres familières, XII, ii.) Mais son opposition s’adoucit ensuite, et il repoussa la proposition de déclarer la guerre à l’ancien lieutenant de César, faite par le grand orateur. (Cicéron, Philippiques, VIII, i ; — Lettres familières, X, xxviii.) Ce fut l’effet de l’influence qu’exerçait sur lui sa sœur Julie, à laquelle il dut son salut dans la proscription qui suivit la conclusion du triumvirat. (Appien, Guerres civiles, IV, xii. — Plutarque, Cicéron, lxi. — Antoine, xx. — Florus, IV, vi. — Velleius Paterculus, II, lxvii.) On ne sait rien sur sa destinée ultérieure.