Histoire des églises et chapelles de Lyon/Notre-Dame-Saint-Louis

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H. Lardanchet (tome Ip. 242-247).

NOTRE-DAME-SAINT-LOUIS

La paroisse Notre-Dame-Saint-Louis ou Notre-Dame de la Guillotière est l’héritière de très anciennes églises qui desservaient le vaste territoire qu’occupent aujourd’hui les populeux quartiers de la Guillotière et des Brotteaux. Cette région s’appelait, au moyen-âge, mandement de Béchevelin, et s’étendait du Grand-Camp au Moulin-à-Vent et de Bron au Rhône. Il avait été prélevé sur le domaine des Allobroges et attribué, comme indemnité, aux colons Viennois réfugiés à Lugdunum. Aussi le Dauphiné réclama-t-il souvent Béchevelin pour sien. En 1725 seulement, un arrêt confirma deux sentences de 1479 et du 9 mars 1701, annexant le mandement à la ville de Lyon. Au spirituel Béchevelin, du diocèse de Lyon, appartint à l’archiprêtré de Meyzieu, jusqu’au xviiie siècle, où il fut réuni à celui des suburbes, dont le sacristain de Saint-Nizier était l’archiprêtré.

Au moyen-âge, la Guillotière dépendait de l’abbaye d’Ainay, et ses églises étaient, pour la plupart, des succursales de Saint-Michel, paroisse de cette abbaye.

Aussi haut qu’on puisse remonter dans l’histoire, ou trouve le mandement partagé entre deux églises paroissiales, celle de Chaussagne ou la Chesnaie, et celle de Béchevelin, Béche-en-velain ou Béchivelain ; la première située sur la route de Lyon en Italie par Bourgoin et le mont Genèvre, la seconde sur le compendium ou chemin abrégé de Lyon à Vienne.

La paroisse de Béchevelin remplaça, au moyen âge, l’église de Champagneu, aujourd’hui hospice Saint-Jean-de-Dieu ; celle-ci était trop loin du gros de la population, qu’un château fort construit à la fin du xiie siècle, à la tête du pont, avait attiré plus près du Rhône. Une cause semblable, l’établissement du pont de la Guillotière, au débouché duquel se portèrent les habitations, fit déserter complètement la paroisse de Chaussagne. Dès lors, toute la partie septentrionale du mandement manquant de secours spirituels, on la rattacha à la paroisse de Villeurbanne. Les choses en étaient là, quand, en 1562, les Protestants privèrent la Guillotière de paroisse, en détruisant l’église de Béchevelin. On sait qu’ils se rendirent maîtres de la ville, le 28 avril, par une surprise, à laquelle aida du reste la trahison. Notre faubourg, dispersé le long de la grande rue que devaient suivre les Huguenots, fut le premier exposé à leur fureur ; ces bandes sacrilèges n’épargnèrent rien ; elles ne se contentèrent pas de détruire l’église de Béchevelin, elles mutilèrent celle de la Madeleine et anéantirent, c’est le mot, celle de Chaussagne ou la Chesnaie, dont l’emplacement semble être la chapelle Saint-Alban à Monplaisir.

Intérieur de Notre-Dame-Saint-Louis

Un an après, Lyon se débarrassait des Vandales, prétendus réformateurs, et s’employait avec ardeur à relever ses sanctuaires. Ainsi naquirent de nouvelles paroisses : le vent de la tempête sème souvent le bon grain. On sait que le vocable Notre-Dame-de-Grâces se répandit beaucoup chez nous après les destructions des Protestants. On baptisa de ce nom la nouvelle église paroissiale érigée au faubourg de la Guillotière, à la bifurcation de la rue de Crémieu et de la route de Grenoble, le long d’un cimetière dont le sol est maintenant occupé par la place de la Croix. On ne possède plus l’acte de fondation de cette église que Steyert ne croit pas antérieur au règne de Henri IV.

De même que l’archevêque Renaud de Forez avait préparé la prospérité de Béchevelin, ainsi Camille de Neuville reconstitua religieusement la Guillotière, si éprouvée. Par son ordonnance du 7 janvier 1678, il sépara tout à fait la paroisse de la Guillotière de celle de Villeurbanne ; donna à la première l’annexe de la Madeleine, 230 âmes, qu’il enleva à celle de Saint-Michel d’Ainay, dont elle était l’annexe trop éloignée ; fit jeter bas la vieille église de la Madeleine qui menaçait ruine et autorisa les habitants à construire sur son emplacement une chapelle, où les grands Augustins, croit-on, célébraient la messe aussi régulièrement que dans leur propre église, aujourd’hui Notre-Dame Intérieur de Notre-Dame-Saint-Louis.

Saint-Louis-Saint-Vincent. Quoiqu’il en soit, cette chapelle exista jusqu’à la fin du siècle dernier, comme simple chapelle de cimetière. Quant à la paroisse, que le vocable de Grâces distinguait seul de l’église de Villeurbanne, dédiée aussi à Notre-Dame, elle était, selon l’usage du temps, entourée d’un cimetière qui occupait remplacement de la place de la Croix, jusqu’à la rue de la Vierge-Blanche, ainsi nommée d’une grande statue qui dominait les tombes des enfants. Le cimetière survécut : en 1820, on y enterrait encore les morts dont les familles possédaient des tombeaux.

Notre-Dame-de-Grâces, construite à la hâte, ne sut résister qu’à l’effort d’un siècle à peine. Il fallut songer à un troisième édifice, et, en l’attendant, installer quelque part le service paroissial. Depuis longtemps, on guettait la chapelle des Pères du Tiers-Ordre de Saint-François, dits religieux Picpus ou Tiercelains, élevée sur un terrain qu’avaient donné à ces religieux le duc et la duchesse de Mayenne, et qui avait fait partie de la succession du maréchal de Trivulce.

Les Picpus ne consentirent point à se laisser évincer ni même à partager. Par la même ordonnance du 7 janvier 1578 citée plus haut, l’archevêque Camille de Neuville transféra provisoirement le service paroissial dans une chapelle voisine, qui était à l’usage des Pénitents du Confalon de la Guillotière, sur l’emplacement qu’occupait autrefois la maison du sieur Forest, au numéro 199 de la grande rue de la Guillotière, maison qui se trouvait au sud de la place de la Croix et n’existe plus aujourd’hui. En 1698, Mgr de Saint-Georges perdant patience, pressa vivement les pères Franciscains de Picpus. Il leur remontra que, vu leur nombre sans cesse décroissant, il y aurait avantage à ce que le service paroissial se fit chez eux, sinon par eux : à quoi ils répondirent par un refus catégorique, et encore insistèrent-ils pour que la nouvelle église, si nouvelle église il y avait, fut construite loin de leur chapelle, dans le bourg du côté de la ville. De plus, ils citaient complaisamment toutes les chapelles situées sur le territoire de Notre-Dame-de-Grâces, propres à devenir, l’une ou l’autre, une très convenable église paroissiale : Saint-Lazare, l’hôpital des Passants, la Madeleine.

L’administration diocésaine se résigna à des essais de construction qui durèrent vingt-cinq ans ; enfin un habile prélat, Mgr de Rochebonne, obtint une transaction : le service paroissial fut transporté, en 1739, dans une salle basse du couvent où il resta jusqu’en 1790. L’édifice était situé rue de Provence, aujourd’hui rue de l’Hospice-des-Meillards. Steyert pense qu’on avait conservé l’ancien clocher de Notre-Dame-de-Grâces sur la place du marché, ou qu’on y avait élevé une simple arcade pour soutenir une cloche. Les traces de ce clocher, au témoignage de Crépet, se voyaient encore en 1826, lors du transfert du cimetière au chemin de Vénissieux. On prétend que la maison qui porte les numéros 131 et 133 de la grande rue de la Guillotière a été construite des démolitions de l’église, ou du moins du clocher de Notre-Dame-de-Grâces, et l’on croit voir encore dans la façade des débris de sculptures. Après le jubilé de 1825, le cimetière fut désaffecté, et la grande croix, tout en laissant son nom à l’ancienne place du marché, fut transportée à l’un des angles de la route d’Heyrieu.

Le 7 mai 1790, les Tertiaires franciscains comparurent par devant la municipalité de la Guillotière. Ils n’étaient plus que neuf, pères et frères, dans leur vaste couvent ; ils le quittèrent moyennant une pension viagère, et se dispersèrent le 8 mai 1791. Dès le 13 mars, une déclaration du district de Lyon accordait au curé de Notre-Dame-de-Grâces l’église des ci-devant religieux Picpus, ainsi que la sacristie et le chœur qui se trouve derrière le sanctuaire ; un autre arrêté mettait à la disposition du curé toutes les chapelles situées sur la paroisse et nécessaires au culte ; enfin le transfert du service paroissial dans la chapelle abandonnée s’opéra, le 20 mars, en vertu d’une ancienne permission octroyée par le vicaire général Navarre, on le fit avec solennité ; on y vit la municipalité en corps, les notables, la garde nationale, une foule nombreuse. Le curé Midor avait d’abord prêté serment à la constitution civile du clergé ; plus tard il se rétracta, et fut remplacé par M. Menu, de Sury-le-Comtal, ancien vicaire de Vaise, qui disparut dans la tourmente. Le couvent fut vendu au citoyen Janvier, qui y établit une fabrique d’acides, tandis que la chapelle servait de grenier à foin.

Vierge de Fabisch (À Notre-Dame-Saint-Louis)

Outré de la résistance opposée par Lyon aux armées de la République, Dubois-Crancé et les représentants du peuple décidèrent de changer l’antique nom de notre cité en celui tout à fait ridicule de Commune-Affranchie ; d’enlever au département du Rhône-et-Loire le territoire de la Loire et d’en faire un département distinct avec Feurs pour chef-lieu ; de donner à l’Isère la commune de la Guillotière et de séparer celle de Cuire de la Croix-Rousse pour la relier à Caluire. La chapelle passa alors entre les mains de Michel Creuzet qui la revendit plus tard à la commune de la Guillotière, non sans avoir fait une donation d’importance pour la paroisse et la cure : la rue Creuzet conserve encore aujourd’hui le nom de ce généreux bienfaiteur. En 1802, M. Midor rentra dans son église, et, le 25 mars 1803, fit reconnaître la cure comme de première classe ; enfin, un décret de Napoléon, daté de Schœnbrun, le 15 octobre 1805, assurait à la commune de la Guillotière le logement du curé et des vicaires dans les bâtiments de l’ancien couvent. La nouvelle paroisse gardant son nom ancien de Notre-Dame, y ajouta, pour ne rien négliger du passé, celui de Saint-Louis, titulaire de la chapelle franciscaine, et ce double titre de Notre-Dame-Saint-Louis lui a été reconnu par décision du cardinal de Ronald, le 14 mars 1860. De nos jours encore, saint Louis est en quelque sorte le patron populaire de l’église ; il a donné son nom à tout le quartier.

Au xixe siècle, la Guillotière a doublé la population de Lyon, et les quartiers de la rive gauche se sont couverts d’églises, postérité spirituelle et temporelle de l’ex-chapelle des Picpus. Il suffira de rappeler des noms et des dates : Saint-Pothin, fondé le 21 juillet 1826 ; Saint-Maurice, à Montplaisir, le 3 juillet 1843 ; Saint-André, le 15 juillet 1846 ; l’Immaculée-Conception, le 1er décembre 1855 ; la Rédemption, le 25 avril 1837 ; Saint-Vincent-de-Paul, le 5 février 1839 ; Sainte-Anne-du-Sacré-Cœur, le 28 juillet 1860 ; Saint-Joseph, le 4 juillet 1873 ; Sainte-Marie-des-Anges, en 1873 ; Notre-Dame-de-Bon-Secours, à Montchat, en 1874 ; le Très-Saint-Sacrement, le 18 octobre 1873 ; Notre-Dame-de-Bellecombe, le 23 mars 1899 ; en tout douze rejetons qui forment une large et belle couronne de jeunesse au vieux tronc assailli par les vents contraires des siècles.

« Il n’y a guère à décrire, dans Notre-Dame-Saint-Louis, notre église ; — dit le père de l’Étoile, l’un des derniers religieux franciscains, — elle n’a pas plus de soixante pieds d’étendue et la plus grande de ses deux chapelles dix-huit. » Sur la place dite des Pères, où se trouvait la bascule, on accédait à Saint-Louis par une porte latérale ; on pénétrait dans trois chapelles, celle de saint Jean-Baptiste, avec fonts baptismaux, celle de la Madeleine et celle de la Sainte-Vierge. Une autre chapelle, avec une porte dans le clocher, avait été convertie en sacristie ; au bas du même clocher se trouvait la mairie qui y demeura jusqu’en 1838. La porte de la façade était à deux battants, décorée d’un fronton, et surmontée de deux fenêtres rectangulaires au-dessus desquelles s’ouvrait une petite rosace ; la grande nef était basse et toute unie. On montait dans la chaire par un escalier percé dans la muraille, de sorte que le prédicateur paraissait toujours à l’improviste. Le 23 septembre 1707, l’évêque de Damas, suffragant de l’archevêque de Lyon, avait consacré le maître-autel et y avait renfermé les reliques des saints Irénée, Laurent et Georges, martyrs : il ne reste plus actuellement de l’ancienne chapelle que ce maître-autel, et, au dehors, que le bas du clocher avec le perron. En 1829, M. Neyrat, quatrième curé, acheva le clocher et y plaça quatre belles cloches.

En 1844, la Guillotière, devenant chef-lieu de canton, il fallait à cette population très accrue, une église moins disproportionnée. Le curé Noailly se mit à l’œuvre, aidé du maire Bernard, qui était protestant, et de l’architecte Crépet. Le 6 mars 1842, le cardinal de Bonald bénissait la première pierre ; on commença par la construction de la nef Saint-Louis, qui servit au culte pendant qu’on élevait la grande nef ; enfin l’ancienne chapelle, complètement transformée, devint l’église qu’on voit aujourd’hui, simple mais pure de style, et remarquable surtout par l’élévation et la hardiesse des voûtes. Ce fut Mgr Plantier, évêque de Nîmes, dont le père habitait la paroisse, qui consacra l’église, le surlendemain même de son sacre, 20 novembre 1855.

La façade de Saint-Louis est d’un aspect assez froid. On l’a pourtant ornée de quatre statues représentant les évangélistes. À l’intérieur, le regard se porte instinctivement vers l’abside. Là, dans la coupole, au-dessus du maître-autel de marbre, se trouve une belle fresque : le Christ assis entre deux anges en adoration. Au-dessous, six agneaux, représentant les fidèles de l’église, adorent le monogramme du Christ.

À l’entrée du transept de droite, se voit une statue du Sacré-Cœur. Tout à côté, s’ouvre la chapelle Saint-Louis, roi de France. L’autel de marbre blanc est orné d’une mosaïque bleue et or, et d’un cœur surmonté d’une croix et entouré de lis. Au-dessus de l’autel, un tableau récent, peint à Paris, représente saint Louis en prière ; c’est un don de M. Louis Guérin, banquier, habitant la paroisse en été. Au transept de gauche, on a placé une statue de saint Joseph, et tout près de là se voit la chapelle Notre-Dame, dont l’autel de marbre blanc est décoré d’une mosaïque bleue et or, et surmonté d’une statue de marbre : Notre-Dame-de-Grâces, un des chefs-d’œuvre du sculpteur Fabisch. Contre le premier pilier, une statue de Notre-Dame des Sept-Douleurs.

Bénitier du xie siècle (À Notre-Dame-Saint-Louis).

L’abside est éclairée par trois vitraux : la sainte Vierge entre sainte Madeleine et saint Louis. Les verrières de la grande nef se composent de dessins géométriques, et au fond, dans une rosace, on voit : l’Assomption. Dans la basse nef de droite, les quatre vitraux se rapportent à la vie de saint Louis ; ils ont été dessinés par Louis Guy (1824-1888), peintre et aquafortiste lyonnais ; ils se composent chacun de trois scènes. En voici la description. Dans le premier : 1° son couronnement ; 2° il porte la sainte couronne d’épines ; 3° son entrée dans le tiers-ordre de Saint-François. Deuxième verrière : 1° malade, il fait vœu de se croiser ; 2° il part pour la croisade ; 3° en échange de l’apostasie on lui promet la couronne de sultan. Troisième vitrail : 1° il favorise la religion ; 2° il est l’arbitre des grands ; 3° il accueille les pauvres et rend la justice sous le chêne de Vincennes. Quatrième verrière : 1° il porte la sainte couronne ; 2° il s’embarque pour la deuxième croisade ; 3° sa mort.

Dans la basse nef de gauche, quatre vitraux se rapportent à la sainte Vierge. Le premier représente : 1° sa Naissance ; 2° sa Présentation au temple ; 3° son Mariage. Le deuxième rappelle : 1° son Annonciation ; 2° la Visitation ; 3° la Présentation de Jésus. Le troisième : 1° Jésus rencontrant sa Mère ; 2° Marie au pied de la Croix ; 3° la Descente de croix. Le quatrième : 1° les apôtres ouvrant le tombeau de la Vierge ; 2° son Assomption ; 3° son Couronnement. Le cinquième vitrail représente de bas en haut l’échelle de Jacob et de nouveau le couronnement de Marie au ciel.

L’église possède quatre toiles qu’il importe de rappeler. 1° l’une représente M. Neyrat, curé de Saint-Louis, plantant la croix de mission en 1818, sur la place de la Croix, et vouant sa paroisse à la sainte Vierge ; 2° et 3° au bas de la grande nef, une Ascension et une Assomption de la même main, mais sans valeur ; 4° près de l’entrée de la nef gauche, une sainte Madeleine mal éclairée.