Histoire des églises et chapelles de Lyon/Notre-Dame d’Afrique

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H. Lardanchet (vol. IIp. 246-248).

RELIGIEUSES NOTRE-DAME D’AFRIQUE

Le premier postulat de la congrégation Notre-Dame d’Afrique fui établi à Lyon. Il est nécessaire ici de rappeler quelques dates et quelques faits de la vie du fondateur de ces religieuses, prélat qui tint, au xixe siècle, une place si importante dans l’histoire de l’Église de France : le cardinal Lavigerie.

Charles-Martial-Allemand Lavigerie naquit à Bayonne (Basses-Pyrénées), le 31 octobre 1825. En 1840, il fut élève du séminaire Saint-Nicolas, à Paris, dont l’abbé Dupanloup était supérieur. Il y passa trois brillantes années au bout desquelles il entra au séminaire de philosophie d’Issy, puis à Saint-Sulpice. Ordonné sous-diacre par Mgr Affre, en décembre 1846, et diacre par Mgr Sibour, en décembre 1848, il reçut le sacerdoce le 2 juin 1849. Successivement chapelain de Sainte-Geneviève, professeur d’histoire ecclésiastique à la Sorbonne, directeur de l’œuvre des écoles d’Orient, il était mûr pour l’épiscopat : le 22 mars 1863, il était sacré, à Rome, évêque de Nancy. Il ne demeura que quatre ans dans cette ville, et fut élevé à la dignité d’archevêque d’Algérie 12 mars 1867. Il ne devait plus quitter notre grande colonie africaine, à laquelle il consacra désormais ses forces et sa vie entière. Le Saint-Siège avait sur lui des vues encore plus élevées : c’est ainsi que, le 28 juin 1881, il fut créé administrateur apostolique provisoire de Tunisie, en remplacement de Mgr Suter, démissionnaire ; enfin, le 27 mars 1882, il reçut le chapeau de cardinal.

On connaît les œuvres du grand prélat, et en particulier, la fondation des missionnaires appelés Pères blancs, chargés de l’évangélisation des régions centrales de l’Afrique.

Ce qu’on sait moins, c’est que le cardinal réalisa un projet qui lui tenait à cœur : la création d’une communauté de religieuses chargées d’aider les missionnaires dans leur apostolat. Voici dans quelles circonstances. Il y avait à peine six mois que l’évêque avait pris possession du siège d’Alger quand éclata, dans son diocèse, une affreuse famine à laquelle se joignit le typhus. C’est ce qui conduisit le prélat à fonder deux vastes orphelinats pour recueillir 1.800 orphelins arabes ; celui des garçons fut établi k Maison-Carrée, celui des filles à Saint-Charles de Kouba. Ce fut pour moraliser ces jeunes enfants et leur donner les principes de la religion chrétienne, que l’archevêque fonda, en 1868, la Société des missionnaires d’Alger, puis, en 1869, la Congrégation des Sœurs missionnaires d’Afrique pour les petites filles.

Huit bretonnes furent les premières pierres vivantes de cet édifice. Pour les former à la vie religieuse, on fit venir de Nancy quelques sœurs Saint-Charles. Bientôt la congrégation grandit : dix, vingt, trente sœurs se trouvèrent réunies pour se dévouer aux orphelines. Lorqu’arriva le moment de songer à l’avenir des orphelines, on les maria avec les orphelins de Maison-Carrée, ce qui facilita l’établissement de villages d’Arabes chrétiens. La première paroisse s’appela du nom de saint Cyprien et vingt ménages chrétiens y établirent domicile en 1873. Dès lors une nouvelle période s’ouvrit pour la Congrégation des Sœurs Notre-Dame d’Afrique et quelques-unes allèrent s’établir dans le village Saint-Cyprien pour continuer leur rôle d’éducatrices. Lorsqu’un hôpital devint nécessaire pour soigner les malades, les incurables, les vieillards et les infirmes, on le créa, en 1876, sous le nom d’hôpital Sainte-Élisabeth. Les sœurs missionnaires y prodiguèrent leur dévouement au point que, lors de la famine de 1893, cet établissement hospitalisa 1.313 malades.

En 1878, Mgr Lavigerie comprenant la nécessité de fonder des missions dans les hautes régions de la Kabylie, y envoya les sœurs pour ouvrir des écoles. Enfin, en 1882, après sa nomination comme administrateur apostolique de Tunisie, il établit à La Marsa, une maison de refuge pour les filles abandonnées ou égarées.

Pour répondre aux besoins des nouvelles fondations le prélat avait créé, en 1887, deux postulats en Europe. Il établit lui-même le premier à Lyon, puis se rendit en Hollande et choisit Maëstricht pour la seconde maison de probation. Le postulat de Lyon fut transféré à Paris en 1891 et rétabli à Lyon en 1893 ; enfin, en 1890, une troisième maison fut établie à Milhau dans l’Aveyron, et une procure à Marseille en 1898.

La congrégation comptait, en 1892, trois maisons en Tunisie, trois en Kabylie et trois dans la plaine du Chéliff ; elle avait, outre la maison mère et l’orphelinat Saint-Charles, plusieurs autres établissements sur le littoral. Après la mort du cardinal Lavigerie, son champ d’action s’étendit encore plus loin ; des sœurs partirent pour Biskra, pour Ghardaïa ; en outre, de nombreux hôpitaux furent fondés : celui de Sainte-Eugénie à Beni-Menguellath, 1894 ; de Saint-Augustin dans le massif entre Batna et Tebessa, 1895 ; celui de Biskra, 1896 ; de Ghardaïa ; l’hôpital Saint-André dans la province d’Oran, en 1899.

De plus, à partir de 1899, les sœurs furent envoyées dans les vicariats apostoliques de l’Afrique centrale, de l’Ounyanyembé, 7 juin 1894 ; du Tanganika et du Haut-Congo, 12 août 1894 ; du Nyanza septentrional en 1899 ; enfin en 1897, les sœurs missionnaires partirent pour le Soudan. En 1893, la congrégation comptait 16 résidences et environ 200 sujets.

La chapelle des sœurs missionnaires d’Afrique qui était établie à Lyon, chemin des Artichauts, était un modeste établissement. Elle était spécialement consacrée aux saints de l’Afrique. Au fond, contre le mur, au-dessus de l’autel était la statue de Notre-Dame, la première patronne de l’Institut ; à droite et à gauche de l’autel, les statues de saint Cyprien et de saint Augustin ; sur l’un des côtés, enfui, celle de saint Louis, roi de France. Les religieuses vénéraient tout spécialement ce grand roi, car c’est auprès de son tombeau qu’est désormais établi, à Carthage, dans une très vaste maison élevée par les soins du cardinal, le noviciat de la congrégation.