Histoire des églises et chapelles de Lyon/Église Saint-Pothin

La bibliothèque libre.
H. Lardanchet (tome Ip. 248-251).

SAINT-POTHIN

Il est inexplicable que saint Pothin ait attendu une église à son nom, dans notre ville, jusqu’au premier tiers du xixe siècle, et qu’alors seulement les Lyonnais aient réparé l’oubli dans lequel leurs ancêtres avaient semblé tenir leur premier évêque. Le lieu même où fut érigée cette tardive paroisse, en fui d’autant mieux choisi, que les Brotteaux, portion notable du nouveau Lyon de la rive gauche, se développaient constamment.

Ce fut dans le quartier Paphos, nom bien singulier, que le conseil archiépiscopal décidait, en 1826, la fondation d’un nouveau temple, où revivraient, après seize siècles écoulés, le souvenir de celui que Lyon honore comme le premier évêque des Gaules, saint Pothin, disciple de saint Polycarpe lui-même fils spirituel de saint Jean, l’apôtre bien-aimé de Jésus. Auparavant, dès le 2 mai 1825, le conseil municipal de la Guillotière avait émis le vœu qu’une paroisse fût créée aux Brotteaux. La demande, ayant été agréée, le 21 juin 1826, Mgr de Pins, administrateur du diocèse, chargea de cette fondation l’abbé Devienne, vicaire de Saint-Louis de la Guillotière. La commission des hospices civils de Lyon s’offrit à céder le terrain nécessaire. Comme l’on ne pouvait construire de suite une église, on célébra provisoirement la messe, le dimanche, dans la maison Fayolle, à l’angle de la rue de Sèze n° 2, et de la rue Madame, aujourd’hui rue Pierre-Corneille, n° 1. Ces débuts modestes rappelaient bien la condition des chrétiens primitifs de Lugdunum et de leur apôtre.

L’année suivante, le conseil de fabrique fut constitué. L’archevêque en nomma membres : MM. Girard, Chardon, Pont, Boissat et Palluy ; le comte de Brosses, préfet du Rhône, choisit : MM. Fournel, Boisson et Gobert. On chercha un local mieux adapté, et on le trouva à gauche du cours Morand, dans une des premières maisons de la rue Malesherbes. Mgr de Pins vint en personne installer le premier curé, auquel il donna pour vicaire M. Bost.

Saint-Pothin.

Les événements de 1831 eurent leur contre-coup jusque dans la pauvre chapelle paroissiale, dont la porte fut brisée dans la nuit du 22 au 23 novembre. Cependant, la population croissait, l’enceinte devenait trop étroite et les hospices avaient enfin cédé à la commune de la Guillotière, le 13 juin 1834, un emplacement de vaste étendue. La fabrique confia à M. Christophe Crépet, architecte et agent voyer de la Guillotière, le soin de dresser le plan d’un édifice convenable ; le 27 mai 1830, elle l’approuva et vota la somme de 15.000 francs. De son côté, Mgr de Pins, administrateur du diocèse, institua un second vicaire dans la personne de M. de Saint-Jean. Les travaux d’appropriation et de construction commencèrent peu après. Un procès-verbal, imprimé sous forme d’inscription, eu fournit la date exacte : 6 mars 1841. Il est probable qu’à ce moment on modifia l’ordonnance du plan primitif, qui comportait une église à trois nefs avec des chapelles latérales placées entre les ouvertures des piliers et atteignant dans leur profondeur l’axe des murs du transept. Ces chapelles n’ont pas été exécutées, et, sans doute, ne le seront jamais.

M. Richoud, vicaire général puis curé de Saint-Pothin.

Saint-Pothin demeure un monument de style grec, avec chapelles seulement aux deux extrémités du transept. Le 20 juin 1811, la première fut posée devant une assistance nombreuse, et la nouvelle église bénite, le 24 décembre 1843, par l’abbé Devienne, qu’avait délégué le cardinal de Bonald. La construction rapidement achevée n’avait coûté que 312.000 francs, chiffre qui montre avec quelle sévère économie on avait procédé. Les curés qui succédèrent à M. Devienne tinrent à l’honneur d’embellir la construction primitive. Il nous suffira de nommer MM. Boulachon, Metton, Aguiraud, pupier, Belmont et Richoud. C’est à M. Aguiraud que l’on doit le carillon si remarquable par la justesse et l’accord de ses quatre cloches, formant trois tons et un demi-ton. M. Belmont, aujourd’hui évêque de Clermont, disposa le rez-de-chaussée du clocher en sacristie et l’ex-sacristie du midi en parloir vitré ; il établit un étage à mi-hauteur des fenêtres de la sacristie, construisit un escalier en pierre, perça des portes d’entrée au bas de l’escalier et près de la chapelle Saint-Joseph. Quant à M. Richoud, il travailla surtout à des constructions intellectuelles et morales. Il voulut que la chaire chrétienne devint une école de théologie, de philosophie et d’apologétique à l’usage des gens du monde, et ses conférences furent des plus fréquentées. Il prenait soin d’inviter des prédicateurs de renom. Parmi ceux dont le nom est conservé au registre paroissial, il faut mentionner : en 1888, le P. Fontaine, Jésuite de la province de Paris, écrivain de talent, auteur de traités de rhétorique et d’ouvrages d’histoire et d’éloquence sacrée ; en 1891, l’abbé de Pascal, ancien Dominicain et professeur à l’Institut catholique de Paris, connu pour son apostolat social et populaire ; en 1894, le P Clavère, Dominicain, dont la prédication fut remarquable par la solidité de la doctrine. Le registre indique également que, longtemps auparavant, la chaire de Saint-Pothin avait vu le trop fameux Père Hyacinthe Loyson, alors religieux carme, devenu aujourd’hui ce que l’on sait.

Mentionnons enfin quelques-unes des œuvres nombreuses que les curés de Saint-Pothin, dont on a rappelé le nom, ont fait germer et fructifier : la confrérie du Saint-Sacrement, celle du Sacré-Cœur, l’œuvre du Saint-Sacrifice, la confrérie du Rosaire, le cercle catholique des Brotteaux, la persévérance des jeunes filles, l’œuvre de Sainte-Marthe et surtout le patronage des jeunes gens, fondé en 1870, par un homme de bien dont tout Lyon a connu et admiré le dévouement, M. Paul Giraud. C’était son œuvre de prédilection, celle à laquelle il consacra trente ans de sa vie. Ce patronage a vu passer des milliers d’enfants et de jeunes gens devenus aujourd’hui pères de famille, officiers, prêtres même : tous ont conservé le plus grand attachement pour cette œuvre, à qui ils doivent la persévérance de leur foi et de leurs pratiques chrétiennes.

Saint Paul, peinture de Couvert. (Église Saint-Pothin).

Dans l’église, que nous décrirons rapidement, l’autel majeur de marbre blanc est décoré d’un bas-relief : la Cène. Derrière l’autel se trouvent les orgues. Neuf lustres et deux grands candélabres encadrent l’autel et meublent le chœur. Au-dessus, s’élève une coupole éclairée par une rosace représentant le Saint-Esprit au milieu d’une gloire. Tout autour, dans une belle fresque, M. Couvert a peint la Sainte Vierge et les apôtres.

Le transept de droite renferme deux chapelles. La première est placée sous le vocable du Sacré-Cœur ; son autel est de marbre blanc et gris décoré d’un cœur en bas-relief et dominé par une statue du Sacré-Cœur. La seconde chapelle, située au fond du transept, est sous le vocable de Marie Consolatrice des affligés. Deux colonnes y supportent un entablement couronné d’un fronton ; l’autel de marbre blanc est surmonte d’une statue de la Mère de Dieu. Le transept de gauche ne contient que la chapelle Saint-Joseph, qui en occupe le fond. Au-dessus de l’autel de marbre, on a placé la statue du saint patriarche. Au fond de la petite nef de gauche, se trouve un grand tableau malheureusement mal éclairé.

La chaire de marbre blanc, avec escalier double, est ornée d’incrustations de couleur ; le dossier est décoré d’une belle colombe argentée aux ailes déployées. Le chemin de croix est remarquable. Les groupes taillés dans la pierre comprennent chacun six ou sept personnages en relief. Les transepts sont éclairés par deux verrières avec dessins géométriques ; les basses nefs chacune par quatre vitraux.