Histoire des églises et chapelles de Lyon/Religieuses du Sacré-Cœur

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H. Lardanchet (vol. IIp. 226-233).

RELIGIEUSES DU SACRÉ-CŒUR

Pour retracer l’histoire delà congrégation du Sacré-Cœur, il faudrait reprendre, presque en entier, l’histoire religieuse de la France au xixe siècle, tellement ont été nombreuses, dans notre pays, les maisons fondées par les éminentes supérieures qui ont successivement dirigé l’institut, et tellement a été considérable leur influence éducatrice sur la société féminine contemporaine. Les Pères Jésuites ont puissamment aidé au développement de cette congrégation établie par l’un d’eux, et dont ils ont justement gardé la haute direction. Avant d’aborder l’histoire des trois maisons du Sacré-Cœur à Lyon, il importe de retracer, à grands traits, la biographie de la fondatrice de ce puissant institut.

Madeleine-Louise-Sophie Barat naquit à la fin de 1779, dans la petite ville de Joigny en Bourgogne, de parents vignerons. Sous la direction de son frère, l’abbé Louis Barat, elle apprit le latin, le grec, plusieurs langues vivantes et les sciences naturelles, et tout cela, tout en s’occupant des travaux domestiques.

En 1792, sa sœur Marie-Louise s’étant mariée, Madeleine en prit occasion pour déclarer qu’elle voulait entrer au couvent. Emmenée à Paris par son frère, elle en reçut les premiers éléments de la vie religieuse. Quelque temps après, en juillet 1800, elle lit la connaissance du P. Varin, Jésuite, et après avoir uni leur bonne volonté et leurs efforts, Sophie Barat et le digne religieux jetèrent les premiers fondements de la société des dames du Sacré-Cœur. Le 21 novembre est regardé dans l’institut comme la date de la fondation.

Un an après, le P. Varin et Mme Barat créèrent un pensionnat à Amiens ; ce fut la première maison de la congrégation. Le 7 juin 1802, Sophie Barat, et une de ses compagnes, Mme Deshayes, firent profession dans la chapelle de Mme de Rumilly ; lorsqu’elle fui nommée supérieure de la communauté, le 21 décembre, Sophie n’avait que vingt-trois ans.

Dieu, qui voulait l’élever à un haut degré de sainteté, éprouva Mme Barat par la maladie et les ennuis de toutes sortes ; mais, fidèle à la grâce, elle supporta courageusement ces épreuves, et soutenue par les conseils de l’éminent Jésuite, elle développa rapidement sa communauté, malgré la perte causée par quelques-unes de ses compagnes qui retournèrent dans le monde.

L’esprit de l’institut, tel que l’avait conçu ses fondateurs, était la vie apostolique de saint Ignace, vivifiée par l’amour enflammé de sainte Thérèse ; en outre, pour maintenir l’unité d’esprit et de cœur entre les maisons de la société naissante, Mme Barat ne cessait de les visiter. Ces voyages, loin de distraire la supérieure de la vie religieuse, furent au contraire pour elle une suite d’occasions de progresser dans les sentiers ardus du dépouillement, parce que des nouvelles affligeantes lui venaient sans cesse, soit de sa famille naturelle, soit de l’institut ; elle goûta parfois cependant des consolations, lorsque, par exemple, elle eut le bonheur de voir le pape Pie YII à Grenoble, et de recevoir sa bénédiction et ses encouragements.

Le Sacré-Cœur n’avait pas encore jusque-là de constitutions écrites et arrêtées. L’évêque d’Amiens avait nommé M. l’abbé de Saint-Estève aumônier du couvent de cette ville. À la tête de la maison se trouvait Mme Baudemont, ancienne Clarisse, esprit dominateur, qui, lors de l’élection de la mère générale, avait failli la supplanter dans cette charge. En communion d’idées avec M. de Saint-Estève, elle signait volontiers ses lettres du titre de supérieure des dames de l’Instruction chrétienne, dont M. de Saint-Estève se croyait le fondateur. Erappés de l’irrégularité de cette conduite, le P. Varin et Mme Barat voulurent donner à la société des constitutions. Dans ce dessein ils s’associèrent quelques amis sages et éclairés ; la collaboration de M. de Saint-Estève lui-même fut acceptée, mais ce ne fut pas sans inconvénient, car ce prêtre, directeur de la maison mère d’une société dont il se laissait volontiers appeler fondateur, voulut en être le législateur ; aussi changeant le nom de Sacré-Cœur en celui d’Apostolines, il écrivit des constitutions, mélange des règles de saint Basile et de sainte Claire.

À la chute de l’empire, M. de Saint-Estève obtint du gouvernement un emploi de secrétaire d’ambassade près du Saint-Siège. Dès qu’il fut arrivé à Rome, son premier soin fut de voir le pape ; s’intitulant toujours fondateur de la société, il obtint une approbation temporaire des constitutions qu’il avait rédigées. Mme Barat, profondément affligée, se soumit, et pria le Sacré-Cœur de défendre sa propre cause. Mgr de Pressigny, ambassadeur du roi, la rassura, et, quelque temps, après, M. de Saint-Estève, blâmé par ses supérieurs, dut quitter la Ville Éternelle, rentrer en France, et abandonner sa fondation à des destinées précaires.

L’heure était venue de publier les sages règlements que Mme Barat, de concert avec le P. Varin et le P. Druilhet, avait rédigés en grand secret, pour ne pas jeter la désunion dans la communauté naissante. Le 1er novembre 1805, elle convoqua à Paris les supérieures locales et leur soumit son projet, dont voici les principaux points. Le but de l’institut est de glorifier le Sacré-Cœur, de travailler au salut et à la perfection de ses membres, enfin à la sanctification du prochain par l’éducation et l’instruction des enfants ; la communauté comprend les sœurs de chœur et les coadjutrices, toutes liées par les trois vœux de religion.

Le 13 décembre 1805, la fondatrice prenait possession, à Grenoble, d’un ancien couvent de Visitandines, et y installait le noviciat. Le règlement avait prévu que lorsque la communauté aurait plusieurs maisons, on devrait procéder à l’élection d’une supérieure générale. Le 18 janvier 1806, la nomination eut lieu à Amiens, et la mère liarat fut acclamée supérieure générale des dames du Sacré-Cœur. Ce fut un motif de plus pour elle de se jeter dans les bras de la Providence, lui demander assistance et lumière, et solliciter de Dieu les vertus de douceur et de fermeté nécessaires à ceux qui sont appelés à diriger. Le Sacré-Cœur de Poitiers naquit de cet acte d’abandon et de foi. L’ancien couvent des Feuillants avait été racheté après la Révolution par Mme  Chobelet pour s’y dévouer à l’éducation de la jeunesse ; n’y réussissant pas, cette personne et ses compagnes se donnèrent à Mme  Barat ; celle-ci y installa un noviciat, qui ne tarda pas à recevoir des postulantes venues des pays environnants.

C’est à Poitiers que la digne supérieure apprit une nouvelle qui l’affligea profondément : Napoléon venait de supprimer la congrégation des Pères de la Foi, anciens Jésuites, sous prétexte d’attaches royalistes ; le P. Varin, qui en faisait partie, dut se rendre à Besançon, son diocèse d’origine. Cette épreuve n’empêcha pas l’essor de l’institut du Sacré-Cœur, puisque, peu de temps après, Mme  Barat fonda la maison de Niort, sur les instances des vicaires généraux de Poitiers.

Toutefois un institut appelé à s’étendre au loin avait besoin d’un supérieur ecclésiastique pour le préserver de l’ingérence parfois abusive des évêques, en attendant l’approbation définitive des règles par Rome. Mme  Barat pria Mgr Alexandre de Talleyrand-Périgord, archevêque de Reims, de prendre le titre de supérieur général, ce qu’il accepta volontiers. De plus le conseil, réuni à l’occasion de l’examen des constitutions provisoires, nomma les assistantes et les conseillères générales. Toutes les maisons de l’institut acceptèrent les règles nouvelles et il n’y eut désormais plus qu’un cœur et qu’une âme ; aussi à partir de ce moment, une ère nouvelle commença-t-elle pour la société qui couvrit de ses fondations les cinq parties du monde.

Au conseil général, on avait résolu, pour obtenir plus d’unité de direction, de n’avoir qu’un noviciat qui fut placé à Paris. Le 17 janvier 1817, Mgr Dubourg, évêque de la Nouvelle-Orléans, étant venu voir Mme  Barat, la décida à fonder une maison dans son diocèse : Mme  Duchesne, une des premières compagnes de la supérieure, fut chargée de conduire en Amérique la petite colonie du Sacré-Cœur. Le départ des sœurs n arrêta pas le cours des fondations en France. Après Chambéry, Lyon eut la bonne fortune de recevoir un essaim des dames du Sacré-Cœur ; il se fixa à la Ferrandière, paroisse de Villeurbanne, presqu’aux portes de Lyon. Le pensionnat qu’on y installa ouvrit ses portes au printemps de 1819. Vers cette même époque, Mgr d’Aviau obtenait de Mme  Barat un établissement à Bordeaux. Ces fondations créaient beaucoup de soucis à la mère générale, mais son amour de Dieu lui faisait supporter avec courage les fatigues, les contrariétés et les ennuis qui résultent de semblables entreprises.

Chapelle du Sacré-Cœur dite des Anglais.

Un des buts que se proposait la société du Sacré-Cœur était l’éducation et l’instruction de la jeunesse. Jusqu’en 1820, la formation religieuse des membres de la communauté avait absorbé tous les soins de Mme  Barat ; le moment était venu de mettre la dernière main à l’œuvre des pensionnats. Dans ce but, la mère générale convoqua à Paris, le 15 août 1820, les supérieures des maisons de l’institut. Toutes, à des degrés divers et à des titres différents, étaient propres à cet ouvrage. Les unes, comme Mme  de Charbonnel, avaient recueilli, dans leur enfance, les traditions des familles françaises, si chrétiennes dans la simplicité de leur vie de province ; d’autres, comme Mme  de Grammont d’Aster, avaient connu successivement la noblesse de cour et celle de l’émigration. Les mères Geoffray et Desmarquet étaient mieux douées pour les jeunes filles de la classe moyenne. Les pauvres et les orphelines n’avaient cessé d’être la prédilection et l’occupation de Mme  Lalanne. En présence du P. Varin, et sous la présidence de M. l’abbé Perreau, délégué du supérieur général de la société, le conseil tint séance et acheva la constitution des maisons d’éducation. Le siège de la société fut, à cette époque, transporté à l’hôtel Biron qu’on venait d’acheter.

Dans le même temps, les princes de la maison de France honoraient le Sacré-Cœur d’une bienveillante protection. La chapelle du pensionnat de l’hôtel Biron ayant été construite en 1823, toute la famille royale, Louis XVIII le premier, voulut contribuer à sa décoration. Ces honneurs toutefois n’empêchèrent pas Mme  Barat de surveiller particulièrement l’éducation et l’instruction religieuse des pensionnaires.

La congrégation n’avait pas encore été approuvée par l’autorité ecclésiastique ; à la suite de démarches, l’institut reçut d’abord un bref laudatif, puis, le 22 décembre 1826, le pape Léon XII approuvait définitivement l’institut ; Charles X, quelques mois plus tard, rendait à son tour une ordonnance, reconnaissant l’existence légale de la société. Cette même année vit la fondation de Lille et une seconde à Lyon. Dans cette dernière ville, Mme  la comtesse de La Barmondière, excellente chrétienne, qui avait donné asile aux prêtres fidèles pendant la Révolution, offrit son hôtel de la rue Boissac pour y établir un pensionnat destiné aux jeunes filles de la noblesse. Mme  Barat accepta et plaça à la tête la mère Geoffray.

L’année suivante, sur la demande de Léon XII, Charles X céda le couvent et l’église de la Trinité-des-Monts, à Rome, aux dames du Sacré-Cœur pour y établir un pensionnat. L’année 1829 vit les fondations de Perpignan et d’Avignon, suivant de près celles du Mans, d’Autun, de Besançon, de Turin, de Metz et de Bordeaux. C’est aux époques les plus troublées qu’éclatent les plus fortes vertus : la révolution de 1830 dispersa la communauté de Paris ; Mme  Barat se réfugia au Montet, en Suisse, et une députation de la Ferrandière vint l’y rejoindre. Ce n’était pourtant pas la sécurité complète : la population était montée contre les Français, qui avaient tué les Suisses aux côtés du roi ; aussi la petite colonie vivait-elle retirée et ne faisait-elle que de rares promenades à travers la montagne dans le but de prier dans les modestes églises du pays.

Le radicalisme suisse demandait, sous l’impulsion de la France, la réforme de la constitution politique des cantons pour persécuter l’Église et chasser les religieux. Pour parer à toute éventualité, l’évêque de Fribourg engagea la communauté à s’assurer un refuge en Italie ou en Savoie. Mme  Barat, souffrante d’un mal au pied, dut se rendre à Chambéry où son mal s’aggrava. Elle endura patiemment ses souffrances, les appliquant à l’amélioration des idées religieuses dans sa patrie. Dieu accepta le sacrifice de sa généreuse servante : le calme se fît dans les esprits, la Suisse se pacifia, et Mme  Barat put retourner à Paris.

Peu après, le 21 octobre 1831, elle fondait la maison d’Annonay. Depuis quelques années, il existait à Lyon, sous le nom d’enfants de Marie, une association d’anciennes élèves du Sacré-Cœur, dirigée par Mme  Lhuillier, supérieure du pensionnat de la rue Boissac. Mme  Barat approuva cette œuvre et y joignit, comme complément naturel, celle des retraites pour les dames du monde. Chaque année, un prédicateur donnait, dans les maisons de l’institut, une retraite aux enfants de Marie et aux dames qui voulaient suivre ces exercices spirituels.

Le choléra ayant fait son apparition à Paris, la mère générale, pour exciter à la ferveur ses religieuses et pour attirer la protection du Sacré-Cœur sur la maison mère, recueillit douze orphelines dont les parents avaient été victimes du fléau ; elles furent élevées aux frais de la communauté.

Dans une visite que Mme Barat fit dans le Midi, elle fonda un établissement à Aix, et, poursuivant sa route, se rendit à Turin où le pied dont elle souffrait toujours, fut, dit-on, miraculeusement guéri ; enfin, à Rome, où, le 25 octobre 1832, elle fonda le noviciat de Sainte-Rufine. Le 3 juin suivant, après une audience du pape Grégoire XVI, elle reprenait le chemin de la France. De retour à Paris, elle assembla le Conseil pour le tenir au courant des progrès de l’institut. Mme Barat termina l’année par la visite des maisons et par les fondations de Charleville et de Marseille.

Tant de courses avaient brisé les forces physiques de l’apôtre, une fièvre intense retint Mme Barat pendant trois mois à la Ferrandière. À peine guérie, elle reprit ses voyages et fonda les maisons de Nantes, de Tours, de Pignerol et de la Villa-Santa à Rome. Durant son séjour dans cette ville, elle eut la douleur de perdre plusieurs religieuses atteintes du choléra : ce fut pour elle l’occasion de montrer sa résignation en cherchant, disait-elle, à imiter la conduite du saint homme Job.

L’institut du Sacré-Cœur subit une grave crise lorsque le Conseil voulut, en 1839, faire quelques transformations dans les statuts de la Communauté et transférer à Rome le siège de son gouvernement. La douceur de Mme Barat, qui était opposée à ces changements, calma les esprits. Dans le but d’atténuer des innovations qui n’avaient été admises que provisoirement, elle résolut de réunir le Conseil à Lyon, sur l’avis du cardinal Lambruschini, mais Mgr Affre, archevêque de Paris, prévenu contre le Sacré-Cœur, qualifia d’irrégulière toute réunion du Conseil en dehors de la maison mère. Vingt-deux évêques adhérèrent à ce réquisitoire, et tout semblait se liguer contre la supérieure générale. Dans sa détresse, elle demanda aux conseillères de se mettre en prières. Ce fut dans la maison dite des Anglais, à Lyon, don de Mme de La Barmondière, que la retraite commença. Dieu sembla sourd aux prières de la communauté, car le cardinal-archevêque de Lyon, Mgr de Bonald, craignant des difficultés avec le gouvernement, engagea le Conseil à se dissoudre, bien que Mme Barat eût reçu de Rome une réponse favorable à ses desseins. Elle se rendit à Autun où l’attendait une nouvelle foudroyante. M. Martin, ministre des cultes, instruit par Mgr Affre, menaça de disperser la Congrégation, si elle approuvait les nouvelles constitutions qui transportaient à Rome le siège de la société. L’archevêque de Paris envoya un mémoire au Pape, le priant de conjurer la ruine du Sacré-Cœur ; Mgr Matthieu, archevêque de Besançon et ami de Mme Barat, fut délégué à ce sujet auprès du Saint-Père. La commission cardinalice, réunie dans ce but, déclara que la Société devait être gouvernée selon les anciennes constitutions et le pape approuva la décision.

Cette crise n’avait pas arrêté le zèle de Mme Barat : les États-Unis, le Canada, l’Angleterre, l’Irlande, l’Italie recevaient des essaims de la congrégation du Sacré-Cœur. Durant ces longs voyages, la bonté et la générosité de la supérieure eurent l’occasion de se produire bien souvent. Son conducteur en Italie disait naïvement en la quittant : « Voilà une sainte comme je les avais rêvées ; je veux aller en paradis, si l’on y est avec du bon monde comme cela. » La persécution faillit arrêter la prospérité croissante de la Société, lorsqu’on ferma les maisons de Suisse, de Piémont et de Rome. Mais la bourrasque de 1818 ne fut que momentanée et les fondations reprirent leur cours.

Pour rendre plus facile le gouvernement de l’institut. Mme Barat sollicita de Pie IX des modifications aux Constitutions. Dans ce but, elle convoqua le conseil de l’Ordre qui se réunit à la Ferrandière et promulgua les modifications approuvées par le pape, enfin organisa la répartition des soixante-cinq maisons de la société en dix vicairies dont huit pour l’Europe et deux pour l’Amérique. L’œuvre de Mme Barat était achevée : son corps affaibli par la maladie et la vieillesse, son âme ornée des plus belles vertus religieuses, étaient mûrs pour le ciel. Le jour de l’Ascension, 25 mai 1865, elle s’éleignit à Paris à l’âge de quatre-vingt-cinq ans, dont soixante-deux passés dans la vie religieuse. Par un décret du 5 juillet 1879, le pape Léon XIII l’a déclarée vénérable et la cérémonie de béatification a eu lieu en mai 1908.

D’une notice inédite sur l’institut du Sacré-Cœur, nous extrayons les lignes suivantes qui en retracent le caractère actuel et donnent quelques détails statistiques. « Cette congrégation, approuvée par les souverains pontifes Léon XII et Grégoire XVI, compte 134 maisons, 3.576 religieuses de chœur, 2.606 sœurs coadjutrices. Le but de la société est essentiellement apostolique : donner l’instruction à la jeunesse des classes élevées et moyennes ; la former à la vie chrétienne, et, pour atteindre cette fin, développer l’intelligence par l’étude des lettres, des sciences, des arts d’agrément et des travaux convenables à la position des jeunes filles. L’œuvre des retraites est une de celles qu’embrasse la société ; des écoles sont ouvertes pour les enfants pauvres ; des ouvroirs reçoivent les jeunes filles qui désirent se perfectionner dans la coulure ou la broderie. Différentes congrégations et associations réunissent à jour fixe les personnes désireuses de s’entretenir ou de se perfectionner dans la pratique de la vertu : 1° celle des enfants de Marie pour les jeunes filles et les dames de la société ; 2° les consolatrices de Marie, congrégation destinée aux jeunes ouvrières ; 3° les congréganistes de Sainte-Anne pour les femmes du peuple ; 4° quelques autres associations propres à différentes maisons : œuvre des petits ramoneurs, petits amis du Cœur de Jésus, catéchisme de persévérance, etc. ; des classes de normalistes et des écoles de paroisse, surtout en Angleterre et en Amérique. La société du Sacré-Cœur est gouvernée par une supérieure générale résidant à Paris, siège du conseil administratif. »

La principale maison du Sacré-Cœur dans notre région fut la Ferrandière. Placée sur la commune de Villeurbanne, aux portes de Lyon, ce couvent était installé dans une immense propriété autrefois en pleine campagne, aujourd’hui en pleine ville, car on sait qu’il n’y a aucune solution de continuité entre les maisons des villes de Lyon et celles de Villeurbanne, si bien que celle dernière cité sera sans doute avant peu annexée à la première. On comprend dès lors l’importance qui s’attachait à cet établissement. On a vu que Mme Baral avait songé un moment à transporter à la Ferrandière le gouvernement général de l’institut ; le projet n’aboutit pas, mais la maison fut depuis lors considérée comme une des plus importantes de la congrégation. La Société du Sacré-Cœur possédait, il y a peu d’années encore, deux résidences dans le diocèse de Lyon, un pensionnat aux Anglais et un externat rue Boissac. La maison dite des Anglais était située à Lyon, quartier des Massues, paroisse du Point-du-Jour ; elle fut fondée, en 1827, par Mme Thérèse de La Barmondière qui y constitua un certain nombre de bourses attribuées à des jeunes filles nobles. Le nombre des pensionnaires était de 85 vers 1900. Les religieuses annexèrent plus tard à leur pensionnat une école gratuite pour les enfants de la paroisse Notre-Dame du Point-du-Jour. Depuis les lois scolaires récentes, elles mirent à développer cette école un zèle qui mérite des éloges, et leurs classes étaient fréquentées par la presque totalité des enfants de la paroisse. Au moment du départ pour l’exil, la communauté des Anglais se composait de vingt-sept religieuses de chœur et de vingt-quatre sœurs coadjutrices, soit cinquante et une religieuses. La maison des Anglais a depuis été louée par l’école libre préparatoire à l’école des Mines de Saint-Étienne.

La maison de la rue Boissac a été fondée, en 1827, par la même comtesse de La Barmondière, chanoinesse de Bavière, en faveur de vingt-cinq jeunes filles nobles, sans fortune. D’autres pensionnaires, nobles aussi, y furent admises ; leur nombre s’augmentant chaque année, le pensionnat fut transféré sur la colline de Fourvière au lieu dit aux Anglais. La maison de la rue Boissac devint alors un demi-pensionnat ou externat. Il comprenait, vers 1900, quarante-cinq sujets, dont vingt-cinq religieuses de chœur, vingt sœurs coadjutrices pour cent soixante élèves. Après l’œuvre de l’éducation, la plus importante, celle pratiquée rue Boissac était l’œuvre des enfants de Marie qui comptait trois cent cinquante membres. La réunion était mensuelle, elle se composait d’une messe, d’une instruction, enfin de travail manuel pendant lesquelles on confectionnait du linge d’église et des ornements destinés aux missionnaires de Syrie ; la bénédiction du Saint-Sacrement clôturait les réunions. Rue Boissac on pratiquait aussi l’œuvre des retraites générales et particulières et aussi le patronage où une centaine de jeunes ouvrières recevaient chaque dimanche l’instruction religieuse, à laquelle on joignait quelques éléments des sciences les plus utiles. La congrégation Sainte-Anne pour les mères de ces mêmes jeunes filles fut établie les dernières années ; enfin, un jour par semaine, des conférences religieuses faites par un père Jésuite réunissaient environ 200 personnes venues pour éclairer et fortifier leur foi, ou combler les lacunes qu’y laisse nécessairement l’instruction puisée dans des cours ou des éducations particulières.