Histoire de dix ans,tome 3/Documents historiques

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(IIIp. 471-504).
DOCUMENTS HISTORIQUES.

Arrêt rendu dans l’affaire des Prouvaires. — Pièces diplomatiques sur l’intervention des Puissances dans les affaires de la Romagne. — Compte-rendu des Députés de l’Opposition. — Condamnation solennelle de l’état de siége. — Protocoles de la conférence de Londres relativement la Hollande et à la Belgique.

N°1.
ARRÊT DANS L’AFFAIRE DES PROUVAIRES
Prononcé par la Cour d’Assises de la Seine, en séance publique du 25 juillet 1832.

À sept heures, MM. les jurés entrent en délibération. On emmène les accusés et l’on fait évacuer la salle d’audience.

Le jury, entré la veille à sept heures du soir dans la chambre des délibérations, en est sorti ce matin à cinq heures et demie. Pendant toute la nuit l’audience a été remplie d’une foule nombreuse composée des parents, des amis des accusés et de la plupart des témoins.

M. Callou, avoué désigné par MM. les jurés comme chef du jury, a donné lecture de la déclaration ainsi conçue :

1er Chef d’accusation.1re Question. En 1831 et 1832, a-t-il été concerté et arrêté entre plusieurs personnes une résolution d’agir ayant pour but soit de détruire, soit de changer le gouvernement, soit d’exciter les citoyens à s’armer contre l’autorité royale, et d’exciter la guerre civile en portant les citoyens à s’armer les uns contre les autres ?

Réponse. Oui, à la majorité de plus de sept voix.

2e Question — Ledit complot a-t-il été suivi d’un ou de plusieurs actes commis ou commencés pour en préparer l’exécution ?

Réponse. Oui, à la majorité de plus de sept voix.

Les questions spéciales, relatives aux accusés compris dans ce premier chef d’accusation, ont été ainsi résolues :

Oui Suzanne est coupable sur la première question seulement. — Oui il y a en sa faveur des circonstances atténuantes.

Oui, Sainte-Croix Piégard est coupable sur les deux premières questions. — Oui, il y a en sa faveur des circonstances atténuantes.

Non, Magret n’est pas coupable.

Oui, Guérin est coupable sur la première question seulement.

Non, Du Foussac n’est pas coupable.

Oui, Fargues est coupable sur la première question.

Oui, Vuchard est coupable sur la première question. – Oui, il y a en sa faveur des circonstances atténuantes.

Oui, Descloux est coupable sur la première question.

Oui, Charbonnier de la Guesnerie est coupable sur la première question. — Oui, il existe en sa faveur des circonstances atténuantes.

Non, Gressier n’est pas coupable.

Non, Reiter n’est pas coupable.

Oui, Gechter est coupable sur la première question. — Oui, il existe en sa faveur des circonstances atténuantes.

Oui, Lebrun est coupable sur la première question. — Oui, il existe en sa faveur des circonstances atténuantes.

Non Lemesle n’est pas coupable.

Oui, Fizanne est coupable sur les deux questions.

Oui, Poncelet est coupable sur les deux questions.

Non, Tillet n’est pas coupable.

Oui, Chéry est coupable sur la première question seulement.

Oui, Coudert est coupable sur la première question.

Oui Roger est coupable sur la première question.

Oui, Lechat est coupable sur la première question.

Oui, Mauger est coupable sur la première question. — Oui, il existe en sa faveur des circonstances atténuantes.

Non, Gillot n’est pas coupable.

Oui, Daxethoffer est coupable sur la première question.

Non, Paoul n’est pas coupable.

Oui, Patriarche est coupable sur les deux questions.

Oui, Coltet est coupable sur la première question seulement. — Oui il existe en sa faveur des circonstances atténuantes.

Non, Buffenoirc n’est pas coupable.

Oui, Collin père est coupable sur la première question seulement.

Non, Panouillot n’est pas coupable.

Non, Bonneau n’est pas coupable.

Non, Collot n’est pas coupable.

Non, Bouvier n’est pas coupable.

Oui, Bousselot est coupable sur la première question. — Oui, il existe en sa faveur des circonstances atténuantes.

Oui, Fortier est coupable sur les deux questions. — Oui, il existe en sa faveur des circonstances atténuantes.

Non, Delapujade n’est pas coupable.

Oui, Dutillet est coupable sur les deux questions.

Oui, Bacquier est coupable sur la première question.

Non, Verneuil n’est pas coupable.

2e Chef d’accusation. — 43e Question. — Un attentat dont le but était, soit de détruire, soit de changer le gouvernement, soit d’exciter la guerre civile en portant les citoyens à s’armer les uns contre les autres, a-t-il été exécuté en 1832 ?

Réponse — Non, à la majorité de plus de sept voix.

44e Question. — Un attentat dont le but était, soit de détruire, soit de changer le gouvernement, soit d’exciter la guerre civile, en portant les citoyens à s’armer les uns contre les autres, a-t-il été commis par tentative en 1832 ?

Réponse. — Oui, à la majorité de plus de sept voix.

Les questions spéciales relatives aux accusés compris dans ce second chef d’accusation ont été ainsi résolues :

Oui, Poncelet est coupable sur la 44e question. — Oui, il existe en sa faveur des circonstances atténuantes.

Oui, Marliat est coupable sur la 44e question. — Oui, il existe en sa faveur des circonstances atténuantes.

Oui, Dutertre est coupable sur la 44e question. — Oui, il existe en sa faveur des circonstances atténuantes.

Oui, Dutillet est coupable sur la 44e question. — Oui, il existe en sa faveur des circonstances atténuantes.

Non, les accusés Tillet Goetz, Romaneski, Maréchal, Billard, Coudert, Daxetboffer, Paoul, Patriarche, Collet, Lartigues, Panouillot, Bonneau, Collot, Bousselot, Dumoulier de la Brosse, Delapalme-Duborne, Prévôt, Duchillon, De Tusseau, Lapujade et Lavaux ne sont pas coupables sur ce second chef d’accusation.

3e Chef d’accusation. — Les accusés Sainte-Croix Piégard, Toutain, Guérin, Brunet-Dufoussae, Fargues, Vuchard, Charbonnier, Getcher, Lebrun, Lemesle Fizanne, Chéry, Roger, Lechat Mauger, Gillot et Fortier, sont-ils coupables d’avoir, par dons, promesses, machinations, provoqué les auteurs de l’attentat spécifié dans les 43e et 44e questions à le commettre.

Réponse. — Non, les accusés ne sont pas coupables.

Ces mêmes accusés sont-ils coupables d’avoir fourni aux auteurs de l’attentât spécifié les armes, munitions et d’autres objets qui ont servi à le commettre, sachant qu’ils devaient y servir ? P

Réponse. — Non, les accusés ne sont pas coupables.

Ces mêmes accusés sont-ils coupables d’avoir aidé et assisté les auteurs de cet attentat dans les faits qui l’ont préparé et facilité ?

Réponse. — Non, les accusés ne sont pas coupables.

4e Chef d’accusation. — Poncelet est-il coupable d’avoir, en 1832, commis volontairement un homicide sur la personne du sergent de ville Houel ?

Réponse. — Oui, l’accusé est coupable. — Oui, il existe en sa faveur des circonstances atténuantes.

126e et dernière question — Le meurtre précédent a-t-il accompagné l’attentât spécifié dans les 43e et 44e questions ?

Réponse. — Non, l’accusé n’est pas coupable.

Après la lecture de ces questions et réponses, M. le président donne ordre d’introduire les accusés à l’égard desquels la réponse du jury a été négative. Il déclare acquittés de l’accusation les individus dont les noms suivent, et ordonne leur mise en liberté immédiate.

Accusés acquittés : Megret, Brunet du Foussac Reiter, Gressier, Lemesle, Tillet, Goetz, Romaneski, Paoul, Gillot, Billard, Maréchal, Buffenoir, Lartigues, Panouillot, Bonneau, Collot, Bouvier, Dumoulier de la Brosse, Delapalme-Duberne, Prévot, Duchillon Lapujade, Lavaux.

Les condamnés sont introduits et M. l’avocat-général Franck-Carré, requiert, à l’égard de Poncelet, l’application des articles 87, 88, 89, 91, 291, 304 et 463 du code pénal ; à l’égard de Roger, l’application des articles 56 et 89 du même code ; à l’égard des autres accusés, l’application des articles 89 et 463 du Code pénal.

Mes Guillaumin et Fontaine soutiennent en droit que les faits déclarés coustans par le jury ne tombent pas dans l’application du code pénal actuel.

Mes Hardy, Belval, Pinet, Battier, Wollis, appellent l’indulgence de la cour en faveur de leurs clients, à l’égard desquels le jury a déclaré qu’il existait des circonstances atténuantes.

Au moment où Me Fontaine se lève pour plaider en droit, l’accusé Charbonnier de la Guesnerie l’interrompt, en lui disant avec vivacité : « Non ! Non ! M. Fontaine point de grâce, point d’indulgence, je n’en veux pas ! »

L’accusé Bacquier interrompt aussi Me Couturier en lui disant : « Point de grâce ! point d’indulgence ! J’aime autant être condamné à dix ans qu’à six mois ! »

« Cela reviendra au même, reprend un autre accusé ; ça ne peut pas durer. »

La cour se retire pour délibérer. (Il est huit heures).

Après une heure de délibération elle rend l’arrêt suivant :

La cour (suivent les articles cités) :

Condamne : Poncelet, Marliat, Dutertre, Dutillet, Patriarche et Fizanne à la peine de la déportation.

Condamne Piégard, Sainte-Croix, Fortier, Toutain, Guérin, Fargues, Descloux Chéry, Couder, Roger, Lachat, Daxelhoffer et Bacquier, chacun à cinq ans de détention et à rester sous la surveillance de la haute police pendant toute leur vie.

Condamne Charbonnier, Gechter, Lebrun, et Collet, chacun en deux années d’emprisonnement, les met sous la surveillance de la haute police pendant deux ans.

Condamne Suzanne, Vuchard Mauger, Collin père et Bousselot, chacun à une année d’emprisonnement et à un an de surveillance.

Les condamne solidairement aux frais.

N°2.
PIÈCES DIPLOMATIQUES.
Sur l’intervention des Puissances dans les affaires de la Romagne.
LETTRE DE LORD SEYMOUR
Adressée à chacun des ambassadeurs composant la Conférence politique à Rome.
Rome, 7 septembre,

« Le soussigné a l’honneur d’informer votre excellence qu’il a reçu l’ordre de sa cour de quitter Rome et de retourner à son poste à Florence. Le soussigné a l’ordre aussi d’expliquer brièvement à votre excellence les motifs qui ont amené le gouvernement anglais à l’envoyer à Rome ainsi que ceux pour lesquels il va maintenant quitter cette ville.

Le gouvernement anglais n’a pas d’intérêt direct dans les affaires des États-Romains, et n’a jamais songé à y intervenir. Il fut, dans le principe, invité par les cabinets de France et d’Autriche, à prendre part aux négociations de Rome, et il céda aux instances de ces deux cabinets, dans l’espoir que ses bons offices unis aux leurs pourraient contribuer à produire la solution amiable des discussions entre le pape et ses sujets, et écarter ainsi des dangers de guerre en Europe.

Les ambassadeurs de Prusse et de Russie à Rome, ayant subséquemment pris part aux négociations, les ambassadeurs des cinq puissances n’ont pas été long-temps sans découvrir les principaux vices de l’administration romaine, et sans indiquer les remèdes à y apporter ; en mai 1831, ils présentèrent au gouvernement papal un mémoire contenant des instructions d’améliorations, qu’ils déclarèrent unanimement indispensables pour la tranquillité permanente des États-Romains, et que le gouvernement anglais trouva fondé en justice et en raison.

Plus de quatorze mois se sont écoulés depuis la production de ce mémoire, et pas une des recommandations qu’il renferme n’a été adoptée ni exécutée par le gouvernement papal ; les édits mêmes, préparés ou publiés, et qui déclarent que quelqu’une de ces recommandations va recevoir son effet, diffèrent essentiellement des mesures consignées dans le mémoire. La conséquence de cet état de choses a été telle qu’on pouvait l’attendre. Le gouvernement papal n’ayant rien fait de ce qu’il fallait faire pour calmer le mécontentement, il n’a fait que s’accroître, grossi par la déception des espérances qu’avaient fait naître les négociations entamées à Rome.

Ainsi, les efforts faits depuis plus d’un un par les cinq puissances, pour rétablir la tranquillité dans les États-Romains ont été vains ; l’espoir de voir la population volontairement soumise au pouvoir du souverain n’est pas plus assuré qu’il ne l’était au commencement des négociations. La cour de Rome paraît compter sur la présence temporaire des troupes étrangères, et sur la coopération qu’elle espère d’un corps de Suisses pour le maintien de l’ordre. Mais l’occupation étrangère ne peut être indéfiniment prolongée, et il n’est pas probable qu’un corps de Suisses, à l’entretien duquel suffiraient les ressources financières du gouvernement papal fut assez fort pour comprimer la population mécontente. Si même, la tranquillité pouvait être ainsi rétablie, on ne pourrait espérer qu’elle serait durable, et ne remplirait d’ailleurs nullement les vues qu’avait le gouvernement anglais en s’associant aux négociations. Dans ces circonstances, le soussigné a reçu l’ordre de déclarer que le gouvernement anglais n’a plus aucun espoir de succès, et que la présence du soussigné à Rome devenant sans objet, l’ordre lui a été intimé d’aller reprendre son poste à Florence. Le soussigné a de plus mission d’exprimer le regret dont sa cour est pénétrée de n’avoir pu, pendant une année et demie, rien faire pour le rétablissement de la tranquillité en Italie. Le gouvernement anglais prévoit que si l’on persévère dans la marche actuelle, de nouveaux troubles éclateront dans les États-Romains, d’une nature plus sérieuse et dont les conséquences multipliées peuvent à la longue devenir dangereuses pour la paix de l’Europe. Si ces prévisions se réalisaient par malheur, l’Angleterre, au moins, sera pure de toute responsabilité pour les malheurs qu’occasionnera la résistance aux sages et pressants conseils émis par le cabinet anglais.

Le soussigné profite, etc.

Signé : G.-H. Seymour. »
LETTRE DU PRINCE DE METTERNICH
Adressée à l’ambassadeur d’Angleterre à Vienne et transmise à lord Seymour par l’ambassadeur d’Autriche comte de Lutzow.

« Le soussigné, chancelier de cour et d’État de S. M. l’empereur d’Autriche, a l’honneur d’accuser réception de la note qu’il a reçue de l’ambassadeur de S. M. britannique. »

Ici M. de Metternich fait allusion aux délibérations déjà connues de la Conférence de Rome et termine ainsi :

« Le saint père a refusé seulement deux points principaux :

1o L’admission du principe de l’élection populaire comme base des assemblées communales et provinciales ; 2° la formation d’un conseil d’État composé de laïques, qui serait placé auprès du sacré collége ou plutôt en opposition avec lui.

Il n’appartenait sans doute ni à l’Autriche ni à aucune autre Puissance de dicter des lois au souverain pontife, surtout quand il s’agissait de matières placées hors de la sphère des améliorations administratives sur lesquelles il était permis de donner des avis à sa sainteté ; quand il s’agissait, en un mot, de tendre à créer un nouveau pouvoir dans l’État. Le cabinet autrichien se voyait obligé de céder sur ce point à la résistance légitime du pape, aussi bien qu’aux protestations unanimes des autres gouvernements d’Italie ; ces derniers, en effet, aux institutions desquels le principe de l’élection populaire est étranger, voient dans de pareilles concessions un danger imminent pour la sûreté de leurs États. De plus, il a lui-même acquis par les faits les plus positifs communiqués au gouvernement anglais, la conviction profonde que les concessions demandées par les mécontents, n’étaient, même à leurs yeux, que des armes avec lesquelles ils se proposaient d’attaquer et de détruire le gouvernement lui-même, en excitant sans cesse des troubles dans les États de l’Église.

L’ensemble des lois et des institutions données par le saint père a reçu long-temps les suffrages solennels et non équivoques des ambassadeurs des grandes Puissances résidant à Rome, par les notes qu’ils ont adressées au cardinal secrétaire d’État, le 12 janvier dernier, au moment où les mesures prises par S. S. pour rappeler à l’obéissance les provinces réfractaires leur ont été annoncées. Les actes officiels en réponse à la note circulaire du 11 janvier ont ainsi obtenu un caractère synallagmatique. Nous n’opposerons pas à la validité de pareils documents celle de l’avis officiel que les mêmes personnages diplomatiques ont adressé à la cour de Rome dans le mémorandum du 21 mai précédent.

Les événements qui ont suivi sont bien connus. Depuis que les troupes impériales sont rentrées dans les légations, et l’occupation d’Ancône, de vive force, par les Français, le cabinet autrichien a apprécié la valeur de l’opinion exprimée par le gouvernement pontifical, que chaque concession nouvelle, faite soit aux demandes de ses sujets mécontents, soit à la requête d’une nation étrangère, par voie diplomatique, serait une dérogation à l’indépendance du souverain, de qui, en apparence, on parviendrait à l’arracher par la force des armes, et que, dans ce fait de concessions obtenues par l’intervention armée des étrangers, les factieux trouveraient un précédent pour se faire accorder encore plus, au moyen d’un appel à ces mêmes étrangers.

Cette manière de voir les choses a été franchement communiquée au gouvernement français et celui de la Grande-Bretagne ; on leur a présenté les concessions dont il s’agit comme dangereuses pour le reste de l’Italie et comme une source intarissable de troubles permanents dans l’État où elles seraient admises. Pénétré de cette conviction, l’empereur ne pouvait en conscience tenir un autre langage au saint père.

Mais en même temps, S. M. I. n’a pas cessé d’inviter le souverain pontife de la manière la plus pressante, non-seulement à maintenir dans une complète exécution les dispositions législatives déjà publiées, mais encore à donner à ces dispositions un caractère de stabilité qui les mettrait à l’abri du risque de changements futurs, sans empêcher d’utiles perfectionnements. Les preuves de la sollicitude du cabinet autrichien sur ce point ont été placées sous les yeux du cabinet britannique mais l’intérêt que l’Autriche éprouve de voir mettre un terme aux sujets de dissensions dans ces États, ne s’est pas borné là. Les recommandations les plus sérieuses, pour l’établissement du meilleur, ordre de choses possibles, n’ont point été épargnées au gouvernement romain. Des fonctionnaires autrichiens expérimentés et connaissant bien l’Italie ont été mis à sa disposition, afin de l’aider à introduire les améliorations praticables dans les circonstances difficiles où il est placé occasionnées par les troubles perpétués depuis dix-huit mois dans une grande partie de ses provinces.

Telle est la manière dont l’Autriche a entrepris d’exercer l’influence que le caractère ferme et désintéressé de son gouvernement lui a procurée à la cour de Rome. Repoussant en ce qui la concerne, tout agrandissement territorial fermement résolue de maintenir, de concert avec ses alliés, l’état de possession tel qu’il se trouve établi par les traités dans la péninsule italienne, et particulièrement l’intégrité du Saint-Siège, ou en détacher quelques-unes de ses provinces. S. M. I conserve la conviction que les concessions, proposées pour changer la forme pontifical n’ont pour but, dans la pensée de ceux qui les réclament, que de les affranchir entièrement du pouvoir du Saint-Siège. C’est donc par égard pour le repos de l’Italie que l’empereur se croit obligé de refuser de soutenir de pareilles demandes. C’est ainsi qu’obéissant à la voix de sa conscience, il sert véritablement la cause de la paix générale, qui est l’objet de tous ses vœux et de sa constante sollicitude.

Rendant pleine justice aux dispositions que le gouvernement français, guidé par les motifs de sa propre conservation manifeste sous ce rapport, le cabinet autrichien espère qu’il sera toujours facile de s’entendre et de se débarrasser de toutes les difficultés qui peuvent se présenter dans le cours des événements. Il n’éprouve aucune crainte d’une complication sérieuse qui prendrait sa source dans les mesures administratives d’un état indépendant. Mais fort de la sincérité de ses sentiments, l’empereur se plaît à croire qu’il trouvera dans tous les cas S. M. britannique disposée comme lui-même à maintenir les nœuds indissolubles d’amitié et d’alliance qui unissent les deux monarques, et dont la garantie se trouve des deux côtés dans une identité de principes, de vues et d’intérêt.

Le soussigné requiert l’ambassadeur de porter sa réplique à la connaissance de sa cour.

Signé : Prince de Metternich.. »
RÉPONSE DE M. SEYMOUR AU COMTE LUTZOW.

« Le soussigné a l’honneur de recevoir la communication de S. Exc. M. le ministre d’Autriche. Il connaissait déjà la note de M. le prince de Metternich ; mais ayant reçu depuis peu l’ordre de quitter Rome, le soussigné doit en conclure que les observations du prince n’ont pas paru à son gouvernement de nature à modifier ses vues sur l’état des affaires de Rome. Le soussigné reste convaincu, d’après ses instructions, que son gouvernement ne croit pas les améliorations introduites par le pape dans l’administration de ses États suffisantes pour répondre aux vœux et aux espérances des Puissances, tels qu’ils furent exprimés en 1831. Le gouvernement anglais sait très-bien qu’il existe parmi les sujets de sa sainteté des individus appartenant à la faction dont parle M. de Lutzow ; mais ce fait n’empêche pas que les vœux d’une partie très-raisonnable de la population romaine peuvent être satisfaits sur une plus large échelle avec avantage pour le pays.

On arriverait ainsi à une scission parmi les mécontents, tandis qu’une partie se trouverait attachée à son souverain par de nouveaux liens ; l’autre perdrait toute influence à cause de l’injustice de ses demandes. C’est dans ces vues que le gouvernement de S. M. a cherché jusqu’à ce jour à arranger les difficultés qui embarrassent encore les affaires des États-Romains ; mais quoiqu’on ne puisse douter que toutes les grandes puissances ne partagent ces intentions, toutefois il paraît qu’on n’est pas d’accord sur les moyens à employer pour atteindre ce but. Le temps ne manquera pas de démontrer la fausseté ou la justesse de cette opinion sur les affaires des États-Romains, et le soussigné peut assurer M. le comte de Lutzow qu’il verra avec le plus grand plaisir ses tristes prédictions ne pas se remiser, Il saisit en outre la dernière occasion qu’il aura peut-être de faire part à S. Exc. de sa conviction que les dangers auxquels il a dû faire allusion diminueront à mesure que les améliorations annoncées par la note de S. Exc. seront adoptées avec énergie et franchise.

G.-H. Seymour. » ____


N°3.


— 28 MAI 1832. —


COMPTE-RENDU DES DÉPUTÉS DE L’OPPOSITION.


(Session de 1831)


À NOS COMMETTANTS.

Les députés soussignés, présents à Paris[1], convaincus des périls d’un système qui éloigne le gouvernement, de plus en plus, de la révolution qui l’a créé, regardent dans la situation actuelle de la France, comme le plus impérieux de leurs devoirs, de rendre compte à leurs commettants de leurs principes et de leurs votes. S’il n’a pas été en leur pouvoir de ramener le gouvernement aux conditions de sa propre conservation, il est du moins en leur pouvoir de signaler le danger.

Notre révolution de 1830 a été diversement appréciée. Les uns n’y ont vu qu’un incident, qu’une modification de la Restauration, et ils en ont conclu que les hommes et les principes de la Restauration devaient être les principes et les hommes du gouvernement nouveau. L’influence de cette opinion s’est retrouvée dans toutes les phases de la longue et stérile session qui vient de s’accomplir. On l’a reconnue dans les débats sur la liste civile, sur l’hérédité de la pairie, sur l’organisation de l’armée ; elle a présidé à la discussion du budget ; elle dirige l’administration de l’empire, et règle son attitude vis-à-vis de l’étranger.

Les autres, et les soussignés sont de ce nombre, ont salué, dans la révolution de juillet, la consécration définitive des principes et des droits proclamés par la grande révolution de 1789. Ces principes et ces droits telle est la base large et puissante sur laquelle ils auraient voulu asseoir le trône. Leurs discours et leurs votes ont été constamment la conséquence de cette pensée.

Ainsi, lors de la discussion de la liste civile, nous avons cru que la royauté nouvelle avait d’autres conditions de force et d’existence que le luxe et la corruption des vieilles monarchies ; que forte de son origine populaire et de la raison publique, elle n’avait besoin ni de frapper les imaginations par son opulence, ni d’acheter des dévoûments ; dans la même discussion, et sur l’insistance du ministère à rétablir, dans notre langage et dans notre droit politique, l’expression féodale de sujets, nous avons dû protester.

Les débats sur la constitution de la pairie ont été un vaste champ où les partisans des doctrines du régime déchu ont fait connaître à la fois leurs désirs et leurs regrets. À les entendre, rien de plus sacré que les priviléges préexistants à la révolution, et, suivant eux, point d’État, point de société possibles hors l’hérédité de la pairie. C’était une pensée de Restauration.

Quant à nous, fidèles au principe d’égalité et de souveraineté nationale, nous avons fait prévaloir le vœu de la France, et l’hérédité a été abolie.

Nous voulions plus : nous demandions que le pouvoir législatif, même dans autre chambre, dérivât d’une délégation du souverain, c’est-à-dire de la nation. Nous ne voulions pas que certains pairs pussent se dire plus légitimes que le roi. Il nous paraissait que la révolution devait élire ses législateurs, comme elle aurait dû instituer ses juges. La majorité en a jugé autrement : le temps et l’expérience prononceront entre elle et nous.

L’armée a été l’objet de notre plus vive sollicitude. Réparer pour le passé, les injustices de la Restauration ; la rendre pour avenir redoutable aux ennemis de la France, sans que la liberté intérieure en fût être menacée ; assurer l’avancement non à la faveur, mais aux services ; répandre l’instruction dans les régiments ; enfin améliorer, sous tous les rapports la condition du soldat, tel était notre but. La proposition de reconnaître les grades et les décorations des Cent-Jours satisfaisait au premier de ces vœux, et elle avait été adoptée par les deux chambres. Il appartenait à une mesure législative de consacrer une réparât qui n’était pas individuelle, mais collective. Sans donner ni refuser la sanction royale le gouvernement a substitué une ordonnance à une mesure législative, méprisant ainsi l’initiative des chambres, violant les règles de compétence constitutionnelle, et même les formes matérielles établies pour le refus de la sanction. Nous avons dû protester.

Deux systèmes étaient présentés pour l’organisation de l’armée : l’un, qui demandait une puissante réserve composée de la garde nationale et des soldats libérés du service aurait permis de diminuer la force et les dépenses de l’armée permanente ; l’autre, au contraire laissait la garde nationale mobile sans organisation ; il exigeait inutilement la présence sous le drapeau d’un plus grand nombre de soldats.

Le premier système plus économique, plus favorable à la fusion de la garde nationale et de l’armée, était le nôtre. Le second a obtenu la majorité.

Le budget semblait devoir réunir toutes les opinions dans des vues d’économie et de soulagement des contribuables.

Les continuateurs de la Restauration ont trouvé toutes les dépenses légitimes, tous les impôts bien assis ; et, comme si ce n’eût pas été assez de la loi douloureuse de la nécessité, ils se sont chargés, dans leurs insultantes théories, de faire considérer comme un bienfait l’exagération de l’impôt. Nous aurions voulu que la révolution apportât sa dot au peuple. Loin de nous la pensée de compromettre des ressources que la défense du territoire peut rendre nécessaires, mais une administration plus économique et plus simple, une meilleure assiette de certains impôts, un mode de recouvrement moins tracassier, diminueraient le fardeau des charges publiques : elles en deviendraient plus équitables et moins pesantes pour les classes laborieuses.

Les questions d’administration intérieure nous ont aussi trouvés divisés. Autant, et plus que nos adversaires, nous voulions, nous demandions la répression de toutes les atteintes à l’ordre public. Convaincus que la sécurité est le premier besoin d’un peuple dont l’existence est dans le travail, nous pensions qu’un gouvernement populaire aurait eu plus de force pour prévenir les troubles, et plus de modération pour les réprimer. Le gouvernement, qui s’est proclamé si fort, n’a réussi, par ses violences, selon son propre aveu, qu’à organiser la résistance sur tous les points du territoire, et à jeter dans les populations les plus dévouées des ferments d’irritation et de désordre.

Quant au personnel de l’administration, après la chute d’un gouvernement auquel il se rattachait naturellement un certain nombre d’existences, il était facile de reconnaître où se trouveraient les ennemis d’un nouvel ordre de choses. Le gouvernement, abusé par de funestes doctrines et par d’injustes préventions, n’a vu d’ennemis que dans ceux qui avaient combattu pour le fonder.

Un membre de l’Opposition a voulu que la France sût enfin si son gouvernement craindrait de se compromettre sans retour avec elle dans la révolution de juillet. La proposition Bricqueville, après avoir échoué une première fois, a été reproduite dans la dernière session. Elle était comme le pressentiment d’une tentative récente, dès-lors méditée, et dont le pouvoir, si l’on en croit son organe officiel, possédait déjà le secret. On a vu cependant le parti ministériel réunir tous ses efforts pour dénaturer cette proposition, et même, après le vote des chambres, un mauvais vouloir en a retardé la sanction, comme si cet inexplicable délai devait être une protestation tacite, et un motif d’absolution. Ce système de ménagement compromet la paix intérieure de la France, et porte les hommes timides à douter d’un gouvernement qui paraît douter de lui-même.

La dernière session semblait plus particulièrement consacrée à la réalisation des promesses de la Charte. Les chambres devaient constituer le pouvoir municipal dans toutes ses branches, organiser la responsabilité des ministres, celle de tous les agents du pouvoir, l’instruction primaire et la liberté de l’enseignement. Nous avons pressé l’accomplissement de ces promesses. Nous demandions un système municipal qui décentralisât les petites affaires, simplifiât les grandes, étendit partout les éléments de la vie politique, et associât au moins au droit de cité le plus grand nombre possible de citoyens. Une large organisation du département et de la commune serait en effet le plus puissant moyen de force, d’ordre public et de prospérité matérielle. Des projets de loi avaient été arrachés, pour ainsi dire, au ministère par les exigences de l’opinion : ils ont été neutralisés dans la chambre par une secrète influencé, et détruits enfin par des ajournements indéfinis. Tels étaient nos vœux sur la politique intérieure : ils ont été impuissants.

Dans les relations de la France avec l’étranger, notre bannière a encore été celle de 1789 point de guerre d’ambition ni de conquête, mais indépendance absolue à l’intérieur de toute influence étrangère. C’est la rougeur sur le front que nous avons plusieurs fois, dans le cours de la session, entendu les agents du gouvernement parler de la crainte de déplaire aux cabinets étrangers nous croyions que la France était à jamais affranchie de cette humiliante influence : nous ne désavouons pas nos vives sympathies pour le bonheur et la liberté des autres peuples, mais nous n’avons jamais eu la prétention de les soumettre à nos institutions.

Après le renversement d’une dynastie imposée par la sainte-alliance, le gouvernement devait surveiller avec inquiétude les mouvements des monarques étrangers. Il ne devait pas leur permettre surtout d’étendre et d’augmenter leur puissance.

Il l’avait reconnu lui-même, quand il avait annoncé à la France l’intention de secourir l’Italie contre l’Autriche et de protéger contre la Russie la nationalité polonaise. Et cependant, malgré ses promesses formelles, malgré les intérêts anciens et nouveaux de la France, il a abandonné l’Italie à la domination de l’Autriche, et il a laissé périr la Pologne, cette Pologne que nous pouvions secourir, quoi qu’on en ait dit à la tribune, et que notre devoir était de sauver.

Que l’on ne croie pas qu’un langage mesuré et ferme eût amené la guerre : nous croyons au contraire que c’était le seul et le plus sûr moyen de conserver la paix.

En résumé, la paix avec l’indépendance et la dignité de la France, l’ordre par la liberté, une fidélité inaltérable à la pensée de la révolution de juillet, pensée de nationalité, de justice, d’ordre, de gloire et de modération, de liberté et de civilisation générale, pensée glorieuse et pure que nous aimons à reproduire, que tous nos votes ont fidèlement exprimée, que nos cœurs n’ont jamais trahie : telle a été et telle sera toujours notre religion politique.

Loin de nous d’imiter nos adversaires dans leurs violences et leurs calomnies. Mais que les hommes du 13 mars nous disent si une seule de leurs promesses a été tenue ?

Ils devaient réunir autour du trône toutes les opinions, et ils ont jeté des divisions funestes parmi des hommes généreux que rapprochaient l’amour de la liberté et le sentiment du danger de la patrie.

Ils devaient affermir la révolution, et ils ont brisé ses appuis naturels par la dissolution des gardes nationales des villes les plus belliqueuses et les plus dévouées.

Ils devaient favoriser la liberté de la presse qui sauva la France, et ils l’ont traquée avec leurs réquisitoires, ruinée avec les impôts, corrompue avec leurs amortissements, accablée avec les amendes.

Ils savaient que l’immense majorité de la nation et de la chambre des députés voulait abolir l’hérédité de la pairie, et ils ont traité de visionnaire et de folle la volonté nationale et parlementaire.

Ils avaient déclaré qu’ils feraient régner l’ordre légal, et il n’est pas une loi dont ils n’aient perverti ou faussé l’application :

Qu’ils s’appuieraient sur les chambres, et ils ont étouffé leur initiative ; qu’ils acquitteraient, par l’hospitalité, la dette de la France envers les patriotes réfugiés de la Pologne, de l’Italie de l’Espagne, et ils ont flétri cette hospitalité par les conditions honteuses qu’ils y ont attachées.

Ils nous garantissaient la sécurité intérieure, et sans cesse elle a été troublée par des émeutes, par des conflits violents entre les peuples et l’autorité, par les aggressions de plus en plus audacieuses du gouvernement déchu.

Ils nous annonçaient un désarmement général, et ils nous ont si bien enlacés dans un dédale inextricable d’intrigues diplomatiques, qu’il leur est impossible à eux-mêmes d’assigner un terme à cet état d’anxiété qui n’est ni la paix, ni la guerre, et qui tue notre commerce et notre industrie.

Enfin, dans quelle situation le système de la quasi-légitimité laisse-t-il la France, après deux ans d’expérience ? Au-dehors, la coalition des rois n’est-elle pas plus menaçante que jamais ? Au-dedans, la guerre civile n’est-elle pas flagrante ? Ces soldats qui bordent nos frontières, ces complots, ces tentatives, ces troubles sans cesse renaissants dans l’Ouest et dans le Midi, ne suffiront-ils pas pour ouvrir les-yeux du pouvoir ? Attendra-t-il, pour se prononcer, que nos départements soient en feu, nos provinces envahies, la France compromise, et qu’elle ne puisse se sauver qu’en prodiguant à la fois ses enfants et ses trésors ?

Nous le proclamons avec une douloureuse et profonde conviction que ce système se prolonge, et la révolution de juillet et la France sont livrées à leurs ennemis.

La Restauration et la Révolution sont en présence la vieille lutte que nous avions cru terminée recommence. Que le gouvernement choisisse : le position équivoque qu’il a prise n’est pas tenable. Elle ne lui donne ni les forces de la Restauration, qui est irréconciliable, ni celles de la Révolution, qui s’irrite et se défie.

La France de 1830 a pensé comme celle de 1789, que la royauté héréditaire, entourée d’institutions populaires, n’a rien d’inconciliable avec les principes de la liberté. Que le Gouvernement de juillet rentre donc avec confiance dans les conditions de son existence. Le monde entier sait ce que la révolution française apporte de puissance à ceux à qui elle se donne ; mais elle veut qu’on se donne à elle sans retour, sans arrière-pensée.

Pour nous, unis dans le même dévoûment à cette grande et noble cause pour laquelle la France combat depuis quarante ans, nous ne l’abandonnerons ni dans ses succès ni dans ses revers ; nous lui avons consacré notre vie, et nous avons foi dans son triomphe.

LISTE DES DÉPUTÉS QUI ont signé le compte-rendu.
___MM. ___MM.
Allier (Hautes-Alpes).Couturier (Isère).
Arago (Pyrénées-Orientales).Demarçay, le général (Vienne).
Audry-de-Puiraveau (Charente-Inférieure). Desaix (Puy-de-Dôme).
Dubois(Ardeche).
Auguis (Deux-Sèvres). Dubois-Aymé (Isère).
Bacot, César (Indre-et-Loir).Duchaffault, le comte (Vendée).
Ballot (Orne). Ducluzeau (Dordogne).
Basterrèche (Landes). Dulong (Eure).
Baudet-Dutary (Seine-et-Oise).Dupont (Eure).
Baudet-Lafarge (Puy-de Dôme).Duréault (Saône-et-Loire).
Bavoux (Jura). Duris-Dufresne (Indre).
Beauséjour (Charente-Inférieure). Eschassériaux (Charente-Inférieure)
Bérard (Seine-et-Oise) Falgayrac(Tarn).
Bernard (Côtes-du-Nord). Faure (Hautes-Alpes).
Bernard (Var). Faure-Dère (Tarn-et-Garonne).
Bertrand, le général (Indre) Fiot (Seine-et-Oise).
Beslay fils (Morbihan)Galabert (Gers).
Bioche (Eure).Garnier Pagès (Isère).
Blaque-Belair (Finistère). Gauthier de Rumilly (Somme).
Blondeau (Doubs). Gavaret (Gers).
Boudet (Tarn-et-Garonne). Genot (Moselle).
Bonsquet (Gard). Genoux (Haute-Saône).
Boyer de Peireleau (Gard). Girardin (Charente).
Bricqueville (Manche). Glaie-Bizoin (Cotes-du-Nord).
Bryas, le marquis de (Gironde).Gouve de Nuneques, de (Pas-de-Calais).
Cabanon (Seine-Inférieure). Grammont, de (Haute-Saône).
Cabet(CÔte-d’Or). Gréa (Doubs).
Chaigneau (Vendée).Guillemaut (Saône-et-Loire).
Charamaule (Hérault). Havin (Manche).
Charlemagne (Indre). Hérambault, d’(Pas-de-Calais).
Charpentier (Moselle). Hernoux (Côte-d’Or),
Clauzel, le maréchal comte (Ardennes). Jollivet (Ille-et-Vilaine).
Clerc-Lasalle (Deux-Sèvres). Joly (Arriége).
Cogez (Nord). Jousselin (Loiret).
Colomès (Hautes-Pyrénées). Junyen (Vienne).
Ch. Comte (Sarthe). Kœchlin (Haut-Rhin).
Corcelles (Saône-et-Loire). Laboissière (Vaucluse).
Cordier (Ain). Lafayette, le général (Seine et Marne)
Cormenin (Ain). Lafayette, Georges (Seine et-Marne).
Couderc (Rhône). Laffitte, le général (Arriège).
Coulmann (Bas-Rhin). Laffitte, Jacques (Basses-Pyrénées).
Lamarque, le général (Landes). Réal, Félix (Isére).
Larabit (Yonne). Réalier-Dumas (Rhône).
Las-Cases père, le comte de (Seine). Reboul-Coste (Hérault).
Laurence (Landes). Renouvier (Hérault).
Legendre(Eure). Reynard(Bouches-du-Rhône).
Lenouvel (Calvados). Resynier(Uaute-Vienae).
Leprovost (Côtes-du-Nord). Robert (Ardennes).
Ludre, de (Meurthe). Robineau (Laine-et-Loire).
Luminais (Loire-inférieure). Roger, le baron(Loiret).
Luneau (Vendée). Roussilhe (Cantal).
Mangin d’Oins (Ille-et-Vilaine). Salverte (Seine).
Marchal(Meurthe). Sans (Haute-Garronne).
Marchegay (Vendée). Saubat (Haute Garronne).
Mauguin (Côte-d’Or). Senné (Charente-Inférieure).
Meilheurat(Allier). Subervie, le général (Gers).
Mornay, le barron de (Ain). Taillandier (Nord).
Mornay, le marquis de (Oise). Tardieu (Meurthe).
Muniz (Bas-Rhin). Teysseire (Aude ;.
Nicod (Giroude). Teulon (Gard).
Odilon-Barrot (Bas-Rhin). Thévenin (Puy-de-Dôme).
Périn (Dordogne). Thiard, le comte de (Saûne.et-Loire).
Perreau (Vendée). Thouvenel (Meurthe).
Picot-Désormeaux (Sarthe). Toupot de Bevaux (Haute-Marne).
Podenas, le baron de (Aude). Tracy, Victor (Allier).
Portalis ( Var). Tribert (Deux Sèvres).
Pourrat (Puy-de Dôme).Vidal (Hérault).
Raynaud (Allier). Voyer-d’Argenson (Bas-Rhin).

N°4
ÉTAT DE SIÉGE DE PARIS.
RAPPORT AU ROI.
Sire,

La prévoyance du gouvernement lui commande d’adopter aujourd’hui toutes les mesures propres à prévenir à jamais le retour de tentatives pareilles à celles qui ont affligé la capitale depuis hier et c’est par une répression forte des désordres actuels qu’il obtiendra ce résultat.

V. M., en traversant aujourd’hui les rangs de la population pressée sur ses pas, a pu distinguer à travers l’expression si vive de son dévoûment, celle de sa confiance dans la fermeté du pouvoir, qui ne manquerait pas plus aux bons Français que ceux-ci ne lui ont manqué dans cette circonstance.

Quand de généreux citoyens viennent rivaliser avec les plus braves soldats de zèle et d’intrépidité, le gouvernement serait coupable en effet de ne pas déployer tous les moyens qui lui appartiennent pour protéger efficacement leurs propriétés, leur industrie leurs familles leurs personnes lâchement assassinées du haut des fenêtres de la ville dont la prospérité est leur ouvrage.

Ce n’est pas assez que la force matérielle ait anéanti aujourd’hui sur tous les points la révolte en armes il faut qu’une force morale toute-puissante frappe d’interdit l’esprit de sédition, en pénétrant par des recherches rapides, par une action vive, au fond des complots que les factions coalisées ont ourdis.

J’ai l’honneur de proposer à V. M. de déclarer Paris en état de siége.

Ce n’est pas après la répression des troubles par la force armée qu’il est besoin de rassurer la population sur la portée de cette mesure, qu’elle a désirée elle-même trop généralement pour ne pas s’être rendu compte de son véritable caractère. Elle a senti que c’était dans le sein de la ville même où naquit, où triompha la révolution de juillet, qu’il convenait de la défendre avec le plus d’énergie contre les efforts des factieux qui veulent nous ravir cette révolution ou lui en substituer une autre pleine d’orages et de dangers. Il faut garantir l’avenir comme on a maintenu le présent, et pour cela mettre en dehors la loi, la loi tout entière, comme on y a mis les ressources matérielles, afin de ne pas prolonger le malheur de la situation et des nécessités qu’elle entraînait.

Tel sera pour Paris, l’objet et l’effet de l’état de siége : rendre la force publique plus présente et plus active, sans rien changer du reste, en tout ce qui ne concerne ni les préparatifs ni l’exécution du complot et de la révolte, à la juridiction ordinaire et à la marche habituelle de l’administration. Pour tout dire en un mot, c’est la conspiration seule qu’il s’agit de mettre en état de siège dans Paris.

Au reste Sire c’est à Paris surtout qu’une mesure de ce genre sera essentiellement temporaire ; peu de jours suffiront sans doute à un pouvoir actif pour la rendre complétement efficace. Elle le sera et cette belle capitale aura su conquérir l’ordre en juin 1832 comme en juillet 1830 elle a su conquérir la liberté !

Je suis avec le plus profond respect,
Sire,
De Votre Majesté,
L très-humble et très-obéissant serviteur,
Le pair de France, ministre secrétaire d’État de l’intérieur,
Montalivet.
ORDONNANCE DU ROI.

LOUIS-PHILIPPE, Roi des Français,

A tous présents et à venir, salut.

Considérant que les attroupements séditieux se sont montrés en armes dans la capitale ; que leur présence a été signalée par des attentats contre les propriétés publiques et privées, et par les assassinats contre les gardes nationaux, la troupe de ligne, la garde municipale et les agents de l’autorité publique ;

Qu’il importe de protéger par des mesures promptes et énergiques la sûreté publique contre le retour de semblables attentats ;

Sur le rapport de notre ministre secrétaire d’État au département de l’intérieur,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit : Art. 1er. La ville de Paris est mise en état de siége ; néanmoins il n’est rien dérogé aux dispositions relatives au commandement et au service de la garde nationale. 2. Notre ministre secrétaire d’État au département de la guerre et notre ministre secrétaire d’État au département de l’intérieur sont chargés de la présente ordonnance.

Au palais des Tuileries, le 6 juin 1832.

Par le roi : __________Louis-Philippe.
Le ministre secrétaire d’État au département de l’intérieur
Montalivet.
RAPPORT AU ROI.
Sire,

C’est avec douleur que je me vois dans l’obligation de rendre compte à V. M. des grands désordres auxquels s’est livré un grand nombre d’élèves de l’École polytechnique.

Ces jeunes gens égarés par de déplorables illusions et mettant en oubli les devoirs qu’ils ont à remplir envers l’État, qui contribue à grands frais à leur instruction, et qu’ils se destinaient à servir un jour dans les diverses carrières publiques, ont forcé la consigne de l’École pour aller se joindre aux séditieux ; ils ont pris une part active aux actes de rébellion dont les fauteurs de l’anarchie se sont rendus coupables ; ils ont cherché à entraîner ceux de leurs camarades qui sont restés fidèle à leur devoir ; ils sont revenus à deux reprises pour tenter de les séduire, et, ne pouvant y parvenir, ils ont manifesté par des actes l’intention de leur enlever les armes de l’École, que ces derniers élèves ont constamment défendues avec honneur.

Dans cet état de choses, ne pouvant plus répondre du dévoûment de la totalité des élèves de l’École polytechnique aux institutions et au trône fondés par notre glorieuse révolution de juillet, je me vois à regret dans la nécessité de proposer à V. M. le licenciement de cette école. Mais je remplis en même temps un devoir en appelant la bienveillance du roi sur des élèves qui ont fait preuve des bons sentiments dont ils sont animés.

Tel est le but du projet d’ordonnance que j’ai l’honneur de soumettre à la signature de V.M.

Le ministre secrétaire-d’état de la guerre,
Maréchal duc de Dalmatie.
ORDONNANCE DU ROI.

LOUIS-PHILIPPE, Roi des Français

À tous présents et à venir, salut.

D’après le compte qui nous a été rendu des graves désordres auxquels un grand nombre d’élèves de l’École Polytechnique s’est livré,

1o En forçant la consigne de l’École pour aller se joindre aux séditieux, et en prenant part aux actes de rebellion dont les fauteurs de l’anarchie se sont rendus coupables ;

2o En revenant à deux reprise chercher à séduire les élèves qui sont demeurés fidèles à leur devoir, et ayant manifesté l’intention de leur enlever les armes de l’École, que ces derniers élèves ont constamment défendues avec honneur ;

Sur le rapport de notre ministre secrétaire-d’état au département de la guerre,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Art. 1er. Les élèves de l’École polytechnique sont licenciés, et rentreront immédiatement dans leurs familles.

Art. 2. L’École polytechnique sera immédiatement réorganisée.

Art. 3. Les élèves de l’École polytechnique qui, demeurés fidèles à leur devoir, ont défendu avec honneur les armes de l’École, feront partie de l’École réorganisée, dont ils composeront le noyau. Il sera pourvu au complément de l’École par les nouvelles admissions qui auront lieu après les examens de cette année, conformément aux lois et ordonnances.

Art. 4. Notre ministre secrétaire-d’état de la guerre est chargé de l’exécution de la présente ordonnance.

Donné à Paris, le 6 juin 1832.

__________Par le roi : __________ Louis-Philippe.

______Le ministre secrétaire-d’état de la guerre,

Maréchal duc de Dalmatie._____


RAPPORT AU ROI.
Sire,

L’intention de V. M., en donnant au corps d’artillerie de la garde nationale de Paris son organisation actuelle, était d’ajouter à l’éclat et à la force de notre milice citoyenne. V. M. voulait témoigner ainsi sa sollicitude pour l’admirable institution de la garde nationale et son désir de la perfectionner dans toutes ses parties. J’ai eu moi-même l’honneur de proposer au roi les moyens d’exécution qui étaient jugés propres à atteindre ce but.

J’ai la douleur d’annoncer aujourd’hui à V. M. qu’une expérience récente m’a démontré qu’il y avait lieu de procéder différemment sans doute pour obtenir le résultat désiré car une assez grande partie du corps d’artillerie ne s’est pas montrée en parfaite harmonie avec la garde nationale tout entière, et c’est cette harmonie que je proposerais à V. M. de rétablir par une réorganisation devenue nécessaire. Dans cette réorganisation seront admis sans doute en première ligne ceux des artilleurs que la population de Paris a vus avec satisfaction se réunir aujourd’hui aux légions pour combattre l’anarchie, et pour réparer ainsi les torts qu’il n’appartient pas à ce rapport de qualifier.

En conséquence, je prie V. M. de vouloir bien accorder son assentiment à la dissolution du corps d’artillerie de la garde nationale de Paris, et à sa réorganisation ultérieure.

_________Je suis avec respect,

_______________Sire,

_____________________________De votre Majesté,

______________________Le très-humble et très-obéissant serviteur,

Le pair de France, ministre secrétaire-d’état de l’intérieur,

Montalivet._____

ORDONNANCE DU ROI.

LOUIS-PHILIPPE, Roi des Français,

Sur le rapport de notre ministre secrétaire-d’état au département de l’intérieur,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Art. 1er. Le corps d’artillerie de la garde nationale de Paris est dissous.

Art. 2. Il sera procédé ultérieurement à la réorganisation de ce corps.

Art. 3. Notre ministre secrétaire-d’état au département de l’intérieur est chargé de l’exécution de la présente ordonnance.

Au palais des Tuileries, le 6 juin 1832.

__________Par le roi : _______________ Louis-Philippe.

Le pair de France, ministre secrétaire-d’état au département de l’intérieur,

Montalivet.______
ORDONNANCE DU ROI.

LOUIS-PHILIPPE, Roi des Français, À tous présents et à venir, salut.

Sur le rapport de notre ministre secrétaire-d’état au département du commerce et des travaux publics,

Notre conseil d’état entendu,

Nous avons ordonné et ordonnons :

Art. 1er. L’École royale vétérinaire d’Alfort est licenciée. Notre ministre du commerce et des travaux publics nous en proposera la réorganisation, s’il y a lieu.

Art. 2. Notre ministre secrétaire-d’état au département du commerce et des travaux publics est chargé de l’exécution de la présente ordonnance.

Fait à Paris, le 6 juin 1832.

__________Par le roi : _______________ Louis-Philippe.

Le pair, de France, ministre secrétaire-d’état au département du commerce et des travaux publics,

Comte d’Argout.______

LOUIS-PHILIPPE, Roi des Français,

À tous présents et à venir, salut.

Sur le rapport de notre ministre secrétaire-d’état au département de l’intérieur,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Art. 1er. M. Marchand, maire du septième arrondissement de Paris est révoqué.

Art. 2. Notre ministre secrétaire-d’état an département de l’intérieur est chargé de la présente ordonnance.

Au palais des Tuileries, le 6 juin 1832.

__________Par le roi : _______________ Louis-Philippe.

Le pair de France, ministre secrétaire-d’état au département de l’intérieur,

Montalivet.______

N°5
PROTOCOLES DE LA CONFÉRENCE DE LONDRES.
Extrait du protocole numéro 11, de la Conférence tenue au Foreign-Office, le 20 janvier 1831.

Présents, les plénipotentiaires d’Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie :

« Les plénipotentiaires des cours d’Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie ont pris connaissance de la lettre ci-jointe, adressée à leurs commissaires à Bruxelles au nom du gouvernement provisoire de la Belgique, lettre qui porte conformément à la teneur du protocole du 9 janvier 1831 que les troupes belges qui s’étaient avancées aux environs de Maëstricht avaient reçu l’ordre de se retirer immédiatement et d’éviter à l’avenir les causes d’hostilités.

Ayant eu lieu de se convaincre par les explications de leurs commissaires que cette retraite des troupes belges aura pour effet d’assurer à la place de Maëstricht l’entière liberté de communication dont elle doit jouir ; ne pouvant douter que de son côté, S. M. le roi des Pays-Bas n’ait pourvu à l’accomplissement du protocole du 9 janvier ; ayant du reste arrêté les déterminations nécessaires pour le cas dans lequel les dispositions de ce protocole seraient soit rejetées, soit enfreintes, et étant parvenus au jour où doit se trouver complètement établie la cessation d’hostilités que les cinq puissances ont eu à cœur d’amener, les plénipotentiaires ont procédé à l’examen des questions qu’ils avaient à résoudre pour réaliser l’objet de leur protocole du 20 décembre 1830, pour faire une utile application des principes fondamentaux auxquels cet acte a rattaché l’indépendance future de la Belgique, et pour affermir ainsi la paix générale dont le maintien constitue le premier intérêt, comme il forme le premier vœu des puissances réunies en conférence à Londres.

Dans ce but, les plénipotentiaires ont jugé indispensable de poser avant tout des hases, quant aux limites qui doivent séparer désormais le territoire hollandais du territoire belge.

Des propositions leur avaient été remises de part et d’autre sous ce dernier rapport. Après les avoir mûrement discutées, ils ont concerté entre eux les bases suivantes :

Art. 1er. Les limites de la Hollande comprennent tous les territoires, places, villes et lieux qui appartenaient à la ci-devant république des Provinces-Unies des Pays-Bas en l’année 1790.

2. La Belgique sera formée de tout le reste des territoires qui avaient reçu la dénomination de royaume des Pays-Bas, dans le traité de l’année 1815, sauf le grand duché de Luxembourg, qui, possédé à un titre différent par les princes de la maison de Nassau, fait et continuera à faire partie de la Confédération germanique.

3. Il est entendu que les dispositions des art. 108 jusqu’à 117 inclusivement, de l’acte général du congrès de Vienne, relatives à la libre navigation des fleuves et rivières navigables, seront applicables aux rivières et aux fleuves qui traversent le territoire hollandais et le territoire belge.

4. Comme il résulterait néanmoins des bases posées dans les articles 1 et 2 que la Hollande et la Belgique posséderaient des enclaves sur leurs territoires respectifs, il sera effectué par les soins des cinq Cours tels échanges et arrangements entre les deux pays, qui leur assureraient l’avantage réciproque d’une entière contiguïté de possessions et d’une libre communication entre les villes et fleuves compris dans leurs frontières.

Ces premiers articles convenus, les plénipotentiaires ont porté leur attention sur les moyens de consolider l’œuvre de paix auquel les cinq puissances ont voué une active sollicitude, et de placer dans leur vrai jour les principes qui dirigent leur commune politique.

Ils sont unanimement d’avis que les cinq puissances devaient à leur intérêt bien compris, à leur union, à la tranquillité de l’Europe et à l’accomplissement des vues consignées dans leur protocole du 20 décembre, une manifestation solennelle, une preuve éclatante de la ferme détermination où elles sont de ne rechercher, dans les arrangements relatifs à la Belgique comme dans toutes les circonstances qui pourront se présenter encore, aucune augmentation de territoire, aucune influence exclusive, aucun avantage isolé, et de donner à ce pays lui-même ainsi qu’à tous les États qui l’environnent, les meilleures garanties de repos et de sécurité. C’est par suite de ces maximes c’est dans ces intentions salutaires, que les plénipotentiaires ont résolu d’ajouter aux articles précédents ceux qui se trouvent ci-dessous :

5. La Belgique, dans les limites telles qu’elles seront arrêtées et tracées conformément aux hases posées dans les art. 1, 2 et 4, du présent protocole, formera un État perpétuellement neutre. Les cinq puissances lui garantissent cette neutralité perpétuelle, ainsi que l’intégrité et l’inviolabilité de son territoire dans les limites mentionnées ci-dessus.

6. Par une juste réciprocité, la Belgique sera tenue d’observer cette même neutralité envers tous les autres États, et de ne porter aucune atteinte à leur tranquillité intérieure ni extérieure.

Pour copie conforme : ___________ Signé : Ponsonby.

Protocole du 19 février.

« Présent, les plénipotentiaires d’Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie :

Les plénipotentiaires des cours de France, de la Grande-Bretagne, d’Autriche, de Prusse et de Russie s’étant assemblés, ont porté toute leur attention sur les interprétations diverses données au protocole de la conférence de Londres, en date du 20 décembre 1830, et aux principaux actes dont il a été suivi. Les délibérations des plénipotentiaires les ont conduits à reconnaître unanimement qu’ils doivent à la position des cinq Cours comme à la cause de la paix générale qui est leur propre cause et celle de la civilisation européenne de rappeler ici le grand principe de droit publie, dont les actes de la Conférence de Londres n’ont fait qu’offrir une application salutaire et constante.

D’après ce principe d’un ordre supérieur, les traites ne perdent pas leur puissance, quels que soient les changements qui interviennent dans l’organisation intérieure des peuples. Pour juger de l’application que les cinq Cours ont fait de ce même principe, pour apprécier les déterminations qu’elles ont prises relativement à la Belgique, il suffit de se reporter à l’époque de l’année 1814.

À cette époque les provinces belges étaient occupées militairement par l’Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie, et les droits que ces puissances exerçaient sur elles furent complétés par la renonciation de la France à la possession de ces mêmes provinces. Mais la renonciation de la France n’eut pas lieu au profit des puissances occupantes. Elle tint à une pensée d’un ordre plus élevé. Les puissances et la France elle-même, également désintéressées alors, comme aujourd’hui, dans leurs vues sur la Belgique, en gardèrent la disposition et non la souveraineté dans la seule intention de faire concourir les provinces belges à l’établissement d’un juste équilibre en Europe, et au maintien de la paix générale. Ce fut cette intention qui présida à leurs stipulations ultérieures ce fut elle qui unit la Belgique à la Hollande ; ce fut elle qui porta les puissances à assurer dès-lors aux Belges le double bienfait d’institutions libres et d’un commerce fécond pour eux en richesse et en développement d’industrie.

L’union de la Belgique avec la Hollande se brisa. Des communications officielles ne tardèrent pas à convaincre les cinq Cours que les moyens primitivement destinés à la maintenir ne pourraient plus ni la rétablir pour le moment, ni la conserver par la suite, et que désormais, au lieu de confondre les affections et le bonheur des deux peuples, elle ne mettrait en présence que des passions et des haines elle ne ferait jaillir de leur choc que la guerre avec tous ses désastres. Il n’appartenait pas aux puissances de juger des causes qui venaient de rompre les liens qu’elles avaient formés. Mais quand elles voyaient ces liens rompus, il leur appartenait d’atteindre encore l’objet qu’elles s’étaient proposé en les formant ; il leur appartenait d’assurer, à la faveur de combinaisons nouvelles, cette tranquillité de l’Europe, dont l’union de la Belgique avec la Hollande avait constitué une des bases. Les puissances y étaient impérieusement appelées. Elles avaient le droit, et les événements leur imposaient le devoir d’empêcher que les provinces belges devenues indépendantes, ne portassent atteinte à la sécurité générale et à l’équilibre européen.

Un tel devoir rendait inutile tout concours étranger. Pour agir ensemble, les puissances n’avaient qu’a consulter leurs traités, qu’à mesurer l’étendue des dangers que leur inaction ou leur désaccord aurait fait naître. Les démarches des cinq Cours à l’effet d’amener la cessation de la lutte entre la Hollande et la Belgique et leur ferme résolution de mettre fin à toute mesure qui, de part ou d’autre, aurait eu un caractère hostile, furent les premières conséquences de l’identité de leurs opinions sur la valeur et les principes des transactions solennelles qui les lient.

L’effusion du sang s’arrêta : la Hollande, la Belgique, et même les États voisins, leur sont également redevables de ce bienfait.

La seconde application des mêmes principes eut lieu dans le protocole du 20 décembre 1830.

À l’exposé des motifs qui déterminaient les cinq Cours, cet acte associa la réserve des devoirs dont la Belgique resterait chargée envers l’Europe, tout en voyant s’accomplir ses vœux de séparation et d’indépendance.

Chaque nation a ses droits particuliers ; mais l’Europe aussi a son droit : c’est l’ordre social qui le lui a donné.

Les traités qui régissent l’Europe, la Belgique, devenue indépendante, les trouvait faits et en vigueur elle devait donc les respecter, et ne pouvait pas les enfreindre. En les respectant, elle se conciliait avec l’intérêt et le repos de la grande communauté des États européens ; en les enfreignant, elle eût amené la confusion et la guerre. Les puissances seules pouvaient prévenir ce malheur, et puisqu’elles le pouvaient, elles devaient faire prévaloir la salutaire maxime, que les événements qui font naître en Europe un État nouveau, ne lui donnent pas plus le droit d’altérer le système général dans lequel il entre, que les changements survenus dans la condition d’un État ancien ne l’autorisent à se croire délié de ses engagements antérieurs : — Maxime de tous les peuples civilisés ; maxime qui se rattache au principe même d’après lequel les États survivent à leurs gouvernements, et les obligations imprescriptibles des traités à ceux qui les contractent ; maxime enfin qu’on n’oublierait pas sans faire rétrograder la civilisation, dont la morale et la foi publique sont heureusement et les premières conséquences et les premières garanties.

Le protocole du 20 décembre fut l’expression de ces vérités ; il statua : « Que la Conférence s’occuperait de discuter et de concerter les nouveaux arrangements les plus propres à combiner l’indépendance future de la Belgique avec les stipulations des traités, avec les intérêts et la sécurité des autres États, et avec la conservation de l’équilibre européen. »

Les puissances venaient d’indiquer ainsi le but auquel elles devaient marcher. Elles y marchèrent, forte de la pureté de leurs intentions et de leur impartialité. Tandis que, d’un côté, par leur protocole du 18 janvier, elles repoussaient des prétentions qui seront toujours inadmissibles, de l’autre, elles pesaient avec le soin le plus scrupuleux toutes les opinions qui étaient mutuellement émises, tous les titres qui étaient réciproquement évoqués. De cette discussion approfondie des diverses communications faites par les plénipotentiaires de sa majesté le roi des Pays-Bas et par les commissaires belges, résulta le protocole définitif du 20 janvier 1831.

Il était prévoir que la première ardeur d’une indépendance naissante tendrait à franchir les justes bornes des traités et des obligations qui en dérivent. Les cinq Cours ne pouvaient néanmoins admettre en faveur des Belges le droit de faire des conquêtes sur la Hollande ni sur d’autres États. Mais obligées de résoudre des questions de territoire essentiellement en rapport avec leurs propres conventions et leurs propres intérêts, les cinq Cours ne consacrèrent, à l’égard de la Belgique, que les maximes dont elles s’étaient fait à elles-mêmes une loi rigoureuse. Assurément elles ne sortaient ni des bornes de la justice et de l’équité, ni des règles d’une saine politique, lorsqu’en adoptant impartialement les limites qui séparaient la Belgique de la Hollande avant leur réunion, elles ne refusaient aux Beiges que le pouvoir d’envahir : ce pouvoir, elles l’ont rejeté, parce qu’elles te considèrent comme subversif de la paix et de l’ordre social.

Les puissances avaient encore à délibérer sur d’autres questions qui se rattachaient à leurs traités, et qui ne pouvaient par conséquent être soumises à des décisions nouvelles sans leur concours direct.

D’après le protocole du 20 décembre, les instructions et les pleins pouvoirs demandés pour les commissaires belges qui seraient envoyés à Londres devaient embrasser tous les objets de la négociation. Cependant ces commissaires arrivèrent sans autorité suffisante, et, sur plusieurs points importants, sans informations ; et les circonstances n’admettaient point de retard.

Les puissances, par le protocole du 27 janvier, ne firent néanmoins, d’une part, qu’énumérer les charges inhérentes, soit au territoire belge, soit au territoire hollandais, et se bornèrent à proposer, de l’autre, des arrangements fondés sur une réciprocité de concessions, sur les moyens de conserver à la Belgique les marchés qui ont le plus contribué à sa richesse, et sur la notoriété même des budgets publics du royaume des Pays-Bas.

Dans ces arrangements la médiation des puissances sera toujours requise car, sans elle, ni les parties intéressées ne parviendraient à s’entendre, ni les stipulations auxquelles les cinq Cours ont pris, en 1814 et 1815, une part immédiate, ne pourraient se modifier.

L’adhésion de S. M. le roi des Pays-Bas aux protocoles du 20 et du 27 janvier 1831 a répondu aux soins de la Conférence de Londres. Le nouveau mode d’existence de la Belgique et sa neutralité reçurent ainsi une sanction dont ils ne pouvaient se passer. Il ne restait plus à la Conférence que d’arrêter ses résolutions relatives à la protestation faite en Belgique contre le premier de ces protocoles, d’autant plus important qu’il est fondamental.

Cette protestation invoque d’abord un droit de postliminie qui n’appartient qu’aux États indépendants, et qui ne saurait, par conséquent, appartenir à la Belgique, puisqu’elle n’a jamais été comptée au nombre de ces États. Cette même protestation mentionne en outre des cessions faites à une puissance tierce, et non à la Belgique, qui ne les a pas obtenues, et qui ne peut s’en prévaloir.

La nullité de semblables prétentions est évidente. Loin de porter atteinte au territoire des anciennes provinces belges les puissances n’ont fait que déclarer et maintenir l’intégrité des États qui l’avoisinent. Loin de resserrer les limites de ces provinces, elles y ont compris la principauté de Liége qui n’en faisait point partie autrefois.

Du reste, tout ce que la Belgique pouvait désirer, elle l’a obtenu : séparation d’avec la Hollande, indépendance, sûreté extérieure, garantie de son territoire et de sa neutralité, libre navigation des fleuves qui lui servent de débouchés, et paisible jouissance de ses libertés nationales.

Tels sont les arrangements auxquels la protestation dont il s’agit oppose le dessein, publiquement avoué, de ne respecter ni les possessions ni les droits des États limitrophes.

Les plénipotentiaires des cinq Cours, considérant que de pareilles vues sont des vues de conquête, incompatibles avec les traités existants avec la paix de l’Europe et par conséquent avec la neutralité et l’indépendance de la Belgique déclarent :

1o Qu’il demeure entendu, comme il l’a été dès l’origine, que les arrangements arrêtés par le protocole du 20 janvier 1831, sont des arrangements fondamentaux et irrévocables ;

2o Que l’indépendance de la Belgique ne sera reconnue par les cinq puissances qu’aux conditions et dans les limites qui résultent desdits arrangements du 20 janvier 1831 ;

3o Que le principe de la neutralité et de l’inviolabilité du territoire belge dans les limites ci-dessus mentionnées, reste en vigueur, et obligatoire pour les cinq puissances ;

4o Que les cinq puissances, fidèles à leurs engagements, se reconnaissent le plein droit de déclarer que le souverain de la Belgique doit répondre, par sa position personnelle, au principe d’existence de la Belgique même, satisfaire à la sûreté des autres États, accepter, sans aucune restriction comme l’avait fait S. M. le roi des Pays-Bas pour le protocole du 21 juillet 1814, tous les arrangements fondamentaux renfermés dans le protocole du 20 janvier 1831, et être à même d’en assurer aux Belges la paisible jouissance ;

5o Que ces premières conditions remplies, les cinq puissances continueront d’employer leurs soins et leurs bons offices pour amener l’adoption réciproque et la mise à exécution des autres arrangements nécessités par la séparation de la Belgique d’avec la Hollande ;

6o Que les cinq puissances reconnaissent le droit en vertu duquel les autres États prendraient telles mesures qu’ils jugeraient nécessaires pour faire respecter ou pour rétablir leur autorité légitime dans tous les pays à eux appartenant, sur lesquels la protestation mentionnée plus haut élève des prétentions, et qui sont situés hors du territoire belge, déclaré neutre ;

7o Que S. M. le roi des Pays-Bas ayant adhéré sans restriction par le protocole du 18 février 1831, aux arrangements relatifs à la séparation de la Belgique d’avec la Hollande, toute entreprise des autorités belges sur le territoire que le protocole du 20 janvier a déclaré hollandais, serait envisagée comme un renouvellement de la lutte à laquelle les cinq puissances ont résolu de mettre un terme.

Signé : Esthérazy, Wessemberg, Talleyrand, Palmerston, Bulow, Lieven, Matuszewicz. »

Préliminaires d’un traité en dix-huit articles, dressés par la conférence de Londres.
À M. Lebeau à Bruxelles.
Londres, le 26 juin 1831,

« Monsieur, nous avons eu l’honneur de recevoir la lettre, en date du 5 juin que MM. Devaux et Nothomb nous ont remise de votre part, et nous croyons devoir vous adresser en réponse les articles ci-joints, que la Conférence de Londres vient d’arrêter pour être communiqués aux deux parties intéressées.

La Conférence considérera ces articles comme non-avenus, si le congrès belge les rejette en tout ou en partie.

Agréez, monsieur, l’assurance de notre considération très-distinguée.

Signé : Esthérazy, Wessemberg, Talleyrand, Palmerston, Bulow, Lieven, Matuszewicz. »

« La Conférence, animée du désir de concilier les difficultés qui arrêtent encore la conclusion des affaires de Belgique, a pensé que les articles suivants, qui formeraient les préliminaires d’un traité de paix, pourraient conduire à ce but. Elle a résolu en conséquence de les poser aux deux parties :

Art. 1er. Les limites de la Hollande comprendront tous les territoires, places, villes et lieux qui appartenaient à la ci-devant république des Provinces-Unies des Pays-Bas en l’année 1790.

2. La Belgique sera formée de tout le reste des territoires qui avaient reçu la dénomination de royaume des Pays-Bas dans les traités de 1815.

3. Les cinq puissances emploieront leurs bons offices pour que le statu quo dans le grand duché de Luxembourg soit maintenu pendant le cours de la négociation séparée que le souverain de la Belgique ouvrira avec le roi des Pays-Bas et avec la Confédération germanique, au sujet dudit grand-duché, négociation distincte de la question des limites entre la Hollande et la Belgique.

Il est entendu que la forteresse de Luxembourg conservera ses libres communications avec l’Allemagne.

4. S’il est constaté que la république des Provinces-Unies des Pays-Bas n’exerçait pas exclusivement la souveraineté dans la ville de Maëstricht en 1790, il sera avisé par les deux parties aux moyens de s’entendre à cet égard sur un arrangement convenable.

5. Comme il résulterait des bases posées par les articles 1 et 2 que la Hollande et la Belgique posséderaient des enclaves dans leurs territoires respectifs, il sera fait à l’amiable entre la Hollande et la Belgique les échanges qui pourraient être jugés d’une convenance réciproque.

6. L’évacuation réciproque des territoires, villes et places, aura lieu indépendamment des arrangements relatifs aux échanges.

7. Il est entendu que les dispositions des art. 108 jusqu’à 117 inclusivement, de l’acte général du congrès de Vienne, relatifs à la libre navigation des fleuves et rivières navigables, seront appliquées aux fleuves et aux rivières qui traversent le territoire hollandais et le territoire belge.

La mise à exécution de ces dispositions sera réglée dans le plus bref délai possible.

La participation de la Belgique à la navigation du Rhin par les eaux intérieures entre ce fleuve et l’Escaut, formera l’objet d’une négociation séparée entre les parties intéressées, à laquelle les cinq puissances prêteront leurs bons offices.

L’usage des canaux de Gand à Terneuse et de Zuid-Wislemswart, construits pendant l’existence du royaume des Pays-Bas, sera commun aux habitants des deux pays ; il sera arrêté un réglement sur cet objet.

L’écoulement des eaux des Flandres sera réglé de la manière la plus convenable, afin de prévenir les inondations.

8. En exécution des articles 1 et 2 qui précèdent, des commissaires démarcateurs hollandais et belges se réuniront dans le plus bref délai possible, en la ville de Maëstricht, et procéderont à la démarcation des limites qui doivent séparer la Hollande et la Belgique, conformément aux principes établis à cet effet dans les art. 1 et 2.

Ces mêmes commissaires s’occuperont des échanges à faire par les pouvoirs compétents des deux pays par suite de l’art. 5.

9. La Belgique, dans les limites telles qu’elles seront tracées conformément aux principes posés dans les présents préliminaires, formera un état perpétuellement neutre. Les cinq puissances, sans vouloir s’immiscer dans le régime intérieur de la Belgique, lui garantissent cette neutralité perpétuelle, ainsi que l’intégrité et l’inviolabilité de son territoire dans les limites mentionnées au présent article.

10. Par une juste réciprocité, la Belgique sera tenue d’observer cette même neutralité envers les autres États, et de ne porter aucune atteinte à leur tranquillité intérieure ni extérieure, en conservant toujours le droit de se défendre contre toute agression étrangère.

11. Le port d’Anvers, conformément à l’article 15 du traité de Paris du 30 mai 1814, continuera d’être uniquement un port de commerce.

12. Le partage des dettes aura lieu de manière à faire retomber sur chacun des deux pays la totalité des dettes qui originairement pesaient, avant la réunion, sur les divers territoires dont ils se composent, et à diviser dans une juste proportion celles qui ont été contractées en commun.

13. Des commissaires liquidateurs nommés de part et d’autre se réuniront immédiatement. Le premier objet de leur réunion sera de faire la quote-part que la Belgique aura à payer provisoirement, et sauf liquidation pour le service d’une partie des intérêts des dettes mentionnées dans l’article précédent.

14. Les prisonniers de guerre seront renvoyés de part et d’autre quinze jours après l’adoption de ces articles.

15. Les séquestres mis sur les biens particuliers dans les deux pays seront immédiatement levés.

16. Aucun habitant des villes, places et territoires réciproquement évacués, ne sera recherché ni inquiété pour sa conduite politique passée.

17. Les cinq puissances se réservent de prêter leurs bons offices lorsqu’ils seront réclamés par les parties intéressées.

18. Les art. réciproquement adoptés seront convertis en traité définitif.

Signé : Esthérazy, Talleyrand, Palmerston, Bulow, Matuszewicz. »

_______Pour copie conforme : __________ Signé : Palmerston. »

Traité définitif en 24 articles, entre la Hollande et la Belgique, arrêté par la conférence de Londres.
Lettre d’envoi.

« Les soussignés plénipotentiaires d’Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, après avoir mûrement pesé toutes les communications qui leur ont été faites par M. le plénipotentiaire belge sur les moyens de conclure un traité définitif, relativement à la séparation de la Belgique d’avec la Hollande, ont eu le regret de ne trouver dans ces communications aucun rapprochement entre les opinions et les vœux des parties directement intéressées.

Ne pouvant toutefois abandonner à de plus longues incertitudes des questions dont la solution immédiate est devenue un besoin pour l’Europe, forcés de les résoudre, sous peine d’en voir sortir l’incalculable malheur d’une guerre générale ; éclairés du reste sur tous les points en discussion par les informations que M. le plénipotentiaire belge et MM. les plénipotentiaires des Pays-Bas leur ont données, les soussignés n’ont fait qu’obéir à un devoir dont leurs Cours ont à s’acquitter envers elles-mêmes comme envers les autres États, et que tous les essais de conciliation directe entre la Hollande et la Belgique ont encore laissé inaccompli ; ils n’ont fait que respecter la loi suprême d’un intérêt européen du premier ordre ; ils n’ont fait que céder à une nécessité de plus en plus impérieuse, en arrêtant les conditions d’un arrangement définitif que l’Europe, amie de la paix et en droit d’en exiger la prolongation, a cherché en vain, depuis un an, dans les propositions faites par les deux parties ou agréées tour à tour par l’une d’elles et rejetées par l’autre.

Dans les conditions que renferment les vingt-quatre articles ci-joints, la Conférence de Londres a été obligée de n’avoir égard qu’aux règles de l’équité. Elle a suivi l’impression du vif désir qui l’animait, de concilier l’intérêt avec les droits, et n’assurer à la Hollande, ainsi qu’à la Belgique, des avantages réciproques, de bonnes frontières, un état de possession territoriale sans dispute, une liberté de commerce mutuellement bienfaisante, et un partage de dettes qui, succédant à une communauté absolue de charges et de bénéfices, les diviserait pour l’avenir moins d’après les supputations minutieuses dont les matériaux mêmes n’avaient pas été fournis, moins d’après la rigueur des conventions et des traités, que selon l’intention d’alléger les fardeaux et de favoriser la prospérité des deux États.

En invitant M. le plénipotentiaire belge à signer les articles dont il a été fait mention ci-dessus, les soussignés observeront :

1o Que ces articles auront toute force et valeur d’une convention solennelle entre le gouvernement belge et les cinq puissances ;

2o Que les cinq puissances en garantissent l’exécution ;

3o Qu’une fois acceptés par les deux parties, ils sont destinés à être insérés, mot pour mot, dans un traité direct entre la Belgique et la Hollande lequel ne renfermera en outre, que des stipulations relatives à la paix et à l’amitié qui subsisteront entre les deux pays et leurs souverains ;

4o Que ce traité, signé sous les auspices de la Conférence de Londres, sera placé sous la garantie formelle des cinq puissances ;

5o Que les articles en question forment un ensemble, et n’admettent pas de séparation ;

6o Enfin, qu’ils contiennent les décisions finales et irrévocables des cinq puissances qui, d’un commun accord, sont résolues à amener elles-mêmes l’acceptation pleine et entière desdits articles par la partie adverse, si elle venait à les rejeter.

Les soussignés saisissent cette occasion d’offrir à M. le plénipotentiaire belge l’assurance de leur très-haute considération.

Signé : Esthérazy, Wessemberg, Talleyrand, Palmerston, Bulow, Lieven, Matuszewicz.

Texte du traité.

Art. 1er. Le territoire belge se composera des provinces de Brabant méridional, Liège, Namur, Hainaut, Flandre occidentale Flandre orientale, Anvers et Limbourg, telles qu’elles ont fait partie du royaume uni des Pays-Bas constitué en 1815, à l’exception des districts de la province du Limbourg désignés dans l’article 4.

Le territoire belge comprendra en outre la partie du grand-duché de Luxembourg indiquée dans l’article 2.

Art. 2. S. M. le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg, consent à ce que dans le grand-duché de Luxembourg les limites du territoire belge soient telles qu’elles vont être décrites ci-dessous :

À partir de la frontière de France, entre Rondange, qui restera au grand-duché de Luxembourg, et Athus, qui appartiendra à la Belgique, il sera tiré, d’après la carte ci-jointe, une ligne qui, laissant à la Belgique la route d’Arlon avec sa banlieue et la route d’Arlon à Bastogne, passera entre Mesanry, qui sera sur le territoire belge et Clémency, qui restera au grand-duché de Luxembourg pour aboutir à Steinford, lequel endroit restera également au grand-duché. De Steinford cette ligne sera prolongée, dans la direction d’Eischen, de Hecbus, Guirsch, Oberpalen Grende, Nothomb, Pareth et Perlé, jusqu’à Martelange : Hecbus, Guirsch, Grende, Nothomb et Pareth devant appartenir à la Belgique et d’Eischen Oberpalen, Perlé et Martelange, ladite ligne descendra le cours de la Sure, dont le Thalweg servira de limite entre les deux États, jusque vis-à-vis Tintange, d’où elle sera prolongée aussi directement que possible vers la frontière actuelle de l’arrondissement de Deikirch et passera entre Surret, Harlange Jauchemps qu’elle laissera au grand-duché de Luxembourg, et Houville, Jwarchamps et Loutremange, qui feront partie du territoire belge ; atteignant ensuite aux environs de Doncols et de Soulez, qui resteront au grand-duché, la frontière actuelle de l’arrondissement de Diekirch la ligne en question suivra ladite frontière jusqu’à celle du territoire prussien. Tous les territoires, villes, places et lieux situés à l’ouest de cette ligne, appartiendront à la Belgique et tous les territoires, villes places et lieux situés à l’est de cette même ligne, continueront d’appartenir au grand-duché de Luxembourg.

Il est entendu qu’en traçant cette ligne et en se conformant autant que possible à la description qui en a été faite ci-dessus, ainsi qu’aux indications de la carte jointe, pour plus de clarté au présent article, les commissaires démarcateurs dont il est fait mention dans l’article 5, auront égard aux localités, ainsi qu’aux convenances qui pourront en résulter mutuellement.

Art. 3. S. M. le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg, recevra, pour les cessions faites dans l’article précédent, une indemnité territoriale dans la province de Limbourg.

Art. 4. En exécution de la partie de l’article 1er relative à la province de Limbourg, et par suite des cessions que S. M. le roi des Pays-Bas fait dans l’article 2, sadite Majesté possédera, soit en qualité de grand-duc de Luxembourg, soit pour être réunis à la Hollande les territoires dont les limites sont indiquées ci-dessous.

1o Sur la rive droite de la Meuse, aux anciennes enclaves hollandaises, sur ladite rive dans la province de Limbourg, seront joints les districts de cette même province, sur cette même rive qui n’appartenaient pas aux États généraux en 1790, de façon que la partie actuelle du Limbourg, située sur la rive droite de la Meuse et comprise entre ce fleuve à l’ouest, la frontière du territoire prussien à l’est, la frontière actuelle de la province de Liège, au midi, et la Gueldre hollandaise au nord, appartiendra désormais tout entière à S. M. le roi des Pays-Bas, soit en sa qualité de grand-duc de Luxembourg, soit pour être réunie à la Hollande.

2o Sur la rive gauche de la Meuse, à partir du point le plus méridional de la province hollandaise du Brabant septentrional, il sera tiré, d’après la carte ci-jointe, une ligne qui aboutira à la Meuse, au-dessus de Wessem, entre cet endroit et Stevensweert, au point où se touchent sur la rive gauche les frontières des arrondissements actuels de Ruremonde et de Maëstricht, de manière que Bergerot, Stamproy, Heer-Itteren, Ittervoord et Thoru avec leurs banlieues, ainsi que tous les autres endroits situés au nord de cette ligne, feront partie du territoire hollandais.

Les anciennes enclaves hollandaises dans le Limbourg sur la rive gauche de la Meuse, appartiendront, à la Belgique, à l’exception de Maëstricht, laquelle, avec un rayon de territoire de 1, 200 toises, à partir du glacis extérieur de la place sur ladite rive de ce fleuve, continuera d’être possédée en toute souveraineté et propriété par S. M. le roi des Pays-Bas.

Art. 5. S. M. le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg, s’entendra avec la Confédération germanique et les agnats de la maison de Nassau, sur l’application des stipulations renfermées dans les articles 3 et 4, ainsi que sur tous les arrangements que lesdits articles pourraient rendre nécessaires, soit avec les agnats ci-dessus nommés de la maison de Nassau, soit avec la Confédération germanique.

Art. 6. Moyennant les arrangements territoriaux ci-dessus, chacune des deux parties renonce réciproquement, pour jamais, à toute prétention sur les territoires villes, places et lieux situés dans les limites des possessions de l’autre partie, telles qu’elles se trouvent décrites dans les articles 1, 2 et 4.

Lesdites limites seront, tracées conformément à ces mêmes articles, par des commissaires démarcateurs belges et hollandais, qui se réuniront le plus tôt possible en la ville de Maëstricht.

Art. 7. La Belgique, dans les limites indiquées aux articles 1, 2 et 4, formera un État indépendant et perpétuellement neutre. Elle sera tenue d’observer cette même neutralité envers tous les autres États.

Art. 8. L’écoulement des eaux des Flandres sera réglé entre la Hollande et la Belgique d’après les stipulations arrêtées à cet égard dans l’article 6 du traité définitif conclu entre S. M. l’empereur d’Allemagne et les états-généraux, le 8 novembre 1783 ; et, conformément audit article, des commissaires nommés de part et d’autre s’entendront sur l’application des dispositions qu’il consacre.

Art. 9. Les dispositions des articles 108 et 117 inclusivement de l’acte général du Congrès de Vienne, relatives à la libre navigation des fleuves et rivières navigables, seront appliquées aux fleuves et rivières navigables qui séparent ou traversent à la fois le territoire belge et le territoire hollandais.

En ce qui concerne spécialement la navigation de l’Escaut, il sera convenu que le pilotage et le balisage, ainsi que la conservation des passes de l’Escaut en aval d’Anvers, seront soumis à une surveillance commune que cette surveillance commune sera exercée par des commissaires nommés à cet effet de part et d’autre que des droits de pilotage modérés seront fixés d’un commun accord, et que ces droits seront les mêmes pour le commerce hollandais et pour le commerce belge. Il est également convenu que la navigation das eaux intermédiaires entre l’Escaut et le Rhin, pour arriver d’Anvers au Rhin et vice versa restera réciproquement libre, et qu’elle ne sera assujettie qu’à des péages modérés qui seront provisoirement les mêmes pour le commerce des deux pays.

Des commissaires se réuniront, de part et d’autre, à Anvers, dans le délai d’un mois, tant pour arrêter le montant définitif et permanent de ces péages qu’afin de convenir d’un réglement général pour l’exécution des dispositions du présent article, et d’y comprendre l’exercice du droit de pêche et du commerce de pêcherie, dans toute l’étendue de l’Escaut, sur le pied d’une parfaite réciprocité en faveur des sujets des deux pays.

En attendant, et jusqu’à ce que ledit réglement soit arrêté la navigation des fleuves et rivières navigables, ci-dessus mentionnés, restera libre au commerce des deux pays, qui adopteront provisoirement à cet égard les tarifs de la convention signée le 31 mars 1831, à Mayence pour la libre navigation du Rhin, ainsi que les autres dispositions de cette convention, en autant qu’elles pourront s’appliquer aux fleuves et rivières navigables qui séparent ou traversent à la fois le territoire hollandais et le territoire belge.

Art. 10. L’usage des canaux qui traversent à la fois les deux pays, continuera d’être libre et commun à leurs habitants.

Il est entendu qu’ils en jouiront réciproquement et aux mêmes conditions ; que de part et d’autre il ne sera perçu sur la navigation des canaux que des droits modérés.

Art. 11. Les communications commerciales par la ville de Maëstricht et par celle de Sittard, resteront entièrement libres, et ne pourront être entravées sous aucun prétexte.

L’usage des routes qui, en traversant ces deux villes, conduisent aux frontières de l’Allemagne, ne sera assujetti qu’au paiement de barrière modéré pour l’entretien de ces routes, de telle sorte que le commerce de transit n’y puisse éprouver aucun obstacle, et que moyennant les droits ci-dessus mentionnés, ces routes soient toujours entretenues en bon état et propres à faciliter ce commerce.

Art. 12. Dans le cas où il aurait été construit en Belgique une nouvelle route ou creusé un nouveau canal qui aboutirait à la Meuse vis-à-vis le canton hollandais de Sittard alors il serait loisible à la Belgique de demander à la Hollande qui ne s’y refuserait pas dans cette supposition que ladite route ou ledit canal fussent prolongés d’après le même plan, entièrement aux frais et dépens de la Belgique par le canton de Sittard, jusqu’aux frontières de l’Allemagne.

Cette route ou ce canal, qui ne pourraient servir que de communication commerciale, serait construit au choix de la Hollande, soit par des ingénieurs et ouvriers que la Belgique obtiendrait l’autorisation d’employer à cet effet dans le canton de Sittard, soit par des ingénieurs et ouvriers que la Hollande fournirait, et qui exécuteraient aux frais de la Belgique les travaux convenus, le tout sans charge aucune pour la Hollande, et sans préjudice de ses droits de souveraineté exclusifs sur le territoire que traverserait la route ou le canal en question.

Les deux parties fixeraient, d’un commun accord, le montant et le mode de perception des droits de péages qui seraient prélevés sur cette même route ou canal.

Art. 13. § 1. À partir du 1er janvier 1832, la Belgique, du chef du partage des dettes publiques du royaume uni des Pays-Bas, restera chargée d’une somme de huit millions quatre cent mille florins des Pays-Bas de rentes annuelles, dont les capitaux seront transportés en débet du grand livre à Amsterdam, ou du débet du trésor général du royaume uni des Pays-Bas, sur le débet du grand livre de la Belgique.

§ 2. Les capitaux transférés et les rentes inscrites sur le débet du grand livre de la Belgique, par suite du paragraphe précédent jusqu’à la concurrence de la somme totale de 8, 400, 000 florins des Pays-Bas de rentes annuelles, seront considérés comme faisant partie de la dette nationale belge, et la Belgique s’engage à n’admettre, ni pour le présent ni pour l’avenir, aucune distinction entre cette portion de la dette publique et toute autre dette nationale belge, déjà créée ou à créer.

§ 3. L’acquittement de la somme de rentes annuelles ci-dessus mentionnée, de 8, 400, 000 florins des Pays-Bas, aura lieu régulièrement, de semestre en semestre, soit à Bruxelles, soit à Anvers, en argent comptant, sans déduction aucune de quelque nature que ce puisse être, ni pour le présent ni pour l’avenir.

§ 4. Moyennant la création de ladite somme de rentes annuelles de la Belgique se trouvera déchargée envers la Hollande, de toute obligation du chef de partage des dettes publiques du royaume uni des Pays-Bas.

§ 5. Des commissaires nommés de part et d’autre se réuniront dans le délai de quinze jours en la ville d’Utrecht, afin de procéder à la liquidation des fonds du syndicat d’amortissement et de la banque de Bruxelles, chargés du service du trésor général du royaume uni des Pays-Bas. Il ne pourra résulter de cette liquidation aucune charge nouvelle pour la Belgique, la somme de 8, 400, 000 florins de rentes annuel comprenant le total de ses passifs. Mais, s’il découlait un actif de ladite liquidation la Belgique et la Hollande le partageront dans la proportion des impôts acquittés par chacun des deux pays, pendant leur réunion, d’après les budgets consentis par les états-généraux du royaume uni des Pays-Bas.

§ 6. Dans la liquidation du syndicat d’amortissement seront comprises les créances des domaines dites domen los rentein ; elles ne sont citées dans le présent article que pour mémoire.

§ 7. Les commissaires hollandais et beiges, mentionnés au § 3 du présent article, et qui doivent se réunir en la ville d’Utrecht procéderont outre la liquidation dont ils sont chargés, au transfert des capitaux et rentes qui, du chef du partage des dettes publiques du royaume uni des Pays-Bas, doivent retomber à la charge de la Belgique jusqu’à concurrence de 8,400,000 florins de rentes annuelles. Ils procéderont aussi à l’extradition des archives, cartes, plans et documents quelconques appartenant à la Belgique ou concernant son administration.

Art. 14. La Hollande ayant fait exclusivement, depuis le 1er novembre 1830, toutes les avances nécessaires au service de la totalité des dettes publiques du royaume des Pays-Bas, et devant les faire encore pour le semestre échéant au 1er janvier 1832, il est convenu que lesdites avances calculées depuis le 1er novembre 1830 jusqu’au 1er janvier 1832, pour quatorze mois, au prorata de la somme de huit millions quatre cent mille florins des Pays-Bas de rentes annuelles dont la Belgique reste chargée, seront remboursées par tiers au trésor hollandais par le trésor belge. Le premier tiers de ce remboursement sera acquitté par le trésor belge au trésor hollandais le 1er janvier 1832, le second au 1er avril, et le troisième au 1er juillet de la même année sur ces deux tiers il sera bonifié, à la Hollande, un intérêt calculé à raison de cinq pour cent par an, jusqu’à parfait acquittement aux susdites échéances.

Art. 15. Le port d’Anvers, conformément aux stipulations de l’art. 15 du traité de Paris du 30 mai 1814, continuera d’être uniquement un port de commerce.

Art. 16. Les ouvrages d’utilité publique ou particulière, tels que canaux, routes, ou autres de semblable nature, construits en tout ou en partie aux frais du royaume uni des Pays-Bas, appartiendront, avec les avantages et les charges qui y sont attachés, au pays où ils sont situés. Il reste entendu que les capitaux empruntés pour la construction des ouvrages, et qui y sont spécialement affectés, seront compris dans lesdites charges, pour autant qu’ils ne sont pas encore remboursés, et sans que les remboursements déjà effectués puissent donner lieu à liquidation.

Art. 17. Les séquestres qui auraient été mis en Belgique pendant les troubles, pour cause politique sur des biens et domaines patrimoniaux quelconques seront levés sans nul retard, et la jouissance des biens et domaines susdits sera immédiatement rendue aux légitimes propriétaires.

Art. 18. Dans les deux pays, dont la séparation a lieu en conséquence des présents articles, les habitants et propriétaires, s’ils veulent transférer leur domicile d’un pays à l’autre, auront la liberté de disposer, pendant deux ans, de leurs propriétés, meubles ou immeubles, de quelque nature qu’elles soient, de les vendre, et d’emporter le produit de ces ventes, soit en numéraire, soit en autres valeurs, sans empêchement bu acquittement de droits autres que ceux qui sont aujourd’hui en vigueur dans les deux pays, pour les mutations et transferts. Il est entendu que renonciation est faite, pour le présent et pour l’avenir, à la perception de tout droit d’aubaine et de distraction sur les personnes et sur les biens des Hollandais en Belgique, et des Belges en Hollande.

Art. 19. La qualité de sujet mixte, quant à la propriété, sera reconnue et maintenue.

Art. 20. Les dispositions des art. 11 jusqu’à 21 inclusivement, du traité conclu entre l’Autriche et la Russie, le 3 mai 1815, qui fait partie intégrante de l’acte général du congrès de Vienne, dispositions relatives aux propriétaires mixtes, à l’élection du domicile qu’ils sont tenus de faire, aux droits qu’ils exerceront comme sujets de l’un ou de l’autre État, et aux rapports de voisinage dans les propriétés coupées par les frontières, seront appliquées aux propriétaires qui, en Hollande, dans le grand-duché de Luxembourg ou en Belgique, se trouveront dans le cas prévu par les susdites dispositions des actes du congrès de Vienne.

Les droits d’aubaine et de distraction étant abolis dès à présent entre la Hollande, le grand-duché de Luxembourg et la Belgique, il est entendu que, parmi les dispositions ci-dessus mentionnées celles qui se rapporteraient aux droits d’aubaine et de distraction, seront censées nulles et sans effet dans les trois pays.

Art. 21. Personne, dans les pays qui changent de domination, ne pourra être recherché ni inquiété en aucune manière pour cause quelconque de participation directe on indirecte aux événements politiques.

Art. 22. Les pensions et traitements d’attente, de non-activité et de réforme, seront acquittés, à l’avenir, de part et d’autre à tous les titulaires, tant civils que militaires, qui y ont droit, conformément aux lois en vigueur, avant le 1er novembre 1830.

Il est convenu que les pensions et traitements susdits des titulaires nés sur les territoires qui constituent aujourd’hui la Belgique, resteront à la charge du trésor belge, et les pensions et traitements des titulaires nés sur les territoires qui constituent aujourd’hui la Hollande, à celle du trésor hollandais.

Art. 23. Toutes les réclamations des sujets belges sur les établissements particuliers tels que fonds des veuves et fonds connus sous la dénomination de fonds de legs et de la caisse des retraites civiles et militaires, seront examinées par la commission mixte de liquidation dont est question dans l’article 13, et résolues d’après la teneur des réglements qui régissent ces fonds ou caisses.

Les cautionnements fournis, ainsi que les versements fait par les comptables belges, les dépôts judiciaires et les consignations, seront également restitués aux titulaires sur la présentation de leurs titres.

Si, du chef des liquidations dites françaises, des sujets belges avaient encore à faire valoir des droits d’inscription, ces réclamations seront également examinées et liquidées par ladite commission.

Art. 24. Aussitôt après l’échange des ratifications du traité à intervenir entre les deux parties, les ordres nécessaires seront envoyés aux commandants des troupes respectives pour l’évacuation des territoires Villes, places et lieux qui changent de domination. Les autorités civiles y recevront aussi en même temps les ordres nécessaires pour la remise de ces territoires, villes, places et lieux aux commissaires qui seront désignés à cet effet de part et d’autre. Cette évacuation et cette remise s’effectueront de manière à pouvoir être terminées dans l’espace de quinze jours, ou plutôt, si faire se peut.

Signé : Esterhazy, Wessemberg, talleyrand, Palmerston, Bulow, Lieven, Matuszewicz.


FIN DES DOCUMENTS HISTORIQUES.
  1. L’original du compte-rendu a été signé par 41 députés présents à paris et qui s’étaient réunis pour en discuter la rédaction.