Histoire de Laon

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Claude Leleu
(t. IIp. 4-22).

a)

Bourdoise, et Dozet vicaire général à Reims, d’après [Philbert Descouraux], La vie de M. Bourdoise, Paris, Fournier, 1714, in-4o.

Adrien Bourdoise (1584-1655), apôtre de la « cléricature » et fondateur de la communauté des prêtres de S.-Nicolas-du-Chardonnet prêcha des missions et des retraites dans les régions de Laon et de Reims.

Les Mémoires de Courtin, membre de sa communauté sacerdotale, joints à ceux d’autres contemporains, ont servi de base à l’œuvre de Philbert Descouraux, économe, c’est-à-dire supérieur, de la Communauté en 1708 et 1711.[1] Il convient de ne pas écrire « Philibert Descouveaux », malgré le Catalogue imprimé de la BN de Paris, car la signature de ce disciple de Bourdoise fait foi[2]. L’historien le plus qualifié de S.-Nicolas-du-Chardonnet, P. Schoenher, fait état de nombreuses autres signatures. Il s’agit bien de Philbert Descouraux. Le Dictionnaire hagiographique (Migne, 1850, t. II) distingue un saint Philbert décédé en 684 et fêté le 20 août. d’un Philibert, martyr en Espagne et fêté le 22 août[3].

La composition de l’ouvrage par juxtaposition de souvenirs collectés auprès de personnes diverses entraîne des redites mais, si la qualité littéraire en souffre, l’authenticité des témoignages est mieux conservée. Des nuances dans les appréciations sont apportées par la variété des points de vue.

Pour la commodité, nous rétablissons l’ordre chronologique des événements.

Dès 1612, la petite Communauté que Bourdoise établit au collège de Reims à Paris « fut comme le premier séminaire de Paris où il commença à réformer le clergé en élevant de jeunes ecclésiastiques »[4].

[p. 559] Les voyages que M. Bourdoise fit à Reims en différens tems et les liaisons qu’il y contracta furent cause qu’on rétablit le séminaire que le Cardinal de Lorraine y avoit fondé […]. Cet établissement […] ne s’était soutenu qu’environ vingt ans et étoit entièrement déchu lorsque Mre Eléonor d’Estampes ayant été transféré de l’évêché de Chartres à l’archevêché de Reims entreprit de le rétablir suivant les avis du serviteur de Dieu.

[p. 227] 1625. Mr Bourdoise passa à Amiens mais on ne sçait ce qu’il fit non plus qu’a Reims où il avoit promis d’aller : il dit seulement qu’on commença cette année à y vivre cléricalement et que M. le curé de Rethel y travaille avec un profit considérable ; mais que M. Dozet, grand-vicaire de servant à propos de l’autorité du Prélat fit paroître un zèle particulier pour la réforme du clergé et pour le rétablissement de ce beau séminaire que le Cardinal de Lorraine avoit fondé à son retour du Concile de Trente.

[p. 288] Le séjour que Mr Bourdoise fit à Reims en 1625 quoyque court ne laissa pas d’avoir son utilité car il fut cause que plusieurs personnes de ce diocèse eurent rapport à St-Nicolas et Mr Dozet, chanoine, Chancelier et Grand-Vicaire de Reims ayant conservé depuis ce tems-là une grande liaison avec le serviteur de Dieu voulut au commencement de cette année 1632 sçavoir plus particulièrement ce qui se passoit à St-Nicolas afin (dit-il) que « Monseigneur en ayant connoissance, fasse icy quelque chose de semblable pour la décharge de sa conscience et le salut des âmes dont il est chargé ». Il écrivit pour cela une lettre très obligeante à un particulier de la Communauté qui y fit réponse au nom de Mr Bourdoise qui la vit et la corrigea de sa main. C’est un abrégé du Règlement et des Conventions des Prêtres de St-Nicolas […] M. Dozet en fut si édifié qu’il put pour y attirer Mr Bourdoise dans le dessein qu’il avoit de le charger du soin du séminaire et des Missions qu’on vouloit établir dans le diocèse ; mais la Communauté n’étoit pas en état de soutenir une entreprise si considérable.

b)

Le parrain du Serviteur de Dieu, Mathieu Beuvelet, disciple de Bourdoise en relation avec Reims et l’œuvre des séminaires. D’après Claude Leleu, Histoire de Laon, ms. inédit, AD Aisne (Laon), ms.551, t. II, pp. 677-692.

Claude Leleu signe L’Eleu ce qui se traduirait aujourd’hui par L’Élu.[5] Son Histoire de Laon s’arrête avant l’arrivée des Frères des écoles chrétiennes dans la ville c’est-à-dire avant 1682/1683[6]. Les sources utilisées au sujet de Mathieu Beuvelet sont indiquées : Mémoires de la Communauté de S. Nicolas du Chardonnet et de la famille Beuvelet.[7] Ces souvenirs de contemporains, complétés par la consultation, sur place, de documents authentiques, permettent à l’auteur d’être plus exact que nombre de biographes plus tardifs.[8]

À propos de la fondation à Marle d’une école populaire pour l’éducation chrétienne des filles, il est possible de préciser : « Fondées en 1647, par Mathieu Beuvelet, les Filles de Sainte-Benoîte s’occupaient de l’enseignement des filles» (CL 38, p. 54 n. 5). Mais, face au silence de Leleu et en l’absence de preuves, il est difficile d’ajouter que Mathieu Beuvelet aurait formé également « une communauté de maîtres pour les garçons » (loc cit.). Il semble plus conforme à la documentation de l’époque de penser que Mathieu Beuvelet contribua par une « fondation» financière à l’entretien du maître de l’école des garçons en même temps qu’à celle de la communauté chargée de l’école des filles, l’ouverture de celle-ci privant nécessairement le maître de l’ancienne école mixte d’une partie de ses ressources. Cette fondation spécifiait, en effet, que « le maître ne recevroit plus de filles à son école » et que la rente qui lui était attribuée serait annulée en cas d’infraction à cette clause (Leleu, p. 681, cité infra).

[p. 677] Le 15e de février 1656, à huit heures du soir, mourut à Paris, au séminaire de S. Nicolas du Chardonnet, Matthieu Beuvelet, prestre natif de la ville de Marle, à l’aage de 31 ans neuf mois et demy. C’étoit un ecclésiastique d’une vertu éminente, d’une piété exemplaire et d’une érudition particulière, qui sçavoit la discipline ecclésiastique et dont la réputation est recommandable par beaucoup l’ouvrages de piété qu’il a composés pour l’instruction des ecclésiastiques.

Il vint au monde à Marle le 24 avril 1624. Son père s’appeloit Nicolas Beuvelet et sa mère Marie Vuanet, gens vertueux et charitables. Matthieu apporta en naissant ces paroles imprimées sur son épaule droitte, ecce homo, comme si elles y avaient été gravées[9]. On eut bien soin de luy donner de bons maistres pour le bien élever et l’instruire. Il avoit l’esprit vif, le jugement solide et une mémoire très heureuse. Il avoit une grande aversion pour les jeux et pour les autres divertissemens puériles. Il portoit le surplis en sa paroisse dans la compagnie de plus de cinquante enfans qui faisoient la mesme chose les festes et dimanches, et après le service son plaisir consistoit à assembler les pauvres gens à la campagne pour leur apprendre le catéchisme[10]

[p. 678] Il fut envoyé à Reims en 1635 pour estudier chez les Pères Jésuites où il fit un si grand progrès tant dans les estudes que dans la vertu que les Pères le proposèrent comme le modèle de leurs

écoliers par la raison qu’étant un des premiers de la classe il estoit le plus vertueux et le plus sage ayant une extrême aversion pour les péchés qui sont familiers et presque naturels aux dits escoliers tels que sont le mensonge, la médisance et le libertinage.

Comme il ne prenoit plaisir que dans les discours de piété il avoit une merveilleuse addresse pour les faire couler aggréablement dans la conversation. Il s’y entretenoit avec beaucoup de douceur et beaucoup de prudence et avec tant de satisfaction de ceux qui avoient l’avantage de l’entendre qu’il inspiroit la dévotion sans être importun.

Après avoir achevé ses humanités il eut quelque désir de se faire Jésuite mais sa famille ayant détourné ce dessein à cause de sa jeunesse il fut envoyé à Paris pour étudier en droit où il réussit d’une manière si particulière qu’il fut advocat à l’aage de 17 ans et demy.

Un jeune homme de province étant venu demeurer dans sa pension le dérangea un peu car, s’étant adroitement insinué dans son esprit et ayant gagné son cœur, il le porta à se relascher de ses études et de son règlement de vie en sorte que, sous prétexte de le ménager, il luy inspira l’amour de la promenade, de la conversation et mesme de la comédie, si bien qu’il fit l’expérience de la foiblesse de l’homme et se laissa aller au penchant de la nature.

Le Seigneur ayant envoyé une maladie de langueur à Nicolas Beuvelet son père, le fils fut mandé par son ordre jour le venir assister, ce qu’il fit. Il eut la consolation de le voir dans de cuisantes douleurs et des souffrances violentes qui servirent à le convertir et à le tirer du péril dans lequel il auroit pu se perdre. Cette maladie dura six mois pendant lesquels ce pauvre malade, qui était fort riche, fit des aumones presque incroyables, nourrissant quantité de pauvres honteux, aydant les soldats qui passoient fréquemment à Marle et donnant du pain 3 fois la semaine à plus de trois cents pauvres. Après avoir receû plusieurs fois les sacremens de pénitence et d’eucharistie, la maladie se trouvant notablement augmentée, il receut l’extrême onction et mourut le 15e de décembre à l’aage de 61 ans après avoir édifié toute la ville par des exemples de vertu et d’une patience extraordinaire et digne d’admiration.

[p. 679] Pendant que son père était malade, il fut envoyé par ses ordres à une demy lieue de Marle en la compagnie des sieurs Vuanet, ses oncles maternels. Le tems étoit for serein et agréable mais il changea en un instant et devint tellement obscur, accompagné d’un vent impétueux meslé d’éclairs et de tonnerre que […] pour prévenir la violence de ce vent ils se serrèrent très étroitement et s’attachèrent de telle manière qu’ils espéroient luy résister. Nonobstant cette précaution il survint un tourbillon qui arracha Mattieu Beuvelet d’entre les bras de ses oncles et l’enleva à perte de vuë dans un endroit fort esloigné ou, éclairé « d’une lumière extraordinaire il connut qu’il n’était pas dans l’état dans lequel Dieu le demandoit, ce luy fit sentir intérieurement que mal à propos il regimboit […]. Il dit alors comme S. Paul, Seigneur que voulez-vous faire de moi ? ».[11] A peine eut-il fait sa déclaration que le temps se remit au beau en sorte, qu’il ne paroissoit pas qu’il eut eu un orage.

Se trouvant maistre de son bien par la mort de son père et de disposer de sa personne, et ayant des qualités qui pouvaient le faire briller dans le monde il flottoit encore dans ses desseins et penchoit du côté du civil, mais luy étant arrivé quelque chose d’extraordinaire par le moyen d’une voix qui luy reprochoit son infidélité et qui l’effraya il […] demanda pardon à Dieu et renouvela sa promesse […]. Dans l’incertitude où il étoit du choix qu’il devait faire d’un ordre religieux, car il ne pensoit nullement à l’état ecclésiastique, Dieu luy inspira d’aller faire un voyage à Paris pour consulter des personnes intelligentes et désintéressées pour examiner sa vocation. Il s’addressa a Mrs Cailleaux et Vuyart[12] qui furent par la suitte les 1ers directeurs du séminaire de Laon, ceux qui, avec M. Bourdoise, avoient commencé l’establissement de la Communauté et Séminaire de S. Nicolas du Chardonnet, qui l’addressèrent à des gens consommés dans la vertu et zélés pour la discipline ecclésiastique qui jugèrent tous qu’il pourroit faire plus de profit dans l’Eglise que dans un ordre religieux, pourquoy on luy conseillé de faire les exercices spirituels pour implorer les lumières du S. Esprit touschant le choix qu’il avoit à faire, ce qu’il fit sous la conduite de ces bons prestres [p. 680] qui luy firent gouster l’état ecclésiastique, luy firent connoistre l’excellence et le besoin qu’avait l’Eglise de bons ouvriers pour travailler à la réformation des moeurs du clergé qui étoient fort corrompuës et extresmement dérangées, la pluspart des prestres estant dans l’ignorance et la dépravation, ce qui faisoit gémir les gens de bien qui demandoient à Dieu par de ferventes prières d’avoir pitié de son Eglise et de la regarder d’un œil de miséricorde.

Matthieu Beuvelet suivit les exercices avec une ardeur singulière et un désir parfait de connoître la volonté de Dieu pour la suivre dans l’état où il pourroit luy procurer plus de gloire et travailler à son salut et à celuy des ames. Les oraisons, lectures, méditations et prières qu’il faisoit n’avoient pas d’autre fin. Il y ajouta les pénitences et mortifications et connût enfin d’une manière très sensible que la moisson étoit grande dans l’Eglise et qu’il y avoit peu d’ouvriers, et se détermina avec l’avis de ceux qui le conduisoient à préférer l’état ecclésiastique.

Sortant des exercices, il se disposa à recevoir la tonsure qu’il receût en effect avec toutes les préparations requises comme le 1er pas pour entrer dans l’Eglise avec les intentions de se donner entièrement à Dieu qu’il prit pour sa part et portion et pour son héritage à jamais, ce qu’il alloit[13] faire paroître dans la suitte disant qu’il ne pouvoit pas estre bon prestre sans estre bon élève.

Il voulut recommencer sa philosophie dans l’Université de Paris parce que, n’ayant etudié que sous les Jésuites,[14] il étoit exclu des degrés qu’il avoit besoin de prendre pour servir l’Eglise avec plus d’autorité, mais les prestres de la Communauté de S. Nicolas du Chardonnet et ses amys luy ayant fait voir qu’il se passeroit bien du temps pour arriver là et qu’il pourroit le mieux employer, il désista et se rendit par humilité à leurs conseils. Il se donna aussitost à l’étude de la Théologie où il réussit parfaitement. Il soutint des thèses dans laditte communauté contre l’ordinaire où il fit voir sa suffisance et sa capacité et le progrès qu’il faisoit dans cette science. Ses études ne tendoient qu’à chercher Dieu, pour le faire connoistre au prochain et travailler au salut des ames.

Des études réglées par les intentions si pures étoient trop saintes pour nuire à sa dévotion. Aussy ne les commençoit-il jamais sans les offrir à Dieu et luy demander ses lumières. Il les accompagnoit de beaucoup d’oraisons jaculatoires et ne se proposoit la connaissance des lettres que comme un instrument nécessaire au dessein de procurer la gloire de Dieu qu’il avoit toujours en vuë.[15]

[…] Tandis qu’il étudioit de la sorte il avoit soin de faire des catéchismes dans la paroisse de S. Nicolas du Chardonnet pour l’instruction de la jeunesse et des personnes avancées en aage qui pouvoient en avoir besoin. Il s’en acquittoit avec tant de zèle et de force qu’il s’y faisoit un concours nombreux de peuple parmy lequel des gens sçavans se mesloient adroitement pour l’entendre. Ils en étoient si édifiés qu’ils les préféroient aux plus sublimes prédications. Il composa alors le Règlement des catéchismes[16] pour faciliter à ceux qui les faisoient l’ordre et la manière qu’ils devaient suivre et leur donner la méthode dont ils avoient besoin pour y réussir.

Son zèle, qui étoit éclairé, le porta à travailler pour la ville de Marle dont il étoit originaire, et pour ce sujet il y fit une fondation considérable par deux motifs qu’il avoit depuis longtemps dans l’esprit, l’un pour séparer les écoles des garçons de celle des filles qui etoient meslées, qui pouvoient causer du désordre ou qui étoit contre la bienséance, pour quoy[17] il avoit une extrême horreur de ce meslange, à la charge et condition que le maistre ne recevroit plus de filles à son école, et s’il luy arrivoit de contrevenir à la clause de laditte fondation, la rente qui luy étoit assignée devoit appartenir aux maistresses des filles, et si les maitresses arrivoient à tomber dans une semblable contravention, elles seroient de mesme privées de la leur. Le 2d motif étoit de former les enfans à la piété et par cette raison il les obligeoit d’aller tous les jours à l’église à la sortie des écoles sous la conduite des maistres et maitresses, chanter un salut et réciter publiquement les prières du soir avec l’examen de conscience, et deux jours de la semaine assister lesdites écoles aux catéchismes qu’il chargeoit les maistres et maistresses de faire à leurs écoliers et écolières.

Pour réussir dans son dessein, il forma une communauté de filles dans la ville de Marle pour enseigner les filles à qui il donna des règles qu’elles pratiquent avec bien de la fidélité, de la ferveur et de l’édification, enseignant les jeunes filles non seulement à lire, escrire et servir Dieu, mais à travailler à toutes sortes d’ouvrages de manière qu’elles font dans laditte ville un bien qui ne se peut exprimer. Cette communauté s’est augmentée considérablement et fait encore à présent autant de bien et mesme plus qu’alors. Elle a establi une communauté semblable à Crouy par la vigilance de feu M. Gilbert[18] Le Bègue curé doyen du détroit[19] qui est sur le mesme pied et avec laquelle elle est en société […]. Les évesques de Laon, qui ont reconnu le bien qu’elles faisoient les ont autorisées [p. 682] et messire Loüis de Clermont[20] évesque et duc de Laon, qui gouverne son diocèse avec toute la sagesse et l’attention qu’on peut souhaitter a donné à ces deux communautés des règles remplies de l’Esprit de Dieu qu’elles suivent avec bien de l’exactitude, en corrigeant, changeant et ajoutant aux anciennes.[21]

La guerre de Paris étant survenue et la France se trouvant en feu par la guerre des Princes à l’occasion du Ministre d’Etat, Matthieu Beuvelet fut pressé par ses supérieurs de recevoir la prestrise. Il y résista ne se croyant pas digne de ce sublime degré, mais ayant été vivement sollicité de se rendre à des ordres auxquels il y eut eu de la témérité à résister, il se disposa à cette grande action par une prière plus fervente, par une pénitence plus austère et par de grandes mortifications.

Après avoir receû la grâce de l’ordination, il renouvella et augmenta son zèle en sorte qu’il chercha tous les moyens de procurer la gloire de Dieu et le salut des âmes. Il commença à l’exercer dans la ville de Marle en assistant spirituellement et corporellement le pauvre peuple que la cherté des vivres et les courses des armées réduisoient dans une extrême indigence.[22] Mais comme il aymoit l’ordre dans tout ce qu’il faisoit, ses aumônes étoient réglées par la prudence. Il ne donnoit qu’à ceux qui voulaient bien recevoir ses instructions. Il donnoit du pain et des étoffes pour nourrir et habiller ceux qui manquoient de tout, mais ce n’était qu’après qu’il leur avoit rompu le pain de la parole de Dieu. Il préparoit avec un soin particulier les enfans à la 1e communion, estimant que c’estoit l’action la plus importante de la vie, et ensuitte il faisoit tout au monde pour entretenir la grace dans leur ame. Il alloit faire la mesme chose à la campagne, et en remédiant aux misères des paysans il arrestoit et prévenoit mesme les passions que les travaux et les tribulations pouvoient exciter dans leurs âmes.

Estant de retour à Paris dans la Communauté de S. Nicolas du Chardonnet, il continua de travailler avec une plus forte attention non seulement à sa propre perfection, mais encore à celle du prochain, et faisant toujours réflexion sur les malheurs de l’état ecclésiastique qui gémissoit dans l’ignorance et le dérèglement, il fut prié de dresser pour chaque vendredy de l’année cinquante deux méditations sur les conférences spirituelles et ecclésiastiques dudit séminaire, ce qu’il fit à la satisfaction de la Communauté. On le porta encore à faire des méditations pour tous les dimanches et festes de l’année et, quoy qu’il eût de la répugnance à entreprendre ce travail, il se rendit à la volonté des supérieurs et réussit.

[p. 683] Enfin, il fut conseillé de faire des méditations sur les vérités chrestiennes et ecclésiastiques pour l’utilité qui en reviendroit à l’Eglise mais il jugea que ce dessein était trop vaste et trop étudié et beaucoup au-dessus de ses forces, mais comme on luy représenta que cet ouvrage était très nécessaire pour les fidèles, et en particulier pour les ecclésiastiques qui ne connoissoient [pas], pour la pluspart, leurs obligations, qui n’entroient souvent dans l’Eglise que par des vuës humaines[23] et des motifs intéressés, que les examinateurs recevoient avec trop de facilité, convaincu par ces justes et importantes raisons, il entreprit l’exécution de ce dessein après avoir imploré l’assistance du ciel, redoublé ses prières et mortifications, et à cette fin s’étant retiré à Ville Juive,[24] maison de campagne de la Communauté S. Nicolas du Chardonnet, avec M. Chamillard, docteur et professeur de théologie en Sorbonne,[25] il y composa heureusement son livre de Méditations sur les vérités chrestiennes et ecclésiastiques en fort peu de temps avec tant de netteté et de jugement que l’on peut dire que personne avant luy n’avait traité cette matière avec tant de méthode. Il le dédia à César d’Estrées, Evêque et Duc de Laon, parce qu’il étoit son évêque diocésain. Il fut parfaitement bien receû. On en a successivement fait quantité d’éditions et il sert de matière de méditation dans presque tous les séminaires de France et dans beaucoup de maisons et communautés ecclésiastiques séculières et régulières. Il composa ensuite son Instruction sur le Manuel afin d’enseigner en détail les ecclésiastiques des séminaires et leur apprendre la manière d’administrer les sacremens.

Voulant de mesme instruire tous les chrestiens sur la matière des sacremens qui les regardent, il compose son livre De la solide dévotion par manière de dialogue. Il n’y dit rien du sacrement de l’ordre parce qu’il ne les regarde pas et que, d’ailleurs, il en avoit suffisamment parlé dans le livre des Méditations.

Il avoit entrepris des prosnes sur les quatre parties de la doctrine chrestienne[26] pour ayder les ecclésiastiques chargés de la direction des âmes et leur faire voir la manière de satisfaire à leurs devoirs à cause de la peine qu’il voyait qu’on avoit à former des prestres et les fautes considérables que commettoient plusieurs curés de la campagne, ou qui n’instruisoient pas, ou qui, dans leurs prosnes, disoient

des choses ridicules et extravagante.[27] Il expliqua le simbole mais il ne put achever, la mort l’ayant prévenu. Il composa encore plusieurs petits ouvrages et abrégés pour servir aux catéchistes et aux pères, mères, maistres et maistresses afin de les diriger dans l’éducation des enfans et des domestiques.

Le désir qu’il avait de voir de bons ecclésiastiques et ouvriers dans la vigne du Seigneur l’obligea de composer un petit livre pour exhorter les personnes zélées pour le bien de l’Eglise à soutenir la bourse cléricale du séminaire S. Nicolas du Chardonnet[28] en contribuant de leurs aumônes à ce pieux dessein qui eut tout le succès qu’on pouvait attendre.[29]

Etant à Reims et voyant que dans cette ville métropolitaine les catéchismes étoient négligez, que les curés ne les faisoient faire qu’en carême et mesme sans beaucoup d’attention et de vigilance de leur part, il porte le curé de S. Simphorien à le faire dans sa paroisse tous les dimanches.[30] Il fut secondé dans cette bonne oeuvre par les sieurs Augier[31] et Callou[32] qui, depuis, furent préposés au séminaire, de laditte ville nonobstant la contradiction des chanoines de laditte église qui est la première collégiale.[33] Il inspira mesme à des personnes distinguées d’en fonder dans leurs paroisses, à quoy elles se rendirent en connoissant l’utilité.

Il inspira dans le mesme temps à trois ou quatre bons ecclésiastisques de commencer une communauté en la parroisse S. Jacques et d’y faire des conférences. La maison fut achetée à ce dessein et tout fut disposé mais ce projet ne fut pas exécuté.

L’année suivante il entreprit de faire faire des conférences en la parroisse de S. Hilaire de laditte ville. Comme on nestoit pas dans cet exercice, il les commença. Il se forma par après une petite communauté dans laditte parroisse composée de trois ou quatre prestres qui voulurent bien s’unir pour l’entretenir. Les sieurs Augier et Callou les continuèrent avec bien du zèle jusques à l’arrivée du cardinal Barberin, archevesque de Reims qui les transféra à l’archevêché.[34] Depuis, elles se firent chez le sieur Roland, Théologal de Reims, neveu de Matthieu Beuvelet, régulièrement deux fois la semaine [p. 685] dans la communauté qu’il avait formée et qui se trouva composée de nombre d’ecclésiastiques, et qui fut comme le berceau de ce fameux séminaire que monsieur l’archevesque fonda et établit sous la direction dudit sieur Callou,[35] ce digne missionnaire qui a tant fait d’honneur à la ville et au diocèse de Reims et qui regardoit le livre des Méditations du sieur Beuvelet comme le livre propre des ecclésiastiques. Il en recommandoit la lecture à tous ceux qui s’addressoient à luy.[36] Il déclaroit que c’étoit là, comme dans une eau pure, qu’il prenoit le sujet de ses prédications et de ses conférences. Le cardinal de Retz, cet esprit sublime, en faisoit tant de cas qu’il l’avait toujours sur sa table. Il le faisoit porter dans tous ses voyages et ne le perdoit pas de vuë. M. Abelly évêque de Rhodez, dans un livre qu’il dédia au Pape Alexandre VII fait une honorable mention de Matthieu Beuvelet et le met au nombre des écrivains ecclésiastiques.[37] M. de Bourlon, évêque de Soissons, en faisoit une singulière estime et admiroit l’ordre et la méthode de ce livre.[38] M. Bailly, abbé de S. Thierry et advocat général au Grand Conseil a déclaré que le livre des Méditations de M. Beuvelet fut cause qu’il n’osa se présenter à la prestrise parce qu’il y reconnut d’une manière si précise les obligations et engagemens des prestres qu’il crut n’avoir pas assez de vertu pour s’en acquitter.[39] On pourroit encore rapporter d’autres témoignages en faveur de ce livre, mais il suffit de dire qu’il a l’approbation de tout le clergé puisque les archevêques et évêques en ordonnent la lecture dans tous leurs séminaires et communautés. En un mot, il a esté traduit en plusieurs langues et les éditions en ont esté multipliées.

La grande application de Matthieu Beuvelet à l’étude et au ministère ecclésiastique altéra si fort sa santé qu’il fut obligé d’aller à Forges[40] pour en prendre les eaux où il continua de donner des marques de son zèle, instruisant et catéchisant sur sa route et dans ce lieu. Il luy arriva une rencontre où sa modestie et sa patience triomphèrent. Un religieux l’étant venû trouver et luy parlant de la grâce, il luy respondit d’une manière qui ne le contenta pas. Ce religieux fasché le traita de jeune homme, d’écolier, d’ignorant. Matthieu Beuvelet respondit à ces injures par toutes les raisons qu’il jugea à propos mais il les donna avec tant de modestie, de douceur et de charité que la vivacité du religieux devait en estre arrêtée. Il persista cependant dans ses paroles violentes et [p. 686] l’autre dans ses manières obligeantes qui surprirent si fort les assistans qu’ils vouloient mettre ledit religieux à la porte, lequel étant retourné à son couvent et venant à faire réflexion sur la bizarrerie de sa conduitte et la patience dudit Beuvelet retourna le lendemain le voir, se jetta à ses pieds, luy demanda pardon, luy avoüant que sa patience l’avait désarmé et luy avoit esté en mesme temps un puissant motif pour le charger de confusion en faisant attention qu’estant religieux depuis longtemps et ayant blanchi dans la pratique des observances religieuses il voyoit qu’il en avoit si peu profité.

Etant de retour des eaux sans y avoir trouvé de soulagement il continua son travail et ses exercices ordinaires d’étude, de l’instruction et de l’administration des sacremens et surtout du sacrement de baptesme avec un zèle et une ferveur toute nouvelle. Il se plaignoit qu’on n’expliquoit pas assez au peuple les engagemens qu’on contracte dans ce sacrement et qu’aussy peu de gens y faisoient les attentions nécessaires pour se conduire chrestiennement dans la vie. Il prenoit plaisir lorsqu’il l’administroit d’entrer dans le détail des obligations du chrestien. Ceux qui l’entendoient étoient surpris et édifiés en mesme temps, si quelque femme ou fille vestuë d’une manière mondaine avec mousches, frisures, et nudités venoit à se présenter pour tenir quelque enfant sur les fonts, il la rebuttoit luy faisant entendre qu’elle n’étoit pas dans l’estat dans lequel elle devait être pour respondre dans une matière si importante, qu’elle ne pourroit ny renoncer au monde et à ses pompes en estant toute revestuë. Cela dit, il faisoit avancer une autre personne pour respondre à sa place.

Il ne pouvoit souffrir qu’on présentast au baptesme les enfans avec de beaux langes enrichis et ourlés[41] d’or et d’argent comme de points et de dentelles pour la mesme raison. Estant à Reims en 1652 il fut prié par sa sœur de suppléer les cérémonies du baptesme d’un de ses enfans qui lavoit receû quelques années auparavant.[42] Voyant qu’elle se préparoit de luy donner une belle robbe de tafetas blanc, et du linge propre[43] avec dentelles, il déclara nettement qu’il ne le recevroit pas avec toutes ces vanités auxquelles il alloit renoncer. Il luy inspira de luy en faire faire une qui ne fut que de ville et le reste sans [p. 687] aucun ornement, luy recommandant quand la cérémonie seroit finie de la garder jusques à ce que l’enfant put atteindre un aage convenable pour le luy donner et rappeler par ce moyen dans la mémoire les promesses qu’il avoit faites. Ayant fait cette cérémonie selon le désir de sa sœur en présence d’une assemblée très considérable il fit un fort beau discours sur l’excellence du baptesme, et s’étendant sur chacune des cérémonies en particulier, et principalement sur les promesses que l’on fait à Dieu, il saisit toute l’assistance qui demeura d’accord de n’avoir jamais entendu parler du sacrement en cette manière et avec cette force, et qui dit qu’il seroit à souhaitter que les prédicateurs et les curés prissent à tâche d’en instruire les fidèles puisque c’est le fondement de tout l’édifice du christianisme.[44] Il se trouva mesme des ecclésiastiques à la ditte cérémonie qui avouèrent après l’avoir entendu que, bien loin de connoistre les engagemens de leur état, ils ne savoient pas encore ce qu’estoit d’estre chrestien. Le clergé de la parroisse en fut si touché qu’il se convertit entièrement.

Les médecins de Paris, consultez sur ses infirmitez furent d’avis qu’il quittast loin de Paris pour aller en province auprès de ses parens afin d’y prendre le lait d’ânesse. Il vint à Laon chez la conseillère Tourtebatte sa sœur[45] où il prit le remède, mais n’ayant rien voulu rabbattre de sa dévotion et de ses exercices il ne luy fut d’aucune utilité. Il se levoit régulièrement à trois heures les jours qu’il prenoit son remède, alloit au couvent de la Congrégation où il avoit une sœur religieuse,[46] dire la messe à quatre heures après quoy il venoit prendre son remède et continuoit de la sorte ses exercices. Estant dans cette grande infirmité il prenoit plaisir à instruire la jeunesse, et voyant que le vicaire de S. Julien, qui était un jeune ecclésiastique de bonnes mœurs, n’osoit entreprendre de faire les catéchismes, il les commença luy-mesme et le forma à cet exercice de manière qu’il devint fort capable et remplit depuis ce temps-là une des principales cures de la ville. Il se trouva dans la ditte église un caveau souterain où S. Genebaud premier évêque de Laon et neveu de S. Remy fit pénitence. Il aymoit ce lieu et en faisoit ses délices. Il s’y retiroit très souvent et y venoit toutes les fois deux heures de suitte pour y méditer et y faire de grandes mortifications nonobstant son état de langueur et d’infirmité.

[p. 688] Il estoit si détaché de l’amour des biens temporels qu’il n’a jamais voulu se servir des voyes de la Justice pour se faire payer de ce qui luy estoit dû, ayant par cette raison, perdû des sommes très considérables. Il fut recherché par d’habiles gens pour entrer dans leurs intérêts au sujet des disputes de la grâce. On luy offrit des bénéfices, des pensions et d’autres secours. Il refusa, déclarant que la part qu’il y avoit à prendre étoit de s’attacher à l’Eglise.

Il avoit un grand zèle pour l’Eglise. Il vouloit qu’on s’y comportast avec une modestie angélique. Estant à la prédication dans l’église du monastère de la Congrégation à Laon, il y remarqua deux officiers du Présidial qui parlaient assez haut et paroissoient oublier et le ministère du prédicateur et la révérence du lieu où ils étoient. Il alla doucement à eux. Il en prit un par la main et pria l’autre de suivre. Les ayant tiré dans la cour, il leur déclara qu’il avoit pris la liberté de les y faire venir à cause du scandale qu’ils causoient, qu’ils n’ignoroient pas la sainteté du lieu où ils étoient et par conséquent la modestie, l’humilité et le respect qu’ils y devoient avoir. Ces Messieurs, surpris et estonnés le remercièrent et se retirèrent.

Il avoit une telle dévotion pour le S. Sacrement de l’autel qu’en quelque lieu qu’il le rencontrast, il ne manquoit jamais à tous les saluts et expositions qui s’en faisoient. Il se trouva à Laon le jour de la feste du S. Sacrement. Il se revestit du surplis et assista à la procession solennelle du très S. Sacrement avec le clergé. An retour, il prit place dans le chœur avec les chapelains et un stalle bas.[47] On l’invita par honneur de monter en haut. Il le refusa et ses proches luy demandèrent pourquoy il s’était donné cette liberté. Il fit responce que l’églie catedrale étant l’église matrice, il croyoit qu’un prestre du diocèse pouvoit y prendre particulièrement dans une cérémonie aussy auguste.

Il ne pouvoit souffrir les ecclésiastiques qui mettoient des habits séculiers et qui disoient la ste messe en soutanelle. Etant malade dans un château auprès de Reims où il y avoit une chapelle domestique, un prestre se présenta pour demander à dire la messe. Comme il vit qu’il n’avoit pas de soutane, quoy que fort habile homme, qu’il estoit mesme revêtu des habits sacerdotaux, il alla pour l’arrester. L’autre, surpris de cette démarche, voulût luy faire entendre qu’il n’y avoit pas d’obligation d’offrir le sacrifice en soutane. Il luy [p. 689] fit connoitre mesme par les rubriques du missele que cela estoit deffendu. Ce prestre avoüa qu’il ne les avoit jamais lues mais qu’étant à la moisson pour amasser les dixmes, la soutane l’embarrasseroit, d’ailleurs que ce jour-là il avoit obligation de dire la messe, ce qui détermina le sieur Beuvelet de la dire à sa descharge en le priant de la servir. La Dame du lieu dit qu’elle auroit soin de faire faire une soutane pour éviter l’inconvénient qui estoit arrivé, à quy il répondit qu’il ne falloit pas prester de soutane à un prestre non plus qu’un marry preste sa femme à un autre.

S’estant encore rencontré dans ce mesme lieu deux chanoines qualifiés de l’église métropolitaine ils allèrent le voir à cause de sa réputation. Il les receut avec beaucoup d’humanité. L’un des deux luy dit : Monsieur, je ne suis pas en habit décent ayant un habit gris. Il luy dit : tant pis ! L’autre, qui n’avait qu’un manteau long, dit : pour moy je suis en habit décent. Il n’importe pas,[48] dit-il que vous y soyez plus que moi. Mais quelle peine seroit-ce, repartit l’autre, de porter à la campagne des habits embarrassans et incommodes ! Mais, ajoutat-il, seriez-vous plus embarrassés si vous les aviez, que les femmes, que les religieux, Jésuites, Capucins et autres qui ont des habits plus pesans. Ils ne s’en plaignent pas, marchent à pied par les plus mauvais temps. Le chanoine au long manteau répliqua qu’il y avoit obligation pour ceux-là et non pour les prestres, et qu’on ne pouvoit pas leur faire voir qu’ils y eussent aucun engagement. Il étoit docteur en théologie, revestu d’une dignité considérable dans son chapitre et gouvernoit outre cela le diocèse. Ledit sieur Beuvelet luy parla d’une manière si sçavante et si recherchée sur cette matière qu’il les convainquit tous deux.

Il avoit esté choisi par le cardinal de Retz pour examiner les ordinans […].[49] Quand il célébroit la messe c’étoit avec une si grande dévotion qu’il l’inspiroit aux [p. 690] assistans, la disant autrefois à Reims dans la chapelle de Ste Margueritte[50] il arriva qu’estant au Gloria in excelsis il demeura comme ravi e transporté en extase, les yeux étincelans et levés vers le ciel le visage enflammé et rayonnant, l’esprit abstrait et le corps immobile. Il demeura du tems dans cet estat en sorte que les assistans s’en apperceurent. Etant de retour à la maison, un de ses amys les plus confidens luy demanda ce qui luy estoit arrivé. Il luy déclara, après luy avoir fait promettre de n’en jamais parler, au moins pendant sa vie, que, commençant le Cantique des Anges, il apperceût ces divines intelligences qui environnoient le trosne de Dieu, qui le chantoient et l’acclamoient avec des abbaissemens prodigieux et de très profonds respects, glorifiant le Seigneur dans sa Majesté, l’adorant et l’honorant de la mesme manière qu’ils avoient fait au jour de sa naissance. Ce fut au mois de juillet 1655, environ sept mois avant sa mort.

Il n’attendit pas la fin de sa vie pour disposer de ses biens. Il en fit un partage très judicieux. Il n’oublia pas les pauvres pour lesquels il avoit un amour tendre et affectueux […].[51]

[p. 691, milieu] Comme il vit que ses infirmitez […][52] et que son corps s’affaiblissoit, il ne voulut pas davantage rester en province. Il prit le parti de retourner à Paris malgré les instances de ses parens. Il partit au mois d’octobre de l’année 1655 pour S. Nicolas du Chardonnet où il fut receû par la Communauté avec une joye sensible. Aussitost son arrivée, il continua ses exercices de dévotion et ses études avec autant d’application que s’il avoit jouï d’une santé parfaitte. Cependant ses faiblesses continuoient et sa santé s’altéroit d’une manière évidente. Mais à mesure que son mal augmentoit, la crainte des jugemens de Dieu, dont il étoit pénétré, diminuoit, et enfin, se trouvant plus mal, il en fut entièrement dégagé. Une soumission parfaite à la volonté de Dieu prit la place de ses frayeurs […].[53] Les médecins le jugeant plus mal l’avertirent de son état. Il demanda le S. Viatique que les prestres de la Communauté luy administrèrent avec toute la charité imaginable. Il le receut avec une dévotion tendre, affective et si exemplaire que tous les assistans en furent très édifiés. On luy apporta de mesme l’extrême-onction qu’il receût avec toute la douleur et contrition dont il fut capable. Il employa le temps qui luy resta en prières et à faire des actes de soumission à la volonté de Dieu, le priant de bénir ses souffrances […].[54]

[p. 692] Il rendit son âme à Dieu le 15e février de l’année 1656, à huit heures du soir aagé de 31 ans neuf mois et demy. Il fut regrété généralement de tous les gens de bien dont il étoit connu tant de Paris que des provinces. On luy fit des services dans plusieurs églises du royaume avec oraisons funèbres comme Noyon, dans l’église métropolitaine de Reims, à Marle, à l’église du Temple.[55] Plusieurs évêques vinrent dire[56] à S. Nicolas du Chardonnet la part qu’ils prenoient à sa mort. Le Nonce du Pape en parla avec éloge.

Parmy toutes les vertus qui éclatèrent dans sa personne celle qu’il ayma par-dessus toutes les autres fut la chasteté […].[57] Il fut enterré dans le cimetière de S. Nicolas du Chardonnet dans l’endroit où l’on enterre les prestres de la Communauté mais comme ce cimetière a été changé à cause du bastiment de la nouvelle église, on en a retiré les cendres qui sont à présent dans la chapelle du S. Sacrement du costé du midy.[58]

Ce détail de la vie de Matthieu Beuvelet est tiré en partie des mémoires de la Communauté de S. Nicolas du Chardonnet et de ceux de sa famille.



Antoinette Vuanet, veuve d’Antoine Beuvelet et sœur de Mathieu Beuvelet. D’après Claude Leleu, Histoire de Laon, Archives Départementales de l’Aisne, ms. 551, t. II, p. 884-885.

Après avoir souligné l’importance du rôle de Mathieu Beuvelet dans les diocèses de Laon et de Reims Claude Leleu est amené à parler des œuvres de charité, de l’Hôpital général et des divers services d’Eglise destinés à soulager les misères tant temporelles que spirituelles. Le rôle de la sœur de Mathieu Beuvelet, tante de Nicolas Roland, y apparaît comme essentiel.

Le lieutenant de la ville de Laon ayant privé l’Hôpital d’importantes ressources, le cardinal intervint et la Providence divine suppléa, par des charités nouvelles, à ce que les autorités de ville refusaient.

[p. 884] 1656. Dieu cependant n’abandonna pas sa maison. Les charités ne se ralentirent pas car une bonne veufve appellée Antoinnette Vuanet[59], veufve d’Antoine Beuvelet en son vivant grenetier au grenier à sel de la ville de Marle et sœur de Matthieu Beuvelet, ce digne ecclésiastique qui a tant escri sur les matières de la discipline de l’Eglise en faveur des séminaires, étant venue à décéder sans enfans fit l’Hospital [p. 885] et l’Hostel-Dieu de Laon ses légataires universels par son testament et leur laissa presque tout son bien qui consistoit en vingt neuf mil trois cent trente neufs livres trois sols. Ce fut pour ledit Hôpital un heureux dédommagement des charités supprimées. Ledit Hôpital eut pour sa part quatorze mil six cent soixante neuf [livres].

7.
Séminaire des Missions étrangères pendant la formation sacerdotale
du Serviteur de Dieu
.

Le premier document (ANP, M 203) comporte à la fin du chap. VII une formule datée de 1681. Dans sa narration des faits il est amené à donner aux personnages qu’il cite leurs fonctions ultérieures aux événements car ce sont celles-ci qui les firent connaître. C’est le meilleur moyen de résoudre les homonymies ambiguës. Ainsi, Nicolas Roland, qui n’était pas encore chanoine, est-il qualifié de « théologal de Reims ».

Il s’agit d’un recueil assez disparate. Le chap. VII fournit la liste des laïcs et des ecclésiastiques en résidence dans la maison de la rue St-Dominique, avant l’année 1663 qui vit s’ouvrir le Séminaire des Missions étrangères à l’angle de la rue du Bac et de la rue de Babylone. La preuve que le groupe décrit est antérieur à 1663 tient dans le fait que Chevreul, nommé immédiatement avant le Serviteur de Dieu, quitta Paris pour les Missions d’Asie dès 1661. Le groupe est caractérisé par sa docilité aux directives du Père Bagot, animateur, avec Vincent de Meur, de l’Aa parisienne connue sous le nom de Bons Amis. Il l’est également par son admiration pour le Père de Rhodes et son volontariat pour partir en missions lointaines.161 (Jean Guennou, Les Missions étrangères, Paris, éd. St-Paul, 1963, in-8, 288 p., Chap. IX).

Le second document (ANP, M 204) est un « mémoire » sur l’origine des Missions étrangères. Son contexte, comme celui de la lettre de Mr Gazil à Mgr Pallu (infra c), est parfaitement explicité dans la thèse de Louis Baudiment, François Pallu, principal fondateur de la Société des Missions étrangères (1626-1684), Paris, Beauchesne, 1934, in-8, 500 p., avec index des noms cités.

  1. Schoenher, t. I, pp. 368-373, 377, présente Descouraux et son œuvre.
  2. ANP, MM 477. Reproduction photographique en CL 40, 1, p. 194.
  3. Migne, 1850, t . II.
  4. Descouraux, p. 558.
  5. AD Aisne (Laon), ms. 551 t. II p. 799.
  6. Y. Poutet, t. I, p. 670.
  7. AD Aisne (Laon), ms. 551, t. II, p. 692.
  8. Joseph Grandet, Les saints prêtres français au XVIIe siècle, édité par G. Letourneau, Paris, 1897, Deuxième série, pp. 254-256. Grandet, prêtre de Saint-Sulpice et supérieur du séminaire d’Angers au xviie siècle était un contemporain. Il ignorait — et son éditeur également — les dates exactes de la naissance et du décès de Beuvelet qu’il fixe à tort aux années 1620 et 1657. L’extraordinaire précocité et l’incomparable puissance de travail de Beuvelet ressortent davantage des dates réelles : 1624 et 1656. Schoenher (t. I, p. 200), commet la même erreur que Grandet.
  9. Les Mémoires familiaux usent souvent d’une langue fleurie ou métaphorique sans imaginer que des lecteurs tardifs prendront au pied de la lettre ce qui s’y trouve narré. Une marque à l’épaule droite du bébé empêchait de la confondre avec tout autre et permettait de dire "ecce homo" en la voyant. Telle est, semble-t-il, la signification concrète de cette phrase symbolique.
  10. Ici, comme en quelques autres passages, des mots n’apportant rien de plus à l’information se trouvent omis dans notre transcription.
  11. Les guillemets sont de Leleu. Ils signifient que ce passage est textuellement repris d’un Mémoire dont la source ne peut-être, bien évidemment, qu’une confidence de Beuvelet lui-même.
  12. Schoenher, t. 1, pp. 65-66, orthographie Wiart et Calleaux. De même pp. 70-71, 111, 115, 122, 187. "Calleaux" est "l’enfant chéri" de Bourdoise (p. 193).
  13. Le ms. écrit alez par une évidente distraction orthographique.
  14. La querelle entre les monopoles des Universités et la liberté de décerner des diplômes que revendiquaient les Jésuites battait alors son plein.
  15. Influence ignacienne évidente : Ad maiorem Dei gloriam, Nicolas Roland en bénéficiera à son tour et la transmettra à saint J.B. de La Salle, qui, lui ne fréquenta pas le collège des Jésuites de Reims. La formule des vœux des Frères des écoles chrétiennes comporte en effet la phrase : «Je me consacre tout à vous pour procurer votre gloire autant qu’il me sera possible »…
  16. Nous mettons en italiques lorsqu’il s’agit d’ouvrages composés par Beuvelet, même s’ils n’ont pas fait l’objet d’une publication.
  17. Comprendre : c’est pourquoi ils…
  18. Lecture conjecturale.
  19. Ce terme désigne l’étendue d’une juridiction (Richelet, Nouveau dictionnaire françois, Genève, 1710, t. 1).
  20. Louis Annet de Clermont de Chaste de Roussillon fut sacré, évêque de Laon le 6 novembre 1695. Il mourut en 1721 (Armand Jean, Les évêques et les archevêques de France, Paris, 1891, p. 323).
  21. CL 38, p. 54, n° 5, d’après une communication de M. le chanoine Hesse, du chapitre de la cathédrale de Reims : « Fondées en 1647 par Mathieu Beuvelet, les Filles de Sainte-Benoîte s’occupaient de l’enseignement des filles. Parallèlement, il organisa une communauté de maîtres pour les garçons qui, à partir de 1684, se recrutèrent dans une communauté de Frères enseignants (clercs et laïcs) fondée par M. Grenier, doyen de Marle et dont les frères Louis et Martin Daoust furent les premières recrues. »
  22. Sur Reims à l’époque de la jeunesse de Nicolas Roland voir G. Boussineso et G. Laurent, Histoire de Reims, t. 2, Reims, 1933.
  23. Ce souci d’échapper aux vues humaines lors du choix d’un état de vie se retrouve chez Nicolas Roland lorsqu’il prend contact, à Paris, avec diverses communautés ecclésiastiques et interroge Dieu dans la retraite avant de se décider. A son tour saint J.B. de La Salle écrira dans son Recueil de différents petits traités : " Considérez quel est votre état et comment vous y êtes entré, si ç’a été en vûë de l’ordre et de la volonté de Dieu » (édition de 1711, p. 183 ; CL 15, p. 94).
  24. Bourdoise et ses disciples disposaient d’une maison située à Villejuif, aux portes de Paris, depuis 1638. En 1641, l’organisation de la communauté de Villejuif s’était structurée (Schoenher, t. I, p. 131).
  25. Il y avait deux Chamillard docteurs de Sorbonne. Cf. Y. Poutet, Les docteurs de Sorbonne et leurs options théologiques au xviie siècle, Piacenza, 1978 (dans Divus Thomas, 1978, n. 3/4, tiré à part à Talence). Le professeur de Sorbonne était Gaston Chamillard, thomiste convaincu qui vota contre Arnaud dans l’affaire du jansénisme de 1656. En 1663, il s’opposa au Parlement de Paris qui voulait limiter l’autorité pontificale (p. 256). Il mourut en novembre 1679. A la page 657 de son De corona, tonsura et habitu clericorum, Paris, 1659, nous lisons cette citation du synode de Beauvais de 1653 : « Défendons à tous clercs et ecclésiastiques […] d’aller sans tonsure cléricale, de paroistre sans soutane au lieu de leur demeure et partout ailleurs sans une soutanelle pour le moins assez longue pour couvrir entièrement les genouils, sous peine, pour chaque fois qu’ils contreviendront au présent article d’un escu applicable aux pauvres estudians de leur archidiaconé » (cité en P. FERET, La Faculté de théologie de Paris et ses docteurs les plus célèbres, Paris, 1906, t. IV, p. 357, n. 1).
  26. Ces quatre parties sont celles du Catéchisme romain : le Symbole, les sacrements, les commandements, la prière. Deux autres types de plan étaient alors en usage selon J.-CL. DHOTEL, Les origines du catéchisme moderne, Paris, 1967, p. 292.
  27. Jeune théologal, Nicolas Roland fut amené, lui aussi, à demander à un prêtre de suspendre ses prédications dans la cathédrale (Doc. IX, 6).
  28. La Bourse cléricale était une création de Bourdoise destinée à favoriser études ecclésiastiques en subventionnant les jeunes gens dépourvus de richesses familiales. Bien évidemment, ce fut une création collective des premières personnes qui fournirent à Bourdoise les fonds indispensables. En Schoenher, t. I, p. 124, on trouve les noms de plusieurs de ces bienfaiteurs qui s’engagèrent à constituer une bourse commune en proportion de leurs moyens. C’était en 1637.
  29. Le Catalogue de la Bibliothèque de S. Nicolas du Chardonnet, saisi lors de la Révolution française énumère : Méditations sur les principales vérités chrétiennes, Instruction sur le Manuel, Le Symbole des Apôtres expliqué et divisé en Prônes (publié après le décès de l’auteur), Méditations sur les principales vertus chrétiennes et ecclésiastiques, Conduite pour les exercices des séminaires, la Vraie et solide dévotion, Règlement des Catéchismes, Adresse très utile pour se préparer à bien faire une retraite (Bibliothèque de l’Arsenal à Paris, ms. 848).
  30. C’était la paroisse baptismale de Nicolas Roland.
  31. Il n’est pas interdit de lire Angier au lieu d’Augier. Les deux formes se rencontrent en CL 26, 27, 38, 39, 40, 41. Une Appoline Angier ou Augier fut épouse puis veuve de Guillaume Rogier, notaire agissant parfois conjointement avec André Augier (ou Angier) également notaire. La signature d’André Angier se lit en CL 26, p. 203 (reproduction photographique). Le prêtre associé à Callou dans l’oeuvre des séminaires est inconnu de Schoenher. Nous savons pourtant que le notaire Guillaume Rogier (1615-1678) eut de Claude Marlot (1620-1681), fille de Jean Marlot (1652), de très nombreux enfants dont les deux prêtres, Guillaume Rogier (1624-1724) et Nicolas Rogier (1654-1733) qui furent, l’un après l’autre supérieurs des Sœurs de l’Enfant Jésus fondées par Nicolas Roland (CL 41, 1, p 164) C’est dire à quel point les Rogier, Angier et Roland étaient proches dans leurs relations courantes. Nicolas Roland n’était-il pas petit-fils d’une Marie Marlot tandis qu’André Angier, le notaire, avait épousé une Jacqueline Marlot (1627-1672) fille du Jean Marlot décédé en 1652 ?
  32. Jacques Callou, supérieur du séminaire de Mgr Le Tellier, était une personalité de haute vertu, de grande sagesse, qui joua un rôle important de conseiller - parfois trop réticent - à l’égard de saint J.B. de La Salle. Cf. Poutet, t. I, pp. 7196-722 et t. II, p. 19, n. 6.
  33. La paroisse Saint-Symphorien était celle des parents du futur dirigé de Nicolas Roland, Jean-Baptiste de La Salle, né en 1651 (CL 26, pp. 211-212).
  34. Antoine Barberini, Préfet de la Propagande, et, à ce titre, entièrement dévoué à l’oeuvre des Missions étrangères entreprise à Paris par les Bons amis du Jésuite Jean Bagot et des missionnaires Pallu et Vincent de Meur, était le neveu du Pape Urbain VIII. Nommé cardinal dès sa vingt-septième année, il fut désigné comme archevêque de Reims le 27 juin 1657 mais Alexandre VII refusa de lui conférer les bulles indispensables. N’empêche, Je cardinal vint à Reims le premier septembre 1657, « incognito […] en habit d’home privé et non en ecclésiastique, habillé de noir, non en cardinal ». Pourtant le Chapitre « luy a rendu civilité et les corps de la ville, sans cérémonie pourtant mais come à ung archevesque désigné ». Les relations France-Rome s’étant améliorées, Clément IX signa les bulles du cardinal-archevêque en 1667 et celui-ci fut reçu à Reims, suivant ses intentions, sans « aucune solennité ». C’était peu après le 13 décembre. Cf. Mémoires de Oudard Coquault, édités par Ch. Loriquet, Reims, 1875, t. II, pp. 454, 457, 523, 526. Sur son rôle de promoteur des missions, bonne mise au point par l’archiviste du Séminaire des Missions étrangères ; Jean Guennou, Les missions étrangères, Paris, éd. St-Paul, 1963.
  35. Détails en Mémoires du clergé, t. II, col. 633-638 : Décret d’union du petit séminaire établi à Rheims en 1567 par feu monseigneur le cardinal de Lorraine, avec le grand séminaire établi en ladite ville par M. Charles-Maurice Le Tellier, archevêque, en 1676, du 10e 1680. Après avoir doté convenablement le séminaire l’archevêque précise : « Après avoir invoqué le saint nom de Dieu, nous avons uni et unissons le petit séminaire […] avec celui que nous avons établi en conséquence des lettres patentes par nous obtenues de Sa Majesté en date du mois de juin 1676 pour être lesdits deux séminaires présentement gouvernés par maître Jacques Callou, prêtre de notre diocèse et chanoine de notre église métropolitaine, supérieur par nous commis pour le temps qu’il nous plaira ». Les bâtiments utilisés furent désormais situés près du collège de l’Université de Reims dit Collège des Bons-Enfants.
  36. L’influence de Beuvelet, par ses œuvres, sur saint J.B. de La Salle est explicitée en Poutet, t. I, p. 203-210, Les exigences sacerdotales de Mathieu Beuvelet.
  37. Il s’agit de Sacerdos christianus, Paris, Georges Josse, 1656. L’ouvrage est entièrement rédigé en latin. On y lit, [p.6] de la Praefatio : « Prodiit etiam nuperrime liber hoc inscriptus titulo (Meditationes super proecipuis veritatibus tum Christianis, tum Ecclesiasticis & c.) authore M. Matthaeo Beuvelet sacerdote Seminarii sancti Nicolai de Cardineto Parisiis; cujus quidem quanta futura sit utilitas, testatur vel unanimis ipse piorum ecclesiasticorum consensus & affectus, quo ad usum omnium prope nostrae Galliae seminoriorum exceptus est ».
  38. C’est Monseigneur de Bourlon qui conféra les ordres mineurs à saint J.B de La Salle, le samedi 17 mars 1668, veille du dimanche de la Passion. C’était à Reims dans la chapelle de l’archevêché par délégation du cardinal Barberini. Contrairement à ce qu’affirment les premiers biographes (Bernard Maillefer et Blain), La Salle ne reçut pas ce jour-là le sous-diaconat. Mises aux point et publication du document d’ordination en CL 41, 2, pp. 195-203·
  39. On se tromperait sur l’exacte signification de cette phrase si l’on oubliait le contexte social dans lequel elle est écrite. En effet :
    a) La prêtrise était une promotion sociale au xviie siècle fort convoitée : elle donnait accès à des « bénéfices » et à la gloire d’une « carrière » honorée qui constituaient autant de «tentations » pour des caractères faibles.
    b) La désertion du sacerdoce ou du moins de ses exigences fondamentales, par une vie maritale inconciliable avec l’état ecclésiastique était alors malheureusement fréquente.
    c) La stabilité dans l’état de vie sacerdotal suppose à toutes les époques une maîtrise de soi chez les candidats à la prêtrise qui ne s’improvise pas surtout à une époque au cours de laquelle les séminaires n’étaient pas encore solidement et durablement organisés.
  40. En cela Beuvelet ne faisait qu’imiter Cailleaux et Vuyart, à la santé fragile. Forges-les-Eaux, à une cinquantaine de kilomètres de Dieppe et à environ 200 de Paris, était une station thermale réputée. Cf. Schoenher, t. I, p. 71.
  41. Lecture conjecturale.
  42. « Sa sœur » domiciliée à Reims était Françoise Beuvelet, épouse du Conseiller au Présidial Gérard Roland. Il ne saurait s’agir ici de son autre sœur Barbe Beuvelet, épouse Tourtebatte, qui résidait à Laon.
  43. Ce terme n’avait pas le sens d’aujourd’hui. Il signifiait, selon Richelet (Le Nouveau dictionnaire, 1710) : net, ajusté, « ornatus ». Communément on disait de vêtements qu’ils étaient « propres » lorsqu’ils reflétaient un début de vaniteuse recherche ou qu’ils étaient, tout au moins, tellement neufs qu’on le remarquait.
  44. Beuvelet n’hésite pas à présenter chacun des sept sacrements comme ayant l’importance du « premier fondement du christianisme », Cela signifie qu’il était convaincu de la valeur irremplaçable de chacun car chacun jouait un rôle qu’aucun autre ne pouvait suppléer. Il insistait parce que les mentalités protestantes, influentes dans la région, considéraient certains sacrements catholiques comme superfétatoires.
  45. Il s’agit de Barbe Beuvelet.
  46. Les minutes du notaire Delacampaigne (alias De La Campaigne ou de la Campagne) relatives à la Congrégation Notre-Dame de saint Pierre Fourier renferment des actes signés de Sœur Angélique Beuvelet, au cours de l’année 1681, par exemple (AD Aisne, 100 E2, fo 35v, 65).
  47. Le Dictionnaire de Richelet ignore le mot « stalle » qui est aujourd’hui du genre féminin. Il était donc technique, propre au langage du clergé. Littré remarque : « Ce mot a été longtemps masculin ; quelques-uns lui donnent encore ce genre en parlant des stalles d’église » (Dictionnaire, 1878). On le rencontrait pourtant dès le xve s., mais avec la graphie et la prononciation « estale ».
  48. Lecture conjecturale.
  49. Quelques lignes de lecture souvent difficile n’ajoutent rien, ici, à la connaissance de Mathieu Beuvelet.
  50. Il est bon de noter que les parents de saint J.B. de Salle achetèrent une maison rue Sainte-Marguerite le 23 mai 1664 (aujourd’hui rue Eugène-Desteuque) qu’ils y habitèrent et que le chanoine de La Salle y accueillit Adrien Nyel pour l’aider à réaliser un projet de scolarisation chrétienne des garçons pauvres élaboré naguère par Nicolas Roland, sa tante Françoise Beuvelet et Mme Maillefer de Rouen. Sur cette maison cf. CL 401, p. 31.
  51. Suivent ici quelques détails déjà mentionnés précédemment et diverses appréciations personnelles de Claude Leleu avec énumération usuelle de vertus qui tiennent du panégyrique de Beuvelet sans rien ajouter d’utile à la compréhension de son neveu Nicolas Roland.
  52. Quelques mots gribouillés.
  53. Suivent trois lignes superflues.
  54. Ibid.
  55. Le souvenir de Beuvelet se perpétua à Marle par la communauté féminine qu’il avait établie pour y tenir une écoles de filles. Ces filles dévotes seront jugées par le duc de Mazarin « fort pauvres » et plus « fidèlement appliquées » que nulle communauté connue de lui « tant à l’instruction des jeunes filles qu’à panser gratuitement et charitablement toutes sortes de malades » (cité en Poutet, t. I, p. 705).
  56. Lecture conjecturale.
  57. Aux dix lignes de panégyrique qui suivent, le témoignage de Joseph Grandet, contemporain moins enclin à louer les personnalités de Laon, est préférable : « Il s’appliqua fortement à l’étude des Conciles et des Pères et ce fut dans ces sources qu’il puisa l’esprit et la science de l’état ecclésiastique dont il a été si rempli […]. Il avait une trés grande facilite à s’exprimer de vive voix et par ecrit […]. Il disait que Dieu lui ayant donné une voix et une poitrine faibles qui l’empêchaient de parler, il avait récompensé de la facilité de composer afin que, s’il ne pouvait être utile de vive voix aux ecclésiastiques ses confrères il le pût être par ses écrits […]. Il dit en mourant que l’une de ses plus grandes consolations dans ce dernier moment, était d’avoir gardé le temps des interstices prescrits par l’Eglise pour la réception des saints Ordres (J. Grandet, Les saints prêtres français, éd. Letourneau, Paris 1897, 2e série, p. 255).
  58. L’église Saint-Nicolas du Chardonnet, vétuste au décès de Beuvelet, fut reconstruite presque aussitôt après, à partir précisément de 1656 (Jacques Hillairet, Evocation du vieux Paris, t. I, 1952, p. 568). Mais elle ne sera achevée qu’en 1667 (Schoenher, t. 1, pp. 202-211).
  59. Et non pas Vuarnet comme on écrit parfois et comme l’indiquent certains manuscrits. Mais il reste légitime de lire, en raison de l’évolution de la graphie des usages de l’imprimerie, soit Wanet, soit Vuanet.