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Histoire de l’abbaye royale de Mozat/Partie historique

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PARTIE HISTORIQUE

I

ORIGINES DE L’ABBAYE DE MOZAT. — LÉGENDE DE CALMINIUS ET DE NAMADIA.


L’abbaye de Mozat, dont le nom est souvent répété dans nos chroniques nationales, est une des plus anciennes de la France. Il est difficile de fixer l’année de sa création, non par l’absence des documents, mais par leur abondance même et par le manque de précision de chacun d’eux ; de semblables doutes se présentent à l’esprit pour assigner leur date à la plupart des fondations pieuses de notre province. Presque toutes remontent aux temps de la monarchie mérovingienne. À cette époque, où la foi la plus ardente n’excluait pas les luttes sanguinaires, les rois, et à leur exemple les ducs et les comtes, gouverneurs des provinces, croyaient racheter leurs crimes en construisant des monastères, en bâtissant des églises. Il arrivait encore, quand les communautés existaient déjà, que leurs anciens déprédateurs, frappés par les anathèmes de l’Eglise ou troublés par le cri de leur conscience, donnaient sur leurs vieux jours des prés, des champs, des domaines, souvent leur fortune entière, pour restaurer les basiliques ruinées ; et alors les couvents, les chapitres, n’hésitaient pas à les qualifier, dans des actes publics, de généreux fondateurs. Ces sortes de chartes ont été la source de plus d’une erreur historique.

Les chroniqueurs de la province ne sont point d’accord sur les origines de l’abbaye de Mozat. Cependant, suivant la version la plus acceptée, elle aurait été fondée par Calminius et par Namadia, son épouse.

Calminius était duc d’Aquitaine et comte d’Auvergne. Sa famille, d’origine romaine, était venue s’établir dans « la ville maistresse d’Auvergne » avec l’illustre patricien auquel Sidoine-Apollinaire adresse une de ses plus affectueuses épîtres ; après avoir longtemps guerroyé, Calminius, entraîné par les vertus de Namadia, renonça à ses dignités, résolut de vivre dans les austérités de la religion, et pour mettre à exécution son pieux dessein, fit vœu de construire trois abbayes.

Il se rendit d’abord dans les âpres montagnes du Velay, dans un de ces sites escarpés qui, au dire de Cassiodore, ont pour l’anachorète de secrètes délices, et, au lieu nommé Le Villars, il fit élever un oratoire qu’il dédia aux saints apôtres. Quelques cénobites vinrent se joindre à lui et formèrent sous sa direction un monastère auquel on donna le nom de Calminiacum ou Carmery.

Après avoir établi parmi ses moines une sévère discipline, il se transporta dans l’évêché de Limoges, vécut quelque temps de la vie érémitique et bâtit un second monastère sous la désignation de Thuella ou Tutela ; ce fut, suivant la chronique, cet établissement qui plus tard donna naissance à la ville de Tulle.

La plus grande partie de son vœu était accomplie. Calminius, que l’on qualifiait déjà de saint, revint en Auvergne en 672 environ ; il considérait cette province comme sa patrie et avait résolu d’y finir ses jours. Il parcourut sans appareil, avec le bâton du pèlerin, cette plaine de la Limagne troublée naguère par ses belliqueuses entreprises, s’arrêta dans un des sites les plus doux, au pied des montagnes volcaniques couvertes alors d’épaisses forêts, et y jeta les fondements d’une abbaye. Il la fit bâtir, dit le chroniqueur, avec une magnificence royale et y assembla une communauté de religieux auxquels il assura de très-amples possessions et quantité de serviteurs… Placé dans ce pays fertile, au sein de populations profondément imbues de la foi vivace des premiers siècles, l’établissement devait faire des progrès rapides. La réputation de sainteté du donateur attira bientôt, en effet, un grand nombre de fidèles, et peu d’années après existait en cet endroit un important monastère : il prit le nom de Mauziacum[1], du village près duquel il était bâti et qui paraît être d’une origine très-reculée, au témoignage de Grégoire de Tours.

Calminius avait fait un voyage à Rome pour obtenir, suivant l’usage du temps et les lois de l’Eglise, la consécration du monastère de Carmery ; au retour, il s’était arrêté aux îles de Lerins et avait passé plusieurs mois dans la célèbre abbaye fondée par saint Honorat. Il s’était épris d’admiration pour la règle bénédictine, si fortement constituée sur le triple principe de la pauvreté, de l’obéissance et du travail. À sa demande, l’abbé lui permit d’emmener quelques religieux, qui ne l’abandonnèrent jamais dans ses entreprises. Grâce à leur aide, il parvint à établir dans ses couvents la stricte observance des statuts de saint Benoît.

Après avoir construit Mozat, Calminius résolut de retourner auprès du souverain Pontife à l’effet d’obtenir, comme pour sa fondation du Velay, le pouvoir de consacrer son nouveau monastère et le don de quelques-unes de ces précieuses reliques extraites des catacombes, et dont la possession assurait un si merveilleux prestige aux églises. Il quitta donc ses religieux et se mit en chemin, sans aucun cortége, pour accomplir ce pénible voyage. Etant heureusement arrivé à Rome, il alla trouver le Pape et lui exprima humblement son désir. Celui-ci, gagné par une demande si chrétienne, lui donna une partie des ossements de la tête de saint Pierre avec des reliques d’autres martyrs, puis il le renvoya comblé de ses bénédictions.

Calminius revint en Auvergne très-satisfait ; cependant, il dut s’arrêter quelques jours à Agen, pour solliciter des autorités religieuses de la ville une portion du corps de saint Caprais, enterré en cet endroit. Les gardiens finirent par céder à ses instantes prières et lui abandonnèrent un bras tout entier du martyr.

À peine Calminius fut-il entré dans la province d’Auvergne, qu’il prévint de son arrivée les moines du monastère de Mozat et leur fit savoir les richesses qu’il apportait. Cet avis fut le sujet d’une joie commune aux religieux et à tout le peuple ; aussi l’appareil de la réception fut-il conforme au désir qu’ils avaient de jouir de la présence de leur bienfaiteur, après en avoir été privés si longtemps. On se rendit en procession au-devant de lui ; tous les seigneurs de la contrée se joignirent au cortége, et le concours de populaire fut si considérable que les routes en étaient obstruées sur un parcours de plus de trois lieues. L’évêque de Clermont, à la tête de son clergé, se transporta solennellement à Mozat pour la cérémonie de la bénédiction, et dédia le maître-autel de l’église à l’apôtre saint Pierre et au bienheureux Caprais.

Calminius voulut finir ses jours dans le monastère de Mozat. Il y mourut en odeur de sainteté peu de temps après Namadia, et tous deux furent enterrés dans le caveau de l’église, qui lui servait probablement alors de crypte. Les légendes et l’histoire religieuse de la contrée constatent que, pendant plus de dix siècles, leurs reliques pieusement conservées furent l’objet d’un culte auquel, chaque année, le lendemain de l’Octave de l’Ascension, ne manquait pas de venir s’associer, des extrêmités mêmes de la province, une foule de pélerins fervents.

II

INVASIONS BARBARES. — GUERRES ENTRE PÉPIN ET VAÏFER. — SYNODE DE VOLVIC.


A la mort de Calminius, Mozat avait déjà la première place parmi les abbayes de l’Auvergne, mais sa prospérité allait être bientôt détruite par les invasions barbares et les luttes des ducs d’Aquitaine contre l’autorité royale.

En 731, sous l’épiscopat de Thaidon, des bandes de Sarrazins firent irruption dans le pays, dévastèrent les villes principales, pillèrent les églises et les dépouillèrent de toutes leurs richesses.

Quelques années après, en 752 environ, commença une terrible guerre entre le roi Pépin, père de Charlemagne, et Vaïfer, duc d’Aquitaine, qui avait pour principal allié Blandin, comte d’Auvergne, son vassal. La lutte se prolongea pendant huit années, et huit fois Pépin revint dans le pays pour soumettre les rebelles. Le prince, irrité par ces continuelles révoltes, laissa de terribles traces de son passage. Il ravagea la Limagne, s’empara de Clermont, ne laissa à sa place que des cendres, et s’éloigna en emportant un immense butin d’or, de troupeaux et d’esclaves. Les abbayes et les monastères qui pouvaient servir de refuges furent tour à tour pris et ravagés par les deux partis : les religieux vécurent pendant dix années au milieu des ruines.

Ces guerres arrêtèrent l’essor de l’institut monastique en Auvergne, et, comme après les incursions barbares dont Sidoine-Apollinaire nous a transmis le terrible souvenir, on pouvait voir « les bœufs occupés à ruminer dans les vestibules entr’ouverts et à paître l’herbe sur les autels renversés. »

Pépin, après avoir imposé son autorité par la violence, voulut l’affermir en s’attachant ces populations foncièrement religieuses ; il résolut donc de réparer les désastres dont il était l’auteur. Dans les premiers jours du mois de février 764, il assembla dans le bourg de Volvic un grand nombre de comtes, d’évêques, d’abbés, de prieurs, et protesta hautement de son dévouement aux intérêts de la religion. Il parla lui-même contre les hérétiques ariens fort nombreux en Auvergne, prononça le bannissement de ceux qui resteraient incorrigibles, et distribua aux églises des sommes considérables. Mozat eut une grande part dans ces libéralités, et le roi ordonna qu’il serait rebâti avec les ruines de la capitale de l’Auvergne[2]. Lanfredus II, alors placé à la tête du monastère, obtint comme une faveur insigne la remise du corps de saint Austremoine, déposé depuis peu à Volvic.

Lanfredus raconte, dans une histoire légendaire de l’abbaye de Mozat, l’apparition miraculeuse qui détermina le roi Pépin à cette importante concession. « C’est une admirable vision, dit-il, qui disposa le roi à exaucer le vœu de l’abbé ; car il lui semblait qu’il était en oraison dans l’église de Volvic, auprès de l’autel de saint Prix, et que sur icelui était la Majesté divine assise sur un trône éclatant de lumière, et autour d’elle un grand nombre de saints entre lesquels était saint Austremoine habillé en pontife, plus brillant que le soleil. Il demandait un compagnon à la Majesté qui était sur le trône pour s’en aller de là, et lui fut assigné le roi Pépin qui avait eu la vision. En même temps, l’évêque le prit par la main comme s’il eût voulu faire un voyage. Le roi lui demanda où il voulait aller, et le saint, lui montrant Mozat, lui dit : C’est là le lieu dédié à l’honneur de mon seigneur et maître, Pierre, prince des apôtres, appelé Mozat. J’ai ordre de le prendre sous ma sauvegarde et ma protection, en sorte que je suis le gardien de ceux qui l’habitent et l’inspirateur des choses qui s’y font. »

Les chroniques ont conservé le souvenir de cette translation solennelle. La noblesse et le clergé de la province y assistèrent, et lorsque le cortége se mit en marche sous la conduite de l’évêque Aldebert, le roi, au lieu de s’entourer des grands de sa cour, vint modestement prendre place parmi les religieux de Mozat. Revêtu de ses habits royaux, mais la tête et les pieds nus malgré la rigueur de la saison, il tint à honneur de porter sur ses épaules les restes vénérés du premier apôtre de l’Auvergne, qu’il fit déposer dans un sarcophage scellé de son propre sceau.

Calminius et Pépin, qui cependant n’auraient pas dû être placés sur la même ligne, moins encore compris dans un égal sentiment de reconnaissance, reçurent l’un et l’autre dans les annales du couvent le titre de fondateurs, et leur mémoire fut toujours révérée par les moines. Avant la Révolution, on voyait encore dans le chœur deux vieilles peintures destinées à perpétuer ce souvenir. Sur l’une d’elles était figuré saint Calmin en habit de duc, et au-dessous on lisait cette légende : Calminius, Senator Romanorum, et dux Aquitaniæ, hujus monasterii fundator, regnante Joanne papa secundo[3]. Sur l’autre, on voyait Pépin revêtu de ses habits royaux, avec cette inscription : Pipinus, magni Caroli genitor, rex hujus nominis tertius, postea Mauziaci restaurator[4].

III

LES CHARTES DE THÉODORIC ET DE PÉPIN.
INVASIONS NORMANDES.


La charte de fondation de l’abbaye de Mozat n’a pas été conservée, mais elle est reproduite presque en entier dans celle que le roi Pépin donna au mois de février 763 pour la dotation et la restauration du monastère[5]. Ce précieux document nous fait ainsi remonter au milieu du VIIe siècle et nous révèle l’importance des donations faites à Mozat par son fondateur Calminius et par Namadia son épouse, sous l’autorité du roi Théodoric ou Thierry III. Le roi Pépin, après avoir constaté les ravages dont le monastère vient de souffrir dans les longues guerres de l’Arvernie, rappelle la magnificence du comte Calminius, sénateur romain. Les nombreuses possessions accordées au monastère lui ont été arrachées, dit-il, par des déprédateurs qui ont méconnu les droits des religieux et en même temps l’autorité de ses deux prédécesseurs, Théodoric et Clodowig ; mais, touché par les prières de l’abbé Lanfredus et de la congrégation qu’il dirige, il veut lui restituer son antique splendeur et l’augmenter encore par des libéralités personnelles. En conséquence, il ordonne à tous les détenteurs des biens du monastère de délaisser immédiatement ce qu’ils possèdent, soit par eux-mêmes, soit par leurs pères, soit par leurs aïeux. Arrive alors une longue énumération des biens donnés par le comte Calminius et qui doivent être réintégrés dans le patrimoine de l’abbaye :

C’est d’abord l’église de saint Caprais, appelée Podangas, et située dans la ville de Limoges, avec les villes ou fiefs alentour, les serviteurs et les servantes, et tous les droits qui en dépendent ;

Une église située dans la vicairie de Brioude, appelée Vieux-Brioude, avec toutes ses fermes, ses possessions cultivées ou non cultivées, les terres et les eaux ; L’église de Saint-Victor, appelée de l’Hermitage, située dans la vallée de Dore, avec les serviteurs et toutes les possessions ;

L’église de Saint-Pourçain, nommée Bory, avec les forêts et les fermes, les fiefs et les terres en dépendant ;

L’église de l’apôtre Saint-André de Pagnans, située dans la vicairie de Latour, avec les fermes, les serviteurs et les terres adjacentes ;

L’église de Saint-Désiré, avec le fief de Lauriges, les forêts et les prés, les fermes qui proviennent de la même hérédité, les esclaves, les droits et le cours des eaux ;

Le fief de Nintrangas, dans la vicairie de Vigan, avec les fermes, les vignes, les moulins et toutes les terres qui en dépendent ;

Dans la vicairie de Chantelle, l’église appelée Navas, avec les terres adjacentes ;

L’église de saint Bonnet, appelée Charbonières, avec les fiefs, les serviteurs, les servantes et les droits, les forêts et les prés, toutes les terres cultivées et non cultivées qui appartiennent à cette église et qui sont situées dans la montagne ;

L’église de Modon, avec les vingt-cinq fermes qui lui appartiennent ;

Le fief de Bellenave, avec les fermes, les vignes, les serviteurs et les servantes, et toutes les possessions ;

Le fief de Plumberias, avec les fermes et toutes les possessions ;

Dans la vicairie de Riom, l’église située près du monastère et qui est consacrée en l’honneur de saint Martin sous le nom de Sadoc, avec les vignes, les fermes, les prés, les moulins, les serviteurs et les servantes, les terres adjacentes ;

Le fief de Pragoulin, dans la vicairie de Randan, avec toutes ses dépendances, et la chapelle en l’honneur de saint Hilaire située dans la ville de Moulins, et aux Cassaniolas les fermes et les vignes qui regardent Pragoulin ; Enfin, tout ce qui peut provenir de l’hérédité de Calminius dans les diocèses d’Auvergne, de Bourges et de Limoges, et dans la Bourgogne.

Pépin ajoute à ces restitutions des donations tirées de son propre patrimoine ; il concède au monastère, en toute propriété, les villes ou fiefs de Flagheac, dans la vicairie de Brioude, et de Primiliac, dans celle de Riom.

La date de cette charte a été contestée par plusieurs auteurs dont Chabrol relate l’opinion dans sa Coutume d’Auvergne. Ils tombent tous dans une erreur que le savant commentateur semble partager, en l’attribuant au roi Pépin, fils de Louis-le-Débonnaire. Ce prince était roi d’Aquitaine en 817, il mourut en 838 ; il est donc impossible, disent-ils, qu’il ait pu dater une charte de la vingt-quatrième année de son règne. La conséquence est incontestable, mais les prémisses sont absolument inexactes, et il suffit de lire attentivement la charte pour le constater.

Il s’agit évidemment ici, non de Pépin, fils de Louis-le-Débonnaire, mais de Pépin, le fondateur de la monarchie franke, le père de Charlemagne. La charte est datée de la vingt-quatrième année de son règne, ce qui la porte à l’année 764. Or, Pépin succéda à Charles-Martel en 741 ; il vint en Auvergne à huit reprises différentes pour combattre le rebelle Vaïfer, et l’histoire nous apprend qu’en 764 il tint le synode de Volvic, où il se fit remarquer par ses libéralités envers les églises. Dans la charte dont nous nous occupons, le donateur parle précisément des ravages subis par l’abbaye, non à la suite d’invasions barbares, mais par les guerres intestines entre gens de la même foi : « Cuncta à malignis christianis direpta invenimus :[6] » il fait ensuite mention de la translation du corps de saint Austremoine et du rôle qu’il a rempli lui-même dans cette cérémonie : « Beato Austremonio primo præsuli Arvernorum cujus sacra ossa ab Vulvico, ad nostrum cœnobium (Mauziaci) transtulimus.[7] » Rien de cela ne serait applicable à Pépin, fils de Louis-le-Débonnaire.

Enfin, dans les motifs de restauration, le donateur indique qu’il veut faire respecter la volonté de ses deux prédécesseurs, Théodoric et son fils Chlodowig ; or, ces deux rois fainéants sont les derniers des Mérovingiens, et conséquemment les prédécesseurs immédiats du fondateur de la monarchie carlovingienne.

Cette charte ne saurait donc être sérieusement contestée aujourd’hui ; son authenticité a été reconnue par les auteurs de la Gallia Christiana et par le père Lecointe dans ses Annales ecclésiastiques. Elle reste comme un des monuments les plus anciens de l’histoire religieuse d’Auvergne.

Le monastère de Mozat, ainsi restauré et enrichi, commença une ère nouvelle de prospérité. Le dépôt sacré placé par le roi dans sa basilique attirait un immense concours de pélerins, les donations pieuses se multipliaient ; mais, dans ces temps troublés, tout était éphémère. En 853, l’abbaye eut à souffrir d’une invasion des bandes normandes. Pépin, fils de Louis-le-Débonnaire, releva l’abbaye ; mais une seconde incursion des Normands la désola de nouveau en 915. Puis, à ce désastre, vinrent s’ajouter les déprédations incessantes des seigneurs rapaces qui ne cessaient de dévaster la province ; heureusement que si la cupidité se montrait insatiable, la piété était aussi ardente, aussi inépuisable dans ses ressources. Non-seulement Guillaume Ier, comte d’Auvergne, reconstruisit et augmenta l’église et le couvent, mais dans les années suivantes l’abbaye reçut de Robert II, successeur de Guillaume, des donations d’une telle importance qu’un écrivain de Cluny va dans sa reconnaissance jusqu’à accorder à ce prince le titre de fondateur.

Ainsi, la foi toujours vive et féconde réparait incessamment ce que l’ignorance, la rudesse et la brutalité des mœurs avaient détruit. Pendant la période féodale, rien ne se conciliait davantage que ces sentiments en apparence si peu conciliables, et ce qui donne toujours à ces sortes de réparations religieuses un incontestable caractère de sincérité, c’est particulièrement la forme d’humilité profonde avec laquelle les plus puissants, les plus hautains seigneurs tenaient à les accomplir. C’était pieds nus, la corde au cou, à genoux sous le porche des sanctuaires dévastés, que les pénitents venaient faire amende honorable à l’église et réclamaient leur pardon. Dans cette rapide esquisse, nous ne citerons que les principaux déprédateurs dont nos annales conservent la mémoire à la fois terrible et bienfaisante. Néanmoins, il nous eût été facile d’emprunter aux archives de nos châtellenies une longue nomenclature de noms tour à tour inscrits dans les chroniques des monastères de la contrée pour leurs attaques violentes et leurs repentirs presque inconsolables. L’expiation du crime n’était pas seulement dans l’œuvre matérielle de l’édifice enrichi, elle était surtout dans la solennité exemplaire de l’œuvre chrétienne, « pouvant seule sauver les coupables du damn éternel. »

Ce que les chefs faisaient par esprit de pénitence, la foule ardente, docile, convaincue, le faisait dans un élan de dévotion, heureuse de concourir à la sainte entreprise par la prière, les austérités du jeûne, les sacrifices de temps et de fortune. Au premier signal, les fidèles accouraient de tous les points de la contrée comme pour une croisade, et l’on voyait nobles, vilains ou serfs fraternellement confondus dans le même labeur. « C’est un prodige inouï, dit Haimon, abbé de Saint-Pierre-sur-Dive, que de voir des hommes puissants, fiers de leur naissance et de leurs richesses, accoutumés à une vie voluptueuse, s’attacher à un char avec des traits et voiturer les pierres, le bois, la chaux et tous les matériaux nécessaires pour la construction de l’édifice sacré. Quelquefois, mille personnes, hommes et femmes, sont attelés au même char, tant la charge est considérable, et pourtant il règne un si profond silence que l’on n’entend point le plus léger murmure. Quand on s’arrête dans le chemin, on ne parle que pour faire confession de ses péchés avec des larmes et des prières ; les prêtres alors invitent à étouffer les haines, à remettre les dettes, et s’il se trouve dans l’assistance une personne assez endurcie pour refuser le pardon de ses ennemis ou pour refuser de se soumettre à ces pieuses exhortations, elle est détachée du char et chassée de la sainte compagnie… »

IV

PHILIPPE Ier A MOZAT. — AGRÉGATION DE MOZAT A L’ABBAYE DE CLUNY.


À partir du Xe siècle, la prospérité matérielle de l’abbaye ne fit que s’accroître, mais l’antique sévérité des mœurs disparaissait et la règle de saint Benoit n’était plus aussi strictement suivie. Le même relâchement se faisait sentir dans tous les monastères à cette époque, et les archives des couvents en portent le témoignage. Chose étrange, les écrivains monastiques, loin de voiler ces désordres, étaient les premiers à les reconnaître ; ils disaient avec Grégoire-le-Grand : « Mieux vaut le scandale que le mensonge ! » Durand, évêque de Clermont, crut devoir adresser aux religieux de Mozat des admonitions, mais ceux-ci n’en tinrent pas compte et dénoncèrent le prélat comme calomniateur au Souverain Pontife lui-même. Le trône pontifical était alors occupé par Urbain II, et ils espéraient trouver un protecteur dans ce pape, qui avait passé à Mozat les premières années de sa vie ecclésiastique. Toutefois, malgré leurs intrigues et leurs menaces, l’évêque Durand, d’accord avec Adalbert, archevêque de Bourges, son métropolitain, prit le parti de soumettre le monastère rebelle à Hugues, abbé de Cluny[8] ; Robert, comte d’Auvergne, appuya cette mesure.

La célèbre abbaye de Cluny était alors dans tout l’éclat de sa puissance et de sa gloire. La règle de saint Benoît s’y conservait dans la rigueur primitive ; aussi les évêques avaient-ils coutume d’agréger à cette suzeraine les monastères de leur juridiction frappés de l’esprit d’indiscipline. Néanmoins, la décision de Durand ne reçut pas une exécution immédiate ; mais en 1095, le roi de France Philippe Ier, se trouvant en Auvergne, fut vivement sollicité, par le comte Robert et par Guillaume son fils, de sévir de son côté contre les religieux de Mozat. En conséquence, il se rendit à l’abbaye, constata par lui-même la nécessité d’une réforme, et délivra à Hugues, abbé de Cluny, en présence d’un grand nombre d’évêques et de seigneurs, la charte[9] par laquelle il plaçait sous sa soumission le monastère fondé par Calminius :

« M’étant assuré par de nombreux témoignages, y est-il dit, que par la faute et la négligence des moines qui vivent en ce lieu, et par l’abandon prolongé de toute discipline, il est tombé dans le désordre, faisant droit aux demandes du comte Robert et de Guillaume son fils, nous accordons, en vertu de notre autorité royale et pour le salut de notre âme, que ledit monastère, avec les biens qui lui appartiennent, soit remis entre les mains du vénérable Hugues, abbé de Cluny, et après lui à tous ses successeurs, pour le posséder à perpétuité et y ramener l’observance de la vie régulière. »

Dans cette même année, les moines de Mozat avaient eu d’autres démêlés avec leur évêque. Pour se venger de ce prélat, ils avaient envoyé des émissaires au-devant d’Urbain II, qui venait à Clermont prêcher la première croisade, et lui avaient demandé la déposition de Durand. Le pape blâma cette audacieuse démarche et, pour donner à l’évêque une preuve de sa confiance, il décida qu’il prendrait son logement chez lui. « Le prélat, dit la chronique, en fut extrêmement consolé. »

Ainsi furent énergiquement réprimés cette tendance destructive de tous les devoirs du cloître, ce désir d’affranchissement de la règle dont nous aurons plus tard à enregistrer de si nombreux témoignages. Néanmoins, une dépossession si humiliante n’eût pas été facilement acceptée, si la maison de Cluny n’eût eu pour la faire exécuter le prestige que lui donnaient déjà la protection des plus grands princes et l’illustration de ses chefs. Cluny, en effet, ne dominait pas uniquement par l’autorité des chartes royales et des bulles canoniques ; elle maintenait surtout sa suprématie par la sagesse de ses décisions et par les hautes vertus dont ses abbés offraient toujours l’exemple. Chez elle, la discipline demeurait inflexible ; son habileté dans la direction générale de ses affaires temporelles la faisait constamment choisir pour arbitre. Jalouse d’éviter les conflits et d’entretenir la bonne harmonie dans tous les couvents de sa dépendance, elle appelait à elle les religieux considérables par leur mérite et choisissait en retour dans son sein ceux auxquels elle réservait les abbayes et les grands prieurés dans le but de se concilier partout des dévouements. — Quand, une première fois, l’évêque de Clermont crut devoir placer sous sa juridiction le prieuré de Sauxillanges, Etienne Ier, abbé de Mozat, fut des plus empressés à approuver cette mesure et vint apposer sa signature au bas de l’acte authentique. — Après la concession de 1095, saint Hugues, abbé de Cluny, choisit le fils du comte Rodolphe, Eustache de Guignes, pour assurer le succès de la réforme nouvelle, et cet abbé sut s’acquitter si heureusement de sa délicate mission, que le pape Urbain II lui adressa de Plaisance une bulle par laquelle il attribuait au monastère de Mozat, Sancti Stremonii de Mauziaco[10], le premier rang parmi ceux de la dépendance de Cluny. — À Eustache de Guignes succéda, en 1102, Hugues de Semur, neveu de saint Hugues et envoyé également par lui pour consolider à Mozat l’influence de la Maison suzeraine. — Enfin, et pour mettre le sceau à cette union nécessaire, l’illustre Pierre-le-Vénérable, de la famille auvergnate des Montboissier, jugea encore utile de donner pour successeur à Hugues de Semur son propre frère, Eustache de Montboissier, qui gouverna l’abbaye de 1131 à 1147.

Ces abbés furent pour Mozat de véritables réformateurs. Ils s’appliquèrent à faire disparaître les habitudes d’oisiveté qu’avaient engendrées les grandes richesses du monastère. Ils réduisirent les dépenses, employèrent le superflu à des fondations pieuses et remirent en honneur la prière et le travail.

Chacun désormais eut sa tâche assignée. Les uns, dépouillant le froc de laine, dirigeaient les travaux de la terre ; fraternellement confondus avec les vilains et les serfs, ils défrichaient les forêts, desséchaient les étangs et appliquaient leur intelligence à améliorer la culture des terres qu’ils savaient au besoin défendre par la force contre les incursions des déprédateurs. D’autres réparaient le cloître, embellissaient l’église et gravaient sur la pierre les ornements symboliques de la foi. D’autres multipliaient par des copies fidèles les œuvres des Pères de l’Eglise, des historiens et des philosophes de l’antiquité. D’autres enfin dirigeaient l’école du monastère, où devaient venir étudier plus tard les Génébrard, les Sirmond, les Duprat.

Ainsi, chacun avait son rôle dans cette république fondée sur le travail et l’abnégation. On acceptait la tâche journalière sans murmure, on la remplissait avec amour ; pas de jalousie, pas de rivalité ambitieuse ! L’ambition et la jalousie sont les fruits de l’intérêt personnel, et chaque moine n’avait en vue que l’intérêt du monastère.

Et quand, le soir, la cloche portait au loin le signal de la retraite et de la prière, la famille dispersée se dirigeait vers la grande salle du chapitre. On rendait compte à l’abbé du travail du jour, puis on prenait processionnellement le chemin de l’église illuminée. Les stalles se garnissaient de moines, l’église retentissait des chants sacrés et les religieux réunissaient leurs aspirations dans la prière commune.

V

GUILLAUME VI À MOZAT. — CHARTE DE LOUIS VII. RELIQUES DE SAINT AUSTREMOINE.


L’histoire des monastères, à cette époque, est une succession non interrompue de luttes intestines entre les couvents et d’attaques violentes de la part des seigneurs féodaux. Au IXe et au Xe siècle, les bandes barbares avaient eu facilement raison de ces cloîtres sans défense, de ces églises ouvertes à la cupidité de tous les spoliateurs. Aussi les religieux, en relevant les ruines, avaient-ils voulu se garantir contre les surprises de pareilles attaques : les abords de leurs édifices étaient défendus par des fossés ; les murailles étaient crénelées ; on avait élevé des tours ; les clochers servaient eux-mêmes d’ouvrages de défense, et l’architecture de l’époque est empreinte d’un caractère à la fois religieux et guerrier. Les abbés de Mozat avaient suivi cet exemple, et leur monastère s’était transformé en forteresse.

Ces précautions n’eurent pourtant pas l’avantage qu’on en attendait, et les fortifications destinées à garantir la paix et l’indépendance des religieux devinrent plus d’une fois, entre les mains des seigneurs féodaux, un instrument de guerre et d’oppression.

En 1124, Guillaume VI, comte d’Auvergne, revenant de Palestine, s’empara de la cathédrale de Clermont et la fortifia contre l’évêque Aimeric ; puis il répandit ses troupes dans toute l’Auvergne et fit rançonner les églises. Riom ayant pris parti contre lui, Guillaume résolut de profiter des fortifications de Mozat pour réduire la ville rebelle. Il se rendit donc dans l’abbaye, malgré les réclamations de Hugues de Semur et de ses religieux, et en fit le siége de ses opérations.

L’évêque Aimeric en appela à l’autorité royale, et en 1126 Louis-le-Gros arriva en Auvergne à la tête d’une armée considérable. Guillaume VI refusa de se soumettre, mais il fut battu en plusieurs rencontres ; les nombreux châteaux-forts qu’il possédait furent pris et démantelés, et Mozat se rendit après une longue résistance. Guillaume alors implora la clémence royale et prit l’engagement solennel de donner satisfaction à l’évêque et de réparer les désastres des églises.

Le comte d’Auvergne avait cédé à la force ; mais bientôt, oublieux de ses serments, il profita du départ de Louis-le-Gros pour se préparer à de nouvelles exactions. Après s’être assuré un allié puissant en reconnaissant la suzeraineté du comte de Poitiers, il se mit de nouveau en lutte contre l’église. Louis-le-Gros revint en Auvergne en 1131 pour écraser les rebelles ; ceux-ci furent tellement effrayés des dispositions formidables du roi de France, qu’ils s’empressèrent de déposer les armes et de faire pleine et entière soumission.

La crosse abbatiale de Mozat était alors entre les mains d’Eustache II. Cet ahbé, comme nous l’avons dit plus haut, appartenait à la famille de Montboissier, l’une des plus nobles et des plus anciennes de l’Auvergne ; il était frère de l’illustre abbé de Cluny, Pierre-le-Vénérable. Fort de l’autorité que lui donnaient sa naissance et le patronage d’un frère placé à la tête de l’abbaye suzeraine, il se présenta devant le roi et réclama les réparations qui étaient dues à son monastère. Ce monarque l’accueillit avec distinction, approuva sa demande et contraignit le comte Guillaume à délaisser à l’abbé de Mozat la moitié des leydes qu’il percevait en la ville de Riom. Dans la charte de concession donnée quelques années plus tard, le comte confesse ses torts et exprime son repentir pour les malheurs qu’il a fait subir à l’abbaye : « Pro injuriis quas monasterio Mauziacensi, injuriose intuli[11][12]. »

Le R. P. F. Thomas d’Aquin, grand définiteur de la province d’Aquitaine, raconte dans son histoire de saint Calmin une légende qui trouve ici naturellement sa place.

Après avoir parlé de la construction du monastère et de la mort de son fondateur, il explique que le corps de Calminius fut déposé dans un coffret de bois (capsula lignea) et placé derrière le grand autel de l’église. « Le corps de ce saint, dit-il, demeura caché dans ce coffret jusqu’au temps de Louys, roy de France, qui fust fils du roy Philippe, qui réprima l’insolence des Gaules avec le frein de son authorité ; car ce grand prince, après avoir dompté avec une puissance militaire les ennemis qui n’estaient pas esloignés de luy, mena une puissante armée dans la province d’Auvergne pour réprimer et chastier la rébellion de ces peuples qui, avec une perfidie qui leur estait assez ordinaire, s’estaient eslevés contre luy sous la conduite de leur comte. Et comme ce comte avait fortifié contre luy l’église de Mozat et qu’il y trouva de la résistance à ses volontés, il la fist attaquer et s’en rendit maistre. Ensuite de cette prise, les soldats du roy qui ne respiraient que le pillage de l’église dans laquelle ils estaient entrés victorieux, cherchant le moyen d’assouvir leur convoitise, et regardant d’un côté et d’autre, rencontrèrent derrière l’autel de Saint-Pierre le coffret où le corps de saint Calmin était enfermé. Dans la pensée qu’ils conçurent qu’il y avait dedans d’autres richesses que celles qui y estaient gardées, ils s’attachèrent à cette sainte chasse, et avec une hardiesse sacrilége s’en saisirent et la mirent en pièces pour voir ce qu’il y avait. Mais qu’arriva-t-il ? Le ciel ne différa pas longtemps de prendre une juste vengeance d’un si énorme sacrilége ; car au même moment, le démon se saisit de ces voleurs infortunés et la vengeance du ciel les suivit de si près, qu’il y en eut deux qui furent abbattus devant. »

Le pape Alexandre III tint à Clermont, en 1165, le concile où fut condamné l’antipape Victor. À son tour, il soutint énergiquement les droits de l’Eglise contre les entreprises des comtes ; sur la demande de Pierre II de La Tour, abbé de Mozat, il rendit une bulle[13] qui plaçait cette abbaye sous la protection spéciale du Saint-Siége.

Quatre ans après, Louis VII donnait une charte de concession[14] qui confirmait tous les priviléges de l’abbaye. Le roi lui reconnaissait les droits de suzeraineté sur un grand nombre de prieurés, d’églises et de terres situées dans l’Auvergne et le Bourbonnais.

C’étaient les églises de Saint-Laurent, de Saint-Paul, de Saint-Martin et de Saint-Calmin, placées près du monastère ; dans les montagnes : celles de Giat, de Fernoël[15], de Royat, de Saint-Ours, de Saint-Georges de Montz, de Saint-Hippolyte, de Volvic, de Marsat, de Ménétrol, de Cerest, de Saint-Coûst près Châtelguyon, de Saint-Bonnet-des-Champs, de Saint-Martin-des-Alloches, de Saint-André-de-Pagnan, de Rochefort ; — dans la plaine : celles de Montpensier, Chaptuzat, Denone, Saint-Germain-des-Fossés, Loriges, Droiturier, Saint-Ambroise-des-Monts.

En outre, les religieux recevaient l’hommage de plusieurs seigneurs, à raison de terres appartenant à l’abbaye et situées dans la dépendance de leurs châtellenies : c’étaient le fief du château de Rochefort, le château de Saint-Germain-des-Fossés, le fief du seigneur d’École, celui du seigneur de Montpensier, les fiefs des seigneurs de Montgascon, d’Ennezat, de Tournoël, de Chessac, de Chamalières, de Crest, de Cebazat, etc.

L’abbaye avait, de plus, d’immenses domaines s’étendant presque sans interruption de Mozat à Pessat et à Mirabel.

À la fin de ce siècle eurent lieu des discussions assez vives entre les religieux de Mozat et ceux d’Issoire, au sujet de la possession des reliques de saint Austremoine. Les moines d’Issoire, qui avaient pour abbé Gauzbert, ancien officier claustral de Mozat, se prétendaient possesseurs de la tête du saint ; selon eux, Rotger, comte d’Aquitaine, qui avait assisté en 764 au synode de Volvic et à la translation du corps de l’apôtre de l’Auvergne, en avait détaché le chef et l’avait déposé dans le château de Pierre-Incise ; puis étaient venus, pour restaurer le monastère, les moines de Charroux en Poitou qui s’étaient emparés de cette relique et l’avaient placée dans leur abbaye.

Cette légende mensongère s’était accréditée dans la province, et les pélerins désertaient Mozat. Guillaume de Bromont, alors placé à la tête de ce monastère, supplia Robert, évêque de Clermont, de procéder authentiquement à la vérification des reliques. Le prélat se rendit en 1197 dans l’église de Mozat, ouvrit le vase où le corps était renfermé, et trouva les restes du saint tels que les avait laissés le roi Pépin. Ils étaient placés dans des linceuls de lin et de soie, et entourés de courroies sur lesquelles le sceau royal était encore parfaitement intact[16].

VI

LE COMTE GUY ET LES ÉGLISES D’AUVERGNE.


L’épisode le plus dramatique de l’histoire d’Auvergne au moyen âge est sans contredit la lutte du comte Guy II avec son frère Robert, évêque de Clermont. Les évêques et les comtes d’Auvergne avaient toujours été en rivalité et la proximité du sang ne fit qu’envenimer entre les deux frères ces anciennes querelles. Elles durèrent dix-huit années, et pendant tout ce temps la province fut constamment ravagée par les troupes des deux partis. Le dauphin d’Auvergne intervint à plusieurs reprises ; le roi de France, le roi d’Angleterre lui-même, prirent parti dans cette lutte à outrance. Le comte Guy, excommunié, dépouillé de ses domaines, accablé sous des forces supérieures, semblait prêt à se rendre ; mais l’année suivante il reparaissait plus audacieux que par le passé, entouré des soudards que l’audace de ses déprédations appelait toujours auprès de lui ; il reprenait par la force ce que la force lui avait enlevé, exerçait de terribles représailles, lançait des défis au roi et traitait l’Auvergne en pays conquis.

Notre sujet ne nous permet pas d’entrer dans le détail de ces luttes sanguinaires ; nous devons en prendre seulement ce qui se rattache directement à l’abbaye.

En 1209, la guerre un instant apaisée se réveilla tout à coup entre les deux frères. Le comte Guy envahit les terres ecclésiastiques et fit emprisonner l’évêque pour la troisième fois. Il envoya partout des bandes de pillards pour dévaster les églises, se rendit lui-même à Mozat et entra dans l’abbaye de vive force. Son frère avait toujours montré pour les moines de Mozat une affection particulière et leur avait fait des présents considérables. Cette circonstance, jointe à la résistance qu’on lui avait faite, excita sa colère ; il détruisit l’enceinte fortifiée, enleva le trésor de l’église et traita les religieux avec la dernière rigueur. Non content de cela, pour ôter à l’abbaye son prestige, il s’empara des reliques de saint Austremoine et les fit porter dans une de ses forteresses. Les traces de sa violence furent terribles, et le chroniqueur presque contemporain rendant compte de cet événement s’exprime ainsi : « Guido, Comes Arvernorum, funditùs evertit Monasterium de Mauzac.[17] »

Le clergé de la province se souleva à la nouvelle de ces spoliations sacriléges et il envoya ses doléances au roi de France. Philippe-Auguste promit protection à l’abbaye de Mozat, qui depuis longues années était placée sous la sauvegarde royale ; il voulait même venir immédiatement en Auvergne, car il tenait à cœur de châtier le comte Guy dont il avait eu plus d’une fois à subir les agressions ; mais comme il préparait une expédition contre l’Angleterre, il se vit forcé de différer ses projets de vengeance et se contenta de mander le comte Guy à sa cour. Celui-ci ne daigna même pas répondre et refusa les réparations qu’on lui demandait.

Philippe-Auguste envoya alors en Auvergne une armée considérable sous la conduite de Guy de Dampierre et de Renaud, archevêque de Lyon, comte du Forez et légat apostolique.

Le comte Guy commença lui-même les hostilités, et pendant trois années tint en échec les troupes royales. Il fut enfin accablé par le nombre ; l’ennemi lui enleva toutes ses forteresses, qui étaient au nombre de cent vingt ; Tournoël, Nonette et Riom, qui avaient été ses derniers refuges, furent pris après une défense désespérée et son fils lui-même tomba entre les mains des troupes royales. Le comte Guy cessa de combattre, mais refusa de se rendre et parvint à gagner la terre de Combrailles, où il mourut en 1224.

Il semble que l’institut monastique eût dû être enseveli sous tant de ruines successives ; loin de là, il puisait dans la persécution des forces nouvelles. La foi relevait les églises, repeuplait les abbayes et mettait dans les âmes alarmées cette confiance, cette énergie morale dont les moines donnaient chaque jour l’admirable exemple. Le cloître, à cette époque, n’était pas seulement un asile pour ceux qui voulaient se consacrer à Dieu et finir leurs jours dans la pénitence, c’était un refuge toujours ouvert aux victimes de la tyrannie et de l’injustice humaine. Aux serfs, les religieux prêtaient aide et protection contre les exactions des seigneurs ; aux proscrits, ils donnaient un abri devant lequel s’arrêtaient le plus souvent les persécutions. Leur vie, dans ces siècles de violence, était une lutte incessante contre les abus de la force. Aussi disait-on d’eux : « Milites Dei pro pace et Deo militantes[18]. »

Les moines représentaient donc une idée morale et élevée, et ils furent les plus ardents à revendiquer les droits de la dignité humaine. Au plus fort de la féodalité, Pierre de Blois écrivait ces belles paroles, qui contrastent si étonnamment avec le siècle où il vivait : « Il est deux choses pour lesquelles tout fidèle doit résister jusqu’à la mort : la justice et la liberté. » Rien ne pouvait abattre le courageux dévouement des moines. Les seigneurs féodaux brûlaient les monastères, mais ils renaissaient bientôt de leurs cendres avec plus de vitalité. Les évêques leur accordaient de nouveaux priviléges, et les rois de France eux-mêmes encourageaient en eux cette résistance infatigable aux envahissements du pouvoir féodal.

Quelques années suffirent à Mozat pour réparer les désastres du comte Guy. L’enceinte fortifiée fut rebâtie, l’église restaurée, le cloître refait en entier. Aymeric de Mercœur, qui avait succédé à Géronte de La Tour, gouverna l’abbaye de 1217 à 1243 et la dota de grands biens. L’influence de cet abbé était considérable, et son nom se trouve souvent cité dans l’histoire d’Auvergne. Il défendit avec succès les propriétés de son couvent contre les envahissements de Guillaume X, comte d’Auvergne, et fut pris comme médiateur dans plusieurs différends. Il mourut en 1243, et Pierre IV de Chazelas lui succéda dans sa dignité.

Sous l’administration de ces derniers abbés, Mozat parvint à l’apogée de sa prospérité. Pendant cette période, en effet, le couvent renfermait plus de cinquante religieux profès, sans compter les oblats, les novices, les convers et tous les gens attachés au service extérieur ou à celui de l’école. Jamais ses possessions territoriales, ses redevances de diverses natures, les églises, les chapelles relevant de sa juridiction ecclésiastique ne furent plus nombreuses ; jamais aussi le livre des donations et des hommages ne fut mieux rempli qu’en ce temps. Si le départ des croisés pour la Terre-Sainte peut être réellement considéré comme une des causes de cette recrudescence de générosité pieuse, il serait injuste de ne pas en attribuer une grande part au zèle et à la piété des abbés qui valurent au monastère de Mozat la haute estime dont il jouissait à cette époque.

VII

L’ABBÉ PIERRE D’YSSERPANS. — SA RÉVOLTE CONTRE CLUNY.


L’abbaye de Mozat avait accepté la domination de Cluny, mais il ne se pouvait faire qu’une si ancienne maison subît sans souffrance ce titre de vassale. Il ne fallut rien moins que l’habileté de saint Hugues, de Pierre-le-Vénérable, pour la soumettre avec une telle promptitude. Elle n’avait pas eu à se plaindre de cette suzeraine dont elle sentit très-peu le joug et dont elle recueillit de nombreux avantages. Cluny conservait les traditions ; son incessante correspondance avec les couvents soumis à sa juridiction, les fréquents voyages de ses visiteurs empêchaient le relâchement de s’introduire nulle part ; son action tutélaire s’étendait aux moindres détails de l’administration, et grâce aux conseils éclairés de ses vicaires généraux et des hommes éminents qu’elle possédait, les écoles pratiques des monastères purent entrer dans la voie de rapides progrès. Elle envoyait des livres de liturgie et de précieuses notes se référant à l’agriculture et à certaines industries locales ; elle mettait en communication d’idées, de sentiments, de prières, les différentes maisons de l’Ordre, et, concentrant en ses mains l’unité des préceptes de la règle bénédictine, savait les répandre sur tous les couvents, qu’elle astreignait ainsi à une discipline commune.

Mais la discipline ne plait pas à tous, et quand la loi, quelque sage qu’elle soit, est imposée par une autorité lointaine qu’on peut croire affaiblie, la tentation de s’affranchir ne tarde guère à s’emparer du cœur de l’homme. C’est cette tentation, venue déjà plus d’une fois dans la pensée des religieux de Mozat à l’occasion de remontrances un peu sévères, qui se manifesta vers le milieu du XIIIe siècle par un commencement d’exécution énergiquement réprimée. Ils n’avaient pas encore osé se mettre en lutte contre la grande abbaye suzeraine, lorsqu’en 1252 Pierre d’Ysserpans, de la maison des comtes de Gondras, ancien prieur de Volvic, fut appelé à la dignité abbatiale du couvent de Mozat.

C’était un homme d’un esprit entreprenant, d’un caractère ambitieux, d’une énergie à toute épreuve. Il mit dans son parti la plupart de ses moines, et quand il fut sûr de leur appui, déclara solennellement que l’abbaye entendait être désormais affranchie de toute juridiction étrangère.

Cette audacieuse détermination paraissait de nature à semer l’esprit de révolte dans tous les couvents de la contrée sur lesquels l’influence de Cluny s’était depuis longtemps exercée sans conteste ; c’est pourquoi, dès qu’il en fut instruit, l’abbé Yves de Vergy accourut en Auvergne avec une escorte de quatre prieurs et de seize cavaliers. Il arriva par une nuit d’hiver sous les murs de Mozat, mais il trouva les portes fermées, les ponts-levis dressés, les murailles fortifiées comme pour soutenir un siége et, malgré ses sommations réitérées, Pierre d’Ysserpans, à la tête de ses moines transformés en hommes d’armes, refusa résolûment de le recevoir. L’abbé clunisois vint demander asile à la ville de Riom pour lui et sa suite, et dans son indignation excommunia l’abbé avec tous ceux qui lui resteraient fidèles.

Les foudres de l’Eglise furent longtemps impuissantes à anéantir la résistance d’Ysserpans ; pendant six années il se tint en état de révolte ouverte. Peu soucieux de l’excommunication, il réparait son monastère, enrichissait le trésor de l’église et exerçait sur ses vassaux une autorité souveraine. Jamais peut-être l’abbaye ne fut plus prospère. Mais la division finit par se mettre parmi les religieux, dont quelques-uns, sur les incitations du moine Bertrand qui avait pris le titre d’abbé, se rangèrent dans le parti de Cluny. Vivement attaqué au dehors, combattu au dedans, Ysserpans tenta de se créer un appui ; il s’adressa en 1268 à Albert de la Molette, abbé de la Chaise-Dieu, et lui offrit de recevoir Mozat sous la juridiction de son abbaye. Celui-ci repoussa ce périlleux honneur, et le pape, sur les nouvelles plaintes de Cluny, lança l’anathème contre les rebelles.

Pierre d’Ysserpans se soumit enfin, mais il était trop tard. Il fut destitué de toutes ses dignités et relégué au fond des montagnes, dans un petit prieuré où il finit ses jours dans la pénitence.

La terreur était dans le monastère. Les religieux épouvantés craignaient que l’abbaye suzeraine ne diminuât leur nombre, ne leur enlevât leurs prieurés. Aussi, lorsque Hugues de Cluny les réunit dans la salle capitulaire, vinrent-ils s’agenouiller humblement devant lui et faire entre ses mains acte de soumission et de repentir. Tous néanmoins n’obtinrent pas leur pardon, et trois des religieux qui s’étaient fait le plus remarquer par leur résistance furent exilés à Rochefort, à Giat et à St-Ours ; les autres furent punis à l’intérieur du monastère, selon toute la sévérité que comportait la règle de saint Benoît.

Pour faire disparaître les ferments de discorde que l’administration de Pierre d’Ysserpans avait laissés dans le couvent, l’abbé de Cluny en confia le gouvernement à Aymon de Vergy, son neveu. Il maintint les moines dans la plupart de leurs possessions et leur laissa leurs priviléges séculaires. L’abbé de Mozat conserva le droit de prendre place, dans les chapitres généraux, au quatrième rang à gauche de l’abbé des abbés. On fixa les prieurés au nombre de dix-sept ; on réduisit à quarante-un celui des moines et à quatre celui des officiers claustraux.

Il se passa donc exactement en 1267 ce qui s’était produit en 1095 ; comme autrefois, l’abbaye de Cluny mit dans les mains d’un des siens le gouvernement de la maison rebelle afin de rétablir, non-seulement la règle dans son austérité, mais aussi cette discipline dont l’esprit troublé des moines semblait avoir perdu momentanément le souvenir.

VIII

L’ABBÉ DE VERGY.


L’esprit de révolte que nous venons de constater chez les moines de Mozat n’est pas spécial à cette abbaye. Le sentiment de la résistance par les armes s’était déjà manifesté dans plusieurs autres monastères de la province en ce siècle et même au siècle précédent. Une des raisons évidentes de cette sorte de militarisme introduit et maintenu dans les mœurs des religieux de cette époque se trouve dans l’ardeur guerrière des populations pour les Croisades. Au départ, elles étaient toutes animées d’une foi dévorante ; au retour, de nouvelles influences excitaient leur ambition et leur soufflaient de méchants conseils. Nous avons déjà vu Guillaume VI, comte d’Auvergne, revenant de Palestine, s’emparer de la cathédrale de Clermont, rançonner les couvents, piller les églises du diocèse et, sans pitié pour les religieux de Mozat, établir dans leur maison restée sans défenseurs son quartier-général contre la ville de Riom dont il faisait le siége.

Bien des moines étaient allés en Terre-Sainte à la suite des armées comme pélerins, comme aumôniers, comme soldats ; beaucoup de pacifiques vassaux qui se seraient voués jadis à la vie des cloîtres préférèrent s’engager dans les saintes cohortes de la foi et trouvèrent encore plus de chances de salut en portant les armes contre les infidèles qu’en demeurant oisifs derrière les murailles de leurs chatellenies ou de leurs couvents. Seulement, quand au retour les Croisés revendiquèrent leur place au foyer claustral, tous les honneurs furent pour eux. On avait grand besoin de leurs conseils et de leurs bras pour défendre les possessions ecclésiastiques livrées aux déprédations des routiers et des malandrins depuis que les barons et les chatelains de la contrée avaient abandonné leurs manoirs pour s’en aller guerroyer sur les plages de l’Asie. Ils racontaient leurs périgrinations lointaines, les mœurs, les goûts, les habitudes de cet Orient merveilleux et leurs récits charmaient les longues soirées des monastères. Malheureusement, ces récits mêlés d’aventures parfois étranges troublaient singulièrement le calme des esprits et la paix des consciences.

Toutefois, hâtons-nous de le dire, le gouvernement de l’abbé Aymon de Vergy rendit au couvent de Mozat les bonnes traditions, l’amour de la règle et la tranquillité dont elle avait si longtemps joui. Tout rentra dans l’ordre, et ce fut probablement à cette prompte soumission que l’abbaye dut un privilége nouveau du roi saint Louis (1269). La pieuse influence de Cluny se fit immédiatement sentir dans ses études, dans ses fondations religieuses, dans tous ses actes. Ce fut pour elle comme une sorte de réforme salutaire qui la dirigea durant trois siècles encore dans des conditions de prudence et de prospérité que d’autres maisons voisines n’eurent pas la sagesse de savoir conserver.

A Vergy succéda une longue série de prélats, administrateurs laborieux, tous dévoués à leur monastère. L’un fit construire une chapelle, l’autre légua la plus grande part de son patrimoine à l’abbaye ; celui-ci augmenta les biens des prieurés, celui-là établit des associations de prières entre ses moines et ceux d’autres maisons religieuses de la même famille. A peine leur nom est-il prononcé dans l’obituaire du couvent, mais qu’importe aujourd’hui ? N’ont-ils pas été plus fidèles à la règle du fondateur, en suivant cette voie silencieuse et régulière, que s’ils se fussent laissé égarer par l’orgueil, comme Pierre Ier ou Pierre V ?

IX

LA VIE BÉNÉDICTINE.


Nous allons profiter de cette période de silence et d’apaisement dans la vie extérieure du monastère pour étudier son organisation et retracer le tableau de l’existence intime des bénédictins.


§ 1. — Oblats et novices.


Aux premiers siècles, les moines ne se recrutaient pas seulement parmi ceux qu’une vocation religieuse attirait au cloître ; quelques-uns, dès leur naissance, avaient été destinés à la vie claustrale. Dans une société où les règles du droit romain étaient appliquées à presque tous les actes de la vie civile, la puissance paternelle ne connaissait pas de limites, surtout lorsqu’elle s’exerçait dans les intérêts de la religion. Le père et même la mère avaient donc le droit de vouer à Dieu des enfants dès leur bas-âge ; ceux-ci prenaient le nom d’oblats.

Leur réception donnait lieu à une cérémonie touchante où le symbolisme romain apparaît tout entier. L’enfant, vêtu de blanc, s’avançait seul au milieu du chœur ; après trois génuflexions, il déposait sur l’autel l’engagement authentique de ses parents qui le consacraient à la vie religieuse et un denier d’argent en témoignage de l’abandon de sa fortune future.

A partir de ce moment, l’oblat appartenait au monastère qui se substituait à tous ses droits ; il était mort civilement. — Placé sous l’autorité directe du chantre, il était élevé à l’école du couvent ; arrivé à l’âge de puberté, il confirmait le vœu de ses parents et devenait novice.

Ce droit excessif de la puissance paternelle reçut de nombreuses modifications ; il fut même supprimé en principe par les chapitres généraux de Cluny, mais la pratique s’en conserva dans un grand nombre de couvents. Bernard de Tranchelyon, qui fut abbé de Mozat au milieu du XIVe siècle, fut voué à Dieu dès sa naissance et même fit profession étant encore enfant, à puero monachus[19].

On devenait oblat par le fait des personnes sous l’autorité desquelles on se trouvait placé, voluntate parentum[20] ; on ne pouvait obtenir le titre de novice que par le consentement personnel librement exprimé et après avoir atteint l’âge de seize ans accomplis. Sans doute plus d’une vocation fut contrainte, néanmoins les règles monastiques exigeaient des garanties sérieuses pour assurer la liberté du contractant. Dans les premiers siècles, on observait même à cet égard un formalisme singulier. On refusait à l’aspirant l’entrée du cloître ; il restait plusieurs jours sous le porche, frappant d’heure en heure et implorant. Lorsqu’il avait ainsi prouvé sa persévérance, on lui permettait de franchir le seuil, et il devait tout d’abord établir la légitimité de sa naissance, la bâtardise étant un empêchement à la profession monastique. — On le faisait ensuite visiter par le chirurgien ; était-il borgne, bossu, boiteux, affecté d’infirmités ou de maladies graves, il se voyait impitoyablement repousser. Le renoncement au monde n’était-il pas, en effet, sans mérite de la part de gens ainsi déshérités ? — Si, au contraire, sa santé lui permettait de remplir les devoirs du cloître, on le remettait aux mains du chantre qui s’assurait de son degré d’instruction, car nul n’était admis s’il ne savait lire et écrire et s’il ne parlait le latin barbare usité dans les couvents.

Ces formalités accomplies, le novice passait quelque temps dans l’hôtellerie ou logement des étrangers et était enfin reçu à l’intérieur du couvent, dans la maison des novices.

Là, il était placé sous l’autorité d’un moine expérimenté dont le devoir était de lui retracer constamment sous de sombres couleurs la difficulté de la règle, les rigueurs de la vie cénobitique. On l’employait aux plus vils travaux et le moindre manquement était puni par des corrections d’une excessive sévérité.

Après plusieurs mois de ce temps d’épreuve, il prenait l’habit de novice. On lui lisait une première fois la règle et il commençait son année de probation, période de recueillement, d’abstinence et de mortification.

Au bout de l’année, le novice comparaissait enfin devant le chapitre assemblé qui, à la majorité des suffrages hautement exprimés et motivés, décidait s’il devait être renvoyé du monastère ou admis à faire profession.

Ces différentes prescriptions furent souvent transgressées, elles finirent même par tomber pour la plupart en désuétude, car les abbés, les prieurs, les officiers claustraux élevaient dans le couvent des neveux, des parents en faveur desquels ils faisaient singulièrement fléchir l’austérité de la règle.


§ 2. — Profession.


Le bénédictin, en prononçant ses vœux, brisait tous les liens qui le rattachaient au monde ; on disait avec raison que la profession était l’image de la mort, quasi imago mortis, encore le mot image rend-il la pensée d’une manière incomplète ; aux yeux de la loi civile, il était bien réellement mort. S’il ne disposait pas de ses biens avant la vesture, sa succession s’ouvrait au profit des héritiers naturels et lors même qu’il serait sorti du cloître, il ne pouvait plus la revendiquer. Le respect pour la vie religieuse avait introduit dans la jurisprudence de ce temps-là une fiction qui assimilait le moine à l’homme d’armes mort pour la défense du pays.

La cérémonie de la profession était solennelle. Elle avait lieu à l’office de nuit. La Communauté s’assemblait dans l’église illuminée ; le récipiendaire était étendu au milieu du chœur sur un drap noir relevé d’emblèmes funèbres et entouré de cierges ; on jetait sur lui un linceul et l’on chantait l’Office des morts ; puis on le conduisait devant l’autel sur lequel il déposait un parchemin contenant sa profession, c’est-à-dire le triple vœu d’obéissance, de chasteté et de pauvreté.

La formule de cet acte dans l’abbaye de Mozat était à peu près invariable ; voici celle que nous avons relevée dans un parchemin de 1387 :

« Ego frater Petrus de Montmorin professionem facio ; promitto stabilitatem et conversionem morum meorum et obedientiam secundum regulam S. Benedicti, coram Domino Deo et sanctis ejus in hoc monasterio sancti Stremonii de Mauziaco quod est constructum in invocatione sancti Petri, sancti Pauli et sancti Caprasii ; et facta est prædicta professio in presentiâ Domini Abbatis Johannes II de la Queulhe, cui obedientiam promitto et ejus successoribus usque ad mortem.[21] »

L’abbé donnait lecture à haute voix de cet irrévocable engagement, faisait raser les cheveux du récipiendaire et s’écriait par trois fois : « tonsoratus est ![22] » Quatre religieux s’approchaient ensuite et le revêtaient de l’habit bénédictin. Le nouveau moine embrassait alors chacun de ses frères. Le prieur rédigeait séance tenante un procès-verbal, et avant de quitter l’église on entonnait un cantique d’actions de grâces.


§ 3. — Vie commune.


La vie commune était d’obligation stricte pour les bénédictins. Pendant que leur fondateur en faisait un des articles de sa règle, Justinien, de son côté, l’établissait comme une prescription légale. « Nous voulons, dit-il, dans sa novelle 133, que les moines vivent en commun, qu’ils n’aient pas d’habitations propres, qu’aucun instant de leur vie ne se passe sans témoins ; nous voulons qu’ils mangent ensemble, qu’ils couchent dans une chambre commune et qu’ils s’habituent ainsi à une vie honnête. »

Dans le principe, le moine n’avait rien à lui. — Chaque meuble, chaque objet du monastère appartenaient à tous. Quant à l’argent, il ne pouvait en posséder sous peine d’excommunication. Au XIIIe siècle la sépulture commune fut refusée à un religieux de Mozat qui avait caché quelques deniers sous une pierre de sa cellule… Mais ce détachement des biens du monde ne fut pas de longue durée dans les monastères. En 1308, l’abbaye de Cluny alloua aux officiers claustraux une somme d’argent annuelle ; ce fut un fâcheux précédent qui trouva de rapides imitateurs dans tous les couvents de l’ordre. À Mozat, l’aumônier reçut en propriété une redevance annuelle de 400 livres ; 290 l. étaient dues au chambrier, 350 au sacristain. Au XVIe siècle, cette rétribution ne suffisait plus et chaque officier claustral, sous prétexte d’acquitter des charges de communauté, se faisait attribuer des domaines, des prieurés dont il accumulait les revenus au profit de sa famille. Dès lors, l’inégalité fut introduite dans le cloître et avec elle toutes les passions que fait naître l’ambition de s’enrichir.

Dans de semblables conditions, les religieux devaient chercher à s’affranchir de l’obligation de la vie commune, mais l’abbaye suzeraine réprima longtemps toutes leurs tentatives. Aux XVIe et XVIIe siècles, les moines de Mozat reçurent à ce sujet de sévères admonitions et, même au XVIIIe siècle, Cluny ne se départit pas de cette exigence, car le 17 mai 1702, « frère Jean Papon grand prieur du sacré monastère et ordre de Cluny » tenait un chapitre à Mozat et enjoignait aux moines, sous peine de correction, d’assister ensemble au service divin aux heures accoutumées et de vivre tous en commun au réfectoire.


§ 4. — Travail.


Les moines d’Orient ont eu en partage la vie ascétique et contemplative, ceux d’Occident ont été voués par leur fondateur au travail manuel. Dans ses statuts, il leur enjoint de travailler de leurs mains au moins pendant sept heures par jour.

Levés avant l’aube pour les offices, les Bénédictins commençaient leur rude labeur à six heures du matin et ne rentraient au monastère qu’à dix heures. Pendant deux heures, ils écoutaient en commun des lectures pieuses et à midi ils prenaient leur premier repas après lequel ils se reposaient quelques instants. A une heure on récitait l’office, puis on retournait au travail jusqu’au soir. Quelques frères étaient-ils trop éloignés du cloître quand l’appel de la cloche se faisait entendre, ils s’agenouillaient sur le sol et attendaient qu’on leur portât leur repas.

Le matin, l’abbé distribuait à chacun sa tâche et le soir on lui rendait compte du travail accompli. Comme le silence était obligatoire, un doyen (decanus) était établi pour surveiller dix moines ; il leur donnait des conseils et imprimait à leurs efforts une direction commune.

Les bénédictins étaient surtout attachés à l’agriculture ; ils faisaient aussi par eux-mêmes tous les travaux d’économie domestique à l’intérieur du cloître. « Ce n’était pas d’une médiocre édification, dit un écrivain monastique, de voir les fils des plus grandes familles, élevés dans la vie somptueuse des châteaux, pétrir le pain du couvent ou recoudre eux-mêmes leurs vêtements usés. »

Les travaux agricoles faits par les moines de Mozat furent considérables. Ils paraissent s’y être livrés jusqu’au XIIIe siècle. A partir de cette époque, ils firent exclusivement travailler leurs terres par leurs vassaux. Bientôt une véritable colonie d’artisans s’éleva autour du monastère et l’abbaye en tirait tout ce qui était nécessaire aux besoins de la vie. Dès lors le travail manuel fut abandonné et pour combattre l’oisiveté, cette ennemie de l’âme contre laquelle tous les réformateurs les mettaient en garde, les moines n’eurent que la ressource de l’ascétisme ou de l’étude jusqu’au jour de complète décadence où toutes les occupations mondaines envahirent le cloître.


§ 5. — Repas. — Lits.


Sous le rapport de la nourriture, la règle de saint Benoît était dure à observer ; il fallait même pour la suivre strictement une constitution robuste.

Les religieux faisaient deux repas, l’un à midi, l’autre à la dernière heure du jour. Ils les prenaient en commun ; seul, l’abbé avait une table séparée à laquelle il pouvait inviter les moines de passage dans le couvent.

Les mets étaient du pain en quantité déterminée, des herbes cuites, des légumes préparés à la graisse ou à l’huile ; le jeudi et le dimanche on servait du poisson. Le vendredi-saint, on ne mangeait que du pain et des herbes crues. Quant à la viande, elle était permise pendant quatre jours de l’année, aux fêtes de Noël et de Pâques. L’eau était la seule boisson usitée, cependant l’abbé pouvait exceptionnellement permettre l’usage du vin à ceux qui se livraient à des travaux pénibles.

Plus tard, la viande et le vin, en minimes quantités, furent tolérés par les abbés de Cluny ; en 1414, une bulle du Pape Jean XXIII autorisa d’une manière formelle la viande, les potages gras et les œufs.

Au XVIIe siècle, on ne s’était pas encore beaucoup relâché sur ce point. Les moines de Mozat n’avaient chacun qu’une demi-livre de viande au repas du jeudi et du dimanche ; on la prenait chez un maître-boucher de Riom, moyennant deux sols la livre. L’usage du vin était aussi sévèrement réglementé et cependant la récolte s’élevait à 2,800 pots par an (37,500 litres).

Si les aliments étaient simples, les lits ne l’étaient pas moins : une paillasse piquée, un drap de serge et une couverture, telle était la couche du Bénédictin. Les lits étaient placés dans un dortoir commun et les moines s’y couchaient tout habillés de manière à se rendre au travail ou à la prière au premier signal de la cloche. Il était expressément défendu de parler au dortoir, qui devait toujours être éclairé la nuit. « Mieux vaut, dit Pierre-le-Vénérable, aller prendre la lampe du sanctuaire que de laisser le dortoir dans les ténèbres. »


§ 6. — Costume.


Le vêtement bénédictin consistait en une tunique, une cuculle et un scapulaire. La tunique était une longue chemise blanche en laine. On donnait le nom de cuculle, coule ou froc à une large robe garnie d’un capuchon et couvrant le corps tout entier ; on la portait à l’intérieur du couvent et à l’extérieur, elle constituait le véritable costume monacal. Le scapulaire était une large bande de laine, destinée à garantir la cuculle lorsque le moine portait des fardeaux. Bientôt le scapulaire devint une partie essentielle du vêtement et les religieux le conservèrent comme symbole du travail des mains imposé par le fondateur. — Les bénédictins d’Auvergne obtinrent par faveur spéciale, à raison de la rigueur du climat, le droit d’avoir deux sergettes ou chemises de serge, plus deux fémoraux ou caleçons. — La chaussure consistait en deux paires de forts souliers ferrés pour le jour et des pantoufles de peau d’agneau pour la nuit ; à Mozat, ces pantoufles étaient fourrées l’hiver.

Le vêtement tout entier était noir, d’où ce nom de « moines noirs » que le peuple donnait aux Bénédictins.

Leur tête était rasée, à l’exception toutefois d’une couronne de cheveux occupant le dessus du front, les tempes et l’occiput ; de là leur vient sans doute cette épithète de coronati[23] sous laquelle on les désigne dans beaucoup de chartes du moyen-âge.

Ils ne portaient point de barbe et devaient se raser réciproquement tous les dix jours, excepté pendant le carême. Plus tard, ce soin fut confié à un salarié. Dans un registre de dépenses de l’abbaye de Mozat, conservé dans les archives de la préfecture de Clermont-Ferrand, à l’article : Gages du chirurgien, on lit : « Le chirurgien reçoit par chacun an six septiers conseigle et douze pots de vin pour salaire. Il doit raser tous les religieux et frères de ladite communauté, et doit aussi faire les tonsures, les saignées et ce qui dépend de son art dans les besoins. »

Ces gages étaient modestes, mais le chirurgien pouvait augmenter ses profits au moyen de fournitures. Nous lisons plus loin, en effet, la note naïve ci-après : « Aujourd’hui 17 janvier 1696, on a arrêté compte avec M. de la Croix pour les médecines, lavements et autres médicaments qu’il a fournis depuis l’année 1690 jusques à ce jour ; on lui a alloué les médecines à 20 sols, les lavements à 12 sols, … et ses parties ainsi modérées ont monté à la somme de cent quatre-vingt-quatorze livres, onze sols. »


§ 7. — Discipline.


L’observation des moindres prescriptions de la règle était assurée par des sanctions pénales dont il n’appartenait même pas à l’abbé d’adoucir la rigueur. Nuit et jour, des surveillants ou circateurs parcouraient le couvent et rapportaient fidèlement à l’abbé ou aux officiers claustraux les manquements qu’ils avaient remarqués. Chaque cénobite était du reste un surveillant de ses frères et son devoir était de les dénoncer, s’il surprenait chez eux une faute ou une négligence.

Les fautes légères donnaient lieu d’abord à une simple réprimande que le coupable recevait à genoux devant l’abbé ou un officier claustral. S’il y avait récidive, il était privé de viande, de légumes, de vin…, on lui faisait entendre l’office le corps étendu sur la dalle, on lui imposait des veilles, etc… Enfin, on le frappait de l’excommunication monacale, isolement de dix, de vingt ou de quarante jours pendant lesquels il vivait à l’écart des autres religieux avec défense absolue de leur parler ; il ne pouvait ni chanter à l’office, ni recevoir la paix, ni aller à l’offrande.

Quant aux fautes graves, l’abbé seul pouvait en ordonner la répression. Les peines employées étaient : le jeûne et même la privation absolue de nourriture pendant un certain temps, la séquestration dans la prison du monastère, enfin la fustigation, soit dans la cellule de l’abbé, soit en plein chapitre. Cette dernière punition était la plus employée, elle était entrée dans les mœurs monacales ; écoliers, oblats, novices et moines se courbaient également sous les verges du chantre, du prieur ou de l’abbé.

Lorsque tous les moyens de correction avaient été vainement employés contre un frère récalcitrant, on le chassait honteusement du monastère, et son expulsion devenait aux yeux du monde une tâche indélébile, une marque d’infamie.

A ces modes généraux de répression, indiqués dans la règle et pratiqués dans toutes les Maisons de l’Ordre, il en était aussi de particuliers à chaque monastère. Dans les premiers siècles, l’agriculture était en honneur et chaque cénobite se livrait au travail des champs ; c’était un moyen moralisateur des plus sûrs, c’était en même temps une source de prospérité pour les provinces. Peu à peu cependant, on laissa tomber en désuétude cette essentielle prescription du fondateur, à tel point que l’on en vint à imposer le travail agricole comme une mesure disciplinaire.

Il y avait, presqu’aux portes de Riom, une petite chapelle qu’Etienne, évêque de Clermont, délaissa à son chapitre en 976. Elle fut concédée aux religieux de Mozat, qui l’agrandirent et en firent un essaim auquel on donna le nom de petit monastére (monasteriolum ou monistriolum), d’où Ménétrol ; l’église actuelle présente encore, en certaines parties, des restes de constructions qui remontent évidemment au XIe siècle. L’abbaye commença par établir en cet endroit un certain nombre de religieux chargés de diriger l’exploitation des immenses domaines qu’elle possédait dans cette plaine fertile. Au XVe siècle, le couvent de Ménétrol était devenu une colonie pénitentiaire agricole dans laquelle on envoyait, pour un certain temps, les moines qui avaient manqué à la règle. Le travail manuel si honoré jadis était désormais un châtiment pour le bénédictin.


§ 8. — Offices.


La prière et la psalmodie occupaient une partie du jour et de la nuit. Les moines récitaient, à l’ordinaire, l’office de saint Benoît et le bréviaire de l’Ordre de Cluny ; aux fêtes, ils disaient un office plus long et plus solennel qui prenait le nom d’office plénier.

A deux heures du matin, ils se levaient pour chanter les nocturnes ou matines. Ils faisaient ensuite une lecture pieuse, apprenaient des psaumes, et dès que les premières lueurs du jour venaient éclairer les vitraux de l’église, ils entonnaient l’hymne ad laudes[24]. Au XVe siècle, les deux offices furent réunis et chantés de deux à trois heures du matin.

À six heures, on psalmodiait l’office de prime ; à neuf heures, celui de tierce ; à midi, celui de sexte ; à trois heures, celui de none ; au soleil couchant, celui de vêpres, et au crépuscule, celui de complies.

Pendant ces différents exercices, les religieux devaient se tenir debout ; mais comme peu d’entre eux pouvaient résister à cette position fatigante, on leur permit par compassion de s’asseoir légèrement sur le bord des stalles relevées. Cet usage fut introduit au XIe siècle ; dès lors on orna la partie inférieure de la stalle d’une saillie en bois qui prit le nom de miséricorde et servit de siége.

Les moines devaient tous les jours entendre une messe. On en célébrait un grand nombre à Mozat, par suite des fondations considérables qui y avaient été faites. En 1450, on y disait tous les jours cinq messes basses et trois messes chantées.

En dehors des grandes fêtes du catholicisme, il en était de particulières aux monastères bénédictins. Le bréviaire de Cluny cite : 1o celle de saint Benoît, au 21 mars et au 14 juillet, sous le rite solennel majeur ; 2o celles de saint Hugues, au 29 avril, et de saint Pierre et saint Paul, au 29 juin, sous le rite solennel mineur : 3o celles de saint Maur, au 15 janvier ; de saint Paul, au 25 janvier ; de saint Mathias, au 24 février ; de saint Mayeul, au 41 mai, et de saint Odon, au 19 novembre, comme fêtes majeures ; 4o enfin, celles de saint Odilon, au 2 janvier ; de sainte Scholastique, sœur de saint Benoit, au 10 février, et de saint Bernard, au 20 août, comme fêtes mineures.

Mozat célébrait aussi, le 8 novembre, la fête de saint Austremoine, qui attirait un nombre considérable de pélerins ; le 23 août avaient lieu celles de saint Calmin et de sainte Namadie, qui longtemps aussi furent l’occasion d’un pélerinage.


§ 9. — Mort des moines.


Quand la mort frappait ses coups dans un monastère, elle n’amenait pas avec elle ce cortège de douleur et de deuil qui l’accompagne d’ordinaire au chevet de ceux qui ont vécu dans la vie mondaine. On l’accueillait au contraire avec calme, presque avec joie, comme une naissance à la vie éternelle.

Aux affres de la mort, on plaçait sur la poitrine de l’agonisant un crucifix de bois, symbole de son vœu de pauvreté, et tous les membres de la communauté s’agenouillaient tour à tour à son chevet pour réciter une prière.

Lorsqu’il avait rendu le dernier soupir, chaque moine venait coudre un point à son suaire ; le prieur inscrivait le décès dans l’obituaire du couvent, et l’inhumation avait lieu dans les caveaux de l’église (Voir la partie archéologique). On célébrait en l’honneur du défunt trois grandes messes, et chaque religieux-prêtre disait trois messes basses à son intention.

A partir de l’époque où, par tolérance ou par abus, les moines purent posséder en propre, la succession mobilière de ceux qui mouraient au couvent appartenait aux religieux qui se la divisaient ; c’est ce que l’on appelait le partage des dépouilles.


§ 10. — Offices claustraux.


La règle de saint Benoît avait fait de chaque monastère un gouvernement particulier. L’abbé, qui en était le chef, choisissait parmi les religieux ceux qui devaient l’aider dans son administration et leur distribuait les dignités claustrales. Il les nommait et les révoquait à sa volonté, d’où le nom d’obédienciers sous lequel on les désignait dans les premiers siècles.

Saint Benoît lui-même avait fixé le nombre et les attributions des officiers claustraux. Il établit en effet pour chaque monastère : 1o Le portier, chargé de surveiller l’accès du couvent ; 2o l’hótelier, appelé aussi hospitalier, qui recevait les étrangers, les moines en voyages et distribuait les aumônes ; 3o le prévôt, auquel incombaient la surveillance du paiement des redevances des fermiers ou des vassaux, la direction des procès, en un mot le soin de l’administration temporelle ; 4o les doyens ou surveillants de dix moines pendant le travail ; 5o le cellérier, préposé aux provisions de bouche et à la préparation de la nourriture, enfin 6o l’infirmier, chargé du soin des malades.

Cette organisation fut très-modifiée aux Xe et XIe siècles. On supprima dans certaines abbayes plusieurs des offices claustraux et on en ajouta d’autres. A Mozat, le nombre en était très-variable. Au commencement du XIIIe siècle, il était de neuf, mais il fut réduit à quatre à la suite de la révolte de Pierre d’Ysserpans en 1260. Toutefois, ce chiffre fut bientôt dépassé et l’abbaye de Cluny toléra cette infraction aux lois formelles qu’elle avait édictées.

Au XIVe siècle, les officiers claustraux prirent une grande importance. Leur nomination appartenait aux papes et aux évêques ; on accorda même des rétributions à ces fonctions qui, originairement, étaient gratuites.

L’abbé, chef du monastère, devait être élu par la communauté ; ce principe se trouve posé non-seulement dans la règle de saint Benoît, mais encore dans les lois de Justinien. Pour arriver à cette nomination, le prieur convoquait les moines en Chapitre. On entendait une messe à laquelle chacun communiait, puis on promettait de choisir le plus digne, sans égard pour l’âge, sans considérations personnelles. Le prieur donnait lecture du chapitre de la règle bénédictine : de ordinando abbate[25] et on procédait à l’élection qui avait lieu soit par acclamation, communi voce[26], soit au scrutin secret. Le nouvel élu était alors conduit dans l’appartement du prieur où il séjournait en attendant la confirmation de Cluny et l’onction abbatiale.

Chaque élection, en effet, était d’abord soumise à l’approbation des supérieurs clunisois qui, dans certains cas, pour assurer le maintien de la régle et leur propre prépondérance, annulaient le choix des religieux et nommaient directement sans consulter d’une maniére formelle la communauté. Nous en avons vu des exemples pour les abbés Eustache de Guignes, Hugues de Semur aux XIe et XIIe siècles et Aymon de Vergy au XIIIe.

Lorsque la décision de Cluny était favorable, on procédait à la cérémonie de la consécration. D’ordinaire l’évéque de Clermont se rendait à Mozat pour recevoir le serment de l’abbé et lui remettre la crosse avec le livre de la règle.

Une lettre de 1165, écrite par le prieur de Mozat à Cluny pour l’élection du religieux destiné à remplacer Eustache de Montboissier nous donne d’intéressants détails tant sur le mode de l’élection que sur le droit de révision que les chefs de l’ordre se réservaient. En voici la traduction littérale :

« Au Révérend Pére et très-dévôt pasteur par la grâce de Dieu de l’église de Cluny, frère Jean, humble prieur et tout le couvent de Mozat, salut et humble assurance de la révérence et de l’obéissance qui vous sont dues. — Nous remettons à votre discrétion, vénérable Père et Seigneur, ce que nous tous ayons fait sur votre ordre, pour décider du chef qu’il convient de mettre à notre tête. Comme d’usage, après avoir consulté le Saint-Esprit, après une longue et anxieuse méditation, d’un même vœu, d’une commune voix, d’un même élan de cœur, nous avons choisi pour notre Père et pasteur notre très-cher et vénérable frère Aymon, prieur de Saint-Germain, quoiqu’il y contredit de toutes ses forces et même qu’il s’y refusât. Espérant en celui qui n’abandonne pas ceux qui espèrent en lui pour que l’état de notre maison devienne meilleur, mais ne voulant en rien nous écarter de vos ordres ni de votre volonté, désireux de rendre à vos dévôts esprits l’honneur et l’obéissance qui vous sont dûs en toute chose, nous plaçons notre élu aux pieds de votre bon plaisir, nous vous le présentons comme à notre père et seigneur, vous suppliant de l’accueillir avec bienveillance et de confirmer son élection[27]… »

L’abbé avait une autorité considérable. Dans les premiers siècles, il devait consulter son chapitre sur les questions d’administration, mais il lui était loisible d’agir seul. Néanmoins ce pouvoir presque sans limites subit peu à peu le sort des gouvernements absolus. Il donna lieu à des révoltes, à des scissions ; l’autorité abbatiale diminua, les liens de la discipline se détendirent et la commende porta le dernier coup à la règle en imposant aux monastères des chefs qui vivaient au loin et dont l’unique préoccupation était de toucher les revenus attachés à leur dignité.

Le prieur remplaçait l’abbé en cas d’absence ou de mort ; toutefois il n’avait à l’égard du personnel ni le droit d’admission ni celui d’exclusion et il devait s’abstenir de toute nomination, soit aux offices claustraux, soit au gouvernement des prieurés soumis. À partir de la commende, le prieur devint le véritable chef du monastère.

Le chambrier ou camérier avait la garde du vestiaire ; il achetait et faisait confectionner par le sartre ou tailleur choisi parmi les frères convers les cuculles, les scapulaires et autres vêtements imposés par la règle ; il avait aussi à sa charge l’entretien des cellules. Au chœur et au chapitre, le chambrier avait la première place après le prieur. Cette dignité claustrale appartint pendant deux années dans le couvent de Mozat à l’illustre Génébrard.

L’aumônier S’occupait des besoins des pauvres et leur distribuait lui-même les vivres desservis de la table commune ; il devait un pain à tous ceux qui se présentaient. À Mozat, ces distributions journalières se faisaient à la porte du bâtiment des étrangers, appelé hôtellerie. Avant la révolution, cette porte était encore désignée dans le pays sous le nom de la done.

Le sacristain ou secrétain avait soin du trésor, c’est-à-dire des vases sacrés, des reliques, des ornements d’église, des missels précieux. Il entretenait le luminaire de l’église, les lampes du cloître, du dortoir et des privés ; il fournissait l’encens, le vin, les hosties et s’occupait de l’horloge et des cloches. On le désignait parfois sous le nom de trésorier.

L’infirmier était préposé à tout ce qui intéressait la salubrité du monastère et la santé des religieux. Il traitait lui-même les malades et le chirurgien attaché à l’établissement n’était en réalité qu’une sorte de serviteur chargé d’appliquer ses ordonnances. Ce chirurgien était prébendé.

Le chantre conduisait les offices, dirigeait la maîtrise et l’école, surveillait la copie des manuscrits, tenait les cartulaires et les obituaires ou nécrologes. À sa nomination, il recevait le bâton cantoral, insigne de sa dignité.

Le réfecturier avait, comme son nom l’indique, la charge du réfectoire ; il préparait les tables, coupait le pain, en faisait la distribution, s’occupait du linge et des ustensiles. Il assistait debout à tous les repas et, pour que la loi du silence ne fût point enfreinte, il enseignait aux moines les gestes par lesquels ils pouvaient réclamer de lui les choses dont ils avaient besoin. — Avant le XIIe siècle, ces fonctions étaient divisées à Mozat entre le pitancier et le cellerier ; ces deux offices claustraux furent supprimés après la révolte de l’abbé d’Ysserpans.


§ 11. — Chapitres. — Observance de la règle.


Pris dans le sens le plus restreint et le plus habituel, le chapitre d’un couvent était l’assemblée des moines, convoquée par le chef, abbé ou prieur, pour délibérer sur des sujets déterminés. — Dans l’origine, ces sortes d’assemblées étaient quotidiennes et avaient pour but principal la lecture d’un chapitre de la règle de l’ordre. Plus tard, on y discutait tout ce qui intéressait la communauté, on y réprimandait les religieux, d’où vient le mot chapitrer, et l’abbé trouvait dans ces délibérations, non-seulement d’utiles conseils, mais souvent un frein à d’ambitieux désirs.

Indépendamment de ces réunions, qui avaient lieu dans les couvents sous la présidence du plus haut dignitaire présent, il y avait encore des chapitres généraux et des chapitres provinciaux qui devaient être tenus au moins de trois ans en trois ans dans un des monastères de la même congrégation. Les religieux appelés à ces assemblées vivaient là en commun, et chaque couvent contribuait à la dépense. Tous les ans, l’abbé de Mozat assistait au chapitre général de Cluny ou s’y faisait représenter. Il avait le droit de s’y rendre avec une escorte de six cavaliers et en la compagnie d’un prieur. Il prenait place au quatrième rang à gauche du chef de l’ordre.

Dans les chapitres généraux ou provinciaux, on examinait avec soin tout ce qui regardait la discipline régulière et monastique. On discutait les règlements, on les modifiait. Ce qui avait été décidé à la pluralité des voix devenait obligatoire dans toutes les maisons de l’ordre, si le chapitre était général, et seulement dans les couvents de la province, si le chapitre était provincial. C’est dans ces chapitres qu’étaient élus d’ordinaire les officiers principaux de l’ordre, les définiteurs, les visiteurs chargés d’inspecter les monastères et d’y vérifier si l’on suivait exactement la règle et les constitutions.

L’observance de la règle était, en effet, la constante préoccupation des chefs ; elle était la base de l’institut monastique. « La règle de saint Benoît, dit Bossuet, est un précis du christianisme, un docte et mystérieux sommaire de toute la doctrine de l’Evangile, de toutes les institutions des saints Pères, de tous les conseils de perfection. Là paraissent avec éminence la prudence et la simplicité, l’humilité et le courage, la sévérité et la douceur, la liberté et la dépendance ; là, la correction a toute sa fermeté, la condescendance tout son attrait, le commandement toute sa vigueur, la sujétion tout son repos, le silence sa gravité et la parole sa grâce, la force son exercice et la faiblesse son soutien ; et toutefois Benoît l’appelle un commencement pour nous nourrir toujours dans la crainte. »

Nous avons donné, dans les paragraphes précédents, les principales dispositions de cette règle sévère et en même temps les importantes modifications que le temps et les mœurs y avaient successivement apportées. Le relâchement dans les habitudes monastiques se fit sentir à différentes époques et suscita de nombreux réformateurs. Parmi eux, le plus célèbre est sans contredit saint Benoît d’Aniane, qui vint lui-même ramener à l’observance régulière les religieux d’une abbaye voisine de Mozat, d’un antique monastère auquel Mozat était lié par une communauté d’intérêts, par des rapports journaliers, par des associations de prières.

L’abbaye de Menat, fondée dès le Ve siècle, avait reçu en 699 la règle de saint Benoît, de son restaurateur saint Menélée. Comme presque toutes les communautés religieuses à cette époque, elle tomba dans l’indiscipline, conséquence des temps de division et de guerre où les invasions et les luttes intestines contraignaient les moines à appeler au milieu d’eux des hommes d’armes, des routiers dont les mœurs introduisaient dans les cloîtres de pernicieux exemples.

En 814, Louis-le-Débonnaire confia la réforme des ordres religieux dans son royaume à saint Benoît d’Aniane et lui recommanda plus particulièrement l’abbaye de Menat, située sur les bords de la Sioule, à peu de distance de son château d’Eborolacum (Ebreuil).

Benoît envoya d’abord à Menat douze moines éprouvés, et peu de temps après il s’y rendit lui-même pour y porter la réforme. La nouvelle de sa présence se répandit bientôt dans toute la province ; un grand nombre de religieux, attirés par sa réputation de science et de sainteté, allèrent le visiter, et le couvent de Menat devint le but d’un véritable pélerinage. Mozat envoya plusieurs moines qui restèrent un certain temps sous la direction du saint abbé.

Après deux années d’un séjour fécond pour l’institut monastique, saint Benoît d’Aniane quitta Menat pour continuer son œuvre de réforme ; s’il faut en croire quelques traditions, il se serait arrêté quelque temps à Mozat. Ce qui est certain, c’est que saint Benoît d’ Aniane était particulièrement vénéré dans cette abbaye ; chaque moine avait une copie de son Code des règles et de son Pénitentiel.

X

L’ÉCOLE MONASTIQUE.


Il est juste de rendre un éclatant hommage à la vie cénobitique et de constater les bienfaits dont elle a fait profiter l’humanité. C’est dans les cloîtres du moyen-âge que se réfugia l’indépendance de la pensée, que les vérités philosophiques naquirent des libres controverses et des études approfondies des moines. Là, dans ces lieux d’asile respectés et protégés, on disait tout sans crainte, on recherchait tout avec une infatigable persévérance. Les aspirations les plus libérales, ailleurs voilées, obscurcies, persécutées, étaient là vivement senties et se montraient toujours prêtes à se répandre, par la parole dans les chaires évangéliques, par les récits dans ces savants ouvrages, l’honneur de l’esprit humain. 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  1. Voir l’Appendice, note 1 (tous les appels de notes correspondent avec l’Appendice).
  2. Voir l’Appendice, note 2.
  3. Note Wikisource : « Calmin, Sénateur des Romains et duc d’Aquitaine, fondateur de ce monastère, sous le pontificat de Jean II. »
  4. Note Wikisource : « Pépin, père de Charlemagne, roi troisième de ce nom, puis restaurateur de Mozat ».
  5. Voir l’Appendice, note 3.
  6. Note Wikisource : « Nous avons découvert tous les pillages commis par des chrétiens perfides : »
  7. Note Wikisource : « Au bienheureux Austremoine, premier présul des Arvernes, dont nous avons transféré les ossements de Volvic à notre monastère (de Mozat) ».
  8. Voir l’Appendice, note 4.
  9. Voir l’Appendice, note 5.
  10. Note Wikisource : « Saint-Austremoine de Mozat ».
  11. Note Wikisource : « Pour les dommages que j’ai injustement infligés au monastère de Mozat ».
  12. Voir l’Appendice, note 6.
  13. Voir l’Appendice, note 7.
  14. Voir l’Appendice, note 8.
  15. Voir l’Appendice, note 9.
  16. Voir l’Appendice, note 10.
  17. Note Wikisource : « Guy, comte d’Auvergne, détruisit de fond en comble le monastère de Mozat. »
  18. Note Wikisource : « Soldats de Dieu, combattant pour la paix et pour Dieu. »
  19. Note Wikisource : « moine depuis l’enfance ».
  20. Note Wikisource : « par la volonté des parents ».
  21. Note Wikisource : « Moi, frère Pierre de Montmorin, je fais profession ; je promets devant le Seigneur notre Dieu et ses saints la fermeté et la conversion de mes mœurs ainsi que l’obéissance à la règle de saint Benoît, en ce monastère Saint-Austremoine de Mozat qui fut construit sur l’invocation de saint Pierre, saint Paul et saint Caprais ; cette profession fut faite et proclamée en présence du père abbé Jean II de la Queulhe, auquel je promets obéissance, ainsi qu’à ses successeurs, jusqu’à ma mort. »
  22. Note Wikisource : « Il est tonsuré ! »
  23. Note Wikisource : « couronnés ».
  24. Note Wikisource : « pour les louanges ».
  25. Note Wikisource : « de l’élection et de l’établissement de l’abbé », qui est le chapitre LXIV de la Règle de saint Benoît.
  26. Note Wikisource : « d’une même voix ».
  27. Voir l’Appendice, note 11.