Histoire des églises et chapelles de Lyon/VII

La bibliothèque libre.
H. Lardanchet (tome Ip. 199-230).
L’Antiquaille en 1550. (Restitution de M. Rogatien Lenail.)

CHAPITRE VII

PROVIDENCE CAILLE ET PETITS FRÈRES DE MARIE — PRADO SAINT-JOSEPH — SAINT-SACREMENT — ANTIQUAILLE



P armi les calomnies répandues contre l’Église catholique, il n’en est peut-être pas de plus impudente que celle que l’on cherche à accréditer en soutenant que la société moderne a seule pourvu suffisamment aux besoins intellectuels de la démocratie et au soulagement de ses misères matérielles. L’histoire que l’on va lire de la Providence Caille apportera, entre mille autres, un nouveau témoignage de la sollicitude de l’Église envers les petits. Nous continuerons ce chapitre par une étude sur la chapelle de l’œuvre si admirable du Prado et sur deux églises paroissiales de la rive gauche : Saint-Joseph et le Saint-Sacrement récemment fondées par des prêtres d’une énergie singulière, qui ont plus fait pour relever le niveau moral et intellectuel du peuple, que ceux qui le flattent pour s’en servir. Nous terminerons par une étude détaillée sur l’Antiquaille, successivement maison de plaisance, souvent de la Visitation et enfin hôpital. On y trouvera un document inédit des plus importants sur l’histoire du cachot de saint Pothin.

PROVIDENCE CAILLE ET PETITS FRÈRES DE MARIE

Joseph Caille, chanoine d’honneur de la cathédrale de Lyon, fut le fondateur de cet établissement. Il naquit en Savoie, le 9 août 1760, à Puisgros, canton de Chambéry. Ses parents vertueux, mais peu favorisés de la fortune, l’envoyèrent à Lyon à l’âge de quatre ans et demi chez un oncle maternel qui le fit recevoir, en 1766, enfant de chœur du chapitre de Saint-Just, et favorisa sa vocation ecclésiastique. En 1784, il fut nommé maître des enfants de chœur, c’est-à-dire chargé d’élever les enfants qui devaient servir les offices célébrés par les chanoines de Saint-Just. Lorsque cette collégiale fut obligée de se dissoudre, en novembre 1791, Caille embrassa l’état d’instituteur, afin de subvenir à sa vie quotidienne. Après la Révolution, la renommée de son pensionnat s’accentua, et l’abbé Joseph Caille profita des ressources acquises en instruisant les enfants riches, pour réaliser le projet qu’il caressait depuis longtemps de fonder une maison d’éducation gratuite à laquelle il donnerait le nom de Providence. On y recevrait les jeunes garçons nés à Lyon ou dans les faubourgs et qui seraient pauvres et sans parents. Par son testament, daté du 10 septembre 1840, il légua à cette œuvre future sa fortune, sa propriété de Fourvière et sa maison d’habitation. Celle-ci destinée à loger les administrateurs du futur établissement « est bornée, dit-il, au nord, par la vigne des Frères de la doctrine chrétienne, et elle est séparée des autres bâtiments qui serviront tous de grand berceau à l’établissement, dont la réussite est l’objet de tous mes désirs. Cette maison est composée au rez-de-chaussée, d’un salon, d’une salle à manger, d’une cuisine et d’un lavoir. Toutes les pièces qui sont au-dessus de ce rez-de-chaussée, sont comprises dans cette destination, aussi tous les meubles et effets, mon bureau, ma commode et mon lit ; la première administration disposera aussi de ma bibliothèque comme elle le croira plus convenable à l’utilité et à l’avantage de l’établissement ».

Il ajoute des détails historiques qui ne manquent pas d’intérêt : « Nulle maison de Lyon, n’a été honorée, comme celle-là, de la présence d’un aussi grand nombre d’illustres personnages de l’Europe entière. Ils y sont venus pour jouir du spectacle ravissant que présente la terrasse de ce délicieux séjour. Le 19 avril 1806, l’immortel souverain pontife Pie VII, honora de sa présence ma maison de Fourvière, il daigna y accepter, de ma propre main, une légère réfection, du chocolat et un verre d’eau. Ce bon et très vénérable saint Père, pendant son déjeuner, daigna plusieurs fois m’adresser la parole.

« Le 24 juillet 1814, Mme  la duchesse d’Orléans vint visiter l’église de Notre-Dame de Fourvière ; après y avoir entendu la messe avec édification, cette princesse, dont les rares qualités et les vertus étaient célébrées dans toute l’Europe, fut conduite dans mon pensionnat par M. le comte d’Albon, alors maire de la ville, et Mme  la comtesse d’Albon. »

Le testament du bon chanoine renferme quelques articles fondamentaux du futur règlement de la Providence ; tous respirent l’amour du pauvre et le désir de porter les jeunes gens au bien en les rendant heureux. Il demande, comme tribut de reconnaissance, trois Pater et trois Ave à la suite de la prière du matin et du soir ; il désire que les élèves assistent au service anniversaire de son décès, et prient pour lui en leur particulier ; parce qu’il a grande confiance en la prière du pauvre.

Le chanoine Joseph Caille.

Un renseignement historique peu connu est fourni par ce testament. On sait que, pendant la Révolution, l’église de Fourvière fut désaffectée, vendue comme bien national, enfin rachetée plus tard par la fabrique de Saint-Jean. Le chanoine Caille ne fut pas étranger aux négociations qui aboutirent au rachat de Fourvière. Pie VII, lorsqu’il vint faire l’ouverture du célèbre sanctuaire, avait été mis au courant de cette situation par le cardinal Fesch, et il tint à féliciter hautement l’intelligent chanoine en lui disant : « Vous vous êtes fait une grande protection ». Il est juste de rendre à chacun ce qui lui revient, et ce ne sera pas une des moindres parties de la dette de reconnaissance contractée par le clergé du diocèse envers Joseph Caille.

Outre la fondation de la Providence, il favorise dans son testament ce qu’on nomme le cimetière des prêtres à Loyasse : il accorde aux bienfaiteurs de son établissement le droit d’être inhumés dans la petite enceinte qui a pour centre une pyramide : ce monument, il l’a fait élever à la mémoire de son frère Antoine Caille, le vrai donateur du cimetière des prêtres.

Le conseil d’administration de la Providence Caille, qui recrute lui-même ses membres, est composé de plusieurs curés de Lyon et de quelques dévoués laïques. Afin de réaliser pleinement les intentions du fondateur, et de confier les enfants à des mains habiles et à des éducateurs dévoués, on s’adressa à la maison-mère des frères Maristes de Saint-Genis-Laval qui envoya, dans cette maison, plusieurs de ses meilleurs sujets.

Il est utile d’ouvrir ici une longue parenthèse, pour raconter en détail la vie du fondateur de cet Institut et rappeler l’extension de sa congrégation, devenue, par la suite, une des gloires du diocèse.

La mémoire du père Marcellin Champagnat est restée populaire dans la province lyonnaise. La vie féconde de ce simple et robuste apôtre n’a rien pour attirer la curiosité de certains psychologues qui ne s’intéressent qu’aux néants de la mélancolie, de la lâcheté de l’âme et de la paresse d’esprit. Sorti lui-même du peuple, toute son œuvre fut pour le peuple.

Le fondateur des Petits-Frères de Marie tourna de bonne heure ses facultés vers l’action, ayant constaté, après tant de saints, que c’est l’action constante et croissante qui suggère les pensées généreuses. Il s’approvisionna, par ses humbles labeurs, d’une intelligence et d’une vision nettes de la spiritualité et de la vraie direction. Ses entretiens, ses sermons, ses exhortations, ses colloques, dont ses disciples ont gardé quelque chose, sont remplis de traits, non seulement d’un bon sens assuré et impérieux, mais d’une délicatesse précieuse et claire. Son style, lui aussi, est fait directement des qualités de sa sainteté : fermeté, précision, lucidité, et cela dans les mots du meilleur choix. C’est le cas de répéter : « Aimez et comprenez toutes choses par la piété, et le reste vous sera donné par surcroît » ; le reste, c’est-à-dire les mille succès secondaires, qui ne sont que des conséquences, et où le monde croit pourtant voir des dons miraculeux. Parmi ces succès en est-il aucun qui soit aussi glorifié et envié que l’éloquence ? Or, c’est un fait connu que la piété raisonnée et ardente apprend l’éloquence.

Le père Champagnat en fit l’épreuve. La parole efficace jaillissait de ses lèvres comme le bon exemple ; il ne dut presque rien aux méthodes humaines, ni à l’étude approfondie de l’attitude et du geste. Il ne fut ni un lettré, ni un philosophe, ni un théologien. Il fut plus et mieux : une âme docile à l’évidence des simples principes de la foi, riche par conséquent de tous les moyens de connaître et de faire connaître Dieu.

Il naquit le 20 mai 1789 à Marlhes, paroisse située près les montagnes du Pilât, dans le canton de Saint-Genest-Malifaux. Cette paroisse faisait alors partie du diocèse du Puy-en-Velay. On sait que ce diocèse ne fut pas rétabli par le Concordat de 1801 et que le territoire en fut rattaché au diocèse déjà trop étendu de Lyon. Dès lors on se doute que l’instruction et les secours religieux n’abondèrent pas à Marlhes, outre que le village était d’accès fort difficile. Mais encore les bonnes populations, fermes sur leur territoire, rudes aux nouveautés révolutionnaires, avaient-elles gardé une solide fidélité à l’Église et suppléaient-elles de toute leur bonne volonté au défaut d’instruction et de consolations spirituelles où les laissait leur isolement.

Quand vint au monde l’émule du bienheureux de La Salle, le futur restaurateur de l’instruction chrétienne des enfants du peuple, la révolution, dont il devait plus tard réparer les ruines dans l’âme des innocents, commençait à se développer. Les parents de notre héros étaient d’excellents chrétiens : son père Jean-Baptiste Champagnat, et sa mère Marie Chirat, l’élevèrent avec une force et une douceur qui montraient leur raison et leur amour. Il était le dernier de six enfants, trois garçons et trois filles, et ne fut pas un médiocre Benjamin. Le père avait du jugement et il était, de plus, très instruit pour le temps et le pays où il vivait. Les habitants de Marlhes, peu versés dans les lettres, ne cessaient de le prendre pour conseiller et pour arbitre dans leurs intérêts et leurs différents. Marie Chirat réalisait la perfection de la femme d’intérieur, prudente et énergique, économe et charitable, modeste et vigilante. Elle exigeait de ses fils comme de ses filles, beaucoup de retenue en paroles ; elle les accoutumait aussi à la sobriété du corps, au point de leur défendre de porter la main à quoi que ce fut à table, et de montrer trop ouvertement leur goût. C’est par de tels entraînements qu’on prépare les enfants aux rudes devoirs de toute vie humaine. Son rare naturel étant ainsi secondé, Marcellin faisait prévoir une foi ferme et une piété pure. Mais rien n’annonçait que ce garçonnet timide serait un apôtre si décidé et une sorte de réformateur.

M. le chanoine Beaujolin, vicaire général de Lyon.

À douze ans, Marcellin était cité comme un modèle de sagesse précoce : il montrait de l’inclination, surtout pour le bon usage des choses temporelles et une habileté extraordinaire aux travaux manuels. Il gardait soigneusement les pièces d’argent que son père lui donnait en récompense de sa conduite sérieuse, et ne voulait pas qu’on touchât à son petit trésor, même pour lui acheter des vêtements. Assidu à la culture et à faire valoir le moulin de ses parents, il paraissait destiné à continuer l’état et les profits de ceux-ci. Nul signe ne le marquait au dehors pour la vocation des hommes que le Seigneur appelle dans les sentiers rares et difficiles.

À cette époque, M. Gourbon, le zélé vicaire général du cardinal Fesch, se rendait auprès des curés pour recruter des élèves au grand séminaire et préparer ainsi la restauration du clergé. Natif de Saint-Genest-Malifaux et ami particulier du curé de Marlhes, il fit prier ce dernier par un professeur du grand séminaire qui passait dans cette paroisse une partie de ses vacances, de lui donner quelques jeunes gens intelligents et pieux, propres à devenir des prêtres actifs. M. Alirot, tel était le nom du curé, ne trouva à désigner à l’émissaire de M. Courbon que les garçons de la famille Champagnat « qui semblent assez retirés » écrivait-il. « Mais, je n’ai pas ouï dire qu’aucun eut l’intention d’étudier le latin ; au reste vous devez passer au Rozet, le hameau du bourg de Marlhes où habitent les Champagnat, entrez-y et vous verrez. »

L’ecclésiastique se rendit au Rozet ; le père Champagnat le reçut avec respect, et lui présenta son aîné. « As-tu envie d’étudier le latin pour être prêtre, lui demanda-t-il, renouvelant une question de l’abbé. — « Non », répondit en rougissant mais d’un ferme accent, l’adolescent intimidé. À cet instant le cadet et le petit Marcellin revenaient ensemble du moulin. Le cadet fit une réponse aussi précise ; ce fut un « non » très expressif. Marcellin embarrassé balbutia quelques mots qui ne furent pas compris. Mais l’abbé le tira à part et fut tellement frappé de son air ingénu et de son caractère franc, qu’il lui dit soudain : « Mon enfant, il faut étudier le latin, et vous faire prêtre ; Dieu le veut. » Le « Dieu le veut » entra dans l’âme de l’enfant comme un ordre irrésistible du ciel, et depuis, il ne connut pas l’ombre d’un doute sur sa vocation. Dès octobre 1805, il était admis au petit séminaire de Verrières près de Montbrison. Là, les épreuves ne lui manquèrent pas. Il était demeuré timide ; la supériorité des connaissances de ses camarades plus jeunes que lui, ajoutait encore à sa crainte. Il avait dix-sept ans, était d’une haute taille, et d’une santé qui, après avoir été délicate, s’était raffermie par les travaux des champs. Son appétit, son allure empruntée prêtaient à rire et il s’entendit qualifier : le plus grand et le plus bête de sa classe. Mais bientôt il reprit le dessus. Sa régularité, sa docilité, sa piété lui acquirent l’estime et la confiance de ses maîtres qui n’hésitèrent pas à lui donner la charge de surveiller le dortoir, de préférence à beaucoup d’autres plus anciens et plus avancés que lui.

Ses condisciples d’ailleurs ne tardèrent pas à le respecter et à l’aimer, avec cette équité de sentiment qui caractérise les jeunes gens honnêtes et les rend bons juges les uns des autres.

Au grand séminaire, il ne se démentit pas. Tout au contraire, il se rapprocha très rapidement de l’idéal qu’il s’était proposé, dès son jeune âge : mortifications, renoncement à tout esprit propre, application aux bonnes œuvres de charité et de miséricorde, endurance, gaieté. Afin de se maintenir et de s’accroître dans les dispositions nécessaires pour réaliser ce programme, il se fit des règlements très détaillés, toute une comptabilité d’âme, comme autrefois il s’en était fait une de son pécule d’épargne. Jusque dans ses cahiers les plus intimes on le voit ordonné, ponctuel et ne supportant pas pour lui-même les moindres fautes. Il n’est pas rare que Dieu confie des travaux insignes à ce genre d’ouvriers.

Pendant les vacances, l’abbé Champagnat s’adonnait, avec une initiative et une ardeur singulières, où ses parents ne reconnaissaient plus sa gaucherie d’autrefois, à des catéchismes dont maintes grandes personnes venaient prendre leur part avec les enfants. Que de confessions particulières et générales, d’ignorants et de pécheurs endurcis, suscita-t-il ainsi, sans rien entreprendre sur le ministère des prêtres ! Et quand il fut prêtre à son tour, le 22 juillet 1816, des mains de Monseigneur Louis-Guillaume Dubourg, évêque de la Nouvelle-Orléans, de passage à Lyon, le catéchisme resta sa besogne favorite dans le gros village de Lavalla. Gardons-nous de taire qu’auparavant, il avait rencontré, au grand séminaire même, des âmes qui, soit intuition, soit expérience de ce qui manquait à l’apostolat catholique à peine restauré, s’étaient, comme lui, pénétrées de cette idée qu’il fallait d’abord, pour assurer le succès des missions auprès des fidèles et des infidèles jeunes et vieux de tous les continents, créer une congrégation nouvelle entièrement vouée à la sainte Vierge, une société de Marie dont l’avenir montrerait l’impérieuse nécessité. Il y eut sur ce principe une sorte de serment sacré et quelques conceptions précises échangées. Les uns le gardèrent, d’autres l’oublièrent ou le dispersèrent. Mais la semence était enfouie : elle devait, à l’heure marquée par le Soleil divin, germer, fleurir et fructifier, devenir enfin la Société de Marie, répandue aujourd’hui jusqu’en Océanie.

Lavalla, dans le canton de Saint-Chamond, était une paroisse modeste : l’abbé Champagnat avait commencé, par en saluer, à genoux, le clocher. Ce village, disséminé sur le penchant et dans les gorges des montagnes sur des hauteurs escarpées et dans des vallées profondes, convenait à sa vigueur de corps et d’esprit. Ce n’étaient que montées, descentes, rochers et précipices ; plusieurs des hameaux éloignés de l’église d’une heure ou deux et sans chemins praticables semblaient défier son enthousiasme. Les habitants étaient de bonnes gens, aussi confiants que peu instruits ; ils ne tardèrent pas à se louer de leur vicaire et, pour lui marquer leur contentement, à lui doubler la besogne en le mettant dans toutes leurs difficultés. Pour lui, il considéra que c’était le bon chemin qu’on lui montrait : peu à peu il entra dans les cœurs par les intérêts. Il prêchait d’un accent si persuasif, si naturel, que les auditeurs lui venaient de tous les côtés à travers les gouffres remplis de neige, à travers les éboulements, « à travers le diable », disait un de ses auditeurs les plus assidus, qui ne pensait pas dire si juste.

Le cardinal Fesch, archevêque de Lyon.

Il va de soi que l’abbé Champagnat usait, par dessus ses moyens oratoires, du catéchisme et de l’instruction familière des enfants. Il avait commencé par attirer de la sorte les parents. Mais il songeait, au plus intime de lui-même, à développer ce moyen, à en faire quelque chose comme une institution stable. Appelé un jour à plusieurs lieues, au fond d’une vallée, tandis que la pluie faisait rage, au chevet d’un garçonnet d’une douzaine d’années qui agonisait, il fut stupéfait de le trouver plus dénué qu’un sauvage de toutes notions surnaturelles ; il fallut qu’il lui apprît jusqu’au nom même de Dieu. En rentrant au presbytère, il se sentit envahi par une pensée irrésistible, celle de fonder une société de frères « pour prévenir un si grand malheur, en instruisant chrétiennement les enfants de la campagne » : ce sont les propres expressions dont il se servit, peu après, dans son avant-projet.

Sans tarder, il s’ouvrit de son dessein à un adolescent, Jean-Marie Grangeon, qui était accouru le chercher une nuit, pour qu’il confessât un malade, et dans lequel il avait discerné de suite son premier sujet. Il s’appliqua, dès lors, à seconder cet heureux naturel par des leçons répétées. Jean-Baptiste Andras, plus jeune encore, presqu’un enfant, mais dont la pureté avait mûri et fortifié l’intelligence et la volonté, se joignit à ce premier disciple. On peut dire que de ce jour, 13 décembre 1816, l’institut des Petits-Frères de Marie était né : Dieu l’avait fondé, si les hommes ne le connaissaient pas encore. Une petite maison proche du presbytère était en vente : l’abbé Champagnat, avec une belle audace qui ne l’abandonna jamais et qui le fit tenir pour fou dans la suite par les prudents du monde, n’hésita pas à l’acheter, quoiqu’il fut sans argent.

Le 2 janvier 1817, il y établit la faible communauté composée de deux corps unis en une seule âme. Les exercices de piété qu’il prescrivit à Grangeon et à Andras furent d’abord courts et peu nombreux ; leur travail manuel était de faire des clous. L’hiver se passa paisible et fécond dans ces humbles occupations ; le printemps amena une nouvelle recrue, Antoine Couturier, qui devint plus tard le modèle de la société sous le nom de frère Antoine, et mourut à Ampuis, le 6 mars 1850, après avoir usé ses forces au service de plusieurs générations d’enfants qui ne cessèrent de l’appeler : « Le frère bon Dieu. » Gabriel Rivat, la meilleure conquête de l’abbé Chainpagnat lors de ses débuts de catéchiste à Lavalla, prêchait lui-même, à neuf ans, comme un vrai missionnaire ; il vint rejoindre le noviciat.

L’orphelinat Caille et sa chapelle.

Le reste fut le merveilleux et prompt accroissement que Dieu donne à ses œuvres, mais non sans y mêler la contradiction et l’épreuve. Trois années à peine écoulées, l’abbé Champagnat envoyait ses Petits-Frères deux à deux faire le catéchisme et la classe dans les hameaux. On a bien lu : le catéchisme et la classe ; il serait encore plus vrai d’écrire : la classe par le catéchisme. L’admirable catéchiste qu’était en effet le pieux et très positif fondateur eut, de premier jet, sitôt le plan de son institut formé, la pensée que ses disciples devaient, pour se distinguer utilement des autres communautés de religieux, s’installer aux moindres hameaux, accepter des communes un traitement plus chétif, et c’est pourquoi il voulut les nommer : Petits-Frères, petits en humilité, petits en savoir humain, petits en ressources matérielles. Mais il voulut encore et surtout restituer au catéchisme son office primordial dans l’éducation, le remettre au centre de toutes les connaissances rudimentaires, de telle façon que celles-ci n’en fussent plus que l’expression, l’épanouissement, le rayonnement. Aussi à l’origine, les Petits-Frères de Marie faisaient-ils le catéchisme trois fois par jour.

La Providence multiplia les preuves de ses bénédictions par un développement continu. Après l’école de Marlhes, en 1819, on fonda celles de Tarentaise et de Bourg-Argenlal. En 1822, une nuée de novices, disait l’abbé Champagnat, se jeta à la rescousse ; une bonne terre les avait nourris et préparés : le Velay de Notre-Dame et de saint François Régis, le Velay où les Joséphistes de M. Crétenet, avaient eu des collèges prospères. Puis le noviciat s’agrandit et sans cesse épuisé renaquit sans cesse. Peu après, l’abbé Champagnat le transféra dans le vallon de l’Hermitage arrosé par les belles eaux du Gier. En 1826, il admit ses fils spirituels à faire des vœux. En 1829, il tenta d’obtenir l’autorisation légale et il y serait parvenu l’année suivante sans la révolution de juillet ; en 1831, il fonda l’établissement de la côte Saint-André. L’autorisation de la société des prêtres Maristes, les aînés des Petits-Frères, par bref de Grégoire XVI, du 11 mars 1836, pressa encore la fortune spirituelle des petites écoles, dignes héritières transformées de leurs aïeules du xviie siècle, et répandues dans quatre diocèses.

En 1839, peu de mois avant sa mort, l’abbé Champagnat accepta d’un prélat généreux, ami de la congrégation, le château de Vauban pour un second noviciat ; après quoi il se donna tout entier à revoir les règles, imprimées dès 1834, et qui résumaient le travail de toute sa vie intérieure. Il voulut expressément qu’on les remit entre les mains du père Colin, supérieur général de la société de Marie, pour bien marquer la subordination, en ce qui lui appartenait, des diverses branches du tronc marial encore si jeune et déjà si riche. Le Père Champagnat, après avoir écrit son testament spirituel, le 18 mai 1840, à Notre-Dame de l’Hermitage, son séjour préféré, y mourut, le jeudi 4 juin, dans de grandes souffrances. En 1896, Léon XIII l’a déclaré vénérable.

Après sa mort, l’institut prospéra singulièrement par son union avec les frères de Saint-Paul-Trois-Châteaux, avec les frères de Viviers et par d’autres marques de la prédilection de Dieu. En moins de deux ans, il s’étendit à Saint-Lattier, dans l’Isère ; à Digoin en Saône-et-Loire, enfin dans le Pas-de-Calais. La loi sur l’enseignement du 15 mars 1850, dite loi Falloux, lui valut l’autorisation légale. Il tint cette même année un chapitre général qui accepta définitivement les règles. Il comptait, en 1806, plus de trois cents établissements contenant quinze cents frères, instituteurs et éducateurs chrétiens de cinquante mille enfants du peuple. L’institut ne cessa désormais de prospérer, protégé par les archevêques qui se succédèrent, leurs vicaires généraux, et en particulier M. Beaujolin, vicaire général de Lyon.

D’une statistique récente, il résulte que la congrégation des Petits-Frères de Marie a été autorisée, en 1851, par décret du président de la République, et approuvée en 1863 par bref de Pie IX. Elle est aujourd’hui une des plus nombreuses de France après l’institut des Frères des Écoles chrétiennes. Elle se composait, il y a trois ans, avant les expulsions et dissolutions des congrégations religieuses, de 168 frères stables, 2081 frères profès, 1383 frères à vœu d’obéissance, 832 frères novices, 414 postulants, 984 juvénistes, soit un total de 5862 membres. L’institut comptait, tant en France qu’à l’étranger, 15 maisons provinciales, 15 noviciats, 12 juvénats et 639 écoles donnant l’instruction chrétienne à 91.315 enfants. Le diocèse de Lyon était fort avantagé dans cette distribution. Il possédait : 1o  la maison-mère à Saint-Genis-Laval (Rhône) avec un noviciat et un juvénat ; 2o  un second noviciat à Notre-Dame de l’Hermitage près de Saint-Chamond ; 3o  un second juvénat à Lavalla près de Saint-Chamond ; 4o  une maison de retraite pour les vieillards et les infirmes à Charly (Rhône) ; 5o  douze pensionnats dont les principaux sont ceux de Saint-Genis-Laval, Neuville-sur-Saône, Valbenoîte, Saint-Étienne et Charlieu ; 6o  105 écoles où plus de 18000 enfants recevaient l’instruction chrétienne. Les enfants de l’orphelinat Caille ont été confiés, pendant de longues années, aux mains expérimentées de ces éducateurs. Depuis trois ans, des maîtres laïques instruits et dévoués les ont remplacés, et s’efforcent de continuer les traditions de leurs prédécesseurs. La chapelle de l’établissement est modeste ; elle a été aménagée dans l’intérieur de la maison. Un autel de bois et quelques statues de saints forment tout le mobilier de l’oratoire. La maison est vaste, elle contient amplement les trente orphelins que la charité y entretient. Plusieurs maîtres y font la classe et les plus grands des enfants sont initiés aux travaux de l’agriculture dans le vaste enclos de l’établissement.

PRADO

La vie du Père Chevrier a été écrite assez longuement pour que la mémoire soit gardée des principaux actes de ce saint prêtre. Les miracles, surtout moraux, à travers toute cette existence d’homme, feront la matière du plus beau des poèmes. Nous souhaitons que le poète vienne et qu’il soit digne de son sujet. Si Ernest Ilello eût connu le père Chevrier, nul doute qu’il eût été ce poète-là, pour la joie et le juste orgueil des âmes chrétiennes qui vivent dans notre siècle en répétant jusqu’à le croire : « Hélas ! il n’y a plus de saints ! » ce qui est inexact.

Antoine Chevrier naquit à Lyon, le 16 avril 1826, jour de la fête de Saint-Benoît Labre, auquel il s’appliqua tant à ressembler et dont il fit renaître ici-bas beaucoup de traits et des meilleurs, quoiqu’on un domaine d’activité plus vaste. Son père, Claude Chevrier, issu d’une ancienne famille lyonnaise, était un modeste employé de l’octroi ; sa mère, Marguerite Fléchet, originaire de la Tour-du-Pin tenait un petit atelier pour le tissage de la soie. Ils avaient tous deux les vertus des époux chrétiens, mais au contraire de ce que l’on voit le plus souvent, la douceur, la tendresse étaient toutes du côté du père, tandis que la mère exerçait son autorité avec une force qui ne laissait pas d’approcher souvent de la rigueur. On ferait un livre utile, en vérité, de l’histoire des mères fortes qui donnèrent des saints à la terre, depuis saint Augustin, jusqu’à saint Louis et saint Ignace de Loyola. L’enfant naquit d’ailleurs rempli d’excellentes dispositions et d’une vigueur dont il devait user abondamment.

Son austérité commença dès l’éveil de sa raison, mais sans mêler à son visage qui était gracieux, le moindre nuage de contrainte, sans comprimer en rien ses mouvements qui étaient prompts. Sa mère, en dépit de sa rigueur, aimait à le parer de son mieux : « Oh ! le bel enfant, » disait-on sur son passage ; et le bel enfant déjà maître de lui, réprimait les suggestions de la vanité en son esprit et en son cœur, par quelque renoncement ou quelque pénitence. Il rayonnait de la pureté fruit de l’obéissance et de l’allégresse qui manque rarement de s’y joindre avec la vaillance et l’à-propos.

« Un jour, » raconte-t-il lui-même, « tandis que j’apprenais chez les Frères, les enfants d’une école municipale nous attendaient, selon leur coutume, à la sortie des classes pour nous frapper. Mes camarades me mirent à leur tête parce que j’ai toujours été grand, et nous voici, eux derrière moi, juchés sur un tas de pierres, en face de nos petits adversaires qui ramassaient des pierres. Alors, du haut de ma forteresse improvisée, j’essayai de faire appel à la conciliation. « Ohé les amis, pourquoi nous attaquez-vous ? Quel mal vous avons-nous fait ? Allons nous-en chacun de notre côté ; nous avons déjà bien assez des punitions que les maîtres distribuent à vous, je pense, comme à nous. » Cet impromptu annonçait un orateur populaire. « Il cause bien ce gone-là » dirent les petits agresseurs et leur bande se dispersa. — Bravo, vive Chevrier », hurlèrent les camarades de l’ingénieux garçon.

Chapelle du Prado.

Chevrier savait se faire aimer : s’absentait-il de la classe, c’était une tristesse sincère, et dès qu’il y paraissait, on se le disputait d’un tel enthousiasme que le professeur dit une fois en souriant : « Mangez-le donc votre petit Chevrier, puisque vous l’aimez tant. » Mangez-le donc, n’était-ce point presque une prophétie ? Ne se donna-t-il pas à manger aux pauvres et aux méchants, et pour cela ne multiplia-t-il pas ses forces de l’âme et du corps, comme dom Bosco, son rival en charité ?

À dix-sept ans, il entra au petit séminaire de l’Argentière. Il y fit de bonnes études : il n’était pas d’une intelligence brillante, ni aussi rapide que son cœur, mais il y suppléait par une volonté assurée et constante. Son professeur de philosophie, l’abbé Brunel, a écrit de lui : « On pouvait voir sur son visage toutes les impressions de son âme ; aussi franc avec ses maîtres qu’avec ses condisciples, il avait sur ceux-ci un tel empire qu’il les menait à l’intelligence et à la pratique du bien, outre qu’il avait, en récompense de son innocence et de sa singulière docilité, le don qui ne s’apprend pas, de subjuguer les âmes et de les conservera la vérité. »

Au grand séminaire, il médita profondément sur l’esprit de pauvreté. « Je veux être un pauvre du roi de la pauvreté, Jésus-Christ ; je veux montrer que Dieu seul a pu être pauvre au point de tourner le monde à la pauvreté. » Il ne se borna point à l’expression de ce précepte ; il lit mieux encore, et régla sur lui toute sa vie intérieure. On vit des pécheurs repentis par son seul aspect. Prêtre, la providence le jeta en plein milieu de l’apostolat qui convenait à sa vocation, dans la pauvre paroisse Saint-André, la troisième fille de Saint-Louis de la Guillotière. « Je suis à mon affaire », dit-il à son curé, M. Barjot, homme de devoir, bon et franc, quand il eût visité les sept kilomètres carrés confiés à son zèle et qui comprenaient, avec la paroisse actuelle, celle de Notre-Dame-des-Rivières et une notable partie de celle de l’Immaculée-Conception, plus les îles et canaux qui touchaient à Saint-Fons. Il serait trop long d’indiquer ici tous les prodiges qu’il accomplit dans ce quartier d’indigents.

Mgr Guillermin, vicaire apostolique du Nyanza, ancien élève du Prado.

Cela, d’abord, ne marcha point tout seul. Il se singularisait, et eut à subir, par conséquent, les blâmes muets de la routine. Le peuple, lui, l’appela l’ange du catéchisme, lange du chevet des malades, l’ange des victimes du cabaret, l’ange héroïque qui, pendant les inondations de 1856, sauva des vies au péril de ses jours, à tel point que le vœu de tous souhaita pour lui la croix de la Légion d’honneur, qu’il refusa indigné. Il n’était du reste pas encore satisfait de son existence, parce qu’il se sentait armé pour soulager des misères plus profondes.

Quelques mois après l’inondation, se rendant au centre de la ville, il rencontra, sur le pont de la Guillotière, un de ses amis du séminaire, l’abbé Giraudier, qui marchait à grandes et vives enjambées. Il l’interrogea : « Je vais, répondit Giraudier, à la cité de l’Enfant-Jésus que bâtit M. Rambaud ; venez avec moi. » Il suivit son confrère. À la cité, un jeune homme les reçut en pantalon gris, ample blouse bleue, ceinture noire, casquette plate et de grossières galoches aux pieds ; cet attirail de pauvreté volontaire ne dissimulait pas ses manières distinguées. C’était M. Rambaud, — depuis l’abbé Rambaud, — qui venait de prendre congé des espérances humaines afin de consacrer aux déshérités d’ici-bas sa fortune, mieux encore, sa personne. M. Rambaud avait fondé un asile pour les enfants arrachés à la détresse, à l’ignorance et aux influences de la rue. Après l’inondation, il avait recueilli des ménages d’ouvriers.

Dès qu’il entra dans ce palais des souffrances, l’abbé Chevrier y reconnut le lieu de son perfectionnement. Une voix intime lui cria : « Reviens ! » et il revint, et il resta. On lui montrait le champ qu’il laissait derrière lui et les germes qu’il y avait déjà semés : on sait ce que l’on quitte, on ignore ce que l’on trouvera. L’abbé Chevrier pressentait, s’il ne le savait d’intuition, que l’aventure était celle qu’il lui fallait ; il brisa ses liens paroissiaux, reçut permission de l’archevêque de se mêler étroitement à l’apostolat de M. Rambaud. Il ne tarda pas à trouver devant lui la voie de toute une nouvelle œuvre. M. Louât, nommé à la Cité frère René, lui avait loué, sur ses instances, une baraque avec un vaste terrain, à l’angle de la rue des Trois-Pierres et de la rue Creuzet, sur la paroisse Saint-Louis. L’immeuble se composait de deux pièces.

L’abbé Chevrier recruta aisément et promptement des locataires. Un jour, comme il regagnait son logis, il rencontra un enfant d’une douzaine d’années, vêtu de guenilles, qui fouillait des balayures ; s’arrêtant à le considérer, il le vit dévorer des écorces de melon ; il reconnut qu’il était idiot, abandonné au mépris public. Il le pria de l’accompagner, le mena dans sa baraque, le nettoya, et le choya : il tenait son premier locataire. L’année 1860 ne s’était pas écoulée, que l’enfant avait onze camarades, tous logés dans une seule chambre, où l’on couchait côte à côte sur le plancher. L’abbé Chevrier venait inspecter sa colonie et lui enseigner le catéchisme, trois ou quatre fois par semaine ; frère Pierre le suppléait les autres jours. Les sœurs de la rue Rave fournissaient la soupe le matin, deux plats à midi, et quelque nourriture encore le soir : Pascalet, l’idiot inaugurateur, faisait les commissions entre les deux maisons, moyennant deux adresses écrites sur son panier, l’une pour l’aller, l’autre pour le retour.

Le père Chevrier, on l’appelait déjà ainsi de toute part, n’avait pas plus négligé les petites filles que les garçons ; il avait même commencé par elles, les logeant à côté de l’antique chapelle de Fourvière, près de l’emplacement où se dresse aujourd’hui la basilique, dans une maison que lui offrait Mme de Roquefort ; cette bienfaitrice avait préparé cette maison pour les protestantes converties, sans réussir à la peupler. Deux jeunes filles, qui furent ensuite les premières religieuses du Prado, se donnèrent corps et âme à l’œuvre de M. Chevrier.

Tout cela néanmoins n’était qu’un faible commencement, au gré du père Chevrier. Il guettait depuis longtemps d’un œil de convoitise, un bâtiment aussi fameux que mal famé, qui s’élevait à la Guillotière, dans un des recoins les plus misérables de ce faubourg, le Prado, vaste construction rectangulaire en briques, qui ne formait qu’une seule salle, longue de soixante mètres et large de vingt, où des centaines de personnes pouvaient danser à l’aise, et où s’ouvraient deux chambres aménagées en buvettes. La toiture était soutenue par des piliers en bois ; un papier peint, — on imagine de quelles allégories, — recouvrait murs et plafond ; tandis que des lucarnes ne laissaient pénétrer du haut qu’une lumière louche et vacillante. Chaque soir il y avait là, non seulement des propos et des chants obscènes, mais encore des disputes, voire des coups de couteau : « Mon Dieu », se disait le prêtre affamé de l’amour de tous ses frères en Jésus-Christ, chaque fois qu’il passait devant ce mauvais lieu ; « Mon Dieu donnez-moi cette maison et je vous donnerai des âmes. » Après avoir répété sa prière une année entière, il vit, un jour de 1860, sur la porte close un écriteau qui lui arracha un grand cri de joie : « À vendre ou à louer. » Grâce à un généreux bienfaiteur, il acheta le Prado. Il était au comble de ses vœux ; désormais il pourrait non seulement catéchiser et préparer à la première communion les enfants abandonnés, mais encore les instruire plus à loisir, les cultiver, démêler en eux les sentiments diminués ou étouffés par le vice ou la détresse, passer en un mot du négatif au positif, comme il le disait lui-même et beaucoup trop modestement.

Il possédait maintenant, pour déployer et abriter l’élan de son zèle, 1.000 mètres de superficie. Il en fit d’abord les honneurs au seul vrai propriétaire, en construisant une humble chapelle que le curé de Saint-Louis bénit le lundi de Pâques 1861. Le reste de son histoire est connu de tous les Lyonnais : l’œuvre s’accrut merveilleusement ; non seulement le peuple fut touché de voir un prêtre vivre de sa vie, l’aggraver d’austérités et de renoncements volontaires, et se priver du nécessaire pour nourrir et élever ses fils, mais il comprit toute la grandeur de son abnégation et crut à la sainteté de son apostolat. Comment se serait-il soustrait à l’empire de tant de simplicité dans le sacrifice ? Les anecdotes édifiantes et amusantes à cet égard sont innombrables. Toujours est-il que le bon sens et la charité du père Chevrier le rendirent si populaire, qu’il lui fallait souvent se soustraire aux ovations, par la fuite. Ses pupilles entretenaient son culte, on peut le dire, par leurs récits émus et véridiques. En 1865, il ajouta à l’œuvre des premières communions une école cléricale. Faire des prêtres, parfois avec des rebuts de la société, c’était son magnifique désir : Dieu lui donna de le réaliser.

Enfin, le zélé fondateur, après avoir surmonté les difficultés et les contradictions accoutumées en pareil cas, avoir institué une fervente communauté d’apôtres pour l’aider à enrichir le monde d’honnêtes gens et l’église de prêtres exemplaires, mourut le 2 octobre 1879, brisé de travail mais plein de jours. On l’appelait le second dom Bosco, l’émule du curé d’Ars, qu’il alla voir plusieurs fois et qui discerna son avenir et celui de son œuvre. Il n’est pas utile de s’étendre sur ses talents : mentionnons seulement qu’il écrivait et parlait avec la soudaine et robuste éloquence dont déborde l’âme qui jouit de la foi directe, immédiate, qui vit simplement et acquiert par là une force irrésistible.

Disons en finissant un mot de l’humble chapelle qui fut restaurée peu après avoir été improvisée. Dès l’entrée, apparaît au chœur, derrière l’autel, un très grand crucifix, le crucifix qu’il faut à la maison. Le front est couronné d’épines et largement auréolé ; le Christ jette sur la terre un regard de miséricorde dont l’expression est extraordinaire. Autour de la croix se trouve la Vierge, saint Jean et Marie-Madeleine. Deux anges prient de chaque côté de l’autel ; à gauche du Christ, du côté de l’épitre, se trouve toujours l’humble chaire où le Père Chevrier fit entendre si souvent sa douce et pénétrante voix ; tout auprès s’élève l’autel de la Sainte-Vierge, patronne de la chapelle sous le vocable de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. Elle tient entre ses mains la couronne d’épines ; ses yeux baignés de pleurs sont tournés vers le ciel ; autour de la statue sept petits tableaux représentant les sept glaives qui percèrent son cœur, c’est-à-dire les sept scènes principales de la Vie et de la Passion de son divin Fils. La sainte table est la barrière même qui autrefois séparait les musiciens des danseurs dans la salle du bal. Elle se trouve là pour annoncer que Dieu appelle à lui les pécheurs, et que toute chose peut devenir l’instrument de sa grâce.

SAINT-JOSEPH

La paroisse et l’église Saint-Joseph doivent leur origine à M. l’abbé Viennois. Il naquit à Lyon le 25 décembre 1835. Formé à l’institution des Minimes, par des maîtres expérimentés, son caractère ne cessa de s’affirmer vif, spontané et plein d’initiative. Ses études achevées, alors qu’on s’attendait à le voir fixer son choix sur une carrière libérale, il se prononça nettement pour la vocation ecclésiastique. En 1854, il était admis au séminaire d’Issy, et le 9 avril 1859, recevait la prêtrise à Lyon, des mains du cardinal de Bonald. Nommé vicaire à Chazelles-sur-Lyon et bientôt à Saint-Nizier, il y exerça le ministère en apôtre dont le zèle et l’activité ne se démentaient en aucune circonstance. Sa nature était bouillante jusqu’à l’emportement, mais la grâce la rendit maîtresse d’elle-même par l’exercice constant de la patience et de la douceur.

Saint-Joseph
(Projet de M. André, architecte).

L’abbé Viennois trouvant dans sa foi de généreuses inspirations, ne songe qu’à faire du bien autour de lui. Jeune, riche, intelligent, plein de cœur, il veut être prêtre, c’est-à-dire se dévouer, âme, corps et biens, à ceux qui souffrent et ont besoin de lui. Appelé par la confiance de son archevêque, en 1872, à fonder une paroisse dans le quartier des Brotteaux, il devient pasteur d’âmes et ne recule pas devant les responsabilités. Aussi la personnalité si accentuée de M. Viennois prit-elle une influence considérable dans le milieu populaire où la Providence l’avait placé. Tout était à créer, à fonder, à élever, au matériel et au moral. Il y prit peine. Ses journées entières furent occupées à passer d’une mansarde à l’autre ; il donnait des secours, des conseils, prodiguait les paroles affectueuses et laissait dans des sentiments de résignation chrétienne des pauvres jusque-là irrités et désespérés. Pour aider à cette tâche il institua : confrères du Saint-Sacrement, dames de charité, œuvres diverses, patronages, écoles, etc. Il n’y eut pas jusqu’à la colonie italienne, si nombreuse aux Brotteaux, à laquelle il n’assurât un abri et des exercices particuliers dans son église.

Dès son installation, il avait établi dans la rue Ney, une chapelle provisoire ; l’église définitive fut construite sur un terrain, acquis en 1882, situé sur la lisière du parc de la Tête d’Or et qui couvrait une surface de 2.600 mètres. La construction en fut confiée à M. André, architecte.

La bénédiction de l’édifice fut accomplie, le 15 octobre 1888, par le cardinal Foulon, archevêque de Lyon. Le monument toutefois n’est pas achevé. Il ne comporte présentement que la façade et les trois nefs jusqu’au transept ; celui-ci reste à construire ainsi que tout le chœur. M. Viennois mourut le 27 janvier 1892. Ses restes reposent au cimetière en attendant qu’ils soient rendus un jour à l’église qui fut le témoin d’une si noble existence.

Le chanoine Viennois, curé de Saint-Joseph.

Le maître-autel de marbre blanc est orné dun bas-relief : la Sainte Famille, et surmonté d’une statue de saint Joseph. Au fond du chœur se trouvent les orgues et de chaque côté deux groupes : sainte Anne instruisant Marie enfant, et Notre-Dame de Pitié. En avant du chœur, un tableau représentant le Christ en croix.

Les basses nefs n’ont pas encore leurs chapelles. Deux autels provisoires en bois peint sont surmontés des statues de la Vierge et du Sacré-Cœur, à qui ils sont dédiés. Dans les retraits ménagés pour placer les confessionnaux on a mis, d’un côté un autel à saint Antoine de Padoue, de l’autre un grand reliquaire renfermant des objets qui ont servi au bienheureux Vianney, curé d’Ars. Au fond de la nef se trouvent deux chapelles surmontées d’une petite coupole : à droite celle de la Croix, à gauche celle du baptistère, où trois anges dorés présentent un reliquaire ainsi disposé : au milieu se voit une relique de saint Joseph et tout autour de nombreuses reliques de saints, rangées en douze compartiments, suivant les mois de leur fête.

Saint-Joseph (État actuel.)

Les vitraux de l’église Saint-Joseph ont tous été donnés par M. et Mme  Collin, au nom de Mme  Clauri. En voici la description. Ceux de la petite nef de droite représentent : 1° le Mariage de saint Joseph ; 2° la Naissance du Sauveur ; 3° l’Adoration des bergers ; 4° les Mages ; 5° la Présentation de Jésus au Temple ; 6° Joseph, époux de la Vierge Marie, est averti par l’ange de fuir en Égypte. Dans la basse-nef de gauche : 1° la Fuite en Égypte ; 2° le Recouvrement de Jésus au Temple ; 3° la sainte Famille en prière ; 4° la sainte Famille au travail ; 5° la Mort de saint Joseph ; 6° M. l’abbé Viennois offre et dédie l’église paroissiale à saint Joseph. Le fond de la nef est éclairé par une grande verrière : on y a représenté la Reine des anges entourée de vingt-quatre sujets contenus dans douze grands et douze petits médaillons. Ce vitrail, qu’on a placé récemment, n’est autre que la Mission de Jeanne d’Arc, verrière qui se trouvait à Fourvière et qui y a été remplacée par une composition semblable mais d’un autre artiste. Toutefois, pour adapter le vitrail primitif à l’espace restreint de l’église Saint-Joseph on en a enlevé tout ce qui rappelait Jeanne d’Arc.

La chaire, en bois sculpté, est remarquable. Autour du pied s’enroule le serpent tentateur ; les panneaux de la cuve représentent le Christ assis, tenant un livre et entouré des quatre évangélistes ; l’abat-voix est supporté par des anges portant des flambeaux, et dominé par un ange qui tient une trompette et une palme ; contre l’escalier, un bas-relief représente les quatre grands prophètes de l’Ancien Testament. Cette belle chaire est signée Hre Morel, architecte à Lyon, et L. André, sculpteur à Angers.

SAINT-SACREMENT

L’avant-dernière, en date, de nos paroisses de faubourg, celle du Saint-Sacrement, est le résultat d’une initiative puisée, pourrait-on dire, dans l’esprit de foi. Il est peu de personnes à Lyon qui n’aient connu et estimé l’instrument providentiel de cette fondation, M. l’abbé Pierre-Antoine Bridet. Cet excellent prêtre naquit, le 20 novembre 1830, de parents chrétiens, simples paysans, qui l’instruisirent dans une solide piété. Il montra de bonne heure, comme trait dominant de son caractère, une volonté peu malléable, indice toutefois d’une énergie des plus précieuses. Dès lors que Dieu entrait dans cette âme de forte trempe, il était à prévoir que rien ne l’en délogerait.

L’enfant fit sa première communion le 13 mai 1842. Il s’était ouvert à sa mère de son désir du sacerdoce. La bonne femme, malgré sa timidité naturelle, s’en fut consulter l’aimable abbé Gerin, curé de Sainl-Georges-de-Rheneins, qui promit son appui. Mgr de Bonald devait donner, à quelques jours de là, la confirmation dans la paroisse. L’occasion serait bonne de s’adresser à sa bienveillance et l’abbé Gerin imagina de faire présenter la requête en faveur de Pierre, par le propre frère de celui-ci, Joseph, plus âgé de six ans, qui s’en tira fort bien. Mgr de Bonald, touché de cette preuve d’affection fraternelle, accorda une demi-bourse au séminaire de l’Argentière. D’autre part, le marquis de Monspey décida M. Bridet père à céder aux inspirations de son fils. Pierre fut un écolier intelligent et laborieux, et on ne lui reprochait que d’être autoritaire. Au grand séminaire, il fit de rapides progrès spirituels. Ordonné prêtre, sa conduite annonça que le bon sens et la fermeté marqueraient son ministère. Il fut d’abord vicaire à Périgneux, canton de Saint-Rambert-sur-Loire ; puis dans la paroisse ouvrière de Sainte-Barbe à Saint-Étienne, d’où, en 1802, il passa à l’Immaculée-Conception de Lyon.

Il se trouvait dans son milieu parmi les gens dont la pauvreté excitait son zèle. Cette paroisse, récemment établie, était fort étendue. Les quatre prêtres qui la desservaient ne manquaient pas de besogne. Ils avaient à évangéliser des âmes aigries contre la société par la misère du corps, et détachées depuis longtemps des idées et des pratiques religieuses.

L’abbé Bridet s’y dépensa tellement qu’au bout de quatre ans, on le mit à un poste moins pénible, celui d’aumônier des Dames du Sacré-Cœur aux Anglais près de Lyon. Mais dès le 25 avril 1869, il fut rendu à la vie active, et devint vicaire à Saint-Nizier, où il se donna surtout à l’école cléricale et à l’œuvre de l’Adoration nocturne. En 1870, il fit, avec M. Viennois, son ami, le pèlerinage de Rome où se tenait le concile œcuménique. De retour, il reprit, avec plus d’ardeur, ses visites fréquentes aux malades, ses travaux d’édification et d’études. Un jour, il fut mandé à l’archevêché. Mgr Ginoulhiac avait résolu de fonder une nouvelle paroisse qui serait prise en grande partie sur celle de l’Immaculée-Conception, laquelle ne suffisait plus à l’accroissement constant de la population. Trois années auparavant, Saint-Nizier avait fourni le fondateur de la paroisse Saint-Joseph, M. Viennois. Cette fois on s’adressa encore à un vicaire de cette paroisse.

L’abbé Bridet, de retour à Saint-Nizier, dit à ses confrères : « Priez Dieu pour moi ; monseigneur vient de mettre sur mes épaules un fardeau bien lourd. Je suis chargé de fonder une paroisse à la Guillotière, dans le quartier le plus déshérité. » Comme il semblait préoccupé, quelqu’un hasarda : « N’auriez-vous pu refuser ? » — « J’aurais craint de faire de la peine à Notre-Seigneur », répondit-il simplement.

M. Bridet n’arrivait pas en pays inconnu, puisque, six années auparavant, nous l’avons dit, il avait parcouru, comme vicaire de l’Immaculée-Conception, ces quartiers misérables. Mais, depuis son départ, la ville avait poussé son invasion plus loin. Des maisons plus nombreuses s’échelonnaient en bordure des rues principales, puis au delà se trouvaient également des terrains vagues et des chemins peu ou mal fréquentés. Le vaste quadrilatère désigné pour territoire de la novelle paroisse comprenait environ 10.000 habitants  ; il était limité par les paroisses Saint-Pothin et Saint-Joseph au nord, Sainte-Anne à l’est, Saint-Louis au sud et l’Immaculée-Conception à l’ouest.

On ne pouvait pas attendre des intéressés les contributions nécessaires à la construction d’une église. La plupart étaient indifférentes sinon hostiles, et avaient en outre grand’peine à se subvenir. M. Bridet commencé dans la ville, selon sa propre expression, « une vie de mendiant », qu’il mena jusqu’à son dernier jour. Les listes de souscription se couvrirent de trois mille signatures. Sans attendre d’avoir réuni les sommes nécessaires, il mit les travaux en chantier, le 11 mars 1875. L’emplacement avait été choisi d’un commun accord par les autorités civiles et religieuses, sur un terrain alors inoccupé, à l’angle de la rue Boileau et de la rue des Moines, actuellement rue Étienne-Dolet. Le temps pressait et faute de ressources on se contenta d’une construction provisoire. Bientôt on vit s’élever de longs murs en mâchefer, comme ceux de presque toutes les maisons voisines, d’où le nom populaire d’église des mâchefers qui est resté à l’édifice. Le nouveau curé était tous les jours sur le chantier, se rendant compte des moindres détails, montrant une aptitude qu’on ne lui connaissait pas. En septembre, il crut pouvoir prendre possession, et choisit pour l’inauguration le premier dimanche d’octobre, jour du Rosaire. La fête fut présidée par Mgr Thibaudier, coadjuteur de l’archevêque Mgr Ginoulhiac. Une foule de paroissiens, de bienfaiteurs, d’amis et d’indifférents se pressaient dans la pauvre enceinte, dont les murailles n’étaient ornées que de leur éclatante blancheur. L’église n’était rien de plus qu’une grande salle divisée en trois nefs par des colonnes de bois. La cérémonie fut belle. Mgr Thibaudier fit un délicat éloge du curé. À vêpres, la paroisse, dédiée au Très-Saint-Sacrement, fu consacrée au Sacré-Cœur. L’abbé Bridet avait choisi, en outre, pour patrons secondaires de son élise, saint Jean l’Évangéliste et la bienheureuse Marguerite-Marie.

Façade du Saint-Sacrement.

Comment y attirer une population d’ouvriers, parfois nomades, et dans laquelle nombre d’unions étaient illégitimes, beaucoup d’enfants laissés sans baptême ? Le peuple sans doute ne viendrait pas au prêtre. C’était donc au prêtre à aller au peuple. L’abbé Bridet y alla par le moyen de l’enfance. Son premier soin fut de grouper des écoles autour de son église. Dès le début d’octobre 1876, par la libéralité d’un insigne bienfaiteur et de sa fille non moins généreuse, il ouvrit une école de garçons qu’il confia aux frères de la Doctrine chrétienne, une de filles et un asile qu’il remit aux sœurs Saint-Charles. Peu après, il augmenta les classes paroissiales d’un cours d’adultes, pour les jeunes gens et les hommes dont l’instruction avait été négligée, et d’un patronage qui, le dimanche, soustrayait la jeunesse à la pernicieuse influence de la rue.

Dans la suite, il réalisa l’une de ses plus chères pensées en fondant une école apostolique, exclusivement sacerdotale, où il recueillit et prépara au séminaire, par la vie commune et religieuse, quelques enfants qui montraient des signes de vocation. Cette œuvre lui fut une source de grandes consolations. En 1894, il vit monter à l’autel ses premiers prêtres. Cependant, tous ces labeurs et mille autres, notamment les pèlerinages conduits annuellement à Lourdes, ne le détournaient pas de son idéal, la construction de l’église définitive. Il s’ingéniait, il comptait sur le miracle et celui-ci se produisait parfois. Un jour qu’il était inquiet d’une prochaine échéance, une paysanne demanda à lui parler au moment où il allait sortir de la sacristie. Intimidée par le visage soucieux du curé, elle s’embrouilla. « Parlez vite, madame, je vais sortir, » interrompit M. Bridel. — « Eh bien voici, fit la bonne femme : j’avais promis une offrande à l’église la plus pauvre, si je pouvais vendre convenablement une propriété. Je l’ai vendue. On m’a dit que votre paroisse était la plus nécessiteuse. Je vous apporte 3.000 francs. » Quand M. Bridet mourut, le 5 septembre 1903, la construction de l’édifice était fort avancée. Aujourd’hui, grâce aux efforts de son successeur, M. le chanoine Vignon, l’église est achevée et a été consacrée en 1905 par le cardinal Coullié. Ajoutons que le niveau moral de la paroisse s’est considérablement amélioré par suite du ministère apostolique exercée pendant trente ans par ces deux prêtres dévoués.

Intérieur du Saint-Sacrement.

L’église du Saint-Sacrement est l’œuvre d’un architecte éminent : M. Sainte-Marie-Perrin, notre collaborateur. M. Bridet avait exigé un monument de style ogival. L’architecte a cherché à se rapprocher de ce style ; mais il a fait une véritable création. Pour juger de la valeur de cet édifice, il est nécessaire de tenir compte des conditions imposées par l’emplacement, resserré dans le sens de la longueur, entre deux rues assez rapprochées.

Le maître-autel, de marbre blanc, est orné d’un bas-relief en métal doré qui représente un agneau portant l’oriflamme et dont le sang coule dans un calice. Un ciborium de cuivre bronzé recouvre le maître-autel ; par derrière, le mur peint et parsemé d’or encadre le tout fort gracieusement. À droite se trouve la chapelle de la Sainte-Vierge. Une cloison, formant balustrade de pierre, la sépare du chœur. Le vitrail qui l’éclaire représente l’Assomption. Contre le mur se voit le portrait en relief de M. Bridet, et, gravée sur une plaque de marbre noir, l’inscription suivante : « Le 5 septembre 1903 est décédé dans sa 73e année, Pierre Bridet, chanoine honoraire de la Primatiale, fondateur de celle paroisse qu’il administra pendant vingt-huit ans. Prêtre d’une foi profonde, d’une admirable énergie, d’une tendre piété envers Notre-Seigneur et sa Mère immaculée, il avait conduit presque à son achèvement cette église, insigne monument de sa dévotion envers la divine Eucharistie. » Au-dessous, on lit encore : « Le 2 du mois d’avril de l’année 1905, dimanche de Lætare, son Éminence le cardinal Coullié, archevêque de Lyon, a consacré cette église, œuvre de l’architecte Sainte-Marie Perrin. » Presque à la voûte, dans un médaillon, trois anges sont représentés à mi-corps, tournés vers le tabernacle et chantent un texte latin dont le sens est : « Salut, ô corps véritable du fils de la Vierge Marie ! »

La chapelle de gauche, dédiée à saint Joseph, reproduit la disposition de celle de Notre-Dame. Son vitrail représente la Sainte Famille invoquée par une famille terrestre. On a placé contre le mur la statue du bienheureux curé d’Ars dans l’attitude de la prière. Au fond de l’église est une statue de saint Antoine de Padoue tenant un pain ; vis-à-vis, la Sainte Face encadrée dans une ornementation murale. Le chemin de croix, en relief sur les parois de l’église, s’harmonise avec l’ornementation sobre de l’édifice.

ANTIQUAILLE

Il est peu de curieux du passé de Lyon qui ne sachent dans quel état se trouve aujourd’hui la prison dite de Saint-Pothin à l’Antiquaille. Sur cette partie de la colline, où s’élevèrent côte à côte des monastères et des maisons religieuses de tous ordres et de toutes congrégations, où se voyaient les Récollets de Belle-Grève, les Bénédictines de Notre-Dame de Chazeaux ou de Bel-Air et les Lazaristes, où passèrent de nos jours les Carmélites, où sont établies les sœurs de Marie-Thérèse et les religieuses de la Compassion, ce monument si vaste que l’on nomme l’Antiquaille, qui conserve encore quelques-uns de ses traits anciens, représente à la mémoire des moins érudits le souvenir de l’un des berceaux du christianisme dans les Gaules.

Regardons, de la place de l’Antiquaille, l’intéressant portail flanqué de deux pilastres et surmonté d’un fronton. Il abrite un double écusson accolé d’or au sanglier de sable colleté par un limier de gueules, qui appartient à la famille Buatier, d’argent, surmonté d’une étoile d’or effacée, qui est de la famille Sala. Ces armoiries sont timbrées d’un casque fermé posé de profil, assorti de ses lambrequins, des émaux de l’écu et surmonté pour cimier d’une tête de limier. Ce portail est celui de l’ancienne chapelle. « Voici l’entrée de l’une des plus vénérables églises de la ville », dit l’almanach de 1735. De chaque côté du portail est une inscription sur marbre noir. À gauche, c’est une demande de charité pour les pauvres. À droite on lit ces mots : « Tombeau de saint Pothin, martyr, premier évêque de Lyon », inscription inexacte puisqu’il eût fallu mettre : cachot où mourut saint Pothin. « Les cryptes de Saint-Nizier et d’Ainay », ajoute un chroniqueur, « se glorifient avec raison d’avoir possédé une partie des cendres des quarante-huit martyrs de la première persécution ». Mais si l’on entre dans l’ancien cloître des Visitandines, et qu’on descende un petit escalier, on se trouve en présence d’une seconde plaque de marbre portant cette inscription : « L’Église de Lyon, par une tradition constante, a toujours vénéré ce caveau comme la prison où saint Pothin, son premier apôtre, fut enfermé avec quarante-neuf chrétiens, et où il consomma son martyre sous l’empire de Marc-Aurèle, en l’an 177 de l’ère chrétienne. »

Dans un ouvrage destiné au grand public, il ne peut être question d’entamer des discussions archéologiques et de fatiguer l’esprit du lecteur par des minuties et des aridités. Mais il importe d’affirmer hautement que la croyance à l’authenticité de la prison Saint-Pothin est libre, et qu’elle ne se réclame ni de ces arguments historiques qui entraînent la certitude absolue, ni d’une tradition remontant, comme il serait nécessaire, aux premiers siècles. Il est possible que le palais du gouverneur ait occupé l’emplacement de l’Antiquaille, que les prisons aient été creusées sous le palais, dans des grottes naturelles, mais il n’y a là que des possibilités. Il semble pourtant que l’on puisse assurer ceci : le voisinage du forum d’une pari, de l’amphithéâtre et du théâtre de l’autre, indique la présence, presque nécessaire, non loin de là, du palais impérial. Ceci ne suffit point en tous cas à permettre de l’identifier absolument avec les bâtiments de l’Antiquaille. Sans doute, y rencontre-t-on fréquemment des mosaïques, des fragments de sculpture, des statues, ainsi que des corridors souterrains, mais il en va de même sur toutes les parties de la colline de Fourvière. Il existe dans l’enclos de la Compassion un magnifique corridor souterrain. Nous avons pu en explorer deux autres près du Chemin Neuf, lorsqu’on perça récemment le tunnel du funiculaire Saint-Jean-Fourvière. Au chemin de Montauban, il s’en trouve trois bien connus, et deux dans la propriété des Minimes. Quant aux fragments de sculpture et aux inscriptions, on en trouva en abondance lorsque l’on construisit la nouvelle maison des Jésuites, de la montée de Fourvière, comme on peut le lire dans une importante étude publiée à cette époque par le P. Tournier.

Quoi qu’il en soit, nous garderons ici une impartialité absolue. Sans vouloir entrer dans la discussion des deux opinions : celle qui se réclame de la tradition et celle qui lui dénie toute authenticité, nous nous contenterons de résumer l’histoire du caveau d’après les traditionalistes, de décrire son état actuel et sa splendide restauration.

À dater du ive siècle environ, on ne sait ce que devint le palais des préfets du prétoire. Si, vers le ixe siècle, qui vit crouler le Forum lyonnais, il existait encore, peut-être fut-il transformé en quelque grand manoir. Jusqu’au xve siècle, on ne trouve nulle indication, sinon celle de Ménestrier qui est très brève. À cette époque, un lettré lyonnais, Pierre Sala, construisit, sur cet emplacement, une vaste habitation qu’il appela les Antiquailles. Le nom est resté.

Cour et cloître de l’Antiquaille.

Sala posséda longtemps cette seigneurie qu’il laissa à Symphorien Buatier son petit-fils, comme lui, lyonnais notable ; elle passa ensuite à Benoît Buatier, vicaire général du cardinal de Tournon, archevêque et comte de Lyon, et de ce dernier à Claude de Rubys, son parent, historien de renom, qui y date l’épître dédicatoire de son Histoire véritable de Lyon, en indiquant néanmoins, suivant l’usage du temps et par pure courtoisie pour Pomponne de Bellièvre, qu’elle est écrite de la maison de ce dernier, et il termine par cette phrase : « De votre maison de l’Antiquaille sur Lyon, ce dernier jour de décembre 1601. » Ce château revint plus tard aux Buatier qui, vers 1616, sous le titre de seigneurs de Mont-Joli, y passèrent plusieurs actes et le possédèrent jusqu’en 1629, où un jugement obtenu contre une dame Buatier, veuve du sieur de Masso, en transporta la propriété à Mathieu de Sève, trésorier de France, seigneur de Saint-André, Fromentes et Flécheras, au prix de 21.000 livres. Mathieu de Sève acheta cette habitation, l’une des plus importantes de Lyon par les objets précieux qu’elle renfermait ; il y installa les religieuses du second monastère de la Visitation, établies depuis peu dans une petite maison du Gourguillon, qui avait coûté à M. de Sève de Saint-André 30.000 francs. Le 3 avril 1630, sous la conduite de Marie de Quérard, leur supérieure, ces religieuses prirent possession de l’Antiquaille.

La principale source à laquelle se réfère l’histoire de la prison Saint-Pothin est un récit intitulé : Songe de la mère de Riants, religieuse Visitandine de l’Antiquaille. Ce récit est inédit, il est tiré d’un manuscrit intitulé : Fondation du deuxième monastère de la Visitation de Lyon. L’importance du récit nous oblige à l’insérer en grande partie.

« Sœur Anne-Marie de Thélis, à présent supérieure à notre monastère de Toulouse, religieuse professe de notre premier monastère de Bellecour, et qui était fort dévote à saint Pothin, ayant été obligée, pour des infirmités, par l’ordre des médecins, de venir prendre l’air céans, fut ravie d’être en état de visiter le cachot de saint Pothin pour le vénérer. Elle en sortait toujours animée du désir que ce lieu fût plus fréquenté : elle nous en parlait souvent et employait son éloquence naturelle à nous persuader les grâces renfermées en ce saint lieu, et pour affermir davantage la vérité que c’était le lieu véritable où ce premier évêque de Lyon avait reçu la couronne du martyre, elle avait recueilli tout ce que les historiens anciens et modernes rapportent de la mort de ce saint et des lieux souterrains où il avait souffert et été en prison.

« Le songe. — Elle pria ce saint de se manifester à quelqu’une de notre communauté qui eût le crédit de le faire honorer. Quelques jours après qu’elle eut fait cette prière, sans nous l’avoir communiqué, dans l’octave de la Toussaint, la nuit de la fête de saint Charles, je me trouvais en dormant pénétrée d’une grande dévotion envers saint Pothin. Il me fut mis en l’esprit de prendre un charbon composé de parfum et de l’aller brûler en ce saint cachot. Je pris ce charbon et m’en allai à la porte de notre sépulture qui est, comme nous l’avons dit, la prison des martyrs de Lyon, que l’on tenait actuellement fermée. Étant à cette porte, je m’aperçus que je n’avais point de feu pour allumer ce charbon : dans le même instant il prit feu entre mes mains et fut en état de brûler. Aussitôt que la fumée qui passait par les fentes de la porte et de la serrure eut atteint au saint cachot qui est tout prêt de la porte — c’était une vieille porte toute de fentes et de trous — j’entendis tirer avec force et grand bruit des verrous, et j’aperçus en même temps, par les ouvertures de la porte et de la serrure qui était encore fermée, une grande lumière ; j’ouvris la porte et je vis tout le devant de la muraille du cachot de saint Pothin revêtue de fin or, et au-dessus du cachot un trône d’un éclat et d’une beauté admirable, et ce saint évêque assis dessus.

« Je me jette à genoux pour révérer ce grand saint, pour lors il ouvrit sa bouche, et d’une voix forte et douce il me dit : Ma fille, je suis en ce lieu d’une présence particulière pour assister de ma protection tous ceux qui m’invoqueront. Alors le son de sa voix répandit à mes oreilles une douceur semblable à celle que j’avais expérimentée à la vue. Je lui demandai quel était le caractère de sa sainteté. Il me répondit que c’était de faire connaître Jésus-Christ et qu’il avait employé les travaux de sa vie pour étendre sa gloire. Je lui dis : Que pourrai-je faire, grand saint, pour exalter votre gloire ? — Il me dit : Ce que vous ferez pour ma gloire, faites-le pour la gloire de Jésus-Christ. Il continua de parler si hautement des bontés et des beautés du Fils de Dieu, que toutes nos sœurs qui passaient par là, entraient en foule en ce saint lieu et se mettaient à genoux dans une grande admiration et dévotion. Après qu’il eut parlé quelque temps, apercevant que ma sœur de Thélis n’y était pas, je lui dis : Grand saint, je vous prie que ma sœur de Thélis, qui a tant de vénération pour votre sainteté, voie ce que je vois, et qu’elle entende ce que j’entends. — Il me répondit d’une douceur charmante : Oui, dites-lui qu’elle vienne demain matin, je me manifesterai à elle. — Fin du songe.

« Je me réveillai persuadée que ce saint lieu était rempli de grâces et, désireuse de lui faire rendre l’honneur qui lui était dû, je me proposai d’étendre sa gloire autant qu’il me serait possible. Je m’en allai dès le matin réjouir notre chère sœur de Thélis en lui disant ce qui m’était arrivé la nuit, et comme il m’était resté un grand désir de réparer à l’avenir la faute que nous avions commise d’avoir laissé dans l’oubli un lieu qui est si digne de vénération. Notre communauté se contentait d’aller dire tous les ans la litanie des saints martyrs, sans y entrer. Elle me dit alors qu’il y avait quelques jours qu’étant allée dans ce saint cachot, comme à son ordinaire, toute seule pour y faire sa prière, et l’ayant approprié et ôté les toiles d’araignées, desquelles il y avait quantité par le peu de fréquentation, elle dit à ce grand saint : « O mon saint pontife, voilà tout ce que je puis faire pour vous, mais travaillez vous-même pour votre gloire, et manifestez-vous à quelques personnes de céans qui aient plus de crédit que moi. » Je lui répondis que j’étais bien résolue de faire tout ce qui serait en mon pouvoir pour le faire honorer.

Saint Pothin et saint Irénée
(d’après un vitrail de L. Bégule, à l’église Saint-Irénée).

« Mais sitôt que j’eus dit à nos sœurs le songe que j’avais eu et les effets qu’il m’en était restés, elles furent si remplies de dévotion et de désir de rendre à l’avenir l’honneur que méritait ce saint cachot, qu’elles commencèrent à recourir à la protection de saint Pothin et à surmonter la peur qu’elles avaient pour ce lieu, où sont enterrées toutes nos sœurs défuntes, pour y aller faire leurs dévotions. Celles de nos sœurs qui se trouvèrent auprès de ma sœur de Thélis, lorsque je lui fis ce récit, me dirent qu’il fallait prier saint Pothin que s’il voulait être honoré dans ce lieu il le fît connaître en guérissant maître Mathieu Farja, qui écrit alors dans un extrême péril de sa vie, étant abandonné des médecins. Il avait été trente ans notre valet ; il avait reçu tous les sacrements, et l’on assurait que de trente qui avaient son mal, un seul n’en échapperait pas.

« Je le priai que s’il donnait la santé à cet ouvrier qui était charpentier, il ferait quelque chose de son métier à son honneur. Dès le lendemain, il se porta mieux ; mais pour faire connaître que Dieu ne lui avait rendu la santé qu’à la considération de saint Pothin, il fut toujours languissant jusqu’au jour qu’on apporta la statue que nous avons fait faire du saint pour la placer sur son cachot, avec les deux grands anges pour mettre des deux côtés, qu’il se porta parfaitement bien et se rendit céans sans en avoir été averti, pour remercier des prières qu’on avait faites pour sa guérison, et savoir ce qu’il pouvait faire pour saint Pothin, C’était justement l’heure et le moment qu’il fallait prendre quelques mesures pour l’enjolivement de ce saint lieu. Voilà la fin du récit du songe de notre très honorée mère de Riants, qu’on peut appeler songe mystérieux : il a été examiné par les docteurs et casuistes qui l’ont approuvé.

« Elle fut fort animée pour faire embellir ce saint cachot et toute la prison qu’elle fit cadeter avec de grandes pierres de taille. C’était à qui ferait des présents pour ce sujet. Mme  de Pradel, belle-sœur de notre sœur la déposée, lui donna cent francs. Elle fit faire à un très excellent sculpteur un buste de notre saint, de pierre blanche, revêtu pontificalement avec la mitre en tête, et une corniche au-dessous et deux anges de côté avec l’inscription du temps qu’il souffrit le martyre. Pour le faire honorer à perpétuité dans ce lieu, elle fit faire de belles marches pour entrer dans la grande prison, avec une très belle porte qu’elle fit peindre, fit blanchir toutes les avenues ornées avec de belles sentences et tableaux, le tout fort propre, et qui ressemble plus à une chapelle qu’à un lieu de sépulture, et qui est éclairé d’une lampe qui est allumée devant le saint cachot.

« Lorsque tout fut en état, la divine Providence fit venir Mgr de Montmorin, pour lors évêque de Die, et à présent archevêque de Vienne. Elle lui raconta naïvement son songe et tout ce qui lui était arrivé ensuite et les grâces intérieures qu’elle tenait dans le secret pour tout le monde excepté pour ce grand prélat, auquel elle en fit confidence. Ce bon seigneur était ravi de tout ce récit, et il s’offrit à elle pour tenir le buste. Le jour fut arrêté, il vint avec M. le comte Destin, de Saint-Jean, et qui est à présent Mgr l’évêque de Saint-Flour. Ils furent suivis de M. Deville, notre père spirituel ; M. Basset, obéancier de Saint-Just ; MM. Blauf et du Soleil, chanoines de cet illustre corps ; MM. Maillard et Bourelieu, supérieurs du séminaire de Saint-Irénée ; M. Charier, chanoine d’Ainay ; l’aumônier des dames de Saint-Pierre, et plusieurs autres ecclésiastiques de mérite, parents et amis de nos sœurs, avec M. Gimel notre confesseur. Tous assistèrent à cette cérémonie dans la prison des martyrs de Lyon avec grande dévotion et ferveur, surtout Mgr Destin qui fut deux fois faire sa prière dans ce saint cachot avant que de sortir de notre maison ; ce qui lui attira la protection de saint Pothin par une merveilleuse guérison d’un grand mal de tête que ce seigneur avait toutes les nuits depuis longtemps, qui dégénérait en rage et qui le tourmentait cruellement et continuellement, surtout la nuit qu’elle augmentait. Ce jour où il en fut fort incommodé céans, et la nuit suivante elle augmenta de telle sorte qu’il fut obligé de demander la protection de saint Pothin, n’osant pas lui demander la guérison, à lui qui avait tant souffert pour Dieu ; mais enfin sa douleur devint si cuisante qu’il fut contraint de s’écrier : Ô grand saint, s’il est vrai que vous êtes mort dans ce cachot où j’ai eu le bonheur d’entrer aujourd’hui, je vous prie de me guérir, et je vous promets que demain j’irai dire la messe à l’Antiquaille à votre honneur et gloire. Il n’eut pas sitôt fait cette prière que la douleur cessa, et depuis il ne s’en est plus ressenti. Le lendemain au matin, son carrosse fut à notre porte, il raconta sa guérison à notre Mère.

« Après la dévotion de Messieurs les ecclésiastiques, les dames de Lyon voulurent faire la leur. M. Deville, notre père spirituel, à la persuasion de Mgr de Montmorin, donna deux permissions à chaque religieuse de ce monastère pour faire entrer deux de leurs parentes ou amies, ce qui se fit dans un même jour, après midi sonné, avec grande affluence, et beaucoup de dévotion, et plusieurs saintes âmes reçurent dans le saint cachot des grâces singulières.

« Le bruit courut dans Lyon que nous avions trouvé le corps de saint Pothin et qu’il faisait de grands miracles. Chacun voulait entrer, et le menu peuple venait sans cesse demander de ses reliques. C’est ce que nous n’avions pas, puisque les païens firent brûler son sacré corps. On eut l’inspiration de prier saint Pothin de donner la vertu des saintes reliques à l’eau qu’on ferait reposer dans son cachot, grâce qu’il lui accorda en telle sorte que depuis l’on donna continuellement de cette eau salutaire qui guérissait toutes les maladies.

« Comme quelques-unes de nos sœurs étaient en prière devant le petit cachot de saint Pothin, il tomba un gros caillou de la voûte du cachot, et sans avoir pu connaître l’endroit d’où il était sorti. On le reçut comme un présent du saint et notre Mère de Riants, l’ayant fait calciner, le cassa en plusieurs petites pierres pour en donner à tous ceux qui demanderaient des reliques. Elles ont fait de grands miracles en les portant sur soi, ou buvant de l’eau où elles ont trempé. Il semble que Dieu les ai fait multiplier ; car après en avoir donné à tout Lyon et en avoir envoyé à plusieurs communautés éloignées et en avoir distribué continuellement depuis sept ou huit ans, il en reste encore une infinité.

Mgr David,
évêque de Saint-Brieuc.

« Dans le même temps un homme de bien eut une vision dont voici l’attestation. Je, soussigné, certifie, moi Jean Thomas Fayard la Chapelle, que le 21 mai 1690, revenant d’une maison à Fourvière avec ma femme et ma famille et une de mes sœurs, veuve de Jean Mignol, maître écrivain à Lyon, passant devant l’église de Sainte-Marie des Antiquailles, entre sept à huit heures du soir, ayant trouvé la porte du couvent ouverte, ce qui m’obligea d’aller adorer Dieu devant la porte de l’église, ayant fait ma prière, je regardai par le trou de la serrure, j’aperçus une grande clarté du côté de la grille où l’on communie les Dames du couvent ; cela me surprit à l’abord, je regardai jusqu’à trois ou quatre fois et je remarquai que cette clarté ressemblait un soleil sous une petite voûte, et ce qui m’obligea à faire revenir ceux qui étaient avec moi sur leurs pas, je leur dis qu’ils prissent garde à ce qu’ils verraient dans l’église ; ils me répondirent qu’ils voyaient un soleil sous une voûte, du même côté que je l’avais vu. Pourtant, prenant toujours cela pour une vision, je ne le mis point dans mon esprit, croyant toujours mètre trompé, mais, environ huit ou dix jours après, ayant entendu dire que l’on avait trouvé dans le couvent des dames de Sainte-Marie la prison d’un saint, et que plusieurs personnes y allaient par vénération, cela me fit rentrer en moi-même et rappeler dans ma mémoire ce que j’avais vu avec ma famille, ce qui m’obligea de le déclarer à mon confesseur, et il m’obligea d’aller dire aux dames du couvent ce que nous avions vu. J’ai baillé la présente attestation aux dames, et j’ai fait signer au bas ceux qui étaient avec moi à la réserve d’un de mes enfants qui est mort du depuis. Fait à Lyon, ce 4 janvier 1691. Jean Thomas Fayard, Alexandrine de Cerf, Catherine la Chapelle Fayard, Jean-Marie la Chapelle Fayard, Claude Fayard.

« M. Tourlon, chanoine de Saint-Just, homme docte, pieux et rempli de zèle, composa la litanie en l’honneur de saint Pothin, elle est estimée des savants, ayant renfermé dedans tous les travaux et éloges de ce grand saint. Il a aussi composé une prose à l’honneur de ce grand saint, que son illustre corps chante à la grand-messe qu’ils célèbrent le jour de sa fête céans, qui est très belle et approuvée de tous les savants. Il en a aussi composé une à l’honneur de notre glorieux père saint François de Sales.

« Voici les principaux miracles dont nous avons connaissance. Dans notre monastère de la Visitation de la ville de Crêt en Dauphiné, une jeune professe nommée de Mont-d’Or était tombée en apoplexie et restée sourde, aveugle e( impotente. La communauté fit une neuvaine pour sa guérison à saint Pothin ; elle dit sa litanie et l’on mit sur elle une pierre du cachot de ce grand saint. Le dernier jour de la neuvaine, elle fut si mal qu’on crut qu’elle mourait, et pendant qu’on disait la messe pour elle, où la communauté assistait, elle reprit tout à coup ses sens et fut dans le même moment parfaitement guérie. Les médecins donnèrent attestation de ce miracle.

« Une demoiselle de Lyon avait perdu l’esprit ; ses parents, après avoir fait leur possible pour sa guérison par tous les remèdes humains, sans aucun effet, la vouèrent à saint Pothin. On lui fit boire de l’eau où l’on avait fait tremper une pierre de son cachot pendant sa neuvaine, avec promesse de faire faire un tableau d’un vœu rendu si elle guérissait. Elle guérit si parfaitement qu’elle n’est plus retombée dans cet accident, et s’étant faite religieuse du depuis, elle est à présent supérieure dans son monastère.

« Une jeune demoiselle de qualité de cette ville, âgée de neuf ans, fut guérie des écrouelles qu’elle avait au col. Elle était de ma connaissance particulière, elle me fut envoyée pour la mettre dans le cachot de saint Pothin où je la fis asseoir et lui fis faire sa prière. Elle avait actuellement la fièvre. Elle était pensionnaire dans une maison religieuse auprès d’une grande tante qui prit soin de lui faire faire sa neuvaine, et laquelle était animée d’une foi vive. Elle fit prendre à cette chère nièce de l’eau qui avait reposé dans le cachot, dans tous ses aliments : elle fut parfaitement guérie, c’est de quoi je suis témoin oculaire, l’ayant vu plusieurs fois depuis ce temps. Dans la royale abbaye de Saint-Pierre de cette ville, de l’ordre de Saint-Benoît, plusieurs dames religieuses ressentirent la protection de saint Pothin par la guérison de plusieurs maux, par l’attouchement des pierres de son cachot que ma sœur Marie-Marthe de Parenge envoya à mesdames de Chevrière ses nièces, religieuses dans ce monastère. »

Nous passerons sous silence la suite des prodiges, des guérisons et des grâces que le narrateur attribue à saint Pothin. Le récit qu’on vient de lire suffit à indiquer combien le culte du saint martyr était négligé à l’Antiquaille, si même il ne prit pas naissance à ce moment, et comment, par les soins des Visitandines, il prit de l’extension.

De nos jours, lorsqu’on pénètre dans le cachot, on se trouve en présence d’une première salle magnifiquement ornée de mosaïques et qui précède le caveau proprement dit. On ne saurait mieux faire que de s’en rapporter à l’exacte description qui en a été dressée par l’intelligent restaurateur du caveau M. le chanoine C. Comte. Commençons par le cachot :

« La porte étant ouverte, vous descendez encore quatre marches, et vous vous trouvez dans ce caveau. Aucun ornement n’est venu en déranger l’harmonie, et néanmoins, en tous les temps, il a attiré la vénération des fidèles, et a été en grand renom dans Lyon et tout le pays. Les saints, les papes, les évêques, les souverains qui ont passé à Lyon l’ont visité. Nommons Louis XI, Charles VIII, Louis XII, Henri IV, Louis XIII, Louis XIV. Sainte Chantai y a prié ; Anne d’Autriche y est venue plusieurs fois. Une infinité d’autres princes et personnages illustres y sont venus aussi. Le 19 avril 1805, le pape Pie VII s’y est agenouillé et a préconisé cette dévotion. Les foules recueillies s’y renouvellent sans cesse. Les souverains pontifes Urbain VIII, Alexandre VII, Pie VII, Pie VIII, Léon XII, Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII, l’ont doté de nombreuses et riches indulgences. Les âmes religieuses y ont multiplié les dons de la reconnaissance. Une multitude de lampes y ont été offertes et brillent doucement au nom des saints martyrs. »

Mgr Thibaudier, évêque auxiliaire de Lyon, puis archevêque de Cambrai.

Il est bon de rappeler que ce cachot a reçu la visite de missionnaires partant pour des contrées lointaines et venant offrir au fondateur de l’Église de Lyon les prémices de leur apostolat et leur secret désir du martyre. On a vu aussi s’agenouiller des prêtres du diocèse de Lyon que la confiance du Souverain Pontife avait appelés à l’honneur de l’épiscopat et qui, humblement, venaient demander au saint évêque l’énergie nécessaire pour gouverner leurs nouveaux diocèses. Tels furent Mgr Pierre-Louis Cœur, brillant élève du séminaire Saint-Jean, et qui gouverna l’église de Troyes de 1849 à 1860, Mgr Augustin David, d’abord missionnaire diocésain, puis évêque de Saint-Brieuc de 1862 à 1882, Mgr Dominique-Augustin Dufêtre, également élève du séminaire de la Primatiale et qui gouverna l’église de Nevers de 1843 à 1860. Que de fois n’y vit-on pas ce prélat que tout Lyon a connu et estimé, Mgr Natalis Gonindard, d’abord missionnaire diocésain, bon prédicateur, puis évêque de Verdun en 1884 et mort sur le siège archiépiscopal de Rennes, comme aussi Mgr Odon Thibaudier, successivement missionnaire diocésain, puis évêque titulaire de Sidonie, auxiliaire de Lyon, évêque de Soissons en 1876, enfin archevêque de Cambrai. Mais il importe surtout de rappeler ici le nom du cardinal Ferdinand-François-Auguste Donnet, archevêque de Bordeaux de 1837 à 1852.

« Entrons avec respect, poursuit M. le chanoine Comte, à la suite de tant d’âmes pieuses, et contemplons ce sanctuaire où la foi chrétienne a jeté aux premiers jours un si vif éclat. Creusé dans une terre rocailleuse, ce caveau va s’abaissant jusqu’au sol, sur lequel sa voûte naturelle repose immédiatement de trois côtés. Sa hauteur, au centre, est de trois mètres, sa longueur de six, sa largeur de cinq. Il était autrefois comme le vestibule de trois autres cachots et d’une voûte souterraine menant, selon les uns, jusqu’au théâtre, qui se trouvait sur l’emplacement occupé plus tard par les Pères Minimes, et, selon d’autres, servant à conduire les martyrs près des empereurs.

« Deux choses frappent encore aujourd’hui le visiteur dans cette prison. À droite, l’enfoncement où saint Pothin fut étouffé, excavation si petite et si incommode qu’on n’y peut être ni debout, ni à genoux, ni couché ; puis, au milieu, la colonne de pierre, formée de tronçons concentriques, au-dessus de laquelle une boucle, fixée à la voûte, apparaît à moitié rongée par la rouille. La crypte, qui est contiguë à la prison et qui communique à la cour du cloître par un escalier moderne devenu l’entrée principale, faisait partie de cette réunion de cachots. Elle a été ainsi agrandie et modifiée en 1854, afin de pouvoir contenir la communauté aux jours de fêtes de nos martyrs et donner un accès plus facile aux foules qui s’y pressent. C’est en ces dernières années seulement qu’elle a reçu la décoration qu’on y admire. Alors, changeant entièrement de destination, elle est devenue, par la charité lyonnaise, le complément glorieux de la prison, et comme un saisissant commentaire de ses graves enseignements.

La Cène (peinture de Barriot sur les cartons de Janmot)
(Chapelle de l’Antiquaille.)

« Le plan de cette crypte, qui a la forme d’une croix grecque, en souvenir de nos origines chrétiennes, est un carré de huit mètres de côté, couvert par quatre voûtes d’arête dont les retombées centrales s’appuient sur un pilier carré où sont inscrits les noms des Quarante-Huit. En regard, quatre pilastres font saillie sur les murs latéraux, et contiennent en larges inscriptions les quatre phases de la vie de saint Pothin, sa mission, son apostolat, son accusation, son martyre. Sur les murs latéraux qui divisent les quatre pilastres, sont représentés, à la mosaïque, l’Agneau divin, la Vierge Orante et près d’elle Marcel et Valérien, poussés hors de la prison par la main divine ; puis les Quarante-Huit, placés selon le genre de supplice auquel ils furent soumis, ceux qui furent étouffés dans la prison, ceux qui furent jugulés par le glaive, et ceux qui périrent dans l’amphithéâtre. Des oculi, percés au sommet des quatre voûtes, distribuent dans l’enceinte une lumière discrète. Des lampes et des torchères de bronze aident aussi à apercevoir la blanche procession de nos chers saints, les fonds rouges, les parements de marbre des murailles, la mosaïque du sol et des voûtes, la sobre décoration des croix, des roses et des palmes qui en complètent le symbole. »

Remontant du cachot souterrain, pénétrons dans l’église supérieure, construite par les religieuses, et devenue aujourd’hui chapelle de l’hospice. La façade porte tous les caractères du xviie siècle : elle est ornée d’un fronton brisé et d’une porte en bois élégamment sculptée. L’intérieur de l’église se compose essentiellement de trois parties : le chœur accompagné de la nef et deux vastes transepts, dont l’un était autrefois le chœur des religieuses s’ouvrant près du maître-autel et séparé de lui par la grille traditionnelle qui a été enlevée. L’autel est de marbre blanc et noir sans sculpture, il est surmonté d’une Descente de croix, tableau fort mal éclairé. À gauche, une autre toile rappelle la scène du Lavement des pieds, tandis que sur la muraille de droite se trouve un groupe : la Pietà.

La nef unique de l’église est peu allongée, il est vrai qu’elle est heureusement complétée par une vaste tribune. Sur le mur de gauche, une inscription rappelle que : « Sous le jubilé du xviiie siècle, le 19 avril 1803, le pape Pie VII est venu donner sa bénédiction, dans cette église dédiée à saint Pothin, martyr, premier évêque de Lyon. » Contre les murs de la grande nef deux tableaux représentent, l’un saint Jean de Dieu soignant des malades, l’autre sainte Marthe et sa sœur Marie-Madeleine recevant le Sauveur.

La chapelle de droite qui forme transept possède un autel sans caractère mais orné de nombreux et précieux reliquaires, et surmonté d’une belle peinture : la Cène. Celle-ci avait d abord été peinte en fresque par Janmot, mais par suite de la technique défectueuse du procédé, la fresque avait presque disparu. Le peintre Barriot, aidé des cartons de Janmot a reproduit fidèlement sur toile l’œuvre primitive, pleine de noblesse et de grandeur. Le transept de gauche n’a pas de chapelle, il sert à contenir les enfants de l’hospice qui ne pourraient trouver place dans la grande nef. Dans celle-ci enfin s’ouvre une petite chapelle dédiée à la Sainte-Vierge : l’élégant autel de marbre blanc avec sculptures est surmonté d’une statue de la Mère de Dieu.


BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE VI

ORPHELINAT CAILLE
ET PETITS-FRÈRES DE MARIE

Testament olographe de M. Joseph Caille, chanoine d’honneur de la cathédrale de Lyon, du 15 septembre 1840, déposé, le 26 janvier 1841, dans les minutes de Me  Ducruet, notaire à Lyon. Lyon, impr. typo-lithographique de Mougin-Rusand, 1811, grand in-8, 55 p. — Autographié.

Les chevaliers de Marie, enfance et jeunesse de quelques-uns de ses plus dévoués serviteurs au xixe siècle. Lille (Nord), maison Saint-Joseph ; Grammont (Belgique), œuvre de Saint-Charles, sans date, in-16, 303 p., grav. — Pages 276-290, Marcellin Champagnat, extrait de sa vie par un de ses premiers disciples.

Vie de Joseph-Benoît-Marcellin Champagnat, prêtre fondateur de la Société des Petits-Frères de Marie, par un de ses premiers disciples. Tome premier (second). Lyon et Paris, impr. Périsse, 1856, in-12, 2 vol., xlv p.-l f.-328 p. ; 2f.-414 p.f. — Autre édition : Lyon, Vitte, 1896, in-8, xv-336 p. portr. et 7 grav.

Chroniques de l’institut des Petits-Frères de Marie, sentences, leçons, avis du vénéré père Champagnat, expliqués et développés par un de ses premiers disciples. Lyon, imprimerie de Ve J. Nicolle, 1868, in-12, 1 f.-xiv-536 p.

Chroniques de l’institut des Petits-Frères de Marie, biographies de quelques frères qui se sont distingués par leurs vertus et l’amour de leur vocation. Lyon, J. Nicolle et C. Guichard, imprimeurs-éditeurs, 1868, in-18, xxi-477 p.- 1 f.

Beatificationis Marcellini Josephi Benedicti Champagnat, sacerdotis Maristæ, positio super introductione causæ. Romæ, typis Perseverentiæ, 1896, in-4, 5 parties, 94-163-70-32-110 p. — Procès de béatification.

Vie du vénérable Marcellin-Joseph-Benoît Champagnat, prêtre mariste, fondateur de la congrégation des Petits-

Petits-Frères de Marie, par un de ses premiers disciples, nouvelle édition. Lyon, librairie Emmanuel Vitte, 1897, in-8, xxxix-617 p., portr., grav.

PRADO

Vie du père Chevrier, fondateur de la providence du Prado à Lyon, par J.-M. Villefranche, treizième édition, revue & complétée. Librairie catholique Emmanuel Vitte, Lyon et Paris, sans date, in-8, xv-392 p., portrait.

Quelques mots sur M. l’abbé Chevrier, fondateur de la providence du Prado ; notice suivie de son testament spirituel, par M. l’abbé Th. M… Lyon, Ville et Perrussel, 1879, in-8, 19 p., portrait.

Testament spirituel du père Chevrier, fondateur de la providence du Prado, Lyon-Guillotière. Lyon, imprimerie catholique, 1880, in-8, 8 p.

Extrait de « l’université catholique ». Le père Chevrier, fondateur de la providence du Prado, à Lyon, 1826-1879, notice par un prêtre du Prado. Lyon, imprimerie et librairie Emmanuel Ville. 1891, in-8. 30 p.-1 f.

Le père Chevrier, fondateur de la providence du Prado, extraits de ses écrits, précédés d’une notice, par un prêtre du Prado. Lyon. Emmanuel Vitte : Delhomme et Briguet ; Ruban ; librairie Saint-Augustin, 1891, in-8, viii-359 p.-l f., portrait.

Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon : fondation Clément Livet : rapport sur les prix de vertu, lu dans la séance publique du 23 décembre 1895, par Léon Roux. Lyon, Rey, 1896, in-8, 11 p. — Prix décerné à la providence du Prado à Lyon.

Vie du père Chevrier, fondateur de la providence du Prado à Lyon, par A. Delaserre. Lyon, Paul Girod, éditeur ; Paris, œuvre de la première communion et des orphelins-apprentis, 1899, in-lS, xv-196 p., 7 gravures, dont un portrait.

SAINT-JOSEPH

Vie de M. Viennois, curé fondateur de la paroisse de Saint-Joseph à Lyon, par l’abbé L. Laplace, chanoine honoraire de Belley. Lyon, librairie Emmanuel Vitte, 1893, in-18, xvi-280 p. -2 f., portrait et gravures.

SAINT-SACREMENT

Bulletin mensuel de la paroisse du Très-Saint-Sacrement, 1900 et suiv.

Vie de M. l’abbé Bridet, chanoine honoraire de la primatiale, curé fondateur de la paroisse du Très-Saint-Sacrement, par l’abbé P. Decroux. Lyon, librairies catholiques, 1905, in-12, 5 f.-177 p.-l f., portrait.

ANTIQUAILLE

Histoire du monastère de la Visitation de l’Antiquaille, par une religieuse. Manuscrit.

La vie de la vénérable mère Suzanne-Marie de Riants de Villerey, de l’ordre de la Visitation, dans la maison de l’Anticaille de Lyon. Lyon, P. Valfray, 1726, in-12.

Achard-James, Histoire de l’hospice de l’Antiquaille de Lyon. Lyon, 1834, in-8.

F.-Z. Collombet}, Le monastère de l’Antiquaille, dans : Revue du Lyonnais (1844), 1re série, XIX, 357.

Recherches sur les armoiries placées au-dessus de la porte principale de l’hospice de l’Antiquaille & découvertes dans le mois de mai 1854, notice présentée à la Société académique d’architecture de Lyon, par Émile Perret, architecte, secrétaire de la Société. Lyon, Perrin, 1858, in-8, 2 f.-27 p., une grav.

C. C[omte], La prison de l’Antiquaille, saint Pothin et sescompagnons, à l’occasion du dix-septième centenaire de leur martyre. Lyon, imp. Mougin-Rusand, 1877. in-16, xi-52. p., 1 grav. — Autre édition en 1898.

C. C[omte], La lampe de saint Pothin au caveau de l’Antiquaille. Lyon, Vitte et Perrussel. 1884, in-8, x-30 p.

C. Comte, Le culte de saint Pothin à Lyon. Lyon, imp. E. Paris. 1885, in-8, 8 p.

M.-C. Guigue, Recherches sur les Merveilles, fête antique et populaire de la ville de Lyon, encore célébrée à la fin du xive siècle. Lyon, 1887, in-8.

J. Condamin, Les nouvelles mosaïques de la crypte de saint Pothin à l’Antiquaille. Lyon, Ville, 1893, in-8, 8 p.

Les mosaïques de la crypte de l’Antiquaille. Lyon, Vitte, 1895, in-4, 44 p.

Le premier évêque de Lugdunum, hommages rendus à la mémoire de saint Pothin, par une société d’ecclésiastiques, sous la direction de M. le chanoine Richoud, curé-archiprêtre de la paroisse Saint-Pothin. Lyon, Vitte, 1900, in-8, 366 p.