Histoire des églises et chapelles de Lyon/Grand Séminaire

La bibliothèque libre.
H. Lardanchet (tome Ip. 160-168).

GRAND SÉMINAIRE

Après une location de sept ans à l’hôtel Gondy, montée Saint-Barthélémy, le séminaire Saint-Irénée se transporta, sur la rive droite du Rhône, à l’angle de la Croix-Pâquet et de la côte Saint-Sébastien, le long du chemin conduisant du Griffon à la recluserie de Saint-Clair. L’immeuble fut acheté des héritiers de Guillaume Deschamps, par adjudication du 22 juin 1670, au prix de 45.500 livres. Maîtres et étudiants s’y trouvaient installés déjà depuis douze ou treize mois. L’établissement de cette institution, dont les avantages et la nécessité n’échappaient à personne, fut cependant long et laborieux, entravé par des difficultés dont on n’a pas encore pénétré la nature. M. d’Hurtevent, disciple cher à M. Olier, le fondateur de la Compagnie de Saint-Sulpice, y consacra tout ce que le zèle a de patience, la sainteté d’abnégation, l’éloquence de poids : il y mourut à la peine. Grâce à une somme importante, envoyée par M. de Bretonvilliers, supérieur général de Saint-Sulpice, et à une contribution à peu près égale de l’archevêque, Mgr de Neuville de Villeroy, on put entreprendre les bâtiments el en accommoder de suite une partie considérable ; le surplus fut repris en 1708, sous M. Rigoley, et, en 1741, sous M. de Vaugimois, supérieurs.

Plan du Séminaire de la Croix-Paquet.

La Croix-Paquet. — 2. Terrasse extérieure. — 3. Entrée. — 4. Galerie couverte. — 5. Chapelle. — 6. Pas-perdus. — 7. Cimetière. — 8. Marronniers. — 9. Cuisine. — 10. Salle et escalier. — 11. Salle d’oraison. — 12. Salle et escalier. — 13. Réfectoire. — 11. Lavoir et escalier. — 12. Partie réservée à l’archevêque. — 16. Allée supérieure. — 17. Terrasse intérieure. — 18. Grande salle avec vestibule. — 19. Escalier. — 20. Allée intérieure.
Les nos 9, 12, 13, 11, 18, construits par le supérieur Maillard 1678-1682 ; 17 et 19 en 1683 ; n° 15, sous M. Rigoley 1708-1709 ; nos 2, 3, sous M. de Vaugimois 1726-1727 ; nos 10, 11 sous le même 1710-1741.

Mais la chapelle demeura le bâtiment qu’on avait, — faute de mieux évidemment et avec plus ou moins de commodité, — adapté à cet usage sacré. Ce provisoire dura à peu près tel quel jusqu’en 1859 ; c’était une ancienne fonderie de canons, occupée par un sieur Emery qui mit quelque résistance à déloger. On y entra au printemps de 1672 et une des premières cérémonies, qui s’y accomplit, fut d’y déposer les restes vénérés de M. d’Hurtevent, pieusement endormi dans le Seigneur, le 30 décembre 1671.

La description du lieu manquerait d’intérêt. Nous savons que les dépenses d’appropriation montèrent à 4.972 livres. Il présentait la forme d’un rectangle allongé, avec un fond à pan coupé droit et une tribune ménagée au-dessus de l’entrée. Une porte donnait sur la rue ; surmontée d’un petit clocher, juste assez haut pour l’unique cloche qu’il contenait. Elle s’ouvrait à peu près à l’endroit des tourniquets du funiculaire de la Croix-Rousse et elle était orientée du midi au nord.

Un peu moins d’un siècle plus tard, M. Guichard, un directeur qui passa 40 ans à Saint-Irénée et en géra l’économat avec une habileté peu ordinaire, entreprit une réparation complète de l’édifice très délabré par le temps. De sa part, le projet fut hardi, un vrai coup d’audace, car Mgr de Montazet, archevêque, ne cachait pas des dispositions moins que tièdes à l’égard des Sulpiciens, et il recommandait sans cesse d’épargner des finances dont il prétendait disposer à son gré. Nous croyons que l’on se déroba à sa surveillance inquisitoriale pendant l’un de ses fréquents et longs séjours à Paris pour s’entendre avec M. Loyer, architecte, embaucher les ouvriers et les mettre en chantier.

Le Saint Sacrement fut transporté, le lendemain de l’octave de la Fête-Dieu 1763, dans la seconde salle du pavillon, désigné sous le nom de l’archevêché ; aussitôt on enleva toute la boiserie de l’église, les stalles qui n’étaient que de sapin pourri, la tribune et son escalier, le plafond en entier, composé de minces planchettes fusées. Le sol de la nef, plus bas que le chœur de cinq marches, fut relevé de quatre pieds ; toute la façade, donnant sur la place, fut plâtrée en stuc ; un perron de six marches posé, et deux grandes fenêtres, percées de chaque côté de l’entrée. La porte fui refaite à deux battants, en chêne, avec des motifs sculptés, ornée d’une ferrure magnifique et accompagnée d’un tambour de treize pieds de haut. Sur la façade on posa un fronton, surmonté d’une croix dorée de cinq pieds ; on regratta la statue de Saint-Irénée, qui en ornait la niche centrale. Au dedans, on procéda à un remaniement aussi complet, du pavé jusqu’à la voûte ; on revêtit les murs d’une boiserie, chargée de bas-reliefs et de rosaces ; dans le sanctuaire on employa le chêne. Dessart, sculpteur, multiplia les trophées et les guirlandes ; les stalles furent renouvelées, dans le chœur séparé de la nef par un grillage d’un beau travail ; elles étaient doubles, hautes et basses, et comprenaient 48 places de chaque côté.

Après avoir procédé à la réfection du couvert, tuiles et charpente, on exécuta la voûte carrée, en plâtre, avec des emblèmes aux bas-côtés, des panneaux et des bordures.

Le sanctuaire reçut un pavé de pierre blanche et noire, un autel de choin rouge, avec ses gradins et son tabernacle, orné de motifs en cuivre doré, et, par derrière, un grand crucifix dans un beau cadre, surmonté d’une gloire.

La piété de M. Guichard lui suggéra d’ériger une chapelle à saint Irénée, l’illustre docteur, second évêque de Lyon ; il y vit un double avantage : consacrer d’abord le culte du patron titulaire de la maison et introduire de la symétrie dans sa restauration, en donnant à la chapelle de la Vierge l’édicule correspondant qui lui manquait.

On pratiqua un enfoncement dans le mur de gauche que l’on ferma en cul-de-four, et, du haut en bas, sur les panneaux et les pilastres, on revêtit cette surface de mosaïques brillantes, exécutées par un ecclésiastique M. Bally, qui demanda 1.600 fr. pour salaire.

Des placards dans la sacristie, une cloche neuve, une grille de fer forgé de quatre pieds de haut et de plus de cinquante de long, entre le chœur et le sanctuaire, des vitres et des rideaux brochés aux fenêtres complétèrent une transformation dont tout le monde vanta le goût et l’opportunité. La dépense s’éleva à 63.636 livres ; l’économe et le supérieur, M. Denavit, se chargèrent de solder les entrepreneurs, sans que leur modestie consentît à avouer leur intervention personnelle aussi nécessaire que dissimulée.

La chapelle, qui était principalement à l’usage des jeunes aspirants au sacerdoce, admettait aussi, les dimanches et les fêtes solennelles, les fidèles du dehors ; on y faisait un catéchisme public, chaque semaine. Elle était ouverte et assignée comme station pour les principaux jubilés ; rarement, et seulement un peu avant 1789, on y conféra les saints ordres.

Chapelle du Grand Séminaire actuel.

Les supérieurs, dont la carrière s’acheva au séminaire, y reçurent la sépulture ; des pierres tombales marquaient l’endroit où reposaient MM. d’Hurtevent, Maillard, Higoley, de Vaugimois et Visse ; plusieurs professeurs, et notamment le savant M. Josse Le Clerc, y furent également enterrés. M. Charles Démia, ecclésiastique de haute vertu, fondateur des Petites Écoles et de la congrégation des sœurs Saint-Charles, demanda par testament qu’on y creusât sa fosse, aux pieds de M. d’Hurtevent, son confesseur et son ami.

Après le Concordat et l’organisation du diocèse par le cardinal Fesch, le séminaire fut rétabli dans son ancien local, mais les ressources n’étant pas proportionnées aux besoins, on dut attendre jusqu’en 1844 pour accommoder la chapelle. Transformée en corps de garde pendant la Révolution, affectée depuis à un dépôt de charpente, il avait été jusque-là impossible de la rendre à sa destination passée. Les Sulpiciens, qui étaient rentrés dès
Intérieur de la Chapelle du Grand Séminaire.

1796 et avaient repris les cours de théologie, commencèrent l’exécution du projet, sans en voir la fin ; dissous par un décret impérial, ils se dispersèrent après les fêtes de Noël de cette même année 1811. Leurs successeurs, prêtres séculiers diocésains, avaient à leur tête M. Gardette. Il eut la joie d’introduire la communauté dans la maison de Dieu, remise à neuf. Mais quoi qu’il tentât, il ne parvint pas à la transformer en un monument intéressant, elle s’enrichit cependant de quelques restes des boiseries de l’abbaye de Cluny, qui n’avaient pas toutes été employées dans le chœur de la Primatiale. Un don de 900 fr. de M. Courbon, vicaire général, permit des améliorations urgentes et l’achat d’un maître-autel en marbre blanc. En 1834, M. Groboz, chanoine et secrétaire général de l’archevêché, offrit des panneaux, merveilleux d’ornementation, qu’il avait achetés 5.000 fr. et qui provenaient de la cathédrale Saint-Maurice, de Vienne ; il avait eu l’intention de les adapter au chœur de Saint-Jean, mais comme ils étaient de style renaissance, l’architecte les refusa. Le séminaire Saint-Irénée en profita ; ils furent sa plus décorative parure, tant qu’il subsista au faubourg Saint-Clair.

Depuis deux siècles en effet que les générations cléricales abritaient dans ces murs leurs études et leur préparation au ministère sacré, la ruche avait résisté aux injures du temps, et la construction, du rez-de-chaussée au quatrième étage de ses mansardes, conservait sa solidité, mais tout autour, quelle métamorphose dans les habitations et les mœurs du quartier ! Autrefois l’enclos était environné par une ceinture de couvents silencieux : Feuillants, Ursulines, Oratoriens, Bernardines, Colinettes, étaient des voisins aussi exemplaires que peu turbulents. Depuis leur disparition, on avait abattu et percé leurs enclos, tracé de nouvelles rues, élevé d’immenses maisons qui interceptaient l’air et le jour. Ce coin, l’un des plus frais de l’ancien Lyon, avait été transformé en une espèce de cirque en contre bas, humide, sombre et découvert.

Vierge-Mère, par Bonnassieux (au Grand Séminaire).

Un déplacement, par raison de morale et d’hygiène, s’imposait à court délai ; on commença à en délibérer sous l’administration de Mgr de Pins, qui avait ramené à Saint-Irénée, Messieurs de Saint-Sulpice ; on visita plusieurs propriétés, on enquêta, on désira l’École vétérinaire ; on ouvrit des pourparlers avec le propriétaire de la Sara, on acheta même dans ce dessein de vastes jardins maraîchers, situés le long du chemin qui conduit de l’église Saint-Pierre de Vaise au cimetière de Loyasse ; une ordonnance royale du 9 octobre 1825 intervint pour légaliser le contrat et on demanda des plans à M. Chenavard. L’affaire cependant n’alla pas plus loin ; on objecta que la situation n’était peut-être pas très salubre et que la distance de ce point à la cathédrale causerait plus d’un embarras. Sur les indications d’un aimable et pieux chanoine M. Combe, on découvrit beaucoup mieux sur le coteau de Saint-Just, près de la Croix de Colle, à l’ombre de Notre-Dame de Fourvière. Là, derrière la rangée des premières maisons qui bordent le côté est de la place des Minimes et amorcent le Gourguillon à la rue des Farges, à l’endroit dit les Bains Romains, successivement occupé par un monastère d’Ursulines et une maison de santé, on trouvait un emplacement assez vaste, facilement dégageable des masures qui l’encombraient, soustrait à des proximités indiscrètes et ouvrant sur un des plus magnifiques panoramas de la chaîne des Alpes.

Il n’entre pas dans le sujet de celle notice de raconter en détail l’histoire de la construction nouvelle, une des œuvres les plus importantes, pour ne pas dire la plus importante, du long épiscopal de Mgr Maurice de Bonald. Il sera utile toutefois d’en rappeler les principales dates, afin de guider le lecteur jusqu’au jour de l’inauguration de la chapelle qui en couronna l’achèvement.

Ce fut au cours d’une de ses visites à Saint-Irénée qu’on entretint M. Carrière, délégué du supérieur général de Saint-Sulpice, de l’emplacement préféré ; il monta l’examiner le 26 juillet 1843 ; un mois après, paraît-il, l’acquisition des Bains romains était réalisée ; on poursuivit les négociations pour étendre le périmètre et reculer des abords gênants. Les directeurs agissaient encore en leur nom privé ; toutes leurs instances auprès des pouvoirs publics échouaient et toutes les combinaisons qu’ils proposaient, soit à la ville, soit au gouvernement, pour la vente de l’immeuble de la Croix-Paquet et la constitution du capital nécessaire à l’entreprise projetée, rencontraient d’invincibles retards.

Un décret de Napoléon III, signé le 8 janvier 1854, régla que les fonds nécessaires seraient avancés par le trésor public et que l’ancienne maison deviendrait purement et simplement bien de l’État. M. Tony Desjardins, architecte diocésain, préféré à M. Chenavard, ouvrit les premières tranchées au printemps de 1855.

La pose et la bénédiction de la première pierre furent célébrées au milieu d’une grande pompe, le samedi 14 juillet ; le cardinal la scella de ses mains ; il était entouré de ses vicaires généraux, de la plupart des curés de la ville ; le supérieur de la maison était alors M. Louis Duplay ; les directeurs se nommaient MM. Denavit, Wavrin, Vincent, Sergeot, Thibault, Durieu et Ferry. Par ses fonctions de procureur, M. Durieu était appelé à prendre dans cette œuvre une part considérable ; son dévouement et sa peine ne sauraient être oubliés.

L’édifice reçut ses hôtes à la rentrée de l’année scolaire 1839, la veille de la Toussaint ; l’État avait supporté une dépense atteignant en chiffres ronds dix-sept cent mille francs. Cependant, malgré le total élevé des crédits alloués, il avait été impossible de s’occuper immédiatement de la chapelle ; la salle des exercices était destinée à la remplacer jusqu’à la venue de ressources providentielles ; on se réduisait au provisoire comme jadis dans la fondation primitive du xviie siècle. Heureusement, on en sortit plus vite. Au cours de la retraite pastorale de 1862, l’archevêque et son clergé se concertèrent à ce sujet et résolurent d’ouvrir une souscription. Elle fut annoncée par une lettre pastorale du 18 novembre, et son Éminence s’inscrivit le premier pour une somme de 12.000 francs ; la collecte, dans le diocèse, rendit près de 60.000 francs. Il n’y a qu’édification à révéler que les dons personnels du cardinal archevêque de Lyon atteignirent la somme de 72.000 francs. Entre les autres, deux offrandes sont à mentionner, elles vinrent d’Amérique et partaient de cœurs lyonnais : Mgr Odin, archevêque de la Nouvelle-Orléans, élève de Saint-Irénée, envoya 800 francs, et Mgr Dubuis, évêque du Texas, s’engagea pour 1.500 honoraires de messes à dire.

Après une décision favorable de M. Baroche, ministre de la justice et des cultes, accordée le 19 août 1863, on creusa les fondations sur le prolongement de l’aile nord, dans l’axe du levant au couchant. À l’issue de la retraite pastorale, qui fut close le 7 octobre, on procéda solennellement à la bénédiction de la première pierre et on pria le prédicateur, Mgr Chalandon, archevêque d’Aix, lyonnais de naissance, de remplir cette fonction liturgique. Mais les premiers fonds, bientôt absorbés, quoique Mgr de Bonald eut renouvelé six fois au moins son premier don, obligèrent de suspendre la construction après la campagne d’été de 1864. Vainement on alla jusqu’au cabinet du ministre présenter une demande d’allocation nouvelle ; une pétition remise à l’empereur, lors de son passage en 1865, eut le même sort ; il parut bien que le gouvernement avait irrévocablement décidé qu’il n’interviendrait plus. À quelle bourse avoir recours ? On sollicita de Rome une faveur pour laquelle il existait des précédents, permettant sans appauvrir personne de constituer des revenus courants, jusqu’à la couverture des dépenses occasionnées par l’achèvement de la bâtisse. La perception de cette contribution, approuvée par un bref de Pie IX, ne demandait de la part des curés qu’un peu de bonne volonté ; aucun d’eux n la refusa. Voici sur quoi elle reposait. Chaque curé est tenu par sa charge d’âmes de célébrer la messe pour ses fidèles tous les dimanches et fêtes d’obligation, sans qu’il ait la liberté, ces jours-là, de substituer une intention privée à l’intention paroissiale et de toucher un honoraire. Depuis le Concordat, on s’en tenait en France à la lettre précise de la loi et on considérait l’obligation, comme étant seulement imposée les cinquante-deux dimanches et les quatre fêtes chômées. La congrégation des Rites décréta que cette interprétation n’était pas licite, et elle rétablit la célébration du Saint Sacrifice pro populo aux anciennes fêtes supprimées, dont le nombre varie de 27 à 30 annuellement.
Mgr  Dufêtre, évêque de Nevers. (Élève du Grand Séminaire).
Le pape, dans sa souveraine bienveillance, accorda la suspension temporaire de ce décret, pour une période de dix ans, avec clause que la taxe de la messe rétribuée serait intégralement versée à Saint-Irénée. En possession de ce rescrit, on reprit les travaux et le temple fut prêt à être livré au culte pendant les vacances de 1867. On choisit, en novembre, le dimanche anniversaire de la Dédicace des églises de France pour en solenniser la consécration. Le cardinal de Bonald, malgré son grand âge et ses fatigues, vint la présider ; il fut assisté de Mgr de Charbonel, de l’ordre des Capucins, ancien évêque de Toronto, jadis, avant de passer aux États-Unis, professeur et économe du séminaire de 1826 à 1833.

Les chants de la grand’messe furent pour la première fois exécutés en faux-bourdon. Peu à peu ce qui manquait à l’ornementation et à la décoration prit la place qui lui avait été préparée, sans rien introduire dans les détails qui changeât l’ensemble et ses harmonieuses lignes. Nous citerons les grandes orgues, composées de quatorze jeux, des facteurs Merklin et Cie, inaugurées le 19 septembre 1869 ; un tabernacle portatif, belle œuvre d’orfèvrerie d’Armand-Caillat, chargé d’émaux et de pierreries ; le cancel autour du maître-autel et les lustres en bronze doré ; les boiseries sorties des ateliers de MM. Bernard et Perrin ; la statue de la Mère de Dieu, bénite par le cardinal Caverot le 21 novembre 1878, réplique par l’artiste lui-même de l’œuvre que possède Notre-Dame de Feurs, une des plus touchantes productions du ciseau si chrétien de Bonnassieux, don de M. Captier, directeur de Saint-Irénée, plus tard procureur de sa Compagnie à Rome et successeur de M. Icard dans la supériorité générale ; les peintures décoratives, exécutées par M. Tolet, avec un coloris brillant ; enfin l’installation de la lumière électrique.

Sans passer en compte la plus grande partie de l’ornementation, provenant de libéralités privées, ledépenses, véifiées au ministère des Cultes, en octobre 1873, se sont élevées à 253.039 fr. 41 ; les recettes, souscriptions et honoraires de messes, étaient montées à 203.372 fr. 71. L’État consentit à solder la différence, sous le ministère de M. Jules Simon et après une demande de Mgr Ginoulhiac : il versa la somme de 49.666 fr. 70. M. Fourton, ministre des Cultes, successeur de M. Jules Simon, en prévînt l’archevêque par une lettre du 29 novembre 1873.

Telle qu’elle se présente dans son achèvement et avec les embellissements qu’elle doit à ses bienfaiteurs, l’œuvre de l’éminent architecte du séminaire satisfait l’œil par son aspect monumental, l’harmonie de ses proportions, la pureté de ses lignes sévères, en même temps que d’une façon commode elle se prête aux usages liturgiques et au déploiement des pompeuses cérémonies du culte, fréquentes dans la communauté irénéenne.

Elle accuse le style roman du xiie siècle : une nef principale, sans transept, flanquée d’étroits collatéraux et une abside, entourée de cinq absidioles rayonnantes, formant autant de petites chapelles, en constituent le plan développé. La nef est divisée en deux parties d’inégale grandeur : l’une se compose de trois travées, que des contreforts saillants et droits jusqu’à la voûte accusent et séparent, que de hautes fenêtres cintrées échurent de chaque côté, et l’autre, plus large que les précédentes, remplit la quatrième travée, ornée d’une rosace à six lobes et portant un triforium dont l’élégance se dessine dans la courbure de ses lignes et la richesse de ses colonnettes. Cinq autres fenêtres sont percées dans autant de baies de l’abside et, à l’étage inférieur, la galerie du pourtour se continue avec ses ouvertures correspondantes qui brisent avantageusement la surface plane du sanctuaire.

Tout serait à admirer, tout serait à louer, sans restriction, dans le plan et l’exécution de l’édifice, si le visiteur, en pénétrant du dehors au dedans, n’éprouvait comme de l’étonnement et une certaine déception de ne pas apercevoir ce qu’il avait soupçonné exister d’après l’aspect extérieur. Les murailles de la grande nef forment masse compacte et isolent tout le reste de la chapelle, sans qu’on puisse en deviner la présence, l’utilité et l’harmonie : les collatéraux passent au rang de couloirs et les autels rayonnants sont dérobés à la vue. Peut-être la commodité a-t-elle imposé cette ordonnance : il me semble qu’elle n’est pas très heureuse.

Il paraît qu’avant sa mort, M. Tony Desjardins avait préparé une monographie complète de son œuvre de prédilection : notes, dessins, photographies, graphiques de Saint-Irénée étaient prêts à être remis à l’éditeur : il est vivement à désirer que l’héritier de ses talents professionnels et de son nom, M. Desjardins fils, ne renonce point à ce projet et publie les études paternelles, qui oserait prévoir à quels usages ces bâtiments et cette chapelle seront affectés dans quelques années, quelles transformations ils auront subies ? Qu’ils demeurent au moins, dans un beau livre, tels qu’ils furent conçus, tels qu’ils furent réalisés par le labeur, le talent et la charité.

Il faut espérer aussi qu’un ouvrage historique complet et détaillé redira en détail les gloires des deux séminaires successifs, rappellera la biographie des personnages illustres qui en sont sortis à toute époque, tels le cardinal Donnet, les évêques Debelay, Cœur, Dufêtre, Loras, Lyonnet, les vicaires généraux Courbon, Lajout et une multitude d’autres, l’honneur et la gloire du diocèse.