Histoire des églises et chapelles de Lyon/Charité

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H. Lardanchet (tome Ip. 109-118).

LA CHARITÉ


L yon, il est à peine besoin de le rappeler, a conservé une place d’élite parmi les villes qui tenaient à honneur d’hospitaliser largement les œuvres de bienfaisance, et l’histoire de l’église de la Charité moins connue que celle de l’hospice lui-même, mérite à cet égard une attention particulière, dans un travail comme celui-ci.

En 1531, la famine ravageait la province et faisait affluer à Lyon à un grand nombre de malheureux fuyant les campagnes environnantes qui ne pouvaient plus les nourrir. Les échevins, le clergé, les notables organisèrent des secours publics, réunirent assez de ressources pour posséder encore quelques centaines de livres, après avoir pourvu à tout, jusqu’à la cessation du fléau. Le souvenir des malheurs passés et la crainte de les revoir un jour, firent naître la pensée de créer un établissement permanent pour le soulagement des pauvres ; et le 18 janvier 1533, les organisateurs de l’œuvre de 1531, réunis au couvent des Cordeliers de Saint-Bonaventure, résolurent de consacrer à l’institution projetée les quelques fonds qui leur restaient en caisse. Ce fut le commencement de l’Aumône générale. Au début, l’œuvre se bornait à des distributions de secours à domicile ; elle recueillait les enfants légitimes abandonnés ou orphelins, plaçait les garçons au prieuré Saint-Martin de la Chana et les filles à l’hôpital Sainte-Catherine ; plus tard, elle se fit céder par les recteurs de l’Hôtel-Dieu, la jouissance de l’hôpital Saint-Laurent. Le bureau central de l’Aumône fut installé provisoirement dans des bâtiments voisins de 1 hôpital Sainte-Catherine qui devinrent l’hôtel du Parc.

À mesure que l’Aumône générale élargissait le champ de son action bienfaisante, les misères à soulager se multipliaient, et le zèle de ses recteurs, soutenu par la charité lyonnaise et le concours des autorités locales, entreprit la création d’un vaste hospice où l’œuvre pourrait établir son siège et grouper ses divers services. Des lettres patentes du roi Louis XIII, en date du H décembre 1614, autorisèrent l’Aumône générale à acquérir de vastes terrains, sur le bord du Rhône, dans le quartier de Bellecour. Un premier plan des bâtiments à élever fut présenté au bureau des recteurs, le 12 octobre 1616, par le père Martellange Jésuite, et remis par lui à l’un d’eux, Pierre Picquet, qui reçut mandat de l’accommoder et fut ensuite chargé de le mettre à exécution, en s’aidant des conseils de son premier auteur, après l’avoir soumis à messieurs les élus de l’Aumône générale, à l’archevêque, au gouverneur, aux chanoines comtes de Lyon et à messieurs du présidial. Le plan fut aussi exposé au Change, pour être vu du public ; il a été gravé par le sieur Roux, qui reçut pour ce travail 40 livres, et joint au règlement de 1628.

Les bâtiments projetés formaient un vaste quadrilatère avec des corps de logis limitant neuf cours dont une seule, celle du milieu, était entourée de constructions sur les quatre côtés ; les huit autres devaient présenter chacune un côté ouvert au soleil pour favoriser l’aération. Chaque corps de logis était longé sur une de ses faces, et à tous les étages, par un portique ouvert. L’église devait être édifiée à l’angle nord-ouest, orientée suivant l’usage. C’est bien, dans l’ensemble, la disposition actuelle des lieux, sauf que les quatre faces du périmètre ont été entourées de bâtiments qui forment une clôture continue autour des cours, dont un côté, suivant le plan primitif, devait rester ouvert. Quant au plan de l’église, il ne paraît pas résulter des procès-verbaux des séances du bureau, que le père Martellange y ait collaboré.

Le 3 décembre 1615, l’Aumône générale procédait, sur le terrain où devait être construit l’hôpital, à l’érection d’une grande croix bénie par l’archevêque Denis-Simon de Marquemont, et apportée processionnellement à travers la ville depuis l’hôpital Saint-Laurent, avec le concours des pauvres de cet établissement, des recteurs de l’Hôtel-Dieu et de l’Aumône, enfin d’une grande foule de peuple. Quelques jours après cette cérémonie, le 20 décembre 1615, eurent lieu l’inauguration et la bénédiction par l’archevêque, d’un oratoire ou chapelle provisoire élevée, sur ce même terrain, avant toutes autres constructions, sous le vocable de sainte Blandine et aux frais personnels des recteurs, sans aucune contribution des deniers de l’Aumône. À cette fin, M. de la Paye, chanoine comte de Lyon, donna la somme de 50 livres : le sieur Pinet, 18 livres ; le sieur Merin, 20 livres ; le sieur Bernico, 15 livres : le sieur Corsan, 30 livres ; le sieur du Coing, 15 livres ; le sieur Girinet, 10 livres et une aube garnie de pointes ; le sieur Picquet, 32 livres 10 sous ; le sieur Megret, 20 livres ; le sieur Greffet, 14 livres 10 sous ; le sieur Chapuys, 30 livres,
Plan ancien de la Charité.
deux nappes et deux serviettes pour l’autel ; le sieur de la Praye, 30 livres ; le président de Villars donna un tableau sur lequel était peinte une Charité ; le sieur Vanelle, une chasuble, des étoles, un manipule, un devant d’autel en velours vert ; le sieur Fradin, un calice et sa patène d’argent ; le sieur de Couleur, une cloche et ses accessoires. Un prêtre reçut la mission de desservir la chapelle Sainte-Blandine aux jours de dimanche et de fêtes solennelles, à raison de 30 livres par an, et commença son service le dimanche 17 janvier 1616.

De généreuses offrandes permirent de se mettre immédiatement à l’œuvre pour élever les bâtiments de l’hospice : divers bienfaiteurs prirent à leur charge, chacun la construction d’un corps de logis. Le 16 janvier 1617, M. Sève de Fromerite, conseiller du roi, président des trésoriers de France de la généralité de Lyon, procéda à la pose de la première pierre du bâtiment offert par lui « proche de la chapelle du cousté de bize ». Il y eut donc dès le début une chapelle provisoire, avant la construction de l’église actuelle fondée seulement le 8 décembre 1617. Les autres corps de logis, mis en travail successivement, furent offerts par le recteur Pierre Picquet, M. de Saint-André, trésorier de France, la corporation des marchands drapiers, Guillaume Charrier (6.000 livres) ; la colonie des Suisses et des Allemands résidant à Lyon (14.000 livres) ; les sieurs Pellot et Poculot ; l’imprimeur Horace Cardon ; le gouverneur de Neuville d Ilalincourt ; et un groupe de sept bourgeois lyonnais : André et Philippe Gueston, Jean-Baptiste Murard, André Ollier, Jean Dubois, Constance Murard et Jérôme Lentillon ; Jean Cléberg fut un des premiers et des plus généreux bienfaiteurs.

Deux dons, l’un de 5.000 livres de Mgr de Marquemont, archevêque, l’autre de 6.000 livres de MM. les chanoines comtes de Lyon furent affectés spécialement, suivant l’intention des donateurs, à l’érection de l’église, dont la première pierre fut posée le 8 décembre 1617, comme en fait foi le procès-verbal de la cérémonie rédigé en ces termes : « Le 8e jour du mois de décembre 1617, après midy, jour et fête Conception Notre-Dame, en conséquence des dons et charités qu’il a plu à monseigneur le révérendissime archevesque et messeigneurs les comtes chanoines et chapitre de l’église de Lyon faire pour l’édiffication de l’esglise, au bâtiment des pauvres enfermés, au lieu de Bellecour, après que les mesures ont été prinses et le priffaict passé aux massons pour la closture de ladicte esglise, convocation faite de monseigneur le gouverneur et de tous les corps de la ville, la première pierre des fondations de ladite esglise, a été mise par M. de Crémeaux, comte et précenteur de l’église de Lyon, et l’ung des sieurs recteurs de ladicte aulmosne ».

Mais si la première pierre de l’église de la Charité fut posée le 8 décembre 1617, en réalité la construction de l’édifice ne fut commencée qu’en 1620. On lit en effet dans le procès-verbal d’une des séances du bureau de l’Aumône de l’année 1620 qu’Antoine Picquet, ex-recteur, s’excuse pour ne pas s’être rendu au bureau, où il avait été mandé au sujet de la construction de l’église des pauvres enfermés « néanmoins a commencé et désire continuer ung nouveau desseing dudict basliment, qu’il fera voir dans peu de jours. » Le procès-verbal d’une séance suivante du bureau des recteurs mentionne la comparution d’Antoine Picquet « qui a rapporté un modèle et nouveau desseing pour l’esglise dudict bâtiment lequel a été présenté aux maistres maçons et charpentiers, à ces fins assemblés au bureau… et au surplus, ledict sieur Picquet a esté remercié par tout le corps de l’aulmosne et prié de continuer ».

Le 7 janvier 1621, les murs de l’église étant fondés, Antoine Picquet propose une modification au plan primitif, qui ne comportait d’abord qu’une seule nef de toute la largeur du bâtiment. Afin de n’avoir pas à construire une voûte d’une si grande portée, et aussi pour dissimuler l’irrégularité du plan du bâtiment qui est plus large du côté de l’autel que du côté de l’entrée (ce qu’il est facile de constater à la simple inspection des lieux), on décide que l’on construira des bas côtés, séparés de la grande nef par des arcades supportant galeries et tribunes. Le nouveau projet, avant d’être exécuté, est approuvé par l’archevêque et messieurs du chapitre Saint-Jean.

Mais les travaux commencés marchent lentement. Les ressources pour tant de dépenses sont insuffisantes. Le 6 mars 1622, les recteurs font une entente avec les entrepreneurs de la maçonnerie et de la pose des pierres de taille, leur payant un acompte de 800 livres et promettant d’en payer un autre semblable huit jours après Pâques, si, à cette époque le bâtiment est conduit jusqu’à la couverture. Vers le même temps une convention est passée avec Jacques Gentillâtre, maître architecte, pour l’exécution du plan du portail de l’église tel qu’il a été préparé par le sieur Picquet et approuvé par le bureau et les bienfaiteurs de l’œuvre, l’archevêque et messieurs du chapitre.

Au mois de juin 1622, le nouvel hospice est prêt à recevoir ses hôtes. Le lundi 20 juin, on procède au transport à l’hôpital Notre-Dame de la Charité, des pauvres de l’hôpital Saint-Laurent, construit par l’illustre famille de Gadagne, près du port Saint-Georges. On commence par les femmes, les filles et les petits enfants : beaucoup sont trop malades ou trop jeunes pour pouvoir marcher ; le transport se fait sur des bateaux qui descendent la Saône depuis la Quarantaine jusqu’au confluent et sont ensuite remorqués sur le Rhône pour atterrir en face du nouvel hôpital. On continue les jours suivants ; on déménage par la même voie le matériel hospitalier, et le vendredi 24 juin 1622, fête de saint Jean-Baptiste, le service divin est célébré, pour la première fois, dans l’église Notre-Dame de la Charité, par M. de Vennes, chanoine comte de Lyon. Les recteurs et les pauvres de l’hospice y font la communion, puis assistent à la bénédiction des divers corps de logis.

En 1627, le bureau des recteurs décide la construction de la sacristie avec une chambre au-dessus pour le logement du prêtre desservant la chapelle, de l’escalier qui met l’église en communication avec l’hospice, et d’un clocher provisoire « conforme et semblable à celui qui est en l’église du noviciat des Jésuites appelé Saint-Joseph », où l’on installe quatre cloches fournies par le fondeur Pierre Recordon. Le clocher actuel ne fut édifié que quarante ans plus tard en 1667 : cette année-là, il est payé à Alexandre Corbenslach, maître chaudronnier, la somme de 4.040 livres pour la croix de cuivre doré qu’il a faite pour le clocher de l’église de la Charité et à Nicolas Persin et Jean-Baptiste Tisseur, maîtres ferblantiers, 450 livres tournois pour l’œuvre de ferblanterie de la couverture du grand et du petit dôme du clocher, et 67 livres 4 sols pour fourniture de 192 feuilles de fer blanc employées pour la pose de la croix. D’après les comptes de 1666, le maître maçon Jacques Abraham dit la Liberté, construisit le clocher, dont le plan, au dire de Brossette, aurait été donné par le Bernin, de passage à Lyon, lors de son retour en Italie, d’où Louis XIV l’avait fait venir, en 1665, pour le consulter sur la restauration du Louvre.

Il est fait mention dans les comptes de l’hospice, en 1731, d’une somme de 1.000 livres payée à la veuve du statuaire Marc Chabry, à compte du prix des marbres fournis pour la balustrade du chœur de l’église et d’une somme de 450 livres payée au sculpteur Perrache pour dix vases de marbre blanc destinés à orner cette balustrade. D’autre part, en 1667, Bertrand Fargues, maître serrurier, reçoit la somme de 4.000 livres pour la confection des balustres et des portes de devant du grand autel et des chapelles latérales. Ce travail est qualifié « de grande importance ». S’agit-il des belles balustrades en marbre et des grilles en fer forgé qui séparent aujourd’hui le chœur et les chapelles latérales de la nef et des bas côtés ? Léon Charvet, dans son Histoire et description de l’hospice de la Charité, émet un doute à cet égard et pense que ces objets peuvent provenir, comme le maître-autel, semblable par le style et le marbre de couleur à la table de communion, de l’église des Carmes-Déchaussés de Lyon. On ne s’explique guère, en effet, comment les grilles en fer forgé du chœur et des chapelles latérales dateraient de 1667 et les marbres de la table de communion actuelle de 1731 seulement. Du reste, l’œuvre de serrurerie de Bertrand Fargues devait avoir une importance en rapport avec le prix de 4.000 livres qui lui fut payé : elle a sans doute disparu lors du pillage de l’église sous la révolution.

L’église de la Charité.

Au cours des travaux de construction de l’église de la Charité et après leur achèvement, de nombreuses libéralités affluèrent pour aider à en payer la dépense et pourvoir à la décoration intérieure du monument. Les premiers bienfaiteurs de l’église furent, comme il a été dit plus haut, le cardinal de Marquemont pour 6.000 livres, et les chanoines de Saint-Jean pour 6.000 livres ; en août 1622, les recteurs s’imposent volontairement d’une contribution individuelle de 300 livres pour hâter l’achèvement de l’œuvre ; en 1628, Louis Bouillet, trésorier des deniers de l’établissement, à sa sortie du rectorat, fait don de 3.000 livres tournois pour la décoration du maître-autel.

Le cardinal de Marquemont, archevêque de Lyon, mort à Rome le 16 septembre 1626, légua à l’église de la Charité une très riche chapelle contenant de nombreux objets du culte, des tableaux et autres objets d’art, dont le transport de Rome à Lyon coûta la somme de 332 livres, 18 sous et 6 deniers ; il légua également à la même église de précieuses reliques, notamment le corps de saint Jovain, qui furent transportées processionnellement de Saint-Jean à Notre-Dame de la Charité, le 14 novembre 1627. Dans le même temps, la dame Éléonore de Saint-Laurent, veuve de Jean-Baptiste Buisson, érigea un autel, à droite en entrant à l’église, avec ses ornements, donna un tableau sous le vocable de Notre-Dame des Vertus, et des balustres fermant la chapelle, dans laquelle ladite dame, décédée le 2 octobre 1629, fut ensevelie.

Comme la plupart des monuments religieux de la ville, l’église de la Charité a subi de graves dommages et fut pillée pendant la Révolution. Au commencement du siècle dernier, elle fut l’objet d’importantes restaurations : en tête de la liste des souscripteurs qui donnèrent de l’argent pour y pourvoir, figure Mme de La Barmondière pour 6.000 francs. Le bas-relief du tympan du portail, qui représente un pélican, symbole de la charité, date de 1838 ; un sujet semblable avait été sculpté à la même place en 1665 par un artiste lyonnais, Nicolas Lefebvre, qui reçut, pour ce travail, 50 livres. La chaire à prêcher en bois peint, en imitation de marbre, est du commencement du xixe siècle.

La Charité, bas-relief de Legendre-Héval. (Façade de la Charité.)

Parmi les cérémonies religieuses, célébrées en l’honneur des bienfaiteurs dans l’église de la Charité, la plus éclatante fut sans doute la pompe funèbre du maréchal duc de Villeroy, gouverneur de la province, bienfaiteur de l’hospice, qui eut lieu le 14 septembre 1730. La description en fut imprimée la même année, avec l’oraison funèbre prononcée par le père Renaud, Dominicain. Les frais du service s’élevèrent à la somme de 5.089 livres 8 sous.

L’église de la Charité n’offre rien à l’extérieur qui attire le regard, sauf le clocher assez pittoresque à l’angle de Bellecour ; la simplicité de l’édifice construit avec l’argent donné pour les pauvres convient à sa destination. À l’intérieur, on remarque surtout les bas-reliefs, les bustes et les inscriptions appliqués à ses parois, qui rappellent la mémoire de quelques-uns des généreux bienfaiteurs de l’hospice. Les monuments de ce genre qui, autrefois, ornaient en grand nombre nos églises, sont devenus rares depuis que la rage des démolisseurs s’est acharnée contre eux. Ceux de l’église de la Charité ont eu la bonne fortune d’y échapper. En voici l’énumération, en commençant à droite de l’entrée.

Le buste en marbre blanc de Jacques Moyron, dans un encadrement de marbre noir, appliqué au revers de la façade, rappelle le nom d’un Lyonnais, fils d’un pauvre tailleur de la paroisse Saint-Nizier, qui fut un avocat célèbre, devint possesseur de la seigneurie de Chavatrneux et de la baronnie de Saint-Trivier en Dombes, fut ensuite lieutenant général de la sénéchaussée, puis conseiller du roi ; il mourut sans postérité en juin 1656, âgé de 81 ans et choisit pour héritiers les pauvres de l’Aumône générale, aujourd’hui hospice de la Charité. Puis viennent les monuments de Marc Panissot, Jean-Baptiste Trimaud, Jean-Pierre Giraud, Mathieu Chabert, Françoise Reynon, décédés en 1737, 1750, 1762, 1763, 1775. L’épitaphe du cardinal Denis-Simon de Marquemont, archevêque de Lyon, mort en 1626, surmontée de ses armes, est la plus rapprochée de la chapelle de la Croix, où se trouve sa sépulture.

À l’entrée de la chapelle de la Sainte-Vierge se lit l’épitaphe du cardinal de Richelieu, archevêque de Lyon. Alphonse-Louis du Plessis de Richelieu, né à Paris en 1582, fils de François et de Suzanne de la Porte, frère du cardinal de Richelieu, ministre de Louis XIII. fut nommé évêque de Noyon, au décès de son oncle Jacques du Plessis, prit l’habit des Chartreux en 1602, fut nommé archevêque d’Aix en 1625, puis archevêque de Lyon en 1628 et grand aumônier de France en 1632. Il avait choisi sa sépulture dans l’église de la Charité par son testament du 20 mars 1653, en donnant pour cela six cents livres. Son épitaphe fut rédigée par l’abbé Gérente sauf la fin composée par lui-même où il dit quêtant né, ayant vécu et étant mort pauvre, il a voulu reposer auprès des pauvres. Le cardinal de Richelieu mourut en 1661 et fut enseveli sous les dalles de la chapelle de la Vierge. En 1891, on ouvrit le caveau et dans le cercueil de plomb presque intact on trouva la tête, les tibias des deux jambes et une pelletée ou deux de poussière.

Suivent les inscriptions de Claude de Chavaune, de l’abbé Antoine-Barthélémy de Lacroix de Laval, de Claudine Valette, de Simon Fornier, protestant converti, décédés en 1804, 1822, 1870, 1878. Enfin deux inscriptions placées dans la sacristie rappellent les noms de deux autres bienfaiteurs Antoine Dessartine et Claude Yon avec les dates de 1667 et 1686.

Il reste à signaler dans l’église de la Charité les superbes vitraux modernes sortis de l’atelier du maître verrier lyonnais, M. Lucien Bégule, qui décorent les baies des deux nefs latérales et la grande rosace de la façade. On y voit, peinte sur verre, l’histoire de la fondation et les développements successifs de l’hospice de la Charité. Voici la description de ces vitraux, en commençant par ceux du collatéral de droite.

I. — 19 mai 1531. — Plusieurs milliers de pauvres des provinces voisines à Lyon, sont nourris par la charité lyonnaise et abrités sous des cabanes dans le pré du monastère d’Ainay. « Ce qui fit que les provinces voisines pour se décharger d’une telle misère, remplirent quantité de bateaux de leurs pauvres affamés et les exposèrent à l’aventure sur les rivières du Rhosne et de la Saosne sans autre guide que la Providence divine, laquelle n’abandonna point cette misérable flotte el la fit aborder dans Lyon. À cette arrivée inopinée et à un si misérable spectacle, le peuple accourant sur les bords, on recogneut que c’étaient de pauvres affligés qui tendaient les mains, criant : nous mourons de faim, messieurs, secourez-nous. Les Lyonnais ayant pitié les receurent à bras ouverts ». — « On remarqua même que les petits enfants de la ville embrassaient les étrangers qui étaient de leurs âges, et, s’ils avaient du pain eu la main, ils leur donnaient comme si dès longtemps ils se fussent cogneus ; et les présentaient à leur père et mère et même les priaient de les recevoir à leur maison. »

II. — 23 janvier 1533. — Sur la proposition de Jean Broquin, l’Aumône générale est fondée à Lyon. Assemblée générale des corps de la ville et principaux notables au couvent des Cordeliers. Jean Broquin y propose de fonder, par des souscriptions volontaires, un établissement fixe pour le soulagement des pauvres, ce qui est accepté. Le reliquat ou solde en caisse, provenant des secours obtenus pour la famine de 1531 était de 396 l. 2 s. 7 d. Jean Cléberg fut le premier souscripteur.

III. — 3 décembre 1615. — Érection d’une grande croix sur l’emplacement de la Charité. Les recteurs de la Charité, autorisés par lettres royales du 11 décembre 1614, ayant acheté un emplacement sur le bord du Rhône, en prennent possession par l’érection solennelle d’une croix de bois qui est bénie par l’archevêque de Lyon, Denis-Simon de Marquemont.

La Sainte Trinité bénissant les bienfaiteurs. (D’après une miniature aux archives de la Charité).

IV. — 16 janvier 1617. — Pose de la première pierre des bâtiments de la Charité. Jean de Sève de Fromente, président des trésoriers de France à Lyon, offre, le premier, de bâtir, à ses frais, un corps de logis et en pose la première pierre portant cette inscription : Notre-Dame de la Charité. Dans le fond, on voit le pont du Rhône.

V. — 20 juin 1622. — Les pauvres sont transportés, par bateaux, de l’hôpital Saint-Laurent situé sur le bord de la Saône, à la Quarantaine, avec les meubles et les effets.

VI. — 25 avril 1639. — La Charité placée sous la protection de Notre-Dame de Fourvière. À partir de 1639, suivant délibération du bureau, l’Aumône générale se rendait chaque année, le mercredi après la quinzaine de Pâques, en procession à Fourvière « où étant arrivé on offrira sept cierges d’une livre pièce, à l’honneur des sept joyes de la très sainte Vierge ». Il y a vingt ans, on pouvait encore voir, dans les rues de la ville, le long défilé de cette procession à laquelle prenaient part les vieillards de l’hospice, les frères et les sœurs, les médecins et les chirurgiens de la Charité. Il se faisait aussi tous les ans, un dimanche, une autre procession, à laquelle tous les pauvres de la ville prenaient part, et dont le règlement de 1632 donne le détail et l’itinéraire.

VII. — 12 octobre 1651. — Messire Jacques Moyron, baron de Saint-Trivier en Dombes, fait son testament « écrit de sa main, en son domicile, à Lyon, avant midy » en faveur de l’Aumône générale.

VIII. — 26 mars 1699. — Le bureau de l’Aumône générale reçoit les sœurs Tenant, Simonde et Damour, cédées par l’Hôtel-Dieu, pour l’organisation des sœurs de la Charité.

IX. — 17 avril 1805. — Le pape Pie VII visite les pauvres de la Charité. On présenta une croix d’argent dans laquelle est enchâssé un morceau de la vraie croix, à Sa Sainteté, qui la baisa très respectueusement et accorda des indulgences plénières. Cette relique que la Charité possède encore avait été donnée par le Saint-Père, le 1er mai 1804, et apportée de Rome par M. Bonnevie, chanoine de la cathédrale.

X. — Fondation de l’hôpital maritime de Giens (Var). Les sœurs et les enfants malades de l’hospice de la Charité prennent possession de l’hôpital Renée Sabran.

XI. — Rosace centrale de la façade de la chapelle. — L’idée qui a inspiré la composition de cette verrière est de rappeler l’union constante, à travers les siècles, de l’Église et de la bourgeoisie de Lyon, dans le développement des œuvres d’assistance et de charité. Au centre, sur un trône, une figure allégorique, sous les traits d’une jeune femme, dans l’esprit de l’époque où la Charité fut construite, attire à elle un vieillard et un enfant qui représentent les pauvres spécialement secourus dans l’hospice. Sur un degré du trône, se lit l’inscription : « {{lang|la|texte=Caritas urget ». En avant repose le lion symbolique de la cité, et à côté un génie ailé déroule le plan général de l’hospice, dont le premier projet fut proposé au bureau des recteurs par le Jésuite Étienne Martellange.

À droite du groupe allégorique central, l’église de Lyon est représentée par trois figures dont deux très fidèlement historiques : celle du cardinal Alphonse de Richelieu, dont la sépulture est sous les dalles de la chapelle de la Sainte-Vierge, puis celle de l’archevêque Camille de Neuville : enfin un chanoine comte de Lyon, avec le camail de son ordre, complète les trois degrés supérieurs de la hiérarchie de l’église de Lyon et rappelle la générosité du chapitre de Saint-Jean, fondateur de la chapelle. À gauche du trône, un groupe de trois personnages symbolise le généreux concours de la bourgeoisie lyonnaise aux œuvres de l’hospice, depuis sa fondation jusqu’à nos jours : au premier plan, M. Joannès Fournet, ancien président du tribunal de commerce, dont la famille a été la donatrice principale du vitrail ; derrière Jean Cléberg, populaire par sa générosité et notamment par ses libéralités au profit de l’hospice de la Charité, qui s’élevèrent à huit mille quarante-cinq livres tournois, ou 70.000 francs de notre monnaie ; enfin le Consulat est représenté sur ce monument dédié à la charité lyonnaise, par un échevin revêtu du costume traditionnel.

Cette grande composition complète dignement la série de ces belles verrières peintes avec une merveilleuse connaissance des conditions et des ressources d’un art difficile, de façon à faire remarquer la correction du dessin, l’harmonie et l’éclat des couleurs, la sobriété d’un pinceau qui sait donner, avec peu de choses, l’impression de la réalité dans les scènes représentées et témoigne d’un souci scrupuleux de l’exactitude dans l’habillement des personnages, le style des accessoires et la reconstitution des vieux monuments lyonnais.