Histoire des animaux

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Traduction par Jules Barthélemy Saint-Hilaire.
Librairie Hachette et Cie (1p. i-ccxxiii).

PRÉFACE

Opinions de Buffon, de Cuvier et de plusieurs autres savants sur la zoologie d’Aristote ; critique de M. Lewes ; analyse sommaire de l’Histoire des Animaux ; plan d’Aristote ; ses devanciers, Alcméon de Crotone, Empédocle, Anaxagore, Diogène d’Apollonie, Démocrite, Hippocrate, Xénophon, Platon ; les successeurs d’Aristote, Pline, Élien ; Albert-le-Grand ; Belon et Rondelet, Wotton d’Oxford, Conrad Gesner, Linné, Buffon, Cuvier ; style d’Aristote ; sa méthode comparée à la méthode de la zoologie moderne ; ordre à suivre dans la classification des animaux ; échelle des êtres et Transformisme ; problème de la vie universelle ; admiration d’Aristote pour la nature ; anatomie pratiquée par Aristote ; dessins anatomiques ; état actuel de la zoologie ; idée de la science, privilège de la Grèce ; opinions des historiens de la philosophie sur l’histoire naturelle d’Aristote. — Conclusion.

Avant d’apprécier à notre tour la zoologie d’Aristote, il est bon de voir ce qu’en pensent les juges les plus autorisés et les plus récents. Nous recueillerons d’abord le témoignage de ces illustres représentants de la science ; et, comparant le point où la zoologie est actuellement parvenue avec son point de départ, nous mesurerons l’intervalle qu’elle a parcouru depuis vingt-deux siècles. Par là, nous comprendrons mieux son origine et ses progrès ; l’opinion des plus fameux zoologistes des temps modernes guidera la nôtre, et leur compétence nous répondra de leur impartialité.

Linné n’a point parlé d’Aristote, bien qu’il l’ait nécessairement connu. Mais, à son défaut, nous interrogerons Buffon et Cuvier, en compagnie de plusieurs autres savants, qu’on peut citer à côté d’eux, sans qu’ils soient leurs égaux.

Buffon est non seulement un grand naturaliste ; mais encore il est un des meilleurs écrivains de notre langue. L’habileté du style, qui est aussi bien placée dans l’histoire naturelle que partout ailleurs, ne peut jamais nuire ; elle assure aux choses leur véritable caractère et leur importance relative, sans les dénaturer, tout en les embellissant. Buffon, dans son Discours sur la manière d’étudier l’histoire naturelle, jette un regard sur le passé, et il est heureux de lui rendre hommage :

« Les Anciens, dit-il, qui ont écrit sur l’histoire naturelle étaient de grands hommes, qui ne s’étaient pas bornés à cette seule étude ; ils avaient l’esprit élevé, des connaissances variées, approfondies, et des vues générales. S’il nous paraît, au premier coup d’œil, qu’il leur manque un peu d’exactitude dans de certains détails, il est aisé de reconnaître, en les lisant avec réflexion, qu’ils ne pensaient pas que les petites choses méritassent autant d’attention qu’on leur en a donné dans les derniers temps. Quelques reproches que les Modernes puissent faire aux Anciens, il me semble qu’Aristote, Théophraste et Pline, qui ont été les premiers naturalistes, sont aussi les plus grands à certains égards. L’Histoire des Animaux d’Aristote est peut être encore aujourd’hui ce que nous avons de mieux fait en ce genre, et il serait fort à désirer qu’il nous eût laissé quelque chose d’aussi complet sur les végétaux et sur les minéraux. » (Manière d’étudier l’histoire naturelle, tome I, p. 84, édition de 1830.)

Mais cette première vue ne suffit pas à Buffon ; et il croit devoir un examen plus étendu à l’œuvre d’Aristote ; il poursuit donc :

« Alexandre donna des ordres, et il fit des dépenses très considérables pour rassembler des animaux et en faire venir de tous les pays ; il mit Aristote en état de les bien observer. Il paraît, par son ouvrage, qu’il les connaissait peut-être mieux, et sous des vues plus générales, qu’on ne les connaît aujourd’hui. Quoique les Modernes aient ajouté leurs découvertes à celles des Anciens, je ne vois pas que nous avons sur l’histoire naturelle beaucoup d’ouvrages qu’on puisse mettre au-dessus d’Aristote. Mais comme la prévention qu’on a pour son siècle pourrait persuader que ce que je viens de dire est avancé témérairement, je vais faire en peu de mots l’exposition du plan de son ouvrage.

« Aristote commence par établir des différences et des ressemblances générales entre les divers genres d’animaux ; au lieu de les diviser par de petits caractères, comme l’ont fait les Modernes, il expose historiquement tous les faits et toutes les observations qui portent sur des rapports généraux et sur des caractères sensibles ; il tire ces caractères de la forme, de la couleur, de la grandeur, et de toutes les qualités extérieures de l’animal entier, et aussi du nombre et de la position de ses parties, de la grandeur, du mouvement, de la conformation de ses membres, et des relations qui se trouvent entre ces mêmes parties comparées. Il donne partout des exemples pour se faire mieux entendre. Il considère aussi les différences des animaux par leur façon de vivre, leurs actions et leurs mœurs, leurs habitations, etc. Il parle des parties qui sont communes et essentielles aux animaux, et de celles qui peuvent manquer, et qui manquent en effet, à plusieurs espèces.

« Ces observations générales et préliminaires font un tableau où tout est intéressant ; et ce grand philosophe dit qu’il les a présentées sous cet aspect pour donner un avant-goût de ce qui doit suivre et faire naître l’attention qu’exige l’histoire particulière de chaque animal, ou en général de chaque chose.

« Il commence par l’homme, plutôt parce qu’il est l’animal le plus connu, que parce qu’il est le plus parfait. Il l’étudie dans toutes ses parties extérieures et intérieures. Puis, au lieu de décrire chacun des animaux spécialement, il les fait connaître tous par les rapports de leur corps avec le corps de l’homme. A l’occasion des organes de la génération, il rapporte toutes les variétés des animaux dans la manière de s’accoupler, d’engendrer, de porter, de mettre bas, etc. A l’occasion du sang, il fait l’histoire des animaux qui en sont privés ; et suivant ainsi ce plan de comparaison, dans lequel l’homme sert de modèle, et ne donnant que les différences qu’il y a de chaque partie des animaux à chaque partie de l’homme, il retranche à dessein les descriptions particulières ; il évite par là toute répétition ; il accumule les faits, et il n’écrit pas un mot qui soit inutile.

« Aussi, a-t-il compris dans un petit volume un nombre presque infini de faits. Je ne crois pas qu’il soit possible de réduire à de moindres termes tout ce qu’il y avait à dire sur cette matière, qui paraît si peu susceptible de cette précision qu’il fallait un génie comme le sien pour y conserver, en même temps, de l’ordre et de la netteté.

« Cet ouvrage d’Aristote s’est présenté à mes yeux comme une table des matières, qu’on aurait extraite, avec le plus grand soin, de plusieurs milliers de volumes, remplis de descriptions et d’observations de toute sorte. C’est l’abrégé le plus savant qui ait jamais été fait. Quand même on supposerait qu’Aristote aurait tiré de tous les livres de son temps ce qu’il a mis dans le sien, le plan de l’ouvrage, sa distribution, le choix des exemples, la justesse des comparaisons, une certaine tournure dans les idées, que j’appellerai volontiers le caractère philosophique, ne laissent pas douter un instant qu’il ne fût lui-même bien plus riche que ceux dont il aurait emprunté. » (Buffon, ib., ibid. pages 85 et suiv.)

L’éloge est sans réserve ; et l’on pourrait y joindre, en forme de complément, toutes ces discussions éparses et nombreuses où Buffon consulte Aristote sur des détails, et où tantôt il l’approuve et tantôt il le réfute, ne s’éloignant de « ce grand homme » qu’à regret, et non sans quelque crainte de se tromper, quand il doit se séparer de lui au nom de la vérité.

Les mêmes sentiments, justifiés par des motifs si solides, sont encore plus forts chez Cuvier ; ou, du moins, ils se traduisent par des expressions plus vives. Dans une solennité officielle, la distribution des Prix décennaux en 1810, Cuvier, remettant son rapport à l’Empereur, y rappelle la munificence d’Alexandre, jadis vantée par Pline ; et il conseille à l’histoire naturelle de faire revivre les principes d’Aristote, si elle veut atteindre toute sa perfection, et réaliser complètement la méthode dont il a posé les fondements immuables. Vers la même époque à peu près, Cuvier donnait, dans la Biographie universelle de Michaud, un article signé de son nom, où on lit le passage suivant :

« De toutes les sciences, celle qui doit le plus à Aristote, c’est l’histoire naturelle des animaux. Non seulement il a connu un grand nombre d’espèces ; mais il les a étudiées et décrites d’après un plan vaste et lumineux, dont peut-être aucun de ses successeurs n’a approché, rangeant les faits, non point selon les espèces, mais selon les organes et les fonctions, seul moyen d’établir des résultats comparatifs. Aussi, peut-on dire qu’il est non seulement le plus ancien auteur d’anatomie comparée dont nous possédions les écrits, mais encore que c’est un de ceux qui ont traité avec le plus de génie cette branche de l’histoire naturelle, et celui qui mérite le mieux d’être pris pour modèle. Les principales divisions que les naturalistes suivent encore dans le règne animal sont dues à Aristote, et il en avait déjà indiqué plusieurs auxquelles on est revenu dans ces derniers temps, après s’en être écarté mal à propos.

« Si l’on examine le fondement de ces grands travaux, l’on verra qu’ils s’appuient tous sur la même méthode, laquelle dérive elle-même de la théorie sur l’origine des idées générales. Partout, Aristote observe les faits avec attention ; il les compare avec finesse, et il cherche à s’élever vers ce qu’ils ont de commun. » (Biographie universelle de Michaud, 2e édition, tome II, p. 222.)

Dans le Discours qui précède les Recherches sur les ossements fossiles, Cuvier, déjà dans toute sa gloire, n’hésite pas à dire que « l’histoire de l’éléphant est plus exacte dans Aristote que dans Buffon » ; et en parlant du chameau, il loue Aristote d’en avoir parfaitement décrit et caractérisé les deux espèces.

Mais c’est surtout dans ses Leçons sur l’histoire des sciences naturelles, professées au Collège de France, à la fin de sa vie, que Cuvier se montre un admirateur passionné du naturaliste grec. Nous ne pouvons pas reproduire les expressions propres dont se sert l’incomparable professeur, puisque ses Leçons n’ont pas été rédigées de sa main ; mais si elles n’ont pas conservé les formes de son style, elles nous donnent du moins sa pensée, et elles gardent la trace fidèle de l’enthousiasme le plus ardent et le plus réfléchi. A ses yeux, « Aristote est le géant de la science grecque ; avant Aristote, la science n’existait pas ; il l’a créée de toutes pièces. On ne peut lire son Histoire des Animaux sans être ravi d’étonnement. Sa classification zoologique n’a laissé que bien peu de choses à faire aux siècles qui sont venus après lui. Son ouvrage est un des plus grands monuments que le génie de l’homme ait élevés aux sciences naturelles ».

Ces louanges réitérées sont décisives. Ainsi que Buffon, Cuvier se plaît à les répéter et à les fortifier en discutant les opinions d’Aristote toutes les fois qu’il les rencontre, dans son admirable ouvrage du Règne animal, ou dans son Anatomie comparée. Buffon et Cuvier, commentant Aristote, se font à eux-mêmes autant d’honneur qu’à lui ; ils se grandissent en l’élevant modestement, et justement, au-dessus d’eux.

Après Cuvier, après Buffon, il semble qu’on pourrait s’arrêter ; mais à ces autorités toutes-puissantes, on peut en ajouter d’autres qui ne sont pas sans valeur, bien qu’elles ne viennent qu’à une assez longue distance de ces deux-là ; ce sont des échos qu’il ne faut pas laisser perdre. Ainsi, Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, qui proclame Aristote « le prince des naturalistes de l’Antiquité », déclare qu’il est une exception unique dans l’histoire de l’esprit humain, parce qu’il a tout à la fois reculé les limites des sciences, et qu’il en a pénétré les profondeurs les plus intimes. Par un privilège accordé à lui seul entre tous, il est encore pour nous, vingt et un siècles après sa mort, un auteur progressif et nouveau. (Histoire naturelle générale des Règnes organiques, 1851, pages 19 et suiv.) Ainsi Flourens, rendant compte des travaux immortels de Cuvier, affirme que « le génie d’Aristote n’avait négligé aucune partie du règne animal, et que, depuis lui, on n’a guère étudié que les vertébrés. En parlant de l’anatomie comparée, qui a fait surtout la grandeur de Cuvier, Flourens assure que, dans cette partie de la science, on ne doit compter que trois noms, Aristote, Claude Perrault et Cuvier, et qu’Aristote a fondé la vraie méthode par la comparaison des êtres selon les organes et non selon les espèces (Flourens, Éloge de Cuvier, avec les notes, pp. 9, 22 et 128). Ainsi, Laurillard parle d’Aristote avec la même chaleur dans son Éloge de Cuvier, dont il était l’élève. Ainsi, Littré, prenant les choses à un point de vue médical, s’exprime en ces termes : « La physiologie naquit de la médecine, à peu près vers l’époque où florissait Hippocrate. Toutefois le premier travail physiologique qui nous soit parvenu appartient à Aristote, et ce premier travail est un chef-d’œuvre. Description d’un nombre immense d’animaux, comparaison des parties entre elles, vues profondes sur les propriétés essentielles à la matière vivante, tout cela se trouve dans les admirables ouvrages du précepteur d’Alexandre… Aristote n’a pas eu de successeurs jusqu’au XVIe siècle. (Littré, la Science au point de vue philosophique, pages 200 et 216.)

La voix des contemporains s’unit à celle de leurs devanciers ; et elle n’est pas moins favorable. Dans un Rapport de 1867 sur les progrès récents des sciences zoologiques en France, M. Milne Edwards dit que « la manière large, rigoureuse et philosophique d’envisager l’histoire du règne animal, date de l’Antiquité, et qu’Aristote, en créant la zoologie, a placé de prime abord cette science sur un terrain dont elle n’aurait jamais dû abandonner aucune partie… En lisant ses écrits, on est étonné du nombre immense de faits qu’il lui a fallu constater, peser et comparer attentivement, potin pouvoir établir plus d’une règle que les découvertes de vingt siècles n’ont pas renversée. »

Si nous sortons de France, nous pouvons demander aux zoologistes les plus instruits leur opinion sur Aristote, et ils nous répondront comme les nôtres. Un professeur de zoologie et d’anatomie comparée à l’Université de Vienne, auteur d’un traité de zoologie qui passe pour le plus conforme à l’état présent de la science, M. le docteur C. Claus, juge ainsi Aristote :

« L’origine de la zoologie remonte à une très haute antiquité. Aristote cependant peut être regardé comme le véritable fondateur de cette science ; car c’est lui qui recueillit les connaissances éparses de ses prédécesseurs, les enrichit des résultats de ses curieuses recherches, et les coordonna scientifiquement, dans un esprit philosophique. Contemporain de Démosthène et de Platon (384-322), il fut chargé par Philippe de Macédoine de l’éducation de son fils, Alexandre. Plus tard, la reconnaissance de son élève lui procura des moyens uniques pour faire explorer les contrées soumises par le conquérant, et y rassembler des matériaux considérables pour l’histoire naturelle des animaux. Les plus remarquables de ses écrits zoologiques traitent de la Génération des animaux, des Parties des animaux et de l’Histoire des animaux.

« On ne doit pas chercher dans Aristote un zoologue exclusivement descriptif, ni dans ses œuvres, un système suivi jusque dans ses moindres détails. Ce grand penseur ne pouvait se renfermer dans cette manière étroite de traiter la science. Il voyait surtout dans l’animal un organisme vivant ; il l’étudia dans tous ses rapports avec le monde extérieur, observa son développement, sa structure, et les phénomènes physiologiques dont il est le siège, et créa une zoologie comparée, dans la plus vaste acception du mot, qui, à tous les égards, sert encore de base première à la science. Se proposant pour but de tracer un tableau de la vie du règne animal, il ne se contenta pas d’une simple et aride description des parties et des phénomènes extérieurs ; il s’appliqua à observer comparativement la structure des organes internes et leurs fonctions ; il exposa les mœurs, l’histoire de la reproduction et du développement, et soumit à une étude approfondie les activités psychiques, les penchants et les instincts, procédant toujours du particulier au général, et établissant les rapports réciproques et les liens intimes des phénomènes.

« On peut aussi considérer l’œuvre de ce grand maître comme une biologie du règne animal, appuyée sur une masse énorme de faits positifs, inspirée par l’idée grandiose de reproduire en un vaste tableau harmonique la vie animale, dans ses modifications infinies, et dominée par cette conception du monde qui suppose une fin rationnelle aux lois de la nature. A un pareil dessein, devait correspondre une division des animaux en groupes naturels, qu’il traça avec une perspicacité admirable, si l’on tient compte du nombre relativement restreint de matériaux dont on disposait à cette époque. » (M. le docteur Claus, Traité de zoologie, zoologie descriptive, page 49, trad. de M. Moquin-Tandon, 1878.)

Après M. le docteur Claus, on peut encore citer deux savants auteurs de l’Histoire de la zoologie : Spix, qui écrivait en 1811, et M. Victor Carus, professeur d’anatomie comparée à l’Université de Leipzig. « Malgré des erreurs qu’il est facile de reconnaître, dit M. Carus, le mérite d’Aristote n’en reste pas moins très considérable. Le premier, en effet, il a apporté dans l’étude du règne animal, la méthode et la science. C’était rendre possibles, c’était même préparer des recherches ultérieures ; mais c’était surtout placer la zoologie et l’anatomie comparée, pour la première fois, parmi les sciences inductives, et contribuer ainsi à leur développement. » (M. V. Carus, Histoire de la zoologie, p. 58, trad. française, 1880.)

Il serait inutile de pousser plus loin, bien qu’il fût aisé d’accumuler une masse d’autorités unanimes. Mais à côté de l’éloge, on doit entendre aussi la critique ; et puisque tant de zoologistes, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, ont vanté le génie d’Aristote, la vérité exige qu’on voie équitablement si d’autres zoologistes n’en ont pas porté un jugement tout contraire. De notre temps, l’attaque la plus vive est celle de M. Lewes, mort il y a trois ou quatre ans à peine. Médecin, romancier, philosophe, historien, érudit, physiologiste, M. Lewes est, malgré des titres si variés, un auteur très sérieux. L’ouvrage qu’il a publié sur Aristote, comme fragment d’une histoire générale des sciences, témoigne des intentions les meilleures. Au nom de la plus franche impartialité, l’auteur prétend démontrer que les œuvres scientifiques d’Aristote ne méritent pas la gloire dont elles sont entourées. Il ne voudrait pas non plus les déprécier iniquement, et il s’efforce de tenir la balance égale entre les aveugles enthousiasmes du Moyen-âge, et les dénigrements systématiques auxquels on s’est livré trop souvent depuis la Renaissance. Dans cette vue très louable, il étudie sur le texte directement, et en helléniste fort instruit quinze des ouvrages d’Aristote qui ont surtout le caractère scientifique : Physique, météorologie, mécanique, etc., etc. Pour l’objet qui nous occupe, il convient de ne s’arrêter qu’aux trois derniers ouvrages qu’a étudiés M. Lewes, et qui sont l’Histoire des Animaux, le Traité des Parties des Animaux, et le Traité de la Génération des Animaux. Il les analyse minutieusement livre par livre, chapitre par chapitre, alléguant tout au long les passages sur lesquels il s’appuie.

Pour l’Histoire des Animaux, voici la conclusion de M. Lewes, qui blâme Cuvier et tant d’autres de l’avoir admirée, et qui, pour sa part, n’y voit que des généralisations audacieuses, des faits sans suite et une complète absence de classification.

« L’analyse qui précède, dit M. Lewes, mettra le lecteur en mesure de juger jusqu’à quel point l’opinion de Cuvier est acceptable, et s’il est bien justifié de dire que « l’Histoire des Animaux est un des plus grands monuments que l’esprit humain ait élevés à la science de la nature ». Sans doute, c’est un merveilleux monument si l’on regarde à l’époque où il a paru, et à la multiplicité des œuvres que l’auteur a produites. Mais ce n’est pas là un motif pour le regarder comme un grand monument de la science ; ce n’est pas plus un monument qu’un four à briques n’en est un comparativement à l’édifice qu’élève l’architecture. Il y a dans cet ouvrage une multitude de faits : les uns, exacts ; les autres vulgaires ; et beaucoup de faux. Il n’y a aucun lien entre ces faits nombreux ; il n’y a pas entre eux un seul principe général qui puisse en faire un système de quelque utilité, et former un travail de science réelle. A sa date, c’était certainement une chose importante pour un penseur éminent de consacrer tant de soins à recueillir des faits ; mais ce ne pouvait être là que des matériaux préparés pour la science à venir ; et un seul principe bien clair vaut mieux que des milliers de faits sans liaison ; car ce principe contient en lui les germes de milliers de découvertes.

« Or il n’y a pas, dans Aristote, un seul principe qui puisse conduire ceux qui l’étudient à faire de nouvelles découvertes, ou à mieux comprendre les anciennes. On aurait beau savoir ce livre par cœur, on ne serait pas en état de classer même provisoirement le moindre nouvel animal et d’expliquer le moindre phénomène biologique. La meilleure réponse qu’on puisse faire aux admirateurs d’Aristote, c’est d’invoquer le témoignage de l’histoire, qui nous montre que la science de la zoologie n’a pas même commencé bien des siècles après lui. Si en effet Aristote avait posé des bases éternelles, s’il avait placé aux mains des hommes un nouvel instrument de recherches, la zoologie aurait fait les mêmes progrès que l’astronomie depuis Hipparque jusqu’à Ptolémée.

« Mais encore une fois, dit M. Lewes, je veux rappeler au lecteur que ces objections ne sont pas dirigées contre Aristote, et qu’elles ne le sont que contre ses aveugles panégyristes. « (G. H. Lewes, Aristotle, p. 290, § 354, 1864, 8°.)

M. Lewes est certainement fort décidé à être impartial ; pourtant on doit trouver qu’il est bien sévère à l’égard de l’Histoire des animaux. Mais comme cet ouvrage d’Aristote n’est pas le seul que M. Lewes attaque, il vaut mieux différer la réponse pour la faire plus générale et plus claire. L’Histoire des animaux se complète par le Traité des Parties et par celui de la Génération ; c’est là le vaste domaine de la zoologie aristotélique ; et il faut le parcourir tout entier, ne serait-ce que sommairement, pour voir ce que valent les objections. M. Lewes est un peu plus indulgent pour le Traité des Parties que pour l’Histoire des animaux ; et après une analyse aussi minutieuse que la première, et aussi exacte, voici comment il conclut :

« Pour nous résumer, nous devons remarquer que ce Traité des Parties des animaux, tout éloigné qu’il peut être des règles modernes, n’en offre pas moins un grand intérêt pour l’histoire de la science, non pas seulement par les matériaux qu’il lui fournit, mais aussi comme un des premiers essais tentés pour fonder la biologie sur l’anatomie comparée. Bien que, pendant de longs siècles, les animaux aient été étudiés comme des curiosités plutôt que comme des données scientifiques, et que jusqu’à ces derniers temps la zootomie ait formé une branche non reconnue des recherches biologiques, Aristote en a néanmoins compris, de bonne heure, la vraie position ; et il a recherché les lois de la vie dans tous les êtres organisés. Il reconnaîtrait les Modernes pour ses héritiers, et il serait heureux d’apprendre que c’est à la zootomie que nous devons presque toutes nos importantes découvertes en anatomie et en physiologie. »

M. Lewes nomme ensuite, parmi les plus illustres inventeurs, Harvey, Aselli, Pecquet, Rudbeck, Bartholini, Malpighi, etc., etc.; puis il ajoute ces mots :

« Dans toutes les découvertes modernes, Aristote aurait retrouvé comme la réalisation de ses rêves ; et l’on peut dire qu’avoir compris de si bonne heure l’importance de l’anatomie comparée, est une preuve de plus, parmi tant d’autres, de sa prodigieuse sagacité en fait de science. Mais une remarque importante pour la méthode, c’est qu’Aristote, bien que voyant l’étendue et la fécondité de ce champ d’investigation, et quoique comprenant combien elle s’identifiait avec l’étude même de la vie dans l’homme, n’a pas personnellement fait la moindre découverte en physiologie, ni vu le moindre fait anatomique qui ne fût déjà de toute évidence aux yeux du vulgaire. » (Lewes, Aristotle, page 323.)

Reste le Traité de la Génération des animaux. M. Lewes y applique les mêmes procédés ; mais son jugement, déjà beaucoup adouci pour le Traité des Parties, s’adoucit encore bien davantage. L’auteur, qui, tout à l’heure, était si rude aux admirateurs d’Aristote, passe dans leurs rangs, sans peut-être le vouloir, entraîné par la vérité même, et probablement aussi par une pratique plus longue des idées du philosophe grec.

« Le Traité de la Génération des animaux, dit M. Lewes, est une production vraiment extraordinaire. Pas un ouvrage ancien et bien peu d’ouvrages modernes ne l’égalent pour l’étendue des détails et pour la profondeur de sagacité spéculative. Nous y pouvons trouver quelques-uns des problèmes les plus obscurs de la biologie étudiés d’une manière magistrale ; et l’on peut s’en étonner à bon droit, quand on se rappelle quelle était dans ce temps la condition de la science. Il y a sans doute encore bien des erreurs, bien des lacunes, et trop peu d’attention à admettre certains faits ; mais pourtant cette œuvre est fréquemment au niveau, et, quelquefois même, au-dessus des spéculations de nos embryologistes les plus avancés. »

M. Lewes se défend, et avec toute raison, d’être disposé à découvrir dans l’Antiquité des idées supérieures à celles de la science moderne ; mais ici son enthousiasme l’emporte jusqu’à mettre Aristote au-dessus d’Harvey, le fondateur, dit-il, de la physiologie moderne, si ce n’est, pour l’anatomie, du moins pour l’esprit philosophique, qui rapproche bien davantage Aristote de notre époque.

Puis M. Lewes dit encore, page 375 :

« Nous terminerons notre analyse du Traité de la Génération des animaux en répétant avec conviction que c’est le chef-d’œuvre scientifique d’Aristote. Si on le consulte en ne connaissant préalablement que les auteurs modernes, on le trouvera plus d’une fois bien sec et même passablement faux ; mais si l’on s’est familiarisé avec les écrivains des seizième, dix-septième et dix-huitième siècles, ce monument apparaîtra dans sa véritable grandeur ; et quoiqu’on soit au courant des résultats et des théories de l’embryologie la plus récente, on sera surpris, je l’affirme, et charmé de voir combien de fois Aristote est au niveau de la spéculation la plus haute. »

Enfin, M. Lewes conclut en déclarant (pages 376 et suiv.) que, s’il était donné à Aristote de revenir à la vie, il serait parmi nous, aux côtés de Galilée et de Bacon, et qu’avec eux il serait l’adversaire des aristotéliciens. On peut n’en être pas aussi sûr que M. Lewes ; et si Aristote ressuscité consentait à fréquenter Galilée, il est peu probable qu’il se plût dans la société de Bacon, son ennemi systématique et son calomniateur acharné. Mais peu importe ; tout ce qui nous intéresse en ceci, c’est de constater qu’au milieu d’un concert unanime, c’est à peine si, de notre temps, une voix dissidente s’est élevée ; et encore a-t-elle été forcée bientôt de se joindre aux autres, après quelque résistance.

Ce qui a pu causer l’erreur de M. Lewes et fausser ses vues, c’est qu’il est un des adeptes de la doctrine de M. Auguste Comte ; il a traduit en anglais les six gros volumes de la Philosophie positive ; et il en accepte tous les principes. Or, ces principes n’aident point à bien juger du passé des sciences, ni à comprendre, comme il convient, la marche qu’elles suivent dans leurs progrès incessants. Supposer gratuitement que la science est d’abord théologique, puis qu’elle devient métaphysique, et qu’après ces deux aberrations, elle devient enfin positive, c’est admettre aussi que la science est toute récente, et qu’elle date en quelque sorte du XIXe siècle, où le Positivisme l’aurait enfin tirée de ses égarements. Rien n’est moins vrai que cette hypothèse ; et en face de monuments tels que ceux d’Aristote et d’Hippocrate, sans même parler d’Hérodote et de Thucydide, il faut être bien égaré par l’esprit de système pour y découvrir quoi que ce soit de métaphysique ou de théologique.

Ce qui est vrai, c’est que la science à ses débuts est chancelante et faible, ainsi que tout ce qui commence ; elle observe insuffisamment, et les explications qu’elle essaye sont insuffisantes, parce que les faits sur lesquels elle s’appuie sont trop peu nombreux et pas assez bien observés. Mais au fond le procédé est toujours le même. L’esprit humain est nécessairement condamné à ne jamais faire de théorie qu’après avoir observé. Seulement, l’observation est plus ou moins bien faite ; l’analyse est portée plus ou moins loin ; voilà tout ; mais toujours le germe de la science se développe par degrés successifs, comme tout autre germe. C’est donc méconnaître radicalement l’histoire de l’intelligence que de supposer qu’elle a changé sur la route, et qu’elle marche aujourd’hui en d’autres conditions que celles qu’elle a subies dans l’Antiquité grecque et dans le monde entier. Croire au prétendu état positif de la science, après deux autres états inférieurs, c’est recommencer sous une autre forme l’erreur insoutenable de Bacon et du Novum Organum. C’est un excès d’orgueil dont les Modernes doivent savoir se défendre, au nom même de cette méthode d’observation qu’on préconise, et qu’on applique si peu quand on émet de pareils jugements. S’il est un fait certain, c’est qu’Hippocrate et Aristote ont observé comme nous, parfois moins bien que nous, si l’on veut ; mais c’est de même que nos successeurs observeront mieux que nous encore, en s’aidant de ce que nous aurons découvert, comme nous nous aidons, plus ou moins consciemment, de tout ce qui nous a précédés.

Si M. Lewes avait fait ces réflexions, il aurait mieux apprécié l’Histoire des Animaux. Mais n’anticipons point ; cette question de la marche de la science et de ses méthodes en zoologie se retrouvera plus tard, et nous l’approfondirons autant que nous le pourrons, quand le moment sera venu de la discuter.

Après avoir écouté la critique et l’éloge, nous pouvons les vérifier l’une et l’autre, en considérant le monument tel qu’il est et en le jugeant nous-mêmes. Dans cet examen sommaire, nous ferons des emprunts comme M. Lewes à d’autres ouvrages qui le complètent et l’éclaircissent, moins renommés, mais non moins beaux : le Traité des Parties des animaux, le Traité de la Génération, le Traité de l’Âme, et quelques Opuscules. Dans leur ensemble, ils nous fourniront tous les éléments essentiels de la zoologie aristotélique. Mais, qu’on le sache, rien ne peut suppléer la lecture directe de ces livres inestimables ; ils valent tous la peine d’être médités attentivement ; et aussi, ne s’agit-il maintenant pour nous que d’en parcourir, avec le plus de concision et de clarté possible, les lignes principales et les théories les plus fécondes.

Écoutons Aristote.

Dans le corps de tous les animaux, on distingue des parties qui sont complexes, et d’autres parties qui ne le sont pas. Les parties complexes se subdivisent en d’autres parties, dans lesquelles ne se trouve plus la forme de celles d’où on les a tirées. Le visage ne se divise pas en visages, mais en nez, en bouche, en yeux, en front, tandis qu’au contraire les parties simples comme le sang, les os, les nerfs, les cartilages, ne donnent jamais, quelque divisées qu’elles soient, que des parties toujours similaires, du sang, des os, des nerfs, etc. Les parties complexes sont parfois des membres, qui se divisent en plusieurs portions : ainsi le bras, pris dans sa totalité, comprend le haut du bras, l’avant-bras et la main, qui se subdivise elle-même en plusieurs autres parties secondaires, telles que les doigts. Les parties complexes ou simples, qui se retrouvent dans tous les animaux, sont tantôt semblables dans les individus de la même espèce, ne différant alors que du plus au moins ; tantôt elles ne sont qu’analogues dans des espèces différentes : par exemple, l’arête chez les poissons joue le même rôle que les os chez les quadrupèdes. Les parties similaires sont tantôt sèches et solides, tantôt molles et liquides : ici l’os, la corne, les cheveux, etc.; là le sang, la bile, le lait, la lymphe, etc.

Si tous les animaux se ressemblent sous ces premiers rapports, on peut observer entre eux des différences frappantes dans leur genre de vie, dans leurs actes, dans leur caractère, etc. Les uns vivent sur terre ; les autres sont aquatiques ; d’autres sont amphibies ; ceux-ci restent toujours en place, tandis que ceux-là peuvent se mouvoir ; ceux-ci marchent sur le sol, tandis que ceux-là volent dans l’air ; les uns ont des pieds ; les autres en sont dépourvus ; les uns vivent en troupe ; les autres sont solitaires ; tantôt ils habitent constamment les mêmes lieux ; tantôt ils en changent ; tantôt ils sont carnivores, tantôt frugivores ; les uns sont domestiques ; les autres sont sauvages ; tantôt ils ont une voix ; tantôt ils sont muets. Leur caractère n’est pas moins varié que leurs habitudes. Douceur ou férocité, courage ou timidité, intelligence ou stupidité, et une foule d’autres qualités semblables, se manifestent en eux à des degrés divers. Mais aucun animal, si ce n’est l’homme, n’est doué de raison ; l’homme est un être à part.

Il y a dans tout animal deux parties absolument indispensables : l’une, pour recevoir la nourriture, qui le fait vivre, sous forme de fluide ; l’autre, pour en rejeter le superflu. Tous les animaux sont sensibles ; mais tantôt ils ont tous les sens ; tantôt ils n’en possèdent qu’un seul, qui, alors et sans aucune exception, est toujours le toucher, répandu dans le corps tout entier et ne résidant pas comme les autres sens dans un organe spécial. Au toucher, il faut joindre le sens du goût, qui est indispensable pour l’alimentation. Quant à la reproduction, les animaux sont, ou vivipares, ou ovipares, ou vermipares. Les genres les plus étendus et les plus remarquables sont les quadrupèdes, les oiseaux, les poissons, les cétacés, qui tous ont du sang ; puis, viennent les genres qui n’ont pas de sang, mollusques, crustacés, testacés et insectes.

Telle est la première esquisse qu’on peut tracer du règne animal, dit Aristote ; mais il faudra revenir en détail sur chacun de ces traits généraux, et étudier les animaux les uns après les autres, afin de pouvoir se faire une méthode conforme à la nature, et d’appuyer les théories que l’on tente sur l’observation exacte des faits. C’est pour cela qu’en histoire naturelle, il faut commencer par l’homme, attendu que, de tous les animaux, c’est celui qui nous est le plus accessible et le mieux connu. On décrira donc toutes les parties du corps de l’homme, depuis la tête jusqu’aux extrémités, ses parties droites et gauches, antérieures et postérieures, intérieures et extérieures. Afin de faire mieux comprendre les descriptions, on y joindra des dessins anatomiques, qui expliqueront aux yeux ce que l’esprit aurait eu d’abord quelque peine à saisir.

On a reproché à Aristote de n’avoir pas de plan, et d’entasser au hasard des monceaux de faits, sans les relier par aucun principe commun. Mais son plan, le voilà ; et c’est si bien le cadre où le philosophe a l’intention de se mouvoir que la zoologie moderne n’en a pas d’autre. Pour étudier les animaux, il faut de toute nécessité commencer par des généralités sur l’animal. Après ces généralités, est-ce par l’homme qu’il convient de débuter ? Ou bien est-ce par les organisations inférieures ? C’est là une toute autre question, qui viendra en son lieu ; mais on peut s’assurer, ne serait-ce que d’après ce premier livre de l’Histoire des Animaux, qu’Aristote a une méthode, et que, dans le vaste champ de l’histoire naturelle, il s’est prescrit un chemin, qu’il a toujours suivi et qui ne l’a pas plus égaré que ceux qui, comme Linné, Buffon et Cuvier, ont marché sur ses traces, guidés eux aussi par la vérité et par leur génie.

Mais poursuivons.

L’homme étant pris pour modèle, Aristote étudie les parties extérieures et intérieures de quelques animaux parmi ceux qui ont du sang ; et il les compare avec les parties analogues du corps humain. S’arrêtant au singe plus longuement qu’à tout autre, à cause de la ressemblance, il décrit les quatre mains de ce singulier être, sans, du reste, lui donner précisément le nom de quadrumane. Mais le philosophe, tout en rapprochant l’homme et le singe, se garde bien de les identifier ; et il n’a pas la fantaisie, trop caressée de nos jours, de vouloir faire du singe un homme imparfait, ou de l’homme un singe perfectionné.

Puis, passant des parties non-similaires, dans l’homme et dans l’animal, aux parties similaires, il traite spécialement du sang et des vaisseaux qui le contiennent et le portent dans toutes les parties du corps. A ce propos, il discute trois théories : celle de Syennésis de Chypre, celle de Diogène d’Apollonie, et celle de Polybe, le gendre d’Hippocrate. A ces théories, qui faisaient partir toutes les veines, soit du nombril, soit de la colonne vertébrale, soit de la tête, il en substitue une plus réelle, qui ramène toutes les veines au cœur, dont il donne une anatomie assez exacte.

Après le sang, viennent d’autres parties qui sont similaires, ainsi que lui, nerfs, fibres, cartilages, ongles, poils, membranes, chair, graisse et suif, moelle, lait, liqueur séminale, le tout observé sur les animaux qui ont du sang. A la suite de ceux-là, le naturaliste passe aux animaux qui n’ont pas de sang ; et il s’arrête également aux parties internes et externes des mollusques, des crustacés, des testacés et des insectes. Comme, sur ces animaux, les organes sont moins distincts et les observations plus délicates, Aristote recommande d’étudier les phénomènes sur les animaux qui sont les plus gros, afin de mieux voir les choses, qui deviennent presque insaisissables dans les êtres les plus petits. C’est ce qu’il fait pour lui-même, par application de cette règle éminemment pratique, en étudiant les sens dans la série animale tout entière ; et après les sens, le sommeil et la veille, la voix dans toutes ses variétés, et les sexes, séparés en mâle et femelle.

Comme suite de cette dernière question, trois livres sont consacrés à exposer les modes de reproduction qui, dans tous les degrés de la vie animale, sont destinés à continuer les espèces et à leur assurer, par la génération, une perpétuité qui les rend presque immortelles. Mais ici le philosophe nous avertit expressément qu’il croit devoir renverser l’ordre qu’il a précédemment adopté. Au lieu de commencer par l’homme, c’est par lui qu’il compte finir, après avoir montré comment tous les autres animaux se reproduisent. Il débute donc par les testacés, pour passer aux crustacés, aux mollusques, aux insectes ; de ceux-ci, il passe aux poissons, des poissons aux oiseaux, des oiseaux aux quadrupèdes ; et enfin, des quadrupèdes à l’homme, cet animal privilégié entre tous les êtres de la nature.

Quelle prodigieuse quantité de faits a rassemblés Aristote sur toutes les espèces d’animaux qu’il connaît, et sur tous les phénomènes qui se rattachent à la génération, c’est ce dont on ne saurait se faire une idée qu’en lisant l’ouvrage même. Modes variés et saisons des accouplements ; âges où les accouplements deviennent possibles ; durée de la gestation ; frai des poissons ; œufs et nids des oiseaux ; parturition des petits : éclosions, jusqu’au dernier des insectes et des animalcules, rien n’est omis ; et si tout n’est pas classé aussi régulièrement qu’on pourrait le désirer, il n’y a nulle part la moindre obscurité dans ces descriptions multipliées, où l’abondance le dispute à l’exactitude. C’est surtout aux oiseaux, et au travail successif qui se fait dans l’œuf, que le naturaliste grec demande le secret de cette fonction. Il suit le développement de l’œuf jour par jour, comme peuvent le faire aujourd’hui nos embryologistes les plus attentifs : s’il n’en sait pas autant qu’eux, il sent tout aussi bien l’importance de cette analyse, qui petit révéler des mystères, dont il se préoccupe autant que personne. Il note scrupuleusement toutes les évolutions que le contenu de l’œuf parcourt, jusqu’au moment où le poussin, après avoir épuisé le jaune, dont il s’est nourri, peut enfin briser sa coquille. Pigeon, vautour, hirondelle, aigle, milan, épervier, corbeau, coucou, paon, voilà les principaux oiseaux qu’il décrit, de même que, parmi les insectes, il a décrit les abeilles, les guêpes, les frelons, les araignées, les sauterelles, les cigales, etc. Mêmes études sur les Sélaciens, auxquels Aristote, le premier, a imposé le nom qu’ils portent encore ; mêmes études sur les cétacés, les dauphins, les baleines, etc., etc.; sur les poissons de mer et d’eau douce, notamment sur les anguilles, dont on ne peut pas plus de nos jours découvrir la génération que les Anciens ne l’ont découverte.

En traitant de la génération des quadrupèdes terrestres, Aristote signale tout d’abord les ardeurs irrésistibles que les besoins du sexe et de la reproduction font naître chez tous les êtres animés. Nous voyons de près ces emportements chez les animaux domestiques, qui vivent avec nous et nous servent si utilement, porcs, brebis, chèvres, chiens, taureaux, chevaux, ânes, mulets des deux origines, chameaux ; nous pouvons les voir moins bien, mais tout aussi violents et aussi enflammés, chez les bêtes sauvages, éléphants, cerfs, ours, lions, hyènes, renards, loups, chacals, etc. Toutes ces espèces de quadrupèdes sont successivement décrites, avec des détails plus ou moins longs, suivant leur importance.

Arrivé à la génération de l’homme, Aristote semble s’y complaire, par les mêmes raisons qui lui ont fait prendre l’homme pour modèle et pour type ; il lui consacre un livre tout entier, le septième, ainsi qu’il se l’était promis. Il s’occupe en premier lieu de la puberté, qu’il appelle, avec Alcméon de Crotone, « la floraison de l’être humain », devenant nubile vers son second septénaire ; comme la plante doit fleurir avait de porter sa graine et son fruit. Du mâle, sur lequel il a peu de choses à dire après tous les détails anatomiques et physiologiques qu’il a déjà donnés, il s’arrête, dans tout le reste de ce livre, à la femme ; et il analyse avec le plus grand soin l’évacuation mensuelle, la grossesse, le développement progressif du fœtus, la durée de la gestation, les naissances plus ou moins heureuses, à sept, huit ou neuf mois, sans même négliger celles qui vont à dix mois, quelque rares qu’elles soient. Il indique la position du fœtus dans le sein maternel, et la façon dont il se présente le plus ordinairement, quand il en sort ; il décrit les phases de l’accouchement, que peut aider beaucoup l’adresse des sages-femmes. Une fois l’enfant né, l’auteur traite du lait, qui doit le faire vivre à ses premiers moments, et il explique les relations étroites qu’a le lait avec les menstrues de la mère. Puis, il parle de la diversité des sexes, du nombre des enfants, de la fécondité variable des adultes, des ressemblances des enfants aux parents ; et il termine par quelques renseignements sur les convulsions des enfants, lesquelles viennent presque toujours d’une nourriture exubérante.

Après tout ce qui précède, et conformément au plan annoncé dès le début, Aristote n’a plus à exposer que les actes, les mœurs et le caractère des animaux. C’est ce qu’il fait dans deux derniers livres, avec une richesse de détails qui étonne encore, même après tout ce qu’on vient de voir. Il remarque d’abord que les animaux dans leurs actes ont quelque chose des qualités et de l’intelligence qui sont l’apanage de l’homme. L’animal se distingue par la sensibilité, dont il est doué à des degrés divers, et qui le met fort au-dessus de la plante, bien que quelques animaux se distinguent à peine du végétal, les éponges par exemple. L’homme lui-même dans son enfance est assez rapproché de l’animal, agissant, comme lui, par instinct aveugle et sans raison.

La vie des animaux, diversifiée comme elle l’est, tient beaucoup au milieu dans lequel ils vivent, à la nourriture qu’ils prennent, solide ou liquide, à la façon même dont ils prennent cette nourriture. Les mollusques, les testacés, les poissons, les oiseaux, les serpents ont chacun des modes d’alimentation différents. Les quadrupèdes vivipares, loup, hyène, ours, lion, ont le leur. Ils ne boivent pas tous de la même façon, cochons, bœufs, chevaux, ânes, mulets, chameaux, éléphants, moutons, chèvres. Les insectes diffèrent également entre eux sous tous ces rapports.

Les animaux émigrent, surtout les oiseaux et les poissons, quelques espèces du moins, si ce n’est toutes les espèces. Ils ont besoin de chercher la température qui leur convient, et sans laquelle ils ne resteraient point en santé. C’est pour la même cause qu’ils hivernent, se cachant durant la froide saison, reparaissant lorsque la saison devient plus douce. Il en est qui, comme les reptiles, changent de peau. Mais quelque soin que prennent les animaux, sous l’impulsion de l’instinct, ils n’évitent pas certaines maladies qui leur sont spéciales, et qu’on peut observer assez facilement chez les chiens, les chevaux, les ânes, les éléphants, ou même chez les insectes. Outre la nourriture et les saisons, il y a d’autres influences très puissantes qu’exercent les lieux, le sexe, la gestation, qui modifient aussi la chair des animaux domestiques ou sauvages.

Reste enfin la dernière question qu’Aristote s’est proposée, celle du caractère et de l’industrie des animaux. Après quelques mots sur les guerres qu’ils se font entre eux, pour se disputer les aliments et pour vivre, il dépeint un certain nombre d’espèces, avec des couleurs que Buffon devait plus tard employer comme lui. Il admire beaucoup les oiseaux dans la confection de leurs nids, parmi lesquels il cite notamment le nid de l’hirondelle, celui de l’halcyon et celui de la huppe. En parlant de l’industrie particulière de quelques animaux plus habiles encore, il consacre aux abeilles une étude qu’on peut regarder comme le digne préliminaire des fameux travaux de Réaumur et de François Huber, au dernier siècle et dans le nôtre. A côté de ces insectes, si curieux mais si faibles, l’auteur peint le caractère du lion, du bison, de l’éléphant, du chameau, du dauphin ; et la dernière considération à laquelle il se livre est l’action décisive que la castration exerce sur le caractère de l’animal.

Sur ces matières diverses, Aristote présente les considérations les plus sagaces et les plus nombreuses. Avec elles se termine son Histoire des Animaux ; et ainsi, est accompli le cercle immense, et parfaitement défini, des investigations qu’il s’était proposées dès ses premiers pas.

Cependant l’Histoire des Animaux, quelle que soit sa valeur, ne renferme pas toute la zoologie d’Aristote. A côté d’elle, au-dessus d’elle peut-être, il faut placer le Traité des Parties des Animaux et le Traité de la Génération. Tout le premier livre du Traité des Parties est rempli par la question de la méthode en histoire naturelle ; Aristote la discute aussi bien que pourrait le faire le zoologiste le plus profond des temps modernes. Il a même cet avantage sur tous ses imitateurs et ses émules qu’il est le créateur de la logique ; et pour des questions de ce genre, il a une compétence que personne ne peut lui disputer.

Buffon estimait beaucoup la tournure d’esprit philosophique qui se montre dans l’Histoire des Animaux. A cet égard, il ne se trompait pas ; car la méthode n’est plus un sujet de zoologie ; c’est un sujet qui relève de la philosophie uniquement.

Aristote établit deux grands principes de méthode : l’un tout général ; l’autre un peu plus spécial. D’abord, il faut constater les faits avant de risquer des théories, comme les mathématiciens nous en donnent déjà l’exemple dans la science astronomique ; et en second lieu, il faut, pour exposer convenablement l’histoire naturelle, se borner aux fonctions générales qui sont communes à tous les animaux, afin de ne pas se perdre dans des détails interminables, et d’éviter des répétitions inutiles et fatigantes. Les faits une fois bien constatés, il nous sera plus facile d’en découvrir la cause et le pourquoi, en vertu d’un troisième principe, non moins vrai que les deux autres. Ce troisième principe, c’est que, dans la nature, tout être a une fin en vue de laquelle est fait l’ensemble de son organisation. La fin d’une chose se confond avec le bien de cette chose ; et comme la nature ne fait jamais rien en vain, on est sûr de pouvoir le plus souvent bien comprendre ce qu’elle veut, en s’éclairant, dans chaque cas, de l’idée du mieux, qu’elle réalise sans cesse. Il n’y a pas de hasard en elle ; il n’y a pas davantage de nécessité ; ou du moins, il n’y a qu’une nécessité purement hypothétique, c’est-à-dire qu’un certain but étant donné, il y a des conditions nécessaires pour l’atteindre.

Aussi, Aristote blâme-t-il les philosophes qui prétendent témérairement remonter à l’origine des choses, et qui essayent d’expliquer ce qui a été, au lieu de s’astreindre à observer ce qui est. L’être parfait et entier existe avant le germe qui vient de lui ; c’est tout ce que nous pouvons affirmer dans ces obscurités, qui demeurent impénétrables à tous nos efforts. Au contraire, en étudiant les réalités actuelles, on est sûr de ne point faire de faux pas, surtout si l’on cherche à comprendre les êtres dans ce qu’ils sont par eux-mêmes, comme l’ont fait Démocrite et Socrate, et non pas simplement dans leur matière, comme le faisait Empédocle. Aristote repousse non moins vivement la méthode de division, que proposait l’école Platonicienne, et qui consistait à diviser toujours les genres en deux espèces : l’une, qui avait une qualité précise ; et l’autre, qui était privée de cette même qualité. A cette méthode factice, qu’il a souvent combattue, parce qu’elle confond tout, en divisant tout arbitrairement, comme Platon le fait dans la définition du Sophiste et du Politique, il substitue la méthode naturelle, qui classe les êtres selon leurs ressemblances et selon leurs fonctions communes, sans d’ailleurs oublier leurs différences non moins réelles.

Cette discussion générale sur la méthode en zoologie donne à ce premier livre du Traité des Parties un caractère tellement spécial et tellement haut qu’on a eu la pensée d’en faire le préambule de toute l’histoire naturelle, et qu’on aurait voulu le placer en tête de l’Histoire des Animaux. Ce déplacement n’est pas nécessaire ; et c’est là une de ces audaces inutiles que la philologie ne doit passe permettre. Aristote lui-même la désavoue, puisque en ouvrant son second livre du Traité des Parties, il prend la peine d’expliquer comment ce traité se rattache à l’Histoire des Animaux, et comment il en est la suite. Dans l’Histoire des Animaux, on a décrit simplement les parties dont les animaux se composent ; le traité nouveau a pour objet propre d’analyser les fonctions de ces parties, similaires ou non-similaires, et de faire voir clairement, pour chacune d’elles, comment la nature adapte toujours les moyens qu’elle emploie à la fin de chacun des êtres qu’elle produit, avec une sagesse et une prévoyance infinies.

Il est inutile de suivre le Traité des Parties dans tous ces détails, où, prenant encore la constitution de l’homme pour point de départ, Aristote en explique d’abord les fonctions principales, et rapporte ensuite, à ce type primordial et supérieur, les fonctions pareilles ou analogues qui se rencontrent dans la série entière des animaux, jusqu’aux insectes, étudiant successivement tous les viscères intérieurs, après les parties et les organes externes, et éclairant toujours sa marche à la lumière des principes que la philosophie et la raison lui ont dictés.

Comme suite et complément des deux précédents ouvrages, le Traité de la Génération des Animaux, si vivement admiré par M. Lewes, peut passer en effet pour le chef-d’œuvre d’Aristote en zoologie. Mais, comme le Traité des Parties, il ne fait que reproduire les analyses que nous avons déjà vues dans l’Histoire des Animaux ; seulement, il les développe davantage, et il les approfondit. La fonction de la génération, le plus grand mystère, dit Cuvier, que nous offre l’économie des corps vivants, est si essentielle que le philosophe croit devoir y apporter une insistance toute particulière. Il n’est pas un zoologiste, pas un esprit quelque peu éclairé, qui puisse sur un tel sujet être d’un autre avis qu’Aristote, ou le blâmer d’en avoir fait une seconde étude, plus étendue encore et plus précise que la première. Après avoir décrit les organes de la génération dans les deux sexes, soit pour les animaux qui ont du sang, soit pour les exsangues, après avoir discuté tout au long l’origine physiologique de la liqueur séminale et son action sur le germe qui en reçoit la vie, l’auteur, en commençant le second livre de la Génération, justifie ce retour sur des choses déjà dites, et il s’exprime en ces termes :

« Nous avons établi que la femelle et le mâle sont les principes et les auteurs de la génération ; nous avons, en outre, expliqué quelle est la fonction de chacun d’eux, et quelle est leur définition essentielle. Mais d’où vient cette existence de la femelle et du mâle ? Pourquoi a-t-elle lieu ? C’est là une question que la raison doit essayer d’éclaircir en faisant un pas de plus. Elle doit reconnaître, d’une part, qu’il y a dans ces deux êtres une nécessité et un premier moteur ; et d’autre part, qu’il faut remonter encore plus haut qu’eux, en s’élevant jusqu’au principe du mieux et jusqu’à l’idée d’une cause finale. En effet, à considérer l’ensemble des choses, les unes sont éternelles et divines, tandis que les autres peuvent être ou ne pas être. Le beau et le divin sont toujours, par leur nature propre, causes du mieux dans les choses qui ne sont simplement que possibles. Ce qui n’est pas éternel est néanmoins susceptible d’exister ; et, pour sa part, il est capable d’être, tantôt moins bien, et tantôt mieux.

« Or, l’âme vaut mieux que le corps ; l’être animé vaut mieux que l’être inanimé ; être vaut mieux que n’être pas ; vivre vaut mieux que ne pas vivre. Ce sont là les causes qui déterminent la génération des êtres vivants. Sans doute, la nature des êtres de cet ordre ne saurait être éternelle ; mais une fois né, l’être devient éternel dans la mesure où il est possible qu’il le soit. Le nombre n’y fait rien, puisque l’existence de ces êtres est tout individuelle ; et si le nombre y faisait quelque chose, ils seraient éternels ; mais au point de vue de l’espèce, cette éternité est possible ; et c’est ainsi que se perpétuent à jamais les hommes, les animaux et les plantes. »

Il faut donc approuver Aristote d’être revenu à plusieurs reprises sur une fonction dont les conséquences sont si graves, et de lui avoir réservé, dans ses travaux, toute la place qu’elle tient dans la nature. Aussi, redouble-t-il toutes ses observations de détail et toutes ses généralités sur la reproduction des vivipares, sur l’embryon et ses accroissements, sur les hybrides dans les espèces voisines les unes des autres, sur les œufs des oiseaux et des poissons ; et après avoir parcouru toutes les classes des êtres animés, il consacre les deux derniers livres, sur cinq, à l’être humain, considéré tour à tour dans son état normal et dans ses déviations, soit dans la mère, soit dans l’enfant : durées et maladies de la gestation, môles, altérations du lait, difformités monstrueuses du produit, membres en surnombre, membres en moins, acuité ou faiblesse des sens, superfétations et accidents de toute sorte, qui n’affectent pas seulement l’individu, mais qui peuvent aussi modifier la race et la dénaturer, diversités de couleurs, de voix, de denture chez les animaux, etc., etc.

On le voit ; l’étendue de la zoologie telle qu’Aristote vient de nous la montrer, est déjà bien considérable ; et les trois ouvrages que nous avons analysés brièvement nous en apprennent déjà bien long. Mais toutes ces vues sur les animaux, sur leurs formes, sur leurs fonctions, sur leur caractère et leurs mœurs, ne sont encore que particulières. Tout cela se rattache à un principe supérieur et unique, qui est le principe même de la vie, ou comme Aristote l’appelle dans son traité spécial, l’Âme, qui communique à l’être animé, le plus relevé ou le plus infime, la sensibilité et la nutrition. L’âme est l’achèvement du corps ; elle est son Entéléchie, pour emprunter l’expression du philosophe, c’est-à-dire que, sans l’âme, le corps n’est pas plus un corps qu’une main de pierre ou de bois n’est une véritable main, pas plus qu’un objet représenté en peinture n’est l’objet réel. Le corps sans l’âme n’est qu’un cadavre ; car c’est l’âme qui, dès que l’être est né, lui assure tout au moins, la nutrition, et le développement de ses facultés, de même que, quand elle l’abandonne, l’être est détruit et meurt. D’ailleurs, l’union de l’âme et du corps est si étroite qu’il a sur elle la plus grande influence, malgré la supériorité évidente de la vie sur la matière. En histoire naturelle, cette distinction de l’âme et du corps sert à classer tous les êtres que la nature présente à nos regards. Quelque nombreux qu’ils soient, ils se répartissent nécessairement en deux classes, qui les comprennent tous sans exception, ainsi qu’on le faisait dans la dichotomie platonicienne : ici, les êtres doués de vie ; et là, les êtres privés de vie. A ce point de vue, les plantes et les animaux se confondent ; car la plante a des organes ; elle se nourrit et vit comme l’animal, si, du reste, elle n’a pas comme lui la sensibilité et le mouvement. Le règne organique et le règne inorganisé sont ainsi profondément séparés, parce que, dans l’un, il y a encore, même aux degrés les plus bas, une sorte d’âme, tandis que, dans l’autre, l’âme est complètement disparue et absente.

Aristote avait traité des plantes et des minéraux pour achever, comme il le dit, « la philosophie de la nature » ; mais le temps nous a envié ces ouvrages, que Buffon regrettait, et que nous ne regrettons pas moins que lui. A ces pertes déjà bien cruelles, nous pourrions en joindre d’autres qui le sont également : trois livres sur la nature, et trente-huit autres livres, où par ordre alphabétique et sous forme de dictionnaire, le philosophe avait rangé tout ce qu’il avait appris sur les phénomènes naturels et leurs lois. Il était même remonté, comme il le rappelle dans sa Météorologie, aux phénomènes célestes, afin d’embrasser tout ce que l’homme peut savoir, depuis ce qu’il observe dans les cieux jusqu’aux faits, plus voisins de lui, que la terre lui présente. La zoologie est une partie considérable du spectacle divin qui s’offre à notre contemplation ; mais ce n’est qu’une partie de cet ensemble miraculeux.

Parvenu à ces sommets et voyant de si haut la place que tient la vie dans le monde animal, nous pouvons nous faire une opinion plus générale et plus juste de la zoologie d’Aristote. En face d’un monument aussi beau et aussi colossal, la plus forte impression qu’on éprouve, c’est encore l’étonnement, que sentait si vivement Cuvier. Trois siècles et demi avant l’ère chrétienne, voilà où en est la science de la nature, et plus particulièrement, la science des animaux ; voilà tout d’un coup trois sciences, zoologie, physiologie, anatomie, créées avec leurs principes fondamentaux, leur méthode, leurs classifications élémentaires, leurs cadres, leurs principaux détails ! Les voilà, créées de telle sorte qu’elles semblent d’abord sans précédents, et qu’elles demeurent ensuite plus de vingt siècles sans recevoir le moindre accroissement ! La zoologie proprement dite, la physiologie et l’anatomie comparées sont restées jusqu’à nous telles à peu près qu’Aristote les a constituées ; et si, de nos jours, elles ont fait d’immenses progrès, c’est en restant fidèles à la voie qu’il leur avait indiquée.

La première idée qui s’offre à l’esprit pour expliquer ce prodige, à peu près unique dans l’histoire de la science, c’est celle que semble avoir conçue Buffon : Aristote a dû avoir des devanciers, auxquels il a fait les plus larges emprunts. Ceci ne diminuerait pas sa gloire aux yeux de notre grand naturaliste, non plus qu’aux nôtres. Mais cette explication même n’est pas possible ; il en faudra trouver une autre ; car on peut affirmer que, dans la philosophie antérieure telle qu’elle nous est connue, Aristote n’a pas pu rassembler des matériaux pour son édifice. Avant lui, il n’y a rien, peut-on dire ; de même qu’après lui les siècles ne produisent rien, en dehors ou à côté de son œuvre.

Jetons un coup d’œil, pour nous en convaincre, sur ses devanciers et ses contemporains, y compris son maître Platon ; et voyons ce qu’ils ont pu lui fournir.

Ici, et puisque l’occasion s’en présente, disons de nouveau combien sont fausses et iniques les accusations de Bacon, calomniant Aristote, dont il fait l’assassin de ses frères, les autres philosophes : « Il a étouffé leur gloire, dit Bacon, de même que les Sultans de Constantinople se débarrassaient jadis des frères qui portaient ombrage à leur pouvoir. » Aristote est si loin de cette basse jalousie qu’il a nommé ses prédécesseurs en foule, dans ses ouvrages zoologiques, aussi bien que dans tous ses autres ouvrages. Il a même tiré de l’oubli des noms qui sans lui nous seraient restés absolument ignorés. Qui connaîtrait Syennésis de Chypre, par exemple, et Léophane, sans la citation faite par Aristote, d’un écrit du premier sur le système des veines, et d’une théorie du second sur les causes de la différence des sexes ? Alcméon de Crotone, Empédocle, Anaxagore, Parménide, Diogène d’Apollonie, Héraclite, Démocrite, il les a tous cités, à vingt reprises, toutes les fois que leurs théories lui ont semblé, soit en opposition, soit en accord avec les siennes.

Aristote montre même, dans cette recherche d’un passé qui peut l’éclairer, une sollicitude qui, des philosophes, s’étend jusqu’aux poètes ou aux historiens, quand ils ont fait des allusions à quelques animaux, ou rapporté des faits qui les concernent. C’est ainsi qu’il a cité Musée sur le nombre des œufs de l’aigle ; Homère, sur le chien d’Ulysse, sur l’âge du bœuf, sur l’aigle de Priam, sur les cornes des béliers, sur le caractère du lion, sur la crinière du cheval ; Hésiode, sur l’aigle de Ninus ; Simonide et Stésichore, sur l’halcyon ; Eschyle, sur la huppe. Auprès des poètes, il a cité aussi les historiens : Hérodote sur les Éthiopiens et sur l’accouplement des poissons ; Ctésias sur les éléphants et les animaux de l’Inde, et même sur le fabuleux Martichore ; puis, il allègue encore les sophistes, Hérodore et Bryson, sur les vautours et sur l’hyène ; les fabulistes, comme Ésope, sur les cornes des taureaux. En un mot, Aristote ne néglige aucun témoignage de quelque valeur ; et il est prêt à se fier aux autres aussi bien qu’à lui-même. Mais c’est aux philosophes et aux médecins qu’il s’adresse plus particulièrement, parce que leurs études et les siennes sont communes.

Pythagore ne semble pas s’être occupé de zoologie ; mais, dans son école, Alcméon de Crotone, un peu plus jeune que lui, comme nous l’apprend Aristote dans sa Métaphysique, passe pour être le premier qui ait osé faire des dissections. C’était une rare audace dans ces temps reculés ; aujourd’hui même, c’en est encore une pour bien des gens, et aussi pour des nations entières, où cette application de la science, quelque nécessaire qu’elle soit, inspire une insurmontable répugnance. Alcméon était médecin ; et son art le menait tout naturellement à étudier les animaux après l’homme. Mais il ne semble pas que ses connaissances zoologiques fussent très profondes. Aristote, qui avait écrit un traité spécial sur les doctrines d’Alcméon, a dû réfuter quelques-unes de ses théories, qui sont en effet insoutenables. Ainsi, il prétendait que les chèvres respirent par les oreilles, et il trouvait que, dans l’œuf des oiseaux, le blanc jouait le même rôle que le lait dans les mammifères, tandis que c’est le jaune, et non pas le blanc, qui nourrit le poussin. Nous avons vu un peu plus haut une charmante comparaison d’Alcméon, rapprochant la puberté dans l’homme de la fleur dans la plante. Aristote, qui recueille cette expression avec soin, nomme encore Alcméon, non sans estime, à propos de la théorie des contraires selon les Pythagoriciens, et sur la question de l’immortalité de l’âme. Alcméon ne se bornait donc pas à la médecine ; il faisait aussi de la zoologie, de la psychologie et de la métaphysique. Mais dans la science particulière des animaux, il ne paraît pas avoir eu des idées systématiques, si d’ailleurs, il a pu observer quelques détails assez curieusement.

Empédocle d’Agrigente, deux siècles après Alcméon, a fourni à la zoologie encore moins de renseignements positifs. Aristote mentionne fréquemment Empédocle, non dans son Histoire des animaux, mais dans le Traité des Parties, et surtout dans le Traité de la Génération. Les sujets touchés par Empédocle, avec plus ou moins d’exactitude, sont assez nombreux : intensité variable de la chaleur dans l’homme et la femme, développement du fœtus, distinction des sexes, position différente des embryons mâles et femelles dans le sein de la mère, différence d’acuité de la vue selon que les yeux sont noirs ou bleus, habitations et genres de vie des animaux, respiration des animaux, croissance des plantes, voilà des sujets fort intéressants ; et Empédocle paraîtrait avoir quelque droit à être compté parmi les naturalistes ; mais il écrit encore en vers, et la poésie n’a jamais été l’instrument de la science. On peut même trouver qu’Aristote a montré bien de la condescendance en s’occupant si souvent d’opinions zoologiques émises sous cette forme, qui ne peut jamais devenir assez didactique, même quand elle a la prétention de l’être, par le génie de poètes tels que Lucrèce et Virgile.

Ce qu’il y a peut-être de plus remarquable dans Empédocle, c’est le pressentiment qu’il semble avoir eu de cette création primordiale que les fossiles nous ont révélée récemment. Mais le peu qu’en dit le poète sicilien et le chaos d’êtres, de formes et d’éléments qu’il imagine à l’origine des choses, sont des données tellement vagues, et tellement arbitraires, qu’Aristote n’en a pu rien tirer, et que nous-mêmes, malgré toutes les lumières nouvelles, nous ne pouvons pas estimer ces données plus qu’il ne les estime. Au fond, Empédocle croit au hasard dans cette création spontanée des êtres ; et il y a peu de doctrines aussi antipathiques que celle-là aux croyances inébranlables d’Aristote, vantant sans cesse la divine prévoyance de la nature dans toutes ses œuvres.

Parménide d’Élée, contemporain d’Empédocle, écrit en vers ainsi que lui, et il est encore plus insuffisant en ce qui regarde les animaux ; il pense à peu près de même sur quelques détails ; mais, en somme, ce n’est pas un zoologiste, et s’il occupe un rang assez élevé en métaphysique, il n’en a aucun en histoire naturelle.

On serait fondé à attendre davantage d’Anaxagore. Aristote a fait de lui un magnifique éloge, qui a retenti à travers les siècles, et qui est arrivé jusqu’à nous. Le sage de Clazomènes a le premier proclamé l’action de l’Intelligence dans le monde ; et cette grande parole, venue de si loin, est d’autant plus vraie qu’on l’examine et qu’on l’approfondit de plus en plus. Aristote en a fait un de ses principes les plus sûrs et les plus clairs.

Mais en zoologie, Anaxagore est loin d’être ce qu’il est en métaphysique. Quand il prétend que les corbeaux et les ibis s’accouplent par le bec, et que c’est par la bouche que la belette fait ses petits, Aristote ne peut s’empêcher de mêler quelque raillerie à sa réfutation. Il le réfute également sur d’autres points, peut-être avec moins de raison, quand il croit que, dans l’union des sexes, le mâle seul fournit la matière, et que la femelle ne fait que prêter le lieu où se développe le germe. Parfois aussi, Aristote invoque l’anatomie contre Anaxagore, pour lui prouver que, dans certains animaux, ce n’est pas le foie et la bile qui produisent les maladies qu’il leur attribue, puisque ces animaux n’ont pas de foie ni de bile. C’est encore par l’anatomie qu’il lui prouve que le mâle ne vient pas de la droite dans l’utérus ; et la femelle, de la gauche. Enfin. Anaxagore a sur les fonctions de la main de l’homme une théorie qu’Aristote rectifie, sans d’ailleurs la désapprouver tout à fait. Mais comme nous retrouvons cette théorie un peu plus tard, il n’est pas besoin d’y insister actuellement.

Diogène d’Apollonie, qui se rattache à l’école Ionienne, paraît avoir eu sur l’organisation des animaux des notions un peu plus précises, et l’on peut conjecturer qu’il avait fait des dissections. C’est Aristote qui, en citant un passage de Diogène sur le système des veines, nous a révélé ses travaux ; sans ce témoignage, nous les eussions ignorés. D’ailleurs, Aristote combat les explications de Diogène d’Apollonie ; mais cette réfutation même, quelque juste qu’elle soit, atteste que ses recherches zoologiques n’étaient pas sans mérite. Il avait étudié aussi la respiration chez les poissons et même chez les huîtres.

Parmi tous les prédécesseurs d’Aristote, Démocrite est celui à qui il a pu faire le plus d’emprunts. De l’aveu de tout le monde, Démocrite, né à Abdère, petite ville de Thrace, inconnue avant qu’il ne l’eût illustrée, a été le plus savant des Grecs avant Aristote. Ses ouvrages très nombreux, puisqu’on en compte au moins soixante, touchent à tout : morale, physique, astronomie, mathématiques, psychologie, histoire des animaux et des plantes, médecine, agriculture, beaux-arts, musique, art militaire, etc. Les connaissances de Démocrite semblent avoir été aussi variées, si ce n’est aussi profondes, que celles d’Aristote ; et parmi ces œuvres de genre si divers, celles qui nous intéressent directement sont encore en assez grand nombre : un traité en deux livres sur la nature de l’homme ou sur la chair ; un traité en trois livres sur les causes des animaux, et quelques traités de médecine, sans parler de ses traités sur les plantes et sur les pierres. Démocrite avait beaucoup voyagé ; il avait visité l’Égypte, et il y était resté cinq ans au moins. C’était certainement alors le pays qui, par suite de ses croyances religieuses, s’était le plus occupé et de l’anatomie de l’homme et de celle des animaux. Démocrite a pu y recueillir les matériaux les moins communs.

Ce qu’était la zoologie de Démocrite, il nous serait difficile d’en juger d’après les rares fragments qui nous en restent. Aristote le cite dans le Traité des Parties des animaux, et surtout dans celui de la Génération. Le plus ordinairement, c’est pour le contredire ; assez souvent aussi, c’est pour le louer. Parfois, Aristote a tort dans ses critiques : et par exemple, quand il reproche à Démocrite d’avoir soutenu que les insectes et les animaux privés de sang ont des intestins comme les autres, et que, si l’on nie l’existence de ces viscères, c’est qu’on ne les voit pas à cause de leur petitesse. Mais Aristote a raison lorsque, discutant contre Démocrite la position du fœtus dans le sein maternel, il affirme que c’est par le cordon ombilical, et non par d’autres parties, que le fœtus se nourrit. Il est encore d’un autre avis que Démocrite sur les causes de la différence des sexes, sur la stérilité relative des mulets, sur l’action de la liqueur séminale, sur les causes de la chute des dents. Mais il le loue d’avoir un des premiers tenté de décrire les êtres par leur essence plutôt que par leur matière, sans d’ailleurs avoir toujours bien compris le but et la fin que se propose la nature. Aristote faisait assez de cas de Démocrite pour avoir consacré une étude spéciale à ses opinions ; mais ce livre ne nous est pas plus parvenu que celui qui était relatif aux doctrines d’Alcméon, le Crotoniate.

Pour compléter ce qu’Aristote nous apprend sur la zoologie de Démocrite, on peut recourir à Élien, qui semble avoir eu encore ses ouvrages sous les yeux, en compilant le sien. Cet écrivain n’est pas toujours une autorité, tant s’en faut ; mais son témoignage est acceptable quand il s’agit de simples citations. Voici donc quelques-unes des opinions de Démocrite sur les animaux, si l’on en croit Élien. Selon lui, le lion est le seul animal dont les petits naissent les yeux tout grands ouverts ; les poissons de mer se nourrissent non pas de l’eau salée, mais de cette portion d’eau douce que l’eau salée renferme, opinion qu’Aristote et Théophraste ont reproduite ; les chiennes et les truies n’ont tant de petits que parce qu’elles ont plusieurs matrices, que le mâle emplit successivement ; les mules sont infécondes, parce que leur matrice est faite autrement que celle des autres animaux ; les mulets ne sont pas un produit naturel ; ils ne sont qu’une invention audacieuse des hommes et un adultère ; en Libye, où les ânes sont de très grande taille, ils ne couvrent jamais que des juments rasées de tous leurs crins, assertion que Pline répète d’après Démocrite ; car si elles avaient encore cet ornement qui les pare si bien, elles ne recevraient pas de tels maris, à ce que disent les gens expérimentés de ces contrées ; les avortements sont bien plus fréquents dans les lieux où règne la chaleur que dans ceux où il fait froid, parce que la chaleur relâche et détend tous les viscères du corps, tandis que le froid les resserre et les raffermit ; les dents des animaux tombent parce qu’elles poussent souvent trop tôt ; les bois des cerfs tombent et repoussent par les variations de température dans le corps de l’animal ; les cornes des bœufs sont, par suite de la castration, moins droites, moins fortes, et plus longues que celles des taureaux ; la tête des bœufs est plus sèche, parce que les veines y sont beaucoup moins volumineuses ; les vaches d’Arabie ont des cornes très développées, parce qu’au contraire les humeurs qui affluent à leur tête sont très abondantes.

Telles sont à peu près toutes les observations de zoologie dont on ait conservé le souvenir, et qui sont bien celles de Démocrite, puisque Élien cite ses propres paroles. On ne peut pas supposer que ces observations fussent les seules ; et selon toute apparence, Démocrite avait dû observer bien d’autres faits. Ceux-ci suffisent, à défaut du reste, pour nous montrer quelles étaient l’étendue et la direction des recherches de Démocrite, et aussi combien il restait à faire après lui pour fonder définitivement la science zoologique.

Aristote n’a pas eu l’occasion de nommer Hippocrate, ou, du moins il ne le nomme que dans sa « Politique ». (IV, 4, 3, p. 210, 3e édit. de ma traduction.) Il le reconnaissait pour un grand médecin ; mais en histoire naturelle, Hippocrate a fait très peu de recherches ; il n’est presque pas question des animaux dans ses œuvres, bien que, de son temps, l’art vétérinaire se confondît avec la médecine. L’école de Cnide, qui avait précédé celle de Cos, ne paraît pas davantage s’être livrée à la zoologie. Cependant, dans l’intérêt de la santé, la médecine est forcée de beaucoup observer le corps humain, tout au moins sous le rapport physiologique. La chirurgie, qui commence en Grèce avec Machaon et Podalire, fils d’Esculape, au siège de Troie (Iliade, II, vers 732), est bien forcée aussi de faire de l’anatomie. Les amputations, les blessures pénétrantes, les luxations, les fractures, les opérations de tous genres, pratiquées dès cette époque, depuis celle du trépan jusqu’à celle de la pierre, exigeaient absolument qu’on ne s’arrêtât pas à la surface du corps, et qu’on essayât de scruter les parties cachées qu’il renferme. Mais il est avéré que l’école hippocratique a fort peu disséqué des cadavres humains ; on ne saurait croire qu’elle ait disséqué davantage des animaux, dont l’organisation lui importait beaucoup moins, quoique l’on en tirât bien des remèdes, comme on les tirait des plantes. Aristote ne pouvait donc trouver dans Hippocrate que très peu de ressources pour l’histoire naturelle et la physiologie générale.

Il faut en outre distinguer dans la collection Hippocratique, telle que nous l’avons aujourd’hui, des traités qui sont postérieurs à Aristote, et qui ont été fabriqués à Alexandrie, comme la correspondance prétendue de Démocrite et d’Hippocrate. Mais à côté de ces apocryphes, bien des ouvrages authentiques ont pu être consultés par Aristote. Selon Littré, qui est la première des autorités en ces matières, ce seraient quelques-uns des traités suivants : De la génération, de la nature de l’enfant, des maladies des femmes, des maladies des jeunes filles, de la stérilité chez la femme, etc. On pourrait en citer quelques autres encore, si l’attribution n’en était pas incertaine : Le fragment sur l’Organe du cœur, les traités sur l’incision du fœtus, sur le fœtus de sept et de huit mois, sur la nature de la femme, sur la nature de l’homme, sur la superfétation, sur la nature de l’os, etc. Joignez-y une foule de considérations de détail qu’Aristote a pu lire avec profit, et dont il devait plus que personne sentir la haute valeur, à la fois en ce qui concerne l’organisation humaine, et aussi la constitution générale des êtres animés qui se rapprochent de l’homme, leur type le plus élevé.

Si Aristote n’a trouvé dans Hippocrate et son école que très peu de zoologie, il a pu en recevoir une bien féconde leçon en fait de méthode et d’observation. Il est dans la nature des choses que la médecine, dès ses premiers pas, soit profondément observatrice et méthodique ; il s’agit de la santé et de la maladie ; bien plus, il s’agit de la vie et de la mort, dans tout ce que l’art essaye pour soulager ou sauver le malade. Quel intérêt peut être supérieur à celui-là ? Et si quelque motif peut jamais aiguiser l’attention de l’intelligence, en est-il de plus puissant ? Si dans des questions aussi obscures et aussi délicates que toutes celles qui se rapportent à l’hygiène et à l’existence des hommes, l’observation ne peut pas être, du premier coup, parfaitement exacte ni complète, elle est du moins aussi sérieuse et aussi pratique qu’elle le peut. Hippocrate dit solennellement au début de ses Aphorismes : « La vie est courte, l’art est long, l’occasion fugitive, l’expérience trompeuse, le jugement difficile. » Ce sont là les devoirs inévitables de l’art médical ; et comme les erreurs peuvent y être homicides, nulle autre science n’est tenue à autant de précautions pour ne pas se tromper. La méthode la plus rigoureuse lui est donc imposée. C’est là le grand enseignement qu’Aristote a pu recevoir de la médecine, comme il le recevait spontanément de son génie personnel. Sans doute, il n’avait besoin de personne pour comprendre que l’observation des faits est la première condition de la science et de la méthode ; mais en voyant les applications heureuses qui en avaient été faites dans la pratique médicale, il devait s’attacher d’autant plus fermement à des principes qui avaient déjà produit des résultats si bienfaisants.

Il y a dans les œuvres de Xénophon deux traités qui annoncent des connaissances très précises, si ce n’est très étendues, sur les animaux, et spécialement sur le cheval et sur le chien. Ce sont les deux traités de l’Équitation et de la Chasse. L’élégante cavalcade du Parthénon nous fait croire que les Athéniens devaient être d’excellents écuyers, tout à fait dignes du beau présent que Neptune leur avait offert. Mais l’ouvrage de Xénophon prouve, mieux encore, que leurs études pratiques sur le noble animal que le dieu leur avait donné, étaient poussées presque aussi loin que celles des sportsmen de nos jours. Xénophon signale en premier lieu les moyens qu’il faut prendre pour n’être pas trompé dans l’achat d’un jeune cheval. Examen des jambes, pieds, sabots, paturons, canons ; examen du poitrail, du cou, de la tête, de la ganache, des deux barres ; examen des yeux, des naseaux, du front, des oreilles ; examen des reins, des côtes, de la croupe, il ne faut rien omettre afin d’éviter toutes les fraudes et tous les pièges d’adroits maquignons. Si, au lieu d’acheter un jeune cheval, on achète un cheval tout dressé, il faut s’assurer de son âge, de sa souplesse, de sa docilité, de sa douceur, de sa constance au travail. A ces sages avis, Xénophon en joint d’autres sur l’installation d’une bonne écurie, sur la nourriture, sur le pansage, sur le lavage régulier du corps, les jambes exceptées, sur les exercices de manège, tant pour les chevaux de guerre que pour les chevaux de parade.

Toutes ces recommandations minutieuses et ces renseignements, destinés à former le cavalier accompli, sont le fruit d’une longue et intelligente pratique, où la physiologie du cheval a sa part, bien qu’elle ne soit pas le but de l’ouvrage. Un autre traité qui fait suite à celui-là et qui le complète, « le Commandant de la cavalerie », est un manuel de tactique militaire, aussi judicieux que le précédent, mais qui a un objet purement technique.

Au contraire, le traité de la Chasse a, comme le traité de l’Équitation, une partie zoologique. Le chien y est étudié avec autant de soin que le cheval, et à un point de vue non moins exclusif. Il y a deux espèces principales de chiens de chasse, dont l’une est très supérieure à l’autre ; l’auteur indique les caractères qui les distingue et les formes qu’il faut préférer dans les chiens dont on doit se servir. Mais il est bien difficile de parler du chien de chasse sans dire aussi quelque chose des bêtes qu’il poursuit. Xénophon parle donc du lièvre, qu’on chassait même en hiver ; des faons et des cerfs, pour lesquels il fallait des chiens indiens ; des sangliers, contre lesquels on doit choisir les chiens les plus capables de faire tête à la bête ; des lions, des léopards, et autres bêtes sauvages. Dans les conseils donnés aux chasseurs, on peut recueillir bien des détails de pure zoologie, sur les habitudes du lièvre, sur sa fécondité exceptionnelle, sur ses ruses pour échapper au chasseur, sur ses espèces diverses, sur sa vue mauvaise, sur son agilité, qui l’empêche de jamais marcher au pas, sur sa conformation si bien calculée pour la course et pour le saut. D’autres détails non moins curieux sont donnés sur les biches, conduisant leurs faons en bande au printemps, et les défendant à outrance contre les chiens ; sur la bauge du sanglier, sur sa force redoutable dans la lutte qu’on engage avec lui, surtout quand le père et la mère se réunissent pour défendre les jeunes.

Quant aux lions, léopards, lynx, panthères, ours, et autres animaux féroces. Xénophon est très bref : mais de ce qu’il dit, on peut conclure que de son temps, il y avait encore des lions en Grèce, dans les monts Pangées et sur le Pinde, au nord-ouest de la Macédoine. Aristote atteste plusieurs fois la même chose ; et son assertion, qui pouvait passer pour douteuse, est confirmée par celle de Xénophon. Mais aujourd’hui, et depuis longtemps, l’Europe ne nourrit plus de ces carnassiers.

Aristote a nommé Socrate dans le Traité des Parties ; et c’est à la fois un éloge et une critique qu’il lui adresse, en compagnie de Démocrite. Il le loue d’avoir essayé de définir les êtres, non plus d’après leur matière, mais d’après leur essence et leur idée. Mais, en même temps, il le blâme de s’être détourné de l’étude de la nature pour se livrer entièrement à la dialectique et à la science morale. Le reproche, si c’en est un, est fondé ; mais Socrate ne s’en serait pas inquiété. Dans le Phédon, il explique, quelques instants avant de mourir, comment, dans sa jeunesse, il s’était passionné pour la physique, et comment, ensuite, il s’en était dégoûté. Plein d’enthousiasme pour la sublime pensée d’Anaxagore, il avait espéré, guidé par lui, pouvoir comprendre le monde et trouver le secret de ses merveilles. Mais qu’elle n’avait pas été sa déception, quand il s’était aperçu qu’Anaxagore, après avoir proclamé l’intervention de l’Intelligence dans l’univers, ne faisait aucun usage de ce grand principe ! Pour lui, il avait déserté une étude si décevante, pour contempler tout à son aise l’idée du bien, qui éclate et resplendit en toutes choses, et surtout dans la raison de l’homme, plus clairement encore que dans la nature. Plus loin, on reviendra sur quelques-unes des opinions physiologiques de Socrate que nous a conservées Xénophon dans ses Mémoires.

Mais si Socrate a, pour ces graves motifs, négligé l’étude de la nature, tout en l’aimant et la comprenant merveilleusement, Platon a essayé de continuer et d’agrandir les voies ouvertes par Démocrite ; et dans le Timée, où il entreprend d’expliquer le monde, il s’occupe de la formation de tous les animaux, dispersés par Dieu dans les airs, dans les eaux et sur la terre. Il décrit longuement le corps de l’homme, tant admiré par son maître Socrate : la tête d’abord, le visage, la voix, le cou, la poitrine, le diaphragme, le cœur, principe des veines, le poumon avec la trachée-artère, le foie, la rate, l’estomac, la chair, les os, la moelle, les vertèbres, la liqueur séminale, les nerfs, la peau, le sang, la santé et la maladie. Du corps humain, Platon passe aux animaux qu’il divise en quelques classes principales : quadrupèdes, oiseaux, serpents, poissons, etc. A la suite du règne animal, Timée dit aussi quelques mots sur les plantes ; car la création tout entière, qu’il vient d’esquisser, lui semble une œuvre divine, pleine de raison, de science et de beauté.

On ne saurait méconnaître dans le Timée, qui est sans doute la dernière expression de la sagesse de Platon, des aperçus profonds dignes de lui et de Socrate, des théories ingénieuses, qui pourtant annoncent plus de perspicacité d’esprit que de connaissance des faits. Mais toutes ces notions de zoologie et de physiologie sont viciées dans leur principe, parce qu’elles ne sont pas faites pour elles-mêmes. Timée ne cherche pas précisément à savoir ce que sont les animaux, ni comment l’homme est organisé. S’il décrit le corps de l’homme, c’est surtout pour découvrir, s’il se peut, l’influence dangereuse que le corps exerce sur l’âme, dont il est le perfide compagnon. S’il décrit les animaux, c’est surtout pour y retrouver la métempsycose. L’homme, en se dégradant par le vice, se transforme, et revêt le corps des animaux inférieurs, selon les qualités qu’il a montrées durant la vie. Ainsi, les hommes timides transmigrent dans des corps de femmes ; les hommes frivoles et légers, dans des corps d’oiseaux ; les hommes violents et cruels, dans des corps d’animaux féroces. On conçoit qu’une zoologie faite dans cette vue ne peut guère aboutir à la science et à la vérité et quoique Aristote ait été le disciple de Platon pendant vingt ans, il s’est bien gardé d’adopter une méthode qui faussait tout par des idées préconçues, et qui tirait, d’observations superficielles, des conséquences qu’elles ne contenaient pas.

Aristote n’a pas parlé du Timée et de cette physiologie dans son Histoire des Animaux, ni dans les Traités des Parties et de la Génération ; mais il l’a réfutée tout au long dans le Traité de l’Âme (pp. 129 et suiv. de ma traduction). Il semble en avoir fait assez peu de cas, du moins en ce qui concerne plus particulièrement la psychologie. C’est que pour Aristote l’âme est plutôt le principe vital que le principe pensant. C’est tout le contraire pour Platon, que la morale touche infiniment plus que l’histoire naturelle. De là, une différence essentielle entre les théories du maître et celles du disciple. Mais Aristote a dû être frappé, comme nous le sommes même encore aujourd’hui, de la grandeur de la pensée qui anime tout le Timée. Remonter jusqu’à l’auteur des choses, et rattacher toutes les créatures à Dieu, « leur artisan et leur père », c’est la dernière et la plus sublime conquête de la raison ; ce n’est pas une audace démesurée que l’homme se permet, Pennis non homini datis ; c’est une nécessité de l’esprit, qui tend irrésistiblement à embrasser, autant qu’il le peut, l’ensemble des choses, et qui ne s’arrête pas avant d’être parvenu au terme extrême. Aristote aussi est monté à ces hauteurs, si peu fréquentées même des philosophes ; et dans la Métaphysique, il s’est expliqué sur quelques-uns de ces problèmes, en un langage qui égale presque celui de Platon et de Socrate, sans d’ailleurs rien emprunter, ni à l’un, ni à l’autre. Mais le Timée, malgré ses lacunes et ses erreurs en physiologie, a pu lui inspirer le désir de chercher dans l’univers l’empreinte divine, et de l’y trouver depuis l’homme jusqu’au plus débile des êtres. De là peut-être, dans Aristote, cet optimisme, qui ne se dément jamais ; et ce culte pour la sagesse infinie de la nature, qui ne fait rien en vain. Avant Platon, la philosophie grecque avait bien essayé de remonter à l’origine des choses ; mais elle n’avait guère dépassé, dans ces impénétrables mystères, les légendes de la mythologie et les croyances vulgaires.

Après avoir exposé, dans cette revue sommaire, ce qui avait été tenté avant l’Histoire des Animaux, et sans nier le génie d’un Anaxagore, d’un Démocrite, d’un Platon, nous pouvons confirmer, pour notre part, ce légitime éloge adressé à Aristote, qu’avant lui la science de la zoologie n’existe pas, et qu’il en est le fondateur. Mais alors revient plus insoluble et plus pressante la question posée au début de cette enquête rétrospective : « Comment l’Histoire des Animaux, avec les autres ouvrages de zoologie, a-t-elle été possible ? Comment expliquer ce phénomène intellectuel, et, l’on peut dire, ce prodige ? » Cette question s’est présentée dès la plus haute antiquité, bien que peut-être on ne sentit pas alors, comme nous sentons nous-mêmes, la beauté et la solidité extraordinaires de ce monument unique. C’est à cette préoccupation que répondait la tradition recueillie par Pline sur la générosité d’Alexandre, dépensant des sommes immenses pour procurer à son maître tous les animaux des contrées conquises par lui. Alexandre aurait été le collaborateur d’Aristote, en lui facilitant ses investigations d’histoire naturelle. On peut croire sans peine qu’Alexandre était capable de donner à la science cette protection éclairée, et l’on a raison de l’attendre de lui, quand on se rappelle que, dans le sac de Thèbes, prise d’assaut, il épargnait la seule maison de Pindare, et qu’après la victoire d’Arbelles, il réservait la cassette de Darius à l’Iliade d’Homère.

Mais en admettant même que la tradition ne se trompe point, elle ne serait pas encore satisfaisante ; elle ne résout pas la question posée. Sans parler des difficultés, presque insurmontables, même de nos jours, qu’aurait dû rencontrer le transport de tant de bêtes vivantes ou mortes, à de telles distances ; sans parler de ces difficultés d’un autre ordre qu’Aristote aurait eues à les recevoir et à les garder pour ses études, il ne suffisait pas de ces collections, quelque riches qu’on les suppose, quelque régulières qu’elles aient pu être, sous la main d’un homme qui, le premier en Grèce, avait imaginé une bibliothèque. Voir les objets les plus instructifs, ce n’est pas tout ; il faut les comprendre. Quel usage un ignorant ferait-il des richesses accumulées dans nos Musées, mises à sa disposition ? Il pourrait les admirer ; mais il lui serait interdit de s’en servir, quand même elles resteraient sous ses yeux plus longtemps que n’ont pu rester sous les yeux d’Aristote les envois présumés d’Alexandre. Il faut donc laisser la tradition pour ce qu’elle est, et tenter une explication différente.

Il n’y en a qu’une de plausible, sans que d’ailleurs celle-là même soit complète : c’est le génie d’Aristote, qui nous a en quelque sorte accoutumés à ces complètes inattendues de la science, plus étonnantes encore que les conquêtes de son belliqueux élève. L’histoire naturelle n’est pas la seule surprise de ce genre. Peut-on oublier qu’à côté d’elle, Aristote a créé une foule d’autres sciences, non moins difficiles à définir et à constituer, soit naturelles, soit morales ou psychologiques ? La zoologie ne fait pas exception ; et ce qui doit nous étonner, ce n’est pas qu’Aristote l’ait fondée, mais que son génie ait été si fécond, et, dans la plupart de ces grands sujets, si original et si neuf. En logique, il n’avait aucun prédécesseur, comme il le déclare lui-même fort modestement, pour excuser ses lacunes ; et cependant, il a si bien approfondi toutes les parties de la logique que les siècles n’y ont rien ajouté, et que, de l’aveu même de Kant, Aristote est le plus accompli des logiciens. Mais le domaine de la logique est purement rationnel ; et il est plus aisé de le parcourir dans toute son étendue que le domaine de l’histoire naturelle, où l’esprit, quelque puissant qu’il soit, doit avant tout s’appuyer sur des faits extérieurs et les observer attentivement, en un nombre presque infini.

Ce qui frappe le plus nos zoologistes modernes, c’est justement cette multiplicité inouïe de faits, dès lors observés avec tant d’exactitude et déjà classés dans un ordre si régulier. L’admiration redouble à mesure qu’on veut s’en rendre compte ; et c’est en quelque sorte un de ces spectacles lumineux où l’on est d’autant plus ébloui qu’on les regarde plus longtemps.

Peut-être, un moyen de pénétrer un peu plus avant dans cette énigme, c’est de s’enquérir auprès d’Aristote et d’apprendre de lui quelles impressions il recevait de la nature, et quel concours une curiosité passionnée pouvait apporter au génie. Il semble qu’à cet égard il est très difficile de savoir ce qu’il en a été ; et comme les Anciens sont généralement très sobres de ces détails intimes, dont les Modernes sont si fort épris, on s’attend à ce qu’une telle recherche soit parfaitement vaine ; l’austérité habituelle d’Aristote n’est pas faite pour nous encourager. Pourtant, en l’absence de témoignages directs et de confidences, on peut découvrir, même dans des œuvres si sévères, des indications, qui, pour n’être pas absolument personnelles, n’en sont pas moins décisives. Certainement, Aristote ne se met pas en scène de sa personne, comme le ferait un auteur de notre temps ; mais on ne peut pas méconnaître l’émotion profonde de sa pensée dans les pages suivantes extraites du Traité des Parties.

Il a réfuté la méthode platonicienne de division, procédant de deux en deux, et il vient de montrer en quoi la dichotomie peut, malgré ses défauts, avoir encore quelque utilité ; il veut cependant y substituer un principe nouveau ; et il poursuit en ces termes : « Ce principe nouveau, c’est que les substances formées par la nature sont, les unes incréés et impérissables de toute éternité, et que les autres sont soumises à naître et à périr. Pour les premières, quelque admirables et quelque divines qu’elles soient, nos observations se trouvent être beaucoup moins complètes ; car à leur égard, nos sens nous révèlent excessivement peu de choses, qui puissent nous les faire connaître, et répondre à notre ardent désir de les comprendre. Au contraire, pour les substances mortelles, plantes ou animaux, nous avons bien plus de moyens d’information, parce que nous vivons avec elles, et que, si l’on veut appliquer à ces observations le travail indispensable qu’elles exigent, on peut en apprendre fort long sur les réalités de tout genre. D’ailleurs, ces deux études, bien que différentes, ont chacune leur attrait. Pour les choses éternelles, dans quelque faible mesure que nous puissions les atteindre et les toucher, le peu que nous en apprenons nous cause, grâce à la sublimité de ce savoir, bien plus de plaisir que tout ce qui nous environne, de même que, pour les personnes que nous aimons, la vue du plus insignifiant et du moindre objet nous est mille fois plus douce que la vue prolongée des objets les plus variés et les plus beaux. Mais pour l’étude des substances périssables, comme elle nous permet tout ensemble de mieux connaître les choses, et d’en connaître un plus grand nombre, elle passe pour être le comble de la science ; et comme, d’autre part, les choses mortelles sont plus conformes à notre nature et nous sont plus familières, cette étude devient presque la rivale de la philosophie des choses divines. Mais ayant déjà traité de ce sujet et ayant exposé ce que nous en pensons, il ne nous reste plus ici qu’à parler de la nature animée, en ne négligeant, autant qu’il dépend de nous, aucun détail, quelque infime ou quelque relevé qu’il soit. C’est que, même dans ceux de ces détails qui peuvent ne pas flatter nos sens, la nature, qui a si bien organisé les êtres, nous procure, à les contempler, d’inexprimables jouissances, pour peu qu’on sache remonter aux causes, et qu’on soit réellement philosophe. Quelle contradiction et quelle folie ne serait-ce pas de se plaire à regarder les simples copies de ces êtres en admirant l’art ingénieux qui les a reproduits, en peinture ou en sculpture, et de ne point se passionner encore plus vivement pour la réalité de ces êtres, que crée la nature, et dont il nous est donné de pouvoir découvrir les causes !

« Aussi, ce serait une vraie puérilité que de reculer devant l’observation des êtres les plus infimes ; car, dans toutes les œuvres de la nature, il y a toujours place pour l’admiration, et l’on peut toujours leur appliquer le mot qu’on prête à Héraclite, répondant à des étrangers qui venaient pour le voir et s’entretenir avec lui. Comme en l’abordant, ils le trouvèrent qui se chauffait au feu de la cuisine : « Entrez sans crainte, entrez toujours, leur dit le philosophe ; les Dieux sont ici comme partout. » De même dans l’étude des animaux, quels qu’ils soient, il n’y a jamais non plus à détourner nos regards dédaigneux, parce que, dans tous sans exception, il y a quelque chose de la puissance de la nature et de sa beauté. Il n’est pas de hasard dans les œuvres qu’elle nous présente ; toujours ces œuvres ont en vue une certaine fin, et il n’y en a pas où ce caractère éclate plus éminemment qu’en elles : Or, la fin en vue de laquelle une chose subsiste ou se produit, est précisément ce qui constitue, pour cette chose, sa beauté et sa perfection.

« Que si quelqu’un était porté à mépriser comme au-dessous de lui l’étude des autres animaux, qu’il sache que ce serait aussi se mépriser soi-même ; car ce n’est pas sans grande difficulté qu’on parvient à connaître l’organisation de l’homme, sang, chairs, os, veines, et tant d’autres parties de même genre. » (Traité des Parties des Animaux, livre I, chap. V, p. 98, édit. du docteur de Frantzius, 1853 ; édit Langkavel, p. 15, 1868.)

Ailleurs, il dit encore avec non moins d’émotion et de bonheur d’expression :

« Dans les animaux qui ont du sang, c’est d’abord la masse supérieure du corps qui est formée dès la naissance ; puis avec le temps, la partie inférieure prend son entier développement. Pour tout cela, il n’y a d’abord que de simples linéaments et des contours ; puis ensuite, viennent la couleur, la mollesse ou la dureté des diverses parties. Dans cette esquisse d’abord imparfaite, on dirait que la nature dessine et qu’elle fait comme les peintres, qui se contentent premièrement de tracer des lignes, et qui n’appliquent que plus tard les diverses couleurs à l’objet qu’ils représentent. » (Traité de la Génération des Animaux, liv. II, 94, p. 184, édit. Aubert et Winner.)

Quel est celui des naturalistes modernes qui renierait de telles pages ? Ou plutôt, qui ne voudrait les avoir écrites ? Elles feraient honneur au plus sage et au plus instruit. Aristote a eu bien rarement de ces effusions ; mais quand il s’y laisse aller, elles n’en sont que plus précieuses. Il aimait la nature autant qu’il l’admirait ; et dans les études qu’il lui consacrait, le cœur tenait sans doute autant de place que l’esprit.

Il est assez singulier que les Modernes se soient figuré quelquefois qu’ils étaient les premiers et les seuls à aimer la nature. Schiller prétend que les Grecs, malgré toutes leurs qualités, ont été étrangers à ces émotions délicates, et que le spectacle des choses a captivé leur « intelligence bien plus que leur sentiment moral ». Humboldt adresse à l’Antiquité la même critique, qui, après lui et après Schiller, est devenue un lieu commun de littérature courante. Il a été entendu que l’amour de la nature était un privilège de notre temps, un monopole récemment découvert à notre usage, sans doute depuis Jean-Jacques et même depuis Obermann. Littré a déjà réfuté ce paradoxe de notre vanité ; et il lui a suffi de rappeler quelques passages d’Homère de Platon et de Pline, pour en faire justice. Il pouvait rappeler encore les idylles de Théocrite, les pages sublimes de Cicéron dans son Traité de la Nature des Dieux, les Géorgiques de Virgile après Lucrèce, tant de vers charmants d’Horace, et les éloquentes amplifications de Sénèque. Mais Aristote eût-il été le seul à parler de la nature ainsi que nous venons de le voir, il semble qu’une telle profession de foi démontre assez clairement que les Anciens ont senti, aimé et célébré la nature aussi bien que nous. Seulement, ils ont été moins personnels, moins littéraires et moins déclamateurs. En général, ils sont occupés exclusivement du sujet qu’ils traitent ; et l’individu se produit fort peu ; l’égoïsme de l’écrivain ne se trahit pas. C’est peut-être là un des plus grands charmes de l’Antiquité. Chez nous, Rousseau adresse à l’univers ses Confessions, qu’il croit imiter de saint Augustin ; chez les Grecs, un Platon, un Aristote ne nous apprennent pas un mot d’eux-mêmes ; et si, pour les connaître, nous en étions réduits à ce qu’ils nous en disent, notre ignorance serait entière. Il est vrai que leurs œuvres nous dédommagent, quoiqu’elles soient muettes sur ceux qui les composent, à leur plus grande gloire et au grand profit de l’esprit humain.

Ainsi donc, pour expliquer la composition de l’Histoire des Animaux, Prolem sine patre creatam, le meilleur argument est encore le génie de l’auteur, fécondé par une admiration sans bornes pour la nature. La réalité ne change pas ; et les animaux de tout ordre qu’observait Aristote posaient sous ses yeux tels qu’ils posent encore sous les nôtres. Les phénomènes à peu près innombrables qu’ils offrent à notre étude ne peuvent pas être aperçus d’un seul coup, ni analysés en une fois ; mais le regard de l’homme de génie est si pénétrant, si étendu, si rapide, qu’il peut, dans la courte durée de la vie individuelle, embrasser une multitude de faits que les siècles précédents n’avaient pas vus, et que les siècles suivants ne verront pas davantage. Au début de notre XIXe siècle, nous avons été les témoins émerveillés de ce que Cuvier a pu faire en paléontologie ; c’est toute une science nouvelle, qui, devant nous, est née de ses labeurs, plus limités, mais aussi féconds en leur genre que ceux d’Aristote. Cuvier n’avait pas un génie universel comme celui du philosophe grec. Mais ce qu’il a réalisé, dans cette branche de savoir inconnue jusqu’à lui, nous permet de mesurer ce qu’Aristote a pu accomplir, sur une échelle beaucoup plus vaste et avec un succès, s’il est possible, encore plus grand.

Cela est si vrai que l’œuvre d’Aristote, qui était sans antécédents, n’a été ni continuée, ni même comprise par les temps qui ont suivi. Il a fallu plus de vingt siècles pour que l’esprit humain, après une foule d’épreuves et d’hésitations, reprit la route que le génie avait prématurément ouverte ; et c’est seulement, au milieu du siècle dernier, qu’on a retrouvé des traces qui semblaient presque perdues. Si la stérilité des prédécesseurs d’Aristote a pu nous étonner, la stérilité des successeurs est bien plus surprenante encore. La science une fois fondée, il paraissait assez simple qu’on la cultivât, dans la voie où elle avait été mise. Mais le premier pas avait été si gigantesque que personne n’a pu le prendre, quelque facile que fût l’imitation, après de tels exemples et avec un tel guide.

Pline est, sous quelque rapport, un grand écrivain ; mais ce n’est pas un naturaliste, malgré le renom qu’on lui a fait ; lui-même n’élève pas cette prétention ; et il se donne pour le fidèle compilateur des œuvres d’Aristote, comme il l’est de tant d’autres. Il se cache si peu de ce rôle, modeste mais fort utile, surtout entre ses mains, qu’il énumère avec la plus sincère exactitude, toutes les sources auxquelles il puise, d’ailleurs avec plus ou moins de discernement. Son plan embrasse le monde entier, ou le Cosmos, comme nous disons avec les Pythagoriciens ; le plan d’Aristote est moins large, puisqu’il se borne à la zoologie, réservant pour plus tard l’astronomie, la botanique et les minéraux. Pline aborde toutes ces sciences, en colorant de son style les idées d’autrui. Pour la partie de son ouvrage qui est relative aux animaux, il reproduit presque toujours Aristote, en le traduisant quelquefois mot à mot. Quand il ajoute aux faits déjà observés des faits nouveaux, sans dire de qui il les tient, ces faits ne sont ordinairement, ni très exacts, ni même très sérieux. C’est souvent de la zoologie à la façon d’Élien, c’est-à-dire, des curiosités plus ou moins vraisemblables sur le caractère et les mœurs des animaux, réels ou fabuleux. Pline, qui se raille de la crédulité des Grecs, non sans quelque droit, ne se doute pas qu’il est parfois d’une crédulité bien plus aveugle encore. Buffon en a donc fait beaucoup trop d’estime ; et le jugement que porte Littré, dans la préface de sa traduction et de son édition, est bien plus équitable et beaucoup moins flatteur. Pline, en reprenant sa vraie place, n’en doit pas moins être pour nous un des auteurs les plus importants de l’époque romaine ; mais il ne faut pas le surfaire ; il peut se passer de cette injustice. Son ouvrage est digne de tout notre intérêt ; et il serait très regrettable qu’il nous manquât ; mais ce n’est pas là de la science, ni comme l’entendait Aristote, ni comme nous l’entendons.

A plus forte raison, peut-on appliquer cette critique aux deux ouvrages d’Élien, dont l’un n’est pas plus de l’histoire que l’autre n’est de la zoologie. Son traité en dix-sept livres sur la Nature des animaux est un recueil d’anecdotes, qui se succèdent sans aucune forme, et qui sont, pour la plupart, d’une invraisemblance puérile. Élien ne les a pas inventées, et il a bien soin de nous avertir, dans son Préambule, que bon nombre d’auteurs ont écrit avant lui sur le même sujet. Il se propose, en les prenant pour guides, de montrer dans les brutes certaines qualités admirables, qu’elles partagent avec l’homme ; et il se flatte que, sans dépasser les autres, il fera du moins, après eux, une œuvre de quelque utilité. Avant de se séparer de ses lecteurs, et en leur adressant ses adieux, il s’applaudit de la façon dont il a accompli son dessein, et il trouve que le désordre de la composition est un ornement de plus, par la variété qu’il jette sur les choses. Sa conclusion semble bien dire que l’animal vaut mieux que l’homme ; et il se croit digne d’éloges pour avoir fait Élien les merveilles de la nature, qui a donné à la plupart des animaux « beauté, intelligence, industrie, justice, tempérance, courage, affection, amour, piété même », en un mot, une foule de vertus que l’humanité trop souvent ne possède pas dans une mesure égale. On aurait tort néanmoins de dédaigner absolument Élien ; et l’on peut encore glaner dans ses récits quelques faits authentiques, et des citations utiles.

On ne saurait guère demander davantage à Athénée, qui, à l’occasion du Banquet de ses Sophistes, s’occupe plus de cuisine que d’histoire naturelle, et qui, en parlant des oiseaux et des poissons, songe avant tout aux mets exquis que la gourmandise sait en tirer. Plutarque, dans son dialogue sur l’Adresse des Animaux, est beaucoup plus sérieux qu’Élien et qu’Athénée ; il rapporte des traits nombreux de l’instinct de l’animal et il est sensé dans toutes ses observations, sans jamais prétendre à être un naturaliste.

Avec Plutarque, Élien et Athénée, finit l’Antiquité ; et vers leur époque, commence dans l’Empire romain cette longue agonie qui aboutit enfin à la disparition de la civilisation antique, au triomphe des Barbares et au Moyen-âge. Ce que devient la zoologie dans ce long désordre, on peut se le figurer en voyant ce qu’elle était devenue dans des temps meilleurs, sous Titus et sous les Antonins.

Les historiens de la zoologie, Beckmann (1766), Spix (1811) et M. Carus (1880), nous apprennent en détail quelles traditions informes survivaient alors, et alimentaient dans les couvents les naïves études de quelques moines. La culture de l’histoire naturelle recommence, avec tout le reste, par des leçons sur les livres d’Aristote. Albert-le-Grand en fait un ample commentaire, qui sans doute y ajoute fort peu, mais qui du moins ressuscite, entretient, et propage les idées du philosophe. On n’a peut-être pas assez rendu justice à ces labeurs, qui n’ont rien de brillant, mais qui, au milieu de ces épaisses ténèbres, ont conservé quelques reflets de lumière. Sous ce rapport, comme sous bien d’autres, le fameux professeur de Cologne et de la Montagne Sainte-Geneviève mérite la glorieuse épithète qu’on a jointe à son nom. Il fut possible, grâce à lui, d’étudier la nature sous un maître tel qu’Aristote. C’était beaucoup ; et la vérité pouvait luire aux yeux de quelques disciples. C’était également d’après Aristote qu’avait été compilé ce manuel de zoologie qui, sous le titre de « Physiologus » a traversé tout le Moyen-âge, moins développé et moins savant que l’enseignement d’Albert, mais plus à la portée du vulgaire. Vincent de Beauvais, dans son « Miroir du monde », ne peut aussi que reproduire Aristote, qui lui fournit toute l’histoire naturelle de son encyclopédie. Deux siècles environ après Albert-le-Grand et Vincent de Beauvais, Théodore Gaza traduisait l’Histoire des Animaux en un excellent latin, avec la fidélité d’un Grec connaissant à fond la langue qu’il professait.

Tout cela n’est encore qu’un bégaiement ; on se contente de répéter tant bien que mal ce qu’a écrit Aristote ; on n’y ajoute rien ; on ne consulte pas la nature, comme il l’avait consultée. La science indépendante et originale ne reparaît qu’au milieu du XVIe siècle ; et ce sont deux zoologistes français, Belon et Rondelet, qui reprennent la méthode aristotélique, dans son énergie pratique et son vrai caractère. Ils ne copient plus Aristote ; ils le continuent, dans la mesure où ils le peuvent, en observant, ainsi que lui, la réalité, et en interrogeant directement les faits. Belon voyage pendant plusieurs années en Italie, en Grèce, en Asie Mineure, en Palestine, en Egypte ; et comme il est à la fois médecin, zoologiste et botaniste, il recueille avec exactitude et sagacité une foule d’observations, dans quelques-unes des contrées qu’Aristote avait habitées aussi et parcourues, dix-huit siècles auparavant. C’est surtout à l’étude des poissons de la Méditerranée qu’il s’attache ; il élucide ses descriptions par des gravures, qui rendent bien la forme des animaux. Belon écrit soit en latin, soit en français, dans un fort bon style. Protégé par les plus puissants personnages du clergé, il aurait poussé beaucoup plus loin ses remarquables recherches, s’il n’était mort jeune, assassiné à l’âge de 47 ans.

Les travaux de Rondelet, médecin de Montpellier, ressemblent beaucoup à ceux de Belon, dont il est le contemporain. C’est aussi à l’ichtyologie qu’il se dévoue ; et il entreprend l’histoire entière des Poissons. Il voyage également sur les bords de la Méditerranée, surtout sur les côtes de l’Italie, de la France et de l’Espagne. Il écrit en latin ; et il fait traduire son livre en français. Il l’accompagne de gravures meilleures, où les poissons de mer, de rivières et d’étangs sont représentés avec une ressemblance que Buffon et Cuvier ont louée souvent. Rondelet, qui est fort érudit, a donné pour la nomenclature des poissons connus des Anciens une synonymie, qui peut éclaircir de nombreux passages d’Aristote.

Conrad Gesner, ami de Rondelet, et comme lui médecin de Montpellier, quoique Suisse de naissance, a composé le plus laborieux ouvrage d’histoire naturelle qu’il ait vu le XVIe siècle, avant celui d’Aldrovande. Il y parcourt toute la zoologie depuis les quadrupèdes vivipares et ovipares, les oiseaux, les poissons et les animaux aquatiques, jusqu’aux reptiles ; il devait faire un dernier livre sur les insectes ; mais la mort le prévint. Il est plus savant encore que ses deux contemporains ; il range les animaux par ordre alphabétique, et sur chacun d’eux il cite, avec prolixité, tout ce que les Anciens nous en ont appris, mais aussi avec une exactitude irréprochable. Cuvier faisait la plus grande estime de l’Histoire des Animaux de Conrad Gesner ; et il la considérait comme la première base de toute la zoologie moderne. C’est un superbe éloge de la part d’un juge tel que Cuvier.

Édouard Wotton, médecin d’Oxford, publia en même temps que Conrad Gesner, et à peu près sur les mêmes fondements, un ouvrage moins développé, qui n’eut pas un succès aussi grand, mais qui représente plus fidèlement encore le plan d’Aristote. Wotton traite d’abord des parties communes à tous les animaux, comme Aristote le fait en commençant son histoire naturelle : avec lui encore, il divise les êtres animés en deux seules classes : ceux qui ont du sang et ceux qui n’en ont pas. Il passe ensuite à l’homme, aux quadrupèdes vivipares et ovipares ; aux serpents, aux oiseaux ; aux animaux aquatiques, cétacés et poissons ; et il termine par les animaux exsangues, mollusques, crustacés et zoophytes. Ce n’est pas plus neuf, ni plus original que Conrad Gesner ; mais c’est plus régulier et moins long que lui, et surtout que l’interminable compilation d’Aldrovande.

Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les travaux anatomiques de Vésale et d’Ambroise Paré facilitent indirectement les progrès de la zoologie, en faisant mieux connaître les organes du corps humain. Le XVIIe siècle n’apporte pas à l’histoire naturelle tous les perfectionnements qu’on pouvait espérer de l’invention du microscope, devenue très vite féconde entre les mains de Malpighi, de Swammerdam et de Leuwenhoeck, découvrant les animalcules spermatiques. C’est dans le XVIIe siècle que se fondent chez plusieurs nations les Académies scientifiques, les musées, les parcs zoologiques, les ménageries, qui pouvaient être d’un utile secours pour les sciences : mais il ne paraît pas d’ouvrage qui systématise la zoologie et en fasse avancer l’ensemble. C’est alors aussi que commencent ces monographies, presque innombrables, qui se multiplient chaque jour de plus en plus, en recueillant une quantité de détails dont la science générale s’enrichit. Vers la fin de ce siècle, Claude Perrault, l’architecte de la Colonnade du Louvre, a sur la « Mécanique des animaux » et sur bien des questions d’histoire naturelle des vues profondes, qu’il n’eut pas le temps de développer autant qu’on pouvait l’attendre de son génie.

Il faut arriver à Linné et à Buffon, vers le milieu du XVIIIe siècle, pour trouver un progrès considérable dans la science zoologique. Linné, qui a fait beaucoup plus encore pour les plantes que pour les animaux, est avant tout un classificateur ; et son « Systema naturae. » embrasse les trois règnes. Le plus court dans son ouvrage est encore le règne animal ; la botanique et la minéralogie y tiennent le plus de place. C’est surtout une nomenclature qu’établit le génie du naturaliste suédois ; il ne décrit rien, et quelques mots lui suffisent pour chaque chose, quelle que soit sa piété admiratrice en présence des œuvres de Dieu, à qui il dédie son livre et qu’il appelle Jéhovah. Il est passionné pour la nature au moins autant qu’Aristote : ce sentiment, ardent et sincère, anime tous ses écrits, et en exclut en partie la sécheresse, malgré la forme qu’il leur a donnée. A peine consacre-t-il une dizaine de lignes à l’homme, tout en le mettant à la tête de la création ; c’est qu’il laisse à l’homme le soin de se connaître lui-même, selon le divin précepte emprunté par Socrate à l’oracle de Delphes ; il nous recommande de nous étudier sous les rapports théologique, moral, naturel, physiologique, diététique et pathologique. C’est à cette condition, selon Linné, qu’on est homme ; et qu’on se distingue absolument de tous les autres êtres.

De l’homme, il passe au singe, dont il énumère seize espèces, et au Paresseux (Bradypus), qu’on ne s’attendait guère à voir placer si haut dans la série animale. Tel est le premier ordre, celui des animaux anthropomorphes. Linné en établit ensuite cinq autres, parmi les quadrupèdes : bêtes féroces, bêtes sauvages, bêtes du genre des loirs, bêtes de somme et bétail. Après la classe des quadrupèdes, vient celle des oiseaux, également divisée en six ordres, des oiseaux de proie aux passereaux. Puis, viennent les amphibies, divisés en serpents et reptiles. Les poissons, partagés en cinq ordres, forment la quatrième classe ; les insectes, partagés en sept, forment la cinquième. La dernière classe est celle des vers (Vermes), où se trouvent réunis des reptiles, des zoophytes, des testacés et des plantes-pierres (Lithophyta).

Après le règne animal, Linné classifie également les plantes, selon leurs organes de fécondation, depuis la monandrie jusqu’à la cryptogamie, en vingt-quatre classes ; et enfin le règne des pierres (lapideum regnum), où il admet trois classes : les pierres, les minéraux, et les fossiles.

On conçoit sans peine qu’un système zoologique tel que celui qu’on vient de rappeler, ait suscité de très graves objections. C’est surtout Buffon qui se chargea de les formuler, avec une vivacité qui parut quelquefois dépasser les bornes et trahir la jalousie d’un rival. D’ailleurs, les critiques de Buffon n’en étaient pas moins justes. Les six classes de Linné ne suffisaient pas pour les animaux ; il en fallait au moins le double, si l’on ne voulait pas s’exposer à des confusions, ou à des exclusions inexplicables. Les serpents ne sont pas des amphibies ; les crustacés ne sont pas des insectes, pas plus que les coquillages ne sont des vers. Tous les quadrupèdes ne sont pas mammifères. Il est bien étrange aussi de mettre, parmi les anthropomorphes, le lézard écailleux à côté du Paresseux ; la chauve-souris, la taupe et le hérisson, parmi les bêtes féroces ; le castor et le rat, parmi les loirs ; le cochon et la musaraigne, parmi les bêtes de somme ; enfin le cerf, parmi le bétail, avec le bœuf, le bélier et le chameau.

Toutes ces objections sont vraies, comme celles que Buffon élève contre le système botanique de Linné ; mais elles ne diminuent pas la gloire de Linné ; son nom n’en est pas moins un des plus illustres de la science. En effet, c’était un progrès immense qu’un système qui s’étendait aux trois règnes de la nature, avec une nomenclature aussi régulière. Elle est peut-être trop concise ; mais les traits essentiels de la définition sont si bien choisis que le laconisme n’ôte rien à la clarté. Linné a, en outre, sur la nature entière, et sur chacun des trois règnes, des principes généraux, qui le guident sûrement dans cette infinité d’êtres et de phénomènes. Il expose ces principes aussi brièvement que le reste, et avec la même autorité. Ce sont à peu près ceux d’Aristote ; et Linné se fait de l’histoire naturelle et de sa méthode une idée non moins haute. Mais il ne connaît pas suffisamment le passé, puisqu’il déclare que jusqu’à lui « la zoologie n’a guère été qu’un recueil de récits fabuleux, racontés d’un style diffus, exposés dans des descriptions aussi imparfaites que les dessins et les figures dont parfois on les accompagne ». Linné n’excepte de cette condamnation que Francis Willoughy et John Ray, qui, un demi-siècle auparavant, avaient fait, en collaboration, de très heureux essais dans diverses branches de l’histoire naturelle. Il semble que cette indulgence de Linné pouvait remonter jusqu’aux essais d’Aristote ; et il est à croire qu’il devait les estimer, s’il les avait lus, au moins autant que ceux des deux naturalistes qu’il préfère.

Buffon est tout l’opposé de Linné. Il se défie des classifications, qu’il repousse, parce qu’elles sont trop arbitraires et trop incomplètes ; il ne cherche pas davantage la régularité méthodique d’une nomenclature universelle, qu’il croit impossible. Il se plaît surtout aux descriptions : parfois, il les revêt d’un style magnifique, quand le sujet comporte cette parure et ce développement ; mais d’ordinaire sa narration est pleine de naturel et d’une constante simplicité, qu’on méconnaît quand on ne juge Buffon que sur quelques morceaux, choisis parmi les plus brillants. On le prend pour un littérateur, tandis qu’il a, sans relâche, consacré sa vie laborieuse à des observations et à des expériences, dont il expose les résultats avec un infatigable amour de la vérité, qui est sa qualité dominante. Il fait précéder l’histoire des animaux de celle du globe, sur lequel ils vivent. Il comptait embrasser aussi les trois règnes ; mais il n’a pu parcourir que quelques parties de ce trop vaste sujet. Sans adopter une classification proprement dite, il met néanmoins un certain ordre dans ses descriptions. D’abord, il traite de l’animal en général ; et après avoir étudié le problème de la génération sous toutes ses faces, il démit l’homme dans l’individu et dans l’espèce ; et après l’homme, les quadrupèdes et les oiseaux ; il n’a pas pu aller jusqu’aux poissons, ni aux insectes.

Si le but de l’histoire naturelle est de nous faire connaître et aimer la nature et spécialement les animaux, on doit convenir que la manière de Buffon, qui est aussi la manière d’Aristote, est très supérieure à celle de Linné. Après l’observation directe et personnelle des réalités, la description, qui transmet à autrui ce qu’on a vu soi-même, est, sans comparaison, ce qui peut le mieux nous instruire et nous intéresser. La nomenclature, quelque bien faite qu’elle soit, n’est destinée qu’à rappeler le souvenir de ce qu’on sait déjà ; la maigre instruction qu’elle procure serait insuffisante, de tous points, sans la notion complexe qui a dû la précéder. En ceci, Buffon a parfaitement raison contre Linné, la classification est sans doute fort utile ; mais la description l’est encore bien davantage ; et elle seule est essentielle.

Un peu plus loin, ou devra revenir sur cette question. Pour le moment, nous achevons cette histoire rapide de la zoologie par quelques mots sur Cuvier, et sur l’état actuel de la science.

On s’accorde généralement à regarder Cuvier comme le premier entre les naturalistes des temps modernes, et le plus grand depuis Aristote. Par la forme qu’il imprime à la science, il tient une sorte de milieu entre Buffon et Linné ; il écrit excellemment, sans écrire aussi bien que Buffon ; mais, s’il est moins littéraire, il est plus scientifique et plus concis. Il y a des pages de son Discours sur les Révolutions du globe, de son Règne animal, et de son Anatomie comparée, qui peuvent compter parmi les plus belles de notre langue appliquée aux matières scientifiques ; ce sont des modèles qu’on ne surpassera point, et que bien peu de savants pourront jamais égaler. Il a ouvert, à la zoologie générale une carrière toute nouvelle, et une mine inépuisable par ses travaux sur les animaux fossiles, nous révélant, dans les bouleversements alternatifs de notre globe, deux ou trois créations antérieures à celle dont nous faisons partie. Dans la zoologie proprement dite, il a été un classificateur plus profond encore que Linné ; et l’on doit reconnaître, avec M. Claus, que « sa classification est le plus grand progrès que la science ait fait depuis l’Antiquité ». Il a divisé le règne animal en types ou plans généraux, d’après l’anatomie des organes, et d’après d’autres conditions secondaires. C’est là encore la base la plus solide que la science ait jamais trouvée ; et quoique depuis un demi-siècle on ait voulu la modifier, on ne l’a point renversée. Répartissant les êtres organisés en deux divisions, les animaux et les végétaux, comme l’avait fait Aristote, il traite d’abord, ainsi que son devancier, des éléments corporels de l’animal et des combinaisons principales de ces éléments, sans oublier les fonctions matérielles et intellectuelles. Les quatre divisions du règne animal répondent à quatre formes principales : les vertébrés, les mollusques, les articulés et les rayonnés. Dans la première de ces formes, qui est celle de l’homme et des animaux qui lui ressemblent le plus, le cerveau et le tronc principal du système nerveux sont renfermés dans une enveloppe osseuse, qui se compose du crâne et des vertèbres. Dans la deuxième forme, il n’y a pas de squelette ; la peau à laquelle les muscles sont attachés, forme une enveloppe molle, ou quelquefois pierreuse ; et le système nerveux se compose de masses éparses, réunies par des filets. Dans la troisième forme, celle des articulés, insectes et vers, le système nerveux consiste en deux cordons régnant le long du ventre et renflés d’espace en espace en nœuds ou ganglions. Enfin, dans la dernière forme, qui contient tous les zoophytes, il n’y a plus, comme dans les êtres précédents, un axe sur lequel sont disposés des deux côtés les organes du mouvement et de la sensibilité ; ils sont simplement placés comme des rayons autour d’un centre ; l’on n’y aperçoit que des vestiges de système nerveux, de circulation et d’appareil respiratoire, presque toujours répandu à la surface du corps entier.

Après ces généralités, Cuvier distribue les vertébrés en quatre classes, selon leurs mouvements et la quantité de respiration : mammifères, oiseaux, reptiles et poissons ; la première étant vivipare, et les trois autres étant ovipares. Puis, il subdivise ces classes en ordre, neuf pour les mammifères, six pour les oiseaux, quatre pour les reptiles, et huit pour les poissons. Il établit des divisions et subdivisions analogues pour les mollusques, les articulés et les rayonnés. Mais outre ce qu’il a dit des poissons dans son Règne animal, il leur a consacré un ouvrage spécial, qui est de beaucoup le plus complet de tous sur cette partie de l’histoire naturelle, de même qu’il a enrichi la science d’une foule de mémoires, où sa puissante intelligence porte la lumière sur tous les sujets qu’elle touche. On a souvent rapproché Cuvier d’Aristote ; la comparaison est parfaitement juste, si on la limite à l’étude des animaux ; et par la courte analyse qu’un vient de voir, on peut se convaincre qu’à deux mille ans de distance et plus, ces deux génies s’entendent, et que le second poursuit et étend l’œuvre du premier, guidé à son tour par l’observation attentive des choses et par les traditions du passé.

Depuis Cuvier jusqu’à nos jours, on a essayé une multitude de classifications nouvelles. On en pourrait énumérer quinze ou seize au moins, si l’on s’en rapporte à la liste dressée par M. Agassiz, et répétée par M. Claus. Il y a même à augurer que l’imagination scientifique ne s’arrêtera pas dans cette production incessante de systèmes, qui ne sont pas tous très heureusement conçus, mais qui exigent toujours des connaissances étendues et des labeurs très considérables. Cette ardeur prouve deux choses : d’abord que cette entreprise est une des plus difficiles de la science ; et en second lieu, que, jusqu’à cette heure, aucun système n’a été ni assez clair ni assez justifié pour s’imposer souverainement, et se substituer aux systèmes antérieurs, avec quelque chance de durer plus qu’eux.

Dans l’état présent de la zoologie, à la fin du XIXe siècle, la science n’a donc pas encore adopté de classification définitive. Ce desideratum ne sera peut-être jamais comblé ; nous essayerons de dire pourquoi, en traitant un peu plus loin de la méthode zoologique, et des conditions auxquelles il est possible de classer toutes les espèces d’êtres, que la nature recèle dans son sein en nombre illimité.

Mais avant d’agiter ces nouvelles questions, arrêtons-nous un instant, et voyons bien où nous en sommes arrivés. Avant Aristote, la philosophie grecque, malgré sa merveilleuse activité et sa curiosité très ingénieuse, n’a pu rien fonder de scientifique en zoologie ; après Aristote, l’esprit humain étant trop débile pour le suivre, c’est au dernier siècle seulement que la science enfantée par lui a pu renaître et grandir. De ces deux faits incontestables, nous pouvons tirer une conséquence importante ; c’est qu’Aristote doit être traité par nous comme un contemporain, et que ce zoologiste, vieux de deux mille deux cents ans, est pour nous aussi jeune que s’il était d’hier. C’est le privilège d’un génie incomparable ; et l’on ne peut que répéter ce que disait Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire en termes heureux : « Aristote est encore un auteur progressif et nouveau. » Aussi, de même que tout à l’heure nous interrogions ses successeurs et ses émules, Linné, Buffon, Cuvier, nous pouvons l’interroger, avec un profit au moins égal, sur son style, sur sa méthode, et sur les grandes vues que lui dicte la nature.

Le style d’Aristote est peut-être le meilleur modèle qu’un savant puisse se proposer ; c’est une leçon de goût que la zoologie recevrait de la Grèce, à qui nous en devons tant d’autres. Simple, clair, grave, toujours sobre, toujours facile et naturel, il n’a ni la sécheresse, ni la surabondance de quelques autres écrivains scientifiques.

Buffon remarquait que, dans Aristote, il n’y a pas un mot inutile. On doit ajouter que le mot propre ne lui manque jamais ; et cette qualité, qu’on peut acquérir par l’étude ou tenir de la nature, contribue beaucoup à la concision et à la netteté du style ; l’expression juste n’a pas besoin d’être redoublée ; la prolixité n’est qu’un signe de faiblesse et une cause d’obscurité. La synonymie, si difficile à établir, peut être un obstacle à bien comprendre Aristote ; mais cette difficulté de fait ne vient pas de lui ; elle tient nécessairement à la différence des langues, des climats et des temps. L’art du style, pris dans sa généralité, ne consiste pas uniquement dans le choix et l’arrangement des mots ; il consiste plus encore dans la disposition des pensées et des matières. Sauf quelques rares passages, dont le désordre remonte à la destinée bien connue des manuscrits d’Aristote, l’Histoire des Animaux, le Traité des Parties, et le Traité de la Génération, sont irréprochables. Sans doute, ce n’est pas tout à fait notre style moderne ; mais la sculpture de Phidias n’est pas non plus notre sculpture ; et cependant, nos artistes s’en inspirent, sans rien abdiquer de leur indépendance et de leur originalité. Le style d’Aristote peut nous rendre le même service, puisqu’il a aussi la double empreinte, et du génie de l’auteur, et du génie de la race. Il n’est pas non plus de zoologiste qui ait su rendre l’histoire naturelle plus attachante ; et les pages qui ont été citées plus haut nous livrent le secret à la fois de celui qui les a écrites, et de l’intérêt qu’il excite dans ses lecteurs, par l’intérêt qu’il ressent lui-même. C’est parce qu’il aime la nature qu’il la fait aimer en la décrivant.

La question de la méthode, comme on l’a déjà dit, n’est pas une question de zoologie ; c’est une question générale, c’est-à-dire philosophique. Mais dans l’histoire naturelle, où le nombre des espèces d’êtres à observer n’a pas de limites, la méthode, qui trace la route pour établir entre eux un certain ordre relatif, est plus importante que dans toute autre science. C’est en outre la méthode, qui, en zoologie, détermine la classification. Aussi, n’est-il pas un naturaliste qui n’ait exposé, avec plus ou moins de développement, les principes d’après lesquels il entendait se diriger. Aristote y est revenu à plusieurs reprises, et l’on a déjà vu, du moins, en partie, quelle est sa doctrine systématique. Linné a la sienne, en dépit de son laconisme ; Buffon a fait de la méthode une étude explicite ; Cuvier non plus ne s’en est pas abstenu, bien que la pente de son esprit ne le portât guère à ces considérations, trop éloignées de ses travaux habituels. Tous ont éprouvé ce besoin, et l’ont satisfait chacun à sa manière.

Selon Aristote, la règle suprême de la méthode, c’est d’observer les faits, dans toute leur étendue et dans leur simplicité, tels qu’ils s’offrent à notre sensation. On ne doit vouloir les expliquer qu’après cette analyse essentielle et préliminaire. La science est tenue de constater d’abord la réalité ; et ce n’est qu’ensuite qu’elle peut se demander pourquoi et en vue de quelle fin les choses sont telles qu’elles sont. Vingt fois, Aristote est revenu avec insistance sur ce principe indispensable ; il l’a perpétuellement opposé aux théories prématurées et téméraires des philosophes, ses devanciers, qui se sont presque toujours perdus en se flattant vainement de pouvoir remonter à l’origine des choses. Au lieu de faire des tentatives inutiles pour savoir ce qui a été, ils auraient dû s’enquérir de ce qui est actuellement. Aristote ne s’est pas tenu à ce conseil déjà fort sage, et sur lequel il n’a jamais hésité ; il a de plus, donné l’exemple ; et tous ses ouvrages zoologiques sont des monuments d’observation. Il est aisé de s’en assurer, en les lisant. Quant à nous, si nous tenons à réitérer cette apologie d’Aristote et de l’Antiquité, c’est que la prévention contraire est aussi tenace qu’erronée ; et qu’il est passé en une sorte d’axiome que les Modernes seuls ont pratique la méthode d’observation, révélée à l’esprit humain par Bacon et son école.

Après cette première règle, qui est universelle, Aristote donne les règles qui sont spéciales à la zoologie. Par où doit-elle commencer l’étude des animaux ? Quel est l’animal qu’elle doit d’abord étudier et décrire ? Aristote répond : L’histoire des animaux doit débuter par l’homme. Il allègue de cette préférence deux raisons péremptoires, sur lesquelles aucune autre ne saurait l’emporter. De tous les animaux, c’est l’homme qui nous est le mieux connu, puisque nous sommes hommes nous-mêmes. D’autre part, comme l’organisation humaine se retrouve en grande partie dans une foule d’animaux, voisins quoique différents, Geoffroy Saint-Hilaire l’homme c’est connaître ces animaux par analogie ; l’étude qui lui est consacrée s’étend beaucoup plus loin que lui, et elle nous facilite l’étude de toutes les organisations qui se rapprochent de la sienne.

Cette règle fondamentale de la science zoologique a été adoptée, depuis Aristote, par tous les grands naturalistes, Linné, Buffon, Cuvier, imités par une foule d’autres. Dans ces derniers temps, on a cru devoir renverser cette méthode et commencer la zoologie par la Cellule. C’est là une conception que la raison ne saurait approuver, et qui choque tous les principes de la logique. Bien des savants s’en sont engoués aujourd’hui ; mais cette mode, on peut l’espérer, ne durera pas plus que les modes ne durent ordinairement, dans les systèmes de la science, aussi bien que dans les coutumes des nations.

Le côté faible de la zoologie aristotélique, c’est la classification. L’auteur ne l’a jamais exposée d’une manière systématique ; et il serait assez hasardeux de chercher à l’extraire des ouvrages où elle est dispersée. Cependant, Aristote n’a pas confondu toutes les espèces dans un désordre commun ; entre elles, il a indiqué positivement des classes, bien que ces classes soient trop peu nombreuses et trop peu distinctes. Les principales, que nous avons déjà signalées, sont celles des animaux qui ont du sang et des animaux qui n’en ont pas ; celles des vivipares, des ovipares et des vermipares ; celles des quadrupèdes, des oiseaux, des reptiles, des cétacés, des poissons, des insectes ; celle enfin des mollusques, des crustacés, des testacés et des zoophytes. Ce n’est pas là, on doit l’avouer, une classification dans le sens rigoureux de ce mot ; mais si l’on songe aux difficultés que présente la classification, même pour la science de notre temps, on sera porté à l’indulgence ; et l’on excusera dans Aristote un défaut que compensent tant d’autres mérites. Un arrangement régulier de tous les êtres animés était impossible à l’époque où il écrivait, quel que fût son génie ; il y fallait une multiplicité d’observations de détail que le temps seul pouvait accumuler ; et aujourd’hui même, les matériaux ne sont pas encore suffisants. Mais quelque incomplète que soit la classification d’Aristote, elle doit toujours figurer dans l’histoire de la science, parce qu’elle est la première en date, et qu’elle renferme les principaux éléments de toutes celles qui ont suivi. Elle vient immédiatement avant les classifications de Linné et de Cuvier, comme l’ont très bien vu les historiens de la zoologie.

De tous les naturalistes, c’est Buffon qui s’est le plus occupé de la méthode ; il a placé, en tête de ses œuvres, un long « Discours sur la manière d’étudier et de traiter l’histoire naturelle ». Les principes par lesquels il entend se diriger dans ses trois études, « la Théorie de la terre, la formation des Planètes, et la Génération des animaux », sont à peu près identiques aux principes d’Aristote. Ainsi que le philosophe grec, Buffon recommande avant tout l’observation des faits ; il faut les recueillir dans le plus grand nombre possible, les considérer d’abord en eux-mêmes et isolément, puis dans leurs rapports ; bien définir les êtres et les bien décrire ; les grouper selon leurs affinités réelles et selon leurs différences, sans parti pris et sans idées préconçues ; et enfin, les ordonner, d’après toutes ces conditions, en espèces, en genres, en classes, de plus en plus compréhensives. D’ailleurs, Buffon ne croit pas qu’une classification, quelque générale qu’elle soit, puisse embrasser à jamais tous les êtres ; et prenant pour exemple celle de Linné, en botanique et en zoologie, il s’efforce d’en démontrer l’insuffisance et les erreurs. La nature est tellement diverse, elle procède par des nuances tellement insensibles, que l’homme ne saurait, ni les comprendre, ni même les observer toutes, malgré l’attention qu’il y apporte. Cependant, Buffon ne désapprouve pas les labeurs auxquels se sont livrés les savants, et il ne nie pas entièrement l’utilité des méthodes ; elles peuvent servir à faciliter l’étude et à aider la mémoire ; mais elles ne peuvent avoir la prétention de représenter toute la nature dans ses formes innombrables ; et comme le tableau qu’on en essaierait serait toujours fort incomplet, il vaut mieux s’abstenir d’un effort qui doit échotier.

Aussi, Buffon se garde de faire une classification systématique ; et se rapprochant des Anciens plus que des Modernes, il se contente de ranger les animaux d’après le degré d’utilité que nous en tirons, et le degré de facilité que nous avons à les connaître. C’est conformément à cette règle qu’après l’homme il étudie, en premier lieu, les animaux domestiques, vivant avec nous et nous servant de tant de manières ; puis, les animaux sauvages, qui nous sont encore assez familiers ; et enfin, les animaux féroces, que nous devons combattre et détruire pour notre propre salut. Buffon ne veut pas aller au delà ; il n’admet pas la prétendue échelle des êtres, et il voit un grand inconvénient à vouloir soumettre à des lois arbitraires les lois de la nature, à la diviser dans des points où elle est indivisible, et à mesurer ses forces sur notre faible imagination. L’ordre factice que nous imposons aux faits particuliers est relatif à notre propre nature, plutôt qu’il ne convient à la réalité des choses. Buffon a raison quand il veut éviter « cette multiplicité de noms et de représentations qui rend la langue de la science plus difficile que la science elle-même »; mais il a tort quand il soutient qu’il n’y a dans la nature que des individus, et que les genres, les ordres, les classes n’ont d’existence que dans notre esprit. En ceci, Buffon est nominaliste, probablement sans y songer.

Cuvier n’a pas pour les classifications le dédain de Buffon ; mais il est opposé, au moins autant que lui, à la prétention de classer les êtres de manière à en former une seule ligne, ou à marquer leur supériorité réciproque. Il regarde toute tentative de ce genre comme inexécutable ; il ne voit dans les divisions et subdivisions de la science que l’expression graduée de la ressemblance des êtres ; et, à son avis, ce qu’on appelle l’Échelle des êtres n’est qu’une application erronée d’observations partielles à la totalité de la création. Cette application a nui extrêmement aux progrès de l’histoire naturelle. Cuvier s’élève aussi énergiquement contre cet autre abus des nomenclatures, qui varient sans cesse, et qui menacent de ramener dans l’histoire naturelle le chaos qui y régnait antérieurement, les naturalistes français et étrangers négligeant le soin de s’entendre, et chacun d’eux multipliant et changeant, sans la moindre nécessité, les noms des genres et des espèces, chaque fois qu’ils ont l’occasion d’en parler.

Sur ces points essentiels, Cuvier n’a jamais varié ; et les discussions très vives que ces questions ont fait naître, vers la fin de sa vie, ne l’ont jamais ébranlé. C’est en conformité de ces vues qu’il a établi ses divisions successives dans le règne animal tout entier. Comme Aristote, il fait de l’histoire naturelle une science qui s’appuie avant tout sur l’observation ; le calcul et l’expérience, qui sont les instruments des mathématiques et de la chimie, ne sont presque point à son usage. « Le calcul, dit-il, commande, en quelque sorte, à la nature ; l’expérience la contraint à se dévoiler ; l’observation l’épie, quand elle est rebelle et cherche à la surprendre. »

Mais si l’histoire naturelle ne peut faire usage, ni de l’expérience, ni du calcul, Cuvier lui rappelle qu’elle possède un principe qui lui est particulier, qui est tout rationnel, et qu’elle applique avec avantage dans beaucoup de cas. C’est le principe des conditions d’existence, vulgairement nommé : le principe des Causes finales. Cuvier ne craint pas d’employer ce mot, fort décrié ; et au scandale sans doute de plus d’un naturaliste, il réhabilite ce principe supérieur, qu’Aristote avait proclamé sous une autre forme, en affirmant que la nature ne fait jamais rien en vain, axiome que Leibnitz a pris pour base de sa théodicée et de son optimisme. Comme rien ne peut exister s’il ne réunit les conditions qui rendent son existence possible, les différentes parties de chaque être, ajoute Cuvier, doivent être coordonnées de manière à rendre possible l’être total, non seulement en lui-même, mais dans ses rapports avec les êtres qui l’entourent ; et l’analyse de ces conditions conduit souvent à des lois générales, tout aussi démontrées que celles qui naissent du calcul et de l’expérience.

Outre ce principe des conditions d’existence ou des causes finales, l’histoire naturelle en possède un second, qui ne lui est guère moins utile, et qui l’aide puissamment dans ses classifications : c’est le principe de la subordination des caractères, dérivé de celui des conditions d’existence. Dans l’immense catalogue de la zoologie, il faut que tous les êtres portent des noms convenus ; il faut qu’on puisse les reconnaître par des caractères distinctifs, tirés de leur conformation. Les caractères qui exercent sur l’ensemble de l’être l’action la plus marquée, sont les caractères les plus importants, ou, comme Cuvier les appelle, « les caractères dominateurs »; les autres sont subordonnés à ceux-là, et sont de divers degrés. Les caractères importants se montrent à ce signe qu’ils sont les plus constants, et les derniers qui varient dans chaque espèce. C’est leur influence et leur constance qui doivent les faire préférer pour délimiter les grandes divisions de même que, pour distinguer les subdivisions inférieures, on descend aux caractères subordonnés et variables.

C’est à l’aide de ces deux principes essentiels que Cuvier espère fonder la méthode naturelle, qui est l’idéal de la science, bien qu’elle en soit peut-être la pierre philosophale. Par la méthode naturelle, il entend un arrangement dans lequel les êtres d’un même genre seraient plus voisins entre eux que de ceux de tous les autres genres ; et cette règle s’appliquent également, après les genres, aux ordres, aux classes, et ainsi de suite. Ce serait là l’expression exacte et complète de la nature entière, où chaque être serait déterminé par ses ressemblances et ses différences avec d’autres êtres ; et tous ces rapports seraient parfaitement rendus dans l’arrangement que Cuvier entrevoit, et qu’il s’est efforcé de réaliser, mais sans se flatter d’y réussir plus que tant d’autres. Comme exemple de cette méthode naturelle, et comme premier pas dans cette voie, il cite la répartition générale des êtres en deux divisions : les êtres vivants et les êtres bruts ; ou, comme on dit à cette heure, les êtres organiques et les êtres inorganiques. C’est là le plus ample de tous les principes de classification, parce que la vie est la plus importante de toutes les propriétés des êtres. Dans tous les temps, les hommes ont reconnu cette division frappante ; la science la recevait de la spontanéité du sens commun, dès l’époque d’Aristote et de Pline.

Depuis un demi-siècle que Cuvier est mort, la zoologie n’a pas produit de système qui rallie tous les suffrages et qui fasse loi. Mais au milieu des innombrables observations de détail, et des monographies que chaque jour amène, et qui s’amoncèlent sans fin et sans ordre, une tendance se manifeste ; c’est de changer le point de départ de la science entière, et au lieu de la faire commencer par l’homme, avec Aristote, Pline, Linné, Buffon et Cuvier, on la fait, au contraire, aboutir en dernier lieu à cet être, le plus parfait de tous. On étudie d’abord les êtres les plus élémentaires, pour monter graduellement jusqu’à lui. On débute par les Protozoaires pour finir par les Primates, parmi lesquels on range l’homme, à la tête des singes. Comme l’organisation des Protozoaires ou Protistes, à l’extrême limite, est ce qu’il y a de moins complexe dans la vie animale, et que cette organisation consiste en une matière informe et purement contractile, on a cru y trouver, avec le degré le plus infime de l’animalité, le premier degré de la classification ; et c’est sur cette base étroite et obscure qu’on a essayé d’asseoir tout l’édifice.

Ce renversement radical de la méthode a eu deux conséquences excessivement graves : la première, de confondre deux règnes, qui semblaient devoir être à jamais distincts, l’animal et la plante ; et la seconde, de donner, de ce grand problème de la vie, une explication fausse et dangereuse.

Entre les corps vivants et les corps inanimés, on admet des différences essentielles, qui se rapportent à leur origine, à leur mode de conservation et à leur structure. Dans l’état présent des choses, l’être vivant vient toujours d’êtres semblables à lui ; la vie vient toujours de la vie ; ou, comme s’exprime Aristote : « L’homme engendre l’homme. » En second lieu, il y a, dans l’être vivant, un perpétuel échange de matériaux, empruntés au dehors et expulsés du dedans, après avoir servi à la croissance et à la conservation de l’être, jusqu’au moment où il meurt. Enfin, l’être vivant se distingue de l’être inanimé par la manière dont ses diverses parties sont unies entre elles, c’est-à-dire par son organisation. Au contraire, pour ce qui regarde la plante et l’animal, on ne voit plus de différence des animaux inférieurs aux plantes rudimentaires. Ni la forme générale, ni les types, ni le mode de reproduction, ni l’échange moléculaire, ni le mouvement et la sensibilité, ne sont des critériums assez sûrs pour établir une démarcation bien tranchée entre les deux règnes. Sur cette pente, la botanique et la zoologie en arrivent à n’être plus qu’une seule et unique science ; la vie, qui réside dans l’objet de l’une et de l’autre, suffit pour les unifier ; et les anciens règnes de la nature sont réduits de trois à deux.

On peut douter que la simplification portée à cet excès soit fort utile à la science ; elle choque le bon sens, en même temps que toutes les opinions qui sont reçues, depuis que l’homme a pu jeter un regard sur la nature et sur les êtres qui la composent autour de lui.

On est allé encore plus avant ; et le végétal ayant tout aussi bien que l’animal des organes et des tissus, qui, d’élimination en élimination, ont pour substance dernière une Cellule, c’est la Cellule qui est prise indistinctement pour la première forme des animaux et des plantes, et pour l’organisme le plus simple dans l’un et l’autre règne, ou plutôt dans un règne unique, formé des deux. C’est elle qui renferme la vie à son état embryonnaire et universel. La Cellule a les facultés de se nourrir et d’excréter ; elle croît et se meut ; elle se modifie et se multiplie. On proclame donc que « la Cellule est la forme organisée particulière à la vie, et que la vie est dans l’activité propre de la Cellule ». La seule distinction que l’on mette entre les Cellules végétales et les Cellules animales, c’est que le contenu des unes est appelé le Protoplasma ; et le contenu des autres, le Sarcode. Protoplasma, Sarcode, ce ne sont là que des mots. Au fond, on identifie le végétal et l’animal, dans ce début insondable de la vie. Bien plus, on déclare « pleinement justifiée l’hypothèse d’après laquelle les êtres les plus simples se seraient formés, à une certaine époque, au sein de la matière inorganique ; et l’on conclut hardiment que les éléments chimiques de la matière sont les mêmes que ceux qui entrent dans la composition des organismes ». Peut-être ne s’aperçoit-on pas que c’est revenir, par cette voie détournée, à la génération spontanée, qui a été une des erreurs de l’Antiquité grecque et d’Aristote, et qu’on croyait à jamais condamnée par de récentes expériences, absolument décisives. Tout ce que les partisans de la Cellule nous concèdent, c’est que, dans l’ignorance où nous sommes des forces physiques, qui ont concouru à la formation de ces premiers êtres si simples, on ne peut affirmer qu’il y ait une conformité fondamentale, quant à l’origine et au mode d’accroissement, entre le cristal et la Monère. Dans ce langage nouveau et assez bizarre, on appelle du nom de Monères des corps homogènes qui, sous les grossissements les plus forts, paraissent dépourvues de toute structure, et n’en sont pas moins des organismes animés, si l’on en juge d’après leurs manifestations vitales.

Cette théorie, tendant à faire naître la vie d’éléments chimiques et physiques, qui cependant ne contiennent pas la vie, n’est peut-être pas aussi originale qu’on le croit ; elle ne fait que nous reporter à ces temps où la philosophie grecque essayait ses pas chancelants, avant qu’Anaxagore ne vînt faire briller dans ces épaisses ténèbres, le rayon de l’Intelligence, qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait aperçu. Le système de la Cellule retourne ainsi à deux ou trois mille ans en arrière. Quoiqu’on puisse le louer de s’appuyer, de nos jours, sur de très profondes investigations, que l’antique sagesse n’a pas connues, le résultat définitif n’en vaut pas mieux. Bannir l’intelligence de cet univers, pour lui substituer l’action de la matière, c’est invoquer encore une fois le Chaos, qu’il faudrait laisser aux poètes et ne pas imposer à la science. D’ailleurs, ces questions appartiennent moins à la zoologie qu’à la métaphysique ; car l’origine de la vie touche de bien près à l’origine des choses. Sans doute, il doit être permis à la zoologie, comme à toutes les autres sciences, de sortir de son domaine ; mais il est bon qu’elle sache qu’elle en sort, quand elle empiète sur un domaine voisin, qui est celui de la philosophie première.

On pensera peut-être qu’il ne convient pas d’attacher tant d’importance à cette question d’ordre, et qu’il est assez indifférent de commencer par la Cellule, en finissant par les Primates, ou de commencer par l’homme, en finissant par les Protozoaires. Mais il y a ici une considération capitale que la raison ne peut à aucun prix écarter. Si l’on exile l’intelligence de l’origine des choses, si la vie avec tous ses développements matériels et moraux naît simplement de l’action des forces chimiques, comment peut-on s’imaginer qu’on retrouvera plus tard l’intelligence dans l’homme, à qui l’on ne saurait pourtant la refuser ? Comment de la Monère arriver, par une suite non interrompue de transformations, par l’Évolutionnisme, aux chefs-d’œuvre de l’esprit humain, et aux qualités morales qui sont la grandeur et l’apanage exclusif de notre espèce ? Il est vrai qu’on a toujours la ressource de confondre l’intelligence avec l’instinct, qui est encore de l’intelligence à un moindre degré. Mais cet expédient même ne sert de rien ; car l’instinct, tout inférieur qu’il est, ne s’explique pas plus que l’intelligence à son degré le plus sublime ; l’instinct ne sort pas plus qu’elle de la Monère et de la Cellule ; ou, s’il en sort par voie de transmutations successives, le germe qui recèle de si merveilleux développements, et les mystères d’une évolution si productive, n’est pas moins surprenant, ni moins admirable, que l’être supérieur qui en est le terme le plus accompli. La Cellule, douée de ces inconcevables puissances, est encore plus incompréhensible que le Créateur, dont on voudrait se passer ; et la théorie de la création a cet avantage éminent que, plaçant l’intelligence à l’origine, on n’a plus aucune peine à en retrouver les traces dans la nature, et à l’y constater comme le veut Aristote, et comme la raison le veut avec lui ; car l’effet ne peut avoir ce que la cause n’a pas.

Tout bien considéré, tenons-nous-en à l’exemple d’Aristote, et suivons-le, ainsi que l’ont fait les plus grands naturalistes, en l’imitant ; avec eux tous, laissons l’homme au sommet de la vie animale. Nous avons, pour justifier cette préférence, de bien fortes raisons. D’abord, celle que nous en donne le philosophe grec : l’homme est de tous les animaux celui qui nous est le mieux connu. Partir de ce qu’on connaît pour comprendre ce qu’on ne connaît pas, est une méthode infaillible, lumineuse, tandis que la méthode inverse s’adresse à la nuit, en abandonnant la lumière ; « Obscurum per obscurius. » Nous serons toujours très loin de savoir sur l’homme tout ce que nous voudrions. Mais sur l’animal, dans lequel nous ne sommes pas, tandis que nous sommes en nous, que sait-on ? Sans les données intelligibles que nous transportons toujours de nous à l’animal, et que nous lui prêtons en l’étudiant, que saurions-nous de lui ?

La question de la prééminence de l’homme n’est pas neuve ; elle a été agitée jadis, sous une forme un peu différente, par la philosophie grecque. Ce n’est pas même Aristote qui l’a soulevée, non plus que son maître Platon ; c’est Anaxagore, et peut-être d’autres philosophes encore plus anciens. C’est certainement Socrate aussi, comme nous l’apprend Xénophon, son élève, quand il nous rapporte l’entretien avec Aristodème, où le sage a fait, de l’organisation de l’homme et de sa supériorité, un tableau exact et sublime. (Mémoires sur Socrate, livre I, ch. IV.) Aristote, après Anaxagore, après Socrate, reconnaît l’homme pour le plus parfait des animaux ; et c’est par l’homme qu’il compte expliquer tous les autres êtres qui sont organisés sur son modèle ; mais Aristote apprenait de la philosophie antérieure que l’homme est le seul être doué de raison ; et c’était là un second et puissant motif pour considérer l’humanité comme le type auquel il faut ramener tout le reste. Dans le Traité des Parties des Animaux, dont on a déjà lu plus haut une page bien belle, il s’en trouve une autre qui ne l’est pas moins, à propos d’une opinion d’Anaxagore, soutenant que l’homme doit à ses mains la supériorité incontestable dont il jouit. C’est une thèse qu’a renouvelée Helvétius, dans notre XVIIIe siècle, sans se douter qu’elle fût aussi vieille. Mais Aristote y avait répondu, avec une finesse et une solidité qui auraient dû empêcher qu’on ne la reprît jamais.

« L’homme, a reçu de la nature des bras et des mains, en place des membres antérieurs et des pieds de devant, qu’elle donne à certains animaux. Entre tous les êtres, l’homme est le seul qui ait une station droite, parce que sa nature et son essence sont divines. Le privilège du plus divin des êtres, c’est de penser et de réfléchir. Mais ce n’eût pas été chose facile que de penser, si la partie supérieure du corps avait été trop lourde et trop considérable. Le poids rend le mouvement bien difficile pour l’esprit, et pour l’action générale des sens. Quand la pesanteur et le matériel viennent à l’emporter, il est inévitable que le corps s’abaisse vers la terre ; et voilà comment la nature a donné aux quadrupèdes leurs pieds de devant, au lieu de bras et de mains, pour qu’ils puissent se soutenir. Anaxagore prétend que l’homme est le plus intelligent des êtres, parce qu’il a des mains ; mais la raison nous dit, au contraire, que l’homme n’a des mains que parce qu’il est si intelligent. Les mains sont un instrument ; et la nature, comme le ferait un homme sage, attribue toujours les choses à qui peut s’en servir. N’est-il pas convenable de donner une flûte à qui sait jouer de cet instrument, plutôt que d’imposer, à celui qui a un instrument de ce genre, d’apprendre à en jouer ? La nature a accordé le plus petit au plus grand et au plus puissant, et non point du tout le plus grand et le plus précieux au plus petit. Si donc cette disposition des choses est meilleure, et si la nature vise toujours à réaliser ce qui est le mieux possible, dans les conditions données, il faut en conclure que ce n’est pas parce que l’homme a des mains qu’il a une intelligence supérieure ; mais que c’est, au contraire, parce qu’il est éminemment intelligent qu’il a des mains. C’est en effet le plus intelligent des êtres qui pouvait se bien servir du plus grand nombre d’instruments. Or, la main n’est pas un instrument unique ; c’est plusieurs instruments à la fois ; elle est, on peut dire, l’instrument qui remplace tous les instruments. C’est donc à l’être qui était susceptible de pratiquer le plus grand nombre d’arts et d’industries que la nature a concédé la main, qui, de tous les instruments, est applicable au plus grand nombre d’emplois. On a bien tort de croire que l’homme est mal partagé, et qu’il est au-dessous des animaux, parce que, dit-on, il n’est pas chaussé aussi bien qu’eux, parce qu’il est nu, et parce qu’il est sans armes pour sa défense. Mais tous les animaux, autres que l’homme, n’ont jamais qu’une seule et unique ressource pour se défendre ; il ne leur est pas permis d’en changer pour en prendre une autre ; et il faut nécessairement que, de même que toujours l’animal dort tout chaussé, il fasse aussi le reste dans les mêmes conditions ; il ne peut jamais changer le mode de protection donné à son corps, ni l’arme qu’il peut avoir, quelle qu’elle soit. Au contraire, l’homme a pour lui une foule de ressources et de défenses ; il peut toujours en changer à son gré, et avoir à sa disposition l’arme qu’il veut, et toutes les fois qu’il la veut. » (Traité des Parties des Animaux, livre IV, ch. X, édit. du docteur de Frantzius, p. 222 ; édit. de Langkavel, p. 122.)

Ainsi, bien longtemps avant les beaux vers du poète, célébrant, au temps d’Auguste, le visage humain, bien avant les nobles inspirations de Cicéron et de Pline sur la grandeur et l’infirmité de l’homme, la philosophie grecque avait presque tout dit. Aristote, inspiré par Socrate, ne se trompait pas en mettant l’homme au frontispice de son histoire naturelle ; et la science contemporaine ferait sagement de nous attribuer sans contestation cette place, qui nous est due à tant de titres.

Une autre conséquence non moins fâcheuse de ce bouleversement des méthodes, c’est la confusion générale de tous les êtres par l’effacement et la destruction des espèces.

Un zoologiste français, Lamarck, avait insisté, plus que personne avant lui (1809), sur les variations que les diverses espèces d’animaux subissent sous l’action continue des circonstances où ils sont placés. Non moins aventureux dans sa philosophie zoologique que dans sa chimie, Lamarck avait exagéré la variabilité de l’espèce jusqu’à cette hypothèse de faire sortir d’une même et seule origine tous les êtres vivants ; les modifications, amenées par la suite indéfinie des temps, se fixaient et se transmettaient par l’hérédité, sans qu’il y eût de terme assignable à la transformation et au perfectionnement. Ces vues audacieuses avaient été évidemment suscitées par les découvertes récentes de la paléontologie. Aussi, Cuvier fut-il le premier à les combattre ; il ne les discuta pas expressément, parce qu’il ne les croyait pas dignes d’une réfutation scientifique. Mais ces idées, indiquées plutôt qu’élucidées par l’auteur, ne devaient pas périr de si tôt ; favorisées par le système de Geoffroy Saint-Hilaire sur l’unité de composition, également repoussé par Cuvier, elles vécurent assez obscurément dans le monde savant, jusqu’à ce que, reprises et élargies par M. Darwin, elles y reparurent avec éclat et y excitèrent un mouvement qui dure encore, et qui n’est pas près de cesser. Entre Lamarck et Darwin, il y a cette différence très notable que le premier admet résolument la génération spontanée (Archigonie), et que le second, dont le cœur était fort religieux, croit à l’action primordiale d’un Créateur, qui a communiqué la vie à la matière, impuissante à la produire par ses seules forces. Sauf ce dissentiment fondamental, le Darwinisme, nommé aussi le Transformisme, n’est que la doctrine de Lamarck, corroborée d’une masse énorme d’observations, qui peuvent nous intéresser bien plutôt que nous convaincre. Supposer que tous les êtres organisés, animaux et végétaux, quelque diversifiées que leurs formes nous paraissent aujourd’hui, viennent d’un premier germe, Sarcode et Protoplasma, c’est une sorte de rêverie qui nous reporte aux théories puériles d’Empédocle, victorieusement combattues par Aristote et chantées par Lucrèce, ou à cette fantaisie non moins étrange de l’Œuf du monde, imaginé par les Brahmanes. Quelle opinion le zoologiste grec aurait-il eue du Transformisme, on peut se le figurer d’après ses ouvrages, et aussi d’après la condamnation sévère qu’a prononcée Cuvier.

Il faut se dire, d’ailleurs, que le Transformisme est un problème de cosmogonie, et non de zoologie ; la preuve, c’est qu’il s’appuie surtout, comme le remarque Littré, sur l’embryogénie et sur la paléontologie. Quelque idée qu’on se forme de l’origine des choses, la zoologie n’a pas à se prononcer sur ces obscurités impénétrables, qui se perdent dans la nuit des siècles écoulés ; elle doit se borner au spectacle actuel que nous offre la nature, assez varié et assez clair pour satisfaire notre curiosité et notre science. Sous peine de ruiner la zoologie de fond en comble, et de ne pouvoir se faire comprendre, le Transformisme, tout en partant de la Cellule ou du Blastème, n’en doit pas moins conserver les types, les classes, les sous-classes, les ordres, les genres, les espèces, etc., comme le fait la zoologie la plus vulgaire. Seulement, il multiplie les types, puisqu’il en fait huit, au lieu des quatre de Cuvier ; il multiplie les classes, puisqu’il en fait cinq pour les seuls vertébrés ; et les ordres, puisqu’il en fait quatorze, rien que pour les Mammifères.

Le seul avantage du Transformisme, si c’en est un, c’est de tenter de refaire l’échelle des êtres un peu plus régulièrement qu’on n’avait pu l’établir jusqu’ici. Des Protozoaires aux Protistes et à l’homme, toute l’animalité semble se tenir par une série sans lacunes, à laquelle on compte sans doute rattacher plus tard et la botanique et la minéralogie, si, pour le moment, on doit s’en tenir provisoirement aux êtres animés. La question de l’échelle des êtres n’est pas plus récente que celle de la prééminence de l’homme ; elle aussi remonte tout au moins jusqu’à Aristote, qui, sans en faire l’objet d’une théorie spéciale, l’a bien des fois laissé entrevoir. C’est qu’elle se présente infailliblement à la raison même, quand la raison ne porte que des regards superficiels sur les êtres animés ; entre eux, il y a des affinités, des analogies, des ressemblances, qui frappent tout d’abord ; et après quelques rapides observations, on est obligé d’introduire un certain ordre entre tous ces êtres, non pas seulement pour les discerner, mais parce que les uns semblent, de toute évidence, subordonnés à d’autres, plus parfaits qu’eux. De l’homme, on descend nécessairement aux quadrupèdes ; des quadrupèdes, aux oiseaux ; des oiseaux, aux reptiles, aux poissons, aux insectes. C’est cette première vue de l’esprit humain, sur les réalités qu’exprime Aristote, quand il dit par exemple :

« La nature passe des êtres sans vie aux êtres animés par des nuances tellement insensibles que la continuité nous cache la limite commune des uns et des autres, et qu’on est embarrassé de savoir auquel des deux extrêmes on doit rapporter l’intermédiaire. Ainsi, après la classe des êtres animés, vient d’abord celle des plantes.

« Déjà, si l’on compare les plantes entre elles, les unes semblent avoir une plus grande somme de vie que certaines autres ; puis, la classe entière des végétaux doit paraître presque animée comparativement à d’autres corps ; mais en même temps, quand on la compare à la classe des animaux, elle paraît presque sans vie. D’ailleurs, le passage des plantes aux animaux présente si peu d’intervalle que, pour certains êtres qui habitent la mer, on hésite et l’on ne sait pas si ce sont vraiment des animaux ou des plantes. Ainsi, l’éponge produit absolument l’effet d’un végétal ; mais c’est toujours par une différence très légère que ces êtres, les uns comparés aux autres, semblent avoir de plus en plus la vie et le mouvement. » (Aristote, Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. 1, § 4.)

Aristote est revenu bien souvent à cette observation ; et il met une grande persévérance à prouver que la nature procède toujours par degrés. C’est la pensée que Leibniz, après tant d’autres, exprimera plus tard dans cette formule, « que la nature ne fait jamais de sauts ». Le philosophe grec est aussi de cet avis ; et il semble redoubler d’attention quand il étudie ces êtres équivoques qui, placés sur la frontière de deux règnes, ne sont, à vrai dire, ni des animaux, ni des plantes, tenant des uns et des autres également. Telles sont les Téthyes, qu’Aristote a décrites à plusieurs reprises, et qu’il n’a pas confondues avec les polypes à polypiers, erreur commise par quelques naturalistes modernes. Il a parfaitement distingué dans cette organisation, qu’il déclare fort singulière, les deux espèces de trous : les uns, presque fermés, qui servent à l’entrée de l’eau ; les autres, béants, qui sont destinés à la sortie du liquide. C’est ce qu’on peut appeler la bouche, et l’orifice excrétoire, de ces animaux. Aristote entre, à cette occasion, dans plus de détails que n’en donne la science de nos jours sur ces productions bizarres de la nature ; et après s’y être arrêté assez longuement, il ajoute :

« Il n’y a presque pas de différence entre l’organisation des téthyes et celle des plantes, bien que les téthyes doivent être considérées comme des animaux, à plus juste titre que les éponges ; car ces dernières offrent absolument les conditions d’une plante. C’est que la nature passe sans discontinuité des êtres privés de vie aux animaux vivants, par l’intermédiaire d’êtres qui vivent, et qui sont animés, sans être cependant de vrais animaux. Ces êtres étant fort rapprochés entre eux, il semble qu’ils ne présentent qu’une différence imperceptible. Ainsi, par cette propriété qu’a l’éponge de ne pouvoir vivre qu’en s’attachant quelque part, et de ne plus vivre dès qu’on la détache, elle est tout à fait comme les plantes. Les Holothuries et les Poumons-marins, comme on les appelle, et d’autres animaux de ce genre qu’on trouve dans la mer, diffèrent aussi bien peu des plantes, et présentent le même phénomène quand on les arrache. Ces êtres n’ont pas trace d’une sensibilité quelconque, et ils vivent, comme des végétaux détachés du sol. Parmi les plantes que nourrit la terre, il en est en effet qui vivent et poussent, tantôt sur d’autres plantes, et tantôt même après qu’on les a arrachées. C’est le cas de la plante du Parnasse qu’on appelle la Pierreuse (Epipètre) ; elle vit très longtemps encore sur les poteaux où on la suspend. De même les téthyes, et les êtres qui y ressemblent, se rapprochent beaucoup de la plante, en ce que, d’une part, ils ne peuvent vivre qu’en s’attachant comme elle, bien que, d’autre part, un puisse y découvrir une certaine sensibilité, puisqu’elles ont une partie qui est de la chair. De là, l’embarras qu’on éprouve à les classer. » (Traité des Parties des Animaux, édit. du Dr. de Frantzius, p. 200, livre IV, ch. V ; et édit. Langkavel, p. 108.)

Voilà bien l’échelle des êtres, quoique sous une autre forme ; mais Aristote, averti par l’instinct du génie, ne pousse pas cette théorie plus avant que Buffon et Cuvier, éclairés par une science plus étendue, n’ont voulu la pousser. C’est l’excès qu’ils désapprouvaient ; ce n’est pas l’idée elle-même. Il est incontestable que la nature a mis des degrés de perfection et d’imperfection entre les êtres qu’elle crée ; mais qu’elle les ait tous rangés dans une série unique, depuis la Cellule jusqu’à l’homme, depuis l’échelon le plus bas jusqu’au plus élevé, rien n’est moins démontré ; et la science est bien téméraire quand elle essaye d’imposer à la nature un plan que la nature ne nous montre pas plus nettement. La chaîne continue qu’on voudrait établir s’interrompt et se brise à chaque pas ; il y manque une foule d’anneaux, que des observations ultérieures ne retrouveront sans doute jamais, pas plus que la découverte des fossiles ne nous les a procurés. Les espèces enfouies dans la terre par les révolutions que notre globe a subies, ne sont pas les ancêtres des espèces actuelles ; entre ces créations diverses, il y a des lacunes infranchissables, ainsi qu’entre les espèces de la création présente. Les quatre types constitués par Cuvier, et fondés sur l’anatomie, doivent nous prouver que l’échelle des êtres, exagérée au sens d’une série complète et sans lacunes, n’est qu’un roman, dont il serait prudent de se défendre, parce qu’il ne répond pas à la réalité.

C’est dans une mesure non moins restreinte qu’Aristote a touché la question de l’unité de composition, après celle de l’échelle des êtres. Cette discussion faisait grand bruit au début de ce siècle ; aujourd’hui, elle s’est beaucoup refroidie ; et Cuvier l’a emporté sur ses contradicteurs. L’unité de composition n’a plus guère de partisans, même appliquée au seul ordre des vertébrés ; elle en a moins encore, appliquée à l’ensemble des êtres vivants. Ceci ne veut pas dire qu’elle soit entièrement fausse ; mais un en abuse et l’on dépasse toutes les bornes. Il est bien clair que les quatre membres de l’homme se reproduisent en partie dans les quadrupèdes, avec la différence qu’exige une station horizontale, au lieu d’une station droite ; les pattes de devant sont les équivalents de nos bras, comme les pattes de derrière sont les équivalents de nos jambes. Il est tout aussi clair que les ailes des oiseaux représentent jusqu’à un certain point les bras humains et les membres antérieurs des quadrupèdes. On peut encore en dire autant des nageoires de quelques poissons. Mais ces analogies éloignées n’autorisent pas à croire que tous les animaux ont été construits et organisés sur un seul modèle, se répétant pour tous d’une façon plus ou moins reconnaissable. Ici comme pour l’échelle des êtres, il faut se préserver des écarts de l’imagination. Aristote ne s’y est pas laissé entraîner, quoiqu’il ait remarqué, lui aussi, des coïncidences manifestes. Ainsi, en recherchant les rapports que l’organisation des animaux qui ont du sang, peut présenter avec celle d’animaux privés de ce fluide, il se borne à dire :

« Si l’on veut se rendre compte de ces deux organisations, on n’a qu’à imaginer une ligne droite qui représenterait la structure des quadrupèdes et celle de l’homme. D’abord, au sommet de cette droite, serait la bouche indiquée par la lettre A ; puis l’œsophage, indiqué par B, le ventre, par C ; et l’intestin, dans toute sa longueur, jusqu’à l’issue des excréments, indiqué par D. Telle est la disposition des organes dans les animaux qui ont du sang et chez lesquels on distingue la tête et ce qu’on appelle le tronc. Quant à toutes les autres parties, c’est en vue de celles-là et aussi en vue du mouvement, que la nature les a ajoutées, et qu’elle en a fait des membres antérieurs et postérieurs. Dans les crustacés et dans les insectes, la ligne droite tend à se retrouver également pour les organes intérieurs ; et ils ne diffèrent des animaux qui ont du sang que par la disposition des organes extérieurs, consacrés à la locomotion. Mais les mollusques et les testacés turbinés, s’ils se rapprochent entre eux par leur organisation, en ont une tout opposée à celle des quadrupèdes. La fin s’infléchit vers le commencement, comme si sur la ligne E, on ramenait la droite en la pliant de D vers A. Les parties intérieures, étant alors ainsi disposées, se trouvent enveloppées par cette partie que l’on appelle le manteau, dans les mollusques, et que dans les polypes exclusivement on appelle la tête. » (Traité des Parties des Animaux, livre IV, ch. IX, édit. du docteur de Frantzius, p. 216 ; édit. de Langkavel, p. 117.)

Cette explication, que la science actuelle devrait recueillir soigneusement, est fort ingénieuse et fort simple. L’organisation animale, dans sa totalité, peut être représentée comme un tube qui a une entrée et une sortie, la première pour l’introduction des aliments dont l’être se nourrit ; la seconde, pour l’expulsion du résidu impropre à la nutrition ; entre les deux points extrêmes, s’accomplit une élaboration intérieure, qui entretient la vie pendant tout le temps qu’elle dure. Ainsi entendue, l’unité de composition est acceptable ; mais l’on s’égare si l’on cherche à retrouver dans toute la série animale, et sans exception, les mêmes organes, différant seulement du plus au moins, et demeurant analogues quand ils ne sont pas identiques, malgré toutes les altérations qu’ils subissent.

Ainsi donc, soit pour le style, soit pour la méthode et pour l’ordre que la zoologie doit adopter dans ses descriptions, soit pour l’échelle des êtres et pour l’unité de composition, c’est-à-dire dans des questions générales et spéciales, nous pouvons croire qu’Aristote est de notre temps ; il a le premier découvert et discuté ces problèmes, qui divisent encore les savants de ce siècle ; il est de niveau avec eux, quand il ne les surpasse point jusque dans les détails ; et sans compter la supériorité indiscutable du génie, il a toute l’exactitude que nous pourrions exiger de nos contemporains. Ne croirait-on pas entendre parler un d’eux, et un des plus sagaces, quand Aristote nous expose ses vues sur l’organisation de l’animal, quelquefois déformée par des monstruosités, et sur les voies régulières que suit la nature, à partir du moment où les êtres viennent de naître et dans toutes les phases de leur développement et de leur existence. Sans doute, Aristote est loin de Cuvier, recomposant un fossile tout entier à l’aide d’un fragment échappé au cataclysme et retrouvé par la zoologie ; mais Aristote n’est-il pas sur le chemin même où Cuvier s’est avancé d’un pas si ferme, quand il dit :

« La constitution entière de l’animal peut être assimilée à une cité régie par de bonnes lois. Une fois que l’ordre est établi dans la cité, il n’est plus besoin que le monarque assiste spécialement à tout ce qui s’y fait ; mais chaque citoyen remplit la fonction particulière qui lui a été assignée ; et alors telle chose s’accomplit après telle autre, selon ce qui a été réglé. Dans les animaux aussi, c’est la nature qui maintient un ordre tout à fait pareil ; et cet ordre subsiste, parce que toutes les parties des êtres ainsi organisés peuvent chacune accomplir naturellement leur fonction spéciale. » (Traité du Mouvement dans les animaux, ch. X, p. 274 de ma traduction, Opuscules.)

Dans ce passage, n’a-t-on pas entendu d’avance Cuvier lui-même lorsque, dans son Discours sur les Révolutions de la surface du Globe, il s’exprime ainsi :

« Tout être organisé forme un ensemble, un système unique et clos, dont les parties se correspondent mutuellement et concourent à la même action définitive par une action réciproque. Aucune de ces parties ne peut changer sans que les autres ne changent aussi ; et par conséquent, chacune d’elles, prise séparément, indique et donne toutes les autres. »

C’est le principe que Cuvier appelle si justement la corrélation des formes dans les êtres organisés. Il en a tiré un merveilleux parti pour reconstruire de toutes pièces un animal fossile, rien qu’à l’aspect d’une de ses mâchoires, d’une de ses dents, de ses griffes, de ses ongles, de ses fémurs, de ses condyles. Une telle analyse, guidée par la théorie, conduit Cuvier à cette conclusion pratique, qui peut nous étonner et qui n’en est pas moins certaine : « La moindre facette d’os, la moindre apophyse, ont un caractère déterminé, relatif à la classe, à l’ordre, au genre et à l’espèce auxquelles elles appartiennent, au point que toutes les fois que l’on a seulement une extrémité d’os bien conservée, on peut, avec de l’application, et en s’aidant avec un peu d’adresse de l’analogie et de la comparaison effective, déterminer toutes ces choses aussi sûrement que si l’on possédait l’animal tout entier. »

Cuvier a fait bien des fois l’épreuve de cette méthode sur des portions d’animaux connus, avant d’y mettre entièrement sa confiance pour les fossiles ; « mais elle a toujours eu des succès si infaillibles qu’il n’a plus eu aucun doute sur la certitude de ses résultats. »

Bien qu’Aristote ait connu quelque chose des bouleversements du globe, il ne lui a pas été donné de porter ses investigations aussi profondément, puisque, de son temps, la paléontologie n’était pas née, et que la terre ne nous avait pas encore livré les secrets qu’elle renferme dans ses entrailles. Mais il avait le pressentiment de l’équilibre divin que la nature a mis dans cette partie de ses œuvres, comme dans toutes les autres ; et il se faisait de l’organisation de l’animal une idée aussi juste que son successeur du XIXe siècle, si ce n’est une idée aussi détaillée et aussi vaste.

C’est à peu près dans la même proportion qu’Aristote a pu sonder le problème de la vie, prise dans toute sa généralité. D’où vient la vie telle qu’on l’observe dans le règne entier des êtres vivants ? Sous quelles conditions s’y est-elle produite ? Il répond en partie à ces questions dans le Traité de l’Ame, en y étudiant le principe vital, depuis la plante, où il ne se révèle que par la nutrition, jusqu’à l’homme, où il éclate, avec sa dernière perfection, par l’entendement et la raison. On sait qu’Aristote, dans ses ouvrages zoologiques, a fait un pas de plus, et qu’il surprend, par l’observation de l’embryon et de l’œuf, les premiers indices de la vie, dans l’être conçu de la veille et palpitant déjà. Grâce à la géologie et à la connaissance des fossiles, les Modernes ont pu envisager ce grand mystère sous un aspect plus large encore, et plus instructif, que les évolutions embryonnaires. Dès qu’on a eu constaté scientifiquement que notre globe avait passé par plusieurs états avant d’arriver à son état actuel, et que, dans l’origine, l’action du feu avait rendu toute existence organique impossible, il a été démontré que la vie animale n’avait paru sur la terre qu’à un moment donné. Ce moment, que Littré appelle fort bien « Le moment créateur » ne s’est pas reproduit depuis lors ; et selon toute apparence, il ne se reproduira jamais. La vie, qui ne pouvait subsister au sein de la combustion universelle, a surgi tout à coup lorsque le refroidissement est arrivé à un certain point ; et à dater de cet instant unique, elle s’est toujours propagée et se continue sur notre terre par voie de génération. Entre l’incandescence antérieure et la vie, il y a un hiatus que les hypothèses les plus hardies n’ont pu combler, depuis les vagues théories d’Héraclite jusqu’aux théories les plus précises de la géologie moderne. Bien plus, la vie, une fois créée par une intervention surnaturelle, a pris différentes formes, correspondant aux conditions nouvelles, où se trouvaient la surface de notre globe et son atmosphère, par les progrès du refroidissement.

Pour la première période, la vie ne paraît que dans des végétaux gigantesques ; pour une seconde et une troisième périodes, ce sont des animaux non moins extraordinaires. Mais une vérité tout aussi prouvée que celles-là, c’est que les animaux d’une période géologique ne sont pas les ancêtres des animaux de la période suivante ; et que, malgré des analogies nombreuses, les espèces actuelles, les espèces au milieu desquelles nous vivons et dont nous sommes la partie la plus notable, ne descendent pas des espèces disparues, comme le croyait Lyell. A cet égard, le spectacle que le règne animal offre aujourd’hui aux yeux de l’homme est absolument le même qu’Aristote a contemplé. Le premier, il en a soulevé le voile : et dans ce domaine restreint, puisqu’il ne comprend pas la paléontologie, mais qui est toujours bien étendu, et qui ne sera pas de si tôt épuisé, Aristote doit garder son rang parmi les guides les plus perspicaces et les plus sûrs à qui nous puissions nous fier à jamais.

Un sentiment fécond que tous les zoologistes contemporains pourraient lui emprunter, comme lui-même l’empruntait au maître de Platon, c’est l’admiration raisonnée de la nature. Aristote a dit, et répété bien des fois, que la nature ne fait rien en vain. Mais, de nos jours, il s’est trouvé des savants qui, sans nier directement un principe aussi vrai, se défendent néanmoins de l’adopter. On se croit bien prudent et bien positif en déclarant que l’esprit humain ne peut scruter, ni des questions d’origine, ni des questions de fin. On se fait scrupule de se prononcer sur les unes et sur les autres : et l’on reste dans un doute, et sur une réserve, qu’on prend pour la véritable sagesse. Aristote n’a pas cette timidité sceptique. S’il ne nomme pas expressément la Providence, du moins la Nature, qu’il appelle divine, et telle qu’il la comprend et qu’il l’aime, est nécessairement providentielle, puisque, selon lui, toutes ses œuvres ont un but. Nous sommes de l’avis d’Aristote. Les moyens qu’emploie la nature émerveillent toujours et confondent notre intelligence, quand nous réussissons à les découvrir. Ajoutez que les premières et naïves impressions des hommes sont d’accord avec les recherches et les conquêtes postérieures de l’observation. Au berceau des peuples, dans les livres sacrés où ils déposent leur foi instinctive, ce sont des hymnes perpétuels, ici dans les Védas, là dans la Bible, dans les Psaumes de David, ou dans les Sourates du Coran. Pas une de ces voix inspirées n’hésite, ou ne détonne. Un peu plus tard, quand la raison moins émue commence à s’interroger et à s’instruire, le sentiment reste le même. Aristote, dans sa Métaphysique, assigne pour point de départ à la philosophie et à la science, l’étonnement et l’admiration que nous imposent les grands phénomènes de la nature et des cieux. Un examen prolongé et de plus en plus éclairé ne fait que confirmer ces témoignages spontanés ou réfléchis des temps primitifs ; et c’est ainsi que, parmi les modernes, Cuvier, Buffon, Linné, Leibnitz, Descartes, parlent comme Aristote, et croient avec lui que la nature se propose toujours une fin, qu’elle sait atteindre.

Mais une philosophie qui se regarde comme positive par excellence, dédaigne cette unanimité des simples et des sages ; elle proclame, à titre de vérité incontestable, que la nature n’est pas moins malfaisante que bienfaisante, et qu’elle crée une foule de choses qui n’ont aucun but. En preuves de ces assertions surprenantes, on cite l’absorption des virus, qui, en un instant, détruisent l’organisme animal le plus robuste, et que la nature, indifférente et homicide, transporte par la circulation, comme elle transporterait les fluides les plus sains et les plus réparateurs ; on cite certains organes que la nature essaye de produire et qui ne sont jamais d’aucun usage : par exemple, les incisives de l’intermaxillaire de nos ruminants, qui ne viennent jamais à éruption ; les embryons de baleines, dont les mâchoires ont une denture qui n’entre jamais en activité ; les mamelons de la poitrine du mâle humain, qui ne donnent point à téter ; et dans le coin interne de notre œil, le rudiment insignifiant d’une troisième paupière, qui est développée chez d’autres mammifères, chez les oiseaux et chez les reptiles.

Ces quelques faits, recueillis à grand-peine, peuvent être exacts, mais nous le demandons : Que signifient ces infimes exceptions et celles qu’on pourrait sans doute y joindre encore ? Que prouvent-elles ? La raison, le sens commun, ne nous crient-ils pas que notre œil est fait pour voir, notre oreille pour entendre, nos jambes pour marcher, nos nerfs pour sentir, notre esprit pour penser ? Les astres sans nombre dont les cieux resplendissent n’attestent-ils pas un ordre imitable ? Et l’ordre n’atteste-t-il pas une volonté intelligente, qui le maintient après l’avoir créé ? Les mathématiques ne nous disent-elles pas, avec Laplace, que, si l’on soumet ces phénomènes au calcul des probabilités, il y a plus de deux cent mille milliards à parier contre un qu’ils ne sont point l’effet du hasard ? Devons-nous cesser de croire, avec l’auteur de la Mécanique céleste, qu’une cause primitive a dirigé les mouvements planétaires ? Et en descendant, plus près de nous, à notre organisation et à celle des animaux et des plantes, pouvons-nous y méconnaître l’action de la même providence qui régit les mondes répandus dans l’espace, et qui a réglé les lois de la vie sur notre globe, et l’y perpétue, par des organes dont la fonction, le but, la fin sont déterminés avec une sagesse infinie et indéfectible ? Nier tout cela, n’est-ce pas fermer volontairement les yeux à la lumière ; et par un excès de prudence sincère, mais aveugle, commettre une imprudence inouïe, que le scepticisme n’a jamais dépassée dans ses paradoxes les plus audacieux ?

Si la nature n’a pas de but, si elle n’a aucun sens, la vie de l’homme, c’est-à-dire notre vie, en a bien moins encore. La soi-disant philosophie positive, en détruisant toute notion de fin dans la nature, la détruit du même coup dans l’être humain. Notre existence morale et intellectuelle n’a pas plus de signification que notre existence animale. L’homme n’a pas de destinée : les sociétés qu’il forme n’en ont pas davantage : l’humanité est anéantie dans les individus aussi bien que dans les peuples : il ne reste plus en nous que la brute, un peu plus raffinée que les autres, mais, tout aussi fatalement qu’elles, livrée sans frein à tous ses appétits et à toutes ses passions les plus furieuses. Aristote n’est pas coupable d’une telle faute : et en même temps qu’il reconnaît des fins dans la nature, il donne aussi à la vie de l’homme le plus noble prix. Il en assigne le but suprême, comme l’avaient fait avant lui, mieux que lui peut-être, son maître Platon, et Socrate, leur commun inspirateur. C’est que tout se tient dans ces idées de causes finales ; elle, s’enchaînent intimement les unes aux autres, soit qu’on les admette, soit qu’on les repousse. L’idée de fin, étant bannie de la nature, se trouve bannie, tout ensemble, et de la raison de l’homme et de l’univers entier. Ce nouveau chaos, inauguré par des savants, est mille fois plus sombre et moins concevable que l’autre, qui n’a eu personne pour témoin, tandis que celui-ci se produit, en présence même du spectacle divin, qui éblouit nos regards et qui doit éclairer notre raison et notre science, à mesure que nous en comprenons mieux la splendeur et l’harmonie.

Si, sur tous ces points essentiels, Aristote est comparable aux Modernes les plus avancés, il est encore quelques autres points où il ne leur cède que de bien peu. Il a beaucoup disséqué, soit sur le corps humain, soit sur les animaux. Il n’est pas une page de ses traités zoologiques qui ne le démontre avec une irrésistible évidence. Ses théories sur le cœur, et tous les viscères, sur le système des vaisseaux, partant du cœur pour se répartir dans tout l’organisme, sur les organes de la génération dans toute la série animale, ses études minutieuses sur chacune des fonctions, ne s’expliquent que par des dissections délicates et nombreuses. Aristote n’a pas eu la gloire de l’initiative, puisqu’il paraît bien, comme on l’a vu, que c’est à un disciple de Pythagore, Alcméon, le médecin de Crotone, qu’on doit l’attribuer ; mais l’anatomie n’avait eu que de très faibles développements pendant ces deux siècles, et l’on en trouve bien peu de traces dans les travaux de Démocrite, et même dans ceux d’Hippocrate. Au contraire, Aristote a très largement pratiqué l’anatomie, avant les découvertes fameuses d’Erasistrate, son petit-fils, et avant celles d’Hérophile. Dans l’Antiquité, les sacrifices d’animaux, qui faisaient le fonds du culte religieux, ont pu favoriser les observations, en montant, dans des occasions fréquentes, une quantité de faits anatomiques, qui devaient frapper même des yeux moins attentifs que ceux d’un Aristote. Mais il ne s’est pas contenté de ces faits trop fortuits : et il n’est peut-être pas un seul des animaux dont il a parlé qu’il n’ait étudié, le scalpel en main, dans ses organes intérieurs, après l’avoir décrit dans ses formes, dans ses fonctions et dans ses mœurs. Il ne peut pas être douteux pour nous que c’est lui qui a rendu possibles tous les progrès que l’anatomie a faits dans l’École alexandrine, et dont Galien est le promoteur le plus illustre, cinq cents ans après le siècle d’Aristote et d’Alexandre.

Certainement, l’anatomie antique est fort loin de la nôtre ; et elle manquait d’une foule de moyens et d’instruments dont nous sommes aujourd’hui abondamment dotés. Mais c’est un mérite et un service immense que d’avoir commencé méthodiquement des investigations de ce genre, tout à la fois si indispensables et si repoussantes, si curieuses et si obscures. Le nombre des espèces d’animaux qu’Aristote a connus et décrits peut se monter à cinq cents environ : en supposant même qu’il n’en ait disséqué que la moitié, c’est un énorme labeur, soit qu’il l’ait accompli à lui seul, soit qu’il l’ait fait accomplir en partie, sous sa direction, par des élèves, comme le faisaient Cuvier dans notre siècle, et Buffon avant Cuvier. Il avait même composé des recueils spéciaux d’anatomie, qui ne sont pas parvenus jusqu’à nous, mais qu’il mentionne, à tout instant, dans ceux de ses ouvrages de physiologie comparée que le temps ne nous a pas ravis.

Les préparations anatomiques appelaient assez naturellement l’invention de dessins joints aux descriptions, qu’ils complètent et qu’ils éclaircissent. Cette invention, dont on fait trop souvent honneur aux Modernes, appartient exclusivement à Aristote. Par malheur, la tradition n’a pas conservé les reproductions des dessins originaux : mais quand on se souvient de ce que la sculpture et l’architecture étaient dans la Grèce, on peut être assuré que les animaux devaient être représentés, comme tout le reste, avec une rare perfection, dont nous voyons d’ailleurs de nombreux spécimens, en mosaïque, en fresque, en peinture, et surtout en modelage. L’art ne cherchait que la beauté : mais Aristote a dit chercher avant tout l’exactitude, puisque à des descriptions jugées insuffisantes pour l’esprit, il a voulu suppléer par des images parlant plus particulièrement aux yeux. C’est ainsi qu’en traitant des crustacés, il ajoute, pour ne citer que cet exemple, au milieu de tant d’autres :

« Tous les crustacés ont une bouche, une ébauche de langue, un estomac, et une issue pour l’excrément : les seules différences concernent la position et la grandeur de ces organes. Pour savoir ce que sont chacun d’eux, on peut recourir à l’Histoire des Animaux et aux Anatomies. C’est en étudiant l’une, et en regardant les autres, que l’on comprendra les choses beaucoup plus clairement. » (Traité des Parties des animaux, édit. du Dr. de Frantzius, livre IV, ch. V, p. 196 ; et édit. Langkavel, p. 106.)

On ne voudrait pas attacher à cet expédient scientifique plus d’importance qu’il n’en a ; mais on peut voir que, quand la zoologie renaît au XVIe siècle, Belon et Rondelet, imités dans les siècles suivants, se hâtent de reprendre la tradition aristotélique, très perfectionnée de nos jours, mais non changée. A cet égard, nous sommes tributaires d’Aristote, et nous n’avons pas à en rougir, non plus que pour tant d’autres portions de son héritage.

Au point où la science en est actuellement, et en attendant des progrès nouveaux, qui ne manqueront pas plus à nos descendants qu’ils ne nous ont manqué après nos devanciers, la zoologie dispose de ressources extrêmement puissantes, qu’Aristote et les siècles qui ont suivi n’ont point eues : le microscope, la photographie, les collections de tous genres formées partout, les sociétés scientifiques qu’entretiennent toutes les nations civilisées, les voyages et les explorations géographiques sur la surface entière du globe, les explorations du fond des mers plus récentes et non moins fécondes pour le règne animal, la science des fossiles, qui n’en est qu’à ses premiers pas, malgré tout ce qu’elle nous a déjà fait connaître, tous les secours que la chimie, la physique, la physiologie, et les autres sciences accessoires peuvent fournir à l’histoire naturelle. L’Antiquité n’a possédé aucun de ces instruments énergiques, dont le défaut donne encore plus de valeur à ce qu’elle a pu faire sans eux. Qu’on y ajoute aussi cet organe universel de la pensée et de la science, l’imprimerie, qui peut multiplier sans cesse le nombre des observateurs, et qui centuple leurs forces en facilitant la diffusion de tous les travaux et la communication mutuelle de toutes les découvertes ; et l’on verra que si l’histoire de la nature a maintenant quelque péril à éviter, c’est l’excès de la richesse, excès redoutable même dans les royaumes de la science. Pour concentrer tant de trésors, pour coordonner en un système les résultats disséminés de tant d’investigations, l’histoire naturelle aurait besoin d’un nouvel Aristote ; mais Dieu accorde bien rarement au monde des législateurs scientifiques de cet ordre ; et jusqu’à présent, celui-là est le seul que l’humanité puisse honorer d’une reconnaissance aussi étendue et aussi méritée.

Ceci ne veut pas dire que les Modernes ne puissent très légitimement être fiers de ce qu’ils font ; mais on doit se garder d’être immodeste ; et afin de rester équitable envers soi-même, comme envers les autres, le présent a toujours à se rappeler qu’il doit presque tout au passé, et que l’avenir en saura nécessairement plus que lui. On oublie trop souvent ce que c’est que la science en elle-même, quelle est sa notion et son idée, quelle est son origine et quelle est son histoire. Surtout, un porte peu volontiers ses regards sur les temps qui viendront après le temps où l’on vit, à la fois parce que l’avenir est toujours incertain, et parce qu’on est plus flatté de se comparer à ce qu’on surpasse qu’à des héritiers qui vaudront mieux que nous.

Cette question générale sur la nature de la science n’est pas déplacée à propos de la zoologie aristotélique, un des monuments qui témoignent le plus clairement du rôle que joue l’esprit de l’homme en face de la nature ; et quelques considérations supérieures nous feront concevoir de mieux en mieux ce dont la science est redevable, non pas seulement à Aristote, mais à la Grèce, dont Aristote n’est que le représentant le plus attitré.

La question d’ailleurs n’est pas neuve, puisque Platon l’aborde déjà dans son dialogue du Théétète ; mais il l’a traitée surtout au point de vue psychologique ; et il s’est demandé si la science doit se confondre avec la sensation ou avec le jugement. Aristote se tient plus près de la réalité extérieure, quand, au début de sa Métaphysique, il remonte à l’impression d’étonnement que les premiers hommes ont éprouvée devant les phénomènes naturels, et qu’il voit, dans cette irrésistible impression, la source unique et intarissable de la science. C’est à un besoin de l’entendement que la science doit satisfaire, de même que les arts doivent satisfaire à nos besoins matériels, les premiers en date et les plus nécessaires, mais les moins relevés et les moins humains. Cette explication d’Aristote est profondément vraie ; elle l’était de son temps ; elle l’est du nôtre ; et elle le restera à jamais. La science n’est, sous toutes ses faces, que la théorie de la nature, contemplée par l’homme et interprétée par lui. Aristote ne se trompe pas davantage quand il parle du désintéressement absolu de la science ; elle cherche à savoir pour savoir, sans aucun autre objet, comme le veut l’insatiable passion de connaître dont l’homme est doué, privilège qu’aucun être n’est appelé à partager avec lui.

Telle est la science dans sa pureté, indépendamment de ses applications utiles ; tel est son germe, qui n’a cessé de se développer, depuis qu’il s’est montré parmi les hommes, à une époque déterminée, sous des conditions précises, et qui ne s’éteindra qu’avec l’humanité elle-même. Ce premier regard sur l’univers est nécessairement confus, puisqu’il embrasse tout ; et voilà comment, au début, la philosophie est la seule science, parce que, en effet, c’est l’ensemble des choses que la curiosité de l’homme essaye de comprendre, et que d’abord il n’aperçoit que cet ensemble complexe et mélangé. Peu à peu, l’observation répétée des choses les distingue en les désagrégeant ; avec le secours de l’analyse, elle les sépare pour les mieux discerner. Mais, comme parmi les choses, les unes se ressemblent et que les autres diffèrent, l’esprit les classe spontanément selon leur similitude ou leur dissemblance. La distinction des trois règnes de la nature doit être à peu près aussi ancienne que l’attention de l’esprit s’attachant aux objets que renferment ces trois règnes. C’est ainsi que, pour notre intelligence, des groupes d’êtres se forment, en se rapprochant entre eux et en s’isolant des autres. La science totale se divise alors en sciences particulières, qui ne considèrent que certaines espèces et certains faits, à l’exclusion de toutes les autres espèces et de tous les autres faits. Ces agglomérations et ces délimitations constituent le domaine de chacune des sciences, dont le nombre s’accroît à mesure que l’analyse s’étend à des groupes nouveaux de phénomènes, ou qu’elle s’approfondit dans un même groupe, qui peut se subdiviser lui-même de plus en plus.

Des procédés pareils de méthode et d’observation s’appliquent aux faits intimes de l’intelligence aussi bien qu’aux faits du dehors ; et les sciences morales naissent presque aussitôt que les sciences naturelles, parce que l’esprit, replié sur lui-même, au lieu d’en sortir pour percevoir l’extérieur, à une histoire plus utile et non moins curieuse que l’histoire même de la nature. Aristote a fait la Morale à Nicomaque et le Traité de l’Âme, en même temps que l’histoire des Animaux et le Traité de la Génération.

Dans quel ordre se sont succédé les sciences spéciales, issues de l’unité de la science universelle, qu’Aristote a si bien nommée la « Philosophie première »? C’est ce qu’il serait bien difficile de savoir ; mais tout porte à croire que les sciences qui se sont d’abord détachées du tronc commun sont les mathématiques et la morale, si cultivées dans l’école de Pythagore. La médecine les avait probablement devancées dès longtemps ; ce qu’explique de reste son objet même. L’astronomie, l’histoire, n’ont pas tardé à se produire. Mais quoi qu’il en soit de l’ordre dans lequel les sciences sont écloses, la constitution régulière d’une seule d’entre elles suffit à la gloire du philosophe qui la crée, en la définissant le premier. Aristote, par une heureuse fortune, qui tient à son génie personnel et à son temps, a organisé à lui seul plusieurs sciences, ou, pour mieux dire, il a organisé toutes les sciences de son siècle, soit qu’elles fussent déjà connues quoique imparfaites, soit qu’il les ait spontanément enfantées. La logique, la météorologie, la politique, la morale, la rhétorique, la psychologie, la poétique, la métaphysique, la zoologie, l’anatomie et la physiologie comparées, la botanique par son disciple Théophraste, la physique, la minéralogie, ont reçu de lui, ou la naissance, ou des perfectionnements. C’est une encyclopédie, comme on l’a dit souvent : mais c’est encore mieux. Une encyclopédie suppose toujours des matériaux antérieurs, qu’on n’a plus qu’à réunir et à classer : et c’est ainsi que Pline a composé la sienne. Mais Aristote n’emprunte rien qu’à lui-même : et sa fécondité n’a d’égale que l’exactitude de son savoir. Que ce soit là sa gloire impérissable, et la justification de l’influence qu’il a exercée sur l’esprit humain, dont il a été l’instituteur.

Non seulement chaque science, une fois créée, se développe : mais en outre, des sciences nouvelles naissent chaque jour par les seuls progrès de l’analyse et de l’observation. Sans remonter au delà du dernier siècle, nous avons vu surgir trois ou quatre sciences, des plus importantes, en un intervalle de deux cents ans au plus, dans la sphère de l’intelligence ou dans celle de la nature : la géologie, l’économie politique, la chimie, la paléontologie, auxquelles on pourrait joindre encore la physique y compris l’électricité, l’anatomie comparée, l’embryogénie, etc., etc. Cette éclosion successive de sciences se comprend sans peine : et l’on peut prédire à coup sûr qu’elle ne s’arrêtera pas plus dans l’avenir qu’elle ne s’est arrêtée dans le passé. La science est placée en face de l’univers, c’est-à-dire en face de l’infini ; et comme elle ne renoncera jamais à l’étudier, elle y trouvera perpétuellement des phénomènes et des aspects inattendus, qui ne s’épuiseront pas plus que l’infini lui-même. C’est le champ sans bornes qui s’ouvre à la science ; et ce doit être pour elle, tout à la fois, un encouragement et un motif de sincère humilité. Quand elle compare le point d’où elle est partie, et le point où elle en est arrivée, elle peut être fière de ses progrès ; mais si elle se considère, comme elle le doit toujours, dans sa relation avec l’infini, elle ne peut s’empêcher de s’avouer qu’il est incommensurable ; et que tout ce que l’homme sait à cette heure, et même tout ce que l’homme pourra jamais savoir, s’évanouit et est égal à zéro, c’est-à-dire n’est qu’un néant, devant l’éternelle infinitude. L’esprit humain n’a donc qu’à poursuivre encore ses labeurs, sans trop s’enorgueillir, et sans se décourager non plus ; un juste milieu lui est commandé en ceci, comme en toutes choses. La sagesse d’Aristote sous ce rapport est irréprochable ; et dans ses nombreux ouvrages, on ne saurait découvrir ni vanité, ni défaillance.

D’ailleurs, les sciences n’avancent pas toujours d’un même pas. Il en est qui meurent après avoir brillé quelque temps d’un éclat trompeur et peu solide ; la divination, par exemple, l’astrologie, l’alchimie, et plusieurs sciences, qu’on pourrait citer non moins caduques que celles-là. D’autres, quoique constituées, s’arrêtent tout à coup ; elles ne sont point mortes cependant, et elles renaissent plus tard ; mais leur vie est suspendue et reste latente pendant des siècles, parce que les circonstances leur sont devenues défavorables, et qu’il faut de nouvelles conditions pour qu’elles renaissent plus florissantes, sinon plus belles. La zoologie d’Aristote est un frappant exemple de ces intermittences. Incomprise presque aussitôt après qu’elle avait apparu, elle est demeurée deux mille ans stérile, toute féconde qu’elle pouvait être. Ce n’est pas l’invasion des Barbares qui l’a fait méconnaître. Cinq à six siècles de l’Antiquité s’étaient écoulés avant que les Barbares ne détruisissent la société du paganisme ; pendant ce temps, l’Histoire des Animaux avait été une lettre morte, comme elle le resta plus longtemps encore dans les chaos et les ténèbres du Moyen-âge. D’autres sciences, au contraire, n’ont cessé de s’accroître et de grandir presque sans interruption, comme l’astronomie, soit dans l’Antiquité, soit dans ces lugubres époques, ralentissant parfois leur marche, mais ne la cessant pas. On pourrait rappeler bon nombre de ces vicissitudes ; mais elles sont du ressort de l’histoire des sciences ; et nous les lui laissons.

Aujourd’hui, on est devenu juste à l’égard d’Aristote, après d’aveugles dédains ; mais ce ne serait pas l’être suffisamment envers la Grèce, mère des sciences et des arts, si nous n’essayions de porter nos regards encore un peu plus loin, afin de lui rendre tout l’hommage que nous lui devons. Créer la science en observant le monde et ses merveilles, rien ne paraît plus simple ; et rien cependant ne l’est moins. Les Grecs ne sont pas les seuls à qui il ait été donné de contempler l’univers ; tous les peuples ; tous les hommes l’ont pu et le peuvent ainsi qu’eux ; mais il n’y a que les Grecs, qui, de cette contemplation, aient tiré la science véritable, et qui aient analysé les phénomènes de la nature avec cette magnanimité que la science exige. Monopole de la race, ou de quelques hommes de génie, le fait n’en est pas moins certain. Aussi haut que l’histoire remonte, quelques nations, quelque époque qu’elle considère, il n’y a que la Grèce, dans les annales de l’humanité, la Grèce seule, qui ait conçu l’idée de la science et qui l’ait réalisée, trouvant le vrai dans l’étude de la nature, comme elle trouvait le beau dans les arts et dans les lettres.

Les Chinois, les Hindous, les Égyptiens sont des peuples fort intelligents ; mais ce que nous savons d’eux, sans en connaître encore beaucoup, nous permet d’affirmer que jamais ils ne se sont élevés jusqu’à la science. Bien plus, en contact comme nous le sommes aujourd’hui avec tous les peuples asiatiques, nous pouvons nous permettre de dire que leur esprit n’a rien de scientifique ; et que, même à l’école de l’Europe, leur incapacité originelle ne se corrigera pas. La prétendue sagesse de l’Orient est un rêve, aussi bien sa prétendue science : il a produit de grandes œuvres, qui pourrait le contester ? et des choses qui, en leur genre très limité, ont atteint une réelle perfection. Mais les qualités viriles que demande la science, sous toutes ses formes, ont manqué à l’esprit oriental ; il n’a ni la justesse, ni la précision, ni la constance. Ce n’est pas la nature qui a fait défaut à l’homme ; car elle est plus riche et plus puissante dans les climats orientaux que dans les nôtres ; mais c’est l’homme qui a fait défaut à la nature, en ne la comprenant pas. Il l’a regardée, et la regardera toujours, à peu près comme les enfants la regardent, sans essayer de s’en rendre compte ; et comme il ne s’observait pas lui-même mieux qu’il n’observait tout le reste, les choses humaines n’ont pas plus d’histoire en Orient que n’en ont les choses de la nature extérieure.

Au contraire, dans la Grèce, l’observation et la science se sont montrées, dès leurs premiers essais, douées d’une telle assurance et d’une telle rectitude que, depuis lors, l’esprit humain n’a pas eu à sortir de la voie qui lui avait été tracée ; il n’a eu qu’à s’y avancer, quand il l’a pu. C’est avec Thalès, Pythagore, Xénophane, six cents ans avant l’ère chrétienne, que ce mouvement commence, sur les côtes de l’Asie-Mineure, dans les colonies grecques, qui, de temps immémorial, occupaient ces rivages. C’était sur cette terre, heureuse entre toutes, qu’était déjà née la vraie poésie avec Homère, quatre ou cinq siècles auparavant ? L’étincelle une fois allumée, la lumière se propagea avec rapidité, et vint se concentrer à Athènes, où Aristote la reçut et y ajouta de prodigieux rayons. La Grèce instruisit Rome, qui, sans cette éducation, aurait été presque étrangère aux choses de l’esprit, et qui même s’intéressa toujours assez peu aux choses de la science, uniquement occupée de la politique et de l’empire du monde, « Regere imperio populos ». De la Grèce et de Rome, les sciences, les lettres, les arts sont sentis jusqu’à nous, à travers bien des péripéties. C’est de là uniquement qu’est sorti le fleuve, dont le cours s’élargit sans cesse, et que nous accroissons tous les jours par des affluents nouveaux. Voilà ce que notre civilisation moderne doit à la Grèce ; et notre gratitude doit être inépuisable, comme le bienfait. En dehors de la Grèce et des peuples qu’elle a instruits, il n’y a pas de science, s’il y a encore des arts et des lettres. Quelques races, dans le genre humain tout entier, ont été favorisées ; d’autres ont été déchues. Par quelle cause ? C’est là le secret de la Providence, que les hommes chercheraient vainement à pénétrer. Aristote, tout grand qu’il est, n’est encore qu’un des fils de la Grèce, la maîtresse et l’origine commune de tout ce qu’il y a de vrai et de beau parmi nous.

Enfin, de ce passé splendide et fécond, ressort un dernier enseignement ; et c’est encore à la zoologie d’Aristote que nous le demanderons. Entre les Anciens et les Modernes, il n’y a point de solution de continuité, ni cet abîme intellectuel qu’on a si souvent voulu creuser, avec plus d’orgueil que de justice. Comme naturaliste, Aristote est tout au moins au niveau de Buffon et de Cuvier ; et notre science discute à cette heure ses opinions, comme si elles étaient d’hier. Cette parité, entre l’Antiquité et nous, peut s’étendre bien au-delà de l’histoire naturelle ; et sauf des préventions que rien ne justifie, il est clair que l’intelligence humaine, en reprenant définitivement sa marche avec la Renaissance du XVIe siècle, n’a fait que renouer des traditions interrompues : elle s’est mise alors à l’école de la Grèce, comme la première Renaissance du XIIIe siècle s’était mise à l’école d’Aristote. Les croyances religieuses s’étaient améliorées, et les mœurs se sont progressivement adoucies ; mais l’esprit n’est pas autre ; et, dans les races que nous formons aujourd’hui, cet esprit est absolument le même que celui de la Grèce et de Rome. Nous en savons plus que nos pères ; mais nous ne sommes que leurs héritiers. Si nous sommes plus riches qu’eux, au fond nous ne faisons qu’accroître leurs trésors, qui sont ceux de l’humanité, et qui sont gardés par tout ce qu’elle compte de plus éclairé et de meilleur parmi tant de nations. Mais les ancêtres ont toujours cet avantage, que rien ne peut leur ravir, ni compenser dans les successeurs : c’est d’avoir devancé les temps et ouvert la carrière, que, sans eux peut-être, leurs fils n’eussent pas parcourue.

A cette hauteur, la Grèce est incomparable, et elle le sera à jamais.

Arrivés presque au terme de cette étude sur la zoologie d’Aristote, nous résumons ce qu’elle nous a appris. Nous avons vu les jugements portés par les naturalistes les plus illustres des temps modernes ; les louanges unanimes, sauf quelques critiques peu décisives ; l’analyse de l’Histoire des Animaux, nous démontrant la grandeur et la solidité de ce monument ; son originalité, que rien n’avait préparée, de même que rien de complètement neuf ne l’a suivie ; le style d’Aristote, modèle achevé de précision et de simplicité ; sa méthode, qui est la seule vraie, soit logiquement et d’une manière générale, soit pour la classification spéciale des êtres dont s’occupe l’histoire naturelle ; ses théories sur la vie et sur l’échelle des êtres, beaucoup plus prudentes que celles du Transformisme contemporain ; son admiration pour la prévoyance de la nature, qui ne fait rien d’inutile et qui ne fait rien sans but ; enfin, sa pratique incessante de l’anatomie et ses découvertes, expliquées par des descriptions et par des dessins. Puis, après un rapide coup d’œil sur l’état présent de la science zoologique, nous avons élargi ces considérations pour constater que c’est la Grèce, la première, qui, dans les annales de l’esprit humain, a conçu l’idée de la science, et qui l’a réalisée dans des œuvres immortelles, que nous pouvons égaler peut-être, mais que nous ne surpasserons pas, parce que nous n’aurons jamais plus de génie que les Grecs.

Il ne nous reste, pour achever cette étude, qu’à rappeler les opinions des historiens de la philosophie, moins compétents que les zoologistes pour les détails de la science physiologique, mais les seuls compétents pour juger des principes sur lesquels la science se fonde et s’appuie. Nous demanderons à Brucker, Tiedemann, Tennemann, Ritter, Brandis, Biese, pour ne citer que le passé, ce qu’ils en pensent ; et quand ils parleront, nous les écouterons, comme nous avons écouté Buffon et Cuvier.

Personne n’a plus de gravité que Brucker, ni de droiture (1767) ; personne n’a plus d’amour de la philosophie ; mais tout en voulant rester impartial, il est très passionné. Au fond, il est l’ennemi d’Aristote, comme on l’était encore de son temps, sur la fin de la réaction contre la Scholastique, vers le milieu du siècle dernier. Il ressuscite les accusations de Bacon ; quelquefois même, il y ajoute ; il va presque jusqu’à dire qu’Aristote n’a pas le génie qu’on lui prête ; en un mot, il est malveillant ; et l’analyse qu’il donne des œuvres du philosophe est loin d’être complète et exacte. Il n’y fait pas mention de la zoologie, comme si de tels ouvrages ne méritaient aucune attention, ou comme s’ils étaient en dehors de l’histoire de la philosophie.

Cette faute de Brucker a provoqué de fâcheuses imitations. Tiedemann (1791-1797), quoique beaucoup plus juste envers Aristote, qu’il proclame « le législateur de la philosophie grecque » ne s’arrête pas non plus à son histoire naturelle. Toutefois il ne semble pas l’ignorer autant que Brucker ; mais probablement, il n’en fait pas beaucoup plus d’estime ; car, se contentant de la nommer, il passe outre, sans paraître en sentir toute la valeur.

Tennemann (1801) a donné près d’un volume à la doctrine péripatéticienne ; mais quoiqu’il ne partage pas les préjugés de Brucker, il commet le même oubli, qui, chez lui, est encore plus choquant. Il consacre un chapitre à la science générale de la nature ; et dans cette science, il omet l’histoire naturelle tout entière.

Ainsi, les trois principaux historiens de la philosophie au XVIIIe siècle sont muets sur la zoologie aristotélique. Pour trouver alors une appréciation équitable et profonde, il faut s’adresser à la noble intelligence de Herder. Dans son enthousiasme, qui égale celui d’un poète, il a rendu justice à Aristote et à la Grèce, aussi hautement que nous pouvons le faire aujourd’hui ; il a reconnu le premier tout ce que leur doit à jamais la science dans les directions diverses qu’elle suit parmi nous. Herder était obligé de se borner à quelques mots sur Aristote, et, à plus forte raison, sur l’histoire naturelle ; mais il l’a jugée mieux que les historiens spéciaux de la philosophie ; et dans les généralités très concises auxquelles il était astreint, sa sympathie perspicace l’a mieux servi que les études les plus savantes n’avaient servi ses contemporains. (Idées sur la philosophie de l’histoire de l’humanité, tome II, pp. 485 et suiv., trad. Edg. Quinet.)

Notre siècle a été plus attentif et plus juste que le précédent. Henri Ritter, Biese, Brandis, n’ont pas gardé le silence, ou imité le dédain, de leurs prédécesseurs. De leur temps, l’érudition avait fait encore de notables progrès : et en examinant de plus près la philosophie d’Aristote, elle lui avait restitué sa place dans l’histoire de l’intelligence humaine, et une vie, que le XVIIIe siècle avait cru lui enlever, en le détrônant, pour lui substituer Bacon. Bitter, Biese, surtout Brandis, ont pris la peine d’analyser longuement la zoologie d’Aristote, et de faire voir par quels liens elle se rattache à sa psychologie, et à sa conception de la nature et de l’univers. Ces analyses sont faites avec le plus grand soin, et elles s’appuient toujours sur des citations textuelles. Mais on peut y remarquer un défaut commun : elles ne tiennent pas assez compte de la portée scientifique des monuments qu’elles veulent faire connaître ; elles ne montrent pas assez tout ce qu’a d’extraordinaire et de glorieux cette apparition soudaine d’une science consommée, qui fait encore loi après tant de siècles. Sans doute, l’histoire de la philosophie ne doit s’arrêter qu’à des matières qui sont de son domaine propre ; mais la constitution inébranlable d’une science si importante est philosophique, autant que quelque théorie que ce soit ; et l’on peut croire qu’Aristote n’aurait pas fait en histoire naturelle tout ce qu’il a fait, s’il n’eût été philosophe. Recueillir une multitude de faits zoologiques, ou les coordonner en un système régulier, sont des choses fort différentes ; et pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler ce qu’est la compilation d’Élien, ou même celle de Pline. L’esprit philosophique ne se trouve, ni dans l’un, ni dans l’autre, non plus que dans tant d’autres zoologistes ; au contraire, il éclate de la manière la plus vive dans Aristote ; et c’est là ce qui recommande la zoologie, fondée par ses mains, à l’histoire de la philosophie, telle qu’elle doit être de nos jours, et telle que la comprend M. Édouard Zeller, l’auteur accompli de « la Philosophie des Grecs dans son développement historique ».

Il n’y a guère de plus grand honneur pour la philosophie, dans ses relations avec les sciences, que d’avoir créé l’histoire naturelle ; elle pourrait en être fière, et c’est un titre qu’elle ne doit pas trop aisément abandonner. Les exemples que nous venons de citer prouvent assez que la philosophie a eu parfois ce désintéressement, ou plutôt cette négligence. Bien des philosophes croient encore connaître suffisamment Aristote et Théophraste, sans avoir lu, ni la zoologie de l’un, ni la botanique de l’autre. C’est une erreur et une lacune grave. La philosophie ne peut jamais élever pour elle-même la moindre prétention ; et il lui importe assez peu, dans sa pérennité, qu’on lui attribue une juridiction plus ou moins large ; mais c’est mal comprendre les choses que de les mutiler ; c’est faire tort gratuitement à un auteur que de l’étudier à demi. L’histoire de la philosophie doit parler des Caractères de Théophraste à côté de ses livres sur les Plantes, comme elle doit parler de la Poétique d’Aristote, et de ses Problèmes, à côté de sa Morale et de sa Métaphysique. Retrancher quelque trait d’une physionomie, c’est la fausser. Cette inadvertance, regrettable partout, l’est encore davantage dans l’histoire de la philosophie. Comme l’objet de la philosophie est de contempler l’ensemble des choses et d’en scruter les principes, elle est d’autant plus tenue d’être complète dans les détails qu’elle s’efforcerait vainement de l’être pour le tout.

Si les considérations qui viennent d’être présentées sur la zoologie d’Aristote ont quelque poids ; si les faits sur lesquels elles s’appuient sont exacts ; si l’on veut bien, d’autre part, se rappeler toutes les difficultés d’un premier pas, et l’immortelle beauté d’un édifice que la science moderne admire de plus en plus, à mesure qu’elle le connaît mieux, on ne nous taxera pas d’exagération quand nous dirons que, de même qu’Homère est le premier et le plus grand des poètes, Aristote est aussi le premier et le plus grand des naturalistes, avec cette différence, cependant, que la poésie, étant exclusivement individuelle, peut d’un seul coup atteindre, comme elle l’a fait, aux limites de la perfection, tandis que la science est sans bornes, comme l’est l’infini, incessamment poursuivi par elle et à jamais inaccessible.
Juillet 1883.
FIN DE LA PRÉFACE

DISSERTATION SUR L’AUTHENTICITÉ ET SUR LA COMPOSITION DE L’HISTOIRE DES ANIMAUX.


Il ne peut guère s’élever de doutes sur l’authenticité de l’Histoire des Animaux ; les témoignages qui l’attestent sont si nombreux et si graves qu’ils sont absolument irrécusables et démonstratifs. Mais il s’agit d’un monument qui a plus de deux mille ans de date, et qui n’est arrivé jusqu’à nous qu’au milieu des péripéties les plus singulières ; il peut donc être utile, comme pour tant d’autres débris vénérables de l’Antiquité, de rappeler quelles sont les autorités qui, durant ces longues et obscures successions de siècles, nous en garantissent l’existence dès les époques les plus reculées, et nous donnent la certitude que cet ouvrage vient certainement de celui à qui nous l’attribuons, et que notre admiration s’adresse, sans aucune erreur, à qui la mérite.

Par bonheur, il se trouve que, pour l’Histoire des Animaux, le premier témoignage qu’on puisse invoquer est celui du plus illustre disciple d’Aristote, et de son successeur immédiat dans l’école péripatéticienne. Théophraste, en commençant son Histoire des Plantes, présente des considérations générales sur les végétaux ; et ces considérations sont absolument calquées sur celles qui précèdent l’ouvrage d’Aristote, inspirateur du père de la botanique, comme il est lui-même le fondateur de la zoologie. La ressemblance est frappante sous le rapport des idées, qui sont identiques de part et d’autre ; et elle se produit jusque dans les mots dont se sert l’élève, fidèle, dans les expressions qu’il emploie, aux enseignements et au style du maître incomparable qui l’a formé. Ce rapprochement entre le début de l’Histoire des Plantes et le début de l’Histoire des Animaux, sorties toutes les deux d’une même pensée, quoique dues à des mains différentes, n’a pas été remarqué par les philologues et par les historiens de la philosophie ; mais il n’a pas échappé à tous les naturalistes, et Cuvier n’a pas manqué de le signaler, dans ses Leçons du Collège de France sur l’histoire des sciences naturelles.[1]

Le fait est incontestable pour qui veut prendre la peine de le vérifier ; et dans la question d’authenticité qui nous occupe, ce fait doit être du plus grand poids. Il n’a d’ailleurs rien que de très-naturel ; et il était assez simple que la méthode inaugurée si heureusement par le maître pour les animaux fût, sous ses yeux et sous sa direction, appliquée au règne végétal par son disciple. On sait avec quel succès Théophraste a rempli la carrière qui lui était ouverte. Ses ouvrages sur les plantes ont moins de célébrité que ceux d’Aristote ; mais pour l’histoire de la botanique, ils ont une valeur égale, et ils en sont la base non moins solide et le germe non moins fécond.

On peut donc affirmer que Théophraste connaît l’Histoire des Animaux telle que nous l’avons aujourd’hui, puisque le préambule de son Histoire des Plantes n’en est qu’un reflet exact et une continuation. On sait qu’Aristote s’était personnellement occupé de botanique ; et qu’il avait fait un ouvrage spécial sur les plantes ; voir M. Valentin Rose, Aristoteles Pseudepigraphus, p. 261. On peut donc, sans injustice, lui rapporter la gloire d’avoir suscité cette nouvelle branche de la science, en confiant à un autre, digne de le comprendre, le soin de la développer, d’après les principes qu’il avait déjà posés pour la science zoologique. Mais Théophraste nous est un témoin d’autant plus précieux qu’il n’a point pensé à l’être ; il a simplement imité un incomparable modèle ; et après vingt-deux siècles, il appuie son maître auprès de la postérité, en ne faisant que le suivre et en marchant sûrement et modestement sur ses traces.

Dans la recherche qui nous intéresse, il n’est pas possible de remonter plus haut que Théophraste ; et après lui, il faut franchir deux ou trois siècles environ pour rencontrer un autre témoignage, qui, pour n’être plus contemporain et pour être moins direct que le sien, a toutefois la plus haute importance. C’est Cicéron, familier avec les œuvres d’Aristote, qu’il avait, dans sa jeunesse, étudiées à Athènes, les pratiquant toujours comme l’atteste son traité de la Nature des Dieux, malgré les difficultés qu’elles lui offrent, et rendant hommage au Péripatétisme, puisqu’il n’hésite pas à faire d’Aristote le prince des philosophes, à l’exception du seul Platon. Dans le Traité des rapports des Biens et des maux (de Finibus bonorum et malorum, livre V, ch. IV, p. 404, édit, in-12, Victor Leclerc), Cicéron fait dire à un des interlocuteurs de ce beau dialogue, Pison, qui vient de faire un exposé très-étendu de la doctrine des Péripatéticiens :

« Ils ont porté dans l’étude de la nature un tel « esprit d’investigation que, à parler poétiquement, il n’y a rien dans le ciel, ni dans la mer, ni sur la terre, dont ils n’aient écrit. Aristote a parlé de la naissance de tous les animaux, de leur manière de vivre et de leur conformation ; Théophraste a écrit sur la nature des Plantes, et sur presque toutes les productions de la terre. »

Il est évident que Cicéron entend parler de l’Histoire des Animaux, qui a bien l’objet qu’il indique, puisqu’elle traite effectivement de la conformation des animaux et de leurs mœurs. Cicéron périt assassiné par les ordres d’Antoine, une quarantaine d’années avant notre ère ; Théophraste vivait deux cent cinquante ans avant lui. Dans l’intervalle, les œuvres d’Aristote avaient été exposées aux dangers que l’on sait, passant d’Athènes à Chalcis, où l’auteur devait mourir ; de Chalcis passant à Scepsis, où les héritiers de Nélée les avaient cachées ; de Scepsis à Athènes, où les avait apportées Apellicon de Téos ; et enfin, d’Athènes à Rome, où Syllales avait envoyées, et où Tyrannion, son bibliothécaire, et Andronicus de Rhodes avaient essayé de les classer systématiquement. Mais rien ne nous autorise à penser que l’Histoire des Animaux, au temps de Cicéron, fût autre que celle qu’avait Théophraste, ou celle que nous avons. La mention que nous transmet l’orateur romain est bien générale, si l’on veut ; mais certainement elle concerne l’ouvrage aristotélique que nous possédons, et que nous admirons autant que lui. On pourrait, d’ailleurs citer une foule d’autres passages de Cicéron qui se rapportent aussi à l’Histoire des Animaux, notamment dans le Traité de la Nature aes Dieux, livre III, ch. XLIX, 50, 51.

Avec Pline (23-79 après J.-C.), commence une série de preuves d’un autre genre, très-explicites celles-là et plus matérielles, puisqu’elles sont des citations de très-nombreux passages de l’œuvre d’Aristote. Pline est un admirateur passionné du philosophe grec ; et dans le Catalogue raisonné qu’il dresse de tous les auteurs qu’il a consultés, pour traiter son immense sujet, en dédiant son encyclopédie à l’empereur Titus, le nom d’Aristote revient à tous les chapitres. Pline déclare qu’il compte suivre ce grand homme presque constamment (Vir quem in iis magna secuturus ex parte, liv. VIII, ch. XVII, page 325, édit, et trad. Émile Littré). Il ne peut parler de lui qu’en l’exaltant par les plus vifs et les plus justes éloges : Summo in omni doctrina viro, id., ibid. Tantus vir in doctrma, liv. XI, ch. CXIV, p. 471. — Vir immensæ subtilitatis, liv. XVII, ch. LXXVII, p. 703, etc. C’est que Pline sait apprécier les Grecs aussi bien que nous pouvons les apprécier aujourd’hui, et qu’il recommande instamment qu’on ne se lasse pas de les écouter, comme les plus exacts et les plus anciens des observateurs ». Nécessairement, Aristote est, à ses yeux, le premier de tous ; et pour joindre l’exemple au conseil, il ne se lasse pas non plus de le suivre dans les quatre livres qu’il a consacrés au règne animal. Après avoir donné le septième livre tout entier à l’homme, par lequel il commence ainsi que l’avait fait Aristote, il donne les quatre suivants, du VIIIe au XIe compris, à tous les animaux connus de son temps, et décrits avant lui. Ce que vaut la zoologie particulière de Pline, on la jugera plus tard, et ailleurs qu’ici, où ce n’est pas le lieu ; à présent ce qui nous importe, ce sont uniquement ses emprunts au naturaliste qu’il consulte, et les citations fréquentes qu’il en tire. Quant aux emprunts, il suffira de dire que Pline, qui attribue à Aristote une cinquantaine de volumes sur les animaux, se propose et se flatte « d’abréger cet ouvrage célèbre ». Il est donc très-concevable qu’il y prenne à tout moment, sans le nommer, les détails où il entre ; mais il nomme aussi très-souvent Aristote. Parmi ces citations multipliées où ce grand nom figure, nous ne nous arrêterons qu’aux principales.

En voici quelques-unes, que nous reproduisons dans l’ordre des livres de l’Histoire naturelle de Pline.

Livre VIII, ch. X, p. 322, édit, et trad. Littré, Pline cite nommément Aristote sur la gestation des éléphants ; et la citation répond au livre V, ch. XII, § 23, de l’Histoire des Animaux.

Livre VIII, ch. XVII, p. 328, id., il le cite sur la gestation des lionnes ; le passage se retrouve dans Aristote, livre VI, ch. XXVIII, § 1 et 2.

Livre VIII, ch. XLIV, p. 335, id., il le cite sur l’hyène ; le passage se retrouve dans Aristote, livre VIII, ch. VII, § 2.

Même livre VIII, ch. LXXXIV, p. 356, il le cite sur les scorpions. Le passage se retrouve, en grande partie, si ce n’est tout entier, dans Aristote, livre VIII, ch. XXVIII, § 2.

Livre IX, ch. VI, p. 361, id., Pline cite l’opinion d’Aristote sur la respiration des poissons. Le passage se retrouve dans l’Histoire des Animaux, livre VIII, ch. II, § 5.

Même livre IX, ch. XXXIX, p. 371, id., Aristote est cité sur le myrus et la murène ; et le passage se retrouve dans l’Histoire des Animaux, livre V, ch. IX,§4.

Livre X, ch. XV, p. 397, id., Aristote est cité sur les ibis d’Égypte ; et le passage se retrouve dans l’Histoire des Animaux, livre IX, ch. XIX, § 7.

Même livre, même chapitre, même page, Aristote est cité sur les corbeaux. Le passage se retrouve dans l’Histoire des Animaux, livre IX, ch. XXI, § 3.

Même livre, ch. LXXXV, p. 421, id., Aristote est cité sur les rats et leur multiplication extraordinaire, suivie d’une disparition non moins mystérieuse ; Aristote est également cité sur les lézards. Les deux passages se retrouvent dans l’Histoire des Animaux, le premier, livre VI, ch. XXX, § 1 ; le second, livre V, ch. III, § 2.

Livre XI, ch. CXII, p. 469, id., Aristote est cité sur une question admirablement étudiée par lui, la voix des animaux ; le passage se retrouve dans l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. IX, § 1.

Même livre, ch. CXIV, id., Aristote, est cité sur la longévité humaine ; le passage se retrouve dans l’Histoire des Animaux, livre II, ch. III, § 19.

Nous finirons toutes ces citations, aussi exactes les unes que les autres, par une dernière sur le lait de la femme, dans Pline, livre XXVIII, ch. XXI, p. 262, id., et dans Aristote, livre VII, ch. VI, § 1.

Il faudrait être bien exigeant pour ne pas se contenter de tant de preuves si claires et si péremptoires. Elles s’adressent, comme on peut s’en convaincre, à tous les livres de l’Histoire des Animaux, presque sans distinction. Il n’y a que le dixième livre qui ne soit pas cité comme les autres ; et nous en dirons un peu plus loin la raison ; ce dixième livre est notoirement apocryphe.

De toutes ces citations de Pline, nous devons tirer cette conclusion générale qu’à la fin du premier siècle de notre ère, l’Histoire des Animaux d’Aristote est, sauf le dixième livre, composée comme elle l’est à cette heure, sous nos yeux, et que le naturaliste romain l’a connue sous la forme où nous la connaissons, après et comme tous les siècles qui se sont écoulés depuis lors.

A côté de Pline, nous pouvons consulter Plutarque, qui est son contemporain, puis Elion, Athénée et Antigone de Caryste, qui, autant qu’on peut le savoir, ont vécu dans le cours du IIIe siècle de l’ère chrétienne.

Plutarque, qui, sans faire précisément de la zoologie comme Pline, a cependant composé un traité spécial, sur l’intelligence des animaux, cite plusieurs fois Aristote en le nommant ; et ses citations sont également exactes. Ainsi, au Traité des Opinions des philosophes, il soutient d’après Aristote que les enfants nés à sept mois sont viables. (Livre V, ch. XVIII, p. 1109, édit. Firmin-Didot.) On peut trouver ce passage dans l’Histoire des Animaux, avec toutes les explications que cette question comporte, livre VII, ch. IV, §§ 8 et 9.

Dans le traité spécial que nous venons de rappeler, Plutarque rapporte encore, sur la foi d’Aristote, qu’on a vu un rossignol apprendre à chanter à ses petits ; Plutarque, ch. XIX, p. 1191, § 3, édit. Firmin-Didot ; Aristote, Histoire des Animaux, livre IV, ch. XIX, § 18.

Dans ce même traité, Plutarque parle de ce vieux mulet, qui, malgré son âge, aidait spontanément ses camarades, employés au transport des matériaux pour la construction du Parthénon, et à qui l’Aréopage assura par décret d’honorables invalides.

A ces différentes citations de Plutarque où Aristote est nommé, on pourrait en ajouter bien d’autres, où il est fait à son ouvrage de zoologie des allusions non équivoques ; mais d’après celles que nous venons de rapporter, on peut affirmer que l’Histoire des Animaux est entre les mains de Plutarque, comme elle est entre celles de Pline, avec cette seule différence que Plutarque la lit dans le texte grec, tandis qu’il n’est pas sûr que Pline pût la lire autrement que dans les traductions de Papirius et de Trogue Pompée, selon la conjecture assez vraisemblable de Schneider. (Schneider, édition de l’Histoire des Animaux, tome I, préface, p. XVII.)

Élien, qui, selon toute apparence, vivait dans la seconde moitié du IIIe siècle de notre ère, n’a pas la prétention de faire de l’histoire naturelle bien sérieuse ; mais développant la même pensée que Plutarque, il accumule toutes les anecdotes qu’il recueille, de côté et d’autre, sur l’instinct des animaux, leurs mœurs et leur caractère. Il prend de toutes mains, et d’une manière assez confuse, ses récits bien souvent invraisemblables et puérils ; il s’y complaît dans l’excellente intention de célébrer la bonté des dieux et la munificence de la nature, éclatant dans les qualités et même dans les vertus des brutes, opposées aux vices incorrigibles de l’humanité.

On pourrait relever dans Élien les citations qu’il fait d’Aristote en le nommant, comme on vient de le faire pour Pline ; mais ce soin serait assez fastidieux, après ce qu’on vient de voir. On peut laisser de côté toutes ces citations, qui s’élèvent à une vingtaine au moins, sur la division générale des animaux en vivipares, ovipares et vermipares ; sur le scare, le seul poisson qui rumine ; sur l’hirondelle et son nid, d’une construction si habile ; sur le rossignol instruisant ses petits ; sur le chameau et sa mère ; sur le cheval du roi Scythe ; sur le Martichore de Ctésias ; sur l’éléphant ; sur le lion ; sur les abeilles, pouvant faire périr les plus grosses bêtes sous les blessures de leur dard ; sur la guerre du cygne et de l’aigle ; sur le sens de l’ouïe chez les poissons ; sur les dauphins ; sur le glanis ; sur la mue des oiseaux ; sur la longévité des chevaux, etc., etc. Mais si l’on peut négliger toutes ces citations, peu intéressantes après tant d’autres, il en est une qui exige une attention toute spéciale, parce qu’elle est presque la seule de ce genre que toute l’Antiquité nous ait transmise.

En général, les Anciens, par bien des motifs qu’il est aisé de comprendre, ne peuvent pas apporter dans les citations d’ouvrages qu’ils consultent, la précision que les Modernes recherchent, et qu’ils regardent comme indispensable. Les Anciens se bornent à mentionner le nom de l’auteur, sans indiquer le titre de l’ouvrage, et à bien plus forte raison, sans indiquer, pour cet ouvrage, ni le livre, ni le chapitre, ni encore moins le paragraphe. Cette exactitude, qui fait grand honneur à l’érudition moderne, quand elle en use, était inconnue de nos devanciers ; et même aujourd’hui, nous n’y sommes pas toujours aussi fidèles qu’il conviendrait. Or, il se rencontre qu’Élien, parlant de la quantité énorme de nourriture que l’éléphant absorbe quotidiennement, (De la Nature des Animaux, livre XVII, ch. VII, p. 282, édit. Firmin-Didot) cite expressément le livre Huitième sur les Animaux. Cette indication se rapporte en effet au livre VIII, ch. XI, § 1, de l’Histoire des animaux ; et nous verrons tout à l’heure qu’elle a une importance exceptionnelle pour établir l’authenticité du livre VII, et pour lui maintenir sa vraie place, contestée bien à tort, dans l’ensemble de l’ouvrage d’Aristote.

Après Élien, après Plutarque, après Pline, on peut encore trouver dans Athénée, qui est aussi du IIIe siècle de notre ère, un très-grand nombre d’indications relatives à l’Histoire des Animaux, et au traité des Parties des Animaux, surtout en ce qui concerne les oiseaux et les poissons. Elles se rapportent le plus souvent à l’ouvrage d’Aristote, tel que nous l’avons actuellement, et tel qu’on le possède depuis tant d’années ; mais parfois aussi, elles semblent se référer à des ouvrages d’Aristote qui ne sont pas arrivés jusqu’à nous. Après tout ce qui précède, nous n’avons pas à nous arrêter à ces indications, qui ne sont pas toujours très-exactes, non plus qu’aux singularités qu’a recueillies Antigone de Caryste, et qui sont presque toutes plus extravagantes encore que celles d’Élien. A cette époque, et dès la fin du IIIe siècle, l’histoire naturelle n’est plus comprise, dans ce qu’elle a de sérieux et d’utile ; elle est devenue l’objet d’une simple curiosité, qui est très-rarement raisonnable. C’est aussi vers cette époque que l’on peut placer le témoignage de Diogène Laërce, qui, dans son catalogue des livres d’Aristote, en compte neuf sur les animaux, huit d’anatomie, et un d’extraits anatomiques ; Diogène Laërce, livre V, ch. I, p. 116, édit. Firmin-Didot.

Il serait bien inutile de pousser plus loin cette partie de la discussion sur l’authenticité de l’Histoire des Animaux d’Aristote ; elle est hors de toute contestation. Au Moyen-Age, on a cet ouvrage dans un texte qui, sauf quelques variantes, est absolument le nôtre ; les traductions de Guillaume de Morbéka au XIIIe siècle, et de Gaza de Trébizonde au XVe siècle, en font foi.

De l’authenticité, qui ne peut faire question, il faut passer maintenant à l’examen de la composition. La recherche devient en ceci beaucoup plus délicate et beaucoup plus minutieuse. L’ensemble de l’ouvrage est authentique ; c’est un point acquis, de l’avis de tout le monde. Mais n’y a-t-il pas bien des altérations ? Les livres dont est formée l’Histoire des Animaux sont-ils dans un ordre bien régulier ? En font-ils tous partie intégrante et nécessaire ? Sans parler du dixième livre, dont personne ne nie la nature apocryphe, tous les autres livres sans exception doivent-ils être admis comme une œuvre légitime d’Aristote, et sont-ils tous à la place qu’ils doivent réellement occuper ?

Pour répondre à ces questions, qui se posent aussi naturellement que celle de l’authenticité, il faut voir, en premier lieu et comme condition préliminaire et essentielle, quelle est l’ordonnance de l’Histoire des Animaux, non pas telle que des commentateurs plus ou moins ingénieux, peuvent l’imaginer ou la refaire, mais telle qu’elle se présente à des juges impartiaux, d’après les données même du texte et d’après les indications de l’auteur. Il y a certainement un plan développé et complet dans l’ouvrage d’Aristote ; et bien qu’il n’ait pas pu y mettre personnellement la dernière main, non plus qu’à aucune autre de ses œuvres, prévenu par une mort violente, il a pu néanmoins, dans une première rédaction, montrer sa pensée dans toute sa portée, et faire nettement comprendre toute l’étendue de son dessein, en abordant le vaste sujet de l’histoire générale des animaux, depuis l’homme jusqu’au plus chétif des insectes.

Pour nous en assurer, il n’y a qu’un moyen : c’est d’analyser brièvement l’Histoire des Animaux, en suivant pas à pas les idées de l’auteur, dans la disposition où nous les trouvons, et où très probablement il aura voulu les ranger. Après cette exacte et impartiale analyse, on verra clairement si la pensée se tient et se suit d’une manière méthodique et complète ; ou si, au contraire, elle présente des lacunes, et si elle a subi des altérations qui la dénaturent. La logique la plus ordinaire décidera ce qu’il en est.

Voici donc l’analyse fidèle de l’ouvrage d’Aristote ; nous ne la ferons que justement assez longue pour qu’elle soit aussi intelligible et aussi nette que possible.

Sans aucun préambule sur l’objet de la science alors toute nouvelle de la zoologie, l’auteur entre immédiatement en matière ; traitant des parties similaires ou non similaires, dont se compose le corps de l’animal et expliquant ce qu’il entend par là. Ainsi les particules du sang sont toujours du sang, et elles se ressemblent dans une parfaite identité entre elles ; au contraire, la partie, qu’on appelle, dans l’homme par exemple, le visage, ne se divise pas en visages ; le visage, partie non-similaire, se divise, en nez, bouche, menton, joue, yeux, front. Les parties similaires et non-similaires se trouvent dans tous les animaux sans exception ; et les différences ne portent que sur la grandeur ou la ténuité de ces parties, sur leur position, et sur l’analogie, qui parfois remplace la ressemblance proprement dite. Des différences plus profondes entre les animaux tiennent à leur genre de vie, à leurs actes et à leur caractère. Les uns vivent sur terre ; les autres dans l’eau ; les uns sont immobiles ; les autres sont doués de mouvement ; les uns volent ; les autres marchent sur le sol ou y rampent ; les uns ont des pieds ; les autres n’en ont pas ; les uns vivent en troupes ; les autres sont solitaires ; les uns ne quittent pas les lieux qu’ils habitent ; les autres émigrent ; les uns peuvent être apprivoisés ; les autres restent sauvages ; les uns ont une voix, les autres sont muets ; les uns sont doux ; les autres sont féroces ; les uns hivernent ; les autres n’hivernent pas ; ils ont chacun leur instinct particulier ; mais l’homme seul a le privilège de la raison aidée de la volonté et de la mémoire.

Après avoir tout d’abord tracé cette esquisse générale et donné cet avant-goût, expression dont l’auteur lui-même a soin de se servir, il annonce qu’il reviendra, avec plus de précision, sûr chacun de ces sujets ; et qu’après avoir constaté les faits, il en exposera les causes théoriques. Mais en attendant, il complète ce premier aperçu, en établissant que la plupart des animaux ont des organes spéciaux pour prendre leur nourriture et en rejeter le résidu inutile ; que tous sans exception ont la faculté de sentir ; que les uns sont vivipares, tandis que les autres sont ovipares ou vermipares ; que les uns ont du sang et que les autres n’en ont pas, etc. Enfin, il ajoute que, comme les espèces d’animaux sont excessivement nombreuses, et difficiles à connaître, il croit devoir commencer cette étude par celle de l’homme, l’homme nous étant le mieux connu de tous les animaux. Il décrit donc les parties extérieures et principales du corps de l’homme, le visage, l’oreille, le nez, la langue, les mâchoires, le cou, le ventre, les membres supérieurs et inférieurs ; puis, il passe aux parties intérieures, qu’il fait comprendre à l’aide de dessins anatomiques, joints à ses explications.

Ici, finit le premier livre, qu’on peut à juste titre regarder comme l’exposé du plan de l’ouvrage entier.

Le second livre poursuit la description des parties du corps humain, dont on rapproche les parties analogues du corps des animaux. Toutes ces parties, extérieures ou intérieures, sont de celles qu’Aristote a nommées non-similaires, c’est-à-dire qui ne peuvent pas se subdiviser en parties semblables à l’ensemble. Puis, après avoir traité à fond des parties non-similaires, il passe, selon les indications du premier livre aux parties similaires, qu’il étudie avec le même soin : le sang, avec tout le système des vaisseaux qui le contiennent ; les nerfs, confondus avec les muscles ; les fibres ; les os ; les cartilages ; les ongles ; les poils ; les membranes ; la chair ; la graisse ; le suif ; la moelle ; le lait ; la liqueur séminale, etc., etc.

C’est l’objet du troisième livre ; mais comme jusqu’à présent, on ne s’est occupé que des animaux qui ont du sang, il faut faire les mêmes études sur les animaux exsangues, mollusques, crustacés, testacés et insectes ; avec eux, on finira la description de toutes les parties externes et internes, similaires et non-similaires, de la série entière des animaux. D’ailleurs, on complétera tout ce qui vient d’être dit en parlant des sens, de la voix, de la veille et du sommeil, et des sexes.

La question des sexes amène celle de la génération ; et l’auteur en abordant cette recherche capitale, fait une déclaration dont il faut tenir le plus grand compte, puisqu’elle éclaire et règle la marche qu’il compte suivre jusqu’au bout de son ouvrage. Voici ses propres termes (livre V, ch. I, § 2) :

« Puisque l’on a d’abord divisé et étudié les animaux par genres, nous tâcherons de suivre ici la même marche dans cette nouvelle exposition. Nous y mettrons cependant une différence ; antérieurement, nous parlions de l’homme pour connaître et décrire les parties des animaux ; maintenant, au contraire, nous ne parlerons de l’homme qu’en dernier lieu, parce qu’il exige infiniment plus de détails. »

En effet, l’auteur se conforme, de point en point, à cette indication expresse ; et reprenant la série animale à l’inverse, il décrit toutes les variétés de la génération chez les mollusques, les crustacés, les insectes, les animalcules les plus petits, chez les poissons, les oiseaux, et enfin chez les quadrupèdes. Toutes ces matières remplissent le cinquième et le sixième livres, avec un nombre prodigieux de détails, sur les accouplements, leurs modes et leurs saisons diverses, sur le frai des poissons, sur les nids des volatiles, sur le développement de l’œuf, observé jour par jour, comme nous essayons encore de le faire, sur la gestation, sur la ponte, sur l’élevage des petits, etc.

Puis, l’auteur remplissant scrupuleusement la promesse qu’il vient de faire, passe à la génération de l’homme, et il se complaît à lui consacrer, comme au premier des animaux, un livre tout entier, le septième, sur lequel nous aurons à revenir tout à l’heure.

Arrivé à ce point, Aristote n’a pas encore rempli tout à fait le cadre qu’il s’est tracé dès le premier livre ; et après avoir étudié ce qui regarde la conformation et les organes des animaux, il lui reste à étudier leurs mœurs, leur caractère, en un mot leur manière de vivre. C’est là l’objet des deux derniers livres, le huitième et le neuvième, qui sont pleins des observations les plus curieuses, et les plus vraies, sur l’influence des milieux où vivent les animaux, terre, eau, air ; sur leur nourriture, solide ou liquide ; sur leur façon de s’abreuver ; sur leurs migrations, selon les saisons et la température locale ; sur leur hivernage et leur retraite ; sur leurs guerres ; sur leurs instincts divers, parmi lesquels se distingue l’industrie de quelques insectes, et notamment l’industrie des abeilles, objet, de la part de l’auteur, d’une merveilleuse étude, digne préliminaire de celles d’Huber au début de ce siècle ; sur les effets de la castration ; sur la mue de quelques espèces, etc., etc.; le tout entremêlé de portraits d’animaux, qui font déjà pressentir les chefs-d’œuvre de notre Buffon.

Ici, s’arrête l’ouvrage d’Aristote, puisque le dixième livre ne saurait lui être attribué en aucune façon.

Voilà l’analyse succincte, mais suffisante, de l’Histoire des Animaux d’Aristote. Elle nous montre, avec une irrésistible évidence, toute la pensée de l’auteur et l’ordre certain dans lequel il a voulu la présenter.

Des doutes se sont cependant élevés ; et l’on a prétendu déplacer le septième livre, qu’on voudrait reléguer après le neuvième. Il est parfaitement vrai que, dans les manuscrits et même dans la traduction de Guillaume de Morbéka, c’est toujours après le neuvième livre que le septième est placé ; mais c’est Gaza qui le premier a remis le septième livre à son rang, d’après le passage décisif du cinquième livre, que nous venons de citer. On ne doit pas hésiter à suivre Gaza, qui lui-même ne fait que suivre Aristote. Depuis le XVIe siècle, tous les éditeurs, sauf les plus récents, ont laissé le septième livre au rang que Gaza lui avait assigné ; ils ont eu raison ; et l’on ne peut que les imiter, si l’on veut lire l’Histoire des Animaux dans l’ordre que l’auteur lui a donné. On ne comprend pas le septième livre après le neuvième livre, tandis qu’il est la suite parfaitement régulière, et le complément attendu, des cinquième et sixième livres, qui le précèdent. Tout ce qu’on peut concéder, c’est qu’en effet, il y a dans ce septième livre, comme dans quelques autres passages, des expressions qui ne paraissent pas assez aristotéliques. Le style d’Aristote lui est tellement particulier qu’on peut reconnaître sans peine, et d’un simple coup d’œil, ce qui s’en éloigne et le dépare. Mais d’abord ces nuances de langage ne sont pas plus fréquentes dans le septième livre que dans plusieurs autres endroits de l’ouvrage ; même y fussent-elles beaucoup plus nombreuses, ce ne serait pas un motif pour écarter ce livre, et le traiter à peu près comme on traite le dixième, dont personne ne saurait défendre l’authenticité. Autant le fond de ce livre dixième est peu digne d’Aristote, autant la pensée du septième porte l’empreinte irrécusable de son puissant génie. Aujourd’hui même, notre science, quelque avancée qu’elle soit, ne sait pas encore tout sur la génération de l’homme ; et cette mystérieuse fonction a toujours bien des obscurités pour l’anatomie et la physiologie contemporaines. Aristote ne savait pas tout ce que nous savons ; mais ses observations, sagaces, étendues, patientes, lui avaient appris déjà bien des choses. Il ne suffit donc pas d’avancer que le septième livre n’est pas de lui ; il faudrait encore pouvoir nous dire de qui il est, et nous révéler l’existence d’un génie de plus parmi tous les hommes de génie, que la Grèce a enfantés. Si le septième livre n’est pas d’Aristote, de quelle main est-il sorti ? Et qui pouvait dans cette haute antiquité parler de la génération humaine comme le septième livre en parle ? Personne à notre connaissance, si ce n’est peut-être, beaucoup plus tard, un médecin tel que Galien, qui aurait pu même en savoir encore un peu davantage. Mais a-t-on jamais pensé que le médecin de Pergame, contemporain de Marc-Aurèle, ait mis la main à l’Histoire des Animaux ?

Il ne faut pas non plus oublier par quel lien le septième livre se rattache étroitement à l’œuvre entière, d’après le livre cinquième ; et combien la pensée aristotélique serait profondément mutilée, s’il n’avait été rien dit sur la génération de l’animal privilégié, qui s’appelle l’homme.

A ces preuves tirées du contexte et du raisonnement, il faut joindre celle que nous avons annoncée, et qui s’appuie sur la citation du huitième livre par Élien. Si dès longtemps, c’est-à-dire au IIIe siècle de l’ère chrétienne, le huitième livre est déjà à la place qu’il garde pour nous depuis Gaza, c’est que le septième, tel que nous l’avons aujourd’hui, le précède dans l’ordre où l’auteur l’a mis, et où nous le mettons avec lui, pour lui obéir, et pour obéir aussi à la nécessité de la logique.

Si, du septième livre, nous passons au neuvième, nous rencontrons de nouvelles objections, qui ne vont pas jusqu’à nier l’authenticité de cette partie de l’Histoire des Animaux, mais qui tendraient à l’éliminer de la contexture de l’ouvrage entier. Ce qu’on doit avouer à l’égard de ce livre spécial, c’est qu’il y a du désordre dans la succession des chapitres, ou plutôt que ces chapitres peuvent paraître assez probablement n’être que des notes, accumulées à la suite de l’ouvrage, sans autre intention que de ne pas les perdre ; mais comme, dans ces notes, il y a, entre autres morceaux très-remarquables, cette grande étude sur les abeilles, il est impossible de récuser ici la main du maître ; et ainsi que plus haut, on peut demander encore à qui cette étude est due, si elle n’est pas d’Aristote lui-même. L’Antiquité l’a cru, et nous nous décidons à le croire avec elle ; non seulement le neuvième livre est authentique ; mais encore, sans se rattacher très-directement au reste des livres précédents, il les complète sur bien des points, où il serait fort regrettable que l’auteur eût gardé le silence. Ce sont des fragments, et comme des pierres d’attente que l’auteur aurait employées dans la construction générale de son monument, s’il avait pu le revoir et l’achever, comme il en avait sans doute l’intention.

L’histoire des manuscrits et de la bibliothèque d’Aristote, d’après les récits de Strabon et de Plutarque, a été si souvent racontée de nos jours qu’on peut la croire présente à toutes les mémoires, et qu’il n’est guère besoin de la répéter une fois de plus. Mais il faut se la rappeler toujours, avec ses principaux épisodes, quand il s’agit de juger une œuvre aristotélique, soit dans sa totalité, soit dans ses détails. Il nous est impossible de connaître avec quelque précision deux points essentiels : le premier, dans quel état Aristote avait laissé ses manuscrits à Théophraste, et dans quel état, deux siècles plus tard, Apellicon de Téos les avait trouvés dans la fameuse cachette de Scepsis ; en second lieu, il nous est également impossible de savoir à quels remaniements ont abouti les travaux de Tyrannion et d’Andronicus de Rhodes. Il est avéré que ces remaniements n’ont pas été fort heureux ; et il suffit, pour en être pleinement convaincu, de penser au désordre où sont encore la plupart des ouvrages du philosophe. Sauf l’Organon et la Physique, pas un seul peut-être n’est achevé, où n’est en ordre ; pas un seul n’a été terminé par l’auteur lui-même. Pour quelques-uns, il a été possible à la philologie de notre temps de rétablir une régularité très-vraisemblable, d’après les indications du contexte ; mais pour la plupart, cette restauration toujours très-scabreuse est impossible, par exemple la Métaphysique, pour laquelle le mieux est encore de la laisser dans le chaos où elle est presque tout entière. C’est le parti qu’il faut prendre aussi pour l’Histoire des Animaux, avec d’autant plus d’assurance que ce désordre y est bien moindre, et qu’un très-petit nombre de parties y sont endommagées. Les ruines sont très-limitées ; et le monument presque entier est d’une construction irréprochable.

Il ne faut donc pas changer la succession des livres, et l’on doit laisser le neuvième là où il est, comme on doit y laisser aussi le septième, qui occupe sa place actuelle depuis cinq siècles à peu près, par les raisons que nous avons énumérées et fait valoir. Une concession qu’on doit faire aux philologues qui ont critiqué la disposition présente du texte de l’Histoire des Animaux, c’est qu’il s’y rencontre çà et là un assez grand nombre d’interpolations. On peut les découvrir presque à coup sûr, parce qu’elles interrompent généralement la suite des pensées, et que la rédaction en est d’ordinaire assez peu correcte. Dans la majeure partie des cas, on doit croire que ce sont des notes mises à la marge par des lecteurs, curieux de joindre leurs remarques personnelles aux savantes observations d’Aristote, ou par des copistes inattentifs, qui ont chargé le texte primitif de ces additions étrangères. A qui appartiennent-elles ? Est-ce à Tyrannion, ou à Andronicus, qu’il faut les faire remonter ? Sont-elles plus récentes ? Ont-elles précédé ou suivi le siècle de Pline et de Plutarque ? C’est ce qu’il est absolument impossible de décider, puisque les plus vieux manuscrits de nos bibliothèques ne paraissent pas remonter au delà du dixième siècle de notre ère. Ils ont tous déjà ces additions, reçues des copistes antérieurs, dont aucun n’a dit à quelle source il les demandait.

Toutefois nous pouvons nous rassurer à l’égard de ces interpolations ; elles sont si légères et si reconnaissables que, loin de nuire à l’œuvre elle-même, elles la relèveraient plutôt, si elle avait besoin d’être relevée par un tel contraste. Ces intrusions sont à peine sensibles, et l’on ne s’en aperçoit pas plus dans l’Histoire des Animaux qu’on n’apercevrait, dans un bâtiment colossal, quelques petites pierres mal jointes, qui seraient d’un échantillon et d’une matière hétéroclites. On a beaucoup exagéré l’effet de ces interpolations et leur étendue ; quant à nous, elles nous paraissent à peu près insignifiantes ; on fait bien de les dénoncer partout où elles ont été faites par des mains maladroites ; mais il n’y a pas à s’y arrêter plus qu’il ne convient.

En résumé, l’authenticité de l’Histoire des Animaux étant certaine, et la composition étant ce qu’on vient de dire, il reste à se demander si l’ouvrage est complet, ou s’il manque quelque chose au développement systématique de la pensée de l’auteur. Pour notre part, nous n’hésitons pas à croire qu’Aristote a dit, dans sa grande œuvre, tout ce qu’il avait à dire ; et nous ne voyons pas ce qu’il aurait pu y ajouter, si ce n’est dans d’autres ouvrages non moins beaux, comme le Traité de la Génération et le Traité des Parties. Dans l’Histoire des Animaux, il a parcouru, sans exception, tous les sujets qu’il s’était proposé d’étudier, et qu’il avait pris soin d’annoncer lui-même à ses futurs lecteurs. Que pourrait-on vouloir de plus ? Que serait-on en droit de lui demander encore ? Ce qui est vrai et ce qu’on ne peut nier, c’est que l’ouvrage finit un peu inopinément, et qu’avec nos habitudes actuelles nous pouvons trouver qu’il y manque une conclusion générale, récapitulant, à larges traits, toutes les études antérieures, et marquant nettement le but poursuivi, et atteint après une marche régulière, au prix des observations les plus longues et les plus sagaces. Mais si ce sont là les louables habitudes des Modernes, ordonnant ainsi leurs pensées et leur style, ce ne sont pas celles des Anciens ; les leur imposer, c’est trop exiger d’eux ; et ils nous ont déjà bien assez donné, et nous avons déjà bien assez reçu de leur initiative, sans vouloir encore leur demander cette méthode rigoureuse, qui est le fruit d’une expérience qu’ils ne pouvaient avoir autant que nous. En tout cas, Aristote aurait une excuse toute personnelle, sa mort prématurée, qui a ravi à la plupart de ses œuvres une perfection de forme qu’il était plus capable que personne de leur assurer, s’il eût vécu davantage. Il n’y a pas d’esprit plus scientifique que le sien ; sous ce rapport, personne ne peut lui être égalé, de l’aveu même de tous les savants les plus compétents, ses successeurs ou ses émules. S’il manque quelque chose à l’Histoire des Animaux, ce n’est pas lui qu’il faut en accuser ; c’est cette fatalité aveugle qui ne permet jamais à l’homme de faire tout ce qu’il projette, même quand il apporte à ses résolutions la volonté la plus constante et les facultés les plus énergiques. Aristote, malgré tout son génie, en a été la victime, comme tant d’autres, encore plus malheureux que lui. Ses œuvres n’ont pas péri tout entières, et ce qui en est resté a suffi, tout à la fois, à sa gloire et à l’instruction du genre humain. Parmi les grands hommes, qui peut se flatter d’avoir eu une destinée meilleure ?

Contentons-nous donc de la composition de l’Histoire des Animaux, telle qu’elle est actuellement entre nos mains, et bien qu’elle doive nous sembler peu satisfaisante à quelques égards, ne lui ménageons, ni notre estime, ni notre reconnaissance.

Toutes les preuves d’authenticité que nous venons d’énumérer historiquement sont de celles qu’on peut appeler extrinsèques, c’est-à-dire que, depuis Théophraste jusqu’à Gaza, elles sont toutes, malgré leur valeur réelle, étrangères à Aristote lui-même et à ses ouvrages les plus authentiques. Mais il est tout un genre de preuves qui émanent de lui personnellement, et qu’on peut recueillir dans les deux traités qui, plusieurs fois annoncés dans l’Histoire des Animaux, en sont la suite nécessaire et incontestée. Ces deux traités sont ceux des Parties des Animaux et de la Génération des Animaux, ce dernier pouvant passer à bon titre pour le chef-d’œuvre zoologique du philosophe grec. Or, dans l’un et l’autre de ces traités, l’Histoire des Animaux est expressément nommée à quinze ou seize reprises, et presque toujours en compagnie des Traités spéciaux d’Anatomie, qui malheureusement ne sont pas parvenus jusqu’à nous, à notre très-grand regret.

Prenant d’abord par ordre les citations qui se présentent dans le Traité des Parties, on rencontre l’Histoire des Animaux nommée, livre II, ch. I, p. 19, édition Langkavel, à propos de l’étude qui y a été consacrée aux parties essentielles de l’animal, dont on a précisé la nature et le nombre. C’est en effet à cet exposé que le premier livre de l’Histoire des Animaux a été donné tout entier. Le Traité des Parties se propose d’entrer dans des détails, en ce qui concerne chacun des organes dont l’Histoire des Animaux n’a pu parler que d’une manière générale et sommaire.

Un peu plus loin, dans ce même second livre des Parties (livre II, ch. XVII, p. 86, édition Langkavel), il est question de l’organisation de la langue des animaux et par suite de leur voix ; et l’on s’en réfère à ce qui a été dit sur ce sujet dans l’Histoire des Animaux ; ce passage est exactement dans le IVe livre de cette histoire, ch. IX, §§ 1 et 13.

Dans le livre III, ch. V, p. 77, même édition, on renvoie, pour le système général des veines dans le corps humain, à la théorie exposée dans les Livres d’Anatomie et dans l’Histoire des Animaux. Ce dernier ouvrage, à défaut de l’autre, qui est perdu, donne cette théorie tout au long, livre III, ch. II, §§ 2 et suivants.

Livre IV, ch. VIII, p. 117, ibid., les Livres d’Anatomie et l’Histoire des Animaux sont cités simultanément à propos des crabes et de leurs pinces. On peut voir en effet ce qu’en dit l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. II, §§ 8 et 15, et ch. III, § 2.

Enfin, dans ce même livre IV du Traité des Parties, on renvoie aux Livres d’Anatomie et à l’Histoire des Animaux, pour ce qui concerne les menstrues et la liqueur séminale. Ce sont là deux sujets qu’Aristote a exposés tout au long dans l’Histoire des Animaux, sans compter ses éclaircissements anatomiques, livre III, ch. XVII, §§ 1 et suivants, et livre VII, ch. I, § 12, et ch. II, §§ 1 et suivants.

Voilà déjà cinq citations dans le seul Traité des Parties. Celles qu’on peut tirer du Traité de la Génération sont deux fois plus nombreuses, et ne sont pas moins nettes.

Traité de la Génération des Animaux, livre I, § 8, page 46, édit, et trad. Aubert et Wimmer, l’auteur, parlant de l’organisation des testicules dans les animaux en général, s’en réfère pour plus de précision à l’Histoire des Animaux, où en effet ce sujet est longuement étudié, livre I, ch. X, § 5 ; et livre III, ch. I, §§ 7 et 22, avec des références spéciales aux Livres d’Anatomie.

Même livre de la Génération, il est parlé de nouveau des testicules, § 10, p. 48, ibid. ; de nouveau, on allègue l’Histoire des Animaux ; et le détail particulier dont il s’agit s’y trouve, livre III, ch. I, § 15.

Même livre, § 84, p. 106, ibid., l’Histoire des Animaux est nommée encore à propos des menstrues ; et en effet elle traite ce sujet, livre III, ch. XIV, § 9.

Même livre, § 20, p. 58, ibid., les Livres d’Anatomie et l’Histoire des Animaux sont nommés à propos des matrices ; et cette discussion se trouve dans l’Histoire des Animaux, livre III, ch. I, §§ 15 et 22.

Livre II du Traité de la Génération des Animaux, §65, p. 168, ibid., on s’en réfère aux Livres d’Anatomie et à l’Histoire des Animaux, pour la théorie du sang, qu’on peut lire dans cette histoire, livre III, ch. II, §§ 2 et suiv.

Autre citation des Livres d’Anatomie et de l’Histoire des Animaux sur la même théorie, Traité de la Génération, livre II, § 116, p. 196, ibid. ; et l’Histoire des Animaux, livre III, ch. II, III, IV.

Traité de la Génération des Animaux, livre III, § 15, p. 220, on renvoie pour la fécondation spontanée des œufs de poissons à l’Histoire des Animaux, où ce sujet est traité, livre III, ch. I, §§ 2 et suiv., et livre VI, ch. X, §§ 8 et 18.

Même livre III de la Génération des Animaux, § 41, p. 234, ibid., l’Histoire des Animaux est nommée sur l’organisation des membranes et du cordon ombilical et sûr l’œuf. On peut voir dans l’Histoire des Animaux comment ces sujets sont exposés avec grands détails, livre VI, ch. III, §§ 6 et suivants.

Même livre de la Génération, III, § 102, p. 268, ibid., l’auteur renvoie à l’Histoire des Animaux, pour l’étude sur les abeilles, qu’on trouve, avec les développements les plus précieux, dans cette histoire, livre IX, ch. XXVII et XXVIII.

Même livre III, § 123, p. 278, ibid., de la Génération des Animaux, on s’en réfère, pour la retraite ou hivernage des poissons, à l’Histoire des Animaux, qui traite ce sujet, livre VIII, ch. XVII, §§ 6 et suiv.

Ainsi, de compte fait, voilà dix citations formelles de l’Histoire des Animaux dans le Traité de la Génération, indépendamment des cinq qu’on peut emprunter au Traité des Parties des Animaux. Parfois, les références de ce genre peuvent avoir été ajoutées après coup ; mais ici on ne peut douter qu’elles ne viennent bien de l’auteur même de l’Histoire des Animaux, puisque, même sans ces indications positives, les théories des deux ouvrages qui les contiennent sont absolument identiques à celles que l’Histoire des Animaux développe avec tant de profondeur, quoique parfois avec moins d’étendue.

Ajoutez que, outre ces deux ouvrages des Parties et de la Génération, l’Histoire des Animaux est encore citée deux fois dans le petit Traité de la Respiration, à propos de la respiration des mollusques, des crustacés, des polypes, etc., etc., et à propos de la communication du cœur et du poumon. On peut trouver ces deux citations dans le Traité de la Respiration ; ch. XII, § 6, p. 385, et ch. XVI, §§ 1 et 3, pp. 393 et 394 de ma traduction ; et aussi les passages correspondants dans l’Histoire des Animaux, livre I, ch. IX, § 8 ; livre VIII, ch. II, § 6 ; et livre I, ch. XIV, § 3.

Nous ne voulons pas pousser plus loin ces rapprochements entre les deux ouvrages des Parties et de la Génération des Animaux d’une part, et l’Histoire des Animaux d’autre part ; on pourrait les multiplier presque sans fin à cause de l’identité des principes et des théories, amenant sans cesse les allusions les plus transparentes. Ce serait inutile désormais, et ce serait tomber dans des redites. Mais nous ne pouvons quitter ce point sans signaler encore deux de ces allusions, qui nous semblent d’autant plus remarquables que les ouvrages où elles se présentent n’ont aucun rapport avec la science zoologique, et qu’ils sont à compter parmi les plus authentiques et les plus beaux d’Aristote. Je veux parler du Traité de l’Ame et de la Politique.

Après avoir exposé quelles sont les principales facultés de l’âme, nutrition, sensibilité, mouvement, pensée, et avoir montré dans quelle mesure les êtres vivants y participent, depuis la plante jusqu’à l’homme, Aristote s’arrête à la répartition de ces facultés entre les animaux ; les uns les ont toutes sans exception ; d’autres n’en ont que quelques-unes ; d’autres n’en ont qu’une seule : « Il en est de même pour les sens, ajoute-t-il. Certains animaux ont les cinq sens ; d’autres n’en ont que quelques-uns ; d’autres enfin n’en ont qu’un seul, et c’est alors le plus nécessaire de tous, le toucher. » (Traité de l’Ame, livre II, ch. II, § 11, page 178 de ma traduction.) C’est là précisément la doctrine exposée dans l’Histoire des Animaux, livre I, ch. III, § 1 ; et il est bien probable qu’Aristote y pensait en écrivant ce passage, dans son traité psychologique.

L’allusion qu’on trouve dans la Politique (livre VI, ch. III, § 9, p. 305 de ma traduction, 3e édition) est plus directe et plus reconnaissable encore. Aristote veut classer les diverses formes de gouvernements et même les nuances de chacun d’eux, et il ajoute : « Lorsqu’en histoire naturelle, on veut connaître toutes les espèces du règne animal, on commence par déterminer les organes indispensables à tout animal sans exception ; par exemple, quelques-uns des sens qu’il possède, les organes de la nutrition, qui reçoivent et digèrent les aliments comme la bouche et l’estomac, et de plus l’appareil locomoteur de chaque espèce. En supposant qu’il n’y eût pas d’autres organes que ceux-là, mais qu’ils fussent dissemblables entre eux, que, par exemple, la bouche, l’estomac, les sens et en outre les appareils locomoteurs ne se ressemblassent pas, le nombre de leurs combinaisons réelles formerait nécessairement autant d’espèces distinctes d’animaux ; car il est impossible qu’une même espèce ait plusieurs genres différents d’un même organe, bouche, oreille, etc. Toutes les combinaisons possibles de ces organes suffiront donc pour constituer des espèces nouvelles d’animaux, et ces espèces seront précisément aussi multipliées que pourront l’être les combinaisons des organes indispensables. »

Jusqu’à quel point ce grand principe de classification zoologique peut-il s’appliquer à la classification des gouvernements et des États, c’est ce qui ne nous importe point ici ; mais ce qui nous intéresse particulièrement, c’est de retrouver, dans la Politique d’Aristote, la confirmation éclatante d’un principe qui est le fond même de toute l’Histoire des Animaux, comme on peut le vérifier dans son premier livre, et qui en révèle la méthode, conservée sagement par la science moderne. L’Histoire des Animaux est donc bien de la même main qui a écrit la Politique et le Traité de l’Ame.

Après tous les développements qui ont été donnés à la question de l’authenticité, il semble qu’il ne peut plus rester l’ombre la plus légère qui l’obscurcisse. En un mot, et pour résumer tout ce qu’on vient de voir, on doit affirmer que l’Histoire des Animaux, sauf quelques taches presque imperceptibles, est authentique aussi bien que le Traité des Parties des Animaux, aussi bien que le Traité de la Génération des Animaux. A eux trois, ces incomparables ouvrages forment un ensemble systématique, où ils sont également inséparables et nécessaires. Nous n’avons pas plus de raison de douter qu’ils ne soient d’Aristote que si nous nous prenions à croire que le Système de la nature n’est pas de Linné, que la Théorie de la Terre n’est pas de Buffon, ou que le Règne animal n’est pas de Cuvier.

SOMMAIRE DES CHAPITRES

DES IX LIVRES
DE L’HISTOIRE DES ANIMAUX

LIVRE PREMIER
Chapitre I.Variétés infinies des animaux : dans les parties dont ils sont composés et qui se décomposent elles-mêmes en parties similaires et non similaires ; dans l’analogie des parties pour des genres différents ; dans la dimension des parties ; dans la nature de leurs parties, sèches, liquides, ou solides ; dans leur genre de vie, selon qu’ils vivent sur terre ou dans l’eau ; dans leur immobilité ou leur locomotion ; dans leur habitude de vivre en troupes ou solitaires ; dans les sons qu’ils produisent, inarticulés ou articulés ; dans leurs chants ou leur mutisme ; dans leur caractère ; privilège et supériorité de l’homme, doué de la réflexion et de la réminiscence. 
 1
Ch. IIParties communes à tous les animaux : l’une pour prendre la nourriture, l’autre pour en rejeter l’excrétion ; La bouche, l’intestin ; rapports de la vessie pour l’excrétion liquide, et de l’intestin pour l’excrétion sèche ; organes génitaux. 
 20
Ch. IIILe toucher est le seul sens qui soit commun à tous les animaux ; tout animal a un fluide indispensable à son existence ; parties où se trouve le sens du toucher et où se trouvent les facultés actives ; animaux qui ont du sang ; animaux qui n’en ont pas. 
 23
Ch. IV.Distinction des animaux en vivipares, ovipares et vermipares ; les animaux à poils sont vivipares ; définition de l’œuf et de la larve ; variétés dans les vivipares ; variétés dans la nature des œufs ; annonce de recherches plus détaillées ; citation du Traité de la Génération des Animaux. 
 25
Ch. V.Animaux pourvus de pieds ; animaux sans pieds ; dipodes ; tétrapodes ; polypodes ; les pieds sont toujours en nombre pair ; animaux qui nagent ; poissons sans nageoires ; position des nageoires ; poissons qui ont à la fois des pieds et des nageoires ; volatiles qui ont des ailes de plume ; volatiles à membranes plus ou moins épaisses ; volatiles qui ont du sang ou qui n’en ont pas ; volatiles à élytres ; dimensions des animaux dans l’eau ou sur terre, et selon les climats ; moyens généraux de locomotion chez les animaux ; nombre de pieds ; mouvement diamétral. 
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Ch. VI.Diversité des genres des animaux ; les genres les plus étendus sont ceux des oiseaux, des poissons et des cétacés ; coquillages durs ; coquillages mous ; mollusques ; insectes ; genres privés de sang ; distinctions dans les quadrupèdes, vivipares, ovipares ; distinctions plus ou moins précises des espèces. — Méthode à suivre dans l’histoire des animaux ; il faut commencer par l’étude de l’homme, qui nous est le mieux connu de tous ; étude préalable des parties organiques. 
 36
Ch. VII.Principales parties de notre corps : tête, cou, tronc, bras, jambes ; le crâne est la partie de la tête qui est chevelue ; la fontanelle, l’occiput, le sommet du crâne ; os du crâne ; sutures dans la femme et dans l’homme. 
 43
Ch. VIII.Place du visage ; l’homme seul en a un ; le front et ses formes diverses indiquent la portée de l’intelligence ; les sourcils donnent des indications sur le caractère ; les yeux et leurs parties diverses, paupières supérieure et inférieure, les cils, la pupille ; partie noire, partie blanche de l’œil ; coins des yeux ; tous les animaux ont des yeux, excepté les crustacés ; yeux de la taupe ; blanc de l’œil pareil chez tous les hommes ; variétés de couleurs de la partie noire chez l’homme seul ; dimensions des yeux ; leur position ; indications morales qu’on peut tirer des yeux. 
 45
Ch. IX.Description de l’oreille ; erreur d’Alcméon ; organe de l’ouïe ; deux parties de l’oreille, dont l’une est le lobe ; l’oreille ne communique pas avec le cerveau ; l’oreille n’est immobile que chez l’homme ; formes diverses de l’organe auditif chez les animaux ; les oreilles de l’homme sont sur la même ligne que les yeux ; dimensions des oreilles ; description du nez ; ses fonctions dans la respiration ; l’éternuement ; organisation intérieure du nez ; sens de l’odorat ; le nez extraordinaire de l’éléphant ; mâchoires et lèvres ; description de la langue, sens des saveurs ; amygdales ; gencives ; voile du palais. 
 50
Ch. X.Le cou ; sa position ; le larynx, l’œsophage ; la nuque, derrière du cou ; le tronc et ses diverses parties antérieures, la poitrine, les mamelles, le mamelon ; hommes qui ont du lait ; le ventre, le nombril ; l’abdomen au-dessous du nombril, et l’hypocondre au-dessous ; ceinture et rein ; parties honteuses de l’homme et de la femme ; leurs différences ; conduit urétral chez les deux ; rôle des parties communes dans le corps ; le derrière du tronc ; le dos ; les huit côtes de chaque côté ; récit fabuleux sur des hommes à sept côtés. 
 58
Ch. XI.Parties du corps de l’homme, supérieures, inférieures, antérieures postérieures, gauches droites ; rapports de ces parties ; les droites sont en général plus fortes ; membres supérieurs, les bras ; la main, les doigts ; leur flexion ; intérieur et dehors de la main ; le poignet ; membres inférieurs, la cuisse, la rotule, la jambe ; la cheville ; le pied, ses os ; dessus et dessous du pied ; les ongles ; le genou ; signes à tirer de la conformation du pied et de la main. 
 63
Ch. XII.Positions des parties ; en haut, en bas, devant et derrière, droite et gauche correspondent dans l’homme à ces positions dans l’univers ; privilège de l’homme ; position particulière de la tête dans le corps humain ; retour sur les parties diverses qui le composent, depuis le cou jusqu’aux pieds ; correspondance des flexions des bras et des jambes ; sens et organes des sens placés en avant ; oreilles et ouïe placées sur le côté ; écartement des yeux ; le toucher est le sens le plus développé, puis le goût ; infériorité de l’homme pour les autres sens. 
 50
Ch. XIII.Parties intérieures du corps humain ; description du cerveau ; les méninges ; l’homme est l’animal qui a l’encéphale le plus développé ; chez l’homme, l’encéphale est double ; le cervelet ; volume de la tête ; l’encéphale n’a pas de sang ; l’os de la fontanelle est le plus mince de toute la tête ; rapports de l’œil avec l’encéphale ; parties intérieures du cou ; la trachée-artère ; sa place, sa nature, sa communication avec le nez ; l’épiglotte ; description du poumon ; ramifications de la trachée-artère ; description du cœur ; ses rapports avec la trachée-artère ; description de l’œsophage, de l’estomac, des intestins ; l’épiploon ; le mésentère. 
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Ch. XIV.Du cœur dans le corps humain ; ses cavités ; sa position ; sa pointe toujours dirigée en avant ; méprises dans la dissection ; le cœur est placé à gauche ; description des trois cavités ; communication du cœur avec le poumon ; expérience qui prouve cette communication ; le poumon est de tous les organes celui qui a le plus de sang ; mais ce sang est dans les veines qui le traversent, tandis que le cœur a le sang en lui-même ; différence du sang selon les cavités ; description du diaphragme ; le foie, la rate, l’épiploon ; le foie n’a pas de fiel ; singularité des moutons de l’Eubée et de ceux de Naxos ; description des reins, ou rognons, dans l’homme ; leur organisation ; vaisseaux qui se rendent des reins à la vessie ; description de la vessie ; organe sexuel chez l’homme ; testicules ; la seule différence chez la femme consiste dans la matrice ; dessins anatomiques à consulter, annonce de travaux ultérieurs. 
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LIVRE PREMIER


CHAPITRE PREMIER

Variétés infinies des animaux : dans les parties dont ils sont composés et qui se décomposent elles-mêmes en parties similaires et non similaires ; dans l’analogie des parties pour des genres différents ; dans la dimension des parties ; dans la nature de leurs parties, sèches, liquides, ou solides ; dans leur genre de vie, selon qu’ils vivent sur terre ou dans l’eau ; dans leur immobilité ou leur locomotion ; dans leur habitude de vivre en troupes ou solitaires ; dans les sons qu’ils produisent, inarticulés ou articulés ; dans leurs chants ou leur mutisme ; dans leur caractère ; privilège et supériorité de l’homme, doué de la réflexion et de la réminiscence.

§ 1[2]. Entre les parties dont les animaux sont formés, il y en a qui ne sont pas complexes ; ce sont celles qui peuvent se diviser en parties similaires, comme les chairs, qui se divisent toujours en chairs ; il y en a d’autres, au contraire, qui sont complexes, comme toutes celles qui se divisent en parties non similaires ; et telles sont, par exemple, la main, qui ne se divise pas en plusieurs mains ; ou le visage, qui ne se divise pas non plus en plusieurs visages. § 2[3]. De ces parties non composées, il en est qu’on n’appelle pas seulement des parties, mais qu’on appelle plus proprement des membres ; ce sont en général les parties qui, formant un tout complet, renferment encore en elles d’autres parties distinctes. C’est ce qu’on peut voir pour la tête, pour la jambe, pour la main, pour le bras pris dans son ensemble, pour la poitrine, puisque chacune de ces parties composent un tout, et qu’en outre, elles contiennent en elles d’autres parties encore. § 3[4]. Toutes les parties non similaires se composent à leur tour de parties similaires : la main, par exemple, est composée de chair, de nerfs et d’os. § 4[5]. Il y a des animaux chez qui toutes les parties sont mutuellement semblables ; il en est aussi chez lesquels elles sont fort différentes. Les parties sont spécifiquement les mêmes, comme le nez et l’œil d’un homme sont de même espèce que le nez et l’œil d’un autre homme ; comme sa chair est semblable à la chair ; et ses os, aux os. On en peut dire autant des chevaux, ou de tels autres animaux que nous trouvons d’espèce identique les uns aux autres ; car la ressemblance qui se manifeste de l’animal entier à un autre animal entier, se reproduit également entre chacune de leurs parties, les unes relativement aux autres. § 5[6]. Toutefois ces parties, tout en étant pareilles dans tous les animaux d’un même genre, diffèrent néanmoins selon qu’elles sont plus grandes ou moins grandes. Quand je dis genre, j’entends par exemple, l’oiseau et le poisson. Ces deux êtres ont entre eux une différence de genre ; et chacun d’eux, dans leur genre particulier, ont encore d’autres différences, puisqu’il y a plusieurs espèces de poissons et d’oiseaux. § 6[7]. Dans ces genres mêmes, ce qui fait ordinairement les différences les plus sensibles entre presque toutes les parties, outre les contrariétés de modifications dans la couleur et dans la forme, c’est que ces modifications affectent davantage certaines parties et qu’elles affectent moins les autres. C’est ainsi que ces différences se marquent par leur nombre plus grand ou plus petit, par les proportions de leur grandeur ou de leur petitesse, et en général par l’excès ou le défaut, c’est-à-dire le plus ou le moins.

§ 7[8]. Il y a des animaux dont la chair est molle, d’autres dont la chair est dure ; ceux-ci ont un long bec (comme les grues) ; chez ceux-là, le bec est court. Ici, le plumage est abondant ; là, il est presque nul. Même dans certains genres, les parties sont différentes selon les espèces : ainsi, les uns ont des ergots, tandis que les autres n’en ont pas ; les uns ont des crêtes, qui manquent aux autres. En un mot, ou la plupart des parties qui composent la masse entière de l’animal peuvent être les mêmes ; ou elles peuvent différer par des qualités contraires, et des dimensions plus ou moins fortes. Le plus et le moins dans ces dimensions constitue ce qu’on peut appeler l’excès des unes et le défaut des autres.

§ 8[9]. Dans quelques animaux, ce n’est pas l’identité des parties sous le rapport de l’espèce, ni l’identité selon le plus ou moins de grandeur, qu’il faut remarquer ; c’est l’identité par simple analogie. Et, par exemple, l’os est analogue à l’arête, l’ongle à la corne, la main à la pince, la plume à l’écaille, etc. ; car ce qu’est la plume dans l’oiseau, l’écaille l’est dans le poisson. Non seulement les parties dont se composent les animaux diffèrent entre elles, ou se ressemblent, comme on vient de le dire ; mais elles se ressemblent encore ou diffèrent par leur position ; car beaucoup d’animaux ont bien les mêmes parties, mais ces parties ne sont pas posées de même : par exemple, les mamelles sont placées pour les uns sur la poitrine ; pour les autres, elles sont placées entre les cuisses.

§ 9[10]. Les parties similaires sont tantôt molles et liquides ; tantôt, sèches et solides. Les parties liquides sont liquides d’une manière absolue, ou du moins tant qu’elles restent dans leur disposition naturelle ; et tels sont le sang, la lymphe, la graisse, le suif, la moelle, le sperme, la bile, le lait, dans les animaux qui sécrètent ces matières, la chair et les matières analogues. Dans une autre classe, on peut indiquer aussi les excrétions, telles que le phlegme, et tout ce que rejettent les intestins et la vessie. Les parties sèches et solides, ce sont, par exemple, les nerfs, la peau, les veines, les cheveux, les os, les cartilages, les ongles, les cornes. D’ailleurs, on se sert du même mot qui exprime la partie, quand, par sa forme, le tout doit être appelé aussi de la corne. Les parties molles et liquides, sèches et solides, sont encore tout ce qui correspond aux parties qu’on vient d’énumérer.

§ 10[11]. Les différences des animaux se montrent dans leur genre de vie, dans leurs actions, dans leur caractère, aussi bien que dans leurs parties. Traçons-en d’abord une esquisse générale ; et plus tard, nous insisterons plus spécialement sur chaque genre. Les différences qui regardent la manière de vivre, les actes et le caractère, tiennent à ce que les uns vivent dans l’eau ; et les autres, sur la terre. § 11[12]. Parmi les animaux aquatiques, il y a deux espèces à distinguer. La première vit dans l’eau et s’y nourrit ; elle absorbe le liquide et le rejette ; si elle vient à en manquer, elle ne peut plus vivre. C’est le cas de la plupart des poissons. La seconde espèce se nourrit aussi dans l’eau et y passe sa vie ; mais cependant elle ne respire pas l’eau ; elle respire l’air et se reproduit hors du liquide.

§ 12[13]. Bon nombre de ces derniers animaux sont pourvus de pieds, comme la loutre, le castor et le crocodile ; ou aussi, pourvus d’ailes, comme la mouette et le plongeon. Quelques-uns se nourrissent également dans l’eau et ne peuvent vivre dehors ; et pourtant, ils n’absorbent ni l’air, ni l’eau, comme l’ortie de mer et l’huître. Parmi les animaux aquatiques, les uns vivent dans la mer ; les autres, dans les rivières ; ceux-ci, dans les lacs ; ceux-là, dans les mares, comme la grenouille et le cordyle. Les animaux marins habitent, tantôt la haute mer, tantôt les rivages et les rochers.

§ 13[14]. Quant aux animaux terrestres, il y en a qui reçoivent l’air et le rejettent ; c’est ce qu’on appelle aspirer et expirer ; on observe ce phénomène dans l’homme, et dans tous les animaux terrestres qui ont des poumons. D’autres au contraire n’absorbent pas l’air ; mais ils vivent et trouvent leur nourriture sur le sol, comme la guêpe, l’abeille et les autres insectes. Par Insectes, j’entends tous les animaux qui ont des sections dans leur corps, que ces sections soient sous le ventre seulement, ou qu’elles soient à la fois sous le ventre et aussi sur le dos. § 14[15]. Ainsi qu’on vient de le dire, un grand nombre d’animaux terrestres tirent leur nourriture de l’eau ; mais pas un seul animal aquatique, ou absorbant l’eau de mer, ne trouve sur terre ses aliments. Quelques animaux en petit nombre vivent d’abord dans l’eau, et changent ensuite de forme pour vire dehors ; telles sont les empis ou mouches de rivière, d’où naissent les taons.

§ 15[16]. Il est des animaux qui restent toujours en place ; il en est d’autres qui en changent. Ceux qui restent immobiles sont dans l’eau ; mais pas un seul animal terrestre n’est immobile. Dans l’eau, il y en a beaucoup qui continuent à vivre là où ils naissent, comme bien des espèces de coquillages. Même il semble que l’éponge a une sorte de sensibilité ; et ce qui le prouverait, c’est qu’elle est plus difficile à détacher, à ce qu’on prétend, quand on ne sait pas dissimuler le mouvement par lequel on la saisit. Il y a même aussi des animaux aquatiques qui sont attachés et qui se détachent, comme certaine espèce de ce qu’on nomme les orties de mer, qui, dans la nuit, se détachent du rocher pour aller chercher leur pâture. § 16[17]. Beaucoup qui sont détachés sont néanmoins immobiles, comme les huîtres et ce qu’on appelle les holothuries. Certains animaux aquatiques nagent, comme les poissons, les mollusques, et ceux dont l’écaille est molle, ainsi qu’elle l’est dans les langoustes ; certains autres ont la faculté de marcher, comme l’espèce des crabes, qui, tout en étant naturellement aquatiques, n’en marchent pas moins sur terre.

§ 17[18]. Les animaux terrestres peuvent tantôt voler, comme les oiseaux et les abeilles, qui d’ailleurs diffèrent les uns des autres à bien des égards ; et tantôt, ils se meuvent sur terre, soit qu’ils marchent, soit qu’ils rampent, soit qu’ils se roulent. Aucun animal n’est simplement volatile, de même que le poisson n’est doué que de la faculté de nager. En effet, les animaux qui ont des ailes membraneuses peuvent aussi marcher ; la chauve-souris a des pieds, de même que le phoque a également des pieds, quoique mal conformés. Il y a encore quelques oiseaux qui ont des pieds très mauvais, et que, pour cette raison, on appelle apodes, ou sans pieds. Par contre, ce genre d’oiseaux vole à merveille ; et toutes les espèces qui leur ressemblent ont en général des ailes excellentes et des pieds très faibles, comme l’hirondelle et le martinet. § 18[19]. Du reste, tous ces oiseaux, ayant les mêmes allures et le même plumage, se rapprochent beaucoup d’aspect entre eux. L’apode se montre en toute saison, tandis que le martinet ne se montre qu’en été, quand il pleut : c’est alors qu’on le voit et qu’on le prend. D’ailleurs, c’est un oiseau qu’on aperçoit rarement. Il y a beaucoup d’animaux qui ont à la fois les deux qualités de pouvoir marcher et de pouvoir nager.

§ 19[20]. Des différences se présentent aussi dans le genre de vie des animaux et dans leurs actes. Ceux-ci vivent en troupe ; ceux-là sont solitaires, soit qu’ils marchent sur terre, soit qu’ils volent ou qu’ils nagent ; d’autres ont indifféremment les deux genres de vie. Ceux qui vivent en troupe, tantôt sont organisés en sociétés fixes, tantôt ils sont errants. Les animaux vivant en troupe sont, par exemple, dans les volatiles, le genre des colombes, la grue, le cygne, etc. Ceux qui sont munis d’ongles crochus ne vivent jamais en troupe. § 20[21]. Parmi les poissons qui vivent en pleine mer, il y en a un bon nombre qui vivent en troupe, comme les dromades, les thons, les pélamydes, les amies ou bonitons. L’homme vit également des deux façons, ou en troupe, ou solitaire. Les animaux qui forment des sociétés sont ceux qui ont à faire un travail identique et commun ; mais tous les animaux vivant en troupes ne forment pas des sociétés dans ce but. Au contraire, l’homme, l’abeille, la guêpe, la fourmi, la grue forment des sociétés de ce genre ; et de ces sociétés, les unes ont un chef, tandis que les autres n’en ont pas. Ainsi, la grue et l’espèce des abeilles ont un chef, tandis que les fourmis et tant d’autres n’en ont pas. § 21[22]. Les animaux vivant en troupe et les solitaires, tantôt restent dans les mêmes lieux, et tantôt ils en changent. Les uns sont carnivores, les autres frugivores ; les uns mangent de tout ; les autres ont une pâture toute spéciale, comme les abeilles et les araignées. Les abeilles font leur nourriture du miel, et de quelques autres matières aussi douces ; les araignées vivent des mouches qu’elles chassent. § 22[23]. Il y a des animaux qui se nourrissent de poissons. Il y en a qui sont chasseurs ; d’autres font provision d’aliments ; d’autres n’ont pas ce soin. Les uns ont des demeures ; d’autres n’en ont pas. Ainsi la taupe, le rat, la fourmi, l’abeille en ont ; mais la plupart des insectes et des quadrupèdes s’en passent. Ceux-ci, comme le lézard et le serpent, vivent dans des trous ; ceux-là, comme le cheval et le chien sont toujours à la surface de la terre. Les uns se creusent des tanières ; les autres ne s’en font pas. Les uns vivent toujours dans les ténèbres, comme la chouette et la chauve-souris ; les autres, à la clarté du jour. § 23[24]. De plus, tels animaux sont privés ; tels autres sont sauvages. Les uns sont toujours privés, comme l’homme et le mulet ; d’autres restent toujours sauvages, comme la panthère et le loup ; d’autres encore sont susceptibles de s’apprivoiser très vite comme l’éléphant. A un autre point de vue, toutes les espèces qui sont privées peuvent être sauvages aussi, comme les chevaux, les bœufs, les cochons, les moutons, les chèvres et les chiens.

§ 24[25]. Il y a des animaux qui émettent des sons ; d’autres sont muets. Parmi ceux qui ont une voix, les uns l’articulent ; les autres produisent des bruits que les lettres ne peuvent représenter. Ceux-ci sont bavards ; ceux-là sont silencieux ; ceux-ci ont un chant ; ceux-là n’en ont pas ; mais une qualité commune à tous, c’est qu’ils chantent ou jasent bien davantage au temps de l’accouplement. Les uns se plaisent dans les champs, comme le ramier ; d’autres, sur les montagnes, comme la huppe ; d’autres vivent familièrement avec l’homme, comme le pigeon. Les uns sont lascifs, comme les perdrix et les coqs ; les autres sont plus retenus, comme le corbeau et les espèces analogues, qui ne s’accouplent que de loin à loin. Parmi les animaux marins, les uns vivent en haute mer ; les autres, sur les bords ; d’autres, dans les rochers. Certains animaux se défendent et attaquent ; certains autres se bornent à se garder ; les animaux qui attaquent sont ceux qui dressent des pièges et qui se défendent quand ils sont attaqués ; ceux qui se gardent sont ceux qui ont en eux-mêmes un instinct qui les avertit du mal qui les menace.

§ 25[26]. Le caractère des animaux n’offre pas moins de différences. Les uns sont doux et ne s’irritent presque jamais ; ils ne résistent pas ; tel est le bœuf. D’autres, au contraire, sont enclins à la fureur, à la résistance ; et l’on ne peut rien leur apprendre ; tel est le sanglier. Ceux-ci sont prudents et craintifs, comme le cerf et le lièvre ; ceux-là sont vils et traîtres, comme les serpents. D’autres sont nobles, courageux et fiers, comme le lion. D’autres sont franchement féroces et rusés, comme le loup. J’entends par noble, en parlant d’un animal, celui qui sort d’une race bien douée ; et j’entends par franc celui qui n’a rien perdu de la nature qui lui est propre. § 26[27]. Tel animal est plein d’activité et de malice, comme le renard ; tel autre, comme le chien, est plein de cœur, d’attachement et de fidélité. D’autres sont doux et faciles à apprivoiser, comme l’éléphant ; d’autres, comme l’oie, sont timides et de bonne garde. D’autres sont jaloux et vaniteux, comme le paon. Entre tous les animaux, l’homme seul a le privilège de la réflexion. Beaucoup d’animaux autres que lui ont également la faculté de se souvenir et d’apprendre ; mais l’homme seul a le don de se ressouvenir à volonté.

§ 27. Nous reviendrons plus tard avec plus de précision encore sur ce qui regarde les diverses espèces d’animaux, et aussi sur le caractère et la façon de vivre de chacune de ces espèces.


Ch. 1. Ce début paraît un peu brusque ; et des commentateurs ont proposé de regarder le premier livre du Traité des Parties des Animaux comme le préambule nécessaire de l’Histoire des Animaux. Cette opinion n’est pas acceptable, puisqu’alors le Traité des Parties des Animaux serait à son tour décapité. Patrizzi croyait que l’Histoire des Animaux faisait suite au Traité des Parties. C’est le contraire qui est vrai. Voir l’Aristote de M. Lewes, p. 279. Les grands naturalistes, Buffon, Cuvier, ont commencé leurs ouvrages en exposant la méthode qu’ils comptaient suivre. Aristote n’expose pas ici la sienne, bien qu’il n’ait pas tout à fait omis ce soin, même dans l’Histoire des Animaux. Voir plus loin chap. VI, §§ 10 et 11. Mais sa méthode d’histoire naturelle est exposée surtout dans le traité des Parties des Animaux, où elle remplit tout le premier livre. Le lecteur voudra bien se reporter à cet autre ouvrage.

CHAPITRE II

Parties communes à tous les animaux : l’une pour prendre la nourriture, l’autre pour en rejeter l’excrétion ; La bouche, l’intestin ; rapports de la vessie pour l’excrétion liquide, et de l’intestin pour l’excrétion sèche ; organes génitaux.

§ 1[28]. Tous les animaux ont certaines parties qui leur sont communes : celle par où ils prennent leur nourriture, et celle où ils la reçoivent. Ces parties se ressemblent ou diffèrent entre elles, selon ce qu’on a déjà exposé, par la forme, par la dimension, par l’analogie et par la position. Mais outre ces parties que nous venons d’indiquer, la plupart des animaux ont aussi d’autres parties communes, qui leur servent à rejeter le résidu de la nourriture. Je dis La plupart, parce que tous n’ont pas cet organe. La partie qui sert à prendre la nourriture s’appelle la bouche : celle qui sert à la recevoir s’appelle l’intestin. Les autres parties ont des dénominations diverses. § 2[29]. Le résidu excrété étant de deux natures, les animaux qui ont des organes destinés à recevoir l’excrétion liquide, en ont également pour l’excrétion sèche ; mais tous les animaux qui ont cette dernière n’ont pas l’autre excrétion. Ainsi, tous les animaux qui ont une vessie ont tous un intestin ; mais ceux qui ont un intestin n’ont pas tous une vessie. Du reste, le nom de vessie s’applique à la partie qui reçoit l’excrétion liquide, et le nom d’Intestin, à la partie qui reçoit l’excrétion sèche. § 3[30]. Outre ces parties que possèdent beaucoup d’animaux, il y a la partie par laquelle ils émettent leur semence. Parmi ceux qui ont la faculté de se reproduire, on distingue l’animal qui fait l’émission en lui-même, et celui qui la fait dans un autre. Celui qui la fait en lui-même s’appelle femelle ; celui qui la fait dans un autre s’appelle mâle. Dans quelques espèces, il n’y a ni mâle ni femelle ; et la forme des organes chargés de cette fonction diffère d’une espèce à l’autre. Certaines espèces ont une matrice ; d’autres n’en ont pas.

§ 4[31]. Les parties qu’on vient d’énumérer sont les plus nécessaires ; aussi, elles se trouvent les unes dans tous les animaux, et les autres, au moins dans la plupart.


CHAPITRE III

Le toucher est le seul sens qui soit commun à tous les animaux ; tout animal a un fluide indispensable à son existence ; parties où se trouve le sens du toucher et où se trouvent les facultés actives ; animaux qui ont du sang ; animaux qui n’en ont pas.

§ 1[32]. Un seul et unique sens est commun à tous les animaux sans exception : c’est le toucher. L’organe dans lequel ce sens réside naturellement, n’a pas reçu de nom spécial, parce que, dans les uns, l’organe est identique, et que, dans les autres, c’est une partie simplement analogue. § 2[33]. Pareillement, tout animal sans exception a un fluide dont il ne peut être privé, soit naturellement, soit par violence, sans périr sur-le-champ ; et il y a de plus la partie où ce fluide est renfermé. Chez les uns, la partie liquide est le sang, et le vaisseau est la veine ; chez d’autres, c’est un fluide et un vaisseau équivalents. Lorsque ces matières sont imparfaites, c’est ce qu’on appelle la fibre et la lymphe. § 3[34]. Quant au sens du toucher, il est placé dans une partie similaire, par exemple, dans la chair, ou dans quelque chose qui la remplace. En général, chez les animaux qui ont du sang, le toucher est dans les parties sanguines ; et pour ceux qui n’en ont pas, dans la partie correspondante. § 4[35]. Si pour tous les animaux, le toucher réside évidemment dans les parties similaires, les facultés actives résident dans les parties non-similaires ; et, par exemple, l’élaboration des aliments a lieu dans la bouche ; la fonction du mouvement pour changer de lieu se fait par les pieds, par les ailes, et par les organes qui y correspondent. § 5[36]. Il faut ajouter que certains animaux ont du sang, tels que les hommes, les chevaux et tous les animaux, qui, bien que d’une organisation complète, ou n’ont pas de pieds, ou en ont deux, ou en ont quatre. Au contraire, d’autres animaux, tels que l’abeille ou la guêpe, n’ont pas de sang ; et parmi les animaux marins, tels sont la seiche et le crabe, et tous ceux qui ont plus de quatre pieds.


CHAPITRE IV

Distinction des animaux en vivipares, ovipares et vermipares ; les animaux à poils sont vivipares ; définition de l’œuf et de la larve ; variétés dans les vivipares ; variétés dans la nature des œufs ; annonce de recherches plus détaillées ; citation du Traité de la Génération des Animaux.

§ 1[37]. Les animaux sont vivipares, ovipares ou vermipares. L’homme, le cheval, le phoque et tous les animaux qui ont des poils, sont vivipares. Parmi les animaux marins, les cétacés, tels que le dauphin et les sélaciens ainsi appelés, sont vivipares également. § 2[38]. De ces animaux marins, les uns ont le tuyau-souffleur et n’ont pas de branchies, comme le dauphin et la baleine. Le dauphin a le tuyau sur le dos, tandis que la baleine l’a sur le front. D’autres ont des branchies apparentes, comme les sélaciens, les chiens de mer et les Batos.

§ 3[39]. Parmi les germes qui sont complets, on appelle œuf ce qui contient deux parties : l’une qui sert d’abord à former l’animal, et l’autre où il trouve sa nourriture, une fois qu’il est produit. C’est un ver, lorsque, d’un animal complet, sort un autre animal également complet, l’embryon s’articulant et se développant lui-même.

§ 4[40]. Parmi les vivipares, il y en a qui font des œufs à l’intérieur d’eux-mêmes, comme les sélaciens ; d’autres, comme l’homme et le cheval, font dans leur propre sein de petits animaux. § 5[41]. Pour certains animaux, quand le germe qui s’est complètement formé se produit au jour, c’est un être vivant qui en sort ; pour d’autres, c’est un œuf ; pour d’autres, c’est un ver. § 6[42]. Tantôt les œufs ont une enveloppe de coquille, comme ceux des oiseaux, et ils sont de deux couleurs ; tantôt leur enveloppe est molle, comme ceux des sélaciens, et ils n’ont qu’une couleur unique. § 7[43]. Quant aux vers, les uns se meuvent aussitôt après leur naissance ; les autres sont immobiles.

§ 8[44]. Mais ce sont là des sujets que nous traiterons avec plus de détails, quand nous nous occuperons de la Génération des Animaux.


CHAPITRE V

Animaux pourvus de pieds ; animaux sans pieds ; dipodes ; tétrapodes ; polypodes ; les pieds sont toujours en nombre pair ; animaux qui nagent ; poissons sans nageoires ; position des nageoires ; poissons qui ont à la fois des pieds et des nageoires ; volatiles qui ont des ailes de plume ; volatiles à membranes plus ou moins épaisses ; volatiles qui ont du sang ou qui n’en ont pas ; volatiles à élytres ; dimensions des animaux dans l’eau ou sur terre, et selon les climats ; moyens généraux de locomotion chez les animaux ; nombre de pieds ; mouvement diamétral.

§ 1[45]. Certains animaux ont des pieds ; d’autres n’en ont pas ; et parmi ceux qui ont des pieds, il n’y a que l’homme et l’oiseau qui en aient deux. D’autres en ont quatre, comme le lézard et le chien ; d’autres en ont davantage, comme la scolopendre et l’abeille. Mais dans tous les animaux, le nombre des pieds est toujours pair. § 2[46]. Parmi les animaux qui nagent, tous ceux qui sont privés de pieds ont des nageoires, comme les poissons. Quelques-uns ont quatre nageoires, dont deux en haut dans les parties supérieures, et deux en bas dans les parties inférieures, comme la dorade et le loup de mer. D’autres n’ont que deux nageoires seulement ; et ce sont les poissons allongés et lisses, comme l’anguille et le congre. § 3[47]. Il y a des poissons qui sont absolument dépourvus de nageoires, comme la murène ; ceux-là se servent de l’eau, comme les serpents se servent de la terre ; et ils se meuvent de la même façon dans le liquide. § 4[48]. Parmi les sélaciens, il y en a qui n’ont pas de nageoires ; et ce sont ceux qui sont larges et pourvus de queue, comme la raie et la pastenague ; ceux-là nagent grâce à leur largeur. Mais la grenouille de mer a des nageoires, ainsi qu’en ont tous les poissons dont la largeur ne va pas en s’amincissant. § 5[49]. Ceux qui ont des apparences de pieds, comme les mollusques, se servent à la fois de ces pieds et de leurs nageoires ; et ils nagent plus rapidement sur le ventre, comme la seiche, le calmar et le polype ; mais aucun des deux premiers ne peut marcher, comme le polype.

§ 6[50]. Les crustacés, comme la langouste, nagent avec leur queue ; mais ils nagent plus vite dans le sens de la queue, à cause des nageoires qu’elle porte. Le cordyle nage avec les pieds et la queue ; et sa queue ressemble à celle du Silure (ou Glanis), autant qu’une petite bête ressemble à une grande.

§ 7.[51]. Parmi les volatiles, les uns ont des plumes, comme l’aigle et l’épervier ; d’autres ont des membranes, comme l’abeille et le hanneton ; d’autres ont des ailes semblables à du cuir, comme le renard-volant et la chauve-souris. § 8[52]. Tous les volatiles qui ont du sang ont des ailes de plume ; les volatiles à ailes de cuir ont aussi du sang. Tous ceux qui n’ont pas de sang ont, comme les insectes, des ailes de duvet. § 9[53]. Les volatiles à ailes de plume et à ailes de cuir, ont deux pieds ou n’ont pas de pieds ; et l’on affirme qu’en Éthiopie on trouve des serpents qui sont organisés de même. Les volatiles qui ont des ailes à plume s’appellent des oiseaux ; les deux autres espèces de volatiles n’ont pas reçu un nom spécial et unique, qui les comprendrait toutes les deux. § 10[54]. Parmi les volatiles qui n’ont pas de sang, les uns ont un fourreau pour leurs ailes : ce sont les coléoptères, comme les hannetons et les scarabées. Les autres n’ont pas de fourreau ; et ils ont tantôt deux ailes et tantôt quatre. § 11[55]. Les quatre ailes appartiennent à ceux qui sont d’une certaine grandeur, et qui ont un dard en arrière ; ceux qui ne sont pas grands et qui ont le dard en avant, n’ont que deux ailes. § 12[56]. Pas un seul coléoptère n’a de dard. Ceux des insectes dont le dard est en avant n’ont que deux ailes, comme la mouche, le myope, le taon et le cousin.

§ 13[57]. Tous les animaux privés de sang sont plus petits que ceux qui ont du sang, à l’exception de quelques animaux marins, qui, bien que privés de sang, n’en sont pas moins énormes, comme certains mollusques. Les plus grands animaux de ce genre se trouvent dans les pays les plus chauds ; et dans la mer, les animaux sont toujours plus grands que sur terre et dans les eaux douces.

§ 14[58]. Tous les animaux qui peuvent se mouvoir se meuvent par quatre points, ou plus. Les animaux qui ont du sang n’ont que ces quatre points ; tel est l’homme, qui a deux mains et deux pieds. L’oiseau a deux ailes et deux pieds aussi. § 15[59]. Les quadrupèdes et les poissons ont, les uns quatre pieds ; les autres, quatre nageoires. Ceux qui n’ont que deux nageoires, ou qui même n’en ont pas du tout, comme le serpent, n’en ont pas moins les quatre points, puisque les flexions du corps sont au nombre de quatre, ou de deux, avec deux nageoires. § 16[60]. Tous les animaux qui, n’ayant pas de sang, ont plus de quatre pieds, qu’ils soient d’ailleurs volatiles ou qu’ils marchent sur terre, se meuvent par plus de quatre points de mouvement, comme l’animal qu’on nomme l’éphémère, qui a tout ensemble quatre pieds et quatre ailes ; car cette bête a non seulement cette particularité d’existence qui lui a valu le nom qu’elle porte ; mais de plus, elle a cette autre particularité d’être un volatile avec quatre pieds. § 17[61]. Tous les quadrupèdes et les polypèdes se meuvent d’ailleurs d’une manière semblable : leur mouvement est diamétral ; et tous les animaux ont, pour leur locomotion, deux pieds qui la commandent tour à tour ; il n’y a que le crabe seul qui ait quatre pieds de devant.


CHAPITRE VI

Diversité des genres des animaux ; les genres les plus étendus sont ceux des oiseaux, des poissons et des cétacés ; coquillages durs ; coquillages mous ; mollusques ; insectes ; genres privés de sang ; distinctions dans les quadrupèdes, vivipares, ovipares ; distinctions plus ou moins précises des espèces. — Méthode à suivre dans l’histoire des animaux ; il faut commencer par l’étude de l’homme, qui nous est le mieux connu de tous ; étude préalable des parties organiques.

§ 1[62]. Les autres genres d’animaux les plus étendus et leurs divisions principales sont les oiseaux, les poissons et les cétacés. Tous ces animaux ont du sang. § 2[63]. Un autre genre est celui des testacés, qu’on appelle huîtres ou coquillages. Puis, le genre des animaux à coquilles molles (crustacés), pour lesquels il n’y a pas de nom unique qui les comprenne tous, tels que les langoustes, les cancres et les écrevisses ; puis le genre des mollusques, comme la seiche, le grand et le petit calmar. Un autre genre est celui des insectes. § 3[64]. Ces quatre genres sont tous privés de sang ; et tous ceux d’entre eux qui ont des pieds en ont un grand nombre. Parmi les insectes, quelques-uns sont volatiles.

§ 4[65]. Les animaux autres que ceux-là ne forment pas de grandes classes ; car il n’y a plus pour eux de genre qui contienne plusieurs espèces. Parfois, l’espèce est simple et n’offre pas de différences spécifiques, comme pour l’homme, par exemple ; d’autres fois, le genre renferme bien plusieurs espèces ; mais elles n’ont pas reçu de nom particulier.

§ 5[66]. Tous les quadrupèdes, qui ne sont pas pourvus d’ailes, ont du sang ; mais les uns sont vivipares ; et les autres ovipares. Les vivipares ne sont pas tous pourvus de poils ; mais tous ceux des quadrupèdes qui sont ovipares ont des écailles, qui jouent un rôle semblable aux écailles des poissons. § 6[67]. Le genre des serpents est sans pieds, quoique, par sa nature, il ait du sang et vive sur terre ; leur peau est écailleuse. Tous les serpents sont ovipares, excepté la vipère, qui est vivipare. § 7[68]. D’ailleurs, tous les vivipares n’ont pas de poil ; et c’est ainsi qu’il y a des vivipares parmi les poissons ; mais les animaux qui sont pourvus de poils sont tous vivipares. Il faut du reste prendre aussi pour une espèce de poils ces poils en forme d’épines que portent les hérissons de terre et les porcs-épics. Ces épines en effet remplissent la fonction de poils, mais non pas de pieds, comme celles des hérissons de mer.

§ 8[69]. Dans le genre des quadrupèdes vivipares, il y a une foule d’espèces ; mais elles n’ont pas reçu de nom ; on les désigne chacune pour ainsi dire comme on le fait pour l’homme, et l’on dit : le lion, le cerf, le cheval, le chien, et ainsi de suite. Cependant il y a un surnom commun pour le genre des animaux à queue de crins, qu’on appelle Lophoures, comme le cheval, l’âne, le mulet, le bidet, le bardeau, et même les bêtes appelées hémiones en Syrie. Ces bêtes ont reçu ce nom à cause de leur ressemblance avec le mulet, bien que ce ne soit pas tout à fait la même espèce, puisque les hémiones s’accouplent et sont féconds entre eux.

§ 9[70]. Nous aurons pour cette raison à considérer chacun des animaux à part, pour étudier la nature de chacune de leurs espèces. § 10[71]. Du reste, nous n’avons fait jusqu’à présent que tracer une simple esquisse, comme on vient de voir, pour donner un avant-goût des objets que nous traiterons et de la manière dont nous les traiterons. Plus tard, nous examinerons les choses plus en détail, afin de saisir d’abord les différences réelles qui divisent les animaux et les conditions qui sont communes à tous. Ensuite, nous devrons nous efforcer de découvrir les causes de tous ces faits ; car c’est ainsi qu’on peut se faire une méthode conforme à la nature, une fois qu’on possède l’histoire de chaque animal en particulier, puisqu’alors on voit aussi évidemment que possible à quoi il faut appliquer sa démonstration et sur quelle base elle s’appuie. § 11[72]. Notre premier soin sera d’étudier les parties dont se composent les animaux ; car c’est là la plus grande et la première différence entre eux, selon qu’ils ont telles parties ou qu’ils ne les ont pas, selon la position et l’ordre de ces parties, ou selon qu’ils ont les premières différences qui ont été déjà mentionnées par nous : la forme de ces parties, leurs dimensions plus ou moins grandes, l’analogie, et la contrariété de leurs dispositions. § 12[73]. Nous nous appliquerons donc tout d’abord à l’étude des parties dont l’homme se compose ; car de même qu’on estime la valeur des monnaies en les rapportant à celle qu’on connaît le mieux, de même il faut en faire autant pour toute autre chose. C’est l’homme qui nécessairement nous est le mieux connu de tous les animaux. Il suffit du témoignage de nos sens pour savoir quelles sont ses parties ; mais cependant, pour ne rien omettre dans la suite de notre description et pour joindre à raison aux données de l’observation sensible, nous parlerons en premier lieu des parties qui forment les organes de l’homme, et ensuite, des parties similaires.


CHAPITRE VII

Principales parties du corps humain : tête, cou, tronc, bras, jambes ; le crâne est la partie de la tête qui est chevelue ; la fontanelle, l’occiput, le sommet du crâne ; os du crâne ; sutures dans la femme et dans l’homme.

§ 1[74]. Les parties principales entre lesquelles on peut diviser l’ensemble de notre corps entier sont : la tête, le cou, le tronc, les deux bras, les deux jambes ; j’entends par le tronc toute la concavité qui s’étend du cou jusqu’aux parties honteuses. § 2[75]. Dans les parties de la tête, celle qui est couverte de cheveux s’appelle le crâne. Dans le crâne, la partie antérieure est la fontanelle, qui ne se produit que postérieurement, puisque c’est l’os de notre corps qui se solidifie le dernier. La partie du crâne placée en arrière est l’occiput ; et la partie placée entre l’occiput et la fontanelle est le sommet du crâne. § 3[76]. Sous la fontanelle, est placé le cerveau ; et l’occiput est vide. Le crâne entier est un os complètement sec, arrondi, et enveloppé d’une peau qui n’a pas de chair. Chez les femmes, il n’y a qu’une suture, qui est circulaire ; chez les hommes, il y a trois sutures, qui d’ordinaire se réunissent en une seule ; cependant on a déjà vu un crâne d’homme qui n’avait aucune espèce de suture. § 4. Le sommet du crâne est le centre et le point de séparation des cheveux. Chez quelques-uns, ce point est double ; et ces sujets ont alors deux sommets de la tête ; non pas qu’il y ait deux os, mais il y a seulement deux points de séparation pour les cheveux.


CHAPITRE VIII

Place du visage ; l’homme seul en a un ; le front et ses formes diverses indiquent la portée de l’intelligence ; les sourcils donnent des indications sur le caractère ; les yeux et leurs parties diverses, paupières supérieure et inférieure, les cils, la pupille ; partie noire, partie blanche de l’œil ; coins des yeux ; tous les animaux ont des yeux, excepté les crustacés ; yeux de la taupe ; blanc de l’œil pareil chez tous les hommes ; variétés de couleurs de la partie noire chez l’homme seul ; dimensions des yeux ; leur position ; indications morales qu’on peut tirer des yeux.

§ 1[77]. La partie de la tête placée au-dessous du crâne s’appelle le visage, expression qui s’applique à l’homme seul parmi tous les animaux, puisqu’on ne dit pas le visage d’un poisson, ni d’un bœuf. La partie du visage placée sous la fontanelle et au-dessus des yeux est le front. Les hommes qui ont un grand front sont plus lents que les autres ; ceux qui ont un front petit sont très vifs ; ceux dont le front est large ont des facultés extraordinaires ; ceux dont il est rond sont d’une humeur facile.

§ 2[78]. Au-dessous du front sont les deux sourcils. Quand les sourcils sont droits, c’est le signe d’une grande douceur ; quand ils se courbent vers le nez, c’est un signe de rudesse. Infléchis vers les tempes, ils indiquent un esprit d’imitation moqueuse et de raillerie ; abaissés, ils indiquent un caractère envieux. § 3[79]. Sous les sourcils sont placés les yeux. Naturellement, ils sont deux. Les parties de chaque œil sont les paupières, l’une en haut, l’autre en bas, garnies sur leur bord de poils, qui sont les cils. La partie centrale et liquide de l’œil par laquelle on voit est la pupille ; la partie qui l’entoure est noire ; et la partie extérieure à celle-ci est blanche. Une disposition commune aux deux paupières, supérieure et inférieure, ce sont les deux coins, l’un du côté du nez, l’autre du côté des tempes. Quand ces coins sont allongés, c’est le signe d’un caractère mauvais ; quand leur chair est dentelée comme les peignes, du côté du nez, cela indique une nature vicieuse.

§ 4[80]. Toutes les espèces d’animaux ont des yeux, à l’exception des crustacés, ou de tel autre genre, aussi imparfait. Tous les vivipares en ont, excepté la taupe. On peut bien dire tout à la fois qu’elle a une sorte d’yeux, ou nier tout à fait qu’elle en ait. D’une manière absolue, elle ne voit pas, et elle n’a pas certainement d’yeux qui soient apparents. Mais en lui enlevant la peau, on reconnaît qu’elle a la place des yeux, et les parties noires de l’œil, dans le lieu et à la position que la nature assigne aux yeux qui saillissent au dehors. On dirait que ceux de la taupe ont été mutilés au moment de la naissance, et que la peau a poussé par dessus. § 5[81]. En général, le blanc de l’œil est pareil chez tous les hommes. Mais la partie qu’on appelle le noir offre de nombreuses différences. Chez les uns, elle est noire en effet ; chez d’autres, elle est d’un bleu foncé ; chez d’autres, d’un brun sombre ; chez quelques-uns, elle est grise comme l’œil des chèvres. Cette dernière couleur est le signe d’un excellent caractère ; et c’est aussi la couleur la plus favorable à une vue perçante. Il n’y a que chez l’homme, ou plutôt c’est chez lui surtout, que la couleur des yeux varie tant. Les autres animaux n’ont qu’une seule couleur. Parfois les chevaux ont l’un des deux yeux de couleur bleue. § 6[82]. Il y a des yeux qui sont grands ; d’autres sont petits ; les meilleurs sont les yeux moyens. Tantôt les yeux sont très saillants ; tantôt ils sont renfoncés ; tantôt ils sont dans une position moyenne. Ce sont les yeux les plus renfoncés qui, dans tout animal, ont la vue la plus perçante. La position moyenne indique un caractère excellent.

§ 7[83]. Il y a des gens dont les yeux clignotent ; d’autres, chez qui ils sont fixes, et d’autres dont les yeux ne sont, entre les deux, ni fixes ni mobiles. Cette disposition moyenne est encore l’indication d’une nature très bonne. Les uns ont des yeux impudents ; et chez les autres, les yeux n’ont pas d’expression constante.


CHAPITRE IX

Description de l’oreille ; erreur d’Alcméon ; organe de l’ouïe ; deux parties de l’oreille, dont l’une est le lobe ; l’oreille ne communique pas avec le cerveau ; l’oreille n’est immobile que chez l’homme ; formes diverses de l’organe auditif chez les animaux ; les oreilles de l’homme sont sur la même ligne que les yeux ; dimensions des oreilles ; description du nez ; ses fonctions dans la respiration ; l’éternuement ; organisation intérieure du nez ; sens de l’odorat ; le nez extraordinaire de l’éléphant ; mâchoires et lèvres ; description de la langue, sens des saveurs ; amygdales ; gencives ; voile du palais.

§ 1[84]. La partie de la tête par laquelle on entend, est l’oreille ; mais on ne respire pas par l’oreille ; et Alcméon n’est pas dans le vrai, quand il prétend que c’est par les oreilles que les chèvres respirent. Des deux parties de l’oreille, l’une n’a pas de nom ; l’autre s’appelle le lobe. Dans sa totalité, l’oreille est formée de cartilage et de chair. § 2[85]. Le dedans de l’oreille est de sa nature pareil aux colimaçons ; et le dernier os où le son pénètre, comme dans la cavité dernière, ressemble à l’oreille. § 3[86]. L’oreille n’a pas d’orifice dans le cerveau ; mais elle en a un dans le voile du palais ; et une veine partant du cerveau se rend à l’une et l’autre oreille. C’est aussi la disposition des yeux ; ils communiquent avec l’encéphale ; et ils sont tous deux placés sur une petite veine. § 4.[87]. De tous les animaux qui ont des oreilles, l’homme est le seul chez qui elle soit immobile ; car parmi les animaux doués de l’organe de l’ouïe, les uns ont des oreilles ; les autres n’en ont pas ; et ils n’ont à l’extérieur que le conduit auditif, comme tous les volatiles et les animaux à écailles. § 5[88]. Tous les vivipares, excepté le phoque, le dauphin et les diverses espèces de sélaciens, ont des oreilles ; car les sélaciens sont aussi des vivipares. Le phoque a des trous à l’extérieur qui lui permettent d’entendre. Le dauphin entend également, mais sans oreilles. Tous les animaux remuent donc leurs oreilles ; et l’homme est seul à ne pas les mouvoir. § 6.[89]. Les oreilles dans l’homme sont placées à la circonférence, sur la même ligne que les yeux ; elles ne sont pas au-dessus, ainsi que dans quelques quadrupèdes. Il y a des oreilles sans poils ; il y en a de velues ; d’autres tiennent le milieu. Ce sont ces dernières qui ont l’ouïe la meilleure ; mais tout cela n’indique rien pour le caractère. Il y a des oreilles grandes, petites, moyennes ; quelquefois elles sont très proéminentes, ou ne le sont pas du tout, ou sont entre les deux. § 7[90]. Les oreilles moyennes sont le signe d’un très bon caractère ; les grandes oreilles, les oreilles relevées annoncent la loquacité et la sottise. La partie comprise entre l’œil, l’oreille et le sommet de la tête, s’appelle la tempe.

§ 8[91]. La partie du visage qui sert de passage à l’air, c’est le nez ; c’est par le nez qu’on aspire et qu’on expire. C’est aussi par le nez que se fait l’éternuement, qui est l’expulsion de l’air accumulé ; et c’est le seul parmi les vents de notre corps d’où on a tiré des présages sacrés. § 9[92]. Mais il est certain que l’aspiration et l’expiration se font en même temps dans la poitrine, et que, sans la poitrine, il serait impossible d’aspirer ou d’expirer par les narines seules, parce que c’est de la poitrine que l’aspiration et l’expiration viennent par le gosier, et qu’elles n’ont lieu par aucune partie de la tête. On peut vivre d’ailleurs sans faire usage de la respiration du nez.

§ 10[93]. C’est aussi cet organe qui a le sens de l’odorat, et l’odorat n’est que la perception de l’odeur. Le nez peut se mouvoir ; et il n’est pas immobile, comme l’est particulièrement l’oreille. Une des parties du nez est un diaphragme, qui est un cartilage ; l’autre partie est un conduit qui est vide ; car le nez a deux divisions. Dans l’éléphant, le nez est long et très fort ; et il s’en sert comme d’une main. Il attire par cette sorte de main la nourriture liquide ou sèche dont il a besoin ; il la saisit et il la porte à sa bouche. Il est le seul des animaux à avoir cette conformation.

§ 11[94]. L’homme a deux mâchoires ; la partie de ces mâchoires qui s’avance davantage, c’est le menton ; l’autre qui est plus en arrière, c’est la mâchoire proprement dite. Tous les animaux ne remuent que la mâchoire inférieure, excepté le crocodile de rivière, qui est le seul à mouvoir la mâchoire d’en haut. § 12[95]. Après le nez, viennent les deux lèvres, qui sont de la chair d’une grande mobilité. La partie comprise en dedans des mâchoires et des lèvres, c’est la bouche, qui a elle-même deux parties, le palais et le pharynx. § 13[96]. La langue a la perception du goût ; et cette sensation a lieu surtout au bout de la langue ; quand l’objet est posé sur la langue à sa partie plus large, la sensation est moins vive. La langue sent d’ailleurs aussi toutes les qualités des corps que sent le reste de la chair, la dureté, le chaud, le froid ; et elle les sent tout aussi bien que les saveurs. § 14[97]. La langue peut être large ou étroite, ou de grandeur moyenne. La langue de grosseur moyenne est préférable, et la prononciation est alors la plus nette possible ; elle est encore, ou libre, ou embarrassée comme chez les bègues et les gens qui grasseyent. La chair de la langue est molle et spongieuse. L’épiglotte est une partie de la langue. § 15[98]. L’amygdale dans la bouche est double ; les gencives sont multipliées. Ces diverses parties sont charnues. En dedans des gencives, sont les dents, qui sont en os. En arrière de la bouche, il y a une autre partie qui porte le voile du palais et qui a la forme d’un grain de raisin ; c’est un pilier couvert de veines. Si cette partie chargée de liquide vient à s’enflammer, c’est ce qu’on appelle le grain, et elle étouffe le malade.


CHAPITRE X

Le cou ; sa position ; le larynx, l’œsophage ; la nuque, derrière du cou ; le tronc et ses diverses parties antérieures, la poitrine, les mamelles, le mamelon ; hommes qui ont du lait ; le ventre, le nombril ; l’abdomen au-dessous du nombril, et l’hypocondre au-dessous ; ceinture et rein ; parties honteuses de l’homme et de la femme ; leurs différences ; conduit urétral chez les deux ; rôle des parties communes dans le corps ; le derrière du tronc ; le dos ; les huit côtes de chaque côté ; récit fabuleux sur des hommes à sept côtés.

§ 1[99]. Le cou est placé entre le visage et le tronc ; sa partie supérieure est le larynx, et sa partie postérieure est l’œsophage. La partie du cou, cartilagineuse et antérieure, par où passent la voix et la respiration, s’appelle la trachée-artère. La partie charnue est l’œsophage ; elle est située intérieurement, un peu en avant de la colonne dorsale. La partie qui est le derrière du cou s’appelle la nuque. Telles sont les parties du corps jusqu’au tronc. § 2[100]. Le tronc lui-même a des parties, dont les unes sont par devant ; les autres, par derrière. Parmi les parties antérieures, on distingue la poitrine, qui a deux mamelles ; le mamelon est double également ; c’est par là que le lait distille chez les femmes. La mamelle est d’une chair molle. Les hommes aussi ont du lait ; mais chez l’homme, la chair des mamelles est ferme et dure, tandis que, chez la femme, elle est spongieuse et remplie de pores. § 3[101]. Après le tronc, dans les parties de devant, vient le ventre ; le centre ou la racine du ventre, c’est le nombril. Au-dessous de cette racine du ventre, vient le flanc qui est double ; la partie au-dessous de l’ombilic ou nombril est simple ; et c’est ce qu’on appelle l’abdomen, dont l’extrémité est le pubis. La partie au-dessus du nombril est l’hypocondre. La partie commune à l’hypocondre et au flanc est la cavité qui renferme les intestins. § 4[102]. La ceinture dans les parties postérieures est ce qu’on appelle le rein, qui tire son nom de ce qu’il semble être en effet une sorte de rainure. Dans les parties qui servent à l’expulsion des excréments, on distingue d’une part la fesse, qui sert à s’asseoir ; et de l’autre, la cavité dans laquelle s’articule et roule la cuisse. § 5[103]. Une partie spéciale au sexe femelle, c’est la matrice ; et dans le sexe mâle, c’est la verge, le membre honteux, en dehors du tronc et en bas. La verge a deux parties ; son extrémité qui est charnue, toujours sans poil, pour ainsi dire lisse et égale, s’appelle le gland. La peau placée autour du gland n’a pas de nom particulier ; et quand on la coupe, elle ne peut plus se rejoindre, non plus que la joue et la paupière. La partie commune à cette peau et au gland est ce qu’on appelle le bourrelet. § 6[104]. Le reste de la verge est un cartilage, qui peut se gonfler beaucoup, qui sort et qui rentre, autrement que chez les animaux à queue garnie de crins. Au-dessous du membre honteux, se trouvent les deux testicules ; et la peau qui les environne est ce qu’on nomme le scrotum. Les testicules ne sont pas précisément de la chair ; mais ils ne sont pas non plus très éloignés d’en être.

§ 7[105]. Du reste, nous reviendrons plus tard sur toutes ces parties, pour dire avec des détails plus précis quelle en est l’organisation.

§ 8[106]. Les parties honteuses de la femme sont tout le contraire de celles des hommes ; elles sont creuses sous le pubis ; et elles ne ressortent pas au dehors comme celles des hommes. L’urètre est en dehors de la matrice ; il est destiné à servir de conduit au sperme chez le mâle. D’ailleurs, c’est pour les deux sexes, mâle et femelle, le canal par où sort l’excrément liquide.

§ 9.[107]. Une partie commune du cou et de la poitrine, c’est la gorge ; une partie commune du côté, du bras et de l’épaule, c’est l’aisselle ; de la cuisse et du bas-ventre, c’est l’aine ; de la cuisse et des fesses, en dedans, c’est le périnée ; de la cuisse et des fesses, en dehors, c’est le pli de la fesse.

§ 10[108]. On vient de voir quelles sont les parties du tronc par devant. Le derrière de la poitrine est le dos. Les parties du dos sont les deux omoplates, et l’épine dorsale ou rachis. Les reins sont au-dessous du thorax à l’opposé du ventre. De haut en bas, sont rangées huit côtes de chaque côté. Nous n’avons en effet aucun témoignage de quelque valeur sur les prétendus Ligyens qui n’auraient que sept côtes.


CHAPITRE XI

Parties du corps de l’homme, supérieures, inférieures, antérieures postérieures, gauches droites ; rapports de ces parties ; les droites sont en général plus fortes ; membres supérieurs, les bras ; la main, les doigts ; leur flexion ; intérieur et dehors de la main ; le poignet ; membres inférieurs, la cuisse, la rotule, la jambe ; la cheville ; le pied, ses os ; dessus et dessous du pied ; les ongles ; le genou ; signes à tirer de la conformation du pied et de la main.

§ 1[109]. On distingue dans le corps de l’homme le haut et le bas, le devant et le derrière, la droite et la gauche. Les parties de gauche et de droite sont presque pareilles, dans les parties qui les composent, et elles sont toutes les mêmes, si ce n’est que les parties gauches sont plus faibles. Mais les parties de derrière ne ressemblent pas à celles de devant ; les parties d’en bas ne ressemblent pas à celles d’en haut. La seule ressemblance des parties placées au-dessous de l’hypogastre avec le visage, c’est qu’elles sont charnues ou maigres, comme il l’est lui-même ; les jambes sont dans le même rapport avec les bras. Quand on a les bras courts, les cuisses sont également courtes d’ordinaire ; si l’on a de petits pieds, on a aussi de petites mains.

§ 2[110]. En fait de membres, l’homme a deux bras ; et chaque bras comprend l’épaule, le haut du bras, le coude ou olécrâne, l’avant-bras et la main. § 3[111]. Dans la main, on distingue la paume, et les doigts au nombre de cinq ; dans les doigts, on distingue encore la partie qui peut fléchir, l’articulation ; et celle qui ne fléchit pas, la phalange. Le gros doigt, le pouce, n’a qu’une articulation ; les autres en ont deux. La flexion d’ailleurs se fait toujours en dedans, aussi bien pour le bras que pour les doigts. C’est au coude que se fait la flexion du bras. L’intérieur de la main, la paume, est charnu ; et elle est partagée par plusieurs raies. Chez ceux qui doivent vivre longtemps, une ou deux de ces raies traversent toute la main ; chez ceux dont la vie doit être courte, il y a deux raies, qui ne traversent pas la main entière. § 4[112]. L’articulation de la main et du bras est le poignet, ou carpe ; le dessus de la main est composé de muscles et n’a pas reçu de nom spécial.

§ 5[113]. Le membre autre que le bras est également double ; c’est la jambe. On distingue, dans la jambe, la cuisse, ou fémur, qui a deux têtes ; la rotule qui a un siège mobile ; et la jambe proprement dite, qui a deux os. La partie antérieure de la jambe est le devant de la jambe ; la partie postérieure est le gras de la jambe, qui est une chair pleine de muscles ou de veines. Tantôt cette partie est très relevée vers le jarret, chez ceux qui ont des fesses volumineuses ; chez ceux qui ont au contraire de petites fesses, elle est plutôt abaissée.

§ 6[114]. L’extrémité du devant de la jambe est la cheville, qui est double à chaque jambe.

§ 7.[115]. Dans la jambe, c’est le pied qui a le plus grand nombre d’os. La partie postérieure du pied est le talon ; la partie antérieure est divisée en cinq doigts. Le dessous du pied, ou poitrine du pied, est charnu ; le dessus du pied, dans les parties supérieures, est musculeux, et il n’a pas de nom spécial.

§ 8[116]. Dans chaque doigt du pied, on distingue l’ongle et la jointure ; l’ongle n’est jamais qu’à l’extrémité du doigt ; et tous les doigts n’ont de flexion qu’en dedans. § 9[117]. Quand on a l’intérieur du pied plein et non creux, et qu’on marche en l’appliquant tout entier, c’est un signe qu’on est rusé et capable de tout.

§ 10.[118]. Le genou et sa flexion appartiennent à la fois à la cuisse et à la jambe.


CHAPITRE XII

Positions des parties ; en haut, en bas, devant et derrière, droite et gauche correspondent dans l’homme à ces positions dans l’univers ; privilège de l’homme ; position particulière de la tête dans le corps humain ; retour sur les parties diverses qui le composent, depuis le cou jusqu’aux pieds ; correspondance des flexions des bras et des jambes ; sens et organes des sens placés en avant ; oreilles et ouïe placées sur le côté ; écartement des yeux ; le toucher est le sens le plus développé, puis le goût ; infériorité de l’homme pour les autres sens.

§ 1[119]. Toutes les parties que nous venons d’énumérer sont communes au mâle et à la femelle. La position de toutes ces parties en haut et en bas, en avant et en arrière, à droite et à gauche, est de toute évidence ; et l’observation la plus simple nous fait connaître celles qui sont extérieures. Nous devons néanmoins en parler, par la même raison qui nous a porté à nous occuper de tout ce qui précède, afin que ce qui va suivre soit plus complet ; et nous comptons ainsi les parties, afin d’être moins exposé à oublier celles qui ne sont pas disposées chez le reste des animaux de la même façon que chez l’homme. § 2[120]. C’est dans l’homme que les parties du haut et du bas se rapprochent plus directement que chez tous les autres animaux des lieux qui, dans la nature, indiquent le haut et le bas. Dans l’homme en effet le haut et le bas sont en rapport étroit avec le haut et le bas de l’univers ; chez lui encore, le devant et le derrière, la droite et la gauche sont selon l’ordre naturel. Quant aux autres animaux, ils n’ont pas ces distinctions ; ou s’ils les ont, elles sont en eux bien plus confuses. § 3[121]. Par exemple, tous les animaux ont la tête en haut relativement à leur corps ; mais l’homme est le seul, ainsi qu’on l’a dit, qui, dans sa perfection, ait cette partie en rapport avec l’axe du monde.

§ 4[122]. Après la tête, vient le cou ; et ensuite, la poitrine et le dos : l’une en avant, et l’autre par derrière. A ces parties, succèdent continûment le ventre, le pubis, les parties honteuses, le siège : puis encore, la cuisse et la jambe, et enfin les pieds. Les jambes ont aussi la flexion en avant, sens où se fait également la marche, et où les pieds sont les plus mobiles et ont leur flexion. Le talon est le derrière du pied ; et de chacun des deux côtés, sont placées les chevilles.

§ 5[123]. Sur les côtés du corps, à droite et à gauche, sont les bras, qui ont leur flexion en dedans, de telle sorte que les parties convexes des jambes et des bras se correspondent dans l’homme le plus complètement possible.

§ 6[124]. Les sens et leurs organes, les yeux, le nez, la langue sont chez l’homme placés du même côté, c’est-à-dire en avant. L’ouïe, et son organe, les oreilles, sont placés de côté, mais sur la même ligne circulaire que les yeux. L’écartement des yeux est dans l’homme, comparativement à sa grandeur, moindre que chez tous les autres animaux. Le sens le plus développé chez l’homme, c’est le toucher ; et en second lieu, le goût. Pour les autres sens, il est inférieur à bien des animaux.


CHAPITRE XIII

Parties intérieures du corps humain ; description du cerveau ; les méninges ; l’homme est l’animal qui a l’encéphale le plus développé ; chez l’homme, l’encéphale est double ; le cervelet ; volume de la tête ; l’encéphale n’a pas de sang ; l’os de la fontanelle est le plus mince de toute la tête ; rapports de l’œil avec l’encéphale ; parties intérieures du cou ; la trachée-artère ; sa place, sa nature, sa communication avec le nez ; l’épiglotte ; description du poumon ; ramifications de la trachée-artère ; description du cœur ; ses rapports avec la trachée-artère ; description de l’œsophage, de l’estomac, des intestins ; l’épiploon ; le mésentère.

§ 1[125]. Les parties du corps humain qu’on distingue extérieurement, à première vue, sont disposées comme on vient de le dire ; ce sont elles qui sont le plus ordinairement nommées, et qui sont les plus connues, par suite de l’habitude où l’on est de les voir. Les parties intérieures sont tout le contraire ; car ce sont ces parties-là qui, pour l’homme, sont les moins connues. Aussi doit-on, en y rapportant les parties des autres animaux, savoir quelles sont celles dont elles se rapprochent le plus naturellement.

§ 2.[126]. Tout d’abord dans la tête se trouve le cerveau, l’encéphale, placé dans la partie antérieure. Du reste, il en est de même dans tous les autres animaux qui sont pourvus de cet organe ; et ces animaux-là sont tous ceux qui ont du sang, et aussi les mollusques. § 3[127]. Proportionnellement, c’est l’homme qui a le cerveau le plus gros et le plus humide. Deux membranes l’enveloppent : l’une plus solide, du côté de l’os ; l’autre, posée sur le cerveau lui-même, est plus faible que la première.

§ 4[128]. Chez tous les animaux, l’encéphale est double ; et après le cerveau, vient, à la dernière place, ce qu’on appelle le cervelet, qui a une composition tout autre, soit au toucher, soit à la vue. Le derrière de la tête dans tous les animaux est vide et creux, variant selon la grosseur de chacun d’eux. Certains animaux ont la tête fort grosse, tandis que la partie inférieure de leur face est petite ; et ce sont tous ceux qui ont la face ronde. D’autres ont la tête petite, et de longues mâchoires ; et tous les animaux à queue garnie de crins ont cette conformation. § 5[129]. L’encéphale n’a pas de sang chez aucun animal ; et dans sa masse, il n’a point de veines. Quand on le touche, il est naturellement froid. Dans presque tous les animaux, il a un petit creux dans son centre ; et la méninge qui l’enveloppe est sillonnée de vaisseaux. La méninge qui enveloppe le cerveau est une membrane dans le genre de la peau. Au-dessus du cerveau, est la fontanelle, qui est l’os le plus mince et le plus faible de toute la tête.

§ 6[130]. De l’œil, trois conduits se rendent à l’encéphale ; le plus grand et le moyen vont jusqu’au cervelet ; et le plus petit va dans le cerveau même ; le plus petit conduit est le plus rapproché du nez. Les deux plus grands dans l’un et l’autre œil sont parallèles, et ne se rencontrent pas. Les conduits moyens se rejoignent, disposition qu’on remarque surtout chez les poissons ; car ces conduits moyens sont plus près du cerveau que les grands conduits. Les plus petits conduits s’éloignent le plus complètement l’un de l’autre, et ne se touchent jamais.

§ 7[131]. Au dedans du cou, se trouve l’organe appelé l’œsophage, l’isthme, qui tire son nom de sa longueur et de son étroitesse. Là aussi, se trouve la trachée-artère. Dans tous les animaux qui ont une trachée, cette artère est placée en avant de l’œsophage ; et la trachée-artère existe dans les animaux qui ont aussi des poumons. La trachée-artère est un cartilage, qui, par sa nature, a peu de sang, bien qu’elle soit entourée d’un grand nombre de petites veines. Elle est placée dans la partie supérieure de la bouche, à la communication de la bouche et du nez, de telle sorte que, quand en buvant on y attire une partie du liquide, c’est par cette communication qu’il ressort de la bouche dans les narines. § 8.[132]. Entre ces ouvertures, la trachée a cet organe qu’on nomme l’épiglotte, destinée à recouvrir l’ouverture de la trachée-artère, qui se rend à la bouche. L’extrémité de la langue se rattache à la trachée, qui, de chaque côté, descend jusqu’entre les deux poumons ; et de là, elle se partage dans chacune des deux parties dont le poumon se compose. § 9.[133]. Dans tous les animaux qui ont un poumon, il tend toujours à être divisé en deux parties. Dans les vivipares, cette division n’est pas toujours pareillement sensible ; et c’est chez l’homme qu’elle l’est le moins. Chez lui, le poumon n’a pas plusieurs lamelles, comme dans quelques vivipares ; il n’est pas uni ; mais il a des inégalités. § 10[134]. Dans les ovipares, tels que les oiseaux ; et dans les quadrupèdes ovipares, chacune des deux parties sont très séparées l’une de l’autre, et l’on dirait qu’il y a deux poumons. De la trachée, qui est unique, sortent deux canaux qui se rendent dans chacune des deux parties du poumon. Elle se rattache aussi à la grande veine (cave), et à ce qu’on appelle l’aorte. Quand on souffle dans la trachée-artère, le souffle se répand dans toutes les cavités du poumon. Ces cavités ont des cellules cartilagineuses, qui se réunissent en pointe ; et de ces cellules, partent des trous qui traversent toute l’étendue du poumon ; et de plus petites cellules succèdent à de plus grandes.

§ 11[135]. Le cœur se rattache aussi à la trachée-artère par des ligaments, graisseux, cartilagineux et fibreux ; et là où le cœur se rattache à l’artère, il est creux. Si l’on souffle dans l’artère, on voit le vent passer dans le cœur, où il entre. Chez quelques animaux, le phénomène n’est pas très-sensible ; mais sur des animaux plus grands, il devient de toute évidence. § 12.[136]. Telle est donc la fonction de la trachée-artère ; cette fonction consiste uniquement à recevoir l’air et à le rejeter, sans que la trachée-artère puisse recevoir ou renvoyer quoi que ce soit d’autre, ou solide ou liquide ; dans ce dernier cas, on souffre jusqu’à ce qu’en toussant on ait rejeté le corps qui y était descendu.

§ 13[137]. L’œsophage est rattaché par en haut à la bouche ; il côtoie la trachée-artère ; et il y est soudé, ainsi qu’à la colonne vertébrale, par des ligaments membraneux. Après avoir traversé le diaphragme, il finit à l’estomac. Il est de nature charnue ; et il est tendu dans sa longueur et sa largeur. § 14.[138]. L’estomac de l’homme ressemble à celui du chien ; il n’est pas beaucoup plus grand que l’intestin ; et l’on dirait que c’est un intestin un peu plus large. Puis vient l’intestin simple, qui est enroulé, et qui est de largeur ordinaire. L’estomac inférieur ressemble à celui du porc ; il est large ; et la partie qui va de l’estomac au siège est épaisse et courte. § 15[139]. L’épiploon est suspendu au milieu du ventre. Il est de sa nature une membrane graisseuse chez l’homme, aussi bien que dans tous les autres animaux qui n’ont qu’un seul estomac, et qui ont les deux rangées de dents. § 16.[140]. Sur les intestins, est le mésentère ; il est membraneux, large et gras. Il part de la grande veine et de l’aorte ; il est sillonné de veines nombreuses et épaisses, qui s’étendent le long des intestins, et qui, commençant en haut, descendent jusqu’au bas.

§ 17[141]. Telle est donc l’organisation de l’œsophage ou estomac, de la trachée-artère et du ventre.


CHAPITRE XIV.

Du cœur dans le corps humain ; ses cavités ; sa position ; sa pointe toujours dirigée en avant ; méprises dans la dissection ; le cœur est placé à gauche ; description des trois cavités ; communication du cœur avec le poumon ; expérience qui prouve cette communication ; le poumon est de tous les organes celui qui a le plus de sang ; mais ce sang est dans les veines qui le traversent, tandis que le cœur a le sang en lui-même ; différence du sang selon les cavités ; description du diaphragme ; le foie, la rate, l’épiploon ; le foie n’a pas de fiel ; singularité des moutons de l’Eubée et de ceux de Naxos ; description des reins, ou rognons, dans l’homme ; leur organisation ; vaisseaux qui se rendent des reins à la vessie ; description de la vessie ; organe sexuel chez l’homme ; testicules ; la seule différence chez la femme consiste dans la matrice ; dessins anatomiques à consulter, annonce de travaux ultérieurs.

§ 1[142]. Le cœur a trois cavités ; il est placé plus haut que le poumon, à la bifurcation de la trachée-artère ; il a une membrane grasse et épaisse, là où il se rattache à la grande veine et à l’aorte ; il repose sur l’aorte ; et sa pointe est tournée vers la poitrine, comme dans tous les animaux qui ont une poitrine ; car dans tous les animaux, qu’ils aient ou qu’ils n’aient pas cet organe, la pointe du cœur est toujours dirigée en avant ; mais on peut souvent s’y tromper, parce qu’elle s’affaisse dans la dissection. La convexité du cœur est en haut ; ordinairement la pointe est charnue et épaisse ; et il y a des muscles dans ses cavités. § 2[143]. Dans tous les autres animaux qui ont une poitrine, la position du cœur est au milieu de cet organe ; chez l’homme, il est plus à gauche, à peu de distance de la ligne qui divise les mamelles, incliné vers la mamelle gauche, dans le haut de la poitrine. Le cœur de l’homme n’est pas grand ; dans sa totalité, il n’est pas allongé ; il serait plutôt arrondi, si ce n’est que son extrémité se termine en pointe.

§ 3[144]. Comme nous venons de le dire, il a trois cavités ; la plus grande est à droite ; la plus petite est à gauche ; et la cavité de grandeur moyenne est dans le milieu. Toutes ces cavités, y compris les deux plus petites sont en communication avec le poumon ; c’est ce que l’insufflation démontre clairement pour une des cavités d’en bas. § 4.[145]. Par sa plus grande cavité, le cœur se rattache à la grande veine, près de laquelle est aussi le mésentère ; et par sa cavité moyenne, il se rattache à l’aorte.

§ 5[146]. Des canaux vont du cœur au poumon ; et ces canaux se ramifient, comme la trachée-artère, accompagnant ceux qui viennent de la trachée, dans toute l’étendue du poumon. Les canaux partant du cœur occupent le dessus ; entre la trachée et le cœur, pas un seul de ces vaisseaux n’est commun ; mais par la connexion, ils reçoivent l’air, et ils l’envoient jusqu’au cœur. L’un de ces canaux se rend à la cavité droite ; et l’autre, à la cavité gauche. § 6[147]. Plus loin, nous nous occuperons de la grande veine et de l’aorte, prises chacune à part ; et nous les étudierons aussi toutes les deux à la fois, dans ce qu’elles ont de commun.

§ 7[148]. C’est le poumon qui a le plus de sang de tous les organes, dans les animaux qui ont un poumon, et qui sont vivipares, soit en eux-mêmes, soit au dehors. Dans sa masse entière, le poumon est spongieux ; et les vaisseaux de la grande veine accompagnent chaque bronche. Mais ceux qui croient que le poumon est vide de sang ont été trompés, en ne regardant que les poumons enlevés aux animaux d’où le sang s’était échappé en totalité, aussitôt qu’ils avaient été découpés. § 8.[149]. Entre tous les viscères, le cœur est le seul à avoir du sang ; car le poumon n’en a pas précisément en lui-même ; il n’en a que dans les veines qui le traversent. Au contraire le cœur a du sang en lui-même, puisqu’il en a dans chacune de ses cavités. Le sang le plus léger est dans la cavité du milieu.

§ 9[150]. Au-dessous du poumon, est la ceinture du tronc, et ce qu’on appelle les reins, qui tiennent aux côtes, aux hypocondres et à l’épine dorsale. Dans son milieu, le diaphragme est mince et membraneux. Il est traversé de part en part de veines, qui, dans le corps de l’homme, sont très fortes en proportion de sa taille. § 10[151]. Sous le diaphragme, à droite est le foie ; à gauche, est la rate. La position de ces organes est toujours la même dans tous les animaux qui en sont pourvus, quand ils sont conformés d’une manière naturelle et qu’ils ne présentent pas de monstruosité ; car on a déjà vu quelquefois des quadrupèdes où ces organes étaient dans une position absolument inverse. Le foie et la rate se rattachent au bas de l’estomac par l’épiploon.

§ 11[152]. A la voir, la rate de l’homme est étroite et longue comme celle du porc. Ordinairement et dans presque tous les animaux, le foie est sans bile, sans fiel ; dans quelques-uns, il y en a, le foie de l’homme étant d’ailleurs arrondi et pareil à celui du bœuf. Cette absence de fiel peut se remarquer sur les victimes, de même que, dans une région aux environs de Chalcis en Eubée, les moutons n’ont pas de fiel. Au contraire, à Naxos, la plupart des quadrupèdes ont une si grande quantité de fiel que les étrangers qui y font des sacrifices en sont tout effrayés, croyant que c’est un présage qui leur est personnel, et ne sachant pas que c’est la nature particulière de ces bêtes. § 12[153]. Le foie se rejoint à la grande veine ; mais il ne communique pas avec l’aorte ; car la veine qui sort de la grande veine traverse le foie tout entier, au point où sont ce qu’on appelle les portes du foie. La rate ne se rattache absolument qu’à la grande veine ; car une veine partant de celle-là vient dans la rate.

§ 13.[154]. Après ces organes viennent les reins, ou rognons, qui sont situés près de la colonne dorsale directement, et qui ressemblent beaucoup, dans leur nature, à ceux du bœuf. Dans tous les animaux qui ont des rognons, le droit est toujours plus élevé que le gauche ; il a moins de graisse, et il est plus sec. Cette conformation est dans tous les autres animaux semblable à ce qu’elle est chez l’homme. Des vaisseaux, partant de la grande veine et de l’aorte, se rendent dans les reins, mais non dans leur cavité ; car les reins ont une cavité dans leur centre, plus grande chez les uns, plus petite chez les autres, excepté pourtant chez le phoque, qui a les reins pareils à ceux du bœuf, et les plus compacts de tous. § 14[155]. Les vaisseaux qui se rendent dans les reins se perdent dans le corps des reins mêmes ; et la preuve qu’ils ne les traversent pas, c’est que les reins n’ont pas de sang, et que le sang ne s’y coagule jamais. § 15[156]. Les reins ont, ainsi qu’on vient de le dire, une petite cavité ; et de cette partie creuse des reins, deux canaux assez petits se rendent dans la vessie, ainsi que d’autres canaux très forts et parallèles, qui partent de l’aorte. Du milieu de chacun des deux reins, une veine grosse et musculeuse part pour se diriger le long du rachis même, en passant par un espace très étroit. Ensuite, ces deux veines disparaissent dans chacune des hanches et reparaissent de nouveau, s’étendant sur la hanche.

§ 16[157]. Ces divisions des veines descendent dans la vessie ; car la vessie est placée tout à fait la dernière. Elle est suspendue aux canaux qui se dirigent des reins le long de la tige qui se rend à l’urèthre. La vessie est presque tout entière enveloppée, dans sa rondeur, de petites membranes légères et fibreuses, qui se rapprochent, on peut dire, de l’organisation du diaphragme du thorax. La vessie dans l’homme est d’une médiocre grandeur.

§ 17[158]. Auprès du col de la vessie, s’attache le membre honteux, qui est nerveux et cartilagineux. L’orifice le plus extérieur s’ouvre dans le membre même. Un peu plus bas, l’un des conduits se rend aux testicules ; l’autre, à la vessie.

De ce membre, pendent les testicules chez les mâles nous dirons plus loin quelle en est l’organisation, quand nous traiterons des organes communs aux différentes espèces. § 18.[159]. Dans la femme, tout est naturellement pareil à ce qu’on voit dans l’homme ; la seule différence consiste dans la matrice. On peut voir quelle en est la forme apparente d’après le dessin qui est dans les ouvrages d’Anatomie. La position de la matrice est dans les intestins ; et la vessie est placée derrière la matrice. § 19[160]. Nous aurons encore, dans ce qui va suivre, à parler des matrices des animaux en général ; les matrices ne sont pas les mêmes dans tous, et elles ne sont pas disposées de même. Mais en ce qui concerne les parties intérieures et extérieures du corps de l’homme, on vient de voir ce qu’elles sont, comment elles sont, et quelle en est l’organisation.

LIVRE II


CHAPITRE PREMIER

Parties communes à tous les animaux ; parties spéciales et correspondantes ; la tête et le cou se retrouvent chez tous les quadrupèdes vivipares ; conformation spéciale du cou du lion ; les quadrupèdes vivipares ont des pattes de devant, au lieu de bras et de mains ; conformation particulière de l’éléphant ; la poitrine et les mamelles chez les animaux ; disposition générale des flexions dans l’animal ; les flexions chez l’éléphant et chez les quadrupèdes ovipares ; articulations dans l’homme, disposées en sens contraires selon les membres supérieurs ou inférieurs ; flexions dans l’oiseau ; singularité des pieds du phoque, en avant et en arrière ; pieds de l’ours ; locomotion en croix chez les quadrupèdes et les polypodes ; locomotion particulière du lion et des chameaux de Bactriane et d’Arabie.

§ 1[161]. Entre les parties dont les animaux sont formés, les unes leur sont communes à tous, ainsi qu’on vient de le voir un peu plus haut ; d’autres appartiennent exclusivement à certaines espèces. Elles se ressemblent, ou elles diffèrent, sous les rapports que nous avons signalés déjà tant de fois. C’est que les animaux dont le genre est autre, ont presque tous aussi la plupart de leurs parties spécifiquement différentes. Tantôt la différence de ces parties ne disparaît que dans une mesure proportionnelle ; tantôt elle porte sur le genre même. Parfois aussi, les parties sont identiques en genre ; mais elles sont tout autres par leur forme. Beaucoup de parties fonctionnent chez certains animaux, et manquent chez certains autres. § 2[162]. C’est ainsi que les quadrupèdes vivipares ont une tête et un cou, avec toutes les parties dont la tête se compose ; mais chaque partie a des formes différentes chez chacun d’eux. Le lion, par exemple, n’a qu’un seul os dans le cou, sans vertèbres. Si on l’ouvre, on peut voir que toutes ses parties intérieures sont pareilles à celles du chien. § 3[163]. Les quadrupèdes vivipares ont, au lieu de bras, des pattes de devant ; et tous les quadrupèdes qui ont des fentes dans ces pattes, les ont surtout analogues à nos mains ; et dans bien des cas, ils s’en servent comme de mains véritables. Les parties gauches sont dans ces animaux moins dégagées que chez l’homme. § 4[164]. Il faut toutefois excepter l’éléphant, qui a les doigts de pieds beaucoup moins séparés, et dont les jambes de devant sont beaucoup plus longues que celles de derrière. Il a d’ailleurs cinq doigts ; et à ses jambes de derrière, il a de petites chevilles. Sa trompe est faite de telle sorte, et elle a une telle dimension, qu’il peut s’en servir comme nous le faisons de nos mains. Il boit et il mange à l’aide de cette trompe, en portant les aliments à sa bouche ; il peut aussi avec elle élever les objets jusqu’à son cornac, placé en haut ; il s’en sert pour arracher des arbres ; et quand il marche dans l’eau, c’est par elle qu’il respire. Sa trompe se courbe par le bout ; mais elle n’a pas d’articulations, parce qu’elle est cartilagineuse.

§ 5[165]. De tous les animaux, l’homme est le seul qui puisse se servir également des deux mains. Tous les animaux ont une partie qui correspond à la poitrine chez l’homme ; mais cette partie n’est pas semblable, en ce que, dans l’homme, la poitrine est large, et que chez eux elle est étroite. Aucun animal non plus n’a de mamelles sur le devant de la poitrine ; l’homme seul a cette conformation. L’éléphant a bien aussi deux mamelles ; mais il ne les a pas sur la poitrine ; il les a à côté. § 6[166]. Les flexions des membres, soit de devant, soit de derrière, sont dans les animaux tout à la fois opposées entre elles et opposées à ce qu’elles sont dans l’homme. Il n’y a que l’éléphant qui fasse exception ; car lui seul excepté, les quadrupèdes vivipares fléchissent en avant les membres de devant, et en arrière ceux de derrière, de manière que les creux arrondis de la flexion soient tournés les uns vers les autres. Il n’en est pas ainsi chez l’éléphant, comme on l’a prétendu quelquefois ; il s’assoit, et il plie les jambes ; mais comme le poids de son corps ne lui permet pas de s’infléchir sur les deux à la fois, il se courbe, ou sur la gauche, ou sur la droite ; et il dort dans cette posture. Il fléchit d’ailleurs les jambes de derrière de la même façon que l’homme. § 7[167]. Dans les quadrupèdes ovipares, tels que le crocodile, le lézard et dans tous les autres animaux de cette espèce, les deux jambes, celles de devant aussi bien que celles de derrière, s’infléchissent en avant, en inclinant légèrement de côté. Il en est de même chez tous les animaux qui ont plus de quatre pieds ; seulement, les jambes intermédiaires entre les extrêmes ont toujours des directions moyennes ; et la flexion se fait plutôt un peu de côté. § 8[168]. L’homme a les deux articulations des membres faites sur le même plan ; mais elles sont en sens contraires ; il plie les bras en arrière, et la partie intérieure biaise un peu de côté, tandis que les jambes fléchissent en avant. § 9[169]. Il n’y a pas un seul animal qui fléchisse en arrière à la fois les membres de devant et les membres postérieurs. Dans tous sans exception, la flexion de l’épaule se fait en sens contraire de celle des coudes et des parties de devant, de même que la flexion de la cuisse sur la hanche est opposée à celle du genou ; en telle sorte que, si l’homme a une flexion contraire à celle des autres animaux, ceux qui ont aussi ces membres les fléchissent en sens contraire de l’homme.

§ 10[170]. Les flexions dans l’oiseau se rapprochent de ce qu’elles sont dans les quadrupèdes ; car avec ses deux pieds, l’oiseau fléchit les pattes en arrière ; et à la place des bras et des jambes, il a des ailes, dont la flexion se fait en avant.

§ 11[171]. Le phoque est une sorte de quadrupède tronqué. Il a des pieds qui tiennent directement à l’omoplate, et ces pieds sont tout comme des mains, de même que les pieds de l’ours ressemblent aussi à des mains. Les pieds du phoque ont cinq doigts, et chaque doigt a trois flexions et un ongle assez petit. Les pieds de derrière sont également à cinq doigts ; leurs flexions et leurs ongles sont pareils à ceux de devant ; mais quant à la forme, ils se rapprochent beaucoup de la queue des poissons.

§ 12[172]. Les quadrupèdes et les animaux qui ont plus de quatre pieds se meuvent toujours en diamètre ; et c’est ainsi qu’ils maintiennent leur équilibre. C’est par les parties droites que la marche commence. Le lion et les deux espèces de chameau de Bactriane et d’Arabie avancent membre à membre ; par Avancer membre à membre, j’entends que le membre droit ne va pas au-delà du gauche, mais le suit toujours.


CHAPITRE II

Queues des animaux ; répartitions des poils chez les animaux qui en ont ; leurs crinières ; le cheval-cerf ; particularité qui le distingue ; on le trouve en Arachosie ; le bœuf-sauvage ; l’éléphant est le moins velu des animaux ; description du chameau, de Bactriane et d’Arabie, à une ou deux bosses sur le dos ; sa bosse sous le ventre ; sa verge en arrière ; flexions et pieds du chameau ; pattes des animaux, et jambes de l’homme ; pieds fourchus dans les animaux ; animaux solipèdes ; cornes des animaux ; description de l’osselet dans les animaux ; son rôle, sa répartition ; réunion du pied fourchu, de la crinière et des cornes chez quelques animaux ; le Bonase de Péonie et de Médique ; prétendues cornes des serpents Égyptiens ; bois du cerf ; il est le seul animal qui perde ses cornes chaque année.

§ 1[173]. Toutes les parties qui chez l’homme sont par devant se trouvent chez les quadrupèdes en bas, et sous le corps ; et les parties qui chez l’homme sont par derrière se trouvent en haut chez les quadrupèdes. Pour la plupart, ils ont une queue ; et le phoque lui-même en a une toute petite, qui ressemble à celle du cerf. Pour les animaux de l’espèce du singe, nous en parlerons plus loin en détail. § 2[174]. Il n’y a pas, pour ainsi dire, de quadrupèdes vivipares qui ne soient velus ; mais ils ne le sont pas à la manière de l’homme, qui n’a de poils qu’en petit nombre et très-courts, si ce n’est à la tête, qui est chez lui plus poilue que chez aucun autre animal. § 3[175]. Tous ceux des autres animaux qui ont des poils ont les parties supérieures du corps plus velues ; et les parties de dessous sont, ou tout à fait nues, ou moins garnies. Chez l’homme, c’est tout le contraire. § 4[176]. L’homme a également des cils aux deux paupières ; il a des poils aux aisselles et au pubis. Les autres animaux n’ont pas de poils à ces deux dernières parties, non plus que des cils à la paupière d’en bas, si ce n’est que, chez quelques-uns, il y a quelques poils très-rares au-dessous de cette paupière. § 5[177]. Les quadrupèdes pourvus de poils ont tantôt le corps tout entier velu, comme le porc, l’ours, le chien ; tantôt c’est le col qui l’est davantage dans tout son contour, quand ils ont une crinière, comme le lion. D’autres sont plus velus seulement sur le haut du col, à partir de la tête jusqu’en bas des épaules, comme tous ceux qui ont un toupet, par exemple le cheval et le mulet, et le bonase, parmi les animaux sauvages qui ont des cornes. § 6[178]. L’animal qu’on appelle le cheval-cerf a une crinière sur le haut des épaules, ainsi que la bête fauve nommée le Pardion. Du reste, la crinière de l’un et de l’autre est fort légère, depuis la tête jusqu’à la naissance des épaules ; une particularité du cheval-cerf, c’est la barbiche qu’il porte à la gorge. Tous deux portent des cornes, et ils ont le pied fendu en deux. Dans l’espèce du cheval-cerf, la femelle manque de cornes. La grosseur de cet animal se rapproche beaucoup de celle du cerf. On le trouve dans l’Arachosie, où se trouvent également des bœufs sauvages. § 7[179]. La différence du bœuf sauvage au bœuf domestique est à peu près celle du sanglier au porc. Le bœuf sauvage est noir ; il paraît très-fort ; et son museau est recourbé. Ses cornes sont plus renversées. Les cornes des chevaux-cerfs ressemblent assez à celles de la gazelle. § 8[180]. L’éléphant est entre tous les quadrupèdes celui qui est le moins velu. La queue dans les animaux est d’ailleurs velue ou dénudée, selon que le corps est l’un des deux, du moins chez ceux dont la queue est assez forte ; car il y en a qui l’ont d’une petitesse excessive.

§ 9[181]. Une conformation qui appartient exclusivement au chameau entre tous les quadrupèdes, c’est ce qu’on appelle la bosse, qu’il a sur le dos. Les chameaux de Bactriane diffèrent de ceux d’Arabie, en ce que les premiers ont deux bosses, tandis que les autres n’en ont qu’une. D’ailleurs, les chameaux ont en bas une autre bosse toute pareille à celle du haut, et ils y appuient tout le corps, quand ils fléchissent les genoux. § 10[182]. La chamelle a quatre mamelles, comme la vache. La queue du chameau ressemble à celle de l’âne ; et sa verge est dirigée en arrière. Il n’a qu’un seul genou à chaque jambe ; et il n’a pas plusieurs flexions, comme on le prétend quelquefois ; mais on dirait qu’il en a plusieurs, à cause du développement du ventre. Il a un osselet pareil à celui du bœuf ; mais cet osselet est grêle et petit comparativement à la grandeur de la bête. § 11[183]. Le chameau a le pied fourchu, et il n’a pas une double rangée de dents. Le pied est fourchu comme il suit ; à partir de derrière, il est peu fendu jusqu’à la seconde flexion des doigts ; mais en avant, il est fendu en quatre, à son bout, à peu près jusqu’à la première flexion des doigts. Il y a même entre les fentes une sorte de membrane pareille à celle des oies. Le dessous du pied est charnu comme dans les ours ; et aussi, quand les chameaux qu’on emploie à la guerre viennent à avoir les pieds malades, on leur met des chaussures de cuir.

§ 12[184]. Tous les quadrupèdes ont des pattes osseuses, pleines de muscles et dépourvues de chair. En général, c’est la conformation de tous les animaux qui ont des pieds ; l’homme seul fait exception. Les quadrupèdes n’ont pas de fesses ; et c’est aussi ce qu’on peut observer encore plus nettement chez les oiseaux. Chez l’homme, c’est tout le contraire. Ses fesses, ses cuisses, ses jambes sont, dans son corps entier, ce qu’il y a de plus charnu ; et ses mollets, par exemple, sont, dans ses jambes, des parties bien en chair.

§ 13[185]. Les quadrupèdes, qui ont du sang et qui sont vivipares, ont tantôt les extrémités à plusieurs divisions, comme les mains et les pieds dans l’homme. Quelques-uns, en effet, ont plusieurs doigts, comme le lion, le chien, la panthère. D’autres n’ont que deux divisions ; et au lieu d’ongles, ont des pinces, comme le mouton, la chèvre, le cerf et l’hippopotame. Il en est d’autres qui n’ont pas de divisions, comme les solipèdes, parmi lesquels on peut citer le cheval et le mulet. Le porc a les deux conformations ; car il y a aussi dans l’Illyrie, dans la Péonie et ailleurs, des porcs qui sont solipèdes. Les animaux à deux pinces, ou sabots, ont deux divisions en arrière. Dans les solipèdes, cette partie est continue.

§ 14[186]. On peut encore remarquer que certains animaux ont des cornes, et que les autres n’en ont pas. La plupart de ceux qui sont pourvus de cornes ont naturellement deux pinces, comme le bœuf, le cerf et la chèvre ; nous n’avons jamais vu de solipède qui eût deux cornes. Il y en a très-peu qui aient à la fois une seule corne et un seul sabot, comme l’âne-indien. L’oryx n’a qu’une corne, et il a une double pince. L’âne-indien est le seul parmi les solipèdes à avoir un osselet. Le porc, comme on vient de le dire, présente les deux conformations ; et c’est là sans doute ce qui fait que son osselet n’est pas régulier. § 15[187]. Les animaux à pied fourchu ont la plupart un osselet. On n’a pas encore vu d’animal digité qui eût un osselet de ce genre ; l’homme même n’en a pas. Le lynx a quelque chose qui donne l’idée d’un demi-osselet ; et dans le lion, l’osselet, du moins tel qu’on le représente, se perd dans une sorte de labyrinthe.

§ 16[188]. Tous les animaux qui ont un osselet, l’ont dans les membres de derrière. L’osselet est placé tout droit dans l’articulation, la partie supérieure en dehors, et la partie inférieure en dedans. Les parties de Cos sont tournées en dedans, les unes vers les autres ; celles qu’on appelle de Chios, sont tournées en dehors, et les antennes, tournées en haut. Dans tout animal qui a un osselet, l’osselet est posé de la façon qu’on vient de décrire.

§ 17[189]. Il y a des animaux qui ont tout à la fois le pied fourchu, une crinière, et deux cornes, qui sont recourbées l’une vers l’autre. C’est le cas du bonase, qui se trouve en Péonie et en Médique. § 18[190]. Tous les animaux qui portent des cornes sont des quadrupèdes, si ce n’est quelques animaux auxquels on attribue des cornes, par métaphore et par manière de parler, comme ces serpents des environs de Thèbes que citent les Égyptiens, et qui n’ont qu’un renflement à peine suffisant pour qu’on puisse le noter. § 19[191]. Parmi les animaux qui ont des cornes, le cerf est le seul qui les a solides et pleines dans toute leur étendue ; chez les autres animaux, les cornes sont creuses jusqu’à une certaine hauteur ; et l’extrémité seule est pleine et solide. Le creux semble plutôt provenir de la peau ; et la partie solide, qui s’arrange autour du creux, semble provenir de l’os ; telles sont les cornes des bœufs. § 20[192]. Le cerf est le seul animal qui perde son bois chaque année, à partir de deux ans, et qui le reproduise. Les autres animaux conservent toujours leurs cornes, dont ils ne sont privés que par quelque violent accident.


CHAPITRE III

Des mamelles chez les animaux ; leur position ; leur nombre ; des organes de la génération, dans l’homme, dans l’éléphant ; particularité de la femelle de l’éléphant ; organes urinaires ; composition de la verge ; rapports proportionnels des parties supérieures et des parties inférieures du corps de l’homme ; il se traîne à quatre pattes dans son enfance ; croissance des autres animaux ; des dents ; le nombre en est égal ou inégal dans les deux mâchoires ; singularité des animaux à cornes ; dents saillantes ; dents carnassières ; animal étrange des Indes décrit par Ctésias, le Martichore ; chute des premières dents chez l’homme et les autres animaux ; couleur diverse des dents selon l’âge ; canines, incisives, molaires ; dents plus nombreuses chez les mâles ; les crantères ; pousses extraordinaires ; dents de l’éléphant.

§ 1[193]. Il y a encore bien des différences qui séparent le reste des animaux, soit entre eux, soit de l’homme, en ce qui touche les mamelles et les organes destinés à la fonction de l’accouplement. Certains animaux ont des mamelles posées en avant sur la poitrine, ou près de la poitrine. Ils ont alors deux mamelles et deux mamelons, comme on le voit dans l’homme et dans l’éléphant, ainsi qu’on l’a dit plus haut. § 2[194]. Ce dernier animal a les deux mamelles presque sous les aisselles ; la femelle les a extrêmement petites ; et l’exiguïté de ces mamelles, très-peu proportionnées au volume de son corps, fait qu’on ne les voit pas du tout quand c’est de côté qu’on les regarde. Les mâles ont des mamelles, comme les femelles en ont ; et chez eux, elles ne sont pas moins petites. L’ours en a quatre. § 3[195]. Il y a des animaux qui, ayant deux mamelles, les ont entre les cuisses, et qui ont deux mamelons ou tétins, comme la brebis. D’autres animaux ont quatre tétins, comme la vache. D’autres encore n’ont les mamelles, ni sur la poitrine, ni sur les cuisses, mais sur le ventre, comme la chienne et la truie, qui ont un grand nombre de mamelles, lesquelles ne sont pas toutes égales. § 4[196]. Bien des animaux ont plus de quatre mamelles ; mais la panthère n’en a que quatre, qui sont placées sur le ventre. La lionne n’en a que deux, posées sur le ventre aussi. La chamelle a deux mamelles et quatre mamelons, ainsi que les a la vache. Dans les solipèdes, les mâles n’ont pas de mamelles, si ce n’est quelques individus qui ressemblent à leur mère. C’est ce qui arrive quelquefois chez les chevaux.

§ 5[197]. Les organes honteux sont, chez les mâles, tantôt extérieurs, comme dans l’homme, le cheval, et une foule d’autres ; tantôt intérieurs, comme dans le dauphin. Ceux qui ont ces organes au dehors, tantôt les ont dirigés en avant, comme les animaux qu’on vient de nommer ; et parmi eux, les uns ont ces organes, le membre et les testicules, dégagés ainsi qu’ils le sont chez l’homme ; les autres ont les testicules et la verge attachés au ventre. Tantôt ces organes sont plus détachés, tantôt ils le sont moins ; car ils ne sont pas également détachés dans le sanglier et dans le cheval. § 6[198]. La verge de l’éléphant ressemble à celle du cheval ; mais elle est petite, et n’est pas en proportion avec le volume de son corps. Ses testicules ne sont pas apparents extérieurement ; mais ils sont à l’intérieur près des reins ; et c’est là ce qui fait que son accouplement est si rapide. La femelle de l’éléphant a le vagin placé comme le sont les mamelles dans la brebis ; quand elle désire l’accouplement, elle relève son vagin en haut et le tourne vers le dehors, afin que l’accouplement soit plus facile pour le mâle. Dans l’état ordinaire, ce vagin ne s’ouvre qu’assez peu.

§ 7[199]. Telle est donc la disposition des organes de la génération chez la plupart des animaux. Il y a des animaux qui urinent par derrière, comme le lynx, le lion, le chameau et le lièvre, les mâles offrant d’ailleurs pas mal de variétés entre eux, ainsi qu’on l’a dit. Mais toutes les femelles urinent en arrière ; et la femelle de l’éléphant, tout en ayant l’organe sous les cuisses, urine absolument comme les autres. § 8[200]. Les organes de la génération présentent de nombreuses variétés. Tantôt la verge est cartilagineuse et charnue, comme chez l’homme. La partie charnue ne se gonfle pas ; mais le cartilage se développe. Parfois l’organe est nerveux comme dans le chameau et le cerf ; parfois il est osseux, comme dans le renard, le loup, le putois et la belette, qui a aussi un os dans la verge.

§ 9[201]. Outre ces observations, il faut ajouter que l’homme parvenu à tout son développement a les parties supérieures du corps plus petites que celles du bas. Nous entendons par le Haut tout ce qui, à partir de la tête, s’étend jusqu’à cette partie où a lieu la sortie des excrétions ; par le Bas, nous en-tendons le reste du corps, à partir de là. Dans les animaux pourvus de pieds, les membres postérieurs sont le bas relativement à la dimension générale du corps ; dans ceux qui n’ont pas de pieds, le bas c’est la queue et ce qui y correspond. § 10[202]. C’est là du reste la conformation des animaux arrivés à toute leur croissance ; mais pendant qu’ils grandissent, c’est tout différent. Ainsi, l’homme a, dans son enfance, le haut du corps plus grand que le bas ; mais c’est le contraire quand il a atteint toute sa taille. Voilà comment il est le seul animal qui n’ait pas la même manière de marcher dans son premier âge et à sa maturité. Dans son enfance, il rampe d’a-bord en se traînant à quatre pattes.

§ 11[203]. Dans d’autres animaux, le développement se fait proportionnellement, comme dans le chien. D’autres, au contraire, ont d’abord les parties supérieures plus petites, et celles d’en bas plus fortes. Avec la croissance, ce sont parfois les parties d’en haut qui deviennent plus grandes, comme chez les animaux qui ont une queue en panache ; mais ensuite aucun ne grandit dans la partie comprise depuis le sabot jusqu’à la hanche.

§ 12[204]. Les dents n’offrent pas moins de différences dans les animaux, soit par rapport les uns aux autres, soit avec l’homme. Tous les quadrupèdes, qui ont du sang et qui sont vivipares, ont des dents. Mais une première différence, c’est que, si les uns ont le même nombre de dents aux deux mâchoires, les autres n’en ont pas le même nombre. Ainsi, tous les animaux à cornes n’ont pas aux deux mâchoires un nombre égal de dents ; car ils n’ont pas de dents de devant à la mâchoire supérieure. Il y a aussi des animaux sans cornes qui n’ont pas les mâchoires pareilles ; tel est le chameau. Il y en a qui ont les dents saillantes, comme le sanglier ; d’autres ne les ont pas en saillie. § 13[205]. Certains animaux ont des dents carnassières, comme le lion, la panthère, le chien ; d’autres ont des dents qui n’alternent pas, comme le cheval et le bœuf. Les animaux à dents carnassières sont ceux dont les dents aiguës sont alternées. § 14[206]. Il n’est pas d’animal qui ait tout à la fois des dents saillantes et des cornes ; et aucun de ceux qui ont des dents carnassières n’a aucun de ces deux organes, ni cornes, ni dents en saillie. Dans la plupart des animaux, ce sont les dents de devant qui sont aiguës ; celles du dedans sont larges. Le phoque a toutes ses dents carnassières, sans doute à cause de sa ressemblance avec les poissons, qui presque tous ont les dents en scie et carnassières.

§ 15[207]. Aucune de ces deux espèces n’a une double rangée de dents. Cependant, à en croire Ctésias, il y en aurait une ; car il prétend que, dans les Indes, il y a un animal sauvage, nommé Martichore, pourvu de trois rangées de dents aux deux mâchoires. Il est à peu près de la grosseur du lion ; il est aussi velu, et ses pieds sont semblables. Il a un visage et des oreilles dans le genre de l’homme ; ses yeux sont bleus, et sa couleur est d’un rouge de cinabre ; sa queue est comme celle du scorpion de terre ; elle a un aiguillon, et il lance, assure-t-on, des pointes comme des flèches. Il a une sorte de voix qui tient de la flûte et de la trompette. Sa course est rapide au moins autant que celle des cerfs ; il est féroce, et il dévore les hommes.

§ 16[208]. L’homme perd ses dents comme les perdent aussi d’autres animaux, par exemple, le cheval, le mulet, l’âne. L’homme perd ses dents de devant ; mais il n’y a pas un seul animal qui perde ses molaires. Le porc ne perd jamais aucune de ses dents. Pour les chiens, la question fait doute. Les uns croient que le chien ne perd jamais une seule de ses premières dents ; d’autres assurent qu’il ne perd que les canines. Nous avons observé qu’il les perd absolument comme nous ; seulement, on ne s’en aperçoit pas, parce qu’il ne les perd point avant que d’autres toutes pareilles ne soient poussées à leur place. § 17[209]. Il est bien probable que c’est ce qui se passe aussi dans les bêtes sauvages ; et l’on dit d’elles également qu’elles ne perdent que leurs canines. C’est aux dents qu’on peut reconnaître si les chiens sont jeunes ou âgés. Chez les jeunes, les dents sont blanches et pointues ; chez les vieux chiens, elles sont noires et émoussées. Dans le cheval, c’est tout le contraire de ce qu’on voit dans le reste des animaux ; en vieillissant tous les animaux ont les dents plus noires ; le cheval seul les a plus blanches. § 18[210]. Les dents qu’on appelle canines séparent les incisives des molaires, et elles ont une forme qui tient des unes et des autres ; elles sont larges par le bas, et elles sont pointues par le haut.

§ 19[211]. Les mâles ont plus de dents que les femelles, aussi bien chez l’homme que dans les moutons, les chèvres et les porcs. On n’a pas pu encore faire de ces observations sur les autres animaux. Ceux qui ont un plus grand nombre de dents sont en général aussi d’une existence plus longue, de même que ceux qui ont moins de dents et des dents plus écartées vivent moins longtemps.

§ 20[212]. Les molaires qu’on appelle Crantères ne poussent dans l’homme que les dernières, d’ordinaire vers vingt ans, pour les hommes et pour les femmes également. On a déjà vu quelques femmes à qui des molaires ont poussé à l’âge de quatre-vingts ans ; mais cette pousse était très-douloureuse. On l’a vue aussi chez des hommes ; mais ce phénomène ne se produit que quand, dans sa jeunesse, on n’a point eu de Crantères.

§ 21[213]. L’éléphant a quatre dents de chaque côté ; elles lui servent à broyer sa nourriture, qu’il réduit en une sorte de farine. Outre ces quatre dents, il a encore les deux grandes qu’on connaît. Le mâle a ces deux dents fortes et relevées ; dans la femelle, elles sont petites, et tournées en sens contraire de celles du mâle, puisqu’elles regardent en bas. C’est dès le moment même de la naissance que l’éléphant a des dents ; mais tout d’abord, les grandes ne sont pas apparentes. Sa langue est très petite, et renfoncée de telle sorte qu’on a quelque peine à la voir.


CHAPITRE IV

Bouches ou gueules des animaux ; différences dans la grandeur ; très-fendues, petites ou moyennes ; l’hippopotame d’Egypte ; sa crinière, son pied fendu ; son mufle ; son osselet ; ses dents ; sa queue ; sa voix ; sa grandeur ; son cuir ; ses organes intérieurs.

§ 1[214]. La bouche des animaux présente aussi bien des différences de grandeur. Chez les uns, elle est très-fendue, comme celle du lion, du chien et de tous les animaux à dents en scie ; d’autres ont la bouche petite, comme l’homme ; d’autres enfin ont une bouche moyenne, comme l’espèce porcine.

§ 2[215]. Le cheval de rivière, l’Hippopotame d’Egypte, a une crinière comme le cheval ; il a le pied fendu, comme le bœuf ; son mufle est recourbé ; il a aussi un osselet, comme les animaux à pied fendu, et des dents saillantes, qui paraissent à peine. Il a la queue du porc et la voix du cheval. Sa grandeur se rapproche de celle de l’âne, et son cuir est tellement épais qu’on peut en faire des dards. Ses organes intérieurs ressemblent à ceux du cheval et de l’âne.


CHAPITRE V

Animaux intermédiaires entre l’homme et les quadrupèdes ; les singes, de trois espèces ; description du singe ; il est velu en dessus et en dessous ; ses rapports avec la forme humaine ; sa bestialité ; organisation particulière de ses pieds, qui sont tout ensemble des pieds et des mains ; il marche beaucoup plus souvent à quatre pattes que tout droit ; et pourquoi ; organes génitaux.

§ 1[216]. Certains animaux ont une nature qui tient tout à la fois de celle de l’homme et de celle des quadrupèdes ; ce sont les singes, les cèbes et les baboins, ou cynocéphales. Le cèbe n’est qu’un singe pourvu d’une queue. Les baboins ont la même forme que les singes, si ce n’est qu’ils sont plus grands et plus forts ; et que leur face ressemble davantage à celle du chien. Leur caractère est plus sauvage ; et leurs dents, qui sont plus rapprochées des dents de chien, sont aussi plus fortes. § 2[217]. Les singes sont velus dans les parties supérieures, parce qu’ils sont des quadrupèdes ; et les parties de dessous le sont également, parce qu’ils ressemblent à l’homme. Ainsi qu’on l’a dit un peu plus haut, les choses sont chez l’homme tout le contraire en ceci de ce qu’elles sont dans les animaux. Seulement, le poil des singes est très-fourni ; et ils sont très-velus des deux côtés, dessus et dessous. § 3[218]. Leur face a beaucoup d’analogie avec le Visage humain ; leur nez, leurs oreilles, leurs dents, se rapprochent beaucoup de celles de l’homme, tant pour les dents de devant que pour les molaires. Tandis que le reste des quadrupèdes n’ont pas de cils aux deux paupières, le singe en a ; mais ces cils sont fort rares, surtout ceux d’en bas, et excessivement courts. Les autres quadrupèdes n’en ont pas du tout. § 4[219]. Le singe a comme l’homme deux mamelons pour de petites mamelles. Ainsi que l’homme, il a des bras ; seulement, ils sont velus ; il les fléchit, ainsi que les jambes, tout à fait à la façon de l’homme, c’est-à-dire que les concavités formées par les membres fléchis sont en sens opposé. § 5[220]. De plus, il a des mains, des doigts et des ongles pareils à ceux de l’homme, si ce n’est que, dans le singe, toutes les parties ont quelque chose de bien plus bestial. Les pieds du singe sont très-particuliers ; ce sont comme de larges mains. § 6[221]. Les doigts du pied sont comme ceux des mains ; mais le moyen doigt est très-long. Le dessous du pied ressemble à celui de la main, si ce n’est que, dans sa largeur, le dessous de leur main vers son extrémité est une plante de pied. A son bout, cette partie est plus dure, et elle imite assez mal et très-imparfaitement un talon. § 7[222]. Le singe se sert de ses pieds de deux façons, et comme mains et comme pieds ; et il les fléchit comme des mains. Il a le bras et la cuisse très-courts par rapport à l’avant-bras et à la jambe. Il n’a pas de nombril apparent au dehors ; mais la partie qui correspond à l’ombilic a quelque chose de dur. § 8[223]. Comme les quadrupèdes, il a les parties supérieures du corps beaucoup plus grandes que les parties d’en bas, dans le rapport à peu près de cinq à trois. A cette première cause, il faut ajouter que ses pieds ressemblent à des mains, et qu’il sont comme un composé de main et de pied : de pied, parce qu’ils ont l’extrémité d’un talon ; de main, par toutes les autres parties, parce que les doigts ont ce qu’on peut appeler une paume. De tout cela, il résulte que le singe se tient bien plus souvent à quatre pattes que tout droit. § 9[224]. En tant que quadrupède, il n’a point de fesses ; en tant que bipède, il n’a point de queue, si ce n’est une queue très-petite, qui n’est qu’un semblant de queue. La femelle a le vagin pareil à celui de la femme, et la verge du mâle se rapproche plus de la verge du chien que de celle de l’homme. Les singes appelés Cèbes ont une queue, ainsi qu’on l’a dit plus haut. Quant aux parties intérieures, les singes et tous les animaux du même genre les ont distribuées comme elles le sont chez l’homme.

§ 10[225]. Voilà donc la disposition des organes extérieurs chez les vivipares.


CHAPITRE VI

Des quadrupèdes ovipares ; leur organisation générale ; ils ont une queue plus ou moins longue, plusieurs doigts, et le pied fendu ; particularité du crocodile d’Egypte, qui n’a pas de langue ; les quadrupèdes ovipares n’ont pas d’oreilles ; le crocodile de rivière ; son organisation ; sa vie sur terre et dans l’eau.

§ 1[226]. Les quadrupèdes qui sont ovipares et qui ont du sang, et l’on sait qu’il n’y a pas d’animal de terre ovipare et ayant du sang, qui ne soit ou quadrupède ou privé de pieds, les quadrupèdes ovipares, dis-je, ont une tête, un cou, un dos, le dessus du corps et le dessous, enfin des membres de devant et de derrière, et une partie répondant à la poitrine, absolument comme les quadrupèdes vivipares. En général, ils ont une queue plus grande ; d’autres l’ont plus petite. Tous les animaux de cet ordre ont plusieurs doigts, et le pied fendu. § 2[227]. Tous aussi ont les organes des sens et une langue, à l’exception du crocodile d’Egypte. Le crocodile est organisé comme certains poissons ; car en général les poissons ont une langue qui ressemble à une arête, et qui n’est pas détachée. Quelques-uns ont cette place tout à fait lisse et sans aucune articulation apparente, à moins qu’on n’ouvre fortement la bouche de la bête.

§ 3[228]. Aucun animal de ce genre n’a d’oreilles ; ils n’ont tous que le conduit auditif. Ils n’ont ni mamelles, ni organe génital, ni testicules extérieurs de visibles : ils les ont intérieurement. De plus, ils ont tous des dents carnassières et des écailles, sans avoir jamais de poils. § 4[229]. Les crocodiles de rivière ont des yeux de cochon, des dents très-grosses, des défenses, des ongles très-forts, et la peau impénétrable et écaille use. Ils voient mal dans l’eau : mais hors de l’eau, ils ont une vue des plus perçantes. Aussi, les crocodiles vivent-ils le plus souvent sur terre pendant le jour ; mais la nuit, ils séjournent dans l’eau, qui est alors plus chaude que le plein air.


CHAPITRE VII

Description du chaméléon ; ses cotes, son dos, sa queue ordinairement enroulée ; ses pattes et leurs divisions remarquables ; ses yeux, d’une organisation toute particulière ; ses changements de couleur, noire et jaune, dans le corps entier ; lenteur de ses mouvements ; sa chair ; son sang ; membranes spéciales sur son corps ; persistance de sa respiration ; pas de rate ; sa vie dans des trous.

§ 1[230]. Le chaméléon a, dans tout son corps, la forme d’un lézard ; mais les côtes descendent en bas, pour se rejoindre au-dessous du ventre, comme dans les poissons. Son dos se relève aussi tout à fait comme le leur. Sa face ressemble beaucoup à celle du singe-cochon. Il a une queue fort longue, qui finit en pointe, et qui ordinairement est enroulée, comme on le ferait d’une lanière. § 2[231]. Il est plus haut que les lézards par sa distance du sol ; et il fléchit ses pattes comme le font les lézards. Chacune de ses pattes est divisée en deux parties, qui sont posées l’une par rapport à l’autre, comme le pouce, qui chez nous est opposé au reste de la main ; chacune de ces parties se subdivise à son tour, sans aller bien loin, en plusieurs doigts. § 3[232]. Aux pieds de devant, la partie tournée vers l’animal a trois divisions ; la partie extérieure en a deux. Aux pieds de derrière, c’est la partie tournée vers l’animal qui en a deux, et la partie tournée vers le dehors qui en a trois. Sur ces doigts, il a de petits ongles pareils à ceux des oiseaux pourvus de serres. Tout son corps est rugueux, comme celui du crocodile. § 4[233]. Le chaméléon a les yeux placés dans un renfoncement, très-grands, ronds et entourés d’une peau pareille à celle du reste du corps. Au milieu de ces yeux, il y a un petit espace réservé pour la vision ; et c’est par là que l’animal peut voir, parce qu’il ne recouvre jamais cette partie de l’œil avec sa peau. Il peut faire rouler ses yeux comme en cercle ; et pouvant porter la vue dans tous les sens, c’est ainsi qu’il voit tout ce qu’il veut voir.

§ 5[234]. Les changements de couleur du chaméléon se produisent quand l’animal se gonfle. Il a parfois la couleur d’un noir assez rapproché du crocodile ; parfois il a la couleur jaune d’un lézard, mêlée à du noir, comme dans la panthère. Ce changement singulier a lieu sur tout le corps ; et les yeux, aussi bien que la queue, changent comme tout le reste. § 6[235]. Ses mouvements sont lents, comme ceux des tortues. Quand il meurt, il devient jaune ; et cette couleur persiste après sa mort. L’estomac, ou œsophage, et la trachée-artère sont disposés comme dans les lézards. Il n’a de chair nulle part, si ce n’est près de la tête et des mâchoires, où il en a quelque peu, ainsi qu’au bout de l’appendice de sa queue. § 7[236]. Il n’a de sang que vers le cœur, autour des yeux, dans la partie supérieure au cœur, et dans les petites veines qui sortent de ces parties ; et encore, elles n’en ont que très-peu. Son cerveau est placé un peu plus haut que les yeux, auxquels il tient. Quand on enlève la peau extérieure des yeux, il y a un petit corps qui y est enveloppé, et qui y brille comme une sorte d’anneau d’airain bien poli. § 8[237]. Sur la presque totalité de son corps, s’étendent des membranes, nombreuses, fortes, et dépassant de beaucoup la force de celles qui recouvrent le reste du corps. Il respire encore d’un souffle vigoureux, longtemps après qu’on l’a coupé dans toutes ses parties ; il conserve alors un petit mouvement vers le cœur, et il contracte vivement les parties des flancs, tout en contractant aussi les autres parties du corps. § 9[238]. Il n’a point de rate perceptible. Il hiverne dans des trous comme les lézards.


CHAPITRE VIII

Organisation des oiseaux ; rapports et différences de leurs pattes avec les jambes de l’homme ; conformation de la hanche chez les oiseaux ; ongles multiples des oiseaux ; nombre et disposition de leurs doigts ; la bergeronnette ; bec des oiseaux ; leurs yeux, leurs paupières ; membrane mobile de leur œil ; leurs plumes à tuyau ; leur croupion plus ou moins lourd, selon qu’ils volent haut ou bas ; langue des oiseaux ; absence d’épiglotte ; ergots et serres ; crêtes de plumes ; crête spéciale du coq.

§ 1[239]. Les oiseaux ont quelques-unes de leurs parties semblables à celles des animaux dont on vient de parler. Tous, en effet, ils ont une tête, un cou, un dos, et des parties supérieures du corps, ainsi qu’une partie correspondant à la poitrine. Ils ont deux jambes, qui se rapprochent de celles de l’homme plus que dans aucun genre d’animaux. Seulement, l’oiseau les fléchit en arrière, comme les quadrupèdes, dont on a plus haut décrit les flexions. § 2[240]. Au lieu de mains et de pieds de devant, qu’il n’a pas, l’oiseau a des ailes, organisation qui lui est propre entre tous les animaux. Sa hanche pareille à une cuisse est longue, et elle s’avance jusque sous le milieu du ventre. Aussi, quand on la sépare, on dirait que c’est une cuisse, et que la véritable cuisse, placée entre la hanche et la patte, semble être quelque autre membre du corps. Parmi tous les oiseaux, ce sont ceux qui ont des serres dont les cuisses sont les plus grandes ; et la poitrine de ces oiseaux est plus forte que celle de tous les autres. § 3[241]. Tous les oiseaux ont plusieurs ongles, et l’on peut même dire que tous en quelque façon ont plusieurs divisions aux pattes. Chez la plupart, les doigts sont séparés. Ceux qui nagent ont des pieds palmés ; et leurs doigts, articulés et séparés nettement. Tous ceux d’entre eux qui volent haut sont pourvus de quatre doigts, dont en général trois sont en avant, et un est en arrière, à la place du talon. C’est un petit nombre d’oiseaux qui ont deux doigts en avant et deux en arrière, comme celui qu’on appelle Torcol. § 4[242]. Cet oiseau est un peu plus grand que le pinson ; son plumage est de plusieurs couleurs. Si ses doigts sont particuliers, sa langue ne l’est pas moins ; elle ressemble à celle des serpents ; il peut l’allonger hors du bec de quatre doigts ; et il la fait rentrer ensuite dans le bec. Autre singularité : il tourne son cou en arrière, sans que le reste de son corps bouge en quoi que ce soit, comme le font les serpents. Il a de très-grands ongles, qui ressemblent à ceux des geais ; sa voix est aigre et sifflante.

§ 5[243]. Les oiseaux ont bien une bouche ; mais chez eux, elle est toute particulière. Ils n’ont, en effet, ni lèvres, ni dents ; ils ont un bec. Ils n’ont pas non plus d’oreilles, ni de nez ; mais ils ont les conduits de ces deux sens, de l’odorat dans le bec, et de l’ouïe dans la tête. § 6[244]. Comme tous les autres animaux, ils ont deux yeux, mais dépourvus de cils. Les oiseaux qui sont lourdement construits ferment l’œil par la paupière d’en bas ; mais tous peuvent aussi couvrir l’œil, en faisant avancer une peau, à partir de la caroncule. Les oiseaux de nuit, dans le genre de la chouette, ferment aussi l’œil par la paupière d’en haut. C’est là également ce que font les animaux à peau rugueuse, comme les sauriens, et les animaux qui sont de ce même genre. Tous ferment l’œil par la paupière d’en bas ; mais ils ne clignent pas tous à la manière des oiseaux. § 7[245]. Les oiseaux n’ont ni écailles, ni poils ; ils ont des plumes, et toutes leurs plumes ont un tuyau. Ils n’ont pas précisément de queue, mais un croupion, qui est petit dans les oiseaux qui ont de hautes pattes et des pieds palmés, et qui est grand chez ceux qui sont organisés d’une façon contraire. Ces derniers, quand ils volent, ont les pattes repliées sous le ventre ; ceux qui ont le croupion petit volent avec les pattes allongées.

§ 8[246]. Tous les oiseaux ont une langue ; mais cette langue varie beaucoup. Les uns l’ont très longue ; les autres, très-courte. Après l’homme, ce sont quelques oiseaux en petit nombre qui prononcent le mieux le son des lettres ; et parmi eux encore, ce sont surtout ceux dont la langue est large. Aucun animal ovipare n’a d’épiglotte recouvrant la trachée-artère ; mais ils contractent et ils dilatent le canal de telle façon qu’aucun corps de quelque poids ne puisse descendre dans le poumon.

§ 9[247]. Certaines espèces d’oiseaux ont aussi un ergot ; mais il n’en est pas une seule qui ait à la fois des ergots et des serres. Les oiseaux pourvus de serres sont les oiseaux à grand vol ; les oiseaux à ergots sont ceux dont le vol est pesant. Certains oiseaux ont une crête, qui est formée par les plumes, qui se redressent. Le coq est le seul qui ait une crête toute spéciale ; car cette crête n’est ni tout à fait de la chair, ni très-éloignée d’en être.

CHAPITRE IX

Des poissons ; leurs rapports et leurs différences avec les autres animaux ; leur queue ; ils n’ont pas de cou ; le dauphin et ses mamelles ; particularité des branchies spéciale aux poissons ; leurs nageoires en nombre plus ou moins grand ; branchies couvertes ou découvertes ; différences de leur position ; nombre des branchies variable, mais toujours égal des deux côtés de l’animal ; exemples divers ; les poissons n’ont, ni poils, ni plumes ; leurs écailles ; quelques poissons sont lisses ; tous les poissons ont les dents en scie et pointues ; quelques-uns ont plusieurs rangées de dents ; langue des poissons, organisée d’une manière étrange ; leur bouche ; yeux des poissons ; tous les poissons ont du sang ; poissons ovipares ; poissons vivipares.

§ 1[248]. Parmi les animaux qui vivent dans l’eau, les poissons forment un genre à part, qui est nettement déterminé et qui comprend de nombreuses espèces. Les poissons ont une tête ; ils ont un dessus du corps et un dessous ; c’est dans ce dernier lieu que sont placés l’estomac et les intestins. Par derrière, ils ont une queue, qui est le prolongement du corps et qui n’en est pas séparée. Cette queue d’ailleurs n’est pas pareille dans tous les poissons.

§ 2[249]. Le poisson n’a jamais de cou ; il n’a pas de membre proprement dit. Il n’a pas de testicules, ni en dedans, ni en dehors, non plus que de mamelles. Ce dernier organe d’ailleurs manque absolument dans tout animal qui n’est pas vivipare ; et même parmi les vivipares, tous n’ont pas de mamelles ; mais ceux-là seuls en ont qui produisent en eux-mêmes un petit, lequel est immédiatement vivant en eux, et qui ne produisent pas d’abord un œuf. § 3[250]. Ainsi le dauphin, qui est vivipare, a deux mamelles, non pas placées en haut, mais situées près des articulations. Ses mamelons ne sont pas apparents, comme dans les quadrupèdes ; mais ce sont des espèces d’orifices, un de chaque côté sur les flancs ; c’est de ces orifices que sort le lait, tété par les petits, qui suivent leur mère. Le fait a été constaté par quelques personnes qui l’ont parfaitement vu.

§ 4[251]. Si les poissons, ainsi qu’on vient de le dire, n’ont ni mamelles, ni organe génital apparent, ils ont la particularité des branchies, par où ils rejettent l’eau qu’ils ont prise dans leur bouche, et aussi la particularité des nageoires. La plupart des poissons ont quatre nageoires ; ceux qui sont très-allongés, comme l’anguille, n’en ont que deux près des branchies. C’est encore l’organisation des mulets de l’étang de Siphées, et également du poisson qu’on appelle le Tænia. § 5[252]. Quelques poissons allongés, comme la murène, n’ont pas de nageoires, non plus que de branchies, articulées comme dans les autres poissons. Parmi ceux qui sont pourvus de branchies, les uns ont des branchies recouvertes d’opercules ; mais les sélaciens n’en ont jamais. Ceux qui ont des opercules ont les branchies placées sur le côté. Entre les sélaciens, ceux qui sont larges ont les branchies en bas, dans le dessous du corps, comme la torpille et le Batos ; les sélaciens qui sont très longs portent les branchies sur le côté, comme tous ceux qui sont du genre des chiens de mer. La grenouille marine les a sur le côté ; mais les branchies sont recouvertes non d’un opercule de genre épineux, comme dans les poissons qui ne sont pas des sélaciens, mais par un opercule analogue à la peau.

§ 6[253]. Dans les poissons qui ont des branchies, les uns les ont simples ; chez les autres, elles sont doubles. La dernière, qui touche le corps, est toujours simple. Les uns ont peu de branchies ; les autres en ont beaucoup ; mais tous en ont un nombre égal de chaque côté. Le poisson qui en a le nombre moindre en a toujours une de chaque côté ; et celle-là est double, comme dans le sanglier d’eau. § 7[254]. D’autres poissons ont deux ouïes de chaque côté, l’une simple et l’autre double, comme le congre et le scare. D’autres en ont jusqu’à quatre de chaque côté, qui sont simples, comme l’ellops ou esturgeon, le synagris, la murène et l’anguille. D’autres en ont quatre sur deux rangs, si ce n’est la dernière, comme la grive d’eau, la perche, le glanis et la carpe. Tout le genre des chiens de mer a des ouïes doubles, cinq de chaque côté. L’espadon en a huit, qui sont doubles.

§ 8[255]. Voilà ce qu’on peut dire pour le nombre des branchies dans les poissons.

§ 9[256]. La différence des branchies n’est pas la seule que les poissons présentent relativement aux autres animaux. Ainsi, ils n’ont pas de poils comme les vivipares terrestres ; ils n’ont pas d’écailles dans le genre de quelques quadrupèdes ovipares ; ils ne sont pas non plus couverts de plumes comme les oiseaux. Mais pour la plupart, ils sont couverts de lames écailleuses ; quelques-uns ont une peau rugueuse ; enfin, c’est le plus petit nombre qui ont la peau lisse. Parmi les sélaciens, les uns sont rugueux ; d’autres sont lisses, tels que les congres, les anguilles et les thons. § 10[257]. Tous les poissons, sauf le scare, ont les dents en scie. Tous aussi ont des dents pointues. Quelques-uns même en ont plusieurs rangs ; ils en ont jusque sur la langue. Leur langue est dure et dans le genre des arêtes ; elle est tellement attachée qu’on pourrait croire quelquefois qu’ils n’en ont pas. La bouche est très-fendue dans quelques-uns, comme elle l’est dans certains vivipares quadrupèdes. § 11[258]. Pour les divers sens, ils n’ont rien d’apparent, ni l’organe lui-même, ni les conduits, pas plus pour l’ouïe que pour l’odorat. Mais tous ils ont des yeux, sans paupières, quoique ces yeux ne soient pas durs. § 12[259]. Le genre entier des poissons a du sang ; les uns sont ovipares ; les autres, vivipares. Tous les poissons à écailles sont ovipares ; mais tous les sélaciens, à l’exception de la grenouille de mer, sont vivipares.


CHAPITRE X

Des serpents ; serpents de terre, serpents d’eau, dans les eaux douces ou dans la mer, jamais dans les eaux profondes ; les serpents n’ont pas de pieds non plus que les poissons ; scolopendres de mer et de terre ; petit poisson saxatile, l’Échénéïs, ou Rémora ; usages superstitieux qu’on en fait. — Résumé.

§ 1[260]. La dernière espèce des animaux qui ont du sang est celle des serpents ; ils sont de terre et d’eau. La plupart vivent sur terre ; c’est le plus petit nombre qui vivent dans l’eau et dans les eaux potables. Il y a aussi des serpents de mer, qui ressemblent aux serpents de terre, pour toutes les autres parties, si ce n’est la tête, qu’ils ont plutôt pareille à celle du congre. Il y a de nombreuses espèces de serpents marins ; et leurs couleurs sont très-variées ; mais on ne les trouve pas dans les eaux profondes. Les serpents sont dépourvus de pieds, ainsi que les poissons.

§ 2[261]. Il y a aussi des scolopendres de mer, dont la forme et à peu près celle des scolopendres terrestres ; seulement, elles sont un peu plus petites. Elles se trouvent dans les rochers. Leur couleur est plus rouge que celle des scolopendres de terre ; elles ont en outre plus de pattes, et ces pattes sont plus grêles. Non plus que les serpents de mer, elles ne se trouvent pas dans les eaux profondes.

§ 3[262]. Un petit poisson qui vit dans les rochers a reçu de quelques personnes le nom de Échénéïs, ou Rémora ; on s’en sert parfois pour des conjurations, dans les procès, ou pour des philtres. Il n’est pas mangeable. On a prétendu parfois que ce poisson a des pieds ; mais il n’en a pas ; il semble seulement en avoir, parce que ses nageoires ressemblent à des pieds.

§ 4[263]. On a donc traité jusqu’à présent des parties extérieures des animaux qui ont du sang, du nombre de ces parties et de leur nature ; et l’on a exposé les différences que les animaux présentent entre eux à cet égard.


CHAPITRE XI

Des parties intérieures dans les grandes races d’animaux, selon qu’ils ont du sang, ou qu’ils n’en ont pas ; tous les vivipares quadrupèdes ont un œsophage et une trachée-artère ; les quadrupèdes ovipares et les oiseaux les ont aussi avec des différences de formes ; tous les animaux qui ont du sang ont un cœur ; chez quelques-uns, il y a un os dans le cœur ; tous les animaux qui ont du sang n’ont pas tous de poumon ; la rate très-petite dans quelques animaux ; exemples divers ; la vésicule du fiel manque chez beaucoup d’animaux ; les biches Achaïnes ont une matière analogue au fiel sous la queue ; vers vivants dans la tête des cerfs ; leur place, leur nombre, leur grosseur ; le cerf n’a pas de fiel ; amertume de ses intestins ; foie et fiel de l’éléphant ; vésicule du fiel dans les poissons ; sa position variable, suivant qu’elle est plus ou moins près du foie, qu’elle y est jointe ou qu’elle en est détachée ; variétés selon les espèces et dans une même espèce.

§ 1[264]. Nous exposerons ce que sont les parties intérieures, en commençant par les animaux qui ont du sang ; car ce qui distingue les grandes espèces d’animaux de toutes les autres, c’est que les uns ont du sang, et que les autres n’en ont pas. Les espèces qui en ont sont l’homme, les vivipares parmi les quadrupèdes, et aussi les quadrupèdes ovipares, l’oiseau, le poisson, les cétacés, et tels autres animaux qui n’ont pas de nom commun, attendu qu’ils ne forment pas un genre, mais seulement une espèce, qui ne s’applique qu’aux individus, tels que le serpent et le crocodile.

§ 2[265]. Ceci posé, il faut dire que tous les quadrupèdes vivipares ont un œsophage et une trachée-artère, qui sont placés chez eux comme ils le sont dans l’homme. La même disposition se voit dans les quadrupèdes ovipares et dans les oiseaux ; la seule différence consiste dans les formes de ces parties.

§ 3[266]. Tous les animaux qui, en recevant l’air, aspirent et expirent, ont un poumon, une trachée-artère et un œsophage. L’œsophage et la trachée ont la même position dans ces animaux ; mais ces organes ne sont pas les mêmes dans tous. Ceux qui ont un poumon ne l’ont pas tous pareil, ni dans une position semblable. § 4[267]. Tout animal qui a du sang a aussi un cœur, et un diaphragme, qu’on appelle Phrénique. On ne distingue pas le cœur aussi bien dans les petits animaux, parce qu’il est mince et petit. Dans les bœufs, l’organisation du cœur a quelque chose de particulier ; certaines races, si ce n’est toutes, ont un os dans le cœur ; et le cœur des chevaux offre parfois cette singularité, § 5[268]. Parmi les animaux qui ont du sang, tous n’ont pas de poumon ; et c’est ainsi que le poisson n’en a pas, non plus que tous les autres animaux qui ont aussi des branchies. Tous ceux qui ont du sang ont un foie, de même qu’en général ces animaux ont une rate. Mais dans la plupart de ceux qui ne sont pas vivipares et qui sont ovipares, la rate est si petite qu’on ne peut presque pas l’apercevoir, non plus que dans la plupart des oiseaux, tels que le pigeon, le milan, l’épervier et la chouette. L’ægocéphale n’en a pas même du tout. § 6[269]. Il en est de même dans les quadrupèdes ovipares, qui ont tous une rate excessivement petite, comme la tortue, l’Émys ou tortue d’eau douce, le crapaud, le lézard, le crocodile et la grenouille. § 7[270]. Certains animaux ont du fiel dans une poche jointe au foie ; d’autres n’en ont pas. Parmi les vivipares en même temps quadrupèdes, le cerf n’en a pas, non plus que le daim, ni le cheval, le mulet, l’âne, le phoque et quelques espèces de porcs. Les biches qui ont reçu le nom d’Achaïnes ont, dit-on, du fiel sous la queue. Pourtant la matière dont on entend parler a bien, si l’on veut, la couleur du fiel ; mais elle n’est pas aussi liquide ; et sa portion extérieure ressemble assez à la rate. § 8[271]. Tous les cerfs ont dans la tête des vers vivants. Ces vers se produisent dans la cavité qui est au-dessous de la langue en bas, et encore près de la vertèbre, où se rattache la tête. Leur grosseur est celle des plus forts asticots ; ils sont pressés les uns contre les autres, et se tiennent entre eux, au nombre à peu près d’une vingtaine. § 9[272]. Ainsi qu’on vient de le dire, les cerfs n’ont pas de fiel ; mais leurs intestins ont une telle amertume que même les chiens n’en veulent pas manger, si ce n’est quand le cerf est très-gras.

§ 10[273]. Le foie de l’éléphant n’a pas non plus de fiel ; mais si on le coupe, dans l’endroit précis où est attaché le fiel dans les animaux qui en ont, il en découle un liquide qui ressemble au fiel, et qui est plus ou moins abondant. § 11[274]. Parmi les animaux qui avalent l’eau de la mer et qui ont un poumon, le dauphin n’a pas de fiel ; mais les oiseaux et les poissons en ont tous, ainsi que les quadrupèdes ovipares ; seulement ils en ont, comme on peut croire, en plus ou moins grande quantité. Quelques poissons ont cette vésicule dans le foie, comme les squales ou chiens de mer, le glanis, la rhina, la raie lisse, la torpille, et parmi les poissons allongés, l’anguille, l’aiguille et la zygène. Le callionyme, ou ouranoscope, a aussi cette vésicule jointe au foie ; et chez lui, elle est plus forte que chez aucun autre poisson, proportionnellement à sa grandeur. § 12[275]. Certains poissons l’ont jointe à leurs intestins, où elle est suspendue par des canaux excessivement ténus, partant du foie. Le bonilon (amia) l’a étendue le long de l’intestin et de pareille longueur ; quelquefois même, elle se redouble. Chez tous les autres poissons, la vésicule du fiel est tout près de l’intestin, un peu plus près, dans les uns, un peu plus loin dans les autres, comme la grenouille, l’ellops, la synagris, la murène et l’espadon.

§ 13[276]. Souvent la même espèce a les deux conformations, comme il arrive dans les congres, dont quelques-uns ont la vésicule du fiel attachée au foie, ou suspendue au bas et au-dessous du foie. Cette variété se produit aussi dans les oiseaux ; ceux-ci ont la vésicule près de l’estomac ; ceux-là, près des intestins, comme le pigeon, le corbeau, la caille, l’hirondelle, le moineau. Dans d’autres, comme l’ægocéphale, elle est en même temps près du foie et près de l’estomac. Dans d’autres encore, elle est en même temps près du foie et des intestins, comme dans l’épervier et le milan.


CHAPITRE XII

Organisation des reins dans les animaux ; la vessie ; position générale du cœur ; description du foie ; la rate ; déplacements monstrueux du foie et de la rate ; de l’estomac dans les animaux ; description des quatre estomacs des ruminants ; le réseau, le hérisson, la caillette ; animaux qui n’ont qu’un seul estomac ; diversités des estomacs uniques ; deux types d’estomacs ; conformation générale des intestins ; l’éléphant ; les quadrupèdes ovipares ; organisation des serpents fort rapprochée de celle du lézard ; leur langue bifurquée ; leurs intestins ; organisation de l’estomac et des intestins chez les poissons ; appendices aux intestins, dans les poissons et les oiseaux ; le jabot chez les oiseaux ; description du jabot ; le jabot est remplacé par l’œsophage dans quelques espèces ; exemples divers ; en ce cas, la conformation de l’œsophage est très-spéciale ; conduit intestinal et appendices intestinaux dans les oiseaux ; appendices chez les oiseaux les plus petits.

§ 1[277]. Tous les quadrupèdes vivipares ont des reins et une vessie. Quant aux ovipares, il n’en est pas un qui ait ces organes, oiseau ou poisson. La tortue de mer est la seule, parmi les quadrupèdes ovipares, à les avoir dans la proportion des autres parties de son corps. Les reins de la tortue de mer ressemblent à ceux du bœuf ; et le rein du bœuf est comme un rein unique, composé de plusieurs petits reins. Le bonase a aussi tous les organes intérieurs pareils à ceux du bœuf.

§ 2[278]. Dans tous les animaux chez qui ces organes existent, la position en est toute pareille. Ils ont tous également le cœur placé à peu près au milieu, si ce n’est l’homme, qui a le cœur plus à gauche, ainsi qu’on l’a dit plus haut. § 3[279]. Chez tous aussi, la pointe du cœur est dirigée vers le devant, excepté chez les poissons, où elle ne se montre pas ainsi ; car pour eux elle n’a pas sa pointe tournée vers la poitrine, mais vers la tête et la bouche. Le sommet du cœur des poissons est attaché au point où se réunissent les unes aux autres les branchies de droite et de gauche. Il y a en outre d’autres canaux qui se rendent du cœur à chacune des branchies, plus grands pour les plus grands poissons, plus petits pour les plus petits ; mais sur le sommet du cœur, il y a un canal très-épais et tout blanc dans les grands poissons. § 4[280]. Il est peu de poissons qui aient un œsophage, comme le congre et l’anguille, qui l’ont d’ailleurs peu développé.

§ 5[281]. Le foie, dans les animaux qui ont un foie sans aucune division, est à droite complètement ; chez ceux où cet organe est partagé dès son commencement, c’est sa plus grosse partie qui est à droite. Dans quelques animaux, en effet, chaque partie est suspendue séparément, sans que le commencement se rejoigne. Tels sont, parmi les poissons, les squales ou les chiens de mer ; telle est aussi une espèce de lièvres, qu’on trouve en d’autres endroits, et notamment dans les marécages de Bolbé, dans le pays qu’on appelle la Sycine. On pourrait croire qu’ils ont deux foies, parce que les canaux des deux parties ne se rejoignent qu’assez loin, comme pour le poumon dans les oiseaux.

§ 6[282]. Pour tous les animaux, la rate, dans ses conditions naturelles, est toujours à gauche. Les reins sont placés de la même manière dans tous les animaux qui en ont. Cependant quelques quadrupèdes, qu’on a ouverts, avaient la rate à droite, d’après l’observation qu’on en a faite ; et le foie était à gauche. Mais on ne peut trouver là-dedans que des monstruosités. § 7[283]. La trachée-artère dans tous les animaux se dirige vers le poumon ; plus loin, nous dirons comment. L’œsophage va dans l’estomac au travers du diaphragme, dans tous les animaux pourvus d’un œsophage. La plus grande partie des poissons, ainsi qu’on l’a vu, n’en ont pas ; et leur estomac se rattache immédiatement à leur bouche. Aussi, quand les gros poissons en poursuivent de plus petits, il arrive souvent que l’estomac leur tombe dans la bouche.

§ 8[284]. Tous les animaux dont on a parlé jusqu’à présent ont un estomac, qui est posé de même dans tous ; il est placé immédiatement au-dessous du diaphragme. Vient ensuite l’intestin, qui se ter-mine par la partie d’où sortie résidu des aliments, et qu’on appelle l’anus. § 9[285]. Seulement les estomacs ne sont pas tous semblables. D’abord, tous les quadrupèdes vivipares qui, dépourvus de dents à l’une des deux mâchoires, portent des cornes, ont quatre organes (canaux) de ce genre, et ce sont aussi les animaux dont on dit qu’ils ruminent. Leur œsophage, qui part de la bouche, où il commence, descend en bas, à la proximité du poumon, et ensuite descend du diaphragme dans le grand estomac. § 10[286]. Dans l’intérieur, cet estomac est d’une surface inégale et ridée. A cet estomac est suspendu, tout près du débouché de l’œsophage, ce qu’on appelle le réseau, à cause de son apparence. À regarder les parties extérieures du réseau, il ressemble à l’estomac ; mais le dedans fait l’effet de mailles entremêlées. Le réseau est beaucoup plus petit que l’estomac. A la suite de ce second estomac, vient le hérisson, qui à l’intérieur est inégal et comme feuilleté ; il est à peu près de la grandeur du réseau. Après cet estomac, vient celui qu’on appelle la caillette, plus grand que le hérisson et d’une forme plus allongée. Dans son intérieur, il a des feuillets nombreux, grands et lisses. A partir de là, ce n’est plus que l’intestin ordinaire.

§ 11[287]. Ainsi donc, les animaux à cornes qui n’ont pas de dents aux deux mâchoires, ont l’estomac comme on vient de le décrire. D’ailleurs, ils diffèrent entre eux sous le rapport des formes et des dimensions de ces organes, et selon que l’œsophage s’introduit dans l’estomac par le milieu ou par le côté.

§ 12[288]. Les animaux qui ont le même nombre de dents aux deux mâchoires, n’ont qu’un estomac, comme l’homme, le porc, le chien, l’ours, le lion, le loup et le lynx (Thôs), dont tous les organes intérieurs sont ceux du loup. Chez tous, l’estomac est unique, et l’intestin vient après lui. Seulement, les uns ont un estomac plus grand, le porc et l’ours par exemple ; et celui du porc présente quelques feuillets lisses et unis. D’autres animaux ont l’estomac plus petit et pas beaucoup plus large que l’intestin, comme dans le chien, le lion et l’homme. § 13[289]. Dans les autres animaux, les formes des estomacs se rapprochent ou s’éloignent de ceux qu’on vient de dire, tantôt pareils à celui du porc, tantôt pareils à celui du chien, que les animaux soient d’ailleurs plus grands ou plus petits. La différence entre eux ne tient qu’à la dimension, la forme, l’épaisseur, la ténuité de l’estomac, et à la manière dont l’œsophage y est inséré et posé.

§ 14[290]. La conformation des intestins est aussi différente chez tous les animaux dont il vient d’être question, chez ceux qui n’ont pas les dents égales dans les deux mâchoires, comme chez ceux qui les ont ; et ces différences se marquent par les dimensions, les épaisseurs et les circonvolutions. Les intestins sont toujours plus grands chez les animaux qui n’ont pas égalité de dents pour les deux mâchoires ; car ces animaux eux-mêmes sont tous les plus grands ; les petits animaux sont rares dans ces espèces ; et pas une seule de celles qui ont des cornes n’est absolument petite. § 15[291]. Il en est quelques-uns qui ont des appendices aux intestins. Il n’y a que ceux qui ont aux deux mâchoires des dents en nombre égal qui aient l’intestin tout droit. Dans l’éléphant, l’intestin a des renflements, qui pourraient faire croire à quatre estomacs. Les aliments y arrivent ; mais il n’y a pas de cavité particulière. Ses viscères se rapprochent de ceux du porc ; mais son foie est quatre fois plus gros que celui du bœuf ; et sa rate est plus petite, proportion gardée, qu’elle ne devrait l’être. § 16[292]. La conformation de l’estomac et des intestins est la même chez les quadrupèdes ovipares, tels que la tortue de terre et la tortue de mer, le lézard, les deux crocodiles, et en général chez tous les animaux de ce genre. Ils n’ont qu’un simple et unique estomac, semblable pour les uns à celui du porc, semblable pour les autres à celui du chien.

§ 17[293]. Le genre serpent ressemble aux lézards, dans l’espèce des animaux qui ont des pieds et qui sont ovipares, et ils auraient à peu près la même configuration, si l’on donnait aux lézards plus de longueur de corps, et qu’on leur retranchât les pieds. Le serpent a aussi des écailles ; et le dessus et le dessous du corps sont comme dans les lézards. Les serpents n’ont pas de testicules ; mais comme le poisson, ils ont deux conduits qui se réunissent en un seul. La matrice de la femelle est longue et a deux parties. § 18[294]. Les autres organes internes du serpent sont les mêmes que ceux du lézard, si ce n’est que tous les viscères sont étroits et longs, parce que le corps lui-même est étroit et long, à tel point qu’on les confond à cause de la ressemblance des formes. § 19[295]. Dans le serpent, la trachée-artère est fort longue ; et l’œsophage l’est encore plus. La trachée commence tout près de la bouche, de telle manière que la langue semble être sous la trachée. Ce qui fait que la trachée semble plus haute que la langue, c’est que la langue se replie sur elle-même, et qu’elle ne reste pas en place comme chez les autres animaux. Leur langue est mince, longue et noire, et elle peut sortir beaucoup en avant. Une particularité de la langue des serpents et des lézards, c’est d’être bifurquée à la pointe ; elle l’est beaucoup plus chez les serpents. Les pointes de leur langue sont aussi fines que des cheveux, disposition qu’on retrouve dans le phoque, qui a aussi une langue fendue. § 20[296]. Le serpent a un estomac qui ressemble à un intestin plus large, et qui est pareil à celui du chien. A la suite, vient l’intestin, qui est long, mince et unique jusqu’au bout. § 21[297]. Près du pharynx, est placé le cœur, long et dans le genre d’un rein. Aussi pourrait-on croire quelquefois que la pointe n’en est pas tournée vers la poitrine. Ensuite, vient le poumon, qui est simple, sillonné d’un conduit fibreux, très-long, et très-séparé du cœur. Le foie est long et simple ; la rate est petite et ronde comme dans le lézard. Le fiel est placé comme dans les poissons ; les serpents d’eau l’ont sur le foie ; les autres l’ont d’ordinaire le long des intestins.

§ 22[298]. Tous les serpents ont les dents carnassières. Leurs côtes sont aussi nombreuses que les jours du mois, puisqu’ils en ont trente. Quelques personnes assurent que les serpents présentent le même phénomène que les petits de l’hirondelle, c’est-à-dire, que, si l’on crève les yeux aux serpents, leurs yeux repoussent. Leur queue, ainsi que celle des lézards, repousse aussi quand on la leur a coupée.

§ 23[299]. Chez les poissons, l’organisation des intestins et de l’estomac est la même que chez les serpents. Eux aussi n’ont qu’un estomac unique et simple, qui ne diffère que par la forme. Il y en a quelques-uns qui l’ont d’une forme tout à fait différente, comme celui qu’on appelle le Scare, et qui paraît être le seul de tous les poissons qui rumine. L’intestin est simple dans toute sa longueur, et il a un repli qui se réduit ensuite à une complète unité. § 24[300]. Une particularité qui se retrouve dans les poissons et la plupart des oiseaux, ce sont des excroissances aux intestins. Chez les oiseaux, ces appendices sont en bas et peu nombreux ; chez les poissons, ils sont en haut près de l’estomac, où parfois ils sont très-multipliés, comme dans le goujon, le chien de mer, la perche, le scorpios, le citharus, le surmulet et le spare. Le muge en a plusieurs sur un des côtés de l’estomac ; et de l’autre côté, il n’en a qu’un seul. Quelques poissons en ont, mais en très-petit nombre, comme l’hépatus et le glaucus ; la dorade, également. Les poissons de même espèce diffèrent parfois de l’un à l’autre ; et dans l’espèce Dorade, l’une en a davantage, l’autre en a moins. § 25[301]. Quelques genres de poissons n’ont pas du tout de ces appendices, comme la plupart des sélaciens. D’autres poissons ont très-peu de ces appendices, tandis que d’autres en ont beaucoup. Mais, dans tous les poissons sans exception, ces appendices sont auprès de l’estomac.

§ 26[302]. Les oiseaux ont entre eux, et avec les autres espèces d’animaux, de grandes différences dans leurs organes intérieurs. Il en est qui ont un jabot avant l’estomac, comme le coq, le ramier, le pigeon, la perdrix. Le jabot est une grande poche de peau, où la nourriture est d’abord reçue, et où elle ne se digère pas. Dans la partie qui tient à l’œsophage même, le jabot est plus étroit ; ensuite, il devient plus large ; et là où il descend près de l’estomac, il se rétrécit de nouveau. § 27[303]. Presque tous les oiseaux ont l’estomac charnu et compact ; à l’intérieur, la peau est forte, et peut se détacher de la partie charnue ; mais d’autres oiseaux n’ont pas de jabot ; et à la place, ils ont un œsophage vaste et large, soit dans tout son trajet, soit dans la partie qui avoisine l’estomac, comme le geai, le corbeau, la corneille. Dans la caille, la largeur de l’œsophage est en bas ; l’ægocéphale et la chouette l’ont un peu plus large, en bas aussi. Le canard, l’oie, le goéland, la catarrhacte et l’outarde ont ce développement et cette largeur de l’œsophage dans Toute son étendue, de même que beaucoup d’autres oiseaux. § 28[304]. Quelques oiseaux ont une portion de l’estomac lui-même qui ressemble à un jabot, comme la cresserelle. D’autres n’ont, ni d’œsophage, ni de jabot un peu large ; mais c’est leur estomac qui se prolonge ; tels sont les petits oiseaux, comme l’hirondelle et le moineau. Il en est d’autres encore qui n’ont, ni le jabot large, ni l’œsophage large ; mais chez eux, ces organes sont très-longs, par exemple dans les oiseaux à long cou, comme le flamant. Presque tous ces oiseaux ont aussi les excréments plus liquides que les autres. § 29[305]. Comparativement aux autres oiseaux, la caille a ceci de particulier qu’elle a un jabot, et qu’elle a en même temps, avant l’estomac, l’œsophage vaste et large ; proportion gardée, son jabot est très-éloigné de l’œsophage, qui précède l’estomac.

§ 30[306]. La plupart des oiseaux ont l’intestin étroit et simple, quand on le développe. Ainsi qu’on l’a dit déjà, les oiseaux ont des appendices, en petit nombre, et non point en haut, comme les poissons, mais en bas vers l’extrémité de l’intestin. Ils en ont si ce n’est tous, au moins pour la plupart, comme le coq, la perdrix, le canard, le hibou, corbeau de nuit, le localos, l’ascalaphe, l’oie, le cygne, l’outarde, la chouette. Quelques petits oiseaux ont de ces appendices, qui sont alors chez eux très-petits, comme dans le moineau.

LIVRE III


CHAPITRE PREMIER

Des parties qui concourent à la génération ; chez les femelles ces parties sont toujours intérieures ; différences plus nombreuses dans les mâles ; des testicules en général et de leur position ; les poissons n’ont jamais de testicules ; les serpents n’en ont pas non plus ; organisation spéciale des serpents et des poissons ; testicules des ovipares ; leur verge ; exemple de l’oie, du pigeon, de la perdrix, au moment de l’accouplement ; testicules des vivipares, munis de pieds ; description détaillée de leur organisation ; dessin Anatomique à consulter ; destruction des testicules par compression ou par ablation ; des matrices en général ; description de la matrice chez les grands animaux ; le vagin, l’utérus, la matrice et son orifice ; matrice des vivipares bipèdes ou quadrupèdes ; matrices des oiseaux, des poissons ; matrice des quadrupèdes ovipares ; matrice des animaux sans pieds ; matrice des sélaciens ; figures Anatomiques à consulter ; matrice du serpent ; la vipère est seule vivipare ; différences des ovipares et des vivipares ; matrices des animaux à cornes qui n’ont pas les deux rangées de dents ; positions diverses des embryons dans la matrice. — Résumé.

§ 1[307]. On vient de dire quelles sont les autres parties intérieures des animaux, quel est le nombre de ces parties, quelle est leur nature, et quelles sont les différences qu’elles présentent entre elles ; il ne reste plus qu’à parler des parties qui concourent à la génération. § 2[308]. Dans toutes les femelles, ces organes sont à l’intérieur ; mais dans les mâles, ces parties offrent des différences plus nombreuses. Ainsi, dans les animaux qui ont du sang, certaines espèces n’ont pas du tout de testicules ; d’autres espèces en ont ; mais ils sont intérieurs. Parmi ceux qui en ont à l’intérieur, les uns les ont dans le bassin, près du lieu où sont les reins ; les autres les ont dans le ventre. § 3[309]. D’autres espèces ont les testicules en dehors ; et tantôt la verge est suspendue sous le ventre et adhérente ; tantôt elle est libre, comme le sont les testicules. L’attache de la verge au ventre diffère selon que les animaux urinent en avant, ou qu’ils urinent en arrière. § 4[310]. Pas une seule espèce de poissons n’a de testicules, non plus qu’en général les animaux qui ont des branchies, non plus encore que tout le genre serpent. Il en est de même aussi de tous les animaux sans pieds, qui ne sont pas vivipares intérieurement. Les oiseaux ont bien des testicules ; mais leurs testicules sont intérieurs, près des lombes. Les quadrupèdes ovipares ont les testicules disposés de même ; par exemple, le lézard, la tortue, le crocodile, et parmi les vivipares, le hérisson.

§ 5[311]. Les animaux qui ont des testicules intérieurs les ont près du ventre, comme le dauphin parmi les animaux sans pieds, ou l’éléphant parmi les quadrupèdes vivipares. Dans les autres animaux, les testicules sont extérieurement apparents. Nous venons de dire les différences qu’offre la suspension, relativement au ventre et aux parties voisines. Dans quelques animaux, par exemple, ils sont continus à la partie postérieure du ventre et n’en sont pas détachés ; c’est ce qu’on observe dans les porcs ; chez d’autres, au contraire, ils sont détachés, comme dans l’homme.

§ 6[312]. Ainsi qu’on vient de le voir, ni les poissons, ni les serpents n’ont de testicules ; mais ils ont deux conduits qui pendent au-dessous du diaphragme, de chaque côté du rachis, et qui se réunissent en un seul un peu au-dessus du point de sortie des excréments. Par « Un peu au-dessus », nous entendons désigner la région de l’arête ou épine. Ces conduits se remplissent de liqueur séminale dans la saison de l’accouplement ; et quand on les presse, il en sort de la semence de couleur blanche. § 7[313]. Quant aux différences que ces conduits présentent les uns par rapport aux autres, c’est par l’anatomie qu’il faut les étudier ; et un peu plus loin, il en sera question d’une manière plus détaillée, quand nous traiterons des conditions spéciales à chacun des poissons.

§ 8[314]. Tous les ovipares, soit bipèdes, soit quadrupèdes, possèdent des testicules dans le bassin, au-dessous du diaphragme, tantôt de couleur plus blanche, tantôt de couleur plus jaunâtre, et enveloppés de petites veines, excessivement ténues. De chacun des testicules, part un conduit ; et les deux se réunissent en un seul, comme chez les poissons, au-dessus du point de sortie de l’excrétion. C’est là précisément la verge, qu’on ne distingue pas dans les petits animaux, mais qui se voit bien mieux chez de plus grands, comme l’oie et les autres animaux de cette grosseur, quand l’accouplement va se faire. § 9[315]. Dans ces animaux comme dans les poissons, ces conduits prennent dans les lombes au-dessous du ventre et des intestins, entre la grande veine, d’où partent les deux conduits pour se rendre à chacun des testicules. Comme pour les poissons encore, la liqueur séminale se montre dans ces conduits, qu’elle remplit au temps de l’accouplement, et alors les conduits sont fort apparents ; la saison de l’accouplement une fois passée, les canaux deviennent parfois imperceptibles. § 10[316]. Les testicules dans les oiseaux sont encore de même : avant l’époque de l’accouplement, les testicules sont très-petits ou même tout à fait invisibles ; mais quand l’animal s’accouple, ils sont énormes. Cette transformation est surtout remarquable dans les pigeons et dans les perdrix, à tel point que quelques personnes croient que ces animaux n’ont pas de testicules en hiver.

§ 11[317]. Quand les testicules sont placés en avant, certains animaux les ont à l’intérieur, dans le ventre, comme les a le dauphin ; d’autres les ont extérieurs et très-apparents à l’extrémité du ventre. Dans ces animaux, les testicules sont pour tout le reste organisés de la même manière ; mais il y a toutefois cette différence que, quand les testicules sont intérieurs, ils sont purement et simplement des testicules séparés ; tandis que les testicules qui sont extérieurs, sont enveloppés dans ce qu’on appelle une Bourse.

§ 12[318]. Voici, dans tous les animaux qui ont des pieds et qui sont vivipares, l’organisation des testicules eux-mêmes. De l’aorte, partent des conduits veineux qui vont jusqu’à la tête de chacun des testicules. Il y en a deux autres qui partent des reins ; et ceux-là sont pleins de sang, tandis que ceux qui partent de l’aorte n’en ont pas. De la tête du testicule lui-même, un conduit, à la fois plus épais et plus nerveux, entre dans le testicule et se replie dans chacun des deux, en se dirigeant vers leur tête. A partir de la tête, les deux canaux se réunissent en un seul, pour aller en avant jusqu’à la verge. § 13[319]. Les conduits qui se replient ainsi, et qui reposent sur les testicules, sont entourés d’une même membrane ; et quand on ne divise pas cette membrane, on pourrait croire qu’il n’y a qu’un seul conduit. Le conduit qui repose sur le testicule contient une liqueur, qui est sanguinolente, moins cependant que celle des canaux supérieurs sortant de l’aorte. Dans ceux qui retournent vers le canal qui est dans la verge, la liqueur est de couleur blanche.

§ 14[320]. De la vessie, part un autre conduit, qui va rejoindre, à la partie supérieure, le canal de la verge ; et ce qu’on appelle la verge est en quelque sorte l’enveloppe de ce canal. § 15[321]. Qu’on étudie d’ailleurs tous ces détails sur le dessin ci-joint. Le point d’origine d’où partent les conduits est A. Les têtes des testicules et les canaux qui y descendent, sont KK. Les canaux qui, partant des testicules, descendent sur le testicule même, sont 00. Ceux qui rebroussent et qui renferment la liqueur blanche, sont BB. La verge est D ; la vessie est E ; et les testicules sont PP.

§ 16[322]. Quand on coupe ou qu’on enlève les testicules mêmes, les conduits se contractent en se retirant en haut. Quand les animaux sont jeunes, on peut détruire les testicules en les comprimant ; plus tard, il faut les couper pour les détruire. On a vu un taureau qui venait d’être coupé, saillir une vache sur-le-champ, et la féconder.

Voilà quelle est l’organisation des testicules dans les animaux.

§ 17[323]. Dans les animaux qui ont des matrices, elles ne sont pas disposées toujours de la même manière ; elles ne sont pas pareilles dans tous ; et elles diffèrent beaucoup entre elles, dans les vivipares, et aussi dans les ovipares. Chez tous les animaux qui ont les matrices près des articulations, les matrices ont deux bords, dont l’un est dans la partie droite, et dont l’autre est dans la partie gauche. Mais le point de départ est unique, ainsi que l’ouverture, qui est comme un conduit très-charnu et cartilagineux, chez la plupart des animaux et chez les plus grands. De ces parties, les unes s’appellent Matrice et Utérus, d’où vient le nom de frères utérins ; et les autres s’appellent la tige et l’orifice de la matrice. § 18[324]. Dans les vivipares, bipèdes ou quadrupèdes, la matrice est toujours en bas du diaphragme, par exemple chez l’homme, le chien, le cochon, le cheval, le bœuf. Tous les animaux qui ont des cornes ont une organisation pareille à celle-là. Le plus souvent, les matrices ont, à l’extrémité de ce qu’on appelle leurs petites cornes, une spirale qui s’enroule. Dans les animaux qui pondent des œufs au dehors, les matrices ne sont pas toutes disposées de même. Ainsi, dans les oiseaux, elles sont près du diaphragme ; dans les poissons, elles sont placées au-dessous, comme celles des vivipares à deux pieds ou à quatre pieds ; si ce n’est que, dans les poissons, elles sont ténues, membraneuses, et larges. Aussi, dans les poissons très-petits, les deux rebords des matrices ne semblent être qu’un seul œuf chacun ; et chez les poissons dont on dit que leur œuf est comme du sable, on croirait qu’ils ont deux œufs seulement. Mais ce n’est pas un seul œuf ; c’est une multitude d’œufs, puisqu’on peut les diviser en un très-grand nombre d’œufs séparés.

§ 19[325]. La matrice des oiseaux a, en bas, sa tige charnue et ferme ; mais la partie qui touche au diaphragme est membraneuse, et si mince qu’il semble que les œufs sont hors de la matrice. Cette membrane est plus apparente dans les grands oiseaux ; et, en soufflant par la tige de la matrice, cette membrane s’élève et se gonfle. Dans les petits oiseaux, tous ces détails sont moins visibles. § 20[326]. Les quadrupèdes ovipares ont la matrice disposée de cette même façon, comme on peut le remarquer sur la tortue, le lézard, la grenouille, et les animaux de même genre. La tige qui est en bas est unique et plus charnue ; la fente et les œufs sont en haut, près du diaphragme. § 21[327]. Dans tous les animaux qui n’ont pas de pieds, et qui extérieurement mettent bas des petits vivants, tout en produisant d’abord un œuf dans leur intérieur, la matrice est divisée aussi en deux parties ; par exemple, les galéïdes (chiens de mer) et tous les animaux qu’on appelle sélaciens. On sait qu’on donne ce nom de Sélacien à tout animal qui, dépourvu de pieds, a des branchies et est vivipare ; chez ces animaux, la matrice est composée de deux parties également, et remonte jusqu’au diaphragme, comme celle des oiseaux. Commençant en bas au milieu des deux parties, elle se dirige vers le diaphragme ; les œufs s’y produisent également, et d’abord en haut, à l’origine du diaphragme ; puis les petits, s’avançant dans une portion plus large, sortent tout vivants des œufs. § 22[328]. Du reste, les différences qui distinguent ces animaux entre eux et qui les distinguent de tous les autres poissons, se comprendront bien mieux en les étudiant sur les figures tracées d’après l’anatomie.

§ 23[329]. Le genre des serpents offre de grandes différences, soit des serpents par rapport aux animaux dont on vient de parler, soit des serpents les uns par rapport aux autres. Toutes les espèces de serpents sont ovipares, à l’exception de la vipère, qui seule est vivipare, après avoir d’abord produit un œuf dans son intérieur. C’est là ce qui fait que sa matrice se rapproche beaucoup de celle des sélaciens. La matrice des serpents, allongée comme l’est leur corps, va, à commencer d’en bas, jusqu’au diaphragme par un seul conduit, qui se divise en continuant des deux côtés de l’épine, comme si chaque conduit était unique. Les œufs sont disposés par rangs réguliers dans la matrice ; et la bête les pond non pas un à un, mais les œufs sortent ensemble tout d’un coup.

§ 24[330]. Tous les vivipares qui produisent leurs petits vivants, soit dans leur intérieur, soit au dehors, ont la matrice en haut du ventre ; tous les ovipares, au contraire, l’ont en bas, près des lombes. Tous les vivipares qui produisent leurs petits au dehors, mais qui intérieurement produisent d’abord des œufs, sont organisés des deux façons, de telle sorte qu’une partie de la matrice se trouve en bas vers les lombes et contient les œufs, tandis que l’autre partie est au haut des intestins, vers le point d’où sortent les excréments. § 25[331]. Voici encore une autre différence que les matrices offrent entre elles. Les animaux à cornes et qui n’ont pas de dents aux deux mâchoires, ont des cotylédons dans la matrice, tant que la bête porte son embryon ; et parmi les animaux qui ont deux rangées de dents, on peut citer le lièvre, le rat et la chauve-souris. Chez tous les autres animaux à deux rangées de dents, qui sont vivipares et qui ont des pieds, la matrice est toute unie ; les embryons sont alors suspendus à la matrice même, et ils ne sont pas attachés au cotylédon.

§ 26[332]. Telle est donc dans tous les animaux la disposition des parties non-similaires, tant au dehors qu’à l’intérieur.


CHAPITRE II

Du sang et des veines ; ce sont les parties similaires le plus communément répandues ; lymphe, fibres, chair, os, cartilages, peau, membranes, nerfs, cheveux, ongles, graisse, suif, excrétions ; les observations antérieures ont été mal faites parce qu’on a surtout étudié les veines sur les animaux morts, ou sur des hommes maigres, où les veines étaient transparentes ; système de Syennésis de Chypre ; il fait partir toutes les veines du nombril ; système de Diogène d’Apollonie ; il distingue deux grosses veines, dont toutes les autres ne sont que des ramifications ; il les fait partir du ventre des deux côtés du rachis, pour se rendre au cœur, et de là, par la poitrine et les aisselles, aux bras jusqu’aux mains, et aux cuisses jusqu’aux pieds ; rameaux secondaires ; système de Polybe ; il distingue quatre paires de veines, qui partent toutes de la tête pour se rendre aux diverses extrémités du corps.

§ 1[333]. De toutes les parties similaires, celle qui est le plus communément répandue chez tous les animaux qui ont du sang, c’est le sang, et cette partie des organes qui sont naturellement destinés à contenir le sang. Cette partie spéciale se nomme la veine. Après la veine et le sang, ce qui a le plus d’analogie avec eux, ce sont la lymphe et les fibres, et cette partie qui plus que toute autre est le corps des animaux, la chair ou ce qui y correspond dans chaque animal. Puis les os, ou ce qui est analogue aux os, les arêtes et les cartilages. Puis encore, la peau, les membranes, les nerfs, les cheveux, les ongles, ou les parties correspondantes. A tout cela, il faut ajouter la graisse, le suif, et les excrétions, qui sont la fiente, le phlegme, et la bile, jaune ou noire.

§ 2[334]. Comme c’est le sang surtout et les veines qui, par leur nature, semblent ici le principe de tout le reste, c’est le premier sujet qu’il faut étudier, d’autant plus que quelques-uns de ceux qui l’ont traité antérieurement n’en parlent pas bien. § 3[335]. La cause de leurs erreurs tient à ce que les faits sont difficiles à observer. Dans les animaux morts, on ne voit plus la nature des veines principales, parce qu’elles s’affaissent plus encore que toutes les autres, dès que le sang en est sorti ; et il en sort toujours en totalité, comme d’un vase qui se vide. Aucun organe n’a par lui-même de sang, si ce n’est le cœur, qui encore en a peu ; et la masse entière du sang est dans les veines. Sur les animaux vivants, il est impossible d’observer l’organisation des veines, puisque naturellement elles sont à l’intérieur. Il résulte de tout cela qu’en observant sur les animaux morts et disséqués, tantôt on n’a pas pu observer les principales origines des veines, et tantôt que ceux qui ont fait leurs observations sur des hommes très-maigres, n’ont pu constater l’origine et l’organisation des veines que d’après des apparences tout extérieures.

§ 4[336]. Syennésis, médecin de Chypre, les explique d’abord de cette façon. « Les grosses veines, dit-il, sont organisées ainsi. Elles partent de l’œil près du sourcil ; et le long du dos, elles se rendent aux poumons sous les mamelles. Celle de droite passe à gauche ; et celle de gauche passe à droite. La veine de gauche se rend par le foie, au rein et au testicule ; celle de droite se rend à la rate, au rein et au testicule, pour, de là, arriver à la verge. »

§ 5[337]. Diogène d’Apollonie s’exprime ainsi : « Voici, dit-il, l’organisation des veines dans le corps humain. Il y en a deux, qui sont les plus grosses de toutes. Elles se dirigent par le ventre, le long de l’épine du dos, l’une à droite, l’autre à gauche dans chaque jambe, du côté où elle est elle-même. En haut, elles se dirigent dans la tête près des clavicules, en traversant la gorge. C’est en partant de ces deux grandes veines que les autres se ramifient dans tout le corps ; les veines de la droite partant de la grosse veine à droite, les veines de la gauche partant de la grosse veine à gauche. Les deux grosses veines se rendent au cœur, en longeant l’épine dorsale.

§ 6[338]. « D’autres, placées un peu plus haut, passent par la poitrine sous l’aisselle, pour se rendre chacune à celle des mains qui est de son côté. L’une s’appelle la splénique, et l’autre l’hépatique. Les extrémités de chacune se divisent, l’une allant au grand doigt, et l’autre au poignet. De ces deux-là, partent de petites veines qui se ramifient indéfiniment dans la main et les doigts,

§ 7[339]. « D’autres rameaux plus ténus partent des premières veines, et se rendent de la veine droite dans le foie, de la veine gauche dans la rate et dans les reins. Celles qui vont aux jambes, se divisent vers l’attache de ces membres, et se ramifient dans toute la cuisse. La plus grosse de ces veines passe derrière la cuisse, où sa grosseur est la plus apparente ; celle qui passe en dedans de la cuisse a un volume un peu moins grand. Ensuite, ces veines vont par le genou dans la jambe et dans le pied, comme celles qui se ramifient dans les mains ; elles descendent dans le tarse (ou cou-de-pied) ; et, de là, elles se répartissent entre les doigts (ou orteils).

§ 8[340]. Des grandes veines, il se ramifie également beaucoup de petites veines sur le ventre et les côtes. Celles qui se rendent dans la tête par la gorge paraissent fort grandes dans le cou. De chacune d’elles, à l’endroit où elles se terminent, il se ramifie un grand nombre de veines allant à la tête : les unes de droite à gauche ; les autres, de gauche à droite ; l’une et l’autre aboutissent à l’oreille.

§ 9[341]. Dans chaque côté du cou, il y a une autre veine qui longe la grande, mais qui est un peu plus petite qu’elle. La plupart des veines qui descendent de la tête viennent s’y réunir, et elles rentrent intérieurement par la gorge. De chacune d’elles, partent des veines qui passent sous l’omoplate, et se rendent ce dans les mains. Près de la veine splénique et de la veine hépatique, il y en a d’autres qui sont un peu plus petites, et qu’on ouvre quand on veut guérir des douleurs sous-cutanées ; mais c’est la splénique et l’hépatique que l’on ouvre quand les douleurs sont dans le ventre.

§ 10[342]. « D’autres veines encore, partant de celles-là, se rendent sous les mamelles. D’autres qui, de chacune d’elles, descendent dans les testicules, en passant par la moelle épinière, sont ténues. D’autres encore, placées sous la peau et au travers de la chair, se rendent aux reins, et aboutissent aux testicules chez les hommes, et à la matrice chez les femmes. Les premières qui partent du ventre sont d’abord plus larges ; elles se rétrécissent ensuite, jusqu’à ce qu’elles changent de droite à gauche, et de gauche à droite : on leur donne le nom de veines spermatiques.

§ 11[343]. « Le sang le plus épais est absorbé dans les chairs ; le reste, qui se rend dans ces différents organes, est léger, chaud et écumeux. »

§ 12[344]. Voilà ce que disent Syennésis et Diogène ; voici maintenant ce que dit Polybe :

§ 13[345]. « Il y a, dit-il, quatre paires de veines. Une première paire, qui vient du derrière de la tête, descend par le cou, et extérieurement le long de chacun des côtés de l’épine dorsale, pour aller des hanches dans les jambes. De là, par le bas de la jambe, elles arrivent aux malléoles externes et dans les pieds. C’est pour cela que dans les douleurs du dos et des hanches, on se fait saigner aux jarrets et aux malléoles externes.

§ 14[346]. « D’autres veines partant de la tête près des oreilles et traversant le cou, sont appelées jugulaires. Celles-là se dirigent le long du rachis et en dedans, près des lombes, aux testicules et aux cuisses. Après avoir traversé la partie interne des jarrets et des jambes, elles arrivent aux malléoles internes, et dans les pieds. C’est là encore ce qui fait que, pour les douleurs des lombes et des testicules, on se fait saigner aux jarrets et aux malléoles internes.

§ 15[347]. « La troisième paire ce de veines, partant des tempes, se dirige par le cou, au-dessous des omoplates, dans le poumon. Celles de droite passent à gauche, sous la mamelle, pour se rendre dans la rate et le rein ; celles de gauche passent à droite, se rendant du poumon, sous la mamelle au foie et à l’autre rein. Toutes les deux aboutissent également à l’anus. § 16[348]. « Enfin, les quatrièmes partent du devant de la tête et des yeux, au-dessous du cou et des clavicules. De là, elles se dirigent, par le haut des bras, jusqu’à leurs flexions ; et passant par les coudes, elles arrivent aux poignets et aux phalanges. Elles remontent ensuite de la partie inférieure des bras aux cuisses ; elles arrivent à la partie supérieure des côtes, jusqu’à ce qu’elles se rendent, l’une à la rate, l’autre au foie ; et après avoir passé sur le ventre, elles se terminent toutes les deux au membre honteux. »


CHAPITRE III

Système personnel d’Aristote sur la distribution des veines dans le corps humain ; causes des erreurs antérieurement commises ; deux grosses veines dans le tronc ; la trachée-artère et l’aorte ; toutes les veines partent du cœur ; la pointe du cœur ; ses trois cavités ; leurs dimensions ; différences de la grande veine et de l’aorte ; rapports de la trachée-artère et du poumon ; ses ramifications ; citation d’Homère ; distribution des veines dans les bras, à la tête et dans les méninges ; le cerveau n’a pas de sang ; ramifications de l’aorte, analogues à celles de la trachée.

§ 1[349]. Telles sont à peu près toutes les idées que d’autres ont émises. Parmi les philosophes qui étudient la nature, il en est qui n’ont pas porté des observations aussi détaillées sur les veines ; mais tous sont d’accord pour les faire partir de la tête et du cerveau. En cela, ils ne sont pas dans le vrai. Ainsi qu’il a été dit plus haut, il est difficile de bien observer les veines ; et c’est seulement sur les animaux qu’on étouffe, après un long amaigrissement, qu’on peut les étudier comme il convient, quand on s’intéresse réellement à ces études. § 2[350]. Voici quelle est précisément la nature des veines. Dans le tronc, se trouvent deux veines, près du rachis et en dedans. La plus grosse des deux est en avant ; la plus petite est par derrière elle. La plus grosse est davantage à droite ; la plus petite est à gauche. On l’appelle parfois l’aorte, parce qu’on peut voir sa partie nerveuse même sur les animaux morts. Ces veines commencent en partant du cœur. § 3[351]. Ce qui le prouve, c’est qu’en passant au travers d’autres viscères, elles y gardent toute leur intégrité, et y restent partout des veines. Le cœur semble, en quelque sorte, en être une partie, surtout de la veine qui est en avant et qui est la plus grosse, puisque au-dessus et au-dessous on trouve ces veines, et qu’au milieu c’est le cœur. § 4[352]. Le cœur, dans tous les animaux, a des cavités internes ; mais dans les animaux très-petits, c’est à peine si l’on peut y distinguer la plus considérable. Chez les animaux de moyenne grandeur, on voit déjà la seconde ; et sur les plus grands, on distingue aisément les trois.

§ 5[353]. La pointe du cœur étant dirigée en avant, ainsi qu’on l’a dit un peu plus haut, la cavité la plus grande est à droite et tout à fait en haut du cœur ; la plus petite est à gauche ; la cavité de grandeur moyenne est entre les deux. D’ailleurs, les deux réunies sont beaucoup plus petites que la grande. § 6[354]. Toutes les trois s’ouvrent dans le poumon ; mais la petitesse des conduits empêche qu’on ne le voie, si ce n’est pour une seule. La grande veine part donc de la cavité la plus grande, qui est en haut et à droite ; ensuite elle redevient veine dans la cavité du milieu, comme si la cavité n’était qu’une portion de la veine, où le sang forme une sorte d’étang. L’aorte part de la cavité moyenne ; mais ce n’est pas de la même manière ; elle communique avec le cœur par un conduit beaucoup plus étroit. La veine traverse le cœur, et se rend dans l’aorte, à partir du cœur. De plus, la grande veine est membraneuse et pareille à la peau ; l’aorte est moins large ; mais elle est excessivement nerveuse. En s’étendant assez loin vers la tête et vers les parties inférieures, elle se rétrécit, et elle devient tout à fait un nerf. § 7[355]. À partir du sommet du cœur, une portion de la grande veine se dirige vers le poumon, et au point de rencontre de l’aorte ; c’est une veine qui ne se divise pas et qui est très-grosse. Mais de cette veine, il sort deux rameaux, dont l’un se rend au poumon, et l’autre au rachis et à la dernière vertèbre du cou. La veine, qui se rend au poumon, lequel est lui-même divisé en deux portions, se partage d’abord en deux. Ensuite, elle se rend à chacune des bronches et à chaque orifice, plus grande pour les plus grands, plus petite pour les plus petits ; de telle sorte qu’il ne se trouve pas, dans ces organes, une seule portion où il n’y ait un orifice et une veinule. § 8[356]. On ne peut plus voir les plus petites de toutes, tant elles deviennent ténues ; mais le poumon, dans toute son étendue, paraît rempli de sang.

§ 9[357]. Tout en haut et partant de la grande veine, se trouvent les canaux des bronches, qui viennent de la trachée-artère. La veine qui se ramifie à la vertèbre du col et au rachis, revient de nouveau à la colonne dorsale ; et c’est d’elle qu’Homère a dit, dans ses vers :

L’artère, qui des reins monte au col, est percée.

De cette veine, partent des veinules à chaque côte et à chaque vertèbre ; et elle se divise en deux, à la vertèbre qui est au-dessus des reins.

§ 10[358]. Voilà donc comment se distribuent toutes ces ramifications partant de la grande veine.

§ 11[359]. Mais au-dessus de ces rameaux de la veine qui part du cœur, la veine entière se divise pour se rendre à deux régions. Les unes se portent sur le côté et aux clavicules, pour se rendre ensuite par les aisselles dans les bras chez l’homme, dans les membres antérieurs chez les quadrupèdes, dans les ailes chez les oiseaux, et dans les nageoires inférieures chez les poissons. Ces veines, au point où elles se divisent tout d’abord, et où elles commencent, se nomment les jugulaires. Là où elles se divisent pour aller de la grande veine au cou, elles suivent l’artère du poumon. Il arrive parfois que, quand elles sont comprimées du dehors, on voit des hommes tomber dans l’insensibilité, sans être d’ailleurs asphyxiés, et fermer les yeux. § 12[360]. En suivant cette direction, et en enveloppant la trachée-artère, ces veines se rendent aux oreilles, là où les mâchoires se réunissent à la tête. À partir de ce point, elles se divisent en quatre autres veines, dont l’une, en se repliant, descend par le cou et l’épaule, et vient se réunir à la première ramification de la grande veine, vers le pli du bras. L’autre partie va se terminer aux mains et aux doigts. Une autre ramification, partant aussi de la région des oreilles, se rend au cerveau, et se partage en une foule de veinules très-petites sur ce qu’on appelle la méninge, qui enveloppe l’encéphale.

§ 13[361]. Le cerveau lui-même, chez tous les animaux, n’a point de sang ; pas une veine petite ou grande ne s’y rend. Les autres veines, qui se ramifient de la veine jugulaire, entourent circulairement la tête, ou bien vont se terminer aux organes des sens et aux dents, par des rameaux excessivement déliés. § 14[362]. C’est de la même manière que se ramifient les divisions de l’autre veine plus petite, appelée l’aorte ; elles accompagnent celles de la grande veine. La seule différence, c’est que ces canaux et ces veines sont en beaucoup plus petit nombre que les ramifications de la grande veine.

CHAPITRE IV

Suite de la description des veines, dans les parties inférieures du corps ; ramifications de la grande veine dans le foie, la rate, le mésentère, les intestins ; ramifications de la grande veine et de l’aorte dans les reins, à la vessie et à la verge ; ramifications de l’aorte dans la matrice ; ramifications des deux veines par les aines aux jambes, aux pieds et aux orteils ; cette description générale s’applique à tous les animaux, pour les veines principales ; variétés des autres ; précautions à prendre pour bien observer l’organisation des veines, sur les animaux où elle est le plus apparente.

§ 1[363]. On voit donc comment se distribuent les veines au-dessus du cœur. La partie de la grande veine qui est au-dessous traverse directement le diaphragme. Elle se rattache à l’aorte et au rachis par des canaux membraneux et souples. Il en part une veine qui traverse le foie, courte, mais large ; et celle-là donne naissance à un grand nombre de veines très-déliées, qui se rendent dans le foie, où elles se perdent. De la veine qui traverse le foie, sortent deux rameaux, dont l’un aboutit au diaphragme et à ce qu’on appelle l’hypogastre, et dont l’autre, revenant par l’aisselle dans le bras droit, rejoint les autres veines qui se trouvent au pli du bras. C’est ce qui fait que les médecins, en ouvrant cette veine, peuvent soulager certaines douleurs de foie. § 2[364]. De la partie gauche de la grande veine, une veine courte, mais épaisse, se rend à la rate, où se perdent les veinules qui en sortent. Une autre portion de la grande veine, à gauche, se ramifie de la même façon, et se rend en montant dans le bras gauche. Seulement, la première est bien celle qui traverse le foie, tandis que celle-là est différente de celle qui se rend dans la rate. § 3[365]. D’autres veines encore, partant de la grande veine, se ramifient : l’une à l’épiploon ; l’autre, à ce qu’on appelle le Pancréas. De cette dernière, partent des veines nombreuses, qui traversent le mésentère. Toutes ces veines se terminent à une grosse veine, qui se répartit dans tout l’intestin et dans tout le ventre, jusqu’à l’œsophage. Dans ces mêmes parties, beaucoup d’autres veines se ramifient de celles-là.

§ 4[366]. Jusqu’aux reins, l’aorte et la grande veine restent, l’une et l’autre, à n’avoir qu’une branche ; mais là elles se soudent davantage au rachis ; et l’une et l’autre se divisent en deux, sous forme de Lambda. La grosse veine est un peu plus en arrière que l’aorte. L’aorte se soude de plus près au rachis, aux approches du cœur ; et l’attache s’y fait par des veinules nerveuses et petites. En sortant du cœur, l’aorte est très-creuse ; mais, dans son trajet, elle devient de plus en plus étroite, et se rapproche d’autant plus d’être un nerf. § 5[367]. De l’aorte, comme de la grande veine, partent des veines qui vont au mésentère ; mais elles ont beaucoup moins de volume ; elles sont étroites et fibreuses ; et elles se terminent en légers filets, creux et fibreux. Il n’y a pas de veine qui, de l’aorte, aille au foie ou à la rate. § 6[368]. Les rameaux de l’une et l’autre veine, aorte et grande-veine, se rendent à chacune des hanches ; et toutes deux, elles s’insèrent à l’os. Il y a aussi des veines qui, de l’aorte et de la grande veine, se rendent dans les reins ; seulement, elles n’entrent pas dans leur profondeur, et elles disparaissent dans le corps même des reins. § 7[369]. Il y a également deux autres canaux qui, partant de l’aorte, se dirigent à la vessie ; ils sont forts et continus. D’autres aussi viennent du fond des reins, et sont sans communication avec la grande veine. Du milieu de chacun des reins, part une veine large et nerveuse, qui longe le rachis lui-même, entre les nerfs. Ensuite, elles disparaissent, l’une et l’autre, dans chaque hanche ; et un peu plus loin, elles reparaissent, en se réunifiant sur la hanche. Leurs extrémités s’étendent à la vessie, et à la verge dans les mâles, et à la matrice dans les femelles.

§ 8[370]. Il n’y a pas de veines qui, de la grande veine, se rendent à la matrice ; mais il y en a beaucoup et de très-grosses qui viennent de l’aorte. De l’aorte et de la grande veine, quand elles se sont réunifiées, il en sort beaucoup d’autres, dont les unes vont aux aines, d’abord grandes et larges, et vont aboutir par les jambes aux pieds et aux orteils. D’autres à l’inverse, passant alternativement par les aines et les cuisses, vont, l’une de gauche à droite, et l’autre de droite à gauche ; et elles se rejoignent aux autres veines dans la région du jarret.

§ 9[371]. On doit voir clairement par ces descriptions comment se distribuent les veines, et quel est leur point de départ. Dans tous les animaux qui ont du sang, c’est là l’origine des veines et l’organisation des principales ; mais quant aux autres veines, la distribution n’en est pas la même dans tous les animaux, attendu que leurs parties ne sont pas non plus les mêmes, et que tous les animaux ne les ont pas toutes. On ne peut pas toujours les observer aussi distinctement ; mais on les observe surtout dans les animaux qui ont le plus de sang et qui sont les plus grands. Sur les petits et sur ceux qui n’ont pas beaucoup de sang, soit naturellement, soit par suite de la masse de leur graisse, il n’est pas aussi facile de se rendre compte des choses. Alors, les veines y sont tantôt submergées et confondues, comme les vaisseaux sont parfois perdus dans la vase qui les comble ; et tantôt au lieu de veines, ce sont des fibres en petit nombre, et qui ne sont que des fibres. Néanmoins la grande veine est, dans tous les animaux, la plus visible, même dans les animaux les plus petits.


CHAPITRE V

Organisation des nerfs ; ils partent aussi du cœur ; différences des nerfs et des veines sur les personnes maigres ; ordre des nerfs selon leur force, jarret, tendon, extenseur, omoplate, etc. ; nerfs autour des os ; nature des nerfs, déchirables en long ; liquide des nerfs ; action du feu ; pas d’engourdissement là où il n’y a pas de nerfs ; tous les animaux qui ont du sang ont des nerfs ; nerfs des poissons.

§ 1[372]. Les nerfs dans les animaux sont disposés de la manière suivante. Comme les veines, les nerfs partent aussi du cœur, qui a des nerfs et qui les contient dans sa plus grande cavité. Ce qu’on appelle l’aorte n’est qu’une veine nerveuse, dont les extrémités sont absolument de la nature des nerfs. On peut voir en effet que ces extrémités ne sont plus creuses, et qu’elles ont la même possibilité de se tendre qu’ont les nerfs, aux points où elles aboutissent aux flexions des os. § 2[373]. Néanmoins, les nerfs ne sont pas comme les veines, continus sans interruption, à partir de leur première et unique origine. Les veines ressemblent aux esquisses des peintres ; et elles prennent si bien toute la forme du corps que sur les personnes très-maigres, on croirait que la masse totale du corps n’est remplie que de veines ; car sur les gens maigres, les veines tiennent la même place que les chairs dans les gens gras.

§ 3[374]. Les nerfs sont répartis dans les membres, ou articulations, et dans les jointures des os, où se font les flexions ; et si, de leur nature, ils étaient continus, la continuité de tout se verrait aisément sur les personnes maigres. Les places principales des nerfs sont d’abord celle de qui dépend l’action du saut ; on la nomme le jarret ; et ensuite, un autre nerf double, le tendon. Puis, viennent, sous le rapport de la force, les nerfs qu’on appelle l’extenseur et le nerf de l’épaule. Puis enfin, il y a des nerfs auxquels on n’a pas donné de nom et qui servent à l’articulation des os ; car tous les os qui, en se rejoignant, s’articulent les uns sur les autres, sont reliés par des nerfs. § 4[375]. Autour de chaque os, il y a toujours une quantité de nerfs, si ce n’est pour la tête, où il n’y en a aucun, et où ce sont les sutures des os eux-mêmes qui la maintiennent. Le nerf peut, par sa nature, se diviser en long, mais non dans sa largeur ; et il peut s’allonger beaucoup. Autour des nerfs, il y a un liquide muqueux, de couleur blanche, gluant, qui les nourrit et qui paraît les produire. La veine peut être brûlée sans se détruire ; mais le nerf soumis au feu est détruit tout entier ; et si on le coupe, il ne reprend jamais. § 5[376]. L’engourdissement n’affecte pas les parties du corps où il n’y a pas de nerfs. Celles où il y a le plus de nerfs sont les pieds, les mains, les côtes et les omoplates, le cou et les bras.

§ 6[377]. Tous les animaux qui ont du sang ont aussi des nerfs ; mais dans les animaux sans articulations, et qui n’ont ni pieds, ni mains, les nerfs sont ténus et imperceptibles. Dans les poissons, les nerfs les plus apparents sont ceux des nageoires.


CHAPITRE VI

Des fibres ; liquide qu’elles contiennent ; leur nature ; fibres particulières du sang ; leur présence est indispensable pour qu’il se coagule ; exceptions pour quelques animaux ; le cerf, le lièvre, le bubale, et le mouton.

§ 1[378]. Les fibres sont placées au milieu entre les nerfs et les veines. Quelques-unes renferment un liquide, celui de la lymphe, et elles vont des nerfs aux veines, et des veines aux nerfs. § 2[379]. Il est encore une autre espèce de fibres qui se forment dans le sang ; mais ce n’est pas dans le sang de tout animal indistinctement. Quand on enlève ces fibres au sang, il ne se coagule plus ; il se coagule, si on les y laisse. Il y en a dans le sang de presque tous les animaux ; mais il n’y en a pas dans le sang du cerf, du chevreuil, du bubale et de quelques autres. Aussi, le sang de ces animaux ne se coagule-t-il pas comme celui des autres. § 3[380]. Le sang du cerf se coagule à peu près comme celui du lièvre. D’ailleurs, le sang de ces deux espèces ne donne pas une coagulation solide comme celles des autres, mais une coagulation flasque et humide, comme celle du lait où l’on n’aurait pas mis de présure. § 4[381]. Le sang du bubale se coagule davantage, et à peu près autant, ou légèrement moins que celui des moutons.

§ 5[382]. Voilà ce qu’il y avait à dire sur les veines, les nerfs et les fibres.


CHAPITRE VII

Des os ; ils ne sont jamais isolés ; ils se rattachent tous à l’épine dorsale ; description du rachis ; les vertèbres ; le crâne ; ses sutures dans l’homme ; suture circulaire dans la femme ; les mâchoires, les dents ; dureté des dents ; les omoplates ; os des bras, os des mains ; os des extrémités inférieures, ou côlènes ; chevilles ; os des pieds ; ressemblances des os chez les vivipares ; os à moelle ; os sans moelle ; le lion ; dureté de ses os ; analogies chez les sélaciens et les poissons ; arêtes des poissons ; les os du serpent ; variétés dans la consistance de l’épine dorsale selon la grandeur des animaux, et selon les organes ; différences correspondantes.

§ 1[383]. Tous les os dans les animaux n’ont qu’un point de départ ; et ils se relient les uns aux autres, tout comme les veines. Il n’y a point d’os qui soit isolé et séparé. Le point de départ est le rachis, dans tous les animaux qui ont des os. § 2[384]. Le rachis se compose de vertèbres, et il va de la tête aux hanches et au siège. Toutes les vertèbres sont percées. L’os qui est en haut, celui de la tête, touche aux dernières vertèbres ; et il s’appelle le crâne. La partie de cet os, dentelée en forme de scie, est la suture. § 3[385]. Le crâne n’est pas identique dans tous les animaux ; chez les uns, il est composé d’un os unique, comme dans le chien ; chez les autres, il est de plusieurs pièces, comme dans l’homme. Et encore la femme n’a-t-elle qu’une suture circulaire, tandis que l’homme en a trois, qui se réunissent au sommet et forment un triangle. On a même vu une fois une tête d’homme sans suture. La tête ne se compose pas de quatre os, mais de six ; et les deux qui sont vers les oreilles sont petits, comparativement aux autres. § 4[386]. Les os qui forment les mâchoires viennent de la tête. Dans tous les animaux, c’est la mâchoire d’en bas qui est mobile ; le crocodile de rivière est le seul animal qui meuve sa mâchoire d’en haut. Dans les mâchoires, sont placées les dents, espèce d’os qui, en un sens, n’est pas percée, et qui est percée en un autre sens. C’est, parmi les os, le seul qu’on ne puisse pas tailler.

§ 5[387]. C’est de l’épine dorsale que viennent, l’os qui supporte la tête, les clavicules et les côtes. La poitrine s’appuie sur les côtes ; quelques côtes se rejoignent à elle : d’autres ne s’y rejoignent pas ; car il n’est pas un seul animal qui ait un os autour de la région du ventre. Puis viennent les os qui sont dans les épaules, d’abord ceux qu’on appelle omoplates, puis les os des bras, qui y tiennent, et les os de la main tenant à ces derniers. Cette dis-position des os est la même dans tous les animaux qui ont des membres de devant. § 6[388]. En bas de l’épine, là où elle finit, vient, après la hanche, la cavité cotyloïde ; puis, les os des extrémités inférieures, tant ceux des cuisses que ceux des jambes, qu’on appelle les Côlènes. Les chevilles en sont une partie ; et dans les chevilles, on comprend ce qu’on appelle les ergots, chez les animaux qui ont une cheville. Viennent, à la suite, les os des pieds.

§ 7[389]. Les vivipares qui ont du sang et qui marchent ne diffèrent presque pas entre eux sous le rapport des os ; et les différences principales dans les os qui se correspondent, portent sur leur dureté, leur mollesse ou leur grosseur. § 8[390]. Certains os ont de la moelle ; d’autres n’en ont pas, dans un seul et même animal. Il y a même des animaux qui semblent n’avoir point du tout de moelle dans les os : le lion par exemple, qui n’a en effet de la moelle qu’en très-petite quantité, et très-déliée, dans quelques os à peine, n’en ayant guère que dans les cuisses et dans les pattes de devant. D’ailleurs, le lion est l’animal qui a les os les plus solides ; et ils sont tellement durs que, quand on les choque les uns contre les autres, on en fait sortir du feu, comme si c’étaient des cailloux. § 9[391]. Le dauphin a également des os ; mais il n’a pas d’épine. Chez tous les autres animaux qui ont du sang, tantôt les os ne sont que très-peu différents, comme ceux des oiseaux ; dans les autres, il y a des parties correspondantes et identiques par analogie, par exemple dans les poissons, où les vivipares ont une épine cartilagineuse, comme ceux que nous appelons les sélaciens, et où les ovipares ont une arête, qui reproduit le rachis des quadrupèdes. § 10[392]. Une organisation propre aux poissons, c’est qu’ils ont, dans quelques espèces, de petites arêtes isolées et minces, qui traversent la chair. Le serpent est à peu près comme les poissons, et son rachis est une sorte d’arête. Dans les quadrupèdes ovipares, les plus grands ont une épine dorsale plus semblable à l’os ; les plus petits l’ont plus semblable à l’arête. D’ailleurs, tous les animaux qui ont du sang ont un rachis de la nature de l’os, ou de la nature de l’arête. § 11[393]. Quant aux autres espèces d’os, tantôt les animaux les ont ; tantôt ils ne les ont pas ; et selon qu’ils ont les parties où ces os doivent se trouver, ils ont aussi les os propres à ces parties spéciales. Ainsi, les animaux qui n’ont ni jambes ni bras, n’ont pas les os Côlènes, pas plus que les animaux qui ont bien ces parties, mais qui ne les ont pas semblables. Dans tous ces animaux, il y a des différences de plus et de moins, et aussi de proportions.

§ 12[394]. Telle est donc dans les animaux la disposition des os et leur organisation naturelle.


CHAPITRE VIII

Des cartilages ; leurs ressemblances et leurs différences avec les os ; les cartilages ne sont pas percés ; et ils n’ont pas de moelle ; cartilages des vivipares et des sélaciens.

§ 1[395]. Le cartilage est de la même nature que les os ; il n’y a entre eux qu’une différence de plus ou de moins ; et de même que l’os, le cartilage, une fois coupé, ne repousse plus. § 2[396]. Dans les animaux qui vivent sur terre et qui sont vivipares, les cartilages de ceux qui ont du sang ne sont jamais percés ; et il ne s’y forme pas de moelle, comme il s’en forme dans les os. Mais dans les sélaciens, où l’épine est cartilagineuse, ceux qui sont larges ont un cartilage correspondant aux os du rachis, et contenant un liquide qui a quelque chose de la moelle. § 3[397]. Les vivipares qui marchent ont des cartilages aux oreilles, au nez et à certaines extrémités de leurs os.


CHAPITRE IX

Des ongles, des cornes, des becs et des parties analogues à celles-là ; leur nature ; elles peuvent se plier et se fendre ; l’os se brise ; couleur de ces parties, pareille à celle de la peau ; les dents sont de la couleur des os ; les noirs Éthiopiens ont les dents blanches et les os blancs ; cornes généralement creuses à la base, solides à la pointe ; exception du cerf, perdant ses bois chaque année, s’il n’est pas châtré ; cornes mobiles des bœufs de Phrygie ; des ongles et des doigts ; l’homme, l’éléphant, le lion, l’aigle.

§ 1[398]. Il y a, dans les animaux, d’autres espèces de parties qui ne sont pas de la même nature que les os, et qui ne s’en éloignent guère, cependant ; ce sont les ongles, les soles, les griffes, les cornes, et encore le bec, tel qu’on le voit chez les oiseaux, dans ceux des animaux qui présentent ces parties diverses. Toutes ces parties nouvelles peuvent se plier et se fendre, tandis que l’os au contraire ne peut jamais, ni se plier, ni se fendre ; il ne peut que se rompre. § 2[399]. La couleur des cornes et des ongles, du sabot et de la sole, suit la couleur de la peau et des poils. Ainsi, les animaux qui ont ces parties, et dont la peau est noire, ont aussi les cornes, les sabots et les soles également noires ; les blancs les ont blanches ; elles sont de couleur intermédiaire chez les animaux qui sont entre deux. Il en est de même des ongles. § 3[400]. Les dents sont naturellement de la couleur des os. Aussi, les hommes de couleur noire, comme les Éthiopiens et les peuples de même race, ont les dents blanches comme leurs os, tandis que les ongles sont noirs, comme tout le reste de leur peau.

§ 4[401]. Le plus souvent, les cornes sont creuses à partir du point d’excroissance d’où vient l’os sorti de la tête ; à l’extrémité, elles sont pleines et solides ; et elles sont simples. Il n’y a que le cerf dont les cornes soient pleines dans toute leur longueur, et divisées en plusieurs rameaux. Les autres animaux qui ont des cornes ne les perdent pas ; le cerf seul les perd tous les ans, à moins qu’il n’ait été coupé. On parlera plus tard de la castration dans les animaux. § 5[402]. Les cornes tiennent plutôt à la peau qu’à l’os ; et c’est ainsi qu’on voit en Phrygie, et dans d’autres contrées, des bœufs qui font mouvoir leurs cornes, comme leurs oreilles. § 6[403]. Tous les animaux qui ont des doigts ont des ongles, et tous ceux qui ont des pieds ont aussi des doigts. Il n’y a d’exception que pour l’éléphant, qui a des doigts non séparés et à peine articulés, sans aucune trace d’ongles. Mais, parmi les animaux qui sont pourvus d’ongles, les uns les ont tout droits, ainsi que l’homme les a ; les autres les ont recourbés, comme le lion entre les quadrupèdes, et l’aigle entre les volatiles.


CHAPITRE X

Des poils, de la peau et de leurs analogues ; épaisseur ou légèreté des poils ; rudesse et douceur selon les parties du corps, et selon les climats ; la peau de l’homme est la plus fine de toutes ; parties du corps où elle ne repousse pas une fois coupée ; couleur des poils ; elle varie avec l’âge ; cheveux blancs dans l’homme ; poils qu’il apporte en naissant ; poils qui viennent plus tard ; la calvitie ; les eunuques ; femmes qui ont quelque barbe ; prêtresses de Carie ; longueur des poils ; les cils ; les sourcils ; humeur visqueuse des poils ; rapports des varices et des poils ; croissance des poils ; changements de la couleur des poils dans les oiseaux ; la grue ; influence des saisons et des climats ; influences des eaux ; les rivières de la Thrace ; le Scamandre ; Homère cité ; les plumes arrachées ne repoussent pas ; ailes et aiguillon de l’abeille.

§ 1[404]. Voici maintenant ce qu’il en est des poils et de leurs analogues, et de la peau. Tous les animaux qui ont des pieds et qui sont vivipares ont des poils ; tous ceux qui ont des pieds, mais qui sont ovipares, sont pourvus de lamelles écailleuses ; les poissons qui ont des œufs grenus ont seuls, des écailles. Parmi les poissons à corps allongé, le congre, et la murène n’ont pas d’œufs de cette espèce ; et l’anguille n’en a point du tout. § 2[405]. L’épaisseur ou la légèreté des poils, ainsi que leur longueur, dépendent de la place où ils croissent, dans les différentes parties de l’animal, et aussi de la nature de la peau. Là où la peau est plus épaisse, le poil est plus rude et plus fort, dans presque tous les cas. Le poil est plus abondant et plus long dans les places qui sont plus enfoncées et plus humides, pourvu toutefois que cette place soit destinée à avoir des poils. Il en est de même pour les animaux à écailles ou à lamelles écailleuses. § 3[406]. Les animaux qui ont un poil naturellement doux, le prennent plus rude s’ils sont bien nourris ; chez ceux qui l’ont naturellement rude, il devient alors plus doux et plus rare. Le poil diffère encore selon les contrées plus chaudes ou plus froides ; c’est ainsi que les cheveux de l’homme sont durs dans les climats chauds, et doux, au contraire, dans les climats froids. Les poils tout droits sont doux ; les poils frisés et crépus sont rudes et durs.

§ 4[407]. La nature des poils permet de les fendre ; et ils diffèrent les uns des autres, en ce qu’ils sont plus ou moins divisibles. Il en est qui, prenant peu à peu plus de dureté, en arrivent à n’être plus des poils, mais des piquants, comme les poils des hérissons de terre. La même transformation a lieu pour les ongles ; car il y a des animaux dont les ongles sont aussi durs que des os. § 5[408]. L’homme a la peau plus mince qu’aucun autre animal, en proportion de sa grosseur. Dans la peau de tout animal quelconque, il y a toujours une humeur visqueuse, moins abondante chez les uns, plus chez les autres, comme chez les bœufs, par exemple, où elle sert à faire de la colle ; dans certains pays, on fait aussi de la colle avec cette viscosité des poissons.

§ 6[409]. La peau est par elle-même insensible quand on la coupe ; et surtout la peau de la tête, parce que là il n’y a pas du tout de chair entre la peau et l’os. Du reste, là où il n’y a que de la peau, elle ne reprend point quand une fois elle a été coupée, comme à la partie mince de la joue, au prépuce et à la paupière. § 7[410]. Chez tous les animaux, la peau est continue, et elle ne s’interrompt que là où les ouvertures naturelles se dégorgent, et aussi à la bouche et aux ongles. Tous les animaux qui ont du sang ont de la peau ; mais tous n’ont pas de poil, et ils se distinguent, ainsi qu’on l’a déjà expliqué plus haut.

§ 8[411]. La couleur du poil varie quand l’animal devient vieux ; dans l’homme, les poils blanchissent avec l’âge. Ce changement se passe aussi dans les autres animaux ; mais il n’y est pas très-sensible, excepté dans le cheval. Le poil commence à blanchir par le bout ; le plus souvent, les cheveux gris deviennent blancs tout à coup en entier ; ce qui prouve bien que le grisonnement des cheveux ne tient pas à une dessiccation, comme on le prétend quelquefois ; car rien ne se dessèche d’un seul coup. Dans cette efflorescence qu’on appelle la lèpre blanche, tous les poils deviennent gris. Dans quelques maladies, les cheveux grisonnent ; et, après être tombés, ils repoussent noirs après la guérison. § 9[412]. Les cheveux deviennent plus vite gris quand on les couvre que quand on les laisse à l’air. Dans l’homme, ce sont les tempes qui grisonnent les premières ; le devant de la tête devient gris avant le derrière ; et les parties sexuelles grisonnent en dernier lieu.

§ 10[413]. II y a des poils que l’homme apporte en naissant ; d’autres ne poussent qu’avec l’âge, et l’homme est le seul parmi les animaux chez qui se manifeste cette différence. Les poils qu’il apporte en naissant sont des cheveux, des cils, et des sourcils. Les poils qui ne paraissent que postérieurement sont d’abord ceux des parties sexuelles ; puis, ceux de l’aisselle, et enfin, ceux du menton. Ainsi, le nombre des parties où poussent les poils qui paraissent dès la naissance et ceux qui viennent plus tard, est égal. § 11[414]. Ce sont les poils de la tête qui, avec l’âge, disparaissent et tombent le plus abondamment, et les premiers. Ce ne sont d’ailleurs que les cheveux de devant ; car on ne devient jamais chauve par derrière la tête. Le dépouillement du sommet s’appelle Calvitie ; le dépouillement des sourcils s’appelle, en grec, Anaphalantiasis ; mais aucun de ces changements ne se produit jamais avant qu’on n’ait eu des rapports sexuels. L’enfant ne devient jamais chauve, non plus que la femme, ni l’eunuque. Si l’eunuque a été opéré avant la puberté, les poils qui doivent venir après elle ne poussent plus chez lui ; s’il a été opéré plus tard, ce sont ces poils-là qui, chez lui, sont les seuls à tomber, excepté ceux des parties sexuelles.

§ 12[415]. La femme n’a pas de poils au menton ; ce n’est qu’exceptionnellement que quelques-unes en ont un peu, quand leurs mois viennent à cesser. Les prêtresses de Carie en ont aussi ; et, en elles, on regarde que c’est un présage de l’avenir.

Les autres poils viennent également aux femmes, mais en quantité moindre. Il y a des hommes et des femmes qui, par constitution, sont privés des poils qui poussent avec l’âge ; mais ces individus sont impuissants, lorsqu’en même temps ils n’en ont pas aux parties sexuelles.

§ 13[416]. Les poils autres que ceux-là poussent proportionnellement plus ou moins longs ; ce sont surtout ceux de la tête qui poussent le plus ; puis, ceux de la barbe ; les plus fins poussent davantage. Chez quelques sujets, les sourcils deviennent si épais dans la vieillesse qu’il faut les couper. La cause en est que les sourcils sont placés à la jointure des os, et que les os, en s’écartant dans la vieillesse, laissent passer plus d’humidité. Les cils des paupières ne croissent pas ; mais ils tombent quand on commence à user des plaisirs sexuels ; et ils tombent d’autant plus qu’on en use davantage. Ils ne grisonnent que le plus tard de tous. Les poils qu’on arrache peuvent repousser jusqu’à l’âge mûr ; ensuite, ils ne repoussent plus.

§ 14[417]. Tous les poils ont à leur racine une humeur gluante ; et au moment où l’on vient de les arracher, ils peuvent enlever les petits objets qu’ils touchent. § 15[418]. Les animaux dont le poil est de couleur variée, ont une variété égale sur leur peau, et aussi sur la peau de la langue. Quant à la barbe, il y a des hommes qui l’ont épaisse à la lèvre et au menton ; d’autres ont ces parties assez lisses ; et alors, ce sont les mâchoires ou les joues qui, chez eux, sont velues. Ceux dont le menton est imberbe deviennent chauves moins aisément. § 16[419]. Dans certaines maladies, les poils poussent davantage ; par exemple, dans les consomptions et aussi dans la vieillesse, et même sur les cadavres ; mais ils perdent de leur souplesse et deviennent plus durs. On remarque les mêmes changements dans les ongles. Les poils de naissance tombent plus vite chez les individus qui abusent des plaisirs sexuels ; les poils qui ne viennent qu’avec l’âge poussent plus vite sous la même influence. Les gens sujets aux varices sont moins exposés à la calvitie ; et si, étant déjà chauves, ils contractent des varices, on voit parfois leurs cheveux repousser.

§ 17[420]. Le poil ne pousse pas par le bout qu’on a coupé ; mais il grossit en poussant du bas de sa racine. Les écailles des poissons durcissent et épaississent ; et elles deviennent d’autant plus dures que l’animal maigrit et vieillit. Chez les quadrupèdes, les poils des uns, la laine des autres, deviennent plus longs, mais moins abondants ; les sabots des uns, les soles des autres, s’allongent, avec l’âge, comme aussi les becs des oiseaux. Les pinces s’accroissent également, de même que les ongles.

§ 18[421]. Ces changements amenés par l’âge n’ont pas lieu dans les animaux qui ont des ailes, comme les oiseaux. Il faut toutefois excepter la grue, qui, étant naturellement de couleur cendrée, prend avec le temps des plumes plus noires. Mais les influences que produisent les saisons sont très-marquées ; et par exemple, quand le froid redouble, on voit quelquefois les oiseaux dont le plumage est d’une couleur uniforme, passer d’un noir plus ou moins foncé au blanc, comme le corbeau, le moineau, les hirondelles. Mais l’on n’a jamais vu les races de couleur blanche passer au noir. Beaucoup d’oiseaux changent si bien de couleur, avec les saisons, qu’on ne les reconnaît plus, si l’on n’est point fait à ces changements. § 19[422]. Chez d’autres animaux, la couleur du poil varie avec la couleur des eaux qu’ils boivent ; ici ils deviennent blancs, et là ils deviennent noirs. Cette influence s’étend jusque sur les portées. Dans bien des lieux, on trouve des eaux qui font que les moutons, qui s’accouplent après en avoir bu, ont des agneaux noirs. On cite, par exemple, le fleuve appelé le Froid, dans la Chalcidique de Thrace, dans l’Assyritis, qui produit cet effet. Dans l’Antandrie, il y a deux rivières dont l’une fait produire des moutons blancs ; et l’autre, des moutons noirs. Il paraît aussi que les eaux du Scamandre, à ce que l’on dit, rendent les moutons roux ; et voilà pourquoi, dit-on encore, Homère l’appelle le Xanthe (le Roux), au lieu de Scamandre.

§ 20[423]. Aucun autre animal quelconque n’a de poils à l’intérieur ; et les poils des extrémités sont placés en dessus, et jamais en dessous. Le lièvre seul a des poils en dedans des joues, et sous les pattes. Le rat de mer, le cétacé, n’a pas de dents dans la bouche ; mais ce sont des soies pareilles à celles du porc.

§ 21[424]. Comme on l’a vu, les poils, quand on les a coupés, croissent par en bas, mais non par le haut. Les plumes, une fois coupées, ne poussent, ni par en haut, ni par en bas ; mais elles tombent. L’aile de l’abeille, quand elle lui a été arrachée, ne repousse pas, non plus que celles des animaux où l’aile est sans divisions. L’aiguillon ne repousse pas davantage, quand l’abeille vient à le perdre ; et dans ce cas, elle meurt.


CHAPITRE XI

Des membranes ; il y en a dans tous les animaux, où elles sont plus, ou moins fortes ; membranes de l’encéphale ; membrane du cœur ; la membrane une fois coupée ne reprend pas ; membranes des os ; la membrane de l’épiploon est dans tous les animaux qui ont du sang ; place de l’épiploon ; la vessie est une sorte de membrane ; tous les vivipares en ont une ; la tortue, parmi les ovipares, en a une aussi ; maladie de la pierre. — Résumé partiel.

§ 1[425]. Dans tous les animaux qui ont du sang, il y a aussi des membranes. La membrane ressemble à une peau serrée et mince ; mais c’est une autre nature. La membrane ne peut, ni se déchirer, ni se distendre. Pour chaque os, pour chaque viscère, il y a une membrane, dans les animaux les plus grands et dans les plus petits ; mais dans les plus petits animaux, les membranes ne se voient pas aisément, parce qu’elles sont très-minces et très-peu étendues. § 2[426]. Les membranes les plus considérables sont d’abord les deux membranes qui enveloppent le cerveau ; et des deux, celle qui est près de l’os est plus forte et plus épaisse que celle qui enveloppe l’encéphale. La plus considérable ensuite est celle du cœur. Une membrane, réduite à elle seule, ne repousse pas, une fois qu’elle a été coupée ; et les os dépouillés de leurs membranes se carient. § 3[427]. L’épiploon est également une membrane ; on trouve l’épiploon chez tous les animaux qui ont du sang ; seulement, chez les uns, il est graisseux ; chez les autres, il est sans graisse. Dans les vivipares qui ont les deux rangées de dents, haut et bas, il commence et il est suspendu au milieu de l’estomac, là où l’estomac présente une sorte de suture. Dans les animaux qui n’ont point les deux rangées de dents, il part également du grand estomac, auquel il est attaché de la même façon.

§ 4[428]. La vessie est bien encore une sorte de membrane ; mais c’est une membrane d’une autre nature, puisqu’elle peut se distendre. Tous les animaux n’ont pas de vessie ; mais tous les vivipares en ont une. Dans les ovipares, la tortue est la seule à en avoir. Une fois coupée, la vessie ne se cicatrise point, si ce n’est à l’origine même de l’uretère. C’est quelque chose d’excessivement rare ; mais on en a vu déjà quelques cas. Après la mort, le liquide n’y passe plus. Pendant la vie, il s’y dépose des concrétions sèches, qui forment des pierres ; c’est une maladie ; et il arrive parfois que ces dépôts dans la vessie prennent toute l’apparence de vrais coquillages.

§ 5[429]. On le voit donc : la veine, le nerf, la peau, les fibres, les membranes, et aussi les poils, les ongles, les soles, les sabots, les cornes, les dents, les becs, les cartilages et les os, ainsi que tous les organes analogues, sont comme on vient de le dire.

CHAPITRE XII

De la chair ; sa place entre la peau et les os ; elle est divisible en tous sens ; la maigreur ; la graisse ; influence de l’alimentation ; relation de la chair et des veines ; couleur du sang plus rouge ou plus noir.

§ 1[430]. La chair, et ce qui a une nature approchant de la chair, dans les animaux qui ont du sang, est placée, chez tous, entre la peau et l’os, ou les parties qui correspondent aux os ; car ce que l’arête est à l’os, la matière charnue l’est aux chairs proprement dites, dans les animaux qui ont des os et des arêtes. § 2[431]. La chair est divisible en tout sens, et non pas seulement dans sa longueur, comme le sont les nerfs et les veines. La chair disparaît quand l’animal maigrit, et elle fond en veines et en fibres. Mais si l’animal a une nourriture plus abondante, la graisse se substitue aux chairs. § 3[432]. Les animaux très-charnus ont les veines plus petites, et le sang plus rouge ; leurs viscères et leur ventre sont peu développés. Dans les animaux qui ont de grosses veines, le sang est plus noir ; les intestins sont gros ; le ventre, également ; et les chairs sont moins volumineuses. Les animaux qui ont le ventre petit deviennent charnus et gras.


CHAPITRE XIII

De la graisse et du suif ; leurs rapports et leurs différences ; place de la graisse entre la peau et la chair ; graisse de l’épiploon ; graisse du foie ; graisse du ventre ; graisse des reins ; maladies des reins provenant de l’excès de graisse et de nourriture ; pâturages de Sicile ; suif dans les yeux ; les animaux gras, mâles ou femelles, sont moins féconds ; les animaux engraissent et s’alourdissent en vieillissant.

§ 1[433]. La graisse et le suif diffèrent l’un de l’autre, en ce que le suif est tout à fait cassant et qu’il se coagule par le froid, tandis que la graisse est fluide et ne se coagule pas. Les bouillons faits avec des animaux gras ne se coagulent point, par exemple, avec le cheval et le porc ; au contraire, les bouillons faits avec la chair des animaux à suif se coagulent, comme ceux du mouton et de la chèvre. § 2[434]. Les places aussi où se produisent le suif et la graisse sont différentes. La graisse se produit entre la peau et la chair ; le suif ne se produit qu’à l’extrémité des chairs. L’épiploon devient gras dans les animaux à graisse ; il se charge de suif dans les animaux à suif. Les animaux qui ont les deux rangées de dents ont de la graisse ; ceux qui n’ont pas ces deux rangées ont du suif. § 3[435]. Parmi les viscères, le foie devient gras chez quelques animaux ; par exemple, celui des sélaciens, entre les poissons ; aussi, on en tire de l’huile en le faisant fondre. Du reste, les sélaciens sont, de tous les poissons, ceux qui sont le moins gras, en graisse isolée, soit dans la chair, soit dans le ventre. Le suif des poissons est graisseux, et il ne se coagule pas. § 4[436]. Les animaux ont la graisse, tantôt répandue dans la chair, tantôt séparée. Ceux qui n’ont point la graisse à part, sont moins gras sur le ventre et l’épiploon, comme l’anguille, parce qu’ils ont peu de suif à l’épiploon. Dans la plupart, c’est la région du ventre qui engraisse, surtout chez les animaux qui font peu de mouvement. § 5[437]. Dans les animaux gras, la cervelle est gluante, comme celle du porc ; dans les animaux à suif, elle est sèche. Les viscères des animaux s’engraissent plus particulièrement dans la région des reins ; mais le rein droit est toujours le moins chargé de graisse ; et même quand les reins en sont surchargés, il reste toujours, vers le milieu, une place qui n’en a pas. § 6 Les animaux à suif sont surtout sujets à des maladies des reins, qui atteignent plus spécialement les moutons, qui meurent quand les reins sont absolument couverts de graisse. Ces maladies des reins tiennent à un excès de nourriture, comme dans les pâturages de Sicile près de Léontium. Aussi ne lâche-t-on les troupeaux que très tard à la fin du jour, pour qu’ils prennent moins de nourriture.

§ 7[438]. Chez tous les animaux, il y a de la graisse dans la partie voisine de la prunelle des yeux ; car tous ceux dont les yeux ont cet organe et qui n’ont pas les yeux durs, ont cette partie garnie de suif. § 8[439]. Les animaux, tant mâles que femelles, sont moins féconds quand ils sont gras. Avec les années, tous ils engraissent plus que dans les premiers temps de la vie, où ils sont jeunes, surtout quand, ayant pris tout leur développement en hauteur et en largeur, ils ne font plus que croître en épaisseur.


CHAPITRE XIV

Du sang ; il est renfermé dans les veines ; le sang n’est pas sensible, non plus que la cervelle et la moelle ; il est répandu dans tout le corps ; saveur et couleur du sang ; sa coagulation ; quantité du sang selon les espèces d’animaux ; rapports du sang et de la graisse ; le sang de l’homme est le plus pur et le plus léger de tous ; le sang est répandu dans tout le corps ; il apparaît d’abord dans le cœur ; la lymphe du sang ; le sang pendant le sommeil ; altération du sang ; hémorrhoïdes, saignements de nez, varices ; formation du pus et des abcès ; le sang selon les sexes ; menstrues des femelles ; le sang selon les âges ; dans la première enfance, dans la force de l’âge, chez les vieillards ; la lymphe.

§ 1[440]. Voici ce qu’il en est du sang. Dans tous les animaux qui ont du sang, c’est l’élément le plus nécessaire et le plus commun. Il ne leur vient pas tardivement et après coup, et il leur reste tant qu’ils ne sont pas profondément altérés. Tout le sang est renfermé dans des vaisseaux qu’on appelle les veines ; et il ne s’en trouve absolument nulle part ailleurs, si ce n’est dans le cœur tout seul. § 2[441]. Chez aucun animal, le sang n’est sensible quand on le touche, non plus que ne le sont les excrétions des intestins ; non plus que l’encéphale, et la moelle, qui ne marquent pas davantage de sensibilité quand on les touche, tandis que partout où l’on coupe la chair, le sang se montre, si l’animal est vivant, à moins que la chair ne soit viciée. § 3[442]. Le sang, quand il est sain, a naturellement une saveur douceâtre, et la couleur en est rouge. S’il est corrompu par nature ou par maladie, il est plus noir. Dans son meilleur état, il n’est, ni trop épais, ni trop fluide et léger, s’il n’est pas altéré, soit naturellement, soit par maladie.

§ 4[443]. Tant que l’être est vivant, le sang est chaud et liquide ; et dans tous les animaux, il se coagule quand il est sorti du corps. Il n’y a d’exception que pour le cerf et le daim, et pour d’autres animaux de cette espèce. Mais pour tous les autres animaux, le sang se coagule tant qu’on n’en a pas ôté les fibres. C’est le sang du taureau qui se coagule le plus rapidement. § 5[444]. Dans les animaux qui ont du sang, les vivipares, qu’ils soient d’ailleurs vivipares en eux-mêmes ou au dehors, ont plus de sang que ceux qui, ayant aussi du sang, sont ovipares. Quand les animaux sont en bon état, soit par leur constitution naturelle, soit par un bon régime, ils n’ont, ni trop de sang comme ceux qui boivent avec excès, ni trop peu, comme ceux qui sont trop gras. Mais si les animaux gras ont peu de sang, ils l’ont pur ; et plus ils engraissent, moins ils ont de sang ; car il n’y a pas de sang dans les parties qui sont grasses. La graisse ne se gâte point ; mais le sang et les parties où il se trouve, se putréfient le plus vite, surtout celles de ces parties qui avoisinent les os.

§ 6[445]. C’est l’homme qui a le sang le plus léger et le plus pur ; dans les vivipares, c’est le taureau et l’âne qui l’ont le plus épais et le plus noir. Le sang est aussi plus épais et plus noir dans les parties basses que dans les parties hautes. § 7[446]. Le sang bat dans les veines de tous les animaux, et au même instant dans toutes les parties du corps. Il est le seul liquide qui soit répandu dans l’animal tout entier, et qui y soit toujours tant que l’animal reste vivant. Il se produit d’abord dans le cœur, avant même que le reste du corps ne soit complètement formé. Quand le sang se réduit et qu’il sort plus qu’il ne faut, on tombe en défaillance ; et si l’on en perd en trop grande quantité, on en meurt. § 8[447]. Quand le sang est trop liquide, c’est une maladie ; car alors il se tourne en lymphe, et il devient séreux, au point que l’on a vu déjà de gens avoir une sueur sanguinolente. Parfois, dans ce cas, ou le sang qui est sorti ne se coagule pas du tout, ou il ne se coagule qu’en partie et en l’isolant.

§ 9[448]. Pendant le sommeil, le sang afflue moins aux parties extérieures du corps, de telle sorte que, si on les pique, le sang n’en sort pas aussi complètement que d’habitude. Le sang vient de la lymphe par la coction ; et la graisse vient du sang. Quand le sang est malade, il se forme un flux sanguin, une hémorroïde, soit par le nez, soit au fondement, soit dans les varices. Le sang, quand il est corrompu dans le corps, y forme du pus ; et le pus forme un abcès. § 10[449]. Le sang des femelles présente des différences avec celui des mâles. Il est plus épais et plus noir, à santé égale et à âge pareil. Dans les femelles, il y a moins de sang à la surface du corps ; mais à l’intérieur il y en a davantage. De tous les animaux femelles, c’est la femme qui a le plus de sang. Ce que dans les femmes on appelle leurs mois, est plus abondant que dans aucune espèce d’animal ; et quand ce sang est dans un état morbide, on lui donne le nom de perte. § 11[450]. Les femmes sont moins sujettes que les hommes aux autres désordres du sang ; il est rare qu’elles aient des varices, des hémorroïdes, ou des saignements de nez ; et lorsqu’elles ont de ces affections, les mois viennent moins bien.

§ 12[451]. Selon les âges, le sang est différent en quantité et en qualité. Dans les sujets très-jeunes, il est lymphatique et en quantité plus forte ; dans les vieux, il devient épais, noir, et peu abondant. Chez les sujets qui sont dans la force de l’âge, il est entre les deux. Le sang des vieillards se coagule vite, même quand on le prend à la surface du corps. Chez les sujets jeunes, ce phénomène ne se produit pas. La lymphe est un sang qui n’a pas de coction, soit qu’il ne l’ait pas encore reçue, soit qu’il se soit tourné en sérosité.


CHAPITRE XV

De la moelle ; elle n’existe que dans certaines espèces ; elle est renfermée dans les os, comme le sang dans les veines ; la moelle varie selon les âges ; tous les os n’ont pas de moelle, même les os creux ; os du lion et du cochon sans moelle, ou presque sans moelle.

§ 1[452]. Quant à la moelle, c’est un de ces liquides qui se trouve dans quelques-unes des espèces d’animaux qui ont du sang. D’ailleurs, tous les liquides qui se trouvent naturellement dans le corps sont renfermés dans des vaisseaux, comme le sang qui l’est dans les veines ; et la moelle, dans les os. Les autres liquides sont renfermés dans des membranes, des pellicules et des intestins. § 2[453]. Chez les individus jeunes, la moelle est tout à fait de la nature du sang. Dans la vieillesse, la moelle devient de la graisse chez les animaux gras ; et du suif, chez les animaux à suif. § 3[454]. Il n’y a pas de moelle dans tous les os, quels qu’ils soient ; il n’y en a que dans les os qui sont creux ; et même dans quelques-uns de ceux-là, il n’y en a pas toujours. Ainsi, les os du lion, ou n’ont pas du tout de moelle, ou n’en ont que très-peu. Aussi a-t-on prétendu quelquefois, ainsi qu’on l’a dit antérieurement, que les lions n’ont pas du tout de moelle. Les os du cochon en ont également très-peu, et l’on en voit même qui n’en ont pas la moindre parcelle.


CHAPITRE XVI

Du lait et de la liqueur séminale ; rôle des mamelles ; composition du lait ; ses deux parties ; le sérum et le caséum ; lait qui se caille dans certains animaux ; lait qui ne se caille pas dans d’autres ; en général, le lait ne vient qu’après la conception et les mâles n’en ont pas ; exemples contraires ; bouc de Lemnos ; graisse et huile du lait ; abondance du lait selon les espèces et l’alimentation ; laits plus ou moins propres à la fabrication du fromage ; manières diverses de faire cailler le lait ; suc de figuier ; présure ; origine de la présure ; relations du lait et de la grosseur des animaux ; bétail énorme de l’Épire ; actions diverses des fourrages sur le lait et sur les mamelles ; lait des femmes brunes et des femmes blondes.

§ 1[455]. Les fluides dont on vient de parler sont presque toujours de naissance dans les animaux ; mais le lait et la liqueur séminale ne viennent que postérieurement. De ces fluides, celui qui est sécrété séparément dans tous les animaux où il apparaît, c’est le lait ; mais la liqueur séminale n’existe pas dans tous, et quelques-uns ont ce qu’on nomme la laite, comme les poissons. § 2[456]. Tous les animaux qui sécrètent du lait l’ont dans les mamelles. Les mamelles appartiennent à tous les vivipares, soit qu’ils produisent leurs petits en eux-mêmes, soit qu’ils les produisent au dehors, et aussi à tous les vivipares qui ont des poils, comme l’homme et le cheval, ou parmi les cétacés, au dauphin, au phoque et à la baleine ; car ces derniers animaux ont aussi des mamelles et du lait. Quant à ceux qui ne sont vivipares qu’au dehors, ou qui sont ovipares, ils n’ont ni mamelles, ni lait ; tels sont le poisson et l’oiseau. § 3[457]. Toutes les espèces de lait contiennent deux parties, l’une aqueuse qu’on appelle le sérum, ou petit-lait ; l’autre plus solide et qui a du corps, qu’on appelle le caséum, le fromage. Les laits plus épais ont aussi plus de caséum. Dans les animaux qui n’ont pas les deux rangées de dents, le lait se coagule, et l’on fait du fromage avec le lait des animaux domestiques ; mais dans ceux qui ont les deux rangées régulières, le lait ne se coagule pas, non plus que la graisse ; il est limpide et doux. Le plus léger de tous est celui du chameau ; puis au second rang, celui du cheval ; et au troisième, le lait de l’âne. Celui du bœuf est plus épais. Ce n’est pas le froid qui coagule le lait ; il le ferait plutôt tourner au sérum ; mais c’est le feu qui le coagule et l’épaissit.

§ 4[458]. En général, le lait ne vient pas dans l’animal avant qu’il n’ait conçu ; mais le lait se produit après la conception. Le premier n’est pas de bon usage. Plus tard et même avant que les femmes aient conçu, elles peuvent avoir un peu de lait en prenant certains aliments ; et l’on a vu quelques femmes, quoique vieilles, avoir du lait quand un enfant les tétait, et en produire assez pour que l’enfant pût s’en nourrir. § 5[459]. Les habitants des environs du mont Oeta prennent leurs chèvres quand elles n’ont pas encore subi l’approche du mâle, et ils leur frottent violemment les mamelles avec des orties. Comme cette opération les fait souffrir, leur premier lait est mêlé de sang ; puis le second est un peu purulent ; mais le dernier est enfin tout aussi bon que celui des chèvres qui ont été couvertes. § 6[460]. Ordinairement, dans toutes les espèces, aussi bien que dans l’homme, les mâles n’ont pas de lait ; il y a pourtant quelques exceptions. A Lemnos, un bouc donnait, par les deux mamelles que le mâle, dans cette espèce, a près de la verge, une assez grande quantité de lait pour qu’on en fit des fromages ; et ce bouc ayant couvert une femelle, le même phénomène se produisit dans le petit qu’il avait eu. § 7[461]. Mais ces faits rares sont regardés comme des présages ; et quelqu’un de Lemnos ayant consulté le Dieu, il répondit que cette singularité annonçait un grand accroissement de prospérité. Il y a aussi quelques hommes qui, après la puberté, donnent un peu de lait, si l’on presse leurs mamelles, et qui même en donnent en quantité quand un enfant les tette.

§ 8[462]. Il y a, dans le lait, une certaine graisse qui devient pareille à de l’huile, quand il se caille. En Sicile et dans les pays où le lait de brebis est trop gras, on le mêle au lait de chèvre. Le lait qui se caille le plus vite n’est pas seulement celui qui contient le plus de caséum, mais celui qui en contient de plus sec. § 9[463]. Ces animaux ont plus de lait qu’il n’en faut pour nourrir les petits ; et alors, ce lait est bon pour la fabrication du fromage et on peut le conserver. Le meilleur pour cet usage est le lait de brebis et de chèvre ; et ensuite, le lait de vache. Les fromages de Phrygie sont un mélange de lait de jument et de lait d’ânesse. Il y a plus d’éléments de fromage dans le lait de vache que dans celui de chèvre ; car les bergers assurent que, de la quantité égale d’une amphore, on ne peut tirer que dix-neuf fromages du prix d’une obole chacun avec du lait de chèvre, tandis qu’on en tire jusqu’à trente avec du lait de vache. § 10[464]. Tantôt les animaux n’ont de lait que ce qu’il en faut pour les petits ; mais ils n’en ont pas au-delà, ni qu’on puisse employer à faire du fromage. Ce sont en général les animaux qui ont plus de deux mamelles ; aucun d’eux n’a beaucoup de lait ; et leur lait ne peut pas donner de fromage.

§ 11[465]. Le suc de figuier et la présure font cailler le lait. Le suc du figuier est recueilli sur de la laine quand il sort de l’arbre ; on lave ensuite cette laine dans une petite quantité de lait ; et ce lait mélangé à l’autre le fait prendre. La présure est déjà une sorte de lait, et on la trouve dans l’estomac des petits qui tètent encore. La présure est donc un lait qui contient du fromage en lui-même ; et ce lait a été cuit par la chaleur propre de l’animal.

§ 12[466]. Tous les ruminants ont de la présure ; et parmi les animaux à deux rangées de dents, le lièvre en a aussi. Plus on garde la présure, meilleure elle est. C’est surtout la vieille présure qui est bonne contre les flux de ventre ; et aussi, la présure du lièvre ; mais la meilleure des présures est celle qu’on tire du faon.

§ 13[467]. Les animaux qui produisent du lait en donnent plus ou moins, selon leur grosseur, et aussi selon les variétés de leurs aliments. Il y a dans le Phase de petites vaches qui donnent du lait en abondance ; les grandes vaches de l’Épire donnent chacune une amphore et demie de lait, quand on trait les deux mamelles. Pour les traire, il faut se tenir debout, ou un peu penché ; car si l’on restait assis, on ne pourrait pas atteindre jusqu’au pis. Du reste, tous les quadrupèdes en Épire, l’âne excepté, sont très-grands ; les bœufs et les chiens y sont énormes. § 14[468]. Ces grands animaux ont besoin d’une nourriture plus abondante ; mais le pays leur offre de gras et nombreux pâturages, et des localités favorables, selon chaque saison. D’ailleurs ce sont les bœufs et les moutons dits Pyrrhiques, du nom même du roi Pyrrhus, qui sont les plus gros de tous. § 15[469]. Il y a des fourrages qui arrêtent le lait, par exemple, l’herbe médique, surtout chez les ruminants. D’autres fourrages au contraire, comme le cytise et les vesces, font beaucoup de lait ; seulement, le cytise, quand il est en fleur, n’est pas bon, parce qu’il est brûlant ; et les vesces ne sont pas meilleures pour les femelles qui sont pleines, parce qu’alors elles mettent bas plus difficilement. Généralement, les quadrupèdes qui peuvent manger beaucoup sont plus productifs au propriétaire, et ils donnent une grande quantité de lait, si la nourriture qu’ils prennent est très-abondante. Certains fourrages flatueux, joints aux autres, poussent au lait ; et c’est ainsi qu’on donne des quantités de févrolles à la brebis, à la chèvre, à la vache, et même à la petite chèvre au-dessous d’un an. Cette alimentation fait descendre et allonger la mamelle.

§ 16[470]. Un signe qui annonce que l’animal aura plus de lait que d’ordinaire, c’est lorsque la mamelle tend à baisser beaucoup, avant que la bête ne mette bas. Les animaux qui ont du lait en donnent d’autant plus longtemps qu’ils restent sans porter, et qu’ils ont tout ce qu’il leur faut. Ce sont les brebis qui, parmi les quadrupèdes, en ont le plus longtemps ; on peut les traire pendant huit mois de l’année. D’une manière générale, ce sont les ruminants qui ont le plus de lait, et de lait bon pour faire le fromage. § 17[471]. Les vaches de Torone cessent d’avoir du lait quelques jours avant de mettre bas ; et tout le reste du temps, elles en ont. Chez les femmes, le lait un peu bleuâtre vaut mieux pour les nourrissons que le lait tout à fait blanc ; le lait des brunes est plus sain que celui des blondes. Le lait qui a le plus de caséum est le plus nourrissant ; mais celui qui en contient le moins est plus salutaire aux enfants.


CHAPITRE XVII

De la liqueur séminale ; chez l’homme et chez les animaux qui ont des poils ; couleur blanche du sperme ; erreur d’Hérodote ; action du froid sur le sperme ; action de la chaleur ; sperme altéré sortant de la matrice ; expérience pour constater si le sperme est prolifique, ou s’il a perdu cette qualité ; erreur de Ctésias sur le sperme des éléphants.

§ 1[472]. Tous les animaux qui ont du sang éjaculent de la liqueur séminale ; on dira ailleurs en quoi et comment elle contribue à la génération. C’est l’homme qui en produit le plus, proportionnellement à la grandeur de son corps. Le sperme est visqueux dans les animaux qui ont des poils ; dans les autres, il n’a pas de viscosité. Pour tous, il est de couleur blanche ; et Hérodote se trompe quand il prétend que le sperme des Éthiopiens est de couleur noire.

§ 2[473]. Le sperme, à l’état sain, est blanc et épais au moment où il sort ; mais une fois émis, il devient clair et noir. Les grands froids ne le font pas geler ; mais alors, il devient tout à fait fluide comme de l’eau, par sa couleur et son épaisseur ; la chaleur le coagule et le fait épaissir. S’il reste quelque temps dans la matrice, il en sort plus épais ; et quelquefois même, il en sort tout sec et congloméré. Le sperme prolifique descend au fond de l’eau où on le met ; celui qui ne l’est pas se mêle au liquide.

§ 3[474]. Ctésias n’a écrit que des erreurs sur le sperme des éléphants.

FIN DU PREMIER VOLUME
  1. On ne peut pas citer les propres paroles de Cuvier, puisque le texte de ces leçons, publiées d’ailleurs avec son assentiment, n’est qu’une rédaction de M. Magdeleine de Saint-Agy, d’après des notes plus ou moins exactes de sténographie, 9· leçon, p. 199 (1841) ; mais on ne peut pas avoir la moindre incertitude sur le fond de la pensée même de Cuvier.
  2. Qui ne sont pas complexes… qui sont complexes. Cette division, aussi profonde que simple, est encore usitée dans la science ; et, sous des formes un peu différentes, on la retrouve dans presque tous les traités contemporains de quelque importance. Les Parties similaires répondent à l’anatomie générale ; et les Parties non similaires, à l’anatomie descriptive. Voir l’Introduction de MM. Aubert et Wimmer, t. 1, p. 36. — Comme les chairs. Peut-être eût-il mieux valu prendre le singulier ; mais j’ai suivi le texte fidèlement. — La main, qui ne se divise pas en mains. L’exemple est aussi clair que possible ; et il explique parfaitement ce qui précède. Sur le rapport des parties similaires et non similaires, voir le Traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. I et II.
  3. Des membres. C’est la traduction exacte ; on aurait peut-être pu encore traduire : des organes. Voir plus loin, ch. VI, § 12. — Pour le bras pris dans son ensemble. C’est-à-dire comprenant le haut du bras, l’avant-bras et la main, sous le nom générique de bras. — Pour la poitrine, ou le thorax. La poitrine contient, en effet, dans sa totalité, une foule de parties diverses.
  4. Se composent à leur tour de parties similaires. Les parties similaires ne se ressemblent pas parfaitement entre elles ; et la chair, par exemple, contient une foule de variétés qu’il est facile de distinguer, bien que toutes ces variétés soient comprises sous un nom commun. — De nerfs, de muscles. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte ; mais ce mot signifie également Nerfs et Muscles.
  5. Spécifiquement les mêmes. Au lieu de « spécifiquement », on pourrait traduire aussi : « Sous le rapport de la forme ». Dans la langue grecque, le même mot exprime l’espèce et la forme ; et au fond, l’espèce, comme l’étymologie elle-même l’indique en latin aussi bien qu’en grec, n’est que la forme qui frappe notre vue, et qui, pour notre intelligence, classifie immédiatement l’être qui nous offre cette forme. — Les unes relativement aux autres. On peut comprendre encore : « De chaque animal relativement aux parties de chaque autre animal ». C’est en ce dernier sens que quelques traducteurs ont rendu ce passage. L’interprétation que je donne me semble plus naturelle, et plus conforme au texte.
  6. D’un même genre. Comme l’homme ou le cheval, cités au paragraphe précédent. — Quand je dis genre. Cette définition du mot genre, bien qu’elle soit fort juste et qu’elle soit nécessaire, ne paraît pas ici fort bien à sa place. C’est peut-être une interpolation de quelque scholiaste plutôt qu’une addition de l’auteur lui-même. — L’oiseau et le poisson. Ce sont bien des genres, si l’on veut ; mais il semble qu’ici il faudrait une expression encore plus étendue que celle de genre ; par exemple, celles de classe ou d’ordre. Le mot de genre est un peu vague, parce qu’alors il comprend trop de choses très distinctes. — Plusieurs espèces. Ce sont en effet les espèces, dont l’ensemble forme un genre.
  7. Dans ces genres mêmes. Le texte est moins précis, et il se sert d’un pronom indéfini qui pourrait se rapporter aussi aux oiseaux ; mais le sens n’est guère douteux. — Les Contrariétés, ou les Oppositions. — C’est-à-dire le plus ou le moins. J’ai ajouté ces mots, qui ne sont qu’une paraphrase de ceux qui précèdent. — Tout ce paragraphe pourrait n’être appliqué qu’aux oiseaux, comme le pensent MM. Aubert et Wimmer ; je crois qu’il est préférable de le rapporter aux genres plutôt qu’aux oiseaux ; par là l’observation a beaucoup plus d’étendue, et elle n’a pas moins de justesse.
  8. Dont la chair est molle. J’ai adopté la leçon de MM. Aubert et Wimmer. Quelques manuscrits donnent deux variantes qui seraient également acceptables : « dont la peau est molle »; dont « l’écaille est molle ». L’idée de chair est préférable, parce qu’elle est plus générale. — Comme les grues. J’ai mis ces mots entre parenthèses, parce que tous les manuscrits ne les donnent pas, et qu’ils peuvent sembler une interpolation peu nécessaire. Il est à remarquer que tout ce paragraphe, sauf le début, se rapporte aux oiseaux, le bec, le plumage, les ergots, etc. ; voir la note du paragraphe précédent. — Dans certains genres. La suite prouve que ceci est exclusivement applicable aux oiseaux. — En un mot. Il semble que cette fin du paragraphe est plus générale, et qu’elle est relative à tous les animaux, et non plus aux oiseaux seulement. Il y a dans tout ce passage un peu d’obscurité, que j’ai dû conserver dans la traduction. — Par des qualités contraires… C’est en partie une répétition du § 6.
  9. L’identité. Le mot est peut-être un peu fort, et il vaudrait mieux dire : « La ressemblance ». — L’identité par simple analogie. Ceci fait bien ressortir l’impropriété de l’expression. L’analogie n’est que de la ressemblance, même assez éloignée : ce n’est pas de l’identité. Les idées d’ailleurs n’en sont pas moins très vraies. — À la pince. Dans certaines espèces de crustacés, si l’on veut. — Par leur position. La remarque est fort exacte, et la position à elle seule peut faire une très grande différence. — Pour les uns sur la poitrine, comme dans l’espèce humaine. — Entre les cuisses, comme plusieurs espèces de bêtes à cornes : le bœuf, le mouton, la chèvre, etc.
  10. Les parties similaires. Voir plus haut, § 1. — Dans leur disposition naturelle. Quelques traducteurs précisent davantage le sens en disant : « Dans le corps vivant ». Le texte est un peu plus vague ; et je l’ai suivi d’aussi près que je l’ai pu. — Le phlegme. Une des quatre humeurs principales du corps humain, selon les anciens, qui faisaient venir le phlegme surtout de la tête. Voir Hippocrate, Traité des Maladies, liv. IV, p. 514, édition Littré. Le phlegme répond en partie à ce qu’on appelle aujourd’hui sérosité, pituite. — Les nerfs, ou plutôt : « les muscles », voir plus haut, § 3. — D’ailleurs. Cette idée n’est pas rendue plus clairement dans le texte que dans la traduction ; ce n’est peut-être qu’une glose ; et ceci veut dire sans doute qu’une corne, entière, comme celle d’un bœuf par exemple, s’appelle corne, tout aussi bien que la portion la plus petite de cette corne raclée. — Les parties molles et liquides… Le texte n’est pas aussi explicite.
  11. Dans leur genre de vie, etc. Ce sera là l’objet des livres suivants et de toute l’Histoire des Animaux, comme l’indique l’auteur lui-même dans la phrase qui suit. — Leur caractère. On pourrait traduire aussi : « Leurs habitudes ». Caractère et habitudes se confondent pour les animaux ; car ce sont leurs habitudes qui déterminent le caractère que nous leur prêtons. — Une esquisse générale. C’est la méthode que pratique toujours Aristote ; il commence par une vue très générale du sujet qu’il veut traiter, et il passe ensuite aux détails. — Et le caractère. Même remarque que plus haut.
  12. La première. Ce sont les poissons en général. — La seconde espèce. Ce sont en grande partie ceux des oiseaux qui virent sur l’eau, et qui y trouvent leur nourriture, tout en étant le plus souvent sur la terre.
  13. La loutre. Il paraît bien que c’est ainsi que doit être identifié le mot grec ; mais il est probable qu’il s’agit ici de la loutre de mer, à laquelle les naturalistes ont conservé le nom spécial qu’Aristote lui donne dans ce passage. Les loutres ont des pieds palmés, et sont comprises parmi les digitigrades carnassiers de Cuvier, Règne animal, t. I, p. 148, édition de 1829. Le castor. D’après le témoignage de Strabon, le castor se trouvait encore de son temps en Espagne, et en Italie, près de l’embouchure du Pô. Du temps d’Aristote, ces animaux, qui disparaissent devant l’homme, devaient être plus nombreux qu’au siècle de Strabon : et peut-être s’en trouvait-il alors dans quelques parties de la Grèce. Il y en a même encore aujourd’hui quelques-uns en Europe, et notamment, dit-on, en Suisse. Voir plus loin, liv. VIII, ch. VII, § 5, en ce qui concerne la loutre et le castor ; pour les animaux aquatiques en général, voir aussi le Livre VIII, ch. II et ch. III. — Crocodile. Voir plus loin, ch. IX, § 11 ; voir aussi la Table des matières, article Crocodile. Aristote est revenu souvent à l’étude de cet animal, qui offre en effet des particularités très remarquables. — L’ortie de mer. Voir plus bas, 15, liv. IV, ch. VI, une description des deux espèces d’orties de mer. — L’huître. Les huîtres sont comprises parmi les mollusques crustacés, dont elles forment la première classe ; voir Cuvier, Règne animal, t. III p. 120. — La grenouille. Cuvier, Règne animal, t. II, p. 103, met la grenouille parmi les reptiles ; elle en forme le quatrième ordre sous le nom de Batraciens. Cuvier décrit la manière dont la grenouille respire. Voir aussi le Traité de Zoologie de M. le Dr. Claus, trad. française de M. Moquin-Tandon, p. 879. La grenouille est un amphibie. — Le cordyle. On n’est pas encore parvenu à identifier bien précisément le mot grec. Cuvier, Règne animal, t. Il, p. 32, cite un passage d’Aristote sur le cordyle ; il croit avec Schneider que la description d’Aristote ne peut convenir qu’à la larve de la Salamandre aquatique. Voir plus loin, liv. VIII, ch. II, §, 8.
  14. N’absorbent pas l’air. Aristote se trompe en ceci, et les insectes absorbent l’air par les trachées dont tout leur corps est couvert. Voir Cuvier, Règne animal, t. IV, p. 293. Voir aussi la 1ère leçon de son Anatomie comparée. 2e édit. — La guêpe. Voir plus loin la description de la guêpe, liv. IX, ch. XXVIII. — L’abeille. Voir plus loin une admirable et longue étude sur les abeilles, liv. IX, ch. XXVII. — Par Insectes, j’entends… Voir plus loin une même définition des insectes, liv. IV, ch. I.
  15. Empis. MM. Aubert et Wimmer croient que l’empis pourrait bien être le Culex pipiens de Swammerdam. Voir Cuvier, Règne animal, tome V, p. 159 : voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 604. L’empis est classé parmi les insectes diptères. — D’où naissent les taons. MM. Aubert et Wimmer supposent que cette phrase n’est qu’une interpolation ; et leur conjecture peut sembler acceptable. Voir plus loin, liv. V, ch. XVII, § 11.
  16. Qui restent toujours en place. Nouveau caractère, qui met de grandes différences entre les animaux. — Ceux qui restent immobiles sont dans l’eau. Remarque fort juste, qui n’a été, à ce qu’il semble, recueillie par aucun naturaliste après Aristote. — L’éponge. Cette demi-sensibilité dans l’éponge n’est pas admise par les naturalistes modernes ; Cuvier, Règne animal, tome V, p. 322. Aristote lui-même semble en douter, puisqu’il ne rapporte ce fait que comme un on dit : « A ce qu’on prétend ». Il paraît que les plongeurs ont plus ou moins de peine à arracher les éponges des rochers où elles s’attachent ; et ils supposent que, quand elles tiennent davantage, c’est qu’on ne s’est pas approché d’elles avec assez de précaution. Voir la note de MM. Aubert et Wimmer. — Les orties de mer. Voir plus haut, § 12. Voir aussi Cuvier. Règne animal, tome III, p. 274. Les Acalèphes forment la troisième classe des Zoophytes. — Pour aller chercher leur pâture. Je ne sais pas si la science moderne a constaté ce fait ; je n’ai rien trouvé sur ce sujet dans les ouvrages que j’ai pu consulter.
  17. Les holothuries. Les holothuries sont des zoophytes, et forment la première classe des échinodermes pédicellés ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 238 ; voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 263, 268. — Dont l’écaille est molle. Les langoustes, qui sont citées en exemple, ont une écaille assez dure, bien qu’elle le soit moins que celle des homards. — Des crabes. C’est ce qu’on peut voir très fréquemment dans les rochers que la mer laisse à sec lors de son reflux sur un grand nombre de côtes.
  18. Aucun animal n’est simplement volatile. Observation très sagace. — Des ailes membraneuses. Comme la chauve-souris, citée un peu plus bas. — La chauve-souris. Elle fait partie du troisième ordre des Mammifères carnassiers, première famille de Chiroptères ; voir Cuvier, Règne animal, tome I. p. 112. Cuvier remarque aussi que les pieds de derrière des chauves-souris sont faibles ; Traité de Zoologie de M. Claus, p. 1079, Chiroptères. — De même que le phoque. On ne comprend pas bien comment on arrive ici à parler du phoque ; MM. Aubert et Wimmer pensent que cette phrase est une interpolation. Pour le Phoque, voir plus loin, liv. II, ch. II, § 11. — Apodes. Ce mot a été conservé par la science moderne et appliqué à plusieurs espèces d’animaux, notamment à des amphibies ; voir le Traité de Zoologie de M. Claus, p. 870. — Ce genre d’oiseaux. Les chauves-souris et leurs analogues. — Vole à merveille. Cuvier fait la même remarque, loc. cit.Le martinet. C’est, je crois, le seul passage où Aristote parle de cet oiseau.
  19. . Du reste… Cette observation ne paraît pas être bien à sa place ici. — L’apode. Il semble que ce soit le nom d’un oiseau et d’une espèce d’hirondelle ; mais il serait difficile d’indiquer précisément l’espèce dont Aristote entend parler. Tout ce passage interrompt la pensée ; et c’est avec raison que MM. Aubert et Wimmer l’ont mis entre crochets. — Il y a beaucoup d’animaux. Les pensées reprennent ici leur suite.
  20. Dans le genre de vie. Plus loin, liv. VIII et IX, cette étude spéciale est très développée. — Vivent en troupe… solitaires. C’est un caractère très important dans la vie des animaux ; et cette observation générale est ici bien placée. Schneider, et après lui MM. Aubert et Wimmer, ont supprimé quelques mots qui paraissent en effet hors de place et qui indiquent « des animaux solitaires ». — En sociétés fixes. Le mot dont se sert le texte grec est plus fort que celui de ma traduction. — Munis d’ongles crochus. Ce sont les oiseaux de proie, qui vivent toujours solitaires, bien que parfois ils se réunissent par bandes, comme les vautours, momentanément. J’ai préféré traduire mot à mot le texte grec en disant « à ongles crochus » plutôt qu’Oiseaux de proie, comme l’ont fait plusieurs traducteurs.
  21. Les dromades. Aristote cite encore une fois les dromades, liv. VI, ch. XVI, § 5. Il serait difficile d’identifier cet animal ; c’est un poisson, et son nom semble indiquer que sa qualité la plus remarquable était de nager très vite. En grec, dromas veut dire coureur. — Les Pélamydes. Espèce de thons qui se trouve aussi dans la Méditerranée ; voir le Traité de Zoologie de M. Claus, p. 853. Pélamydes est encore le nom donne à des ophidiens ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 97. — Les amies. Je ne sais pas si le poisson dont parle ici Aristote est le même que celui dont parle Cuvier, Règne animal, tome II, p. 321, et qui semble n’appartenir qu’aux rivières de la Caroline en Amérique ; voir aussi le Traité de Zoologie de M. Claus, p. 827. — Bonitons. J’ai ajouté ce synonyme, que donne Camus. Voir plus loin, liv. VI, ch. XVI, § 11. — L’homme… ou solitaire. Ceci n’est pas d’accord avec ce qu’Aristote dit de l’homme dans la Politique, où il le fait un être essentiellement sociable ; voir la Politique, liv. I, ch. I, § 9, p. 7 de ma traduction. 3e édit. — L’homme, l’abeille, la guêpe. Il est assez étrange de confondre l’homme avec les autres animaux, bien que ce soit pour un point très défini de ressemblance. — Les unes ont un chef. On ne peut assimiler les chefs des hommes aux chefs des abeilles et des guêpes. — Et tant d’autres. MM. Aubert et Wimmer suppriment ces mots.
  22. Et les solitaires. Voir plus haut, § 19. — Tantôt ils en changent. Aristote a consacré une longue étude aux migrations des animaux ; voir plus loin, liv. VIII, ch. XIV. — Les abeilles et les araignées. Sur les abeilles et les araignées, voir liv. IX, ch. XXVI et ch. XXVII ; et Traité de la Génération des animaux, liv. III. ch. X. — Quelques. MM. Aubert et Wimmer retranchent ce mot, bien que presque tous les manuscrits et les éditions le donnent.
  23. Font provision. Le texte dit mot à mot : « Thésaurisent. » — La fourmi. Quelques manuscrits ajoutent : La mouche, après la fourmi. — Et la chauve-souris. Le nom grec de la chauve-souris indique précisément que c’est un oiseau de nuit par excellence. Notre mot de chauve-souris est beaucoup moins bien fait.
  24. L’homme et le mulet. Cette réunion de l’homme et du mulet a quelque chose d’étrange, quoiqu’elle ne soit pas fausse. — Comme les chevaux. Quelques manuscrits ajoutent de plus : « Les hommes ». L’édition des Aldes et la traduction de Gaza ont aussi cette addition, que la plupart des éditeurs ont bien fait de supprimer.
  25. Qui émettent des sons. J’ai dû prendre l’expression la plus générale possible. — Que les lettres ne peuvent représenter. J’ai dû développer un peu le texte grec, qui n’a ici qu’un seul mot. Sur la voix des animaux et ses nuances, voir plus loin, liv. IV, ch. IX. — Au temps de l’accouplement. L’observation est très exacte ; et chacun de nous a pu la faire. — Vivent familièrement avec l’homme. Le texte grec n’a qu’un seul mot, qui est très bien fait. — Parmi les animaux marinsdans les rochers. Cette pensée, qui est déjà plus haut, § 12, semble ici hors de place ; et elle ne se rapporte bien, ni à ce qui la précède, ni à ce qui la suit. C’est là sans doute ce qui aura porté quelques éditeurs à la supprimer ; mais les manuscrits ne le permettent pas. — Se défendent et attaquent. Il n’y a dans le texte qu’un seul mot, qui me paraît avoir ces deux sens. — Un instinct. Le texte n’est pas aussi positif.
  26. Le caractère. Plus loin, deux livres presque entiers, le VIII et le IXe, sont consacrés à étudier le caractère des divers animaux. — J’entends par Noble… j’entends par Franc. Ces définitions sont peut-être un peu subtiles, bien que ces différences dans les qualités et le caractère des animaux soient très réelles.
  27. Le privilège de la réflexion. Il faut voir au début de la Métaphysique la comparaison de l’homme avec les autres animaux. — À volonté. J’ai ajouté ces mots, dont le sens me semble implicitement compris dans l’expression du texte grec. MM. Aubert et Wimmer entendent ce mot un peu autrement ; et ils croient qu’il s’agit de la mémoire appliquée exclusivement au passé. Je pense qu’Aristote veut distinguer ici entre la mémoire et la réminiscence, comme il l’a fait dans son traité spécial. Voir ma traduction, Opuscules psychologiques, p. 109.
  28. Par où ils prennent leur nourriture. C’est la bouche et les organes correspondants, selon les diverses espèces d’animaux. — Celle où ils la reçoivent. C’est l’estomac et les organes correspondants. L’auteur explique lui-même un peu plus bas ce que sont ces premières parties communes à tous les animaux, la bouche et l’intestin. — Ce qu’on a déjà exposé. Voir plus haut, ch. I, §§ 5 et suivants. — Ces parties que nous venons d’indiquer. La bouche et l’estomac. — Le résidu de la nourriture. Les excréments sous toutes les formes. Après ces mots, les manuscrits ajoutent : « et à la prendre » Schneider a proposé de retrancher cette addition, qui est en effet hors de place ; et MM. Aubert et Wimmer l’ont supprimée dans leur texte ; la correction est de toute évidence, et je l’ai adoptée. — Je dis la plupart. Le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — L’intestin. J’ai pris ce mot, parce qu’il exprime une idée plus générale que celui d’estomac, ou même celui de ventre. D’après l’étymologie, le mot grec signifie le creux. — Les autres parties. Ainsi Aristote distingue ici trois parties : la bouche, l’intestin et la partie excrétoire. Dans le Traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. X, §, 1 il n’en distingue que deux, la bouche et la partie excrétoire. L’ouverture buccale et l’ouverture anale se retrouvent, comme indispensables, chez les animalcules les moins formés, les protozoaires, comme les appellent les naturalistes modernes.
  29. L’excrétion liquide. L’urine, selon ses diverses formes. — Un intestin. Dans le texte, c’est le même mot que celui qui signifie l’estomac ou le ventre. La distinction que fait ici Aristote est réelle ; et il y a des animaux qui ont un organe pour l’excrétion sèche, sans en avoir un pour l’excrétion liquide ; mais les naturalistes ne sont pas d’accord sur ces animaux, qui occupent en général les plus bas degrés de l’échelle.
  30. Ils émettent leur semence. L’expression grecque peut signifier tout à la fois la semence et le résultat qu’elle produit, c’est-à-dire le jeune être qui vient de l’accouplement ; mais il me semble que la suite prouve bien qu’il s’agit de semence, dans l’acception ordinaire de ce mot. — Qui fait l’émission en lui-même. Ceci ne peut se rapporter qu’à l’idée de Semence, entendue comme je viens de le faire. — S’appelle femelle. C’est ce qu’on voit dans les animaux supérieurs, où les deux sexes sont parfaitement distincts, et spécialement dans l’homme. — Dans quelques espèces. Aujourd’hui on pourrait dire sans doute : « Dans beaucoup d’espèces »; mais au temps d’Aristote, les espèces inférieures, où l’hermaphrodisme est le cas le plus ordinaire, étaient beaucoup moins connues qu’aujourd’hui.
  31. Qu’on vient d’énumérer. La bouche, l’intestin avec vessie ou sans vessie, et les parties de la génération.
  32. C’est le toucher. Aristote fait du toucher dans les animaux le sens de la nutrition ; et voilà pourquoi il est indispensable à tous ; voir le Traité de l’âme, liv. II, ch. II, §§ 5 et 11, et ch. III, § 3, pp. 174, 177 et 182 de ma traduction. Voir aussi Cuvier, 1ère Leçon d’anatomie comparée, 2e édit. — N’a pas reçu de nom spécial. Précisément parce que le toucher n’est pas localisé, et qu’il est répandu dans le corps entier.
  33. La partie où ce fluide est renfermé. Le texte grec n’est pas aussi précis. — Chez les uns… J’ai adopté en partie la leçon ordinaire, et en partie la correction de MM. Aubert et Wimmer. De cette façon, le sens de ce passage est absolument satisfaisant. — Équivalents, ou Analogues. — La fibre et la lymphe. — Les mots du texte sont peut-être plus vagues ; et il serait difficile d’en bien préciser le sens.
  34. Une partie similaire. Voir plus haut, ch. I, § 1. — Dans les parties sanguines. La physiologie contemporaine n’accepte peut-être pas cette opinion.
  35. Dans la bouche. La bouche n’est pas une partie similaire, puisqu’elle ne peut pas se diviser en bouches ; voir plus haut, ch. I, § 1.
  36. . L’abeille et la guêpe n’ont pas de sang. La physiologie moderne n’admet pas cette théorie, et elle distingue les animaux à sang rouge et les animaux à sang blanc ou incolore ; voir le Traité de Zoologie de M. Claus, p. 545.
  37. Vermipares. Ce sont les insectes ; Aristote leur attribue de se reproduire sous forme de vers. Peut-être aussi veut-il parler des larves ; mais ce point reste obscur. — Les Sélaciens. Ce sont des poissons cartilagineux à branchies fixes, attachées à la peau par leur bord extérieur. Ils forment le deuxième ordre des Chondroptérygiens ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 383 et suiv. Parmi les Sélaciens, sont compris les squales, les requins, les marteaux, les raies, les torpilles, indépendamment d’autres espèces ; voir aussi le Traité de Zoologie de M. Claus, pp. 812 et 814. — Ainsi appelés. Il paraîtrait que du temps d’Aristote, cette classe d’animaux était encore peu connue. D’après un passage de Pline, liv. IX, ch. XI., édit. Littré, il paraîtrait que c’est Aristote qui a inventé le mot de Sélaciens.
  38. Le tuyau-souffleur. Ou évent. Ces cétacés se nomment aussi des souffleurs. Ils forment la seconde famille des cétacés dans la nomenclature de Cuvier, Règne animal, tome I, p. 287. Elle comprend aussi les narvals, les cachalots, les baleines, etc.; voir le Traité de Zoologie de M. Claus, p. 1041. — A le tuyau sur le dos. La zoologie moderne n’a pas signalé cette différence entre le dauphin et la baleine. — Apparentes. Le texte dit mots à mot : « Non couvertes ». Cette expression ne suffit pas pour qu’on voie très clairement ce qu’Aristote pense des branchies particulières des Sélaciens, comparées aux branchies des autres poissons. — Les chiens de mer et les batos. Ces identifications ne sont pas certaines. On ne sait pas précisément ce qu’est le sélacien appelé batos. J’ai reproduit simplement le mot grec. Mais le batos est de la famille des raies. Voir le catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 145.
  39. Ce qui contient deux parties. Le texte est moins précis. La définition de l’œuf est exacte ; car ce qui le constitue essentiellement, c’est d’avoir deux parties, dont l’une sert à la nourriture de l’autre. — C’est un ver. La différence de l’œuf au ver, telle que l’entend Aristote, est évidente. Le scolex une fois né n’a plus rien à demander qu’au dehors, pour acquérir son développement. Dans l’œuf au contraire, l’animal qui y est contenu se nourrit d’une partie de l’œuf, qui le renferme.
  40. Comme les Sélaciens. Pour la fécondation des Sélaciens, voir le Traité de Zoologie de Mr. Claus p. 815. — Comme l’homme et le cheval. J’ai conservé la formule d’Aristote. Peut-être eût-il été plus régulier de dire : « la femme et la jument ».
  41. C’est un être vivant qui en sort. Répétition de ce qui précède. — C’est un ver. Aristote aurait pu expliquer plus précisément cette troisième espèce de génération, qui est moins évidente que les deux autres.
  42. Leur enveloppe est molle. Sans doute en comparaison de la coquille dans les oiseaux ; car l’enveloppe des œufs de sélaciens n’est pas absolument molle, puisqu’elle a la consistance du parchemin ; voir le Traité de Zoologie de M. Claus, p. 815.
  43. Les uns se meuvent. Il eût été bon de citer des exemples.
  44. De la Génération des animaux. Voir le traité spécial. — De la Génération des animaux, voir les liv. II et III de ce traité, liv. II, ch. IV, p. 126, édit. Aubert et Wimmer et tout le liv. III, pp. 212 et suiv., même édition et traduction.
  45. Certains animaux ont des pieds. Cette distinction entre les divers ordres d’animaux n’est pas moins exacte que toutes les précédentes. — L’homme et l’oiseau. C’est à cette ressemblance que se rapporte la prétendue définition de l’homme par Platon. — Scolopendre. Voir plus loin, liv. II, ch. X, § 2. Insecte venimeux, qui forme la seconde famille du premier ordre des insectes ; ce sont les myriapodes. Il y a des scolopendres qui ont jusqu’à quarante-deux pieds, et même encore un plus grand nombre : voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 335. Traité de Zoologie de M. Claus, p. 535. Les scolopendres sont peut-être vivipares. On les appelle aussi chilopodos, à cause de leurs pattes-mâchoires. — L’abeille. Voir Cuvier. Règne animal, t. V, p. 380, et Traité de Zoologie de M. Claus, p. 665. — Toujours pair. Parce que le corps se compose de deux moitiés, qui chacune doivent avoir des organes semblables.
  46. Les animaux qui nagent. Ce qui comprend beaucoup d’autres animaux, outre les poissons proprement dits. — La Dorade. Les dorades sont comprises dans la quatrième famille des Acanthoptérygiens. L’espèce qu’indique ici Aristote est, dit Cuvier, un beau et bon poisson que les anciens nommaient Chrysophrys, Sourcil d’or, à cause d’une bande en croissant de couleur dorée, qui va d’un œil à l’autre. Voir Règne animal, tome II, p. 182. Cuvier écrit Daurade et non Dorade ; je ne sais pourquoi. Les dorades sont très abondantes dans la Méditerranée ; et elles forment un manger délicat. — Loup de mer. Le bar commun, grand poisson, d’un goût excellent, le lupus des Romains, le labrax des Grecs, dit Cuvier, Règne animal, p. 133, tome II. Le labrax fait aussi partie de l’ordre des Acanthoptérygiens, première famille des Percoïdes ou Percides ; voir Traité de Zoologie de M. Claus, p. 847. —
  47. L’anguille et le congre. Poissons fort ressemblants entre eux et de la même famille ; Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 318 et 350 ; et Traité de Zoologie de M. Claus, p. 834. — La murène. Qui se confond avec l’anguille. — Comme les serpents. Voir un passage tout pareil, dans le Traité du Mouvement des animaux d’Aristote, ch. VII, où il est question aussi de l’anguille et du congre. Pline a copié ce passage, liv. XI, ch. XXXVII, p. 371, édition Littré.
  48. La Pastenague. C’est le nom que les Latins ont donné au poisson qu’Aristote appelle le Trygon. Selon Pline, liv. IX, ch. LXXIII, édition Littré, la Pastenague est très redoutable, à cause de l’aiguillon qu’elle porte à la queue, dont elle tue les poissons et dont elle perce même les troncs d’arbre. La Pastenague, appelée aussi Trygon, du nom grec, par quelques naturalistes, fait partie des chondroptérygiens, à branchies fixes ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 399 ; et Traité de Zoologie descriptive de M. Claus, p. 820. C’est une espèce de raie. — La grenouille de mer. Le texte dit simplement : « la grenouille »; mais il est évident que c’est de la grenouille de mer qu’il s’agit.
  49. Les mollusques. Le terme est bien général ; les mollusques sont excessivement nombreux, formant à eux seuls la seconde grande division du règne animal et se divisant eux-mêmes en six classes : voir le Règne animal de Cuvier, tome III, pp. 1 à 180. Il y a des mollusques qui marchent, au moyen des protubérances charnues, fortes et allongées, avec lesquelles ils saisissent les objets. Certaine classe de mollusques s’appelle Céphalopodes, Ptéropodes et Gastéropodes. Mais Aristote a raison de dire que ce sont des apparences de pieds, plutôt que des pieds véritables. — Et le polype. MM. Aubert et Wimmer proposent de retrancher ces mots. — Marcher, comme le polype. Si toutefois l’on peut dire que le polype marche tellement. Les polypes, appelés polypes d’Aristote, sont de l’espèce des seiches ou poulpes, qui sont également des mollusques : Cuvier, Règne animal, tome III, p. 12.
  50. .Les crustacés. Les crustacés forment la première classe des animaux articulés ; ils ont en général une carapace, qui recouvre leurs branchies ; voir Cuvier. Règne animal, tome IV, pp. 7 et suiv. — La langouste. Cuvier ne doute pas que l’animal ici désigné ne soit la langouste, de la famille des crustacés décapodes ; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 81 ; en latin, Locusta. — Dans le sens de la queue. Les mots grecs ne semblent pas pouvoir présenter un autre sens. Ceci voudrait dire alors que la langouste nage en arrière. Je ne sais pas si le fait est exact. — Le cordyle. Voir plus haut, ch. I, § 12. — Le silure (ou Glanis). Le silure est un poisson rangé dans le second ordre des Malacoptérygiens ; c’est un poisson d’eau douce et un des plus grands ; il n’a pas d’écailles ; sa peau est nue, ou formée de grandes plaques osseuses. Il y a des espèces qui ont sur le dos une forte épine, que l’animal peut dresser et qui devient alors fort dangereuse. Le Silure a été confondu souvent avec le Glanis ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 299. — Une petite bête. C’est le cordyle.
  51. L’aigle et l’épervier. Ces deux oiseaux présentent beaucoup d’espèce ; voir Cuvier, Règne animal, tome 1, pp. 324 et 333. — Le hanneton. De l’ordre des Coléoptères, famille des Lamellicornes. Les naturalistes l’appellent aussi du nom grec Mélolonthta ; voir Cuvier, Règne animal. tome IV, p. 558 ; et Traité de Zoologie de M. Claus, p. 641, Arthropodes. — Le renard-volant. Le texte dit simplement : « le renard ». Je n’ai pas trouvé à identifier cet insecte. — La chauve-souris. Voir plus haut, ch. 1, § 17.
  52. À ailes de cuir. Ou ailes membraneuses, comme celles de la chauve-souris. — N’ont pas de sang. Ou plutôt, ont un sang incolore, un sang blanc.
  53. Des serpents qui sont organisés de même. Le texte n’est pas plus clair ; et ceci peut vouloir dire à la fois qu’il y a des serpents à deux pieds ou des serpents ailés. Aristote d’ailleurs n’affirme rien pour son propre compte ; il ne fait que rapporter un récit : « On affirme ». — L’Éthiopie, qui encore aujourd’hui est si peu accessible, l’était encore bien moins du temps des Anciens. Tout le Moyen-âge a cru aussi à des serpents ailés, ou dragons. — Les deux autres espèces. A ailes membraneuses et à ailes de duvet. MM. Aubert et Wimmer croient que les deux espèces désignées ici sont les notables à ailes membraneuses, pourvus de pieds et dépourvus de pieds.
  54. Qui n’ont pas de sang. Voir plus haut, § 8. — Coléoptères. Le nom est resté dans la zoologie moderne. — Les scarabées. Le terme employé dans le texte est aussi général que celui de ma traduction. Les scarabées présentent des espèces très nombreuses. On croit qu’il s’agit ici de celui qu’on appelle spécialement Ateuchus Sacer, ou Ateuchus des Égyptiens ; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 533.
  55. D’une certaine grandeur. Cette définition est bien vague. — N’ont que deux ailes. Voir le § suivant, où ceci est répété.
  56. Pas un seul coléoptère n’a de dard. Voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 352. — La mouche. Selon toute probabilité, il s’agit de notre mouche ordinaire, aussi commune en Grèce que dans le reste de l’Europe ; voir Cuvier, Règne animal, tome V, p. 509. — Le myope, id., ibid. p. 506. — Le taon. Ou l’oestre, en conservant le mot grec, comme le fait la zoologie moderne ; id., ibid., p. 500. — Le cousin. De la famille des némocères ; le cousin commun (culex pipiens) est sans doute celui dont Aristote parle ici. Voir aussi le Traité de Zoologie de M. Claus, pp. 602, 603 et 607.
  57. Certains mollusques. Voir plus loin, liv. IV, ch. 1, § 12, où Aristote parle de la grandeur extraordinaire de certains polypes. — De ce genre. Peut-être pourrait-on généraliser davantage cette observation ; et elle ne serait pas moins vraie appliquée à l’ensemble des animaux, au lieu d’être appliquée seulement aux mollusques. — Dans la mer. En effet, les plus grands de tous les animaux sont les baleines.
  58. Par quatre points. C’est le mot même dont se sert le texte grec. — L’homme… l’oiseau. La conformité de plan est manifeste, quelques différences que présentent ces deux ordres d’animaux ; chez les quadrupèdes comparés à l’homme, c’est encore plus évident.
  59. Les quadrupèdes. Cet ordre d’animaux aurait été placé plus convenablement à côté de l’homme, au paragraphe précèdent. — Les flexions du corps sont au nombre de quatre. Ceci est exact pour les quadrupèdes ; ce ne l’est plus pour les poissons. — Ou de deux, avec deux nageoires. En en comptant deux de chaque côté ; mais il y a des poissons sans nageoires ; et il serait difficile de trouver quatre flexions dans les serpents. Tous ces faits sont tellement évidents qu’il est probable qu’il y a ici quelque désordre dans le texte ; mais les manuscrits n’offrent pas de variantes. MM. Aubert et Wimmer ont proposé quelques changements au texte grec.
  60. L’éphémère. Insecte névroptère, subulicorne ; voir Cuvier, Règne animal, tome V, p. 241. — Le nom qu’elle porte. Le mot d’éphémère veut dire en effet : « Qui ne vit qu’un jour » et il paraît bien que, dans son état parfait, l’insecte ne vit réellement qu’un jour, et pour se reproduire uniquement ; mais à l’état de larve, il vit beaucoup plus longtemps. Dans le Traité de Zoologie de M. Claus, p. 575, les éphémérides sont la seconde famille des amphibiotiques, insectes arthropodes. — Un volatile avec quatre pieds. Cette particularité n’a été remarquée que par Aristote. On ne la trouve pas signalée par les naturalistes modernes. Voir plus loin, liv. V, ch. XVII, § 19.
  61. Diamétral. C’est le mot même du texte ; il est parfaitement juste. Le fait est évident pour les quadrupèdes aussi bien que pour l’homme ; pour les polypèdes, l’auteur aurait bien fait d’être moins concis. — Deux pieds qui la commandent. Le texte dit précisément « Deux pieds-chefs ». — Le crabe, famille des crustacés décapodes, brachyoures ; Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 30. — Seul qui ait quatre pieds de devant. Les naturalistes modernes n’ont pas retenu cette observation. Tout ce qui ils disent des pieds du crabe, c’est que ces pieds-mâchoires sont généralement plus courts et plus larges que dans les autres décapodes ; voir le Traité de Zoologie de M. Claus, pp. 483 et 498, et Cuvier, loc. cit.
  62. Les autres genres d’animaux. Les genres autres que ceux dont on vient de parler, c’est-à-dire l’homme et les quadrupèdes. C’est ce que semblent indiquer les divisions suivantes. — Les plus étendus. Mot à mot : « les plus grands ». — Les oiseaux, les poissons et les cétacés. Voir plus loin, liv. II, ch. XI, § 1, des divisions analogues, dont cependant Aristote ne prétend pas faire des cadres généraux d’histoire naturelle.
  63. Testacés. Ou animaux à coquilles, dans le genre des huîtres. — (Crustacés). Les crustacés forment la seconde classe des animaux articulés : voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 183, et tome IV, p. 30 ; Traité de Zoologie de M. Claus, p. 398. Ce dernier auteur trouve que ce nom de crustacés est peu justifié pour les petites formes à téguments minces. D’après la définition de l’Académie française, les crustacés sont des animaux qui sont couverts d’une enveloppe dure mais flexible, et divisée par des jointures. L’exemple cité est celui de l’écrevisse. Les définitions des crustacés par les naturalistes sont en général assez différentes les unes des autres, et elles sont peu précises. J’ai mis crustacés entre parenthèses comme résumant la définition donnée par Aristote : « Animaux à coquilles molles ». — Il n’y a pas de nom unique. Il semble au contraire, d’après le texte même, que la langue grecque a ce nom unique qui comprend toute cette classe d’êtres : « Malacostracés », ou crustacés. Voir plus haut ; ch. V, § 6. — Le grand et le petit calmar. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 15. Les calmars sont de la première classe des mollusques. Céphalopodes. — Celui des insectes. Ainsi, il y a quatre principaux genres, qui n’épuisent pas d’ailleurs le règne animal : crustacés, testacés, mollusques et insectes. Ce sont les ordres inférieurs, après l’homme, les quadrupèdes, les oiseaux, les poissons, les cétacés.
  64. Ces quatre genres. Le texte est moins précis et dit simplement : « Tous ces animaux » — Privés de sang. La zoologie moderne dit simplement qu’ils ont du sang incolore. — Parmi les insectes. Cette observation ne paraît pas bien à sa place ici.
  65. De grandes classes. En effet, les énumérations qu’Aristote vient de faire comprennent à peu près toute la série animale, telle qu’elle se présente à l’œil nu. Le microscope a révélé bien des espèces que les Anciens n’ont pas pu connaître. — Le genre… plusieurs espèces. Le texte se sert du même mot pour genre et espèce. J’ai dû faire la distinction qu’il ne fait pas. — L’espèce est simple… Peut-être faudrait-il dire : « Le genre », au lieu de l’espèce. — Comme pour l’homme. Ceci n’est pas parfaitement exact, et l’on pouvait, même dès le temps d’Aristote, distinguer l’espèce noire de l’espèce blanche ; car les Grecs connaissaient très bien les Nègres. — Le genre renferme bien…. Le texte est un peu moins précis.
  66. Qui ne sont pas pourvus d’ailes. MM. Aubert et Wimmer pensent avec raison que ces mots sont ici tout à fait déplacés, et ils les mettent entre parenthèses, dans leur texte et dans leur traduction. — Et les autres ovipares. Il n’y a guère que le lézard qui soit un quadrupède ovipare. — Des écailles… aux écailles des poissons. Notre langue n’a pas deux mots différents, comme la langue grecque, pour désigner les écailles de serpents et les écailles de poissons. Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 72, 76, 81, etc., ne parle guère que des écailles des Ophidiens ; parfois cependant, il parle aussi de leurs plaques. Peut-être faudrait-il adopter ce dernier mot dans la traduction, toutes les fois qu’il s’agit des serpents. On pourrait encore employer le mot d’écussons.
  67. Leur peau est écailleuse. Voir la remarque précédente. La langue grecque se sert encore ici du même mot que le texte vient d’employer. — La vipère, qui est vivipare. Cuvier, Règne animal, tome II, p. 87, fait observer que le nom de vipère est une contraction de vivipare, parce que ses œufs éclosent avant d’avoir été pondus. Ce n’est pas d’ailleurs une condition particulière à la vipère ; presque toutes les espèces venimeuses en sont là. Pour les écailles des serpents, voir aussi le Traité de Zoologie de M. Claus, p. 889.
  68. Des vivipares parmi les poissons. Tous les cétacés sont vivipares. — Ces poils en forme d’épines, ou de piquants. Cuvier, Règne animal, tome 1, p. 124, dit : « Les hérissons ont le corps couvert de piquants, au lieu de poils ». C’est la pensée d’Aristote, et presque ses expressions mêmes. — Des hérissons de mer. Ou oursins. Ces animaux ont sur leur test des épines articulées, mobiles au gré de l’animal ; il s’en sert pour ses mouvements, conjointement avec ses pieds qui sont situés entre elles ; Cuvier, id., tome III, p. 234 ; voir le Traité de Zoologie de M. Claus, pp. 238 et suiv.
  69. Avec le mulet. J’ai cru devoir ajouter ces mots pour plus de clarté ; ils me semblent indispensables à cause de ce qui suit. Le mot d’Hémione signifie étymologiquement demi-âne ; et c’est bien aussi le nom qu’on pourrait donner au mulet ; seulement le mulet ne se reproduit pas, tandis que l’hémione se reproduit ; ce qui constitue une différence d’espèce bien notable.
  70. Pour cette raison. Le texte n’est pas plus précis que ma traduction. Sans doute, Aristote veut dire qu’il y aura lieu d’étudier soigneusement chaque espèce d’animaux, sous le rapport de la génération.
  71. Une simple esquisse. On sait que c’est le procédé habituel d’Aristote, qui présente tout d’abord une vue générale de son sujet, avant d’entrer dans les détails ; voir plus haut, ch. 1, § 1. — Avant-goût. Cette métaphore est dans le texte. — De découvrir les causes. C’est l’objet spécial du Traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. I ; Aristote y montre comment ce traité est le complément de l’Histoire des Animaux. — Une méthode conforme à la nature. Personne parmi les modernes n’a jamais rien dit de mieux ; et l’on voit si l’on peut soutenir que les Anciens n’ont pas connu la méthode d’observation. — De chaque animal en particulier. Il faut donc commencer par constater les faits, avant d’essayer de les expliquer par des théories générales. — Sa démonstration. C’est le mot même du texte ; et ici, il est très particulièrement bien employé, puisque les explications sont précédées de l’étude des faits particuliers, d’où on les tire.
  72. Déjà mentionnées par nous. Voir plus haut, ch. 1, §§ 5 et suivants.
  73. Dont l’homme se compose. Aristote a raison de commencer par l’étude de l’homme ; car si l’homme est le plus compliqué de tous les animaux, c’est celui que nous pouvons le mieux connaître, puisque chacun de nous porte en lui-même l’homme, qu’il peut directement étudier. Buffon et Cuvier ont commencé leur histoire naturelle par l’homme. La Zoologie contemporaine commence au contraire, comme on peut le voir dans la Zoologie de M. Claus, par les animaux les plus simples, pour aboutir à l’homme, ou plutôt aux Primates, parmi lesquels comptent toujours les singes. Linné adopte aussi la classification ordinaire. Celle d’Aristote, suivi de Buffon et de Cuvier, est infiniment préférable, à tous les points de vue. On a objecté qu’Aristote connaissait l’anatomie humaine beaucoup moins bien que celle des animaux ; c’est douteux ; mais quand même ce serait exact, il est certain que nous pouvons toujours observer l’homme bien plus aisément que tout autre animal, puisque nous pouvons nous observer sans cesse nous-mêmes, et observer sans cesse nos semblables. — Nécessairement. Aristote fait bien d’insister si vivement. — Du témoignage de nos sens. Le texte n’est pas aussi précis. — Dans la suite de notre description. Même remarque. — Qui forment les organes. Aristote appelle ici organes ce que plus haut il a appelé membres. Voir plus haut, ch. 1, § 2 ; ce qui ne veut pas dire qu’on puisse confondre les organes et les membres. J’ai ajouté : « De l’homme » pour plus de clarté. — Des parties similaires. Voir plus haut ch. I § 4. Pour toutes ces généralités si importantes, il faut rapprocher des théories d’Aristote la 1ère Leçon de l’Anatomie comparée de Cuvier, 1ère édition.
  74. Le cou, le tronc. MM. Aubert et Wimmer ordonnent un peu autrement l’énumération de ces diverses parties du corps humain, afin d’éviter la répétition du mot tronc. Je conserve l’ordre le plus habituellement reçu ; le tronc vient mieux après le cou, parce que les bras et les jambes sont détachés davantage de l’ensemble. — La concavité. Le mot du texte est au moins aussi général. — Parties honteuses. C’est la traduction littérale de l’expression grecque.
  75. La partie antérieure est la fontanelle. Le mot que je rends par fontanelle n’a pas en grec un sens bien déterminé ; et dans la langue de l’anatomie moderne, il n’y a pas d’expression pour rendre cette partie du crâne qu’Aristote veut désigner, et qui s’étend depuis le front jusque vers le milieu de la tête. — Qui ne se produit que postérieurement J’ai traduit mot à mot ; mais je doute que le fait signalé ici soit exact. Ce qui est vrai, c’est que chez l’enfant qui vient de naître cette partie du crâne est molle et mince, et qu’elle se solidifie plus tard. — L’occiput et la fontanelle. Même observation que plus haut.
  76. L’occiput est vide. Ceci ne se comprend pas bien, même en supposant aussi incomplètes qu’on voudra les connaissances anatomiques d’Aristote à certains égards. Il est possible qu’il y ait ici une altération du texte, que tous les manuscrits ont reproduite et qui remonterait alors très-haut. L’occiput n’est pas vide, puisqu’il contient encore le cerveau ; et sous le cerveau, le cervelet. — Il n’y a qu’une suture. C’est également une erreur. — Il y a trois sutures. Autre erreur assez singulière, pour des faits aussi visibles et aussi faciles à constater. A l’âge adulte, le crâne de l’homme a huit os, et par conséquent huit sutures ; voir Cuvier, Règne animal, tome 1, p. 74. — Se réunissent en une seule. Autre erreur. — Aucune espèce de suture. Le fait n’est pas absolument impossible ; mais je ne crois pas qu’il ait jamais été constaté scientifiquement. Il arrive quelquefois que l’âge oblitère les sutures ; mais c’est un cas exceptionnel ; et en général, les sutures sont à tous les âges très apparentes sur tous les crânes. Voir la note de MM. Aubert et Wimmer, qui d’ailleurs ne croient pas utile de relever les erreurs anatomiques que commet ici Aristote, précisément parce qu’elles sont trop évidentes. Voir aussi plus loin, liv. III, ch. VII, § 3, où ces détails sont en partie reproduits.
  77. Expression qui s’applique à l’homme seul. Notre langue est à cet égard dans le même cas que la langue grecque ; le mot de visage ne s’applique jamais qu’à l’homme. — Sous la fontanelle et au-dessus des yeux. Ici le sens de Fontanelle est évident ; c’est la naissance des cheveux et le point où se termine le front proprement dit ; voir plus haut, ch. VII, § 2. — Les hommes qui ont un grand front. Il n’est pas certain que l’école de Lavater soit d’accord sur ces divers points avec Aristote ; il faut se rappeler d’ailleurs qu’il a fait un traité spécial de Physiognomonie. — Des facultés extraordinaires. Le mot grec peut avoir encore cet autre sens : « Sortent aisément d’eux-mêmes ».
  78. Quand les sourcils sont droits. Tous ces détails ne sont pas ici à leur place, quelle que soit d’ailleurs leur valeur. — Abaissés… envieux. Cette phrase donnée par l’édition-princeps des Aldes semble à MM. Aubert et Wimmer une interpolation.
  79. La partie centrale et liquide. Le mot de liquide a peut-être un sens exagéré ; et l’on ne peut pas dire exactement que l’œil soit liquide, dans cette partie qu’on appelle l’iris. Surtout, on ne peut pas le dire de la pupille. — Par laquelle on voit. On ne voit pas par la pupille ; seulement la pupille est indispensable pour introduire la lumière ; et la vision se fait au fond de l’œil sur la rétine. — Est noire. C’est l’expression même du texte ; mais elle n’est pas exacte, puisque la couleur de l’iris varie beaucoup ; voir plus bas, § 5. — Est blanche. C’est ce que nous nommons toujours aussi le blanc de l’œil. — Les deux coins. Ces deux coins ne sont pas pareils, comme on semble l’indiquer ici. — Quand ces coins sont allongés. Détails qui paraissent déplacés comme les précédents, §§ 1 et 2. — Comme les peignes. C’est la traduction littérale ; il s’agit simplement des plis charnus. Cette comparaison avec des peignes n’a pas satisfait MM. Aubert et Wimmer ; et ils ont proposé, d’après Albert le Grand et Schneider, divers changements où le mot grec qui signifie peigne prendrait le sens de caroncule. Ils croient aussi qu’il peut être question d’une membrane sanguine, analogue à celle des yeux du milan, et qui indique dans les yeux des hommes de fréquentes congestions de sang. — Une nature vicieuse. Cela peut n’être pas faux ; mais ce n’est pas ici qu’on attendait ces détails.
  80. À l’exception des crustacés. Les yeux dans beaucoup de crustacés, et notamment dans la famille des malacostracés, sont portés sur un pédicule mobile et articulé. Pendant longtemps, on a pu ignorer que ce fussent là des yeux ; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 16. — Excepté la taupe. Ce que dit ici Aristote, en parlant de la taupe, prouve qu’il avait étudié cet animal de très près, et qu’il avait très bien vu les choses. Jusqu’au commencement de ce siècle, la Zoologie n’en a pas su davantage sur les yeux de la taupe ; et aujourd’hui même, on convient toujours que les yeux sont si petits qu’on peut très bien s’y tromper. — Et que la peau a poussé par dessus. M. Claus dit également en parlant de la taupe : « Les yeux sont recouverts par la peau, » p. 1070 ; voir aussi Cuvier, Règne animal, tome I, p. 130.
  81. Est pareil. Il est blanc en effet chez tous les hommes ; mais il y a encore beaucoup de nuances dans cette blancheur. — La partie qu’on appelle le noir. Voir plus haut, § 3. — Elle est noire. C’est exagéré, et l’iris n’est jamais noire, au sens vrai de ce mot : seulement elle est plus ou moins foncée. — Comme l’œil des chèvres. C’est la traduction exacte et la paraphrase du mot grec. — Le signe d’un excellent caractère. Même remarque que plus haut sur ces détails physiognomoniques. — La plus favorable à une vue perçante. Il ne paraît pas que cette observation soit exacte. — L’un des deux yeux. Il y a des manuscrits qui modifient un peu cette leçon, et qui disent seulement que certains chevaux ont des yeux bleus. Il y a aussi quelques exemples dans l’espèce humaine de différences entre la couleur des deux yeux.
  82. Les meilleurs sont les yeux moyens. On doit peut-être entendre « les meilleurs », non pas dans le sens de l’acuité de la vue, mais dans le sens de la beauté. — Ont la vue la plus perçante. Peut-être cette observation n’est-elle pas très exacte. — Un caractère excellent. Même remarque que plus haut. On pourrait comprendre aussi que la disposition moyenne est la meilleure, comparativement aux deux autres dispositions, qui sont extrêmes.
  83. Entre les deux. Le texte dit précisément : Moyens. J’ai ajouté la paraphrase qui suit, pour plus de clarté. — D’expression constante. Il me semble que c’est le sens le plus probable du mot qu’emploie le texte.
  84. Mais on ne respire pas par l’oreille. Cette remarque, qui peut paraître assez singulière, est justifiée par la théorie d’Alcméon, qu’Aristote réfute. — Alcméon. Voir sur Alcméon, la Métaphysique, I, V, 9, et la note. — Que les chèvres respirent. Il serait curieux de savoir sur quelles observations pouvait se fonder cette théorie d’Alcméon. — L’une n’a pas de nom. C’est la leçon ordinaire ; et il paraît bien qu’on n’en peut pas tirer une autre des manuscrits. Cependant un manuscrit du Vatican, marqué par Bekker et par MM. Aubert et Wimmer, pourrait offrir matière à une variante qu’il faudrait traduire ainsi : « Le haut de l’oreille s’appelle l’aile de l’oreille. » La vieille traduction de Guillaume de Morbeka semble autoriser, du moins en partie, cette version. Mais un passage de Rufus, le médecin du Ier siècle après J.-C., rappelle formellement qu’Aristote ne donnait pas un nom spécial à la partie supérieure de l’oreille, et qu’il ne nommait que le lobe. Ce témoignage est d’autant plus décisif qu’il se trouve dans le traité de Rufus Sur les noms des parties du corps humain. Il n’est pas possible qu’un homme aussi savant ait pu se tromper sur ce point dans un tel ouvrage ; et il faut admettre qu’au temps d’Aristote, il n’y avait que le lobe de l’oreille qui reçût un nom particulier. Voir la note de MM. Aubert et Wimmer. — Le lobe. C’est encore aujourd’hui le nom de cette partie de l’oreille, c’est-à-dire du bout inférieur.
  85. Pareil aux colimaçons. C’est la traduction littérale ; on peut trouver que le texte est par trop concis ; mais le fait est si exact qu’une partie de l’appareil auditif se nomme encore le limaçon, parce qu’en effet il est enroulé en spirale à la manière de certains limaçons. Comme cette partie est tout à fait interne et profonde, il est clair que, pour la découvrir et la caractériser si bien, il avait fallu de longues et délicates dissections. La suite le prouve également. — Le dernier os. C’est sans doute aux Osselets de l’oreille que ceci fait allusion. — Dans la cavité dernière. Le texte dit mot à mot : « Comme dans le dernier vase ». L’oreille interne se compose, pour l’anatomie actuelle, de trois parties : le vestibule, les canaux demi-circulaires, et le limaçon. Au fond de cet appareil si délicat, se trouve le nerf auditif, qui reçoit les vibrations sonores et les transmet au cerveau. C’est bien, comme le dit Aristote, le fond du vase. — Ressemble à l’oreille. Ainsi que le remarquent MM. Aubert et Wimmer, ceci n’a pas de sens ; mais les manuscrits n’offrent pas de variante.
  86. L’oreille. Le texte n’a qu’un pronom neutre indéterminé. Au lieu de l’oreille, on peut comprendre qu’il s’agit de l’appareil auditif tout entier. — D’orifice dans le cerveau. C’est le nerf auditif qui conduit le son au cerveau ; mais Aristote ne connaissait pas ce nerf ; voir la note de MM. Aubert et Wimmer. — Dans le voile du palais. En effet, la trompe d’Eustache, qui est un large conduit, met l’intérieur de la caisse du tympan en communication constante avec l’arrière-gorge, pour introduire l’air ; et en sens contraire, pour faire sortir les mucosités qui pourraient gêner l’audition. — À l’une et l’autre oreille. C’est la leçon donnée par plusieurs manuscrits ; mais d’autres, qu’ont suivis MM. Aubert et Wimmer, n’ont qu’un pronom neutre indéterminé, qu’on ne peut rapporter qu’à la partie interne de l’oreille ou à l’oreille entière. — C’est aussi la disposition des yeux… Une petite veine. Cette phrase interrompt la suite des pensées ; les yeux n’ont rien à faire ici. MM. Aubert et Wimmer pensent, avec raison, que tout ce passage n’est qu’une interpolation.
  87. Chez qui elle soit immobile. MM. Aubert et Wimmer contestent l’exactitude de cette observation ; il semble cependant qu’elle est vraie ; et il y a quelques hommes chez qui l’oreille soit mobile à volonté, ces exceptions sont si rares qu’on peut ne pas les compter. — Le conduit auditif. Le texte dit simplement : « Le conduit ». — Tous les volatiles. L’exemple est bien choisi, et il est facilement vérifiable.
  88. Tous les vivipares… les mouvoir. Pour tout ce paragraphe, j’ai presque complètement adopté la leçon proposée par MM. Aubert et Wimmer ; les manuscrits n’offrent pas de variantes très satisfaisantes, bien qu’elles soient assez nombreuses. — Les espèces de sélaciens. La leçon ordinaire est : « Et tous les animaux qui sont cétacés de cette façon »; c’est-à-dire sans doute, comme le phoque et le dauphin. Mais cette leçon n’est pas acceptable, parce que le phoque est un amphibie et n’est pas un cétacé ; le dauphin est un cétacé. Pour les sélaciens, voir plus haut, ch. IV, § 1, et la note. — Et l’homme est seul… MM. Aubert et Wimmer croient devoir transposer cette phrase avant la précédente. Pour ma part, je ne vois pas d’utilité à ce changement, que n’autorise aucun manuscrit.
  89. Dans l’homme. J’ai ajouté ces mots, qui me semblent indispensables. — Dans quelques quadrupèdes. On pourrait dire dans presque tous. — Il y a des oreilles sans poils. La suite prouve qu’il s’agit toujours des oreilles de l’homme, et non pas des oreilles en général. — Annoncent la loquacité et la sottise. On peut douter que ces observations soient parfaitement exactes, parce que le nombre des sujets observés n’est jamais assez grand.
  90. Et le sommet de la tête. Maintenant on ne donne plus cette étendue à la tempe ; elle se réduit à la partie de la tête comprise entre l’oreille et le front, ou entre l’oreille et l’œil.
  91. Qui sert de passage à l’air. Ceci est en effet très exact, en ce que les narines sont toujours ouvertes, tandis que la bouche ne l’est pas toujours. Il est donc plus naturel de prendre le nez pour le passage principal de l’air. — Qu’on aspire et qu’on expire. MM. Aubert et Wimmer font ici une correction purement grammaticale, qui n’a rien de nécessaire. — L’expulsion de l’air accumulé. Cette définition, si elle n’est pas complète, n’a du moins rien de faux. — Parmi les vents de notre corps. Le texte dit simplement : « Des vents ». — Des présages sacrés. Mot à mot : « des présages et quelque chose de sacré ».
  92. Se font…. dans la poitrine. Ceci peut corriger ce qui a été dit d’un peu excessif sur la fonction du nez. — Par les narines seules. C’est cependant ce qui paraissait résulter de ce qui a été dit du nez, au paragraphe précédent. — Par le gosier, qui communique à la fois avec les fosses nasales et avec la bouche. — De la respiration du nez. Le texte n’est pas aussi précis ; et l’on peut comprendre ce passage d’une manière générale : « Des animaux peuvent vivre sans respirer. »
  93. . Le sens de l’odorat… la perception de l’odeur. Cette espèce de tautologie n’est pas aussi frappante dans le texte grec ; elle est inévitable dans notre langue. — Un diaphragme. Le mot de Diaphragme est pris dans son sens général. — Dans l’éléphant… Tout ceci est exact ; mais on ne comprend pas bien qu’on parle ici de l’éléphant, à propos des organes de la tête de l’homme. Voir plus loin, liv. II, ch. 2, § 4, et liv. IX. ch. XXXIII.
  94. Le menton… la mâchoire proprement dite. Dans la langue grecque, les deux expressions sont presque identiques ; j’ai dû prendre une paraphrase, pour établir, en notre langue, quelque différence entre ces deux parties de la mâchoire inférieure. Peut-être au lieu de : « La mâchoire proprement dite », pourrait-on traduire : « la joue » (Gena, en latin). — Excepté le crocodile de rivière. Cet exemple intervient encore ici bien brusquement ; mais du moins il est très concis ; voir plus loin sur le crocodile de rivière, liv. III. ch. VII, § 4, où la même phrase est répétée presque identiquement.
  95. Le palais et le pharynx. On pourrait distinguer dans la bouche un plus grand nombre de parties ; mais ces deux-là sont bien réelles.
  96. La perception du goût, ou de la saveur. — Surtout. J’ai ajouté ce mot, que justifie ce qui suit. — Plus large. Le texte dit simplement : Large. — Et elle les sent tout aussi bien que les saveurs. Le texte n’est pas tout à fait aussi précis. MM. Aubert et Wimmer voudraient retrancher cette phrase, parce que le sens du goût, dans toute sa vivacité, n’a été attribué un peu plus haut qu’au bout de la langue. Mais il me semble que ce passage est très acceptable, avec l’interprétation que je donne.
  97. Ou libre, ou embarrassée. Il semble que ce passage est fort clair et que l’observation est exacte. Aristote ne dit pas que le bégaiement tienne aux dimensions exagérées de la langue, comme le supposent quelques traducteurs ; il dit seulement que la lingue est embarrassée (mot à mot, liée) dans le bégaiement et le grasseyement ; ce qui est vrai. — Molle, ou poreuse. — L’épiglotte est une partie de la langue. L’étymologie même le dit. L’épiglotte est une espèce de soupape, qui fait, par son mouvement, que les aliments solides et liquides passent du pharynx dans l’œsophage, et ne peuvent pas s’engager dans le larynx et les voies respiratoires, où ils causeraient la suffocation et la mort.
  98. L’amygdale. J’ai dû prendre ce mot qui seul est clair dans notre langue anatomique ; mais le texte grec emploie un mot métaphorique, qu’on pourrait rendre par l’Isthme de la bouche ; l’image est très juste. Voir plus loin, ch. XIII, § 7. — Double… multipliées. Les deux mots qu’emploie le texte ont une ressemblance étymologique que je n’ai pu faire passer dans ma traduction. Le sens d’ailleurs ne peut être douteux. — Qui a la forme d’un grain de raisin. J’ai paraphrasé le mot grec, qui désigne le voile du palais. — Un pilier. C’est le mot même qu’a conservé l’anatomie moderne. — Le grain. Je n’ai pas trouvé d’expression plus convenable pour désigner cette maladie de la luette qui cause l’étouffement. Le mot grec peut aussi ne signifier que la luette. — Elle étouffe le malade. MM. Aubert et Wimmer croient que ceci est une interpolation.
  99. Le tronc. Ou, le thorax, pour conserver le mot grec. — L’œsophage. Le texte a le mot d’où nous avons tiré nous-mêmes le mot d’estomac, qui n’a pas le même sens. — Antérieure. C’est bien en effet la position du larynx. — La trachée-artère. Le texte dit simplement : « L’artère » — La partie charnue. Il n’est peut-être pas très exact de dire que l’œsophage soit charnu ; il est plutôt cartilagineux, comme le larynx. — De la colonne dorsale. Ou rachis, pour conserver le mot grec.
  100. La poitrine, qui a deux mamelles. Chez les hommes comme chez les femmes, bien que l’organisation soit différente. — Le mamelon est double. Un à chaque mamelle. — Les hommes aussi ont du lait. MM. Aubert et Wimmer ajoutent dans leur traduction : « quelquefois ». Cette restriction peut sembler en effet nécessaire ; car le lait chez les hommes est une exception des plus rares ; mais je n’ai pas cru pouvoir faire cette addition, qui n’est pas dans le texte. Il faut remarquer qu’Aristote prend ici les termes généraux de mâles et de femelles, et non ceux d’hommes et de femmes : mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit du corps humain, et non du corps des animaux. — Remplie de pores. Ou, de vaisseaux.
  101. . Le centre ou la racine du ventre. Le texte dit simplement : « la racine du ventre » D’après deux passages du traité de la Génération des animaux, liv. II, §§, 67 et 113, édition Aubert et Wimmer, pp. 168 et 194, MM. Aubert et Wimmer justifient cette métaphore du mot racine, parce que, selon Aristote, c’est du nombril de la mère que partent, comme d’une racine, les veines qui vont nourrir l’embryon qu’elle a conçu. — Le flanc, ou, la hanche. — Qui est double. Un de chaque côte. — L’abdomen. Il me semble que c’est encore ce mot qui répond le mieux à celui du texte. — Le pubis. Le sens du mot grec n’est pas très distinct ; et j’ai pris ce terme général pour ne pas trop préciser les choses. Il peut s’agir aussi des parties génitales. — La cavité qui renferme les intestins. Ici encore, j’ai dû paraphraser plutôt que traduire, parce que le sens du mot grec est tout à fait indécis, et qu’après toutes les parties du ventre qui viennent d’être énumérées, il n’en reste plus auxquelles ce mot puisse être encore appliqué, comme le remarquent MM. Aubert et Wimmer. Le mot se trouve deux fois dans Homère, Iliade, ch. IV, vers 526, et ch. XXI, vers 181, et il ne semble y signaler que les intestins, sortant du ventre d’un guerrier, à la suite d’une blessure profonde dans le nombril.
  102. La ceinture. C’est encore le mot que notre langue a conservé, pour exprimer cette partie du corps qui est au-dessus des hanches. Seulement, le mot de ceinture s’applique aux parties de devant aussi bien qu’à celles de derrière, tandis que le mot grec ne s’applique qu’a ces derrières. — Le rein… rainure. J’ai essayé de reproduire en notre langue l’espèce de jeu de mots qui se trouve dans le grec, et qui ne paraît pas être beaucoup plus sérieux que celui que je risque. L’explication étymologique ne semble pas très exacte. Au lieu de dire les reins, on pourrait dire aussi les lombes. — Qui sert à s’asseoir. C’est une paraphrase du mot du texte. — La cavité. Ou, cotylédon.
  103. La verge, le membre honteux. Il n’y a que ce dernier mot dans le grec ; j’ai cru devoir ajouter le précédent, qui est le terme médical et anatomique. — Du tronc. Ou, le thorax, comme plus haut. — Toujours sans poil. Les manuscrits donnent des variantes, dont la plus acceptable me semble être celle que j’ai adoptée. — Lisse et égale. Même remarque. — Le gland. Notre langue a conservé cette métaphore empruntée à la langue grecque. — N’a pas de nom particulier. Dans notre langue anatomique, le nom particulier de cette peau est le prépuce. — Ne peut plus se rejoindre. Aristote semble donc avoir connu l’excision du prépuce, la circoncision. — Non plus que la joue et la paupière. Ceci ne se comprend pas bien, surtout pour la joue, où la cicatrisation se fait très aisément. — Le bourrelet. C’est le terme anatomique. Le mot grec n’est pas plus spécial.
  104. Que chez les animaux à queue garnie de crins. Le sens a paru obscur à plusieurs traducteurs ; il me semble au contraire très clair. La verge chez l’homme ne rentre pas et ne se cache pas, comme chez le cheval ou l’âne, animaux à queue de crins ; seulement elle se gonfle, ou se dégonfle, sans disparaître. Évidemment, c’est là ce qu’Aristote a voulu dire. Voir plus haut, ch. II, § 3. — Le Scrotum. Ou les bourses. — Très éloignés d’en être. C’est en effet une organisation toute spéciale, et un tissu différent de tous les autres.
  105. Plus tard. Voir plus loin. liv. III, ch. I, § 1.
  106. Sous le pubis. Le mot grec a quelque chose encore de plus précis.
  107. Une partie commune… c’est le pli de la fesse. Je ne suis pas sûr d’avoir identifié très exactement tous les termes dont se sert ici Aristote. Les parties du corps dont il parle dans ce passage, ne sont pas elles-mêmes très bien déterminées.
  108. Du tronc… de la poitrine. Le texte fait aussi cette distinction. — Ou rachis. Il n’y a que ce seul mot dans le texte. — Les reins, ou lombes. On peut trouver que toutes ces descriptions ne sont pas assez précises ; mais je ne vois pas que l’anatomie moderne ait fait mieux ; et cette indécision tient à la nature même des choses. — Huit côtes. Il est difficile de s’expliquer cette erreur sur le nombre des côtes, qui semble si facile à vérifier sur le squelette. Les côtes sont au nombre de douze de chaque côté, dont cinq sont appelées fausses côtes. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 74. Peut-être Aristote les a-t-il réunies en une seule, et il arrive ainsi au total de huit de chaque côté. — Ligyens. Il est difficile de savoir de quel peuple il s’agit ici. Schneider, tome III, p. 43, paraît croire que ce sont les peuples de Ligurie dont Aristote veut parler.
  109. Dans le corps de l’homme. Ceci n’est pas particulier au corps de l’homme ; et l’on peut faire les mêmes distinctions pour la plupart des animaux, surtout les animaux supérieurs. — Dans les parties qui les composent. Ces parties sont les membres pareils et en nombre égal de chaque côté. — Plus faibles. Ceci est parfaitement exact ; et chacun de nous peut le savoir par sa propre expérience. Dans notre langue, le mot de gauche signifie aussi maladroit. — Au-dessous de l’hypogastre. C’est la partie du ventre au-dessous du nombril et comprise entre les hanches. — Comme il l’est lui-même. Le texte n’est pas aussi précis. — Les jambes… Même remarque. Il ne semble pas d’ailleurs que le sens puisse faire de doute. — Si l’on a de petits pieds… Cette observation est exacte, si l’on regarde à la constitution originelle ; mais l’exercice des mains, et les fatigues qu’on leur donne, les grossissent beaucoup, sans que les pieds se développent dans la même proportion. Toutes ces distinctions sont d’ailleurs indispensables pour bien faire comprendre les descriptions que le naturaliste peut avoir à faire, et l’anatomie moderne a dû les conserver.
  110. . Le coude ou olécrâne. Il n’y a que ce dernier mot dans le texte. Je ne sais pas si l’on peut dire précisément que l’olécrane est une partie du bras, puisque ce n’est qu’une apophyse d’un os, le cubitus ; mais c’est une partie de cet os très notable, à cause de sa protubérance. — L’avant-bras. C’est la partie qui s’étend du coude au poignet, et qui a deux os, le cubitus et le radius, tandis que le haut du bras n’a que l’humérus.
  111. . La paume. Ou, l’intérieur de la main. L’anatomie moderne distingue trois parties dans la main : le carpe, le métacarpe et les doigts. C’est l’ostéologie qui exige ces distinctions. — La phalange. C’est le mot que l’anatomie moderne a conservé : phalanges, phalangines, phalangettes, expriment les trois espèces d’os qui composent chaque doigt, dans le métacarpe. Le pouce n’en a que deux. — Le gros doigt, le pouce. Le texte n’a qu’un seul mot. — N’a qu’une articulation. Aristote ne compte pas l’articulation qui joint le pouce au métacarpe ; il ne la compte pas davantage pour les autres doigts, puisqu’il ne leur donne que deux articulations. — En dedans. Autrement, la préhension n’aurait pas été possible. — Au coude. Le texte dit précisément : Olécrane. — Par plusieurs raies. Le mot grec est plus vague, et il signifie d’une manière générale membres, membrures. — Chez ceux qui doivent vivre. C’est là le fondement de la chiromancie ; elle est fort ancienne, comme on voit ; mais elle n’en est pas pour cela une science plus solide.
  112. Le poignet, ou carpe. Le texte n’a que le dernier mot. — Le dessus de la main. Le texte dit précisément : le dehors. Il n’y a pas non plus de nom spécial dans notre langue, à moins qu’on ne veuille prendre celui de métacarpe pour le dos de la main exclusivement. Quant aux muscles, l’expression grecque peut tout aussi bien signifier les nerfs, et même les tendons.
  113. Le membre autre que le bras. Le mot qui correspond dans le texte à celui de membre a, dans le grec, une étendue plus grande que notre mot de membre. — La cuisse, ou fémur. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte ; j’ai ajouté le synonyme de fémur, à cause de ce qui suit. L’os de la cuisse, le fémur proprement dit, a, en effet, deux têtes ; on pourrait même aller jusqu’à trois : la tête du fémur, le grand trochanter et le petit trochanter. Ces trois proéminences sont dans la partie supérieure, où le fémur s’insère à la cavité cotyloïde ; à la partie inférieure, il y a aussi deux tubérosités, qui sont peut-être les deux seules dont Aristote veut parler. — Qui a un siège mobile. C’est la traduction littérale du mot grec. — La jambe proprement dite. J’ai ajouté ces derniers mots, parce que la jambe se prend aussi pour le membre entier, composé de la cuisse et de la jambe inférieure. — Le devant de la jambe… le gras de la jambe. La langue grecque a des mots spéciaux que n’a pas la nôtre. — De muscles, et de nerfs aussi ; mais Aristote ne distingue pas les muscles et les nerfs. — Ou de veines. Il semble que la conjonction et aurait été plus convenable. — Des fesses volumineuses. L’observation est curieuse ; mais elle n’est peut-être pas très exacte.
  114. La cheville. Cette définition est très imparfaite en ce que la cheville est l’une en dedans, l’autre en dehors, et ne fait pas partie du devant de la jambe. Ce qu’on appelle la cheville dans le langage vulgaire, n’est qu’une protubérance, sur chaque jambe, du tibia pour la malléole interne, et du péroné pour la malléole externe. Il ne semble pas qu’Aristote ait connu cette disposition des os, d’après la définition qu’il donne de la cheville ; mais cette définition est trop vague pour qu’on puisse dire qu’il se soit complètement mépris sur la nature de la cheville, en ayant l’air d’en faire un os à part. Voir plus loin, ch. XII, § 4.
  115. Le plus grand nombre d’os. Le texte dit simplement : » « Un grand nombre d’os »; mais il me semble que, dans la tournure de la phrase, il y a une nuance de comparaison, que j’ai tâché de reproduire. Les os du pied sont en effet très nombreux ; il y en a sept dans le tarse ; le métatarse en a cinq ; les orteils en ont treize, sans compter les os sésamoïdes. — Ou poitrine du pied. J’ai hasardé cette expression, qui reproduit textuellement le mot grec. Nous disons la plante du pied. — Et n’a pas de nom spécial. Dans notre langue non plus, il n’y a pas de mot spécial ; et nous sommes forcés de prendre une circonlocution en disant : « Le cou de pied ». C’est la face supérieure et dorsale du métatarse.
  116. Dans chaque doigt. Le texte dit simplement : « Dans le doigt ». Pour le doigt du pied, le mot propre est l’Orteil. — Qu’en dedans. Ainsi que la main.
  117. Plein. Le texte dit : Épais. — C’est un signe. Il est assez difficile de comprendre comment cette observation se lie à ce qui précède, ou à ce qui suit. C’est peut-être une interpolation, comme plusieurs observations du même genre qu’on a trouvées plus haut. Il semble que c’est une pensée physiognomonique qui suit son cours, au travers d’autres pensées tout à fait étrangères. Ce sont peut-être aussi des additions que l’auteur aura faites après coup.
  118. . Le genou et sa flexion. L’articulation du genou comprend dans sa totalité trois os, le fémur, le tibia et la rotule ; plus, des tendons, des ligaments au nombre de trois, et des fibres ligamenteuses, qui se rendent à des cartilages. — À la cuisse et à la jambe. Puisqu’en effet l’articulation du genou est faite pour unir la jambe et la cuisse.
  119. Au mâle et à la femelle. J’ai conservé cette formule, qui est dans le texte, et qui semble convenir plus particulièrement à l’histoire naturelle ; Aristote, s’il l’avait voulu, aurait pu dire comme nous : « A l’homme et à la femme ». — En haut et en bas. Voir ch. XI, § I. — Nous devons néanmoins. Ces détails complètent l’exposé de la méthode générale d’Aristote. — Nous comptons ainsi les parties. Le texte n’est peut-être pas tout à fait aussi net ; et la tournure grammaticale dans le grec n’est pas très régulière.
  120. C’est dans l’homme… qui, dans la nature. Il semble bien qui Aristote a voulu dire que le haut et le bas dans l’homme est le même que le haut et le bas dans la nature et dans le monde. C’est déjà la même pensée qui se retrouvera plus tard dans les fameux vers d’Ovide : « Os sublime…. ad sidera tollere vultus ». Les animaux autres que l’homme ont le haut de leur corps tourné vers le bas, puisque tous regardent la terre. Voir le paragraphe suivant. — De l’univers. Le texte dit mot à mot : « Du tout ». — Selon l’ordre naturel. Le haut étant donné, toutes les autres directions s’ensuivent nécessairement. — Quant aux autres animaux. C’est en effet une différence considérable entre l’homme et les animaux, bien que ce ne soit pas la plus importante. — Bien plus confuses. Ceci regarderait plus particulièrement les animaux les moins formés, et que nos naturalistes modernes appellent les protozoaires.
  121. Ainsi qu’on l’a dit. Le texte est aussi vague, et l’on ne peut savoir si c’est une opinion personnelle d’Aristote et qu’il répète, ou si c’est une opinion étrangère qu’il signale et qu’il adopte. — Dans sa perfection. Je préfère ce sens à celui qu’ont généralement adopté les traducteurs : « Quand il est complet, quand il est arrivé à son développement parfait ». — Avec l’axe du monde. Le texte n’est pas aussi précis. Le mot d’axe y est remplacé par un simple pronom neutre.
  122. Le siège. J’ai pris ce terme très général pour exprimer le derrière, les fesses ; peut-être vaudrait-il mieux dire : la hanche, puisqu’il s’agit ici des parties antérieures du corps. Le mot du texte peut avoir les deux sens. — Et ont leur flexion. Ceci n’est peut-être pas très exact. Le pied, en se relevant vers la jambe, a un mouvement en arrière assez prononcé. — De chacun des deux côtés. J’ai adopté la variante proposée par MM. Aubert et Wimmer, le texte ordinaire n’ayant pas de sens. — Les chevilles. Voir plus haut, ch. XI, § 6.
  123. En dedans. Pour que ce qui suit soit exact, il faut comprendre que les bras se replient sur eux-mêmes, comme les jambes se replient également sur elles-mêmes. — Les parties convexes. Ceci n’est pas assez clairement exprimé.
  124. Les yeux, le nez, la langue. Il n’y a là que trois sens ; les autres sont énumérés plus bas. — Circulaire. J’ai ajouté ce mot, pour rendre toute la force du mot grec. — L’écartement des yeux. Cette observation est sans doute exacte. Mais je ne crois pas qu’on ait repris l’étude de ce fait dans la physiologie moderne. — Le plus développé. Le texte dit mot à mot : « Le plus exact ». — Il est inférieur à bien des animaux. Cette observation, d’ailleurs fort juste, est faite ici sans doute pour la première fois. Aujourd’hui, elle est banale.
  125. Sont les moins connues. Ceci était très vrai chez les Anciens plus encore que chez nous. Comme on sacrifiait beaucoup d’animaux et qu’on devait les ouvrir très fréquemment, on connaissait leurs viscères bien mieux que nos viscères. Les dissections sur les cadavres humains étaient rares ; mais cependant elles ne l’étaient pas autant qu’on l’a cru ; et les ouvrages seuls d’Aristote suffiraient à le prouver. A les lire, on ne peut douter qu’il n’ait beaucoup pratiqué l’anatomie. Voir ci-dessus la Préface.
  126. Le cerveau, l’encéphale. Il n’y a que ce dernier mot dans le texte. J’ai mis les deux dans ma traduction, pour revenir à la terminologie grecque. On pourrait traduire aussi : « Tout d’abord se présente l’encéphale, qui a son siège dans la partie antérieure de la tête ». — Qui ont du sang. Nous dirions : « qui ont du sang rouge ». — Et aussi les mollusques. Il est bien probable que ceci est une interpolation ; car on ne comprend pas comment Aristote aurait pu attribuer un cerveau aux mollusques, et surtout un cerveau placé sur le devant de la tête. Ce qu’on appelle aujourd’hui le cerveau dans les mollusques n’est que la principale masse médullaire qu’ils présentent ; et elle est située en travers sur l’œsophage ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 2. Ce sont plutôt des ganglions cérébraux qu’un cerveau proprement dit ; voir le Traité de Zoologie de M. Claus, p. 669.
  127. Le plus gros. Ceci est exact d’une manière générale ; et Cuvier dit, Règne animal, tome 1, p. 12, « qu’aucun quadrupède n’approche de l’homme pour la grandeur et les replis des hémisphères du cerveau. » Voir aussi le Traité de Zoologie de M. Claus, p. 1093. Quelques naturalistes modernes ont trouvé que la masse encéphalique était encore plus grande chez quelques singes et quelques oiseaux qu’elle ne l’est chez l’homme ; mais ces observations sont douteuses ; et l’on peut toujours admettre le principe d’Aristote. — Et le plus humide. Ceci ne paraît pas aussi exact. — Deux membranes. Aujourd’hui, l’anatomie distingue trois membranes et non deux, pour le centre céphalo-rachidien : la dure-mère, fibreuse et très résistante, qui est l’enveloppe la plus externe ; l’arachnoïde, séreuse, qui tapisse toute la face interne de la dure-mère ; et la pie-mère, qui tapisse le cerveau à l’intérieur et qui pénètre dans les ventricules. D’ailleurs, les descriptions d’Aristote, quoiqu’incomplètes, ne sont pas fausses. Ces trois membranes se nomment des méninges.
  128. Chez tous les animaux. Il faut entendre ceci avec quelque restriction ; il ne s’agit évidemment que des animaux qui ont un cerveau. — L’Encéphale, pris dans son sens le plus large comme remplissant toute la boîte crânienne. — À la dernière place. Et sous le cerveau proprement dit. — Une composition tout autre. Ce serait plutôt la Disposition ; car le cervelet est composé, comme le cerveau, de matière grise et de matière blanche. — Est vide et creux. Il n’est pas facile de voir quelle est ici la pensée d’Aristote, et à quel fait anatomique se rapporte cette observation. Il n’y a rien de vide, dans le crâne, que les scissures qui séparent ses diverses parties ; mais ce n’est pas là sans doute ce qu’Aristote a voulu dire. Peut-être veut-il indiquer l’espace qui sépare le cervelet de la moelle épinière. Il est d’ailleurs évident qu’il s’agit ici non pas de tous les animaux en général, mais des quadrupèdes et des animaux les plus élevés. — À queue garnie de crins. Ceci est vrai du cheval, de l’âne, du mulet et de bien d’autres. La tête n’est pas précisément petite ; c’est plutôt le crâne qui est petit ; mais les mâchoires sont très longues.
  129. . L’encéphale n’a pas de sang. Ceci n’est pas exact ; il y a beaucoup de veines dans le cerveau ; mais Aristote veut dire sans doute que la masse encéphalique elle-même n’est pas sanguine ; ce qui est vrai. — Dans sa masse, il n’a point de veines. Probablement, Aristote comprend qu’il n’y a pas de veines qui pénètrent profondément dans la masse encéphalique ; car la plus simple inspection démontre, comme Aristote le dit plus bas, que la surface est tapissée d’une foule de veines plus ou moins grosses. — Un petit creux dans son centre. Il est à croire qu’il s’agit ici du ventricule du corps calleux. — Est sillonnée de vaisseaux. Le texte dit simplement : « est veineuse ». — Qui enveloppe le cerveau. On ne parle ici que d’une seule membrane, tandis que plus haut on a parlé de deux ; ce qui était plus exact, sans l’être entièrement. — La fontanelle. J’ai cru pouvoir prendre ce mot pour rendre le mot grec, dont le sens n’est pas très précis. Sur l’enfant qui vient de naître, les sutures des os du crâne ne sont pas encore complètes ; il y a entre elles, soit à l’occiput, soit au milieu de la tête, soit sur le devant, des intervalles membraneux auxquels on donne le nom de fontanelles (occipitale, suture antéropostérieure, fontanelle antérieure) La fontanelle antérieure, placée presque au-dessus du front, est la plus grande ; on l’appelle aussi du mot grec la fontanelle bregmatique. — L’os le plus mince. Au moment de la naissance, c’est plutôt une membrane qu’un os.
  130. Trois conduits. Le mot grec que je dois rendre par conduits, a un sens très vague, et il peut désigner des nerfs et des filaments tout aussi bien que des canaux proprement dits. Il est d’ailleurs évident que la description donnée ici par Aristote est fausse ; et il est impossible de savoir précisément à quels faits anatomiques elle se rapporte. Il n’y a rien dans le cerveau qui ressemble à ces trois conduits, partant de l’œil ou plutôt de chaque œil, pour se rendre dans le cerveau et même jusqu’au cervelet. Les nerfs optiques peuvent bien donner cette apparence, et on peut les prendre pour les grands conduits ; mais il reste toujours les conduits moyens et les petits conduits. — Le plus rapproché du nez. On pourrait croire qu’il s’agit des conduits lacrymaux, qui tiennent en effet au sac lacrymal et au canal nasal ; mais ces conduits ne pénètrent pas dans le cerveau, comme le dit Aristote. — Les deux plus grands. On pourrait appliquer encore ceci aux nerfs optiques ; mais les nerfs optiques ne sont pas parallèles, et ils s’entrecroisent à un point qu’on appelle leur chiasma. — Disposition qu’on remarque surtout chez les poissons. Ce rapprochement emprunté à l’ordre des poissons n’éclaircit pas ces obscurités. Il faut sans doute renoncer à les expliquer scientifiquement. On ne doit pas s’en étonner ; l’anatomie du cerveau est si délicate et si complexe qu’aujourd’hui même on est loin d’être fixé et d’accord sur tous les points.
  131. L’Isthme. J’ai conservé ce mot à cause de ce qui suit, et parce qu’il se trouve dans quelques manuscrits, que plusieurs éditeurs ont suivis. La métaphore d’ailleurs est assez exacte, et la science l’a conservée. — La trachée-artère. Le texte dit simplement l’artère. La trachée-artère n’est pas une artère ; c’est le canal cartilagineux qui, allant du larynx aux bronches, conduit l’air aux poumons. — En avant de l’œsophage. C’est-à-dire que la trachée-artère est moins près de la colonne vertébrale que l’œsophage, qui l’en sépare ; à regarder de la poitrine à l’intérieur, c’est l’œsophage évidemment qui est après la trachée-artère. — Qui ont aussi des poumons. C’est la trachée-artère qui porte l’air extérieur aux poumons, par l’intermédiaire des bronches, qui en sont la bifurcation. — Dans la partie supérieure de la bouche. Cette description est juste, bien qu’elle soit un peu vague. — Que, quand en buvant. Il n’est personne qui n’ait éprouvé quelquefois ce petit accident, qui fait assez clairement comprendre quelle doit être l’organisation intérieure.
  132. Entre ces ouvertures. Ceci n’est pas non plus très exact. Une anatomie plus avancée ne rattache pas l’épiglotte à la trachée-artère, qui est beaucoup plus bas, mais au larynx, à la partie supérieure duquel l’épiglotte est placée. — L’ouverture de la trachée-artère. C’est l’ouverture du larynx qu’il faudrait dire. — L’extrémité de la langue. Cette description est encore inexacte ; et elle supprime toute l’organisation du larynx, qui se trouve entre le fond de la bouche et la trachée-artère. — Elle se partage. Ceci est exact, et l’on reconnaît les bronches, qui sont en effet les deux parties de la trachée-artère, se rendant aux poumons pour y porter l’air extérieur. Ceci sera répété un peu plus bas, § 10, pour les ovipares.
  133. C’est chez l’homme qu’elle l’est le moins. La distinction des deux poumons est cependant bien frappante chez l’homme ; et il ne semble pas qu’elle le soit davantage chez la plus grande partie des vivipares. — Dans quelques vivipares. Il aurait fallu citer précisément quelques vivipares, pour rendre la comparaison plus claire. — Des inégalités. Peut-être s’agit-il des lobes de chaque poumon, deux lobes du poumon gauche et trois lobes du poumon droit. D’ailleurs, le tissu propre du poumon est très compliqué. MM. Aubert et Wimmer croient que ce passage est une interpolation, parce que les assertions d’Aristote sont ici en contradiction trop complète avec les faits les plus évidents.
  134. . Les quadrupèdes ovipares. Les lézards, et en général les sauriens. Les poumons des oiseaux sont organisés aussi d’une façon toute particulière. Dans les serpents, un des deux poumons disparaît presque entièrement, à cause de la forme même du corps. — De la trachée, qui est unique. Comme dans les vertébrés et les animaux supérieurs. — Sortent deux canaux. Ce sont les bronches. — À la grande veine. Peut-être est-ce la veine que l’anatomie moderne appelle encore la grande veine azygos, ou peut-être aussi la veine cave, qui est très forte et qui suit la colonne vertébrale, dans une bonne partie de son trajet. D’ailleurs, Aristote ne connaît pas la différence des veines et des artères, qui n’a été faite que longtemps après lui. — Quand on souffle dans la trachée-artère. Cette expérience a été répétée depuis lors bien des fois. — Des cellules cartilagineuses, qui se réunissent en pointe. Toute cette description de l’épanouissement des bronches dans le poumon est exacte, du moins dans ses lignes les plus générales. Devant ces détails, il est impossible de douter qu’Aristote ait disséqué plus d’un cadavre.
  135. Il est creux. Il s’agit sans doute ici des cavités du ventricule gauche. — Si l’on souffle dans l’artère… Il ne paraît pas que ceci soit aussi exact que l’expérience indiquée un peu plus haut. Pour que le vent pût passer de la trachée-artère dans le cœur, il faudrait qu’il déchirât une foule de membranes de tout genre qui s’y opposent ; mais il n’est pas impossible qu’en soufflant très violemment, on ne les brise ; et c’est sans doute ce qui se sera produit dans les expériences faites par Aristote. — Chez quelques animaux. Ainsi les expériences ne s’étaient pas bornées à l’organisation humaine, et elles avaient porté aussi sur d’autres animaux. Il se peut que sur quelques-uns, moins bien organisés, elles aient paru réussir.
  136. Telle est donc la fonction. C’est bien en effet la trachée-artère qui seule apporte l’air du dehors, pour le distribuer, par les bronches et leurs ramifications, dans toutes les parties du poumon. — En toussant. J’ai dû ajouter ces mots, pour rendre toute la force de l’expression grecque.
  137. L’œsophage est rattaché par en haut. L’œsophage s’étend du pharynx à l’estomac proprement dit. Le mot du texte qu’il faut traduire ici par œsophage est celui même qui nous a donné notre mot d’estomac ; et cette étymologie montre le rapport de l’œsophage à la bouche. — Soudé. L’expression grecque est peut-être un peu moins forte. — Il finit à l’estomac. Ici le mot du texte traduit par estomac signifie proprement le ventre ; mais l’anatomie démontre qu’il s’agit bien de l’estomac, et non pas encore de l’abdomen. — De nature charnue. L’œsophage est plutôt musculeux et membraneux. — Il est tendu. S’il n’était que de la chair comme le dit Aristote, cette tension indispensable ne serait pas possible. — Sa longueur et sa largeur. Selon les sujets, la longueur de l’œsophage peut être de 22 à 25 centimètres, dont la plus grande partie est au-dessus du diaphragme, et sa largeur est en général de 25 millimètres à peu près.
  138. Ressemble à celui du chien. Ceci est déjà de l’anatomie comparée ; mais la ressemblance n’est pas frappante entre l’estomac de l’homme et l’estomac du chien. — Pas beaucoup plus grand que l’intestin. Ceci n’est pas très exact ; et l’estomac de l’homme est beaucoup plus gros que le reste du tube intestinal. — L’intestin simple, qui est enroulé. J’ai adopté ici le texte de MM. Aubert et Wimmer, qui supprime une répétition peu utile. — L’estomac inférieur. Le texte emploie ici le même mot qui a dû être traduit plus haut par estomac ; ma traduction a dû le répéter aussi ; mais on voit qu’Aristote confond presque complètement l’estomac et le reste de l’intestin. — À celui du porc. Même remarque que pour le rapprochement avec l’estomac et l’intestin du chien. — Qui va de l’estomac au siège. C’est sans doute la partie de l’intestin que nous appelons le gros intestin, qui est, en effet, épais et court, comparé au reste, et qui se compose du caecum, du côlon et du rectum. Le siège est évidemment le derrière et l’anus.
  139. L’épiploon est suspendu… Cette description est en général assez exacte ; mais l’analyse ne semble pas poussée assez loin. L’épiploon, ou plutôt les épiploons, puisque l’anatomie actuelle en distingue trois, sont des replis du péritoine. Le péritoine est la membrane séreuse qui tapisse toutes les parois de l’abdomen, et qui en enveloppe presque tous les organes ; les replis que forme le péritoine et qui semblent flotter à la surface de quelques-uns de ces organes, sont les épiploons ; c’est même de cette disposition que leur vient leur nom. Il y a le grand épiploon, l’épiploon gastro-hépatique, et l’épiploon gastro-splénique. Le second est appelé aussi le petit épiploon. L’épiploon dont parle ici Aristote semble être le grand épiploon ; il va de la courbure de l’estomac à l’arc du côlon. — Une membrane graisseuse. C’est bien là en effet la nature de l’épiploon. — Qui ont les deux rangées de dents. C’est une classification que la science moderne n’a pas conservée, mais qui joue un grand rôle dans l’œuvre d’Aristote.
  140. Sur les intestins, est le mésentère. On peut dire du mésentère à peu près ce qu’on vient de dire de l’épiploon ; il y a plusieurs mésentères, qui sont aussi des replis du péritoine, et qui vont des parois abdominales à un organe pour y porter des vaisseaux et des nerfs. On distingue le mésentère proprement dit, le plus vaste de ces replis et celui dont sans doute Aristote veut parler, les mésocolons, ascendant et descendant, le mésocôlon transverse, le mésocôlon iliaque, et le mésorectum, et enfin le repli péritonéal, qui relie la rate à la paroi postérieure de l’abdomen. Ici non plus, l’analyse anatomique d’Aristote n’est pas poussée assez loin. — Membraneux, large et gras. Ces caractères sont assez exacts en effet. — De la grande veine. Sans doute, la veine cave ; voir plus haut, § 10. — Et de l’aorte. Ces descriptions ne sont plus exactes ; mais il n’y a pas lieu de s’en étonner, dans des observations si minutieuses et si difficiles. — Sillonné de veines nombreuses. Ceci s’applique sans doute à d’autres organes que les mésentères ; mais ces détails attestent de nouveau, tout erronés qu’ils sont, qu’Aristote avait poussé la dissection assez loin. — Jusqu’au bas. Les replis du péritoine tapinent en effet toute la cavité thoracique.
  141. Telle est donc. Résumé qui ne concerne que certains organes intérieurs de l’homme, puisque dans le chapitre suivant, il sera question du cœur et de quelques autres organes.
  142. Le cœur a trois cavités. Voir plus loin § 3, et liv. III, ch. III. Il est difficile de comprendre comment Aristote a pu trouver trois cavités dans le cœur. Ou d’une manière générale, on peut considérer le cœur comme une grande cavité ; ou si l’on pénètre plus attentivement dans l’intérieur, on y trouve quatre cavités et non trois, les deux oreillettes et les deux ventricules à droite et à gauche. Le nombre trois ne se rapporte pas davantage aux gros vaisseaux qui entrent dans le cœur ou qui en sortent : la veine cave supérieure, l’aorte, l’artère pulmonaire, le tronc brachio-céphalique, la veine pulmonaire, etc., etc. — Placé plus haut que le poumon. Ceci ne doit pas être pris à la lettre ; et, dans son ensemble, le cœur est plutôt placé au-dessous du poumon ; seulement, le poumon à droite et à gauche descend un peu plus bas que la pointe du cœur sur le diaphragme ; et c’est ainsi qu’il faut comprendre la description d’Aristote. Peut-être aussi pourrait-on traduire, en ne pensant qu’à la partie supérieure du cœur. « Placé dans la portion la plus haute du poumon ». Mais le texte serait peu correct pour exprimer ce sens. Les manuscrits ne donnent pas de variantes. — À la bifurcation de la trachée-artère. C’est bien là en effet la place où est le sommet du cœur. — Une membrane grasse et épaisse. C’est sans doute le péricarde, ou aussi le tissu même du cœur, qui est en effet épais et graisseux. — À la grande veine. La veine cave supérieure. — Et à l’aorte. En fait, l’aorte naît dans la partie gauche du cœur, et dans l’oreillette gauche. — Il repose sur l’aorte. C’est-à-dire qu’après être sortie du cœur, l’aorte, s’infléchissant en forme de crosse, passe derrière le cœur, descend le long de la colonne vertébrale, et traverse le diaphragme pour donner naissance à toutes les artères inférieures du corps, jusqu’à l’extrémité des jambes et des pieds. — Vers la poitrine. Vers la partie antérieure, par conséquent. — Dirigée en avant. Et un peu vers la gauche, comme il sera dit au paragraphe suivant. — Dans la dissection. Le mot grec n’est peut-être pas aussi technique ; il signifie seulement division, partage ; mais ici il s’agit de la division qu’on fait tout exprès de certaines parties du corps, qu’on veut observer. — Il y a des muscles dans ses cavités. C’est ce qui a fait dire aux anatomistes modernes que le cœur est « un muscle creux ». Le mot du texte signifie nerfs aussi bien que muscles ; mais j’ai préféré ce dernier mot, parce que, ainsi que je l’ai dit, la distinction des nerfs et des muscles n’a pas été connue d’Aristote. L’intérieur du cœur est composé des matières les plus diverses pour la prodigieuse organisation des oreillettes et des ventricules ; mais la science au début a nécessairement tout confondu, dans l’impuissance de pousser plus loin l’analyse.
  143. Dans le haut de la poitrine. Il faut comprendre ici par poitrine toute la cavité thoracique ; et alors le cœur se trouve placé en effet dans la partie supérieure. — Le cœur de l’homme… en pointe. MM. Aubert et Wimmer proposent de rejeter tout ce passage, parce qu’une des expressions qui y figurent est peu régulière, et ensuite parce qu’il y a une répétition sur la terminaison du cœur en pointe. Ces raisons ne sont pas décisives ; et devant l’unanimité des manuscrits, il faut conserver tout ce passage, bien que les critiques dont il est l’objet puissent être justes. — Il serait plutôt arrondi. Il suffit de regarder un cœur mis à nu, pour se convaincre de l’exactitude de cette description.
  144. Il a trois cavités. Voir plus haut. Il faut qu’Aristote ait confondu les deux oreillettes en une seule, ou peut-être les deux ventricules ; ce qui est moins probable. — La plus grande est à droite. C’est sans doute l’oreillette droite. — La plus petite est à gauche. Sans doute, l’oreillette gauche, qui ne paraît pas en général moins grande que l’oreillette droite. — La cavité de grandeur moyenne. Est-ce la confusion des deux ventricules ? — Les deux plus petites. Sans doute, une des oreillettes et les deux ventricules réunis. — En communication avec le poumon. Ceci est exact, et Aristote paraît s’en être convaincu par l’insufflation. C’est la première indication de la circulation pulmonaire, à côté de la grande circulation ; mais il fallait près de deux mille ans encore pour que la science s’expliquât le phénomène entier de la circulation du sang, dans le corps et dans les poumons. — Pour une des cavités d’en bas. Il paraît bien qu’il s’agit ici du ventricule droit, qui reçoit le sang veineux de l’oreillette droite et qui le chasse dans les poumons par l’artère pulmonaire ; le sang, rendu artériel par le contact avec l’air dans les poumons, revient à l’oreillette gauche qui le renvoie au ventricule gauche ; et ce dernier ventricule le chasse à son tour par l’aorte dans le corps entier. Du reste, le mot que j’ai rendu par Insufflation peut signifier simplement aussi adhérence. J’ai préféré l’autre.
  145. Par sa plus grande cavité. L’oreillette droite. — À la grande veine. Sans doute, la veine cave supérieure, ou peut-être aussi la veine cave inférieure. — Près de laquelle est aussi le mésentère. MM. Aubert et Wimmer repoussent ce membre de phrase ; et l’on ne voit pas bien en effet comment le mésentère vient figurer ici. C’est le plus grand repli du péritoine ; il est étendu en avant de la colonne vertébrale ; et sa largeur varie, depuis son insertion jusqu’à son attache intestinale. — Par sa cavité moyenne. Il semble bien qu’Aristote veut désigner par là l’oreillette gauche, puisque c’est de cette oreillette que sort l’aorte. MM. Aubert et Wimmer croient au contraire qu’il est question du ventricule droit. Mais dans l’organisation si compliquée du cœur, il n’est pas étonnant que les premiers observateurs n’aient pas su se reconnaître. La circulation du sang ne devait être connue que bien longtemps plus tard.
  146. Des canaux vont du cœur au poumon. Ce sont les artères et les veines pulmonaires, portant le sang du ventricule droit aux poumons, l’y répandant jusque dans les dernières cellules, et le ramenant à l’oreillette et au ventricule gauches, pour le lancer ensuite par l’aorte dans toutes les parties du corps supérieures et inférieures. — Se ramifient, comme la trachée-artère. Ceci est assez exact ; mais ce sont plutôt les bronches qu’il faudrait dire. — Ceux qui viennent de la trachée. Ce sont toutes les ramifications des bronches, dans l’un et l’autre poumon. — Occupent le dessus. Ceci n’est pas faux ; mais ce n’est pas non plus très exact, puisque l’aorte est tantôt par-dessus et tantôt par-dessous les bronches. — Entre la trachée et le cœur. J’ai ajouté ceci, comme l’ont fait MM. Aubert et Wimmer, pour que la pensée fût plus claire ; c’est un complément presque nécessaire de ce qui suit, puisque les vaisseaux dont le texte parle ne peuvent être communs qu’entre le cœur et la trachée-artère. — Et ils l’envoient jusqu’au cœur. Ceci est tout à fait inexact ; et l’air ne va pas plus loin que les poumons. — L’un de ces canaux. Ceci encore est faux ; mais pour être complètement exact sur tous ces points, il aurait fallu connaître la circulation pulmonaire outre la grande articulation ; et si quelque chose doit nous étonner ici, c’est qu’Aristote en ait déjà tant su. Il est d’ailleurs difficile de comprendre à quels vaisseaux se rapportent réellement les deux canaux dont il parle ici.
  147. Plus loin. Liv. III, ch. III §§ 5 et suivants, où Aristote revient plus longuement sur tous ces détails.
  148. Qui a le plus de sang. Cette généralité est vraie, quoiqu’Aristote ne pût pas se rendre compte de l’hématose proprement dite. C’est le poumon qui fait le sang, en le renouvelant sans cesse de façon à le vivifier et à le rendre nutritif ; voir le § suivant. — Soit en eux-mêmes, soit au dehors. Cette distinction, qui n’est pas fausse, n’a pas été conservée par la science, qui a pris d’autres bases de classification, plus claires que celle-là. — Est spongieux. La simple vue suffit à montrer que c’est bien la nature du poumon ; ses cellules en font une sorte d’éponge. — Les vaisseaux de la grande veine. Ceci n’est pas exact, si, par la grande veine, on entend la veine cave ; mais il est certain d’un autre côté que les ramifications de l’artère et des veines pulmonaires suivent celles des bronches. — Ceux qui croient. Il y avait déjà en effet des dissensions sur toutes ces questions de physiologie et d’anatomie ; et Aristote y fait souvent allusion dans ses ouvrages d’histoire naturelle. — Aussitôt qu’ils avaient été découpés. J’ai pris un terme général, parce qu’il peut s’agir des animaux découpés après les sacrifices, aussi bien que de dissections anatomiques.
  149. Le seul à avoir du sang. Ceci est fort exact, avec l’explication qu’en donne Aristote ; il voit bien que le cœur est le centre du système sanguin. Ce n’est pas précisément le cœur qui fait le sang ; mais il le reçoit et le renvoie. — Dans les veines qui le traversent, et qui lui viennent du cœur. — Dans chacune de ses cavités. Ces cavités sont les deux oreillettes, l’une à droite, l’autre à gauche, et les deux ventricules placés au-dessous et de même. Mais pour Aristote, le cœur n’a que trois cavités, comme il l’a dit plus haut, § 1. — Le plus léger. On pourrait croire que ceci se rapporte à la distinction, dans le cœur, du sang artériel et du sang veineux. La cavité du milieu étant très probablement pour Aristote l’oreillette gauche ou le ventricule gauche, le sang qu’il appelle le plus léger est celui qui revient du poumon au cœur. MM. Aubert et Wimmer paraissent croire au contraire que c’est le sang du ventricule droit. Voir plus haut § 4 et la note.
  150. La ceinture du tronc. C’est le diaphragme ; mais j’ai tenu à traduire littéralement le mot du texte. — Et ce qu’on appelle les reins. Il y a des manuscrits qui disent : « les veines » ; ce qui ne se comprendrait pas. Cette équivoque vient de ce que les deux mots se ressemblent beaucoup en grec. — Le diaphragme. J’ai mis ici le mot propre, bien qu’il ne soit pas exprimé dans le texte. — Traversé de part en part de veines. J’ai reproduit le terme général de veines qu’emploie le texte ; mais ce ne sont pas précisément des veines qui traversent le diaphragme. C’est d’abord l’œsophage, qui doit aller à l’estomac ; c’est ensuite l’aorte, qui doit se ramifier à toutes les parties inférieures du corps, pour lui fournir des artères jusqu’à l’extrémité des pieds ; et c’est la veine cave ascendante, sans compter d’autres vaisseaux de moindre importance, le canal thoracique, la veine azygos, etc. — Qui, dans le corps de l’homme. Je fais rapporter ceci aux vaisseaux qui traversent le diaphragme ; mais on pourrait donner plus de généralité à ce passage, et croire qu’il s’agit de toutes les veines de notre corps, au lieu des vaisseaux particuliers qui traversent le diaphragme. Ce dernier sens, plus restreint, me semble préférable.
  151. Sous le diaphragme. Ces positions du foie et de la rate sont exactes. — Ces organes étaient dans une position absolument inverse. Le fait n’est peut-être pas impossible, et les monstruosités expliquent tout ; mais l’auteur aurait dû citer ici des observations qu’il aurait pu appuyer de son témoignage personnel. — Le foie et la rate. Le texte est moins précis ; il n’a qu’un verbe, qui peut se rapporter également, ou aux deux viscères qui viennent d’être nommés, ou à un seul. MM. Aubert et Wimmer ont adopté ce dernier sens, sans dire s’il s’agit du foie ou de la rate. Le foie est situé dans l’hypocondre droit, qui en est rempli ; et il y est tenu par des replis du péritoine, par un ligament appelé suspenseur du foie, et par l’épiploon gastro-hépatique. La face inférieure gauche du foie est en rapport avec l’estomac et sa grosse tubérosité. La rate située dans l’hypocondre gauche est fixée à l’estomac par l’épiploon gastro-splénique. On ne sait pas bien encore quelles sont ses fonctions.
  152. Étroite et longue. MM. Aubert et Wimmer trouvent cette description fort inexacte ; car ils en concluent qu’Aristote n’avait jamais vu de rate humaine. La rate a à peu près le tiers du foie. — Comme celle du porc. Il semble que cette comparaison, d’ailleurs plus ou moins juste, implique qu’Aristote avait observé et vu la rate de l’homme. — Est sans bile, sans fiel. Le texte n’a qu’un seul mot ; j’ai ajouté le second, parce que l’expression grecque peut présenter les deux sens. Le foie sécrète la bile, et c’est là sa fonction principale, si ce n’est unique. Il semble donc assez difficile de comprendre ce qu’Aristote veut dire ici. Peut-être veut-il parler uniquement de la vésicule du fiel, comme la suite le prouve. — Le foie de l’homme étant d’ailleurs arrondi. Le foie a une forme très irrégulière, et on ne saurait dire très précisément quelle elle est. Les anatomistes remarquent en outre que le foie est très sujet à se déformer. Considéré dans son ensemble, sous l’enveloppe que lui fait le péritoine, il peut sembler quelque peu arrondi. — Pareil à celui du bœuf. Sans doute, on voyait alors plus de foies de bœuf que de foies d’homme. — Cette absence de fiel. Le texte n’a qu’un pronom neutre tout à fait indéterminé. — Sur les victimes. Ou bien, « dans les sacrifices ». — En Eubée… à Naxos. L’Eubée, aujourd’hui Négrepont, la plus grande île de la mer Egée, au nord de l’Attique. C’est là, à ce qu’on croit, qu’Aristote est allé mourir. Naxos est la principale des Cyclades. Il serait curieux de vérifier les faits énoncés dans ce passage. S’ils sont exacts, ils n’ont pas dû changer depuis le temps d’Aristote.
  153. Se rejoint à la grande veine. C’est sans doute par la veine porte, dans le sillon transverse du foie ; ses ramifications se rendent dans la veine cave ou grande veine. — Il ne communique pas avec l’aorte. L’artère hépatique, qui part du tronc cœliaque et qui se jette dans le foie, établit une communication avec l’aorte ; mais son calibre est si petit qu’Aristote a bien pu ne pas la reconnaître. — La veine qui sort de la grande veine. Ce sont peut-être les veines hépatiques ; elles reportent dans la veine cave le sang de la veine porte, qui a servi à la sécrétion de la bile. — Les portes du foie. Les anatomistes modernes n’ont rien conservé de cette description. — Ne se rattache absolument qu’à la grande veine. L’artère splénique est très volumineuse, et elle pénètre profondément dans la rate. La veine splénique n’est pas moins considérable ; c’est un des principaux affluents de la veine porte. — Une veine partant de celle-là. Ce serait peut-être plutôt le contraire qu’il faudrait dire. C’est la veine dite splénique, qui remplit la rate de ses divisions.
  154. Les reins, ou rognons. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. Il aurait fallu ajouter : les « deux » reins. Mais sans doute le fait aura paru si évident qu’il était inutile de le mentionner. — De la colonne dorsale directement. Le texte dit mot à mot : « de la colonne dorsale elle-même ». — À ceux du bœuf. Quelques commentateurs en ont conclu qu’Aristote n’avait pas observé les reins de l’homme ; il semble qu’il faut en conclure tout le contraire ; car autrement la comparaison n’aurait pas été possible. — Qui ont des rognons. Notre mot de rognons s’applique aux animaux plutôt que celui de reins, réservé plus particulièrement à l’homme. — Le droit est toujours plus élevé. Il semble que ce soit le contraire chez l’homme, où le rein droit est en général plus bas que le gauche. — Il a moins de graisse. Chacun des deux reins est enveloppé dans un tissu cellulo-graisseux ; cette disposition fait que le rein reste immobile. — Semblable à ce quelle est chez l’homme. Ceci prouve que l’auteur avait fait des observations sur le corps humain. — De la grande veine et de l’aorte. L’artère rénale, qui est fort grosse, part de l’aorte, et se ramifie, dans le rein, en une foule de vaisseaux de plus en plus petits. Quant à la veine rénale, elle n’est guère moins volumineuse, et elle se rend du rein dans la veine cave, c’est-à-dire, la grande veine selon Aristote. Les divisions de la veine rénale sont aussi très nombreuses. — Une cavité dans leur centre. C’est ce que l’anatomie actuelle appelle le bassinet, ou peut-être le hile entier du rein. — Chez le phoque. On pourrait croire que ceci est une interpolation, puisque, dans ce passage, il n’est question que des reins de l’homme.
  155. Ils ne les traversent pas. Ceci est exact l’artère vient dans le rein ; la veine en part ; mais ni l’artère ni la veine ne le traversent. — Ne s’y coagule jamais. Ceci n’est pas très clair ; mais le texte ne peut pas donner un autre sens.
  156. Ainsi qu’on vient de le dire. Ceci excuse la répétition, que MM. Aubert et Wimmer paraissent condamner, en mettant ce membre de phrase entre crochets. — Deux canaux assez petits. Ce sont les uretères, un pour chaque rein, qui conduisent l’urine sécrétée, du bassinet à la vessie. — D’autres canaux très forts. Il semble qu’il s’agit ici des artères iliaques primitives, qui partent en effet de l’aorte abdominale ; mais elles ne vont pas à la vessie ; elles passent à droite et à gauche, pour se ramifier dans les cuisses et les jambes. — Et parallèles. Ou plus exactement peut-être : « continus ». Des traducteurs ont compris que cette continuité signifiait que ces vaisseaux ne se ramifient pas. — Une veine grosse et musculeuse. Ce ne sont pas les artères rénales qui vont de l’aorte au milieu de chaque rein, mais qui ne suivent pas le rachis ; ce sont plutôt les uretères. L’« espace étroit » est sans doute celui qui reste entre les reins et l’aorte, et où passent les uretères. — Ensuite, ces deux veines. Il est probable qu’il s’agit ici des artères rénales, et des artères iliaques primitives, qui deviennent, un peu plus bas, des artères fémorales ; mais la description d’Aristote ne paraît pas très exacte ; et l’anatomie qu’elle suppose n’est pas très avancée. Il est difficile de retrouver sur le cadavre les dispositions des artères ou des veines dont il peut être question ici, et qui « disparaissent dans les hanches ».
  157. . Ces divisions des veines. Il ne peut s’agir que des uretères, qui conduisent l’urine des reins à la vessie, sur une assez grande longueur, entre deux et trois décimètres. Un uretère part de chacun des reins. — La dernière. C’est-à-dire « à l’extrémité des uretères » ; au-dessous de la vessie, il y a tout l’appareil excrétoire, destiné à l’expulsion de l’urine. La vessie est située dans la cavité du petit bassin. — Elle est suspendue aux canaux. Ou « retenue par les canaux ». Ici encore la description que donne Aristote est assez obscure ; mais ces organes sont tellement compliqués que ces erreurs, au début de la science, se comprennent de reste et sont très excusables. — Le long de la tige. C’est la traduction fidèle du texte ; mais « la tige qui se rend à l’urètre » ne peut être que l’urètre. L’urètre commence au col de la vessie et en bas, et à partir de la symphyse du pubis ; sa direction est la même que celle de la verge, et il se termine avec elle, pour l’expulsion de l’urine et de la liqueur spermatique. — De petites membranes légères et fibreuses. La vessie a trois tuniques distinctes, séreuse, musculeuse et muqueuse, qui viennent en partie du péritoine, du pubis, de la prostate, des uretères et de l’urètre. — Du thorax. Cette similitude du diaphragme et de la vessie n’est pas frappante ; et l’on doit douter que la science actuelle puisse l’approuver.
  158. Auprès du col de la vessie. Ce n’est pas faux ; mais ce n’est pas tout à fait exact ; la verge est située en avant du pubis. La vessie est située plus profondément. — Le membre honteux. C’est la traduction littérale du mot grec ; dans notre langue, le mot technique est la verge. — Nerveux et cartilagineux. C’est exact, quoique, vague. La verge se constitue des corps caverneux, du canal de l’urètre, de vaisseaux, de nerfs et de muscles propres ; le tout est entouré d’enveloppes spéciales, au nombre de quatre. — L’orifice le plus extérieur. C’est le canal de l’urètre. — L’un des conduits. Cette description peut sembler insuffisante ; mais l’anatomie de ces parties est si délicate et si compliquée qu’il n’y a point à s’étonner de ces nouvelles erreurs. Il est probable qu’Aristote veut parler du canal éjaculateur. Dans la plupart des éditions, les mots de « nerveux et cartilagineux » se trouvent placés ici, au lieu de l’être un peu plus haut. C’est Schneider qui les a déplacés, et j’ai suivi sa leçon, que MM. Aubert et Wimmer semblent adopter aussi. — Plus loin, voir liv. III, ch. 1.
  159. Tout est naturellement pareil… Cette généralité n’est pas très exacte. Il y a bien des différences intérieures entre les deux sexes ; au dehors, il n’y a en effet de différence qu’entre la verge et la matrice, pour prendre l’expression d’Aristote. Mais les organes génitaux de la femme se composent de parties nombreuses que l’homme n’a pas : les ovaires, les trompes de Fallope, l’utérus, le vagin, la vulve, etc. — D’après le dessin. On voit par là, comme je l’ai déjà fait remarquer, que l’idée de l’Illustration n’est pas nouvelle, et que les Anciens nous avaient dès longtemps devancés dans cet ingénieux moyen de faire mieux comprendre les choses qu’on décrit. Voir liv. III, ch. I, § 14. — Est dans les intestins ou : « dans les parties intérieures ». — Derrière la matrice. Ceci est exact si l’on entend par matrice, comme le fait Aristote et comme on peut le faire avec lui, la vulve, ou l’ensemble des parties génitales de la femme, vues du dehors.
  160. Dans ce qui va suivre. Voir plus loin, liv. III, ch. I, § 2, et même liv. III, ch. 3 et 4. — Du corps de l’homme. C’est par la description de l’homme qu’Aristote a voulu commencer l’histoire des animaux ; et il en a donné les plus fortes raisons ; plus haut, ch. VI, § 12. On ne saurait trop admirer l’ordonnance générale de ce premier livre, digne introduction à l’ouvrage entier. Voir plus haut la note du ch. VI, § 12 ; voir aussi la Préface, et l’analyse, qui y est donnée assez longuement, de ce premier livre, rapproché du premier livre du Traité des Parties.
  161. Un peu plus haut. Voir liv. I ch. I, §§ 2 et 3. — Signalés déjà tant de fois. Ceci se rapporte au début du Ier livre ; mais il est possible que rameur veuille désigner quelque autre de ses ouvrages. — Spécifiquement différentes. Ou « de forme différente ». En grec, le même mot peut signifier à la fois Espèce et Forme. — Dans une mesure proportionnelle. Ou « par analogie ». — Par leur Forme. Même remarque que plus haut.
  162. Le lion, par exemple. Cette observation fausse de la conformation du lion mérite d’être remarquée. — Si on l’ouvre. Ceci prouve, entre tant d’autres témoignages, que la dissection des animaux était poussée assez loin du temps d’Aristote. — Pareilles à celles du chien. Cette similitude n’est pas aussi grande que l’auteur semble le croire ; et la science actuelle classe le chien et le lion dans des familles très-différentes.
  163. Des pattes de devant. Après ces mots, MM. Aubert et Wimmer ajoutent : « et des pieds (ou pattes) au lieu de mains ». — Des fentes dans ces pattes. J’ai traduit en paraphrasant le mot grec ; on aurait pu dire plus simplement « les Fissipèdes ». — Les parties gauches. MM. Aubert et Wimmer ont cru qu’ici encore il fallait changer le texte ; et ils ont mis « les membres postérieurs », au lieu des membres ou parties Gauches. Ce changement peut paraître assez plausible ; mais je ne crois pas qu’on puisse se le permettre contre le témoignage unanime des manuscrits. Il faut se borner à faire cette remarque, sans aller jusqu’à établir un texte différent.
  164. Les doigts de pieds. J’ai adopté le sens vulgaire ; mais on pourrait comprendre ce passage un peu autrement et traduire : « Il a les doigts moins séparés que ceux des pieds » de l’homme. — Que celles de derrière. J’ai cru devoir ajouter ces mots, qui complètent la pensée. Cette configuration de l’éléphant est d’ailleurs de toute évidence ; et son train de derrière est beaucoup plus bas que celui de devant. — Il a d’ailleurs cinq doigts. Ces détails sont parfaitement exacts. — Sa trompe. Le mot dont se sert Aristote est plus général, et il signifie le Nez, tout aussi bien que la trompe. — Comme nous le faisons de nos mains. La comparaison est très-juste ; mais elle est si naturelle qu’elle a dû s’offrir tout d’abord aux premiers observateurs. — En portant les aliments à sa bouche. Il n’est presque personne qui, même dans nos climats, n’ait vu des éléphants privés et n’ait pu observer sa manière de manger et de boire à l’aide de sa trompe. — Son cornac, placé en haut. C’est sur-tout dans les pays où l’éléphant est indigène qu’on peut faire cette remarque. Chez nous, le cornac accompagne l’éléphant : mais il n’a jamais à monter sur son cou. — Pour arracher des arbres. C’est une preuve de la force prodigieuse de l’animal. — C’est par elle qu’il respire. En la tenant sans cesse hors de l’eau ; car il n’est pas amphibie, comme l’hippopotame ou le rhinocéros. — Elle n’a pas d’articulations. Ce qui l’aurait empêché d’être aussi flexible qu’elle l’est. Selon la description de Cuvier, Règne animal, tome I, p. 238, « La trompe de l’éléphant, qui est cylindrique, se compose de plusieurs milliers de petits muscles diversement entrelacés, mobiles en tous sens, douée d’un sentiment exquis, et terminée par un appendice en forme de doigt. Cette trompe donne à l’éléphant presque autant d’adresse que la perfection de la main peut en donner au singe, etc. »
  165. Se servir également des deux mains. Les singes, second ordre des mammifères, ont quatre mains, d’où leur vient le nom de Quadrumanes. — Qui correspond… semblable. On voit quelle est la différence qu’Aristote veut établir. — Aucun animal non plus… Le fait n’est pas tout à fait exact ; et les quadrumanes ont aussi les mamelles sur la poitrine et en avant ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 85. — L’éléphant a bien aussi deux mamelles. C’est exact ; mais ce n’est pas à côté de la poitrine, comme le dit Aristote, que ces deux mamelles sont placées ; c’est sous la poitrine, comme le dit Cuvier, Règne animal, tome I, p. 238.
  166. Les flexions, etc. MM. Aubert et Wimmer signalent avec raison l’erreur d’Aristote, déjà remarquée par d’autres auteurs. Cette erreur provient de ce que Aristote a confondu le bas de la jambe avec le haut ; la flexion se fait dans le même sens ; mais pour le haut de la jambe (la cuisse) la flexion est cachée et recouverte par les chairs. Aristote n’avait point vu cette conformation ; mais son étude sur les flexions dans les animaux est la première en son genre ; et elle est restée presque unique dans l’histoire de la science. Voir Buffon, tome III, des Mammifères, p. 335, édit. de 1830. Buffon semble accepter la description d’Aristote et faire aussi une exception pour les jambes de l’éléphant. « Il a le genou comme l’homme au milieu de la jambe, et non pas près du ventre, etc. » En général, les naturalistes postérieurs ont attaché moins d’importance qu’Aristote à cette organisation de l’éléphant, qui, à première vue, semble en effet une exception. — Les creux arrondis de la flexion. Par exemple les bras de l’homme étant pliés ainsi que ses genoux, les creux des deux membres se correspondent ; les concavités formées par la flexion sont tournées l’une vers l’autre. — Comme on l’a prétendu quelquefois. Aristote ne nous apprend pas quels étaient les auteurs qui avaient soutenu cette opinion, qu’il réfute. — Comme le poids de son corps… Explication très-ingénieuse et vraie. — Et il dort dans cette posture. Cette observation n’a été répétée, je crois, par aucun naturaliste. — De la même façon que l’homme. Voir Buffon, loc. cit.
  167. Et dans tous les autres animaux de cette espèce. Compris sous le nom générique de Sauriens, le lézard étant parmi eux le plus connu de tous. — En inclinant légèrement de côté. Observations exactes, qui n’ont pas été répétées par les naturalistes postérieurs. — Qui ont plus de quatre pieds. Le texte dit précisément : « Qui ont plusieurs pieds. » — Les jambes. Ou « les pattes ». — Des directions moyennes. L’expression du texte est tout aussi vague.
  168. Les deux articulations. Des bras et des jambes. — Faites sur le même plan, c’est-à-dire que l’organisation des jambes a beaucoup d’analogie avec celle des bras. — La partie intérieure de la flexion du bras, c’est-à-dire, du cubitus et du radius sur l’humérus. — Les jambes fléchissent en avant. C’est la flexion du genou.
  169. Il n’y a pas un seul animal. Toutes ces observations, ainsi que les précédentes, sont fort exactes ; et il ne semble pas qu’elles aient attiré non plus l’attention des zoologues modernes. — La flexion de la cuisse sur la hanche. Peut-être faudrait-il traduire aussi : « sur le bassin », au lieu de « sur la hanche ». L’observation n’en est pas moins vraie.
  170. Les flexions dans l’oiseau… dans les quadrupèdes. Ces rapprochements ingénieux, quoique peu exacts, sont comme le germe de la théorie de l’unité de plan. Cuvier a dit : « En examinant de plus près chacune des parties de cette grande série d’animaux (les vertébrés), on y trouve toujours quelque analogie, même dans les espèces les plus éloignées l’une de l’autre, et l’on peut suivre les dégradations d’un même plan depuis l’homme jusqu’au dernier des poissons. » Règne animal, tome I, p. 49. D’ailleurs, on voit l’erreur d’Aristote ; et les ailes de l’oiseau ne peuvent pas être comparées aux genoux des quadrupèdes. — Dont la flexion se fait en avant. La ressemblance ne va pas plus loin ; et le reste de l’organisation est absolument différent chez les uns et chez les autres.
  171. Le Phoque. On ne voit pas bien comment le phoque figure ici, et l’analogie qu’il peut avoir avec les animaux dont il vient d’être question. — Une sorte de quadrupède tronqué.… L’expression est juste ; et bien que les quatre pieds du phoque se rapprochent des nageoires, ils ressemblent assez bien à ceux des quadrupèdes, à cause des doigts et des ongles qui sont très apparents. — Ces pieds sont tout comme des mains. Ceci est moins exact ; et il ne paraît pas que le phoque puisse rien prendre avec ses pieds de devant non plus qu’avec ceux de derrière. — Les pieds de l’ours… Ici encore le rapprochement est un peu forcé. L’ours a aussi cinq doigts à tous les pieds ; mais on ne peut pas dire que ses pieds de devant soient des mains précisément. — Ces pieds ont cinq doigts. Ceci se rapporte au phoque. — Ils se rapprochent beaucoup de la queue des poissons. Entre les pieds de derrière, le phoque a une véritable queue, qui d’ailleurs est très-courte. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 167. Le phoque est un mammifère, carnassier et amphibie.
  172. En diamètre. J’ai conservé la formule grecque ; mais on pourrait aussi traduire « En croix », comme l’ont fait quelques auteurs. — C’est ainsi qu’ils maintiennent leur équilibre. On pourrait traduire aussi en se tenant plus près du texte : « Et c’est aussi la position qu’ils ont dans la station ». J’ai préféré la première nuance. — Que la marche commence. Ceci n’est peut-être pas un fait constant. Chez l’homme où le mouvement des bras et celui des jambes se croisent aussi, la marche peut commencer indifféremment par l’un ou l’autre côté. Le cheval part toujours de la jambe droite. Voir Buffon, ch. du Cheval, page 25, éd. de 1830. — Les deux espèces de chameau. Le chameau de la Bactriane a deux bosses ; et il est beaucoup plus robuste que celui d’Arabie, qui n’a qu’une seule bosse. On donne plus particulièrement à ce dernier le nom de dromadaire. Les deux races s’accouplent et produisent ensemble aussi bien que séparément. Voir plus loin ch. II, § 9. Buffon approuve tout à fait la distinction faite par Aristote : Mammifères, tome III, p. 390. — Avancent membre à membre. Il semble qu’Aristote veut ici indiquer l’amble ; mais il ne paraît pas que ce soit l’allure naturelle, ni du lion, ni du chameau. Pline, Histoire naturelle, liv. XI, ch. CV, p. 467, édit. E. Littré, copie ce passage d’Aristote et dit : « Le lion et le chameau, seuls parmi les animaux, marchent de façon que le pied gauche ne dépasse pas le pied droit, mais reste en arrière. » Ceci se rapporte aussi à l’amble. Pline répète seulement que « tous les animaux se mettent en marche par le côté droit. »
  173. Toutes les parties… L’observation est fort exacte ; et cette différence entre l’homme et les quadrupèdes tient précisément à ce que l’homme doit rester droit, et qu’il a la station, tandis que les quadrupèdes, comme leur nom l’indique, doivent reposer sur leurs quatre membres. Dans cette situation, le dos n’est plus derrière ; il est dessus, et il forme la partie la plus haute. — Le phoque lui-même en a une toute petite. Voir plus haut ch. 1, § 2. — Nous en parlerons plus loin. Voir plus loin ch. V, §§ 1 et suivants.
  174. Pour ainsi dire. Cette réserve d’Aristote est très-justifiée, et dans ces derniers temps, on a cité une espèce de cheval sans poils, qui vient du centre de l’Asie, à ce que l’on croit. — Si ce n’est à la tête. Tous ces rapprochements sont frappants d’exactitude ; et c’est toujours l’homme qui est pris pour le type supérieur, d’après la méthode qu’Aristote s’est tracée dès le début.
  175. Ont les parties supérieures du corps plus velues. Parce que ces parties ont en effet plus besoin d’être protégées ; les parties de dessous le sont par leur position même.
  176. . L’homme a également. Même remarque que plus haut sur la méthode adoptée par Aristote. — Quelques poils très-rares. On doit constater la parfaite exactitude de toutes ces observations délicates.
  177. . Comme le porc. Il n’en est pas tout à fait du porc comme de l’ours et du chien : ces deux espèces ont des poils abondants sur tout le corps, et c’est comme une fourrure. Le porc a bien aussi des poils sur toutes les parties du corps ; mais ces poils sont rares et très-clairsemés, loin de former une robe. Le porc n’aurait pas dû être cité ici. — Une crinière, comme le lion. La crinière dans le lion enveloppe la tête entière, tandis que, dans le cheval, l’âne, l’hémione, elle ne règne que sur une partie du col. La langue grecque a deux mots distincts pour ces deux espèces de crinières ; la nôtre n’en a qu’un. — Un toupet. J’ai dû prendre ce mot, faute d’un meilleur, qui serait aussi plus spécial. On pourrait prendre le mot d’Aigrette. — Le Bonase, J’ai reproduit le mot grec ; il est difficile de savoir précisément quel animal Aristote entend désigner ici. C’est sans doute le bison ou l’aurochs, qui est bien un animal sauvage et qui a une crinière et des cornes. On le trouvait autrefois et du temps d’Aristote sur les bords du Danube, dans les contrées qui composent aujourd’hui la Servie, la Bulgarie et la Roumanie.
  178. Le cheval-cerf. Quelques auteurs ont cru qu’il s’agit peut-être de la girafe, qui a en effet une petite crinière, grise et fauve ; Cuvier, Règne animal, tome I, p. 266 ; mais la girafe n’a pas de barbiche sous la gorge. D’autres ont cru qu’il s’agit de l’élan ou du renne. Buffon supposait qu’il est question du cerf des Ardennes. Mais la différence extrême des climats s’oppose à ces explications. Ce cheval pourrait bien être une espèce d’Antilope. Mais au fond, l’on ignore quel est au juste l’animal auquel les Grecs donnaient ce nom, de même qu’on ignore aussi ce que c’est que le Pardion, ou cheval-Pard, bien qu’on l’ait confondu également avec la girafe. — Dans l’Arachosie. L’Arachosie était une des provinces orientales de l’Em-pire des Parthes ; elle s’étendait, à ce qu’on croit, jusqu’à l’Indus, et elle correspondrait en partie au Béloutchistan actuel et au Caboul. Alexandre la traversa tout entière pour se diriger vers l’Inde. Le climat y est très-chaud ; et les deux animaux dont parle Aristote doivent être des contrées chaudes ; ce qui exclut l’assimilation au renne ou au cerf des Ardennes. — Des bœufs sauvages. L’expression est trop vague pour qu’on puisse tenter une synonymie un peu probable.
  179. Du bœuf sauvage. Il s’agit sans doute du Buffle ; Bos Bubalus. Cuvier identifie le buffle avec le bœuf sauvage d’Aristote, Règne animal, tome I, p. 280. Buffon ne croit pas que le buffle soit le Bubalus ; voir cet article pp. 406 et 409 ; cet animal est, à ce qu’on croit, originaire de l’Inde ; il a été amené assez tard dans les contrées occidentales. — Ses cornes sont plus renversées. Cuvier trouve que les cornes du buffle sont dirigées de côté. — La gazelle ou l’espèce d’antilope appelée Antilope Dorcas, du nom grec qu’Aristote emploie ici.
  180. L’éléphant. Ici encore, on peut être étonné que l’auteur revienne à l’éléphant ; mais c’est à propos de la théorie des poils dont les différents animaux sont plus ou moins couverts. Voir plus haut, § 2. — La queue dans les animaux. Ce détail tient essentiellement au sujet spécial de ce chapitre. — D’une petitesse excessive. Comme le phoque dont il est parlé plus haut, ch. I, § 2.
  181. Une conformation… au chameau. Il est vraisemblable, comme le croient MM. Aubert et Wimmer, que ce passage sur le chameau n’est pas à sa place. Aristote parle encore plusieurs fois du chameau dans diverses parties de ce traité ; peut-être cette digression a-t-elle été empruntée à quelque autre chapitre. En tout cas, elle est inacceptable ici, bien que les détails donnés par l’auteur soient exacts. — Les chameaux de Bactriane… d’Arabie. Voir plus haut, ch. I, § 12. — Ont en bas une autre bosse. Ce n’est pas une bosse précisément que les chameaux ont sous le ventre : c’est un cal à l’endroit de leur corps qui touche à terre, quand ils s’agenouillent et s’accroupissent. Cette espèce de bosse n’est pas « pareille » à celle du dos, comme le dit Aristote. Selon Buffon, Animaux sauvages, p. 398, c’est une grosse et large callosité aussi dure que de la corne ; les jambes sont déformées par des callosités pareilles, qui ne sont pas naturelles, et qui ne sont produites que par l’excès de la contrainte et de la douleur. D’ailleurs, elles se perpétuent par la génération aussi bien que les bosses, qui peut-être ne sont pas plus naturelles. Cuvier, Règne animal, n’a peut-être pas donné à ces difformités du chameau toute l’attention nécessaire, regardant sans doute ces détails comme trop connus.
  182. Quatre mamelles, comme la vache. Aristote est le seul des naturalistes qui ait consigné cette observation. — Sa verge est dirigée en arrière. — C’est une erreur, comme on peut bien le voir dans l’accouplement. Ce qui est vrai, c’est que, par la disposition du fourreau dans l’état ordinaire, le chameau mâle jette son urine par derrière comme la femelle ; voir Buffon, Animaux sauvages, p. 403 ; voir aussi Cuvier, Règne animal, tome I, p. 257. — Comme on le prétend quelquefois. Ceci pourrait bien se rapporter à ce que dit Hérodote, liv. III, ch. CIII, p. 166, édition Firmin-Didot. En parlant des chameaux de l’Inde, il note ces deux particularités, qu’ils ont dans les membres de derrière quatre articulations et quatre genoux ; quelques manuscrits disent seulement deux articulations et deux genoux, au lieu de quatre ; il ajoute aussi que leur verge est tournée vers la queue. Aristote a donc réfuté une de ces erreurs ; mais il a partagé l’autre. — À cause du développement du ventre. Ceci est fort obscur et ne se comprend pas bien ; mais les manuscrits n’offrent aucune variante qui puisse régulariser ou éclaircir ce passage. — Un osselet pareil à celui du bœuf. Les naturalistes modernes ne se sont pas occupés de cette partie spéciale de l’organisation des jambes du chameau.
  183. Le chameau a le pied fourchu. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 256 et 257. La description de Cuvier n’est pas tout à fait celle d’Aristote ; mais la configuration du pied du chameau avait frappé non moins vivement le philosophe grec ; et il avait essayé de le décrire du mieux qu’il avait pu. Après avoir marqué ce que sont dans le chameau les canines, les incisives et les molaires, et aussi la disposition du tarse, où le scaphôlde et le cubolde sont séparés, Cuvier ajoute : « Au lieu de ce grand sabot, aplati au côté interne, qui enveloppe toute la partie inférieure de chaque doigt et détermine la figure du pied fourchu ordinaire, ils n’en ont qu’un petit, adhérant seulement à la dernière phalange, et de forme symétrique comme les sabots des pachydermes. » — Une sorte de membrane. Ceci n’est pas très-exact. Du reste, tout ce passage paraît altéré, tant la description que donne Aristote est peu conforme aux faits. Voir la note de MM. Aubert et Wimmer, qui ont essayé de reconstituer tous ces détails. — Comme dans les ours. L’assimilation est assez juste. — Des chaussures de cuir. Aujourd’hui encore, les Arabes mettent des linges épais aux pieds de leurs chameaux, quand ils ont à faire un voyage dans un terrain un peu pierreux.
  184. L’homme seul fait exception. Cette remarque est développée davantage dans le Traité des Parties des Animaux, liv. IV, p. 689, b 7, de l’édit. de Berlin ; page 129, édit. B. Langkavel. — Les quadrupèdes n’ont pas de fesses. Ce qui prouve bien qu’ils ne sont pas faits pour se tenir debout, comme l’homme. — Ce qu’il y a de plus charnu. Observation très-exacte ; cette conformation est tout à fait d’accord avec la station droite, qui n’est accordée qu’à l’homme. Il est le seul animal qui ait des cuisses et des mollets proprement dits, parce qu’il est le seul à en avoir besoin.
  185. Ont des pinces. Le texte grec se sert aussi d’un mot au pluriel. — Le mouton, la chèvre, le cerf. Ce sont là des ruminants, qui ont en effet à chacun de leurs quatre pieds « deux doigts et deux sabots, qui se regardent par une face aplatie, en sorte qu’ils ont l’air d’un sabot unique qui aurait été fendu ; d’où vient à ces animaux le nom de Pieds fourchus, de Bifurqués, etc.; » voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 254. — L’hippopotame. MM. Aubert et Wimmer ont signalé l’erreur d’Aristote, qui sans doute n’avait jamais vu d’hippopotame. Cet animal a quatre doigts à tous les pieds ; ces doigts presque égaux sont terminés par de petits sabots, voir Cuvier, loc. cit., page 242. — Les solipèdes. Ces animaux, pachydermes non ruminants, n’ont qu’un doigt apparent et un seul sabot à chaque pied ; sous la peau, ils ont des stylets, qui représentent deux doigts latéraux ; Cuvier, id., ibid., p. 251. — Le porc a les deux conformations. Peut-être aurait-il fallu dire plutôt : « Quelques espèces du porc… » Le fait d’ailleurs est exact et a été constaté par plusieurs naturalistes. Dans le traité de la Génération des animaux, liv. IV, § 96, p. 336, édit. Aubert et Wimmer, Aristote rappelle qu’il y a des porcs solipèdes. — Dans l’Illyrie. Du temps d’Aristote, la contrée appelée l’Illyrie devait être beaucoup moins étendue que sous l’Empire romain. L’Illyrie grecque, ou nouvelle Épire, était bornée à l’est par la Macédoine, et allait jusqu’à l’Adriatique, comprenant l’Albanie moderne ; elle avait été conquise par Philippe, père d’Alexandre-le-Grand. — Dans la Péonie. Province de la Thrace, au nord de la Macédoine et confinant à une partie de l’Illyrie. C’étaient des pays qu’Aristote avait pu assez facilement connaître. — Ont deux divisions en arrière. C’est la leçon des manuscrits, qu’ont adoptée MM. Aubert et Wimmer. Schneider a cru devoir ajouter, d’après Camus : « En avant et en arrière. » Mais il ne s’appuie pas sur une autorité suffisante, et il faut s’en tenir à la leçon ordinaire, qui se comprend très-bien ; les deux sabots sont évidemment en avant ; et les deux divisions dont parle Aristote sont en arrière.
  186. Certains animaux ont des cornes. Les zoologistes modernes n’ont pas attaché autant d’importance qu’Aristote à cette division, qui est frappante cependant, mais qui n’est peut-être pas décisive sous le rapport de la physiologie et des espèces. — Comme l’âne-indien. C’est un animal fabuleux selon toute apparence, et jusqu’à présent on ne connaît pas d’animal qui soit à la fois solipède et monocère. Quelques auteurs ont cru qu’il pouvait s’agir ici du Rhinocéros de l’Inde ou de Java ; cette supposition est encore moins probable. — L’oryx. Autre animal fabuleux, comme l’âne-indien. Peut-être l’oryx se rapporte-t-il aux Oryes ou Oryges, espèce d’Antilopes d’Afrique, dont parle Hérodote, liv. IV, ch. 192, p. 136 édit. Firmin-Didot. Voir la note de Camus, sur l’âne-indien d’Aristote, tome II de son Histoire des animaux, p. 80 et suiv. En résumé, on ignore ce que c’est que l’âne-indien ; et la description qu’en donne Ctésias, dans la bibliothèque de Pholius, n’est qu’une invention puérile. — Un osselet. L’osselet est ce petit os qui se trouve surtout dans le mouton, à la jointure du gigot. Les détails dans lesquels entre ici Aristote sur les osselets, ont trait probablement à la passion que les Grecs avaient pour le jeu des osselets ; les Modernes le pratiquent beaucoup moins. — Comme on vient de le dire, dans le § précédent. — Son osselet n’est pas régulier, et ne pouvait pas par conséquent servir à jouer.
  187. . Les animaux à pied fourchu. Comme le mouton. — On n’a pas encore vu… Il est clair que les Anciens attachaient à cette recherche plus d’importance que n’en attachent les zoologistes modernes. — Le lynx. C’est sans doute le Felis Lynx des naturalistes contemporains. Cet animal a presque entièrement disparu de nos contrées ; Cuvier, Règne animal, tome I, p. 163. — Du moins tel qu’on le représente. Il semble qu’Aristote ne parle ici que par oui-dire. — Dans une sorte de labyrinthe. MM. Aubert et Wimmer croient que ce passage est altéré ; et on peut le croire avec eux.
  188. . Dans les membres de derrière. Dans le jarret proprement dit, comme on peut le voir dans le mouton. — Tout droit dans l’articulation. Pour tout ce passage d’Aristote, voir l’ouvrage de M. L. Becq de Fouquières, Les Jeux des Anciens, page 329 et suivantes. — La partie supérieure. Le dos de l’osselet ou la partie convexe. — La partie inférieure, ou concave ; le creux de l’osselet. — Les parties de Cos, ou Coos. C’était une des faces de l’osselet, comme l’étaient aussi les parties de Chios. — Les antennes. J’ai cru pouvoir prendre ce mot, qui répond assez bien au mot grec ; on pourrait traduire les Cornes, comme le fait M. Becq de Fouquières. Les noms des différentes parties de l’osselet ont beaucoup varié chez les Anciens, aussi bien que chez nous ; mais les joueurs ont dû nécessairement en tenir compte, puisque les facettes de l’osselet déterminent les petites péripéties de ce jeu, délicat et amusant.
  189. Le cas du bonase. On ne peut guère douter, d’après les détails qui précèdent, que le Bonase ne soit le Bison, qui a bien les trois caractères indiqués. — En Péonie et en Médique. Ce sont des parties septentrionales de la Macédoine ; le Bison s’y trouve peut-être encore. Voir plus loin, liv. IX, ch. 32, § 1.
  190. Par métaphore et par manière de parler. Il n’y a qu’un seul mot en grec. — Ces serpents des environs de Thèbes. Ceci fait sans doute allusion à ce que dit Hérodote, liv. II, ch. 74, page 95, édit. Firmin-Didot. Selon ce qu’il rapporte, ces petits serpents étaient sacrés ; et à leur mort, ou les enfouissait dans les temples. Hérodote ne dit pas avoir vu de ces serpents ; et Aristote a raison de ne pas croire aux cornes des serpents.
  191. Le cerf est le seul qui les a solides. Cette distinction entre les cornes et le bois est très-exacte, et la science moderne l’a conservée ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 260. — Les cornes sont creuses. C’est là ce qui les distingue essentiellement. De plus, elles persistent, tandis que les bois tombent chaque année. — Telles sont les cornes des bœufs. Voir Cuvier, loc. cit., qui fait la même remarque identiquement, en ajoutant aux bœufs les moutons, les chèvres et les antilopes ; voir aussi l’explication que donne Cuvier de Voir Buffon, sur le cerf.
  192. À partir de deux ans. Ceci s’applique plus particulièrement au cerf commun de nos climats, Cervus elaphus, Cuvier, id., ibid., p. 262. Le bois tombe au printemps, et il revient pendant l’été, à partir de la seconde année. — Par quelque violent accident. Comme il arrive assez souvent aux bœufs et aux vaches.
  193. Les mamelles. Les caractères tirés des mamelles sont peut-être aussi importants que ceux qu’on peut tirer des organes de la génération. — Ainsi qu’on l’a dit plus haut, ch. I, § 5, de ce livre.
  194. Presque sous les aisselles. Cuvier remarque aussi que les mamelles des éléphants, au nombre de deux seulement, sont placées sous la poitrine ; Règne animal, tome I, p. 238. — L’exiguïté de ces mamelles. Observation très-exacte, — L’ours en a quatre. C’est une erreur, comme le remarquent MM. Aubert et Wimmer ; l’ours a six mamelles, dont quatre sont placées sur la poitrine, et les deux autres sont dans les aines. Aristote n’aura tenu compte que des quatre premières ; il est peu probable qu’il eût vu personnellement des ours ; car alors il ne se serait pas trompé.
  195. Mamelons ou tétins. J’ai ajouté ce second mot ; il n’y en a qu’un seul dans le texte. — Mais sur le ventre. On pourrait dire tout aussi bien : « Sous le ventre », à cause de la position habituelle de l’animal. — Ne sont pas toutes égales. L’observation est très-vraie.
  196. Qui sont placées sur le ventre. Même remarque qu’au § précédent. — Dans les solipèdes. Particulièrement les chevaux. — Si ce n’est quelques individus. Ces exceptions doivent être bien rares ; et il ne paraît pas que les zoologistes modernes en aient observé. Il est probable qu’Aristote en avait vu quelques cas, chez les chevaux. L’importance qu’Aristote attache aux mamelles n’a rien d’exagéré ; et à cet égard, son génie a vu si juste que ce sont les mamelles qui ont donné le nom à la classe la plus élevée des Vertébrés, celle des Mammifères. Comme le dit Cuvier, les mamelles sont des organes exclusivement propres à cette classe, et ils la distinguent mieux qu’aucun autre caractère extérieur. Voir Règne animal, tome I, p. 65 ; voir aussi l’anatomie comparée de M. C. Gegenbaur, trad. de M. C. Vogt, pp. 553 et suiv.
  197. . Les organes honteux. J’ai pris ces mots pour me rapprocher le plus possible de l’expression grecque. — Le dauphin. Le dauphin des Anciens est, à ce que croit Cuvier, le Delphinus delphis des Modernes. C’est le plus carnassier des cétacés, et le plus cruel de cet ordre ; Règne animal, tome I, p. 287. Cuvier pense cependant, d’après l’organisation du cerveau, que cet animal peut n’être pas dépourvu de la docilité que les Anciens lui attribuaient. Il est répandu par grandes troupes dans toutes les mers. Quant à la position des organes génitaux dans le dauphin, Cuvier n’en parle pas. — Et parmi eux. J’ai gardé ici le texte qu’ont suivi MM. Aubert et Wimmer, qui n’ont pas admis la transposition proposée par M. Bussmaker, d’après l’édition Aldine. — Dégagés… détachés. On pourrait traduire aussi : « Libres ».
  198. Ressemble à celle du cheval. C’est ce que répète aussi Buffon, avec tous les naturalistes et les voyageurs ; Mammifères, tome III, p. 332, éd. de 1830. — En proportion avec le volume de son corps. Buffon consigne également cette observation. — Son accouplement est si rapide. Les naturalistes modernes n’ont pas signalé cette rapidité de l’accouplement chez les éléphants. — Le vagin placé… Les détails que donne ici Aristote, sans être aussi complets qu’on pourrait le désirer, attestent cependant que les Anciens en savaient plus long à cet égard que les naturalistes n’en peuvent savoir dans nos climats, où les éléphants qu’on y amène ne s’accouplent pour ainsi dire jamais. — Elle le relève en haut. Voir les détails donnés par Buffon, loc. cit. Ils sont tout à fait pareils à ceux-ci. Buffon ne les tire pas d’Aristote, qu’il ne semble pas avoir étudié sur ce point ; mais il les induit de la conformation même de la femelle, dont la vulve est placée au milieu du ventre, à trois pieds environ de l’anus. Quant aux sentiments de pudeur et aux délicatesses d’amour que notre grand naturaliste prête aux éléphants, on peut croire qu’il y a mis plus d’enthousiasme que de vérité. D’ailleurs, Buffon connaît tout ce qu’Aristote a dit de l’éléphant, et notamment du bruit qu’il peut faire avec sa seule trompe, p. 333. Afin que l’accouplement soit plus facile. Buffon dit à peu près la même chose, p. 332 ; mais plus loin, p. 360, il rectifie ses premières assertions, et il établit que les éléphants s’accouplent par derrière comme tous les autres quadrupèdes.
  199. Ainsi qu’on l’a dit. Plus haut, § 5. Les variétés consistent pour les mâles dans la position des organes génitaux, plus ou moins libres, ou rattachés de plus près au ventre, etc. — Sous les cuisses. Ce n’est pas tout à fait exact, puisque la vulve de l’éléphant femelle est assez avancée dans le trajet du ventre pour être loin des cuisses.
  200. Cartilagineuse et charnue, comme chez l’homme. L’anatomie a poussé aujourd’hui l’analyse plus loin ; et l’on sait que la verge dans l’homme se compose de plus d’éléments que n’en énumère ici Aristote ; elle est constituée par les corps caverneux, le canal de l’urèthre, des vaisseaux, des nerfs, des muscles propres, toutes ces parties étant en outre entourées par des enveloppes spéciales. Voir l’Anatomie descriptive de M. A. Jamain, 1867, p. 646. — Nerveux. L’expression grecque a un sens très-vague, et peut signifier tout à la fois Nerveux, Musculeux, Tendineux. On ne peut pas demander à l’anatomie des Anciens une précision que les Modernes même n’atteignent pas toujours. — Le putois. Ou la Martre, ou la Fouine. On pourrait ajouter, le Chien. Ces identifications sont difficiles. Les animaux que nomme ici Aristote sont tous des digitigrades, de l’ordre des mammifères carnassiers ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 142 et suiv.
  201. Les parties supérieures. Aristote explique lui-même un peu plus bas ce qu’il faut entendre par là. — Plus petites. Il faut comprendre qu’il s’agit de la longueur et non de la masse ; car l’observation ne serait pas exacte autrement. — À partir de la tête. Ceci veut dire sans doute que la tête n’est pas comprise dans cette mesure ; et alors, l’observation est beaucoup plus vraie. D’ailleurs, elle ne peut être que très-générale, puisque la proportion varie beaucoup d’un individu à un autre. — Générale. J’ai ajouté ce mot. — C’est la queue. Le texte grec a deux mots qui signifient également Queues ; mais il doit cependant y avoir quelque différence entre ces deux mots ; et l’un peut-être désigne une queue à poils, et l’autre une queue sans poils. Voir plus bas, § 11.
  202. Le haut du corps… le bas. On vient de voir dans le § précédent ce qu’il faut entendre par là. — Voilà comment… L’explication est ingénieuse ; et la vue seule d’un très-jeune enfant suffit pour la suggérer. — Le seul animal. Il est bon de recueillir et de noter cette différence, jointe à tant d’autres, entre l’homme et l’animal.
  203. Proportionnellement. J’ai rendu littéralement le mot grec ; mais on doit comprendre que l’idée de proportion s’applique également aux deux parties du corps, le haut et le bas. C’est ce que MM. Aubert et Wimmer ont précisé dans leur traduction allemande. — Une queue en panache. Voir la note sur le § précédent. — Jusqu’à la hanche. Ou « Au siège ». Toutes ces observations sont fort curieuses ; et l’on ne voit pas que la zoologie moderne ait essayé de les pousser plus loin qu’Aristote.
  204. Les dents… On peut voir dans les ouvrages de zoologie moderne, et notamment dans ceux de Cuvier, quelle importance il faut attacher aux dents ; elles fournissent les caractères les plus marqués et les plus sûrs, pour toutes les espèces d’animaux. — Le même nombre de dents aux deux mâchoires. Le texte grec n’a qu’un seul mot ; mais comme notre langue n’offre pas le même avantage, j’ai du prendre une périphrase. Les animaux dont il est ici question comprennent peut-être ceux qui forment l’ordre des Édentés, dans la nomenclature de la zoologie moderne. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 223. Les Edentés sont des quadrupèdes sans dents sur le devant des mâchoires. Mais il est plus probable qu’il s’agit ici des Ruminants, qui n’ont d’incisives qu’à la mâchoire inférieure, lesquelles, à la mâchoire supérieure, sont remplacées par un bourrelet calleux ; Cuvier, id., ibid., p. 254. — De dents de devant à la mâchoire supérieure. Tels sont les ruminants à cornes, les antilopes, les cerfs, les chèvres, les moutons, les bœufs, etc. — Tel est le chameau. Voir Cuvier, id., ibid., p. 256. — Les dents saillantes, comme le sanglier. Il paraît bien que le sanglier est la souche des cochons domestiques ; il a des défenses prismatiques, recourbées en dehors et un peu vers le haut. Dans le genre des Cochons, les incisives inférieures sont toujours couchées en avant ; les canines sortent de la bouche et se recourbent vers le haut. Il y a six incisives à chaque mâchoire ; Cuvier, Règne animal, tome I, p. 243.
  205. Le lion, la panthère. Tous animaux du genre Felis, les plus redoutables de tous les carnassiers. J’ai appelé leurs dents Carnassières, et il me semble que c’est encore le mot qui répond le mieux au grec. Dans la zoologie actuelle, on entend surtout par Carnassières la grosse molaire d’en haut et celle d’en bas, vers le fond de la bouche ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 133 et 134. J’ai d’ailleurs adopté la correction de MM. Aubert et Wimmer. — Qui n’alternent pas. C’est-à-dire, qui n’entrent pas les unes entre les autres, quand les deux mâchoires se ferment. — Sont alternées. Même remarque. Du reste, la distinction que fait ici Aristote n’a pas été recueillie dans la zoologie moderne, bien qu’elle soit cependant très-réelle. Au lieu d’Alternées, on pourrait encore traduire : « Qui se croisent, » ou : Qui entrent « les unes entre les autres. » C’est ce qu’ont fait MM. Aubert et Wimmer dans leur traduction. Chez le cheval et le bœuf, les dents broyent et ne déchirent pas, comme chez les animaux de proie.
  206. Des dents saillantes et des cornes. Observation très-exacte. — Ni cornes, ni dents en saillie. J’ai ajouté cette explication pour plus de clarté. — Celles du dedans. C’est la traduction littérale du texte. Par le Dedans, il faut entendre que les dents sont plus avancées dans la bouche. — Le phoque. Cette espèce a six incisives en haut, et quelquefois quatre, quatre ou deux incisives en bas, des canines pointues et des mâchelières, au nombre de vingt, vingt-deux ou vingt-quatre, toutes tranchantes ou coniques. On subdivise l’espèce des phoques d’après le nombre des incisives ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 166. C’est le phoque à ventre blanc, Phoca monachus, qui semble avoir été le plus connu des Anciens ; Cuvier, id., ibid., p. 169. — Les dents en scie et carnassières. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte,
  207. N’a une double rangée de dents. Observation qui ne paraît pas avoir été recueillie par la zoologie moderne. Pour le système des dents dans la série animale, voir l’Anatomie comparée de M. Gegenbaur, pp. 738 et suiv. de la traduction. — À en croire Ctésias. MM. Aubert et Wimmer pensent que tout ce passage sur Ctésias est une addition faite après coup, par une autre main que celle d’Aristote. Ils excusent aussi Ctésias en disant que c’est sans doute une image de quelque animal fantastique, qu’il aura vue dans les Indes, et qu’il aura prise pour la représentation de quelque animal réel. Cependant les détails que donne Ctésias sur le caractère et la férocité du prétendu Martichore, prouvent qu’à la vue de l’image il avait joint sa croyance personnelle, pour les traditions qu’il recevait. Ce n’est pas d’ailleurs la seule fable que Ctésias ait recueillie et racontée. Voir ses Fragments, à la suite d’Hérodote, pp. 91 et suiv., Édit. de Firmin-Didot. Pausanias, Pline et Élien ont répété le récit de Ctésias. Pline appelle cette bête Mantichore, au lieu de Martichore, sans doute par erreur. — À peu près de la grosseur du lion. C’est ce qui a donné à croire que le Martichore pourrait bien être le Tigre ; mais les autres détails n’appuient pas cette hypothèse. — Ses yeux sont bleus. Ceci n’a aucun rapport au tigre, non plus que la couleur de cinabre et la queue armée de pointes. — De la flûte et de la trompette. C’est un conte puéril. — Sa course est rapide. Ceci peut se rapporter au tigre, aussi bien que la férocité. Mais il est bien probable que Ctésias, pendant son long séjour en Perse, avait dû voir des tigres ; et il ne pouvait pas les confondre avec le Martichore.
  208. L’homme perd ses dents. Il s’agit ici des dents de lait seulement ; au lieu de Perdre, on pourrait prendre le mot de Changer. — Ses dents de devant. C’est assez exact, comme chacun de nous a pu le constater par sa propre expérience. — Qui perde ses molaires. Comme il perd ses dents de lait. Ceci n’est pas tout à fait juste. L’homme perd ses incisives, ses canines et les quatre premières mâchelières, en tout seize dents. Voir Buffon, chapitre de l’Homme, article de l’Enfance, p. 344, édit. de 1830. — Pour les chiens, la question fait doute. Buffon la résout affirmativement : « A quatre mois, dit-il, ils perdent quelques-unes de leurs dents, qui, comme dans les autres animaux, sont bientôt remplacées par d’autres, qui ne tombent plus »; chapitre du Chien, pp. 261 et suiv. Aristote revient sur ce sujet spécial et répète à peu près, quoique plus clairement encore, ce qu’il dit ici ; voir plus loin, liv. VI, ch. XX, § 7.
  209. . Il est bien probable. Encore aujourd’hui, la science ne peut en dire beaucoup plus sur les animaux sauvages, qu’il est toujours fort difficile d’observer. — Le cheval seul les a plus blanches. Il est singulier qu’Aristote, donnant ces détails sur les dents du cheval, ne les ait pas poussés plus loin ; c’est par les dents qu’on peut reconnaître l’âge des chevaux ; voir Buffon, chap. du Cheval, p. 36.
  210. Les dents qu’on appelle canines. Cette expression inventée par la science grecque est restée jusqu’à nous, et elle ne changera pas. La position des Canines et leur forme sont bien celles qu’indique Aristote.
  211. Aussi bien chez l’homme. Ceci paraît être une erreur ; et dans notre espèce, les femmes n’ont pas un moindre nombre de dents. Voir Buffon, chapitre de l’Homme, Enfance, p. 345, éd. de 1830. Il n’est pas sûr que cette différence existe dans les autres espèces qu’Aristote nomme ici, à la suite de l’homme. — Ceux qui ont un plus grand nombre de dents. Ceci est tout au plus vrai avec la restriction que fait l’auteur : « En général ». Le chien et le cheval ont plus de dents que l’homme ; et cependant ils vivent moins longtemps. — Plus écartées. L’expression grecque peut avoir aussi ce sens. Il est certain que quand on a des dents très solides, la mastication des aliments se fait mieux, et que la santé en profite beaucoup.
  212. Crantères. J’ai reproduit littéralement le mot grec, plutôt que d’adopter l’expression de « Dents de sagesse », comme l’ont fait plusieurs traducteurs. C’est bien la locution moderne ; mais les Grecs n’avaient pas songé à cette métaphore. — Était très-douloureuse. Elle l’est même dans la jeunesse. Aristote aurait pu ajouter que ces dents, venues postérieurement, durent moins que les autres, après avoir eu beaucoup de peine à se faire leur place. Voir Buffon, chapitre de l’Homme, de l’Enfance, p. 344.
  213. L’éléphant a quatre dents de chaque côté. C’est fort exact. Seulement, Aristote n’a pas observé un fait très-singulier dans les mâchelières de l’éléphant, c’est qu’elles se succèdent non pas verticalement comme chez les autres animaux, mais d’arrière en avant, de telle manière qu’une dent usée est poussée en avant par celle qui vient après. L’éléphant, par suite de cette organisation, a tantôt une ou deux mâchelières de chaque côté, quatre ou huit en tout, selon les époques ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 239.—Les deux grandes. Les défenses proprement dites.
  214. La bouche. J’ai préféré ce mot à celui de Gueule, parce qu’un peu plus bas, il est question de l’homme. — À dents en scie. Voir plus haut, ch. III, § 13.
  215. Le cheval de rivière. J’ai traduit littéralement le mot du texte, en ne faisant que le paraphraser. Il est clair d’ailleurs que tout ce passage sur l’hippopotame d’Egypte n’est qu’une interpolation, qui ne tient ni à ce qui précède, ni à ce qui suit. En outre, ce passage est plein d’erreurs, et Aristote n’avait jamais vu l’animal dont il parle sur des récits inexacts. Voir Buffon, article Hippopotame, p. 319. — A une crinière. L’hippopotame n’a pas de crinière. — Il a le pied fendu comme le bœuf. Les pieds de l’hippopotame sont divisés en quatre ongles, et non pas en deux comme celui du bœuf. — Son mufle est recourbé. C’est inexact, son museau n’est pas relevé ; il est comme celui du buffle pour la forme générale, mais beaucoup plus grand. — Des dents saillantes. L’hippopotame n’a pas du tout des défenses, comme l’éléphant. — Qui paraissent à peine. Ceci est plus vrai ; et quoique les dents soient fort grandes, elles sont cachées sous les lèvres quand la bouche est fermée. — La queue du porc. Sa queue ressemble plutôt à celle de la tortue, bien qu’elle soit incomparablement plus grande. — La voix du cheval. Il ne hennît pas comme le cheval ; mais sa voix se rapproche davantage du mugissement du buffle. — Sa grandeur… celle de l’âne. L’hippopotame est non seulement plus gros que l’âne ; mais il est beaucoup plus grand que le plus grand cheval. — En faire des dards. Le cuir de l’hippopotame est très-dur et fort épais ; mais il ne l’est pas au point de fournir des dards. Buffon, d’après Zerenghi, a réfuté tout ce passage d’Aristote ; article Hippopotame, pp. 321 et 331. Toutes les erreurs accumulées dans ce passage interpolé sont empruntées d’Hérodote, qui sans doute n’avait pas vu non plus d’hippopotame ; liv. II, ch. LXXI, p. 95, édit. Firmin-Didot.
  216. Une nature qui tient tout à la fois… La description est fort juste, et c’est la première impression que doit faire la vue d’un singe. — Ce sont les singes, les cèbes et les baboins. Les trois classes qu’indique ici Aristote auraient pu être plus précisément déterminées par lui. La zoologie moderne ne paraît pas avoir fait non plus, malgré bien des essais, une nomenclature tout à fait satisfaisante ; voir Buffon, qui a consacré au singe presque un volume, chapitre de la Nomenclature des singes, et le Pithèque, pp. 32 et 119, éd. de 1830, où Buffon traduit et explique ce passage d’Aristote. Selon lui, le Pithèque et le Cynocéphale du zoologiste grec sont des singes sans queue. Le Kèbe ou Cèbe ou Guenon, au contraire, a une queue. Buffon réfute ces divisions, qui ne sont pas conformes à la nature ; et il en propose de nouvelles, pages 34 et suiv. Voir aussi Cuvier, Règne animal, t. I, pp. 86 et 99 ; et Zoologie de M. Claus, pp. 1090 et suiv., de la traduction française. — Cynocéphales. Le Cynocéphale d’Aristote est le Magot, d’après Buffon ; il n’a point de queue, et il a le museau d’un dogue ; les dents canines, grosses et longues. Voir Buffon, loc. cit., p. 37. — Le Cèbe ou peut-être, Sapajou. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 99. Mais les Sapajous font partie des singes du nouveau continent, d’après Cuvier, et ils ont une queue prenante. On pourrait adopter ce mot de Sapajou pour rendre celui de Cèbe ou Kèbe en grec, parce que, dans la classe des Sapajous, il y a une espèce que les zoologistes ont nommée Cébua. Voir Buffon, loc. cit., p. 39. — Les baboins. MM. Aubert et Wimmer appellent le Baboin Pavian, en allemand. Baboin, Papion, Pavian, ce sont les mêmes mots. Aux caractères qu’Aristote donne aux Baboins, il veut sans doute désigner les Orangs-outangs ou les Chimpanzés, que les Grecs pouvaient connaître, puisque ces animaux venaient d’Asie. Voir Buffon, Nomenclature des Singes, p. 35, sur le Baboin. — Leurs dents. C’est surtout par les dents que Cuvier et les zoologistes modernes ont essayé de classifier les singes, dont les espèces et les variétés sont très-nombreuses.
  217. Les singes sont velus. C’est exact ; mais tous les singes ne sont pas également couverts de poils ; la couleur de leur pelage varie beaucoup aussi, et donne à certaines espèces des apparences étranges et tout à fait grotesques. — Ainsi qu’on l’a dit. Voir plus haut, ch. II, § 3 et ch. III, § 9. — Le poil des singes est très-fourni. Ce caractère diffère beaucoup avec les espèces. — Très-velus des deux côtés. Ceci n’est peut-être pas très-exact pour toutes les espèces sans exception.
  218. Avec le visage humain. C’est cette ressemblance même qui fait que cet animal est si curieux, et parfois si repoussant. — Se rapprochent beaucoup de celles de l’homme. Ceci est vrai en général ; mais, dans les singes, les canines dépassent beaucoup les autres dents, et fournissent à ces animaux une arme que l’homme n’a pas. Les mâchelières sont en même nombre que chez l’homme. — Aux deux paupières. Voir plus haut, ch. II, § 4.
  219. Deux mamelons. Voir plus haut, ch. I, § 5. Cuvier remarque aussi que les singes ont, comme l’espèce humaine, les mamelles sur la poitrine, de même que leurs intestins sont semblables aux nôtres. — Ainsi que l’homme, il a des bras. Il est étonnant qu’Aristote n’ait pas signalé ici la longueur démesurée des bras du singe. — Tout à fait à la façon de l’homme. Voir plus haut, ch. I, § 6.
  220. De bien plus bestial. Cette observation est juste ; mais Aristote aurait dû remarquer que, dans les singes, les pieds sont conformés comme des mains ; ce qui constitue entre le singe et l’homme une différence frappante. Cuvier, Règne animal, tome I, p. 85, dit très bien : « La famille des singes diffère de notre espèce par le caractère très-sensible que ses pieds de derrière ont les pouces libres et opposables aux autres doigts, et que les doigts des pieds sont longs et flexibles comme ceux de la main. » — Les pieds du singe sont très-particuliers. C’est vrai ; mais il eût été bon d’indiquer en quoi consistait cette particularité. On ne trouve pas l’explication décisive dans ce qui suit, quoique les détails soient assez développés.
  221. Sont comme ceux des mains. C’est vrai ; mais il fallait dire en quoi consistait cette ressemblance des deux membres, qui a fait donner aux singes le nom très-justifié de Quadrumanes. — Le dessous du pied ressemble à celui de la main. C’est ce qui fait que le singe a quatre pieds, ou plutôt quatre mains. — Vers son extrémité. C’est-à-dire, vers le point où la main s’attache au bras, le poignet. — Et très-imparfaitement un talon. De là vient que parfois le singe marche à deux pattes au lieu de quatre, comme il est dit plus bas, § 8.
  222. Se sert de ses pieds de deux façons. Pour marcher et pour prendre les choses ; c’est la conformation toute spéciale de cet animal. — Le bras et la cuisse très-courts. C’est exact. — De nombril apparent au dehors. On ne voit pas que la zoologie moderne ait conservé cette observation.
  223. Comme les quadrupèdes. Argument à joindre à tant d’autres, pour distinguer le singe de l’homme. — Dans le rapport à peu près de cinq à trois. C’est peut-être exagéré ; mais ce n’est qu’une mesure approximative. — Bien plus souvent à quatre pattes. Cette position est naturelle au singe ; l’autre lui est toujours assez pénible.
  224. Il n’a point de fesses. Peut-être l’expression n’est-elle pas tout à fait juste ; le singe a des fesses, mais beaucoup moins charnues que les nôtres ; ce sont en général des callosités. — Il n’a point de queue. D’une manière générale, cette remarque n’est pas juste ; mais elle s’applique sans doute à cette espèce particulière de singes qu’Aristote avait sous les yeux, et auxquels nos zoologistes ont conservé le nom générique de Pithèque. — Une queue très-petite. Les singes proprement dits n’ont pas de queue ; les papions ont une queue courte ; les guenons ont au contraire une queue longue ; les sapajous l’ont en même temps longue et prenante ; les sagoins l’ont également longue, mais non prenante. Ce sont peut-être les papions, avec les mandrilles, qui ont la queue la plus courte, parmi ceux qui en ont. Quelques singes ont des queues aussi touffues que celle du renard. — Ainsi qu’on l’a dit plus haut, § 1. — Comme elles le sont chez l’homme. Observation exacte, qui prouve qu’Aristote avait disséqué des singes ; seulement, il est probable qu’il ne connaissait qu’un très-petit nombre d’espèces. Mais la longue description qu’il donne du singe montre assez combien cette singulière organisation avait attiré son attention. Voir surtout Buffon, Nomenclature des singes, p. 35. Buffon reconnaît dix-sept espèces de singes dans l’ancien Continent, et treize dans le nouveau.
  225. Chez les vivipares. C’est le résumé de l’étude annoncée dès le premier chapitre de ce livre. Il serait peut-être plus correct de traduire : « Voilà donc la disposition des organes chez les vivipares qui produisent leurs petits au dehors. »
  226. Ou quadrupède ou privé de pieds. Ceci n’est peut-être pas tout à fait exact ; et l’on sait qu’il y a des sauriens qui n’ont que deux pieds ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 17 ; mais peut-être ces derniers vivent-ils presque exclusivement dans l’eau. — Dis-je. J’ai été obligé de prendre cette forme, parce que la phrase grecque est trop longue. — Absolument comme les quadrupèdes vivipares. Peut-être est-ce dire trop. — Une queue plus grande. MM. Aubert et Wimmer remarquent qu’Aristote aurait pu dire aussi qu’il y a des quadrupèdes ovipares qui n’ont pas du tout de queue, comme les batraciens ; mais ils ajoutent qu’Aristote ne pense sans doute ici qu’aux quadrupèdes ovipares à écailles. Cuvier remarque que la queue des sauriens est toujours très-grosse à la base. — Plusieurs doigts. On peut le voir aisément sur les lézards ; il en est de même du crocodile, qui a cinq doigts devant et quatre derrière, avec des ongles à trois doigts seulement.
  227. Du crocodile d’Egypte. C’était le seul qu’Aristote, et les Grecs en général, pouvaient connaître. — Qui n’est pas détachée. Ou « Libre ». — Quelques-uns. Sous-entendu : « des quadrupèdes vivipares », dont il est question au début de ce chapitre. — À moins qu’on n’ouvre… La langue de ces animaux est plus visible, quand on leur ouvre la bouche violemment, parce qu’alors on peut l’observer jusqu’à la base. Cuvier, Règne animal, tome II, p. 18, dit en parlant des crocodiles : « La « langue est charnue, plate et attachée jusque très-près de ses bords ; ce qui a fait croire aux Anciens qu’ils en manquaient. »
  228. N’a d’oreilles. Ceci doit s’entendre de lobes proéminents, et de pavillons, comme chez l’homme et d’autres animaux. Mais il paraît bien que le crocodile a autre chose que le conduit auditif tout seul, comme chez le lézard. Il a deux lèvres charnues à l’oreille pour la fermer à volonté. — Ni organe génital. Extérieur et apparent. Quelques sauriens ont deux verges au lieu d’une. — Des dents carnassières. Voir plus haut, ch. III, § 13.
  229. Les crocodiles de rivière. La zoologie moderne distingue aussi les Enalio-sauriens et les crocodiliens ; voir M. Claus, Zoologie, p. 927. Il s’agit des crocodiles du Nil, les seuls sans doute qu’Aristote pût connaître. — Des yeux de cochon. La comparaison n’est pas fausse, puisque le crocodile a aussi les yeux très-petits ; mais il a une particularité qu’Aristote ne signale pas ; c’est qu’il a trois paupières. — Des dents très-grosses. Les crocodiles n’ont qu’une seule rangée de dents pointues, à chaque mâchoire ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 929 : « En général, dit-il, la quatrième dent du maxillaire inférieur se fait remarquer par sa grande taille, et le maxillaire supérieur présente un enfoncement correspondant. » — Des défenses. C’est peut-être exagéré. Les quatrièmes dents ne sont pas tellement sorties qu’elles puissent passer pour des défenses. — Ils voient mal dans l’eau. La zoologie moderne n’a point relevé cette faiblesse de vue dans le crocodile. — La nuit, ils séjournent dans l’eau… Ceci est extrait presque textuellement d’Hérodote, ainsi que tout le reste de ce passage ; Hérodote, liv. II, ch. 68, p. 94, édit. Firmin-Didot. Hérodote donne même bien des détails qu’Aristote aurait pu ajouter à ceux qu’il a cru devoir reproduire.
  230. Le Chaméléon, ou Caméléon. J’ai cru devoir conserver l’ancienne orthographe, qui est plus conforme à l’étymologie. Il est difficile du reste de comprendre pourquoi les Anciens ont donné au Chaméléon un nom qui signifie : « Lion à terre ». Cuvier, Règne animal, tome II, p. 58, déclare qu’Aristote « a parfaitement bien décrit le Chaméléon. » La zoologie moderne range, comme Aristote, les Chaméléons parmi les Sauriens, bien qu’elle reconnaisse qu’ils sont distincts de tous les autres sauriens, et qu’ils rentrent difficilement dans cette série. — Les côtes descendent en bas… Voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 59. « Leurs premières côtes se joignent au sternum ; les suivantes se continuent chacune à sa correspondante, pour enfermer l’abdomen par un cercle entier. » — Comme dans les poissons. La Zoologie moderne n’admet peut-être pas ce rapprochement. — Son dos se relève aussi tout à fait… Ce n’est pas précisément le dos ; mais toutes les espèces ont une sorte de capuchon, ou de casque, qui varie un peu de forme dans chacune. Leur tête est pyramidale par suite du développement de boucliers sus-temporaux ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 917. — Sa face ressemble beaucoup… Cette assimilation n’est peut-être pas aussi frappante que l’auteur semble le croire. — Une queue fort longue et préhensive, que l’animal roule autour des branches d’arbres, pour s’y suspendre en attendant sa proie. La comparaison avec une lanière est fort juste.
  231. Il est plus haut que les lézards. C’est-à-dire qu’il a les pattes plus longues. — Par la distance du sol. C’est la traduction littérale de l’expression du texte, qui aurait pu être plus naturelle. — Chacune de ses pattes est divisée. Cuvier, Règne animal, tome II, p. 59 : « Cinq doigts à tous les pieds, mais divisés en deux paquets, l’un de deux, l’autre de trois, chaque paquet réuni par la peau jusqu’aux ongles. »
  232. Aux pieds de devant… C’est aussi la description de Cuvier. — Des oiseaux pourvus de serres. Ceci se réduit à dire que les doigts sont terminés par des ongles rétractiles. — Rugueux, comme celui du crocodile. C’est exagéré. Le Chaméléon n’a simplement que la peau chagrinée par de petits grains écailleux, tandis que le Crocodile a le dos et la queue couverte de grandes écailles carrées très-fortes, relevées d’une arête vers leur milieu : Cuvier, Règne animal, tome II, p. 18.
  233. Les yeux placés dans un renfoncement…. Cette description des yeux du chaméléon est fort exacte, et la zoologie moderne n’a guère eu qu’à la répéter. — Entourés. Ce serait peut-être plutôt Couverts, qu’il faudrait dire. — Rouler ses yeux comme en cercle. Ses yeux sont en outre mobiles, indépendamment l’un de l’autre. C’est un petit trou placé vis-à-vis de la prunelle qui permet la vision ; et l’un des yeux peut regarder en bas, tandis que l’autre regarde en haut.
  234. Quand l’animal se gonfle. On voit qu’Aristote ne partage pas l’erreur commune, qui consiste à croire que le chaméléon prend la couleur des objets qui l’entourent ; l’animal revêt des couleurs diverses selon ses besoins et ses passions ; mais ce peut être d’ailleurs sans se gonfler ; Cuvier, loc. cit.Comme dans la panthère. Qui a six ou sept rangées de taches noires en forme de roses, formées de l’assemblage de cinq ou six petites taches simples ; Cuvier, Règne animal, tome I, p. 162. La comparaison que fait Aristote n’est peut-être pas très-juste. — Les yeux, aussi bien que la queue…. La zoologie moderne n’a pas recueilli cette observation.
  235. Ses mouvements sont lents. La langue est le seul organe que les chaméléons meuvent avec vitesse. Pour tout le reste, ils sont d’une lenteur excessive. — Cette couleur persiste. Le jaune serait alors la couleur propre de cet animal ; car il est constaté que les changements de couleur ne tiennent qu’à la circulation du sang, que la transparence de la peau laisse apercevoir. Quand l’animal est gonflé, le corps paraît tout à fait transparent. Un naturaliste allemand, M. E. Brucke, a expliqué définitivement ce singulier phénomène par le déplacement de deux couches mobiles de pigment, bleu et noir ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 917, trad. française, en note. — L’estomac, ou œsophage. Le mot grec a les deux sens ; mais c’est plutôt le dernier qu’il convient d’adopter ici. Ces détails anatomiques prouvent qu’Aristote avait disséqué des chaméléons. — Il n’a de chair nulle part. Ceci veut dire sans doute que tout le corps du chaméléon est rugueux, et qu’aucune partie n’en est charnue, si ce n’est celles qu’indique l’auteur. — De l’appendice, ou « de l’enroulement…
  236. Il n’a de sang que vers le cœur. Tout ceci prouve encore qu’Aristote avait dû pratiquer des dissections fort attentives. D’ailleurs, ces détails physiologiques ne paraissent pas avoir occupé la science moderne. Aristote les trouve assez curieux pour en parler ; les autres naturalistes n’y ont attaché aucune importance. Cuvier n’a rien dit de particulier sur le cerveau des chaméléons. — Quand on enlève la peau… C’est une véritable expérience anatomique. — Il y a un petit corps… Le fait paraît bien certain, quoiqu’on l’ait à peu près complètement négligé depuis Aristote. Cependant MM. Aubert et Wimmer citent Vaientin, qui dans son Theatrum anatomicum, p. 196 (en 1720), a mentionné cette organisation de l’œil du Chaméléon.
  237. Sur la presque totalité de son corps. Il semble que ceci doit se rapporter à l’extérieur du corps ; mais MM. Aubert et Wimmer paraissent comprendre au contraire qu’il s’agit du dedans. — D’un souffle vigoureux. C’est la leçon admise par Schneider, d’après la traduction de Guillaume de Morbéka. La leçon ordinaire rejette le mot que je traduis par Vigoureux à la phrase suivante, qu’il faudrait alors modifier ainsi : « Il conserve alors « un très-petit mouvement vers le cœur. » — Il contracte vivement les parties des flancs. Il faut remarquer la délicatesse de toutes ces observations.
  238. Il n’a point de rate. Je ne sais si la zoologie moderne a tenu compte de ce phénomène. — Il hiverne dans des trous. Le mot grec a ces deux sens. Aristote est revenu longuement sur l’hivernage des animaux en général ; voir plus loin, liv. V, ch. VIII, §§ 6 et suiv., et passim.
  239. À celles des animaux dont on vient de parler. Ce sont en général des mammifères et des quadrupèdes, qui, à certains égards, se rapprochent le plus de l’homme, pris pour type. Voir plus haut liv. I, ch. 7 et suiv. — Qui se rapprochent de celles de l’homme. De là, cette prétendue définition de l’homme attribuée à Platon : « L’homme est un animal à « deux pieds, sans plumes, etc. » — Plus haut. Voir plus haut, liv. II, ch. I, § 6.
  240. Organisation qui lui est propre. Ce sont en effet les ailes qui constituent essentiellement l’oiseau ; mais l’on voit qu’Aristote, en parlant de mains et de pieds, rapporte encore la conformation de l’oiseau à celle de l’homme, pris pour type. Cuvier, en décrivant l’oiseau, Règne animal, tome I, p. 303, parle aussi des parties de l’aile qui tiennent lieu de la main. — Sa hanche. Le sens du mot dont se sert ici Aristote n’est pas bien fixé ; mais il ne peut pas signifier autre chose que la hanche, d’après la position des parties (Ischion). Dans le Traité de la Marche des animaux, p. 710, b. 20, édit. de Berlin, Aristote répète cette description de la hanche de l’oiseau, en la précisant encore davantage, afin de bien distinguer l’ischion de la cuisse proprement dite. — Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 94. — Quand on la sépare. C’est-à-dire, quand on l’examine indépendamment du reste de la cuisse et du membre entier. Voir aussi le Traité des Parties des animaux, liv. IV, p. 254, édit. de M. Frantzius. Buffon ne paraît pas avoir touché cette question dans son Discours sur la nature des oiseaux, tome XIX, édit. de 1830. — La poitrine de ces oiseaux. Aristote aurait peut-être dû fournir plus de détails sur ce phénomène si important dans l’organisation de l’oiseau. Buffon et Cuvier s’y sont arrêtés davantage. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 936 et suiv.
  241. Plusieurs ongles. J’ai conservé le mot du texte. Cuvier dit : des Doigts, et non des Ongles. Le plus souvent, il y a trois doigts en avant, et le pouce en arrière. — Plusieurs divisions aux pattes. Il s’agit peut-être ici des articulations à chaque doigt ; le pouce en a deux, et le doigt externe en a cinq ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 304. — Des pieds palmés. C’est par la conformation des pieds surtout que se distinguent les diverses espèces d’oiseaux. Les Palmipèdes forment le sixième ordre de Cuvier, Règne animal, tome I, p. 543. — Trois sont en avant, et un est en arrière. La zoologie moderne a conservé ces distinctions. Voir la Zoologie de M. Claus, p. 946, trad. française. — Deux doigts en avant et deux en arrière. Ce caractère très-singulier a été remarqué aussi par la zoologie moderne, qui ne paraît pas y avoir attaché la même importance qu’Aristote. — Torcol. Le mot grec est lynx, que les nomenclatures modernes ont conservé, en l’appliquant à une sorte de Pic ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 452. Le nom latin est Torquilla, à cause « de la singulière faculté qu’a cet oiseau de tordre son cou a et sa tête en différents sens ». Quelques traducteurs ont cru qu’il s’agissait de la Bergeronnette ; mais les détails qui suivent se rapportent évidemment à une espèce de Pic.
  242. Un peu plus grand que le pinson. C’est bien vague ; et il y a des Pics qui sont beaucoup plus gros, notamment le grand Pic noir, dont la grosseur égale celle des corneilles. — Sa langue. Cette conformation de la langue se retrouve dans toutes les espèces de Pics. — De quatre doigts. Cuvier, loc. cit., p. 448, dit simplement que cette langue peut sortir très-avant hors du bec. — Il tourne son cou en arrière. De là, le nom de Torcol. — Comme le font les serpents. Ce rapprochement est exact. — De très-grands ongles. Qui leur servent à grimper le long des arbres, Pedes scansorii. — Aigre et sifflante. Il n’y a qu’un seul mot dans le grec.
  243. Ils ont un bec. La zoologie moderne ne paraît pas attacher autant d’importance au bec, dans l’organisation de l’oiseau. — Ils n’ont pas non plus d’oreilles, ni de nez. Il faut entendre que les oreilles et le nez des oiseaux n’ont rien de saillant au dehors, si ce n’est dans les oiseaux de nuit, qui seuls ont une grande conque extérieure. L’ouverture de l’oreille est généralement recouverte de plumes. — L’odorat dans le bec. L’organe de l’odorat chez les oiseaux est caché dans la base du bec ; il est très-sensible. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, page 305. — Et de l’ouïe dans la tête. « Les canaux semi-circulaires des oiseaux, dit Cuvier, sont grands et logés dans une partie du crâne, où ils sont environnés de toutes parts de cavités aériennes, qui communiquent avec la caisse »; Cuvier, loc. cit.
  244. Ils ont deux yeux. Les yeux des oiseaux sont proportionnellement plus grands que dans l’homme et dans les quadrupèdes. — Qui sont lourdement construits. Ou « Qui volent lourdement ». — Mais tous peuvent aussi couvrir l’œil… de la caroncule. Buffon s’étend longuement sur la construction de l’œil des oiseaux, et il décrit les deux membranes, l’une plus extérieure, et l’autre qui est située au fond de l’œil ; Discours sur la nature des oiseaux, t. XIX, p. 26, éd. de 1830, et Cuvier, Règne animal, tome 1, p. 305. Buffon insiste beaucoup sur l’étendue prodigieuse de la vue dans les oiseaux, et il en donne des raisons décisives. Aristote n’a fait aucune remarque sur ce point, qui est d’ailleurs d’une observation facile. — Les oiseaux de nuit. Ces oiseaux font partie des oiseaux de proie et composent une famille particulière : Cuvier, Règne animal, tome 1, pp. 339 et suiv. — Dans le genre de la chouette. id., ibid., p. 342. — Comme les sauriens. C’est ce qu’on peut voir surtout chez les lézards, qui ferment l’œil par la paupière d’en bas. — Ils ne clignent pas tous. Le mot de Cligner signifie ici le mouvement de la troisième paupière des oiseaux, toujours placée à l’angle interne et partant de la caroncule, pour couvrir et protéger l’œil. La langue grecque a un mot spécial, que la nôtre n’a pas. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 305. C’est la membrane nictitante de quelques zoologistes.
  245. Ils ont des plumes. Voir Cuvier, Règne animal, pp. 304 et 306, sur le rôle et l’utilité spéciale des plumes, garantissant l’oiseau des trop rapides variations de l’atmosphère, auxquelles ses mouvements l’exposent. — Toutes leurs plumes ont un tuyau. Les plumes, ainsi que les pennes, sont composées d’une tige creuse à sa base, et de barbes qui en portent elles-mêmes de plus petites ; voir Cuvier, et Zoologie descriptive de M. Claus, p. 943, loc. cit. Buffon dit aussi que les tuyaux des plumes sont creux, Discours sur la nature des oiseaux, pp. 48 et 56. — Ils n’ont pas précisément de queue. Sous-entendu, dans le genre de celle des quadrupèdes. — Un croupion. C’est précisément l’éminence au-dessus du coccyx, à laquelle sont attachées les plumes de la queue, vers la fin des dernières vertèbres dorsales. Le mot de Queue doit être plus spécialement réservé à l’ensemble des plumes réunies dans cette partie. — Ont les pattes repliées sous le ventre. Observation exacte et sagace.
  246. Tous les oiseaux ont une langue. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 950 de la trad. française ; voir aussi Buffon, Discours sur la nature des oiseaux, pp. 35 et suiv. ; et Cuvier, Règne animal, tome I, p. 307. Aristote aurait pu remarquer que la voix des oiseaux est extrêmement forte. — Le son des lettres. Les zoologistes modernes n’ont pas en général donné leur attention à cette particularité des oiseaux, quoiqu’elle mérite cependant d’être notée. — Aucun animal ovipare n’a d’épiglotte. Chez les oiseaux, de même que chez les reptiles, l’épiglotte, quand il y en a, n’est qu’un appendice qui ne parvient jamais à recouvrir complètement rentrée du larynx ; voir M. Gegenbaur, Anatomie comparée, p. 772 de la trad. française.
  247. Ont aussi un ergot, ou éperon. Par Aussi, l’auteur veut dire sans doute que ces oiseaux ont un ergot outre les doigts et les ongles ordinaires. La même phrase à peu près est répétée dans le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. XII, p. 250, 122, édit. de M. Frantzius ; mais dans ce traité, Aristote explique pourquoi la nature a donné des ergots à certains oiseaux, et les a refusés à d’autres. — À la fois des ergots et des serres. La nature ne faisant rien en vain, elle n’a pas donné d’ergots à certains oiseaux, parce que leur bec et leurs serres leur suffisent pour déchirer leur proie, et pour soutenir des combats qui se livrent dans les airs. Au contraire, elle a donné des ergots aux oiseaux qui ne volent presque pas, parce que cette arme leur est utile pour les combats qui se livrent sur le sol. — Une crête, qui est formée par les plumes. C’est alors un capuchon plutôt qu’une crête proprement dite. On peut voir aisément ces différences dans les gallinacés. Il faut distinguer aussi la crête et le capuchon de l’aigrette, ou huppe, des paons et des Iophophores ou houppiferes. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 468 et 478 ; M. Claus, Zoologie descriptive, p. 978. — Une crête toute spéciale. La zoologie moderne n’a pas attaché autant d’importance à cette particularité. Voir pour tous ces détails l’Anatomie comparée de Cuvier.
  248. Qui est nettement déterminé. Dans sa généralité peut-être, mais non pas autant dans le détail ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, préface, p. 26, et tome II, p. 122. — Les poissons ont une tête. Voir plus haut, liv. I, ch. VII, § 1. — Et qui n’en est pas séparée. Il me semble que c’est là le vrai sens de ce passage ; il ne peut pas signifier que la queue des poissons est sans divisions, comme l’ont cru quelques traducteurs. — N’est pas pareille. Observation exacte dans sa généralité, et bonne à recueillir.
  249. .Il n’a pas de membre proprement dit. Le terme grec est assez vague, et voilà pourquoi j’ai cru devoir ajouter les derniers mots. Sans doute Aristote veut dire que le poisson n’a pas comme les quadrupèdes des membres distincts, bras, jambes, etc. — Il n’a pas de testicules. Sous-entendu : « Apparents ou Extérieurs » ; mais Aristote, comme le remarquent MM. Aubert et Wimmer, a bien connu les organes génitaux des poissons ; voir plus loin, liv. V, ch. IV, § 5, où Aristote parle des Conduits des poissons, qui tiennent lieu de testicules. — Non plus que de mamelles. Les cétacés ne sont donc pas comptés par Aristote parmi les poissons ; ils sont Mammifères. — Qui n’est pas vivipare. Autrement, les mamelles n’auraient pas de raison d’être.
  250. Le dauphin. Les dauphins sont la première tribu des cétacés souffleurs. Ce sont, dit Cuvier, les plus carnassiers et les plus cruels de l’ordre ; Règne animal, tome I, p. 287. — Près des articulations. C’est le sens littéral du mot grec, qui ne peut pas en avoir un autre ; et les manuscrits n’offrent pas de variante. MM. Aubert et Wimmer ont traduit comme si, au lieu des Articulations, il y avait les parties de la génération ; je n’ai pas cru devoir suivre cet exemple. Ce qui est vrai, c’est que les cétacés ont leurs mamelles près de l’anus. La traduction de MM. Aubert et Wimmer est donc conforme à la réalité, mais non point au texte. Articulations signifie peut-être ici le point où la queue se joint et s’articule au reste du corps. — Le fait a été constaté. Il faut remarquer ce soin d’Aristote à justifier ses assertions par l’observation exacte des faits, que d’ailleurs l’observation vienne de lui ou des autres.
  251. La particularité des branchies. C’est aussi par la description des branchies et des nageoires que Cuvier commence l’étude des poissons, Règne animal, tome II, pp. 122 et suiv. « L’appareil des branchies consiste en feuillets composés chacun d’un grand nombre de lames placées à la file….. l’eau que le poisson avale s’échappe entre ces hunes par des ouvertures nommées Ouïes….. des rayons plus ou moins nombreux soutenant des nageoires représentent grossièrement les doigts des mains et des pieds, etc. » — Quatre nageoires. Cuvier, loc. cit., p. 124, énonce le même fait : « Le plus souvent il y en a quatre ; quelques-uns n’en ont que deux ; d’autres en manquent tout à fait. » — Siphées. La même remarque se retrouve dans le Traité de la Marche des animaux, p. 708, a, 5, édit. de Berlin. Siphées, ou, avec la forme Dorienne, Tiphées, est situé dans cette partie de la Béotie qui est sur le golfe de Corinthe ; voir Pausanias, qui l’appelle Tipha, liv. IX, ch. XXXII, pp. 474, 13, édit. Firmin-Didot, et aussi l’Atlas de Kiepert, planche XII, au sud-ouest de Thespies, de Leuctre et de Platée. — Le tænia. J’ai conservé le mot grec, parce que l’identification est trop incertaine. La zoologie moderne connaît aussi une espèce de poissons qu’elle nomme les Tænioïdes ; voir Cuvier, Règne animal, t. II, p. 207, et la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 855, trad. française.
  252. La murène. Voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 239, et la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 834. Les murènes, Physostomes apodes, ont la peau lisse, dépourvue d’écailles ; les nageoires pectorales manquent. — Non plus que de branchies. La zoologie moderne ne constate rien de particulier sur les branchies de la murène ; mais le genre auquel elle appartient a en général des branchies en feuillets et en lamelles. Ce qui la distingue spécialement, c’est une vessie natatoire, avec un canal aérien. — Les sélaciens rien ont jamais. Cuvier décrit l’organisation singulière des branchies fixes dans les Chondroptérygiens, dont les Sélaciens (squales, requins et raies) font partie, Règne animal, tome II, p. 383 et suiv. Voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 814, qui insiste sur l’organisation des branchies dans les Sélaciens. — Ceux qui sont larges. Ce sont les raies, qui sont de la même famille, Plagiostomes, que les requins. — La torpille. Voir Athénée, liv. VII, p. 314, citant Aristote sur la torpille. Ce poisson est bien aussi de la même famille que ceux auxquels le joint Aristote. — Le Batos. On ne sait pas au juste quel est ce Sélacien. Voir plus haut, liv. I, ch. IV, p. 2. — Des chiens de mer. Même remarque ; voir les Nouveaux éléments de zoologie de M. H. Hollard, pp. 336 et suiv. — La grenouille marine. Le texte dit simplement : « la grenouille » ; mais il est clair qu’il s’agit ici d’un poisson de mer. C’est une famille des Acanthoptérygiens, appelée les Batracholdes ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 253. On ne voit point d’ailleurs dans la zoologie moderne rien qui réponde complètement à la description qu’Aristote donne dans ce passage.
  253. Les uns les ont simples. C’est-à-dire, à une seule rangée. — Elles sont doubles, ou à deux rangées. — La dernière, qui touche le corps. Ceci ne se comprend pas très-bien, et je ne suis pas sûr du sens que je donne ; je n’ai pu en trouver un meilleur. — Les uns ont peu de branchies. La zoologie moderne a peut-être donné aux branchies autant d’importance que leur en donne Aristote ; mais elle ne s’y est pas arrêtée peut-être aussi longuement ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 122 et suiv., et la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 796 et suiv. Voir le même ouvrage p. 804, sur la difficulté extrême de classifier les poissons. — Est double. C’est-à-dire : A deux rangées — Le sanglier d’eau. Le texte dit simplement : Le sanglier, Capros. C’est un poisson qui se trouve dans l’Achéloûs, et qui pousse une sorte de grognement ; on le trouve aussi dans la mer des Cyclades. Voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 130, tome I, de leur traduction. L’Achéloûs, à l’ouest de la Grèce, en est peut-être le plus grand fleuve. Prenant sa source dans l’Épire, il coule du nord au sud et se jette dans la mer Ionienne, en face de Corfou et d’Ithaque, près des Échinades. Aujourd’hui, il se nomme l’Aspropotamo. Sur le Capros, voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 211.
  254. Le Congre. Voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, loc. cit., p. 126. Le congre se trouve dans la mer des Cyclades ; il y en a de deux espèces, les blancs et les noirs. Le congre est une espèce d’anguille et de murène ; on l’appelle aussi Anguille de mer ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 834. — Le scare. Le seul poisson qui rumine ; il se trouve dans l’Archipel, où on le nomme spécialement Scarus cretensis. MM. Aubert et Wimmer, loc. cit., Catalogue, p. 139, croient que le scare est le poisson-perroquet. Cuvier a consacré aux scares un assez long article, Règne animal, tome II, p. 265. Le scare est tantôt bleu et tantôt rouge, suivant les saisons. C’est la forme de leurs mâchoires qui leur a fait donner le nom de poissons-perroquets. — L’ellops, ou peut-être l’esturgeon ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 378. — Le Synagris, ou Synacris, poisson des Çyclades ; voir plus loin, ch. XII, § 12 ; voir aussi le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 140, loc. cit. On l’identifie en général avec le Dentex vulgaris, de la Méditerranée. — Comme la grive d’eau. J’ai adopté ce mot de Grive, parce que le mot grec est aussi celui qui désigne la grive-oiseau, le Turdus viscivorus. Voir MM. Aubert et Wimmer, Catalogue, pp. 131 et 96 ; Zoologie descriptive de M. Claus, p. 997. — La perche. Cuvier n’a pas signalé dans la perche le nombre des branchies ; Voir le Règne animal, tome II, p. 131 et suiv. Les perches sont la première famille des Acanthoptérygiens, ou poissons à nageoires épineuses. — Le Glanis. Il est difficile d’identifier ce poisson ; et c’est pour cela qu’on a généralement conservé le mot grec lui-même. Le glanis, dont Aristote parle souvent, paraît être le Silurus glanis, de l’ordre des malacoptérygiens abdominaux ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 291 ; et le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 126. Voir aussi la longue note de Camus, tome II, pp. 378 et suiv. Il reste toujours à savoir ce que c’est au juste que le Glanis aristotélique. Dans une note insérée dans le Recueil de l’Académie américaine des arts et sciences (1856), M. Agassiz a discuté la question avec beaucoup de science et de clarté ; et il incline, contre Cuvier et Valenciennes, à croire que le glanis d’Aristote n’est pas le Silurus glanis précisément, mais un Siluride qui se trouve encore dans l’Achéloûs, et que les gens du pays appellent toujours Glanidion. — La carpe. Voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 133 ; et Cuvier, Règne animal, tome II, p. 270. — Des chiens de mer. Cette identification n’est pas sure ; et le nom dont se sert ici Aristote est peu connu. Les galéodes sont des sélaciens. — L’espadon. Ce mot dans notre langue répond tout à fait au mot grec. Cuvier remarque que les branchies de ce poisson ne sont pas divisées en dents de peigne (pectinées), mais formées chacune de deux grandes lames parallèles, dont la surface est réticulée, « C’est ce qui a fait dire à Aristote, ajoute Cuvier en note, que le xiphias a huit branchies. » Règne animal, tome II, p. 201. Athénée, liv. VII, p. 314, parle aussi du xiphias, d’après Aristote.
  255. Pour le nombre des branchies. Il ne paraît pas qu’aucun zoologiste ait poussé cette étude plus loin que le philosophe grec.
  256. La différence des branchies… Ce n’est pas la seule sans doute ; mais c’est peut-être la principale. Voir les généralités sur les poissons dans Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 122 et suiv., et dans la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 777 et suiv. Voir aussi Nouveaux éléments de zoologie de Hollard, pp. 328 et suiv. — De quelques quadrupèdes ovipares. Comme les sauriens. — De lames écailleuses. En grec, il y a deux mots différents pour les écailles des poissons, et pour les écailles de quelques animaux tels que les lézards. Notre langue n’a pas fait ces distinctions. — Parmi les sélaciens. Voir plus haut, § 5. — Les congres. Voir plus haut, § 7.
  257. Sauf le scare. Voir plus haut, § 7. — Les dents en scie. Voir plus haut, ch. III, § 13 ; ce sont les dents aussi appelées Carnassières. — Jusque sur la langue. Le fait est exact. On trouve aussi des dents sur le palais des amphibies, comme sur le palais des serpents ; voir l’Anatomie comparée de M. Gegenbaur, pp. 740 et 744, § 228, trad. franc. — Leur langue est dure. Toutes ces observations sur la langue des poissons sont très-exactes. — Leur bouche est très-fendue. Voir sur la bouche des poissons la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 793. Cuvier n’en dit presque rien.
  258. Pour les divers sens. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 789. « De tous les « vertébrés, ce sont les poissons qui ont le système nerveux le plus simple et le moins perfectionné. » — Pas plus pour l’ouïe que pour l’odorat. Tous les poissons, sauf peut-être l’Amphioxus, dont l’organe de l’ouïe disposé de différentes manières, mais aisément reconnaissable. On en peut dire autant de l’organe de l’odorat. — Mais tous ils ont des yeux. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 790. Les yeux des poissons sont en général très-aplatis ; mais ils ne sont pas toujours sans paupières, comme le dit Aristote. Les sélaciens en particulier ont des paupières, inférieure et supérieure, avec une membrane nictitante.
  259. A du sang. Sur la circulation du sang chez les poissons, voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 122. Aristote veut dire que tous les poissons ont du sang rouge. — Les uns sont ovipares. C’est l’immense majorité. — Les autres, vivipares. Comme les cétacés. — Tous les sélaciens. Ceci n’est pas exact pour tous les sélaciens ; il y en a dans le corps desquels éclosent les petits : d’autres font des œufs revêtus d’une coque dure et cornée. Parmi les squales, les uns sont vivipares ; les autres produisent des œufs de ce genre. Voir les détails intéressants que donne Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 384 et 385. Voir surtout son admirable Anatomie comparée, 1er et 2e éditions.
  260. La dernière espèce… MM. Aubert et Wimmer regardent tout ce chapitre comme absolument déplacé ; et ils vont même jusqu’à le croire tout à fait apocryphe. On ne peut que partager cette opinion. Sans doute, une étude sur les serpents (reptiles) pouvait avoir ici sa place après tout ce qui précède ; mais celle qu’on nous donne dans ce chapitre ne peut être celle même d’Aristote. Les longs détails où l’on entre sur les scolopendres sont tout à fait étrangers à la présente recherche — Qui ont du sang. Voir sur la circulation du sang dans les Reptiles, Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 1 et suiv. Ils ont le sang très-froid ; voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 894 et 895. — De terre et d’eau. Cuvier explique comment les reptiles peuvent plonger plus longtemps que les mammifères et les oiseaux, loc. cit. p. 3. C’est surtout par la quantité de la respiration que la science moderne a divisé les reptiles en quatre ordres : Chéloniens, Sauriens, Ophidiens ou serpents, et Batraciens. Le cœur est organisé différemment dans chacun de ces ordres ; Cuvier, loc. cit., p. 4. D’autres classifications commencent par les Ophidiens. — Les serpents sont dépourvus de pieds. C’est un de leurs caractères les plus saillants.
  261. Des scolopendres de mer. Ceci ne tient pas à ce qui précède ; et cette incohérence peut passer pour un argument de plus contre l’authenticité de ce passage. La scolopendre est un insecte et non pas un reptile ; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 335. On ne voit pas que la zoologie moderne ait distingué des scolopendres de terre et de mer ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 535. — Plus de pattes. La scolopendre fait partie des myriapodes et des chilopodes ; elle a au moins quinze paires de pattes, et quelques espèces en ont davantage. C’est là d’où vient le nom de cet ordre. Voir plus haut, liv. I, ch. V, § 1.
  262. Rémora. C’est aussi le nom que donne Cuvier, Règne animal, tome II, p. 347. — Échénéïs. Cuvier trouve que ce poisson est remarquable entre tous par le disque aplati qu’il porte sur la tête. Aristote n’a pas remarqué cette particularité, de même que Cuvier ne dit rien des nageoires des échinéls ; cependant ces poissons lui semblent mériter de former une famille à part dans l’ordre des malacoptérygiens.
  263. On a donc traité jusqu’à présent… Voir plus haut, liv. I, ch. XIII, § i. En commençant par le corps de l’homme, Aristote s’occupe d’abord des parties extérieures, et ensuite des parties intérieures ; c’est aussi la méthode qu’il suit pour les animaux.
  264. Les grandes espèces. Il semble que cette expression signifie les espèces qui sont très-nombreuses en individus, plutôt que les espèces où les individus sont très-grands. — Les uns ont du sang… La zoologie moderne a modifié cette classification, en distinguant les animaux à sang rouge et les animaux à sang blanc. — Les autres n’en ont pas. Le sang est d’une autre couleur chez ces animaux ; mais il ne manque pas, comme Aristote le croit. Voir Cuvier, Règne animal, Introduction, p. 23 ; voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, note 6, p. 1099. La traduction française admet pour cette classification aristotélique les mots de Sanguins et de Asanguins ; je n’ai pas cru pouvoir les adopter. Linné distingue trois classes : Animaux à sang rouge chaud, animaux à sang rouge froid, et animaux à sang froid blanc. — Et tels autres animaux… MM. Aubert et Wimmer pensent qu’Aristote veut désigner par là les animaux non-vertébrés. — Mais seulement une espèce. Ceci est obscur, et les exemples que l’auteur cite un peu plus bas n’éclaircissent pas beaucoup ce passage. Voir plus haut dans le liv. I, les chapitres IV, V et VI, consacrés en partie à la classification générale des animaux.
  265. Dans l’homme. Voir plus haut, liv. I, ch. XIII, § 7, où ces organes intérieurs de l’homme sont décrits. — Dans les oiseaux MM. Aubert et Wimmer critiquent dans ce passage une rédaction négligée et peu régulière ; cette rédaction d’ailleurs n’est pas précisément incorrecte.
  266. Tous les animaux… Toutes ces généralités sont exactes. — Aspirent et expirent. Ces deux mouvements constituent en effet tout le phénomène de la respiration, qui n’a été bien connu et bien analysé qu’au XVIIe siècle, après la découverte de la circulation du sang. — Ne sont pas les mêmes. Ceci se rapporte encore à la forme, qui varie selon les espèces. — Ne l’ont pas tous pareil. Ne serait-ce qu’une différence de volume, proportionnellement au reste du corps.
  267. Qu’on appelle Phrénique. Je n’ai fait que reproduire le mot grec, qui n’a pas un correspondant très-exact dans notre langue. — Dans les bœufs… Il y a dans le grec de ce passage une sorte d’incohérence, que j’ai tâché de faire disparaître dans la traduction. MM. Aubert et Wimmer vont plus loin ; et rapprochant ce passage de deux autres de la Génération des animaux, liv. V, §87, p. 398, édit. Aubert et Wimmer, et pp. 428, 9, édit. de Firmin-Didot, et des Parties des animaux, liv. III, ch. IV, pp. 666, 6, 18, édit. de Berlin, et pp. 259, 44, édit. de Firmin Didot, ils croient qu’il y a ici une interpolation assez maladroite. Le fait d’ailleurs est exact ; et d’autres animaux ont aussi parfois un os dans le cœur ; on cite le mouton, le cerf, le chameau, la girafe et le porc. Comme ce n’est là qu’une anomalie, et sans doute un état morbide, la zoologie moderne ne paraît pas s’être occupée beau-coup de ce fait extraordinaire.
  268. C’est ainsi que le poisson n’en a pas. On peut donc croire qu’Aristote avait reconnu que la respiration chez les poissons se fait par les branchies. — Tous ceux qui ont du sang ont un foie. Cette relation générale du sang et du foie paraît exacte, et il en est de même de la rate, dont les fonctions du reste ne sont pas très-bien connues, même après les découvertes récentes. — La rate est si petite. On en pourrait dire à peu près autant du foie ; voir l’Anatomie comparée de M. Gegenbaur, p. 57 de la trad. française. — L’ægocéphale. J’ai conservé le mot grec, que je n’ai fait que transcrire, comme la plupart des traducteurs. Aristote nomme encore l’œgocéphale, à la fin de ce chapitre, § 13, et dans le chapitre suivant, § 27. L’œgocéphale est un oiseau ; mais on ne saurait dire au juste lequel ; l’étymologie indique que la tête de cet oiseau devait avoir quelque ressemblance avec celle de la chèvre ; voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 85. Tous ces détails attestent des observations anatomiques faites avec grand soin ; il est bon de répéter cette remarque, dans l’intérêt de l’histoire de la science.
  269. L’Émys. J’ai transcrit le mot grec ne sachant pas au juste à quel animal répond ce nom. MM. Aubert et Wimmer conjecturent que l’Émys doit être une tortue d’eau douce, et j’ai reproduit cette interprétation en manière de paraphrase ; voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, pp. 115 et 120. Cuvier, Règne animal, tome II, p. 10, reconnaît une espèce de tortue d’eau douce sous le nom d’Émys. M. Claus, Zoologie descriptive, p. 935, fait aussi des Émydes un genre de tortues d’eau douce. — Le crapaud. Cette identification n’est pas très-certaine ; voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 120.
  270. . Du fiel. Le fiel est la bile des animaux, de même que la bile est le fiel de l’homme ; le grec n’a qu’un seul mot pour exprimer la bile et le fiel. Notre langue en a deux, peut-être sans grand avantage. — Une poche jointe au foie. C’est la vésicule biliaire ; voir l’Anatomie comparée de M. Gegenbaur, p. 759, trad. française. — Le cerf n’en a pas ; voir le Traité des Parties des Animaux, liv. IV, ch. II, où la plupart de ces observations sur la bile sont répétées. Il est constaté par la zoologie moderne que la vésicule biliaire manque tout à fait dans plusieurs ordres d’animaux, et notamment dans ceux que cite Aristote. — Quelques espèces de porcs. Cette restriction est nécessaire ; car tous les porcs ne sont pas privés de fiel ; mais il arrive souvent que la bête est si grasse que la vésicule disparaît dans la substance du foie ; voir la note de MM. Aubert et Wimmer, qui expliquent ainsi l’erreur où Aristote a pu tomber. Il aura vu quelques porcs qui n’avaient pas de fiel ; et il en a conclu que quelques espèces en étaient dépourvues. Il paraît au contraire que seul, parmi les Pachydermes, le porc a la vésicule biliaire. — Le nom d’Achaïnes. Voir plus loin, liv. IX, ch. VII, § 6, une autre observation sur cette même espèce de cerf dite Achalne. Ces cerfs et ces biches se trouvaient, à ce qu’on croit, en Crète, près d’une ville appelée Achala ; voir le Scholiaste sur les Argonautiques d’Apollonius de Rhodes, chant IV, vers 175. Ces animaux se nommaient aussi les Spathinées ; et ils avaient de très-grandes cornes. — Du fiel sous la queue. Le fait n’est pas absolument fabuleux, comme on pourrait le croire ; il y a une espèce de cerf, à tête couronnée, dont la queue sécrète un liquide assez semblable à de la bile ; voir la note de MM. Aubert et Wimmer. — Sa position extérieure. Presque toutes les éditions donnent Intérieure, au lieu d’Extérieure. J’ai adopté cette dernière leçon d’après MM. Aubert et Wimmer. Mais ainsi que ces auteurs le remarquent, ce passage n’en reste pas moins obscur.
  271. Dans la tête des vers vivants. Le fait ne paraît pas douteux ; et cette observation a été faite par plusieurs zoologistes modernes. — Asticots. Il n’est pas sûr que le mot grec désigne cette espèce de ver ; mais notre langue ne me semble pas offrir un meilleur synonyme.
  272. Ainsi qu’on vient de le dire. Cette référence pourrait bien indiquer que le paragraphe précédent n’est qu’une interpolation, ou que tout au moins, il ne devrait venir qu’après celui-ci. Le fait de vers dans la tête des cerfs interrompt la suite de la pensée, qui ne s’applique qu’au foie de ces animaux.
  273. Le foie de l’éléphant… En général, les pachydermes n’ont pas de vésicule biliaire. — Mais si on le coupe. Ceci prouve bien que les Anciens faisaient des expériences anatomiques, tout comme les Modernes. Je ne sais pas d’ailleurs si le fait allégué ici est bien constant ; les auteurs modernes n’en parlent pas.
  274. Le dauphin n’a pas de fiel. On ne voit pas que la zoologie moderne ait relevé ce détail. — Mais les oiseaux et les poissons en ont tous. Voir l’Anatomie comparée de M. Gegenbaur, pp. 758 et suiv. Il est certain que la vésicule biliaire manque rarement dans les oiseaux et dans les poissons. — Dans le foie. Ou « près du foie ». — Squales. Le mot dont se sert Aristote est, selon Cuvier, le nom générique des Squates (Galeus), Règne animal, tome II, p. 389. — Ou chiens de mer. J’ai ajouté cette paraphrase, pour me conformer à l’opinion de quelques traducteurs. — Le glanis. Voir plus haut, ch. IX, § 7. — La rhina. J’ai gardé le mot grec, comme l’a fait la zoologie moderne, qui a donné ce nom à une espèce de raie. MM. Aubert et Wimmer pensent qu’il s’agit de la Squatina. Voir leur Catalogue, p. 147 ; voir aussi Cuvier, Règne animal, tome II, p. 396. — La raie lisse, ou Leiobatos, en grec. Ce poisson paraît être un sélacien, comme le sont aussi les raies ; il est très difficile de l’identifier. Voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 147. — La torpille, id., ibid. C’est la Torpédo Galvanii. Ces espèces font toutes partie des raies. — L’aiguille, ou syngnathe. Voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 362. — La zygène, ou Marteau. Il y a une espèce de sélaciens qui porte le nom de Zygœna. Leur tête a une ressemblance grossière avec la forme d’un joug à bœufs ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 393. Voir sur tous ces poissons le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, pp. 121 et suiv. — Le callionyme. C’est la reproduction du mot grec. Ouranoscope est le nom que la zoologie moderne a donné à ce poisson, qui est en effet très remarquable par la particularité que signale Aristote et qui est très-exacte. Cuvier dit à peu près de même : « Une particularité notable de leur anatomie est l’extrême grandeur de leur vésicule du fiel, déjà bien connue des Anciens ». Les Anciens signifie, comme on le voit, Aristote. Règne animal, tome II, p. 154, Cuvier explique aussi, par la conformation de la tête de ce poisson, le nom d’Observateur du ciel (Ouranoscope), qu’on lui a donné. — Jointe au foie. Ou encore, « Dans le foie ». Voir Élien, liv. XIII, ch. IV.
  275. § 12. Le boniton, ou Bonite. C’est une espèce de thon, abondante dans la mer Noire et la Méditerranée. Cuvier, Règne optimal, tome II, p. 199. dit : « Ce poisson « est remarquable par l’extrême longueur de la vésicule du fiel qui était déjà connue d’Aristote. » Cuvier ajoute que l’Amia des Anciens est le Sarda ou Scombersarda, de l’ordre des Acanthoptérygiens. — L’ellops. On ne sait pas précisément ce que c’est que ce poisson. Un poisson du nom d’Èlops fait partie des acanthoptérygiens labroïdes ; Cuvier, Règne animal, tome II, p. 261. — La synagris. Voir plus haut, ch. IX, § 7. — La murène. La Muraena helena de la zoologie moderne ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 834, et Cuvier, Règne animal, Muranoldes, tome II, p. 239. — L’espadon. Le nom grec représente la même image ; Zoologie descriptive de Claus, p. 853, et Cuvier, Règne animal, tome II, p. 200. Le Xiphias est très-commun dans la Méditerranée. Voir plus haut, ch. IX, § 7.
  276. Les congres. Voir plus haut, ch. IX, §§ 7 et 9. — Le pigeon. Il paraît que c’est une erreur ; les pigeons n’ont pas de vésicule biliaire ; mais peut-être quelques espèces en Grèce faisaient-elles exception. — L’ægocéphale. Voir plus haut, § 5. Pour tous ces détails et pour tous les détails analogues, dans cet ouvrage et dans les autres ouvrages d’Aristote sur l’histoire naturelle, il est bon d’avoir sans cesse sous les yeux la grande Anatomie comparée de Cuvier, première et seconde éditions. Les faits y sont beaucoup plus nombreux ; mais ils sont souvent les mêmes ; et surtout, la méthode est identique, de part et d’autre. Seulement, le philosophé grec l’a découverte et fondée vingt siècles auparavant. Voir plus haut la Préface.
  277. Oiseau ou poisson. C’est une erreur, comme le remarquent MM. Aubert et Wimmer ; les amphibies et les poissons ont des reins, qui ne sont pas très-apparents, mais qui n’en existent pas moins. — La tortue de mer. Plus loin, liv. III, ch. II, § 4, et liv. V, ch. IV, § 6, Aristote rappelle que la tortue de mer a une vessie par exception. Il le rappelle encore dans le traité de la Génération des animaux, liv. I, § 25, p. 62, édition Aubert et Wimmer, et aussi dans le traité des Parties des animaux, p. 156, édit. Frantzius. La vessie des tortues de mer est relativement petite ; celle des tortues de terre est beaucoup plus grosse, toute proportion gardée. — Ressemblent à ceux du bœuf. La comparaison n’est peut-être exacte qu’en ce sens que les reins de la tortue sont déchiquetés, et que ceux du bœuf sont divisés aussi en plusieurs parties. — Le bonase. Voir plus haut, ch. II, § 5. Le Bonase est peut-être le Bison. MM. Aubert et Wimmer ont mis cette phrase entre crochets, pour indiquer qu’ils la regardent comme une interpolation. Je partage tout à faire leur opinion. Ces interpolations sont sans doute des annotations mises à la marge par quelques commentateurs ou lecteurs, et qui, de la marge, auront passé dans le texte. — Pareils à ceux du bœuf. Ceci s’appliquerait bien au bison.
  278. La position en est toute pareille. Ceci n’est pas tout à fait exact. — Plus haut. Voir liv. I, ch. XIV, § 2, où a été décrit le cœur dans l’homme, sa forme et sa position.
  279. . La pointe du cœur est dirigée vers le devant. Ceci est exact ; mais quand, un peu plus bas, Aristote ajoute que, dans les poissons, la pointe du cœur est tournée vers la tête et la bouche, il semble qu’il est dans l’erreur, et qu’au lieu de la pointe du cœur proprement dite, il s’agit de la crosse de l’aorte, qui est en effet dans le sens de la bouche ; mais c’est alors le sommet du cœur, ce n’est plus sa pointe. Il est vrai qu’en grec le même mot peut signifier à la fois Pointe et Sommet. Voir un passage tout pareil dans le Traité de la Respiration, ch. XVI, §§ 3 et 4, p. 394 de ma traduction. MM. Aubert et Wimmer, à l’aide de ce dernier passage, proposent une correction pour celui-ci. La conjecture est ingénieuse ; mais le changement ne m’a pas paru nécessaire. — Le sommet du cœur des poissons. Ici encore, le texte emploie le même mot qui plus haut exprime la Pointe, c’est-à-dire, le bas du cœur et non le sommet. — Il y a en outre d’autres canaux. Sur la circulation du sang dans les poissons, voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 122. — Il y a un canal très-épais. La description est trop vague, et l’on ne voit pas précisément quel est l’organe qu’Aristote a voulu désigner.
  280. Qui aient un œsophage. Par leur structure générale, les poissons n’ayant presque pas de cou, n’ont presque pas non plus d’œsophage ; mais l’estomac et les intestins varient chez eux autant que dans les autres classes, pour l’ampleur, la figure, l’épaisseur et les circonvolutions ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 127. Hollard, Éléments de zoologie, p. 328, dit positivement que, dans les poissons, il n’y a jamais de cou entre la tête et le tronc. Du reste tout ce passage, §§ 2, 3 et 4, sur le cœur des animaux en général et sur les poissons, peut bien paraître une interpolation ; il interrompt la suite des pensées, qui recommence au paragraphe suivant.
  281. Dans les animaux qui ont un foie. MM. Aubert et Wimmer proposent de retrancher ce membre de phrase. — Est à droite complètement. C’est le cas de beaucoup le plus général. — Dès son commencement. J’ai traduit exactement le texte grec ; mais le sens n’est pas très-clair ; cela veut dire sans doute que le foie est partagé d’un bout à l’autre ; et ce qui suit pourrait justifier cette interprétation. — Squales, ou chiens de mer ; voir plus haut, ch. II, § 11. — Bolbé. Petit lac de Macédoine entre Amphipolis et Thessalonique, qui se décharge par une petite rivière dans le golfe du Strymon ; voir l’Atlas de la Grèce par Kiepert. — La Sycine. On ne sait pas autrement ce qu’est cette contrée ; c’était là sans doute une dénomination toute locale. — Des deux parties. J’ai ajouté ces mots, qui me semblent nécessaires. — Comme pour le poumon dans les oiseaux. Ceci ne se comprend pas bien ; car un des premiers caractères anatomiques dans les oiseaux, c’est qu’ils n’ont pas les poumons divisés ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 301.
  282. La rate. Voir plus haut, liv. I, ch. XIV, § 10, où se trouvent déjà en partie les mêmes idées, qui reparaissent ici. — De la même manière. C’est-à-dire que dans tous les animaux qui ont des reins, l’un des deux reins est à gauche et l’autre à droite. D’ailleurs, cette petite phrase sur les reins est déplacée ici, et on pourrait la prendre pour une interpolation. Aussi, MM. Aubert et Wimmer l’ont-ils mise entre crochets, comme plusieurs autres éditeurs. — Que des monstruosités. Ceci répond à ce qui vient d’être dit quelques lignes plus haut : « Dans ses conditions naturelles ».
  283. La trachée-artère. On peut trouver que ces idées se suivent trop peu ; et l’auteur lui-même semble le sentir, puisqu’il rejette plus loin le développement de ce qu’il a à dire sur la trachée-artère. Voir plus loin, liv. III, ch. III, § 7. — Ainsi qu’on l’a vu. Voir plus haut, § 4. — L’estomac leur tombe dans la bouche. Le texte tel que le donnent tous les manuscrits ne peut avoir un autre sens ; mais ce sens, que j’ai dû adopter aussi, n’est guère satisfaisant. Le fait qu’indique ici Aristote n’a pas été observé par les zoologistes modernes ; mais il ne paraît pas absolument impossible. Aristote le répète plus loin, liv. VIII, ch. IV, § 5.
  284. Qui est posé de même dans tous. En ce sens que l’estomac est toujours au-dessous du diaphragme, l’œsophage allant du pharynx à l’estomac, pour y porter les aliments. — Qu’on appelle l’anus. Le mot grec ne répond pas du tout par son étymologie à l’idée qu’il doit exprimer ici.
  285. Dépourvus de dents à l’une des deux mâchoires. Ces quadrupèdes, qui forment le huitième ordre des mammifères, ont des incisives à la mâchoire inférieure, et n’ont à la mâchoire supérieure qu’une callosité ; voir plus haut, ch. III, § 12, et Cuvier, Règne animal, tome I, p. 254. — Quatre organes. Le texte dit Canaux ; et voilà comment j’ai pu mettre ce mot entre parenthèses, comme explication. Si d’ailleurs l’expression grecque n’est pas très-bonne, le sens ne peut faire le moindre doute, et la description des quatre estomacs des ruminants est exacte dans ses traits les plus généraux ; voir plus loin sur les ruminants, liv. IX, ch. III, VII, § 9. — Dans le grand estomac. C’est ce que la zoologie moderne appelle la Panse ; c’est en effet le plus grand et le premier des quatre estomacs.
  286. Inégale et ridée. C’est exact. — Tout près du débouché de l’œsophage. C’est qu’en effet les trois premiers estomacs sont disposés de façon que les aliments peuvent, à la volonté de l’animal, entrer dans l’un des trois, parce que l’œsophage aboutit au point de communication ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 255. — Le réseau. J’ai conservé l’équivalent du mot grec ; mais d’ordinaire ce second estomac s’appelle le Bonnet ; l’expression grecque paraît plus conforme aux faits, puisque ce second estomac a des lames semblables à des rayons d’abeilles, qui peuvent jusqu’à certain point figurer le réseau d’un filet. — À l’estomac, ou plus exactement, « au premier estomac ». — Le hérisson, ou Feuillet. — Il a des feuillets nombreux. Il semble que ceci s’appliquerait au troisième estomac mieux qu’au quatrième, dont les parois ne sont que ridées.
  287. Comme on vient de le décrire. Sans doute cette description est vraie ; mais dans cet acte si singulier de la rumination, Aristote a oublié une particularité fort importante, c’est que c’est après avoir subi une élaboration insuffisante que les aliments remontent du second estomac dans la bouche, où ils subissent une seconde déglutition. — Par le milieu ou par le côté. Il ne semble pas que la zoologie moderne ait fait ces distinctions, auxquelles elle n’aura pas attaché d’importance.
  288. Le lynx. Cette identification n’est pas du tout sûre, et l’on ne sait pas précisément quel animal est le Thôs des Grecs ; on a cru parfois que c’était le chacal. Voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 69. Peut-être eût-il mieux valu dans ma traduction reproduire simplement le mot grec. MM. Aubert et Wimmer supposent que cette petite phrase sur le Thôs n’est qu’une interpolation. — Chez tous… après lui, MM. Aubert et Wimmer, donnant à ce passage plus de généralité qu’il n’en a, veulent rejeter cette phrase à la fin du § 13 ; et de plus, contre l’avis de tous les manuscrits sauf un seul, ils voudraient retrancher le mot d’Unique, parce qu’ils pensent que ceci est contraire à ce qui vient d’être dit des Ruminants. Je ne crois pas que cette phrase ait autant de portée ; et par Tous, il faut comprendre Tous les animaux qui viennent d’être nommés : homme, porc, chien, ours, lion, loup, etc. Il n’est plus question des ruminants. Je pense qu’on peut conserver le texte tel qu’il est dans toutes les éditions, et comprendre que, sauf les ruminants, tous les animaux n’ont qu’un seul estomac. Voir le Traité des Parties des animaux, liv. III (II), ch. XIV, p. 168, édit. Frantzius, et aussi p. 170, où il est question de l’estomac des ruminants. Sur l’estomac du cochon, voir encore le même traité, III, XIV, p. 93, édit. de Langkavel. — Quelques feuillets lisses et unis. La zoologie moderne ne semble pas avoir attaché d’importance à l’estomac du cochon, et elle n’y a rien vu de particulier ; au contraire, Aristote prend l’estomac du cochon et celui du chien pour des types, auxquels il rapporte tous les autres ; voir le Traité des Parties des animaux, loc. cit. Et l’homme. Chez l’homme notamment, l’estomac est beaucoup plus large que le duodénum, l’intestin grêle, et même que le gros intestin.
  289. Celui du porc… celui du chien. La principale différence de l’estomac du porc et de l’estomac du chien, c’est que ce dernier n’a pas de cul-de-sac, et est assez allongé, tandis que l’autre est plus arrondi, qu’il a un grand cul-de-sac et plusieurs divisions ; voir la note de MM. Aubert et Wimmer. La zoologie moderne n’a pas accepté ces deux types du chien et du porc ; voir l’Anatomie comparée de M. Gegenbaur, p. 717, trad. française, et p. 749
  290. Des intestins. Les intestins viennent naturellement après l’estomac, comme l’estomac vient après l’œsophage. — Les intestins sont toujours plus grands. Cuvier, Règne animal, tome I, p. 256, dit : « Le canal intestinal des ruminants est fort long, mais peu boursouflé dans les gros intestins, » M. Claus, Zoologie descriptive, p. 1052, estime à 28 fois la longueur du corps celle du canal intestinal, chez la brebis. — Qui n’ont pas égalité de dents pour les deux mâchoires. Ce sont généralement les ruminants. — Sont tous les plus grands. Le fait en lui-même est exact ; mais il n’est peut-être pas la cause de la longueur des intestins, qui n’est pas proportionnée a leur taille. C’est sans doute le genre même de l’alimentation, qui exige cet immense développement de l’intestin. — N’est absolument petite. La zoologie moderne n’a pas recueilli cette observation. Du reste, Aristote a bien saisi ce rapport des intestins à la nourriture de l’animal, dans un autre traité : Des Parties des animaux, liv. III, ch. XIV, § 93, édit. Langkavel, et édition-traduction de M. Frantzius, p. 174.
  291. Des appendices, ou Excroissances. Aristote aurait pu s’expliquer plus complètement sur ce point. — Qui aient l’intestin tout droit. Ceci encore est obscur. Tous les mammifères, par exemple, ont de nombreuses circonvolutions de l’intestin, bien qu’ils en aient moins que les ruminants ; mais l’intestin ne vient pas directement après l’estomac, pas plus que l’estomac n’est la continuation directe de l’œsophage. — Des renflements. Il n’est pas sûr que ce soit le sens vrai du mot grec ; mais ce sens est fort obscur ; et personne jusqu’à présent ne l’a bien déterminé. MM. Aubert et Wimmer pensent que tout ce passage sur l’éléphant est corrompu ; mais les manuscrits n’offrent aucune ressource pour le corriger. — Faire croire à quatre estomacs. Mais en réalité l’estomac des éléphants est simple ; seulement, le canal intestinal a un caecum très développé ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 1059, trad. franc. — De ceux du porc. Voir plus haut, § 13. Je ne sais pas d’ailleurs si cette ressemblance signalée par Aristote est bien exacte. — Proportion gardée. Relativement à la grosseur de son corps.
  292. Les deux crocodiles. Voir plus loin, livre V, ch. XVII, § 5. Les deux crocodiles selon Aristote sont celui de terre et celui d’eau. La zoologie moderne ne paraît pas avoir sanctionné cette division ; tous les sauriens-crocodiles vivent dans l’eau et viennent à terre ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 17 et suiv. Voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 928, trad. franc. — Tous les animaux de ce genre. Nous dirions les Sauriens. — Celui du porc… celui du chien. Voir plus haut, § 13.
  293. Le genre serpent ressemble aux lézards. En effet, la ressemblance est frappante à plus d’un égard ; mais les différences sont assez grandes aussi pour que la Zoologie moderne, tout en classant les Sauriens parmi les reptiles avec les tortues et les serpents, les en ait distingués assez profondément. Les Sauriens viennent après les Chéloniens, et avant les Ophidiens et les Batraciens ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 30 et suiv. — Plus de longueur de corps…. les pieds. Ceci est peut-être par trop évident ; mais ce sont là précisément les différences qui séparent les lézards et les serpents. — Le serpent. L’expression est bien vague ; et il y a bien des espèces de serpents. — Les serpents n’ont pas de testicules. C’est une erreur ; seulement les testicules sont très-petits chez les serpents ; et il est assez difficile de les constater ; voir l’Anatomie comparée de M. Oegenbaur, pages 833 et 834, traduct. franc. — Et a deux parties. Dans les reptiles, la femelle a deux ovaires et deux oviductes ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 3.
  294. Sont les mêmes que ceux du lézard. C’est exagéré ; mais dans ces détails, on ne peut pas attendre une exactitude parfaite de la part des premiers observateurs. — À cause de la ressemblance des formes. Ajoutons : « Extérieures ».
  295. La trachée-artère est fort longue. Observation très-juste pour quelques espèces, sinon d’une manière générale ; les reptiles ont une trachée-artère très-longue et un larynx, sans que cette partie de leur organisation ait rien de particulier ; voir Cuvier Règne animal, tome II, p. 75. Mais chez les reptiles, la circulation du sang est très-spéciale ; et le cœur, placé fort en arrière, n’envoie qu’une faible portion du sang au poumon ; ce qui fait que les reptiles ont le sang froid. — Plus haute que la langue. L’observation est très-exacte, et elle est sanctionnée par la zoologie moderne. C’est un détail anatomique assez délicat. — Elle ne reste pas en place. Ceci n’est peut-être pas très-juste. La langue est mobile chez la plupart des animaux, sans l’être autant que chez les reptiles. — Leur langue est mince, longue… Ceci est surtout vrai des serpents venimeux, dont la langue est très-extensible ; Cuvier, Règne animal, tome II, p. 87. — Une particularité. Aristote revient sur l’organisation de la langue des serpents, Traité des Parties des animaux, livre II, ch. XVII, page 56, édit. Langkavel. Il s’en réfère en cet endroit à l’Histoire des animaux ; et il cherche à expliquer pourquoi la langue des serpents est bifurquée. — Aussi fines que des cheveux. C’est aussi l’expression dont Aristote se sert dans le passage qui vient d’être cité. — Dans le phoque. Cuvier, Règne animal, tome I, p. 167, dit en parlant de la langue des phoques : « Leur langue est lisse et échancrée au bout » ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 923.
  296. Le serpent. Comme plus haut, cette expression est trop générale, parce qu’il y a beau-coup d’espèces de serpents. Il s’agit de savoir de quelle espèce Aristote entend parler ici ; car dans la Orèce même, elles devaient être fort nombreuses. Sur l’organisation intérieure des serpents, voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 902, trad. franc. — L’intestin, qui est long, mince… Tout cela est exact, et c’est la conséquence de la forme allongée des Ophidiens : « Un « œsophage, très long, extensible, à parois minces, conduit à un estomac large, en forme de sac, suivi d’un intestin grêle, relativement court et peu sinueux. » M. Claus, id. ibid.
  297. Près du pharynx, est placé le cœur. Ceci ne contredit pas les données de la science actuelle, qui place le cœur très en arrière chez les reptiles. — Long et dans le genre d’un rein. Ceci est exact. Les mots grecs qui signifient Long et Petit sont presque identiques ; et ils sont très-souvent confondus par les manuscrits ; c’est ce qui arrive ici. Il faut donc se décider par les faits, et le fait est que le cœur des serpents est allongé, comme leur conformation générale. — Ensuite, vient le poumon, qui est simple. Les serpents ont deux poumons ; mais le poumon droit est en général beaucoup plus développé que le poumon gauche, qui est ordinairement très-petit. Les cellules sont très-peu nombreuses. Voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 3, et Zoologie descriptive de M. Claus, p. 902, trad. franc. — Sillonné d’un conduit fibreux. La zoologie moderne n’a rien consigné de pareil. D’ailleurs tous ces détails sur l’organisation intérieure des serpents prouvent qu’Aristote avait dû en disséquer un assez grand nombre.
  298. Ont les dents carnassières. Voir plus haut sur cette expression la note, ch. III, § 13. — Aussi nombreuses que les jours du mois. C’est surtout ici qu’il eût fallu dire de quelle espèce de serpents on veut parler. La plupart ont beaucoup plus de trente côtes ; ce qu’elles ont de plus remarquable, c’est qu’elles sont disposées avec la colonne vertébrale de manière à faciliter les mouvements latéraux ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 903. — Quelques personnes assurent. L’auteur ne fait donc que répéter un On dit ; il n’affirme pas l’exactitude du fait qu’il mentionne d’après les autres. — Leur queue, ainsi que celle des lézards. Il y a des espèces de lézards dont la queue casse très-aisément. MM. Aubert et Wimmer regardent tout ce passage comme apocryphe, parce qu’il interrompt, selon eux, la suite des pensées. Dans le Traité de la Génération des animaux livre IV, § 97, page 336, édit. Aubert et Wimmer, Aristote rapporte encore quelque chose d’analogue. « Si, dit-il, on crève les yeux des hirondelles, quand elles sont encore toutes jeunes, ils guérissent. » Il ne parle pas des serpents. Il paraît d’ailleurs que ce n’est que le cristallin qui repousse dans les hirondelles.
  299. La même que chez les serpents. Le texte n’est pas tout à fait aussi précis ; mais le sens ne peut faire de doute. Aristote veut assimiler l’organisation des poissons à celle qu’il vient de décrire ; et celle-là est l’organisation des serpents. Voir plus haut, § 20. — Tout à fait différente. J’ai adopté la leçon de MM. Aubert et Wimmer. D’autres manuscrits donnent une variante assez différente : « Quelques poissons ont l’estomac en forme d’intestin ». — Le Scare. Voir plus haut, ch. IX, §§ 7 et 19 ; voir aussi plus loin, livre VIII, ch. IV, § 2 et § 7, et l’article sur le Scare, dans le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 139. Athénée, livre VII, p. 319, cite Aristote sur le Scare. — L’intestin est simple…. unité. Tout ce passage semble obscur et incorrect à MM. Aubert et Wimmer, qui proposent, après d’autres éditeurs, diverses rectifications ; mais ces rectifications même ne les satisfont pas ; et le mieux encore est de laisser le texte tel qu’il est, en en signalant les défectuosités. Pour juger clairement ce qu’Aristote a voulu dire ici, il faudrait avoir sous les yeux quelques spécimens du poisson dont il parle ; voir le Traité des Parties des animaux, livre III, ch. Xcv, p. 93, édit. Langkavel.
  300. Des excroissances. C’est la traduction littérale du mot grec ; on pourrait dire encore Appendices ; voir un peu plus bas, § 30. Aristote revient longuement sur ces excroissances, et sur leur rôle dans la digestion des aliments, Traité des Parties des animaux, liv. III, ch. XIV, §§ 10 et suivants, p. 92, édit. Langkavel. LA zoologie moderne ne paraît pas attacher autant d’importance qu’Aristote à ces Appendices. Cuvier n’en parle guère dans ses généralités sur les poissons, Règne animal, tome II, p. 127. M. Claus, dans sa Zoologie descriptive, p. 795, parle des Appendices pyloriques des poissons ; mais sans s’y arrêter beaucoup. Au contraire, Aristote signale cette particularité comme essentielle. — Près de l’estomac. D’où leur vient le nom d’Appendices pyloriques. — Dans le goujon….. et le spare. Toutes ces identifications ne sont pas parfaitement sûres. Voir pour tous ces poissons le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, pp. 134 et suiv. Pour le premier de ces poissons, qui s’appelle en grec Côbios, on ne sait pas au juste ce qu’il est. — Le chien de mer. Même remarque. C’est d’ailleurs un sélacien, dont il est question sous ce nom. — La perche. Pour celui-ci, il n’y a pas de doute ; c’est la Perca fluviatilis de la zoologie actuelle. — Le scorpios est la Scorpœna scofra des côtes de la Méditerranée. — Le citharus. On n’a pu faire aucune identification. Athénée, liv. VII, p. 305, parle de ce poisson, et il cite Aristote. — Le surmulet. Cette identification paraît certaine. — Le spare. On croit que c’est le Sargus annularis, qui est fréquent dans la mer des Cyclades. — Le muge. Ici non plus, l’identification n’est pas certaine. Voir la longue note de MM. Aubert et Wimmer sur le Kestreus d’Aristote, Catalogue, p. 130. — L’hépatus et le glaucus. On ne peut que reproduire les deux noms grecs, parce que la synonymie est trop incertaine. Voir sur l’hépatus, Athénée, liv. VII, p. 301. — La dorade. Ici, au contraire, l’identification peut paraître très-sûre. Le mot grec signifie proprement « aux sourcils d’or » ; ce qui convient parfaitement à la dorade « qui a entre les yeux, comme le dit Cuvier, une bande brillante d’un beau jaune d’or, à reflets d’une feuille de clinquant » ; Anatomie comparée, tome VI, p. 83, 2e édition.
  301. Comme la plupart des sélaciens. Ces différences ne sont pas notées par la zoologie moderne ; Cuvier remarque seulement que « les sélaciens ont le canal intestinal proportionnellement court, et garni en partie intérieurement d’une lame spirale, qui prolonge le séjour des aliments »; Règne animal, t. II, p. 384 ; et Zoologie descriptive de M. Claus, p. 812. — Près de l’estomac. Répétition de ce qui vient d’être dit, au § précédent.
  302. Un jabot. C’est une première poche de l’œsophage, où les aliments sont ramollis, avant de passer plus loin. Cette poche est surtout développée chez les granivores. Le jabot peut être considéré comme la première partie de l’estomac des oiseaux ; le ventricule succenturié est la seconde ; et le gésier est la troisième ; voir Cuvier, Règne animal, tome 1er, p. 308 ; M. Claus, Zoologie descriptive, p. 930, et l’Anatomie comparée de M. Gegenbaur, p. 57. D’ailleurs, la description du jabot donnée par Aristote est fort exacte.
  303. L’estomac charnu et compact. Ceci s’applique surtout au ventricule succenturié, qui est en effet très-membraneux ; le gésier est plutôt musculeux. — N’ont pas de jabot. C’est-à-dire que la dilatation de l’œsophage ne se produit pas chez quelques oiseaux. — Ils ont un œsophage… Tous ces détails attestent des recherches anatomiques étendues et très-précises. — Le geai, le corbeau, la corneille. Sur ces trois oiseaux, voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, pp. 97, 98 et 99. — La caille. Il n’y a pas de doute pour cette synonymie. — La chouette. Même remarque. — L’ægocéphale. Voir plus haut, ch. II, § 5. — Le canard, l’oie, le goéland. Ces oiseaux sont également bien connus. — La catarrhacte. J’ai préféré garder le mot grec, parce que la synonymie n’est pas sûre. MM. Aubert et Wimmer croient qu’il s’agit du Podiceps auritus, oiseau qui se trouve encore sur les bords de la mer en Grèce, Catalogue, page 95. Le Podiceps est un oiseau plongeur, ou Brachyptère ; voir Cuvier. Règne animal, tome I, p. 515 ; et aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 966, trad. franc. — L’outarde. Voir Athénée, liv. IX, p. 390.
  304. La cresserelle. Ou Falco tinnunculus, ou peut-être aussi la Petite cresserelle, espèce de Faucon ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 322, et le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 95. Le mot grec varie, et c’est tantôt Kenchris et Kenchréls ; la première forme est préférable. — L’hirondelle et le moineau. Il ne paraît pas qu’ici l’observation d’Aristote soit très-exacte. Ces deux petits oiseaux n’ont pas l’estomac si long ni si grand. Voir la note de MM. Aubert et Wimmer. — Le flamant. La synonymie n’est pas certaine. Le nom grec est Porphyrion, et peut-être aurait-il fallu le garder. Voir Athénée, liv. IX, p. 388. L’observation d’Aristote est d’ailleurs fort exacte. La conformation des oiseaux qui ont de longs cous, empêche que le jabot et l’œsophage ne soient aussi larges que chez d’autres oiseaux. — Les excréments plus liquides. Le fait n’est qu’en partie vrai ; quelques espèces de ces oiseaux ont des excréments plus solides.
  305. La caille. Je ne sais pas si la zoologie moderne a constaté cette organisation particulière de la caille. Cuvier n’en parle pas, voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, tome I, p. 103. — Proportion gardée. Vu la petitesse de l’animal.
  306. Quand on le développe. Le sens du mot grec ne peut guère être que celui-là. Cette observation suppose des préparations anatomiques faites avec grande attention. — Ainsi qu’on l’a dit déjà. Voir plus haut, § 24. — Le hibou. J’ai mis à la suite : Corbeau de nuit, qui est la traduction littérale du nom grec. C’est l’espèce de hibou appelé Otus, à cause des faisceaux de plumes qu’il porte autour du conduit auditif. Voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 113 ; Zoologie descriptive de M. Claus, p. 1000 ; Cuvier, Règne animal, tome I, p. 340. Les oiseaux de proie nocturnes ont en général un gésier musculeux, précédé d’un grand jabot, et des cœcums longs et élargis à leur base. — Le localos. On ne sait « ce que c’est que cet animal, qui n’est nommé nulle part ailleurs qu’ici. MM. Aubert et Wimmer croient qu’on pourrait supprimer ce mot, qui ne leur semble qu’une variante, ou abréviation corrompue, du nom suivant. — L’ascalaphe. On ne sait pas non plus ce qu’est cet oiseau. Peut-être se confond-il avec l’ascalopas ; voir plus loin, liv. IX, ch. XIX, § 6. — Le moineau. L’observation paraît exacte pour cet oiseau très-commun.
  307. Il ne reste plus… Pour ce qui regarde les parties intérieures, et non pas pour terminer tout cet ouvrage. — Qui concourent à la génération. Aristote, comme on sait, a fait un traité spécial sur la génération ; cette fonction est d’une si haute importance, et elle est si essentielle, que les zoologistes ne sauraient y donner trop d’attention. Le traité spécial d’Aristote sur la génération est un monument qu’on ne saurait trop admirer, et où il a montré son génie dans toute sa puissance, son étendue et son exactitude ; voir l’édition et la traduction de MM. Aubert et Wimmer, Introduction, pp. 5 et suiv.; voir aussi l’édition et la traduction du Traité des Parties des animaux, par M. le docteur Frantzius, prêta ce, pp. 9 et suiv.
  308. Sont à l’intérieur. Observation très-simple : mais qui n’en est pas moins très-profonde. Voir le Traité de la Génération des animaux, liv. I, § 22, édit. et trad. Aubert et Wimmer. — Plus nombreuses. Que celles qu’offrent ces organes chez les femelles. — Ils sont intérieurs. C’est là une différence très-caractéristique. — Dans le bassin. Le mot de Bassin est peut-être encore la traduction la plus fidèle du mot grec ; le bassin signifie ici toute la portion du tronc comprise, par derrière, entre le haut des fesses et la partie du dos correspondante au diaphragme, à la hauteur des reins. — Dans le ventre. Cette indication est trop vague.
  309. Comme le sont les testicules. Par exemple, chez l’homme et chez quelques quadrupèdes — Urinent en avant… en arrière. La zoologie moderne ne paraît pas avoir tenu beaucoup de compte de cette différence, qui est pourtant considérable ; voir l’Anatomie comparée de M. Gegenbaur, p. 822, Organes urinaires des vertébrés.
  310. Pas une seule espèce de poissons n’a de testicules. C’est une erreur. Les poissons ont au contraire des testicules très-gros, qui se présentent sous forme de glandes appelées Laites. Le mâle en général passe sur les œufs qu’a pondus la femelle ; et il y répand sa laite ; Cuvier, Règne animal, tome II, p. 127. Il ne faut pas d’ailleurs s’étonner de l’erreur commise par Aristote : les organes génitaux mâles et femelles chez les poissons se ressemblent à tel point qu’il faut les ouvrir pour savoir si ce sont des ovaires ou des testicules. Les marques extérieures, distinctives du sexe, font le plus souvent défaut. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 800, trad. franc. — Les animaux qui ont des branchies. C’est-à-dire, les poissons. — Tout le genre serpent. Il serait plus exact de dire Reptile. Les serpents ont des testicules, contrairement à ce que croit Aristote ; ces testicules sont ordinairement fixés à la colonne vertébrale par un repli du mésentère ; voir l’Anatomie comparée de M. Gegenbaur, p. 833, trad. franc. Ils occupent une position correspondante à celle des ovaires ; voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 896, trad. franc. — Les oiseaux ont bien des testicules. En général, les testicules des oiseaux se rapprochent de ceux des serpents ; ils sont situés sur la face antérieure des reins ; Zoologie descriptive de M. Claus, p. 954. — Le hérisson. Voir le Traité de la Génération des animaux, liv. III § 22, p. 60, édit. et trad. Aubert et Wimmer.
  311. Comme le dauphin. Voir le Traité de la Génération des animaux, liv. 1, § 7, p. 46. édit. et trad. Aubert et Wimmer, où les détails consignés ici se trouvent plus développés. Il y est dit pour le dauphin que les testicules « sont à l’extrémité du ventre » ; et Aristote renvoie dans ce passage à son Histoire des animaux, où il prétend avoir traité ces détails « plus exactement ». — Nous venons de dire. Dans les paragraphes qui précèdent. — À la partie postérieure du ventre. A partir de la partie la plus rapprochée de l’anus, et en allant vers la tête. — Dans les porcs. La zoologie moderne ne paraît pas avoir recueilli cette observation.
  312. Ainsi qu’on vient de le voir. Plus haut, § 4. — Quand on les presse. C’est là l’expérience qui de nos jours a donné lieu à une industrie nouvelle, appelée la Pisciculture. C’est en pressant la laite des mâles qu’on féconde artificiellement le frai des femelles. — De la semence de couleur blanche. Qu’on appelle aussi la Laite.
  313. C’est par l’anatomie. Il faut toujours remarquer ces recommandations et ces méthodes de la science antique ; la science contemporaine ne pourrait faire mieux. — Un peu plus loin. Voir plus loin, liv. V, ch. IV, sur l’accouplement des poissons.
  314. Dans le bassin, au-dessous du diaphragme. Cuvier, Règne animal, tome I, p. 309, dit en parlant des oiseaux d’une manière générale : « Les testicules sont situés à l’intérieur au-dessus des reins, et près du poumon » M. Claus, Zoologie descriptive, p. 954, trad. française dit à peu près la même chose : « Les deux testicules, ovales, arrondis, très-gonflés à l’époque de la reproduction, sont situés sur la face antérieure des reins ». — Du point de sortie de l’excrétion. Il ne s’agit pas ici de l’expulsion des excréments en général, mais de l’excrétion particulière de la liqueur séminale : ce sens est confirmé par ce qui suit. — La verge. En général, il n’y a pas de verge chez les oiseaux : « Dans la plupart des genres, dit Cuvier, loc. cit., l’accouplement se fait par la seule juxtaposition des anus » ; et M. Claus dit aussi. Zoologie descriptive, p. 934 : « En général, il n’existe pas traces d’organe d’accouplement ». On trouve facilement chez quelques grands oiseaux un petit mamelon qui représente l’ébauche d’un pénis ; cet organe est plus volumineux et mieux organise chez la plupart des struthionides, canards, oies, cygnes, hoccos, etc. id. ibid. — Quand l’accouplement va se faire. Et avant que l’accouplement ne se fasse. C’est un orgasme qui tombe très-vite.
  315. Au-dessous du ventre et des intestins, entre la grande veine. MM. Aubert et Wimmer trouvent avec raison que cette leçon, qui ne s’accorde pas avec les faits, est très-peu satisfaisante : ils proposent une correction qui matériellement est fort légère, et qui consisterait à dire : « au-dessous du ventre, dans l’intervalle des intestins et de la grande veine ». La description devient alors parfaitement exacte. — Les conduits sont fort apparents… parfois imperceptibles. Tout ceci atteste beaucoup d’observations anatomiques et physiologiques.
  316. Dans les oiseaux. Il semble que ce paragraphe ne fait que répéter ce qui vient d’être dit, puisque le précédent traite déjà des oiseaux comparés aux poissons. — Dans les perdrix. Buffon, tome XX, p. 289, remarque qu’Aristote n’a pu guère connaître que les perdrix rouges, les seules qui fussent communes en Grèce.
  317. Intérieurs. C’est la leçon proposée et adoptée par MM. Aubert et Wimmer, au lieu de la leçon ordinaire, qui n’a pas un sens aussi satisfaisant. Il est indispensable qu’il soit ici question de testicules intérieurs, par opposition aux testicules extérieurs, qui sont enveloppés tous les deux dans la peau des bourses.
  318. De l’aorte. Il s’agit de l’aorte abdominale, d’où partent, à la hauteur du milieu des reins, les deux petites artères spermatiques qui se dirigent à chacun des testicules ; c’est ce qu’Aristote appelle ici des conduits veineux. — Deux autres qui partent des reins. Ce sont les deux uretères, dont le calibre est beaucoup plus gros que celui des artères spermatiques ; mais les uretères vont à la vessie ; et non pas au testicule. — Ceux-là sont pleins de sang. Les uretères ne sont pleins que de l’urine, qu’ils conduisent du bassinet à la vessie. — Ceux qui partent de l’aorte n’en ont pas. Il semble que ce serait tout le contraire. — Un conduit, à la fois plus épais et plus nerveux. Ce ne peut être que le conduit déférent et le cordon spermatique ; mais ni l’un ni l’autre ne tapissent le fond du testicule, comme l’auteur semble le croire. — Dans chacun des deux. MM. Aubert et Wimmer croient devoir changer le texte pour le mettre plus en harmonie avec les faits, et ils disent : « A l’extrémité du testicule » ; j’ai cru devoir conserver la leçon ordinaire. — Se réunissent en un seul. Il s’agit sans doute des deux canaux déférents, qui, partant de chacun des testicules, forment le canal éjaculateur, en se réunissant avec le conduit, de la vésicule séminale.
  319. Sont entourés d’une même membrane. Il s’agit sans doute des cordons et des vaisseaux spermatiques. — Quand on ne divise pas cette membrane. Ceci prouve jusqu’à quel point Aristote poussait déjà l’exactitude des préparations anatomiques. — Une liqueur, qui est sanguinolente. Il est difficile de voir à quel fait Aristote peut rapporter ceci ; il semble en outre se contredire, puisque, dans le paragraphe précédent, il assure que les canaux allant de l’aorte aux testicules n’ont pas de sang. — La liqueur est de couleur… C’est exact.
  320. De la vessie, part un autre conduit. Ce ne peut être que le canal de l’urètre, qui, du col de la vessie, s’étend jusqu’à l’extrémité de la verge, à l’orifice du méat urinaire. Sa longueur peut aller jusqu’à 16 et 17 centimètres. — L’enveloppe de ce canal. Cette expression n’est pas tout à fait exacte. La verge recouvre le canal de l’urètre, plutôt qu’elle ne l’enveloppe.
  321. Sur le dessin ci-joint. Voir plus loin, § 22. Ceci mérite la plus grande attention, quelle que soit d’ailleurs l’exactitude plus ou moins complète de la figure que traçait Aristote. Mais ce qui est à admirer profondément, c’est qu’à l’anatomie déjà poussée fort loin par lui, il ait pensé à joindre des dessins explicatifs, pour ceux qui ne pouvaient avoir sous les yeux les préparations anatomiques. MM. Aubert et Wimmer ont donné, pour éclaircir ce passage, la figure indiquée par Aristote, en y mettant les lettres mêmes dont il se sert. On peut voir cette figure, p. 306, tome I, de leur excellent travail ; je ne crois pas devoir la reproduire à mon tour ; elle ne peut rien apprendre aux zoologistes modernes, et il me suffira d’avoir signalé la méthode d’Aristote, que les nôtres ne surpassent point. L’anatomie a fait sans doute de grands progrès, ainsi que la représentation graphique ; mais c’est le philosophe grec qui a pris l’initiative de ces observations et de ces reproductions : tout le reste n’a été que perfectionnements, et imitations de plus en plus développées et correctes.
  322. Quand on coupe… Suite d’observations aussi curieuses que les précédentes. — Les conduits se contractent. Ceci peut s’entendre des canaux déférents tout seuls ; mais dans l’ablation des testicules, il y a une foule d’autres vaisseaux rétractiles qui sont atteints en même temps : artères, veines, etc. La rétraction est générale, jusqu’à ce que la cicatrice soit complète. MM. Aubert et Wimmer regardent tout ce paragraphe comme apocryphe ; et ils pensent que ces remarques, mises d’abord à la marge, auront ensuite passé dans le texte. Ce n’est pas impossible ; mais ce n’est là qu’une conjecture. Sur la castration, voir plus loin, liv. IX, ch. XXXVI, § 6. — Un taureau qui venait d’être coupé. Le même fait est rapporté dans le Traité de la Génération des animaux, liv. I, ch. IV, § 11, p. 48, édit. et trad. Aubert et Wimmer. — Voilà quelle est l’organisation des testicules. Résumé sur les parties génitales des mâles. Tout le reste du chapitre sera consacré aux parties génitales des femelles.
  323. Qui ont des matrices. C’est qu’en effet tous les animaux n’en ont pas. — Dans les vivipares. Des uns par rapport aux autres, et en outre des vivipares, aux ovipares, qui n’offrent pas moins de différences entre eux. — Près des articulations. Le texte grec ne peut pas avoir un autre sens, et les manuscrits n’offrent pas de variantes. Ceci doit s’entendre des articulations postérieures du corps, et par exemple des articulations des cuisses, dans l’homme et dans les quadrupèdes ; mais on aurait pu choisir une expression plus précise. MM. Ailbert et Wimmer ont traduit comme s’il y avait « Des parties honteuses », au lieu de : « Des articulations ». La même expression est encore employée par Aristote, pour rendre la même idée, dans le Traité de la Génération des animaux, liv. I, ch. III, § 8, p. 46, édit. Aubert et Wimmer. Dans ce passage, il oppose les Articulations au Diaphragme ; et dès lors, il semble qu’on pourrait traduire les Articulations par les Membres, c’est-à-dire, les deux jambes. — Les matrices ont deux bords. Le mot de Matrice, que je suis obligé d’employer, n’est pas accepté par la zoologie moderne pour représenter l’ensemble des organes génitaux du sexe femelle. On distingue dans cet ensemble plusieurs parties qui semblent ici presque tout à fait confondues : les ovaires, les trompes de Fallope, l’utérus, le vagin, et la vulve. Aristote ne distingue guère, autant qu’on peut voir, que le dehors, Vulve et Vagin, et le dedans, l’Utérus. — Le point de départ est unique. Ceci ne se comprend pas bien ; et peut-être, au lieu de Point de départ, faudrait-il traduire Principe, le mot grec ayant les deux sens. — Matrice et utérus. Il paraît bien qu’ici le mot de Matrice représente la partie la plus extérieure, tandis que l’Utérus représente la partie la plus profonde. J’ai pris le mot d’Utérus pour justifier l’emploi du mot Frères utérins. Schneider croit que ceci est une interpolation. — La tige et l’orifice de la matrice. La science moderne a de tout autres distinctions ; l’utérus est proprement l’organe destiné à recevoir l’œuf fécondé et à conserver le fœtus ; sa structure est très-compliquée. La Vulve est la partie la plus externe, qui comprend elle-même beaucoup de parties subsidiaires. Au début, il était impossible de faire toutes ces distinctions, qui, même dans l’état actuel de la science, ne sont pas toutes définitives.
  324. En bas du diaphragme. Ou au-dessous du diaphragme. C’est une indication bien vague. Le fait est vrai d’ailleurs dans cette généralité, comme le prouvent les exemples qui suivent. — Ce qu’on appelle leurs petites cornes. Ce ne peut être que les trompes utérines, ou trompes de Fallope, et le pavillon de ces trompes, qui présente en effet beaucoup de flexuosités. — Une spirale qui s’enroule. J’ai développé un peu l’expression, pour rendre toute la force du mot grec. — Qui pondent des œufs au dehors. Ce sont à proprement parler les ovipares. — Près du diaphragme. Ou « sur le diaphragme ». — Placées au-dessous. Il paraît que ce détail sur les poissons n’est pas très-exact, parce que leurs œufs sont répandus dans presque toute la longueur de l’intestin. — Des matrices. J’ai cru devoir ajouter ces mots. — Comme du sable. Par exemple, chez les harengs, où les œufs sont en effet comme des grains de sable très-fin. — On peut les diviser… séparés. Le texte n’est pas tout à fait aussi précis.
  325. La matrice des oiseaux. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 955. — La partie qui touche au diaphragme. On voit, par cette phrase, dans quel sens large Aristote prend le mot de Matrice, puisqu’il la fait remonter de l’extrémité du canal intestinal jusqu’au diaphragme. Ce n’est plus la matrice proprement dite, mais l’ovaire. — Dans les grands oiseaux… dans les petits oiseaux. Ce sont là des observations très-attentives et très-remarquables. — Sont moins visibles. Ainsi, dès le temps d’Aristote, on essayait de pousser ces analyses aussi loin qu’on le pouvait, sans le secours de microscope.
  326. La tige. On pourrait dire aussi, Canal. — Est unique. C’est-à-dire que cette tige est ronde et n’est pas séparée en deux parties, droite et gauche, comme dans les quadrupèdes vivipares. — Près du diaphragme. Ou « sur le diaphragme ».
  327. Les galéïdes. Je n’ai fait que transcrire le mot Grec, que la zoologie moderne a conservé aussi, pour une certaine famille de squales. J’ai mis entre parenthèses « chiens de mer », parce que c’est également le nom qu’on donne quelquefois à ces poissons. — Sélaciens. Voir plus haut, livre I, ch. IV, § 1 et ch. IX, § 5. — On sait qu’on donne… vivipare. MM. Aubert et Wimmer regardent cette phrase comme une interpolation. Cette conjecture n’est pas absolument nécessaire, et il est bien possible qu’Aristote lui-même ait voulu rappeler une définition des Sélaciens, poissons qui devaient être peu connus de son temps, et qui du nôtre ne sont pas encore connus très-généralement. J’ai conservé la leçon ordinaire. La définition d’ailleurs est exacte. — La matrice est composée… des œufs. Tout ce passage offre d’assez grandes difficultés, surtout à cause de la répétition qu’il contient. Schneider et Piccolos ont essayé de le restituer avec plus ou moins de succès ; mais je me suis borné à suivre la leçon dont se sont contentés MM. Aubert et Wimmer. Il ne semble pas que la science moderne ait appliqué une attention particulière à ces détails de l’organisation des Sélaciens. Cuvier dit seulement, Règne animal, tome I, p. 384, que « les femelles ont des « oviductes très-bien organisés, qui tiennent lieu de matrice, à ceux dont les petits éclosent dans le corps ». Voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 815, qui expose les particularités très-importantes des phénomènes de la reproduction chez les Sélaciens. — Sortent tout vivants des œufs. Observation très-exacte, que la science moderne a recueillie et confirmée.
  328. Sur les figures tracées d’après l’anatomie. Voir plus haut, § 15, et la note qui est jointe au texte. Ces procédés de la science antique remontent aujourd’hui à plus de 2200 ans. Ceci doit nous donner à penser, et nous inspirer quelque modestie.
  329. Le genre des serpents. Peut-être serait-il plus exact de dire : « des Reptiles. » D’ailleurs les variétés sont très-nombreuses, comme le remarque Cuvier après Aristote ; Règne animal, tome II, p. 4. — Les uns par rapport aux autres. La zoologie distingue actuellement quatre ordres de reptiles : les Chéloniens, les Sauriens, qui ont des pieds, les Ophidiens, qui n’en ont jamais, et les Batraciens. Mais il est probable qu’ici Aristote veut surtout parler des Ophidiens, ou serpents proprement dits. — À l’exception de la vipère. La vipère, comme son nom l’indique est bien vivipare (Vivipara, Vipara) ; mais elle n’est pas la seule à l’être ; et il y a des espèces de couleuvres qu’on peut rendre vivipares à volonté, en les soumettant à un certain régime. Voir Cuvier, loc. cit., et aussi, p. 87. Ainsi l’on ne peut pas dire d’une manière absolue que toutes les espèces de serpents sont ovipares. Ce qui distingue très-spécialement les Ophidiens, c’est de n’avoir jamais de pieds, tandis que les autres ordres de reptiles en ont quatre, ou deux. En général, les espèces venimeuses font des petits vivants, parce que leurs œufs éclosent avant d’avoir été pondus ; Cuvier, Règne animât, tome II, p. 87. — Beaucoup de celle des sélaciens. La science moderne rapproche à cet égard les serpents des oiseaux, bien plutôt que des sélaciens ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 896, trad. franc. — La matrice des serpents… On ne trouve ces détails dans aucun ouvrage moderne. — Sortent ensemble tout d’un coup. J’ai cru devoir développer un peu le texte, qui n’a qu’un seul mot ; ce mot exprime une idée de continuité et de simultanéité. Tous les œufs se tiennent en quelque sorte. En général, les femelles pondent un petit nombre d’œufs, qu’elles enfouissent dans la terre humide ; et elles ne paraissent plus s’occuper de ce qu’ils deviennent ; Zoologie descriptive de M. Claus, p. 897. Cuvier remarque qu’aucun reptile ne couve ses œufs, Règne animal, tome II, p. 3.
  330. Soit dans leur intérieur, soit au dehors. Cette distinction n’est pas aussi claire qu’on pourrait le croire ; et la science moderne ne paraît pas en avoir tenu autant de compte que la science antique. Aristote veut dire sans doute que, pour certains vivipares, les petits sont déjà vivants dans le sein de la mère avant d’en sortir, et que, pour certains autres, les petits, d’abord conçus dans des œufs intérieurs, ne sont vivants que quand ils sortent. C’est ce qui est expliqué un peu plus bas. D’ailleurs, Schneider regarde tout ce paragraphe comme apocryphe ; et MM. Aubert et Wimmer partagent son opinion. Il semble en effet qu’il contient bien des erreurs. — En haut du ventre. Ceci n’est pas exact, et c’est, au contraire, au bas du ventre que la matrice est placée chez ces vivipares, à moins que, par le Haut du ventre, on ne comprenne la partie Antérieure, opposée aux Lombes dans les ovipares, — Une partie de la matrice… en bas… au haut… Il faut appliquer ici les remarques qui viennent d’être faites sur le début du paragraphe. Le Haut est ce que nous appellerions le Bas ; et réciproquement, le Bas est le Haut pour nous. Ce peut être là un argument de plus pour croire que tout ce paragraphe est interpolé.
  331. Et qui n’ont pas de dents aux deux mâchoires. Ce sont les ruminants, en général. — Des cotylédons. Voir plus loin, liv. VII, ch. VII, §§ 3 et 5 ; voir aussi Traité de la Génération des animaux, liv. II, ch. Vu, §§ 114 et suiv. p. 194, édit. Aubert et Wimmer. Dans ce dernier passage, Aristote donne d’assez longs détails sur les Cotylédons, et il explique ce qu’il entend par là. Évidemment, les Cotylédons sont le Placenta, corps spongieux qui, pendant la gestation, est intermédiaire entre la mère et l’enfant. — Le rat. Schneider proposait de dire le Porc, et non le Rat, par un simple changement d’une seule lettre, tome III, p. 123 et tome IV, p. 321. — La matrice est toute unie. Et n’a pas de cotylédons. Sur le Placenta et son rôle, voir Buffon, tome XI, p. 270, Développement du fœtus.
  332. Telle est donc dans tous les animaux. Résumé non seulement de ce chapitre, mais de tout ce qui précède, à partir du début de ce traité. Il faut se rappeler qu’au liv. I, ch. I et suiv., l’auteur a distingué, dans l’organisation des animaux, les parties non similaires et les parties similaires. Il a étudié d’abord les premières ; il va maintenant étudier les autres avec autant de soin. Voir plus haut, liv. I, ch. 1er, § 9.
  333. La veine. J’ai conservé le singulier, que porte le texte ; mais on pourrait traduire aussi par le pluriel : « Les veines ». Il est bien connu d’ailleurs qu’au temps d’Aristote, on n’avait point encore constaté la distinction des artères et des veines. C’est là une observation qu’il ne faudra jamais perdre de vue, dans tout ce qui va suivre. — La lymphe et les fibres. Notre langue ne m’a pas offert d’équivalents meilleurs. Aristote s’arrêtera du reste très-peu à étudier les fibres et la lymphe. Voir plus haut, liv. I, ch. III, § 2, la définition qu’il en donne. — La chair. Voir plus haut, liv. I, ch. 1er, §§ 7 et suiv. — Les os… les arêtes… la graisse… le phlegme. Voir ici. ibid., §§ 8 et suiv. — La bile, jaune ou noire. MM. Aubert et Wimmer font remarquer qu’ici Aristote n’énumère pas le lait et la liqueur spermatique, dont il sera parlé plus loin assez longuement, tandis qu’il ne sera plus question de la bile jaune ou noire ; ils pencheraient donc à croire que la fin de cette phrase est encore une interpolation.
  334. Le principe de tout le reste. C’est en effet le sang qui, en se portant dans tous les organes, les nourrit, et qui, par là, entretient la vie. — Quelques-uns de ceux… Aristote ne cite que trois de ces auteurs, et il est singulier qu’il oublie Hippocrate, qui cependant s’était beaucoup occupé des veines et du sang. Il est vrai qu’Hippocrate n’avait pas fait une théorie générale sur la répartition des veines dans le corps, comme les trois auteurs dont Aristote va discuter les opinions.
  335. Sont difficiles à observer. Ce sens me semble le plus correct ; mais on a parfois compris ce passage un peu différemment, « … Tient à ce qu’ils ont mal observé ». Ce qui suit est plus conforme au sens que j’ai adopté. — Dans les animaux morts. Par opposition aux animaux vivants, dont il sera parlé un peu plus bas. — Et il en sort toujours en totalité. Ceci pourrait s’appliquer surtout aux animaux immolés dans les sacrifices. — Si ce n’est le cœur. A proprement dire, le cœur n’a pas plus de sang que le reste des organes ; mais le véritable rôle du cœur n’a été connu que beaucoup plus tard, bien que, dès le temps d’Aristote, on comprit très-bien l’importance supérieure de cet organe. — Est dans les veines. Nous ajouterions : « Et dans les artères ». Mais au point où en était la science grecque, les veines et les artères étaient confondues pour elle. — Sur les animaux vivants. La suite prouve qu’il ne s’agit pas des animaux en général, mais surtout de l’homme, le seul animal chez qui la transparence de la peau permet de suivre aisément la disposition des veines. — Et disséqués. Peut-être le mot du texte a-t-il un sens un peu plus général ; mais comme Aristote a beaucoup disséqué, ainsi que le prouvent cent passages de ses œuvres d’histoire naturelle, l’expression que j’emploie ici n’a rien d’improbable. — Sur des hommes très-maigres. Chez qui, par conséquent, tout le système veineux était plus apparent.
  336. Syennésis, médecin de Chypre. Syennésis n’est connu que par ce passage d’Aristote. Son système est de beaucoup le plus incomplet de tous. Voir sur lui, sur Diogène et sur Polybe, l’Hippocrate de Littré, tome IX, p. 163. A quelle époque au juste vivait Syennésis, c’est ce qu’il est impossible de savoir. Comme Aristote le nomme avant Diogène d’Apollonie, on pourrait croire que Syennésis est antérieur à ce dernier ; ce qui le reporterait au VIe siècle avant notre ère. — Les grosses veines. Il est probable que ceci désigne les plus grosses artères. — Elles partent de l’œil. On ne voit pas ce qui a pu donner prétexte à une telle théorie ; les faits ne s’y prêtent en rien. Il est probable néanmoins que ces erreurs, toutes manifestes qu’elles sont, reposaient sur quelques observations anatomiques. Au lieu de : « De l’œil près du sourcil », plusieurs manuscrits ont : « Du nombril vers les lombes ». La première leçon est préférable. MM. Aubert et Wimmer ont celle-là dans leur texte ; et la seconde, qui est certainement moins bonne, s’est glissée dans leur traduction. Il paraît probable que Syennésis commençait par les carotides, qui sont au cou, et dont les ramifications s’étendent à la tête, pour descendre ensuite aux poumons et de là au foie, aux reins, à la rate et au testicule. Mais cette description est de pure fantaisie ; et la réalité n’y répond en quoi que ce soit. Aussi Aristote s’y arrête-t-il le moins possible. Tout ce morceau de Syennésis se retrouve reproduit dans le Traité hippocratique de la Nature des Os, voir Littré, Hippocrate, tome IX, p. 175, qui est surtout consacré à l’étude des veines.
  337. Diogène d’Apollonie. C’est le philosophe bien connu ; Aristote en a parlé plusieurs fois ; et il semble l’avoir tenu en assez grande estime. Peut-être l’histoire de la philosophie n’a-t-elle pas suffisamment apprécié ses travaux de zoologie. C’est un honneur pour la philosophie d’avoir créé la science de l’histoire naturelle. — Par le ventre, le long de l’épine du dos. La description n’est pas très-exacte, et l’épine dorsale n’a plus rien à faire ici, du moment que l’on considère ces deux gros vaisseaux à l’origine de leur bifurcation ; mais par ce qui suit, on voit évidemment qu’il s’agit des artères iliaques primitives, qui se séparent de l’aorte descendante. — Dans chaque jambe. Ce sont les artères fémorales, tibiales et pédieuses. — En haut… Ce sont les carotides. — En traversant la gorge. Elles partent en effet de la crosse de l’aorte, pour se diriger par le cou vers la tête. — De ces deux grandes veines. Il est clair qu’ici les artères et les veines sont confondues, et que Diogène ne distingue pas entre les vaisseaux qui partent du cœur et ceux qui s’y rendent ; mais il est certain que tout le système vasculaire du corps humain a pour origine ces deux ordres de vaisseaux. — Partant de la grosse veine… C’est en partie la répétition de ce qui vient d’être dit. — Se rendent au cœur. Comme on vient de le dire, les unes se rendent en effet au cœur ; mais les autres en partent. — En longeant l’épine dorsale. L’aorte et la veine-cave longent toutes deux la colonne vertébrale.
  338. D’autres, placées un peu plus haut. Ce sont les troncs brachio-céphaliques, les artères brachiales, la veine-cave supérieure, les sous-clavières, les veines du bras, etc. — À celle des mains qui est de son côté. C’est assez exact, sauf qu’il n’est pas fait distinction entre les deux systèmes, artériel et veineux. — La splénique… l’hépatique. Ceci serait tout à fait inexact, si on le prenait au pied de la lettre ; et il serait assez difficile de voir ce qui a pu donner naissance à ces erreurs. Les vaisseaux du foie (hépatique) sont l’artère hépatique, la veine-porte, les vaisseaux lymphatiques, et les canaux biliaires. Les vaisseaux de la rate (splénique) sont l’artère splénique, la veine splénique, et les vaisseaux lymphatiques. Diogène parle comme si, à la rate et au foie, il n’y avait qu’un vaisseau, unique, artère ou veine ; mais l’artère ou la veine dont il parle (hépatique ou splénique) ne concerne pas directement la rate ou le foie. Ce sont toujours des vaisseaux des bras, dont l’un est à droite comme le foie, et l’autre à gauche comme la rate. — Les extrémités de chacune se divisent. Les mêmes confusions se poursuivent. — L’une allant au grand doigt. Ce sont les artères et les veines brachiales, qui se ramifient dans les doigts et les mains. Les expressions dont se sert ici le texte, peuvent s’appliquer également aux mains et aux pieds. Peut-être par le grand doigt, faut-il entendre le gros orteil aussi bien que le pouce de la main ; et par le Poignet, le Tarse aussi bien que le Carpe. Mais la fin du § indique qu’il s’agit plutôt de la main, et il est surtout question des pieds dans le § qui suit.
  339. D’autres rameaux plus ténus… Cette généralité est vraie, puisque les artères et les veines se ramifient à l’infini. — De la veine droite dans le foie. Les artères rénales viennent à angle droit des parties latérales de l’aorte. — De la veine gauche dans la rate. Il est exact que la rate est à gauche sous l’hypocondre ; mais les deux reins ne sont ni à droite ni à gauche, puisque l’un des deux est à gauche et l’autre à droite, recevant l’un et l’autre les ramifications de l’aorte. — Celles qui vont aux jambes. Ceci est en partie la répétition de ce qui vient d’être dit ; mais c’est d’ailleurs assez exact, quoique les artères iliaques primitives et les veines iliaques primitives se divisent, non pas vers l’attache des cuisses, mais pas mal plus haut, un peu au-dessous des reins. — Derrière la cuisse. Les artères postérieures de la cuisse et de la jambe sont en effet plus fortes que les artères antérieures. — Vont par le genou dans la jambe et dans le pied. Ces détails sont exacts dans leur ensemble. — (Ou cou-de-pied). J’ai ajouté cette sorte de paraphrase ; et l’auteur a bien soin de dire que c’est le tarse « du pied ». — (Ou orteils). J’ai ajouté également ces mots.
  340. Celles qui se rendent dans la tête par la gorge. Ce sont évidemment les carotides primitives, internes et externes, avec toutes leurs ramifications, s’étendant à toutes les parties de la tête. — Il se ramifie un grand nombre de veines. C’est vrai ; mais c’est bien général. — Aboutissent à l’oreille. Il s’agit des artères auriculaires postérieures, qui se divisent chacune en plusieurs branches. Par Droite et Gauche, il ne faut pas entendre ici la droite et la gauche de la tête, mais la direction des artères et des veines, se dirigeant de droite à gauche, ou de gauche à droite.
  341. Dans chaque côté du cou. Il y a de chaque côté du cou une carotide. Les carotides sont accompagnées d’une foule de veines, qui se ramifient en tous sens ; mais il n’y a pas de veines qui le suivent plus spécialement dans leur trajet, à moins que ce ne soit la veine jugulaire, externe et interne. — La plupart des veines qui descendent de la tête. Ce serait plutôt celles qui montent dans la tête. — Viennent s’y réunir. Ce serait alors des veines qui rapporteraient le sang de la tête au cou ; mais on ne voit pas bien de quelles veines il est question dans ce passage. C’est peut-être la veine temporale superficielle. — Qui passent sous l’omoplate. Ce sont le tronc brachio-céphalique, l’artère brachiale, qui se ramifie jusqu’à la main ; ce sont aussi les veines des mains, les veines sous-clavières et toutes celles qui aboutissent à la veine-cave supérieure, pour aller jusqu’au cœur. — Splénique… hépatique. Voir un peu plus haut, § 6. — Et qu’on ouvre. C’est de la thérapeutique et de la médecine ; ce n’est plus de l’histoire naturelle et de l’anatomie. Le texte est un peu plus précis, et il dit exactement : « ceux qui soignent » les malades, c’est-à-dire, les médecins. Il ne paraît pas qu’Hippocrate ait recommandé ces sortes de saignées ; voir l’édition et la traduction de M. E. Littré, Table alphabétique, article SAIGNEE. Il semble d’ailleurs, d’après ce passage, que la splénique et l’hépatique de Diogène d’Apollonie sont bien des veines et non pas des artères, puisqu’on peut les ouvrir pour tirer du sang dans les maladies.
  342. Se rendent sous les mamelles. C’est sans doute l’artère mammaire, l’artère axillaire, et numérale. Cette dernière s’étend, de la partie inférieure de l’aisselle, au niveau du grand pectoral. — Dans les testicules, en passant par la moelle épinière. Ceci ne peut s’entendre que de l’aorte et de la veine-cave inférieure, avec toutes leurs ramifications. — D’autres encore, placées sous la peau. Il n’y a rien là de particulier pour ces vaisseaux, puisque tous les vaisseaux du corps sont nécessairement placés sous la peau ; mais sans doute Diogène veut dire que ceux-là sont plus profonds que les autres. — Aux reins. Ce sont les artères rénales, qui vont directement de l’aorte à chaque rein. — Aboutissent aux testicules. Ce sont évidemment les uretères, qui, partant des reins, aboutissent à l’appareil génito-urinaire dans les deux sexes, et conduisent l’urine du bassinet à la vessie. — On leur donne le nom de veines spermatiques. MM. Aubert et Wimmer pensent avec raison que ce petit membre de phrase serait mieux placé après : « A la matrice chez les femmes ».
  343. . Le sang le plus épais. C’est peut-être du sang artériel que Diogène d’Apollonie entend parler.
  344. Syennésis et Diogène. Aristote réunit ici ces deux zoologistes ; mais il n’est pas possible de les confondre à aucun degré. Le système de Syennésis est à peu près informe. Celui de Diogène, quoique rempli encore d’erreurs et d’obscurités, est cependant très-supérieur. Il atteste des observations étendues, si ce n’est fort exactes ; et c’est un effort puissant pour chercher à pénétrer la vérité. — Polybe. C’est sûrement le gendre d’Hippocrate ; voir l’édition et la traduction de M. E. Littré, tome LX p. 346 et tome IX, p. 420 ; voir aussi dans ce même volume, p. 163, l’opinion de M. E. Littré sur les trois anatomistes que nomme Aristote.
  345. Quatre paires de veines. Il est évident que ce système tient beaucoup moins de compte de la réalité que celui de Diogène, bien qu’il lui soit postérieur en date ; les observations ont été moins attentives, et Polybe y a mis plus d’imagination qu’il ne faut, et beaucoup plus que son prédécesseur. — Une première paire. D’après cette expression de Paire, on peut supposer que Polybe avait entrevu la distinction des artères et des veines, les unes accompagnant toujours les autres, sans se confondre avec elles. Mais on ne comprend pas à quoi peut se rapporter cette première paire, descendant du derrière de la tête jusque dans les jambes. Il y a de nombreux vaisseaux qui suivent ce trajet ; mais deux vaisseaux latéraux, et en quelque sorte parallèles l’un à l’autre, n’existent pas. On en peut dire autant des trois paires suivantes, qui ne répondent pas davantage à des réalités. — On se fait saigner aux jarrets. Ceci semble indiquer le médecin.
  346. 4. — Appelées jugulaires. Ce sont sans doute les carotides et les veines jugulaires ; mais ces vaisseaux ne sont pas appareillés entre eux, comme Polybe le suppose. — C’est là encore ce qui fait. Voir la note sur le paragraphe précédent ; c’est encore probablement le médecin qui parle.
  347. La troisième paire de veines. Cette troisième paire n’est pas plus réelle que les deux premières ; mais puisqu’elle se dirige dans le poumon, il est à croire qu’il s’agit, en partie du moins, des artères bronchiques et de la veine-cave supérieure. — Toutes les deux aboutissent également à l’anus. Il n’y a rien dans la réalité qui corresponde à cette description.
  348. Enfin, les quatrièmes. Cette quatrième paire n’est pas plus réelle que les trois précédentes. MM. Aubert et Wimmer conjecturent que Polybe aura étudié la distribution des vaisseaux, dans le corps humain, sur des personnes maigres, bien plutôt que sur des dissections. Cette hypothèse est vraisemblable ; et ceci mettrait Polybe au-dessous de Diogène d’Apollonie, qui a certainement fait des observations anatomiques. MM. Aubert et Wimmer ont, à la fin de leur second volume, donné trois dessins, pour faire mieux comprendre au lecteur les systèmes de Diogène, de Polybe et d’Aristote. — Au membre honteux. C’est la traduction littérale de l’expression grecque ; je l’ai conservée, parce qu’elle peut s’appliquer également aux deux sexes. Ce morceau de Polybe est reproduit textuellement dans le Traité hippocratique de la Nature des os ; voir Littré, édit. et trad. d’Hippocrate, tome IX, p. 174. Dans ce dernier texte, le morceau de Polybe est plus long et plus complet. Polybe avait fait un ouvrage sur la Nature de l’homme, d’où ce morceau est sans doute extrait. Voir Littré, ibid., tome I, p. 346.
  349. Que d’autres ont émises. Les citations qui précèdent sont un témoignage de plus contre l’injustice de Bacon, accusant Aristote d’avoir étouffé la gloire de ses devanciers, au profit de la sienne. Sans Aristote, qu’aurions-nous su des théories de Syennésis, de Diogène d’Apollonie et de Polybe ? D’ailleurs, sa propre théorie est tellement supérieure aux leurs qu’il n’a rien à craindre de la comparaison ; mais elle n’était peut-être pas aussi neuve qu’il semble le croire. Elle est déjà dans le Timée de Platon ; voir la traduction de M. Cousin, p. 198. Aristote a oublié de nommer son maître. — Qui étudient la nature. On peut comprendre qu’il s’agit spécialement des philosophes Ioniens ; mais on peut croire aussi que la remarque est générale. — De la tête et du cerveau. Aristote est bien plus dans le vrai, en faisant partir tous les vaisseaux du cœur. — Plus haut. Voir plus haut, ch. II, § 3. — Qu’on étouffe. Probablement, c’était le procédé d’études qu’adoptait Aristote, afin de retrouver le sang des animaux dans les veines, et pour qu’il ne s’en écoulât pas tout entier, « comme d’un vase qui se vide ». Voir plus haut, ch. II, § 3.
  350. Précisément la nature des veines. Sans doute, le système d’Aristote n’est pas non plus la vérité, et il est encore bien loin de la découverte de la circulation du sang, réservée au XVIIe siècle de notre ère. Mais ce système, tout erroné qu’il est, est néanmoins infiniment supérieur aux précédents ; et en faisant partir tous les vaisseaux du cœur, il est beaucoup plus réel qu’aucun d’eux. C’est une justice que MM. Aubert et Wimmer rendent aussi au zoologiste grec. Voir M. E. Littré, Hippocrate, tome I, p. 220. — Deux veines près du rachis. Il est clair qu’il s’agit de l’aorte et de la veine-cave, supérieure et inférieure, quoique la distinction des veines et des artères ne fût pas alors connue. — La plus grosse des deux est en avant. C’est l’aorte, qui est en effet devant la veine-cave. — On rappelle parfois l’aorte. Il paraît donc que ce n’était pas encore une expression généralement reçue, du temps d’Aristote. Voir aussi le Timée de Platon, trad. de M. Cousin, p. 213. — En partant du cœur. Aujourd’hui même, on ne peut faire partir que du cœur la série entière des vaisseaux sanguins, artères qui en partent, ou veines qui y retournent.
  351. Ce qui le prouve. La démonstration peut être regardée comme fort solide ; la continuité des veines ou des artères ne s’interrompt pas, dans un sens ou dans l’autre. — En être une partie. Ceci est moins correct ; et la constitution du cœur n’a aucun rapport avec celle des vaisseaux sanguins. — Surtout de la veine qui est en avant. C’est de l’aorte qu’il s’agit, et qui en effet est la plus grosse. — Au-dessus et au-dessous. C’est exact. — Et qu’au milieu c’est le cœur. Ce n’est pas précisément le milieu ; mais dans la circulation entière, le cœur est le centre où tout aboutit, et d’où part tout le courant.
  352. Des cavités internes. Ceci est encore exact dans cette généralité. Seulement, Aristote ne distingue que trois de ces cavités, tandis qu’il convient d’en distinguer quatre : les deux oreillettes et les deux ventricules. — On distingue aisément les trois. On voit qu’Aristote avait disséqué le cœur avec beaucoup de soin ; et il est étonnant qu’il n’y ait distingué que trois cavités, au lieu de quatre. Du reste, il avait bien fait d’essayer ses observations les plus complètes sur les plus grands animaux.
  353. Un peu plus haut. Voir livre I, ch. XIV, § 1. — La plus grande est à droite. C’est l’oreillette droite du cœur. — Tout à fait en haut du cœur. C’est bien la position de l’oreillette gauche, aussi bien que celle de la droite. — La plus petite est à gauche. C’est sans doute l’oreillette gauche, qui est en effet plus petite que l’oreillette droite. — Les deux réunies. MM. Aubert et Wimmer proposent une petite variante, qui ne change que très-peu le sens, mais qui n’a rien de nécessaire.
  354. Toutes les trois s’ouvrent dans le poumon. On sait que c’est une erreur. Les cavités du cœur ne communiquent pas avec le poumon. En sortant du ventricule droit, le sang passe par l’artère pulmonaire ; et se partageant ensuite en deux colonnes, il pénètre à droite et à gauche dans les deux poumons, où il est mis en contact avec l’air pour redevenir sang artériel ; il est ramené par les quatre veines pulmonaires dans l’oreillette gauche, qui le transmet au ventricule ; et le ventricule le chasse dans l’aorte. Il n’est donc pas exact de dire que le cœur communique avec le poumon ; mais il est vrai que des vaisseaux, partant du cœur, se rendent aux poumons ; et voilà comment Aristote peut être en partie justifié. — La petitesse des conduits. Tous les vaisseaux dont on vient de parler sont au contraire assez gros. — Pour une seule. C’est peut-être l’aorte, ou peut-être aussi l’artère pulmonaire. — La grande veine. C’est sans doute la veine-cave supérieure. Mais loin de partir du cœur, elle y aboutit. Il est vrai qu’à première vue, ces deux directions peuvent se confondre, et qu’à moins de connaître la vraie circulation du sang, on ne voit que les attaches des vaisseaux sans savoir, au juste, dans quel sens ils vont. — Elle redevient veine. C’est la leçon adoptée par Camus et par MM. Aubert et Wimmer, et que justifie ce qui suit. D’ailleurs, la description n’est pas exacte, comme on peut le voir ; et il n’y a pas de vaisseau qui traverse le cœur. — Une sorte d’étang, J’ai conservé, autant que je l’ai pu, la force de l’expression grecque ; on aurait pu traduire aussi : Où le « sang est stagnant ». — L’aorte part de la cavité moyenne. En réalité, l’aorte part du ventricule gauche ; après s’être infléchie, elle se place près de la colonne vertébrale, la suit dans son cours jusqu’à l’abdomen, où elle se divise en deux branches, qui vont dans les jambes. — De la même manière. Que la grande veine, ou veine-cave supérieure. — Avec le cœur. J’ai ajouté ces mots, dont le sens me semble implicitement compris dans l’expression du texte. — La veine traverse le cœur. Ceci n’est pas exact ; Aristote a pris les cavités des oreillettes et des ventricules pour la continuation de la veine-cave. — Dans l’aorte, à partir du cœur. Ceci ne se comprend pas bien ; et tous les efforts qu’on a faits pour améliorer ce passage ont été inutiles. J’ai suivi le texte donné par MM. Aubert et Wimmer ; mais eux-mêmes ne l’ont pas suivi dans leur traduction, où il est dit que « c’est l’aorte seule « qui part du cœur ». Il est bien difficile de savoir précisément ce qu’Aristote a voulu dire. — De plus, la grande veine… MM. Aubert et Wimmer remarquent avec raison que cette observation consignée par Aristote, sur l’épaisseur diverse des vaisseaux sanguins est un grand pas de fait pour la distinction des artères et des veines. Les parois des artères sont formées de trois tuniques les unes sur les autres, avec des vaisseaux et des nerfs qui leur sont propres. Les veines ont quatre tuniques, dont la dernière externe est tout à fait semblable à la tunique externe des artères. La tunique interne est également pareille à celle des artères. Cette ressemblance du tissu des artères et du tissu des veines peut servir à expliquer et à excuser bien des erreurs. — Nerveuse, ou Musculeuse ; car en grec c’est le même mot. A mesure que les vaisseaux sanguins, artères ou veines, sont plus éloignés du cœur, leurs ramifications deviennent de plus en plus ténues ; et en ce sens, l’observation d’Aristote est fort exacte.
  355. Une portion de la grande veine. MM. Aubert et Wimmer pensent qu’il s’agit de la veine pulmonaire ; c’est peut-être plutôt, comme nous disons en France, l’artère pulmonaire, qui charrie le sang noir du ventricule droit aux deux poumons ; elle se porte du ventricule en haut et à gauche ; et après avoir croisé l’aorte, elle se divise en deux troncs, droit et gauche, qui vont aux poumons et s’y ramifient à l’infini. — Et au point de rencontre de l’aorte. L’artère pulmonaire embrasse l’aorte ; et c’est là sans doute ce qu’Aristote aura observé. — Qui ne se divise pas et qui est très-grosse. Il est vrai que d’abord l’artère pulmonaire ne se divise pas et qu’elle est fort grosse, quoique l’étant moins que l’aorte ; mais, après un court trajet de 35 à 40 millimètres, elle se divise pour aller aux deux poumons. — Il sort deux rameaux. Il semble que ceci contredit ce qui précède sur la grande veine « qui ne se divise pas ». — Et l’autre au rachis et à la dernière vertèbre du cou. Il n’est pas nécessaire d’insister sur les erreurs évidentes qui sont commises ici. — Au rachis. Ce ne peut être que la veine-cave. — À la dernière vertèbre du cou. C’est la carotide double, à droite et à gauche. — Elle se rend à chacune des bronches. Ici encore l’erreur est manifeste. La grande veine, comme Aristote l’appelle, ne se rend pas des poumons aux bronches. Le vaisseau qui se rend au poumon, en passant près des bronches, c’est l’artère pulmonaire, qui se ramifie et se perd dans le poumon. Puis, les veines du poumon ramènent le sang à l’oreillette gauche. Mais encore une fois, l’anatomie de toutes ces parties est si délicate et si obscure qu’il n’y a pas à s’étonner qu’on n’ait pas, du premier coup, pu constater les faits. — A chaque orifice. On ne voit pas clairement ce dont il s’agit ; ce sont peut-être les cellules de chaque poumon. — Une seule portion… C’est une description assez exacte de l’intérieur du poumon, tapissé partout d’artérioles et de veinules.
  356. On ne peut plus voir. Il a été constaté par les anatomistes modernes que les derniers canalicules du poumon ont de 1 à 3 dixièmes de millimètre, en diamètre. On comprend comment en présence de cette extrême ténuité, les premiers observateurs ont dû renoncer à pouvoir distinguer les choses ; mais, comme le dit Aristote d’une manière générale, toute l’étendue du poumon est pleine de sang. Il ne savait pas sans doute le pourquoi ; mais c’était déjà beaucoup d’avoir reconnu le fait.
  357. De la grande veine. Le texte dit simplement : « De la veine ». Il ne semble pas que la grande veine, la veine-cave, ait rien à faire ici. La trachée-artère vient du larynx, et se divise sous la crosse de l’aorte en deux branches, l’une sous l’aorte qui va au poumon droit, l’autre devant l’aorte qui va au poumon gauche. Ces divisions de l’aorte sont les Bronches ; l’anatomie moderne leur a conservé le nom grec. — La veine qui se ramifie à la vertèbre du col. Il est difficile de savoir s’il s’agit des artères carotides et des sous-clavières, droites et gauches ; mais, « Cette veine qui revient de nouveau à la colonne dorsale » ne peut guère être que l’aorte ou l’œsophage, qui suivent en effet le rachis pendant un certain trajet. — L’artère, qui des reins monte au col. Homère ne se flattait pas sans doute d’être exact en anatomie ; mais il portait son génie dans ces détails, aussi bien que dans tout le reste. Cette artère dont il parle ne peut être que l’aorte, qui se ramifie aux deux reins, qui se prolonge presque jusqu’au cou en remontant, de même qu’elle descend fort au-dessous des reins, jusqu’aux iliaques primitives. Le vers de l’Iliade se trouve chant XIII, V. 547 ; c’est Antiloque qui frappe Thoon. — De cette veine, partent des veinules. Ce sont sans doute les artères intercostales, allant en effet de l’aorte aux côtes, à droite et à gauche. — À la vertèbre qui est au-dessus des reins. Il s’agit peut-être des artères diaphragmatiques, qui se ramifient à peu près à cette hauteur, un peu au-dessus des reins, du tronc cœliaque et de l’artère mésentérique supérieure.
  358. Partant de la grande veine. Il serait plus régulier de dire : Partant de l’aorte ; mais dans cette complication infinie de vaisseaux de tout genre, qu’a accumulés la nature, il n’y a pas à s’étonner que les premières observations aient été insuffisantes. Il faut au contraire admirer ce qu’Aristote avait déjà pu faire.
  359. De la veine qui part du cœur. Est-ce de l’aorte, avec ses ramifications supérieures, qu’Aristote entend parler ? Ou bien, est-ce de la veine-cave supérieure, qui ne part pas du cœur, mais qui s’y rend par l’oreillette droite ? C’est ce qu’il est difficile de savoir. — La veine entière se divise. Ce sont sans doute les artères naissant de la crosse de l’aorte, tronc branchio-céphalique, artères carotides, artères brachiales. — Dans les bras. C’est précisément l’artère brachiale, ou peut-être aussi les veines brachiales, qui, des doigts et des mains, reviennent, par les épaules et le haut du tronc, au cœur par la veine-cave supérieure. — Les jugulaires. Dans l’anatomie actuelle, les veines jugulaires sont au nombre de trois, Externe, Antérieure et Interne ; elles sont situées à la partie latérale et inférieure du cou, et à sa partie antérieure, avec des branches collatérales, et recevant le sang de l’intérieur du crâne, de la face et du cou. MM. Aubert et Wimmer pensent qu’il s’agit de la veine-cave, se divisant dans les deux veines innomées. — Elles suivent l’artère du poumon. Ce ne peut être que la carotide de l’un et de l’autre côté, ou peut-être la trachée-artère. — Quand elles sont comprimées du dehors. C’est la strangulation ; mais c’est surtout la compression des carotides, et non pas celle des jugulaires, qui amène la syncope, et, par suite, la mort.
  360. Et en enveloppant la trachée-artère, ou plus exactement peut-être : « En laissant la trachée-artère entre elles. » — Ces veines se rendent aux oreilles. Ce sont les carotides, qui, de la crosse de l’aorte, montent jusqu’aux oreilles, et, de là, jusqu’à la tête. — Ce point. On ne saurait dire bien précisément quel est ce point. — Quatre autres veines. Ceci n’est pas exact ; il y a beaucoup plus de quatre veines dans ces régions ; et il n’y en a pas quatre qui se distinguent de toutes les autres. — Descend par le cou et l’épaule. Ce sont, ou les carotides, ou les jugulaires. — La première ramification de la grande veine. C’est, ou l’artère, ou la veine brachiale. — Vers le pli du bras. On ne voit pas bien pourquoi on a désigné plus particulièrement ici cette partie du bras. — Aux mains et aux doigts. A partir de l’artère humérale, une foule d’artères plus ou moins grosses se répartissent dans le bras, l’avant-bras, la main et les doigts ; artère collatérale interne, artère radiale, artère radio-palmaire, artères collatérales des doigts, etc., etc. — Se rend au cerveau. Ce sont les ramifications des carotides primitives, jusqu’aux branches terminales de la temporale, au sommet de la tête. Puis, comme Aristote parle un peu plus bas des méninges, il s’agit aussi des artères et des veines qui pénètrent dans la masse encéphalique. — La méninge. C’est le nom collectif donné aux trois membranes qui enveloppent tout l’appareil cérébro-spinal, ou encéphalo-rachidien, la dure-mère, l’arachnoïde et la pie-mère.
  361. N’a point de sang. C’est exact dans une certaine mesure ; mais il est inexact que pas une veine, petite ou grande, ne se rende dans le cerveau. Ce qui est vrai, c’est que les vaisseaux sanguins ne pénètrent pas profondément dans la substance de l’encéphale, ni dans ses lobes ; mais le cerveau a ses artères et ses veines très-nombreuses : artères carotide interne, cérébrale antérieure, choroïdienne, vertébrale, spinale, tronc basilaire, cérébelleuse, etc., etc. ; veines, sinus de la dure-mère, grande veine cérébrale interne, veine du corps strié, choroïdienne, cérébrale latérale et inférieure, ophtalmique, méningée, etc., etc. — Entourent circulairement la tête… aux organes des sens. Tous ces détails sont assez exacts. — Excessivement déliés. Et c’est là ce qui fait qu’il est très-difficile de faire toutes ces préparations anatomiques.
  362. Appelée l’aorte. L’aorte est la plus grosse des artères ; elle est accompagnée de la veine-cave supérieure et inférieure. La veine-cave supérieure réunit en un seul tronc toutes les veines de la tête et des membres supérieurs ; elle arrive à l’oreillette droite du cœur et correspond à la partie supérieure de l’aorte thoracique ; la veine-cave inférieure suit également l’aorte, jusqu’à ce qu’elle se sépare comme elle, et à la même hauteur, en veines iliaques primitives. La concomitance décrite par Aristote est donc exacte ; mais les ramifications de l’aorte ne sont pas beaucoup moins nombreuses que celle de la veine-cave, ainsi qu’il le dit. — En beaucoup plus petit nombre. Ou « beaucoup plus petits »; ce qui n’est pas plus conforme aux faits, selon un sens ou selon l’autre.
  363. Au-dessus du cœur. Dans ce qui précède, il a bien été question quelquefois des vaisseaux qui sont au-dessous du cœur ; mais en général, il a été surtout parlé de ceux qui sont dans la partie supérieure du corps. Aristote prend le cœur pour point de séparation ; l’anatomie moderne a pris avec plus de raison le diaphragme comme limite, et elle distingue les veines sus-diaphragmatiques et les veines sous-diaphragmatiques : les unes se réunissant en la veine cave-supérieure ; les autres, en la veine cave inférieure. C’est de celle-là qu’il sera surtout traité dans la suite de ce chapitre. — Directement. Le mot du texte est assez équivoque ; et on pourrait le traduire aussi bien par « librement », comme le font MM. Aubert et Wimmer ; ou comme je l’ai fait avec Camus. — Elle se rattache à l’aorte et au rachis. Ceci n’est pas très-exact ; et les veines du rachis forment tout un système particulier, qui n’a pas de rapport à l’aorte ni à la veine-cave. — Il en part. Le texte ne dit pas plus clairement si c’est de l’aorte, ou du rachis, qu’il s’agit. Évidemment « cette veine courte et large « qui traverse le foie », est l’artère hépatique du tronc cœliaque, naissant de l’aorte abdominale. Elle se jette dans le foie, au niveau du sillon transverse. Seulement son calibre n’est peut-être pas aussi gros que le suppose Aristote ; et il semble assez petit par rapport au volume du foie. — De la veine qui traverse le foie. On ne voit pas bien à quel vaisseau ceci peut se rapporter. — Sortent deux rameaux. Ceci est encore moins exact ; et il y a dans ce passage beaucoup de confusion et d’erreur. — Aboutit au diaphragme. Les seuls vaisseaux qui traversent le diaphragme sont ici l’aorte, la veine-cave inférieure et l’œsophage. Peut-être s’agit-il aussi de la veine-porte qui se divise en deux branches, pour se distribuer dans le foie ; mais elle n’a pas de rameau qui remonte par l’aisselle dans le bras. Les vaisseaux qui vont dans les bras sont les artères du tronc brachio-céphalique, et les artères brachiales, avec toutes les veines des bras, qui viennent se rejoindre à la veine-cave supérieure. Mais tous ces vaisseaux sont dans le bras gauche aussi bien que dans le bras droit. — Les médecins. Voir Hippocrate, édit. Littré, tome II, p. 400, du Régime dans les maladies aiguës, Appendice. Pour certaines douleurs de foie, Hippocrate ordonne la saignée.
  364. Se rend à la rate. Ce détail encore est inexact. De la grande veine ou veine-cave inférieure, il ne vient pas de vaisseau à la rate ; mais elle reçoit une grosse artère, la splénique ; la veine splénique aussi est considérable. L’artère splénique est la plus volumineuse des branches du tronc cœliaque ; quant à la veine splénique, qui est très-grosse, elle correspond à l’artère splénique ; elle part de la rate, et elle contribue, avec la veine mésentérique, inférieure et supérieure, à former la veine-porte ventrale, qui se divise aux deux lobes du foie. — Se rend en montant dans le bras gauche. Aristote confond ici bien des choses, et cela se conçoit de reste, à une époque qui ne pouvait rien savoir encore de la distinction des artères et des veines. — Est bien celle qui traverse le foie. Détail anatomique inexact.
  365. Partant de la grande veine. On ne voit pas bien à quels vaisseaux peut se rapporter cette description. S’il s’agit du tronc cœliaque et de ses divisions, on ne peut pas dire que les artères qui le composent « partent de la grande veine ». Elles partent plutôt de l’artère mésentérique supérieure, et même de l’aorte abdominale. — L’une à l’épiploon. C’est sans doute l’artère gastro-épiploïque, gauche et droite. — L’autre, à ce qu’on appelle le Pancréas. C’est l’artère pancréatico-duodénale, et aussi l’artère splénique. Par la forme de langage que prend ici Aristote, il semble que, de son temps, le mot de Pancréas était assez nouveau ; l’anatomie moderne l’a conservé. Le Pancréas est une grosse glande, analogue aux glandes salivaires. C’est une sorte de grappe aplatie, couchée transversalement sur la colonne vertébrale ; il est divisé en deux portions. Il est placé horizontalement, entre l’extrémité pylorique de l’estomac et le duodénum. On ne sait pas bien encore quelles sont ses fonctions. Le nom de Pancréas paraît d’ailleurs assez mal choisi, quand on regarde quelle en est l’étymologie. — Qui traversent le mésentère. Le mésentère proprement dit est un très-fort repli du péritoine, en avant de la colonne vertébrale. Il y a plusieurs espèces de mésentères, qui vont des parois abdominales aux organes, pour y porter des vaisseaux et des nerfs. Les épiploons, autres replis du péritoine, vont d’un organe à un autre ; on en distingue plusieurs, comme pour les mésentères. — À une grosse veine. C’est sans doute la veine cave inférieure. — Beaucoup d’autres veines. C’est une indication bien vague ; et l’anatomie moderne a poussé l’analyse beaucoup plus loin.
  366. Jusqu’aux reins. C’est-à-dire, jusqu’à la hauteur des reins. En effet, à cette hauteur du tronc, les artères rénales se séparent de l’aorte, pour se diriger à droite et à gauche dans chacun des reins ; mais c’est un peu plus bas que l’aorte se divise en artères iliaques primitives, l’une pour la jambe droite, l’autre pour la jambe gauche. — Sous forme de Lambda. Ceci est surtout applicable à l’aorte, dont les divisions iliaques primitives représentent assez bien la figure de la lettre grecque. — La grosse veine est un peu plus en arrière. Ceci est très-exact. — L’aorte se soude… L’expression grecque a cette force. D’ailleurs, ce qu’Aristote dit ici de l’aorte est d’une exactitude étonnante. Ainsi l’aorte, en sortant du cœur, où son origine est le ventricule gauche, est rapprochée de la partie antérieure de la poitrine ; puis après s’être infléchie en crosse, elle se place le long de la colonne vertébrale, et elle en suit les courbures. A sa crosse, elle a un calibre beaucoup plus fort que dans le reste de son étendue. Ce calibre reste à peu près le même dans toute la partie thoracique ; mais une fois qu’elle a traversé le diaphragme, elle fournit des branches très-volumineuses, et ses dimensions se réduisent de plus en plus jusqu’à sa partie inférieure. Aristote a vu tout cela avec une précision extraordinaire ; et l’on doit penser que ses préparations anatomiques étaient faites avec autant de soin que les nôtres, si ce n’est avec autant de résultats. — D’être un nerf. Ceci est une erreur en ce sens que l’aorte et ses ramifications les plus ténues restent toujours des vaisseaux.
  367. Qui vont au mésentère. Ce sont les artères mésentériques, supérieure et inférieure, un peu au-dessous du tronc cœliaque et du pancréas. — Il n’y a pas de veine. Ceci semble en contradiction avec ce qui a été dit plus haut, §§ 1, 2 et 3. Ceci d’ailleurs peut être jusqu’à certain point conforme aux faits ; ce n’est pas de l’aorte directement que partent les artères hépatique et splénique ; c’est du tronc cœliaque, l’une allant à droite au foie, en passant sous l’extrémité pylorique de l’estomac ; l’autre, allant à gauche jusqu’à la rate, où elle se ramifie, en se détachant de l’artère épiploo-gastrique gauche. Voir aussi le § suivant.
  368. Aorte et grande-veine. J’ai ajouté ces mots, pour plus de clarté. — Se rendent à chacune des hanches. L’aorte, à égale distance à peu près de la hauteur des reins et de la vessie, se sépare en deux troncs moins gros qu’elle, mais considérables encore, les artères iliaques primitives, qui se ramifient elles-mêmes en internes et en externes. Quant à la veine cave inférieure, elle se divise aussi en deux branches, iliaques primitives, à peu près à la même hauteur que l’aorte. — Elles s’insèrent à l’os. Ceci n’est pas très-exact ; mais peut-être faut-il comprendre simplement qu’elles « contournent l’os ». — Se rendent dans les reins. Ce sont les artères rénales, qui partent de l’aorte, un peu au-dessous du tronc cœliaque et de l’artère mésentérique supérieure. Les veines rénales sont très-volumineuses, et elles se rendent du rein à la veine cave inférieure ; elles reçoivent les veines capsulaires inférieures, et des vaisseaux venant du tissu adipeux qui entoure le rein.
  369. Deux autres canaux. Ce sont les artères spermatiques, qui partent de l’aorte, à la hauteur des reins à peu près, et qui se dirigent non pas à la vessie, mais de chaque côté de la vessie. — Ils sont forts. Ceci n’est peut-être pas très-exact, si l’on compare ces vaisseaux à l’aorte et aux uretères. — Viennent du fond des reins. Ce sont les uretères. Toute cette fin du paragraphe jusqu’à : « Se ramifient sur la hanche », semble à MM. Aubert et Wimmer une, interpolation, qui, de la marge, sera passée dans le texte. Cette conjecture paraît très-probable ; cette fin contient en effet des répétitions et des contradictions qui troublent l’ordre des pensées. — Entre les nerfs. Quelques éditeurs ont cru qu’au lieu de « nerfs », il fallait lire « reins ». La différence n’est représentée en grec que par une seule lettre. — Leurs extrémités… Il semble que l’ordre des pensées reprend ici, et fait suite à ce qui est dit plus haut : « Partant de l’aorte, se dirigent à la vessie ».
  370. Qui, de la grande veine… C’est une erreur ; les veines utero-ovariques, formées par celles des ovaires, des trompes et des ligaments, se jettent dans la veine cave inférieure, ou dans la veine rénale, comme s’y jettent aussi les veines testiculaires. Dans l’état de grossesse, ces veines prennent un développement considérable. — De très-grosses qui viennent de l’aorte. De l’aorte abdominale, se détachent en effet d’assez grosses artères, qui se ramifient à la matrice, sans parler de l’artère ombilicale, l’artère utérine, l’artère vaginale, les artères vésicales, etc., etc. — Il en sort beaucoup d’autres. Ce sont toutes les artères et toutes les veines qui se distribuent, sans discontinuité, depuis les artères et les veines iliaques primitives, jusqu’au bout des pieds et des orteils, les unes descendant, les autres remontant. — Vont, l’une de gauche à droite. Il est difficile de voir à quoi ceci se rapporte. — Dans la région du jarret. Evidemment, il s’agit de l’artère fémorale et de l’artère poplitée ; mais, comme les détails précédents, ceux-ci sont trop vagues pour qu’on puisse découvrir à quelles réalités anatomiques ils s’appliquent.
  371. On doit voir clairement. Résumé de tout ce qui précède depuis le ch. II. — Leur point de départ. Aristote a très-bien vu, et le premier sans doute que ce point de départ est le cœur. — Quant aux autres veines. Aristote s’est surtout occupé de l’aorte et de la veine cave, qu’il appelle Grande veine ; mais il n’a pas distingué les artères et les veines. — On ne peut pas toujours les observer. On voit par ceci que l’observation est la seule méthode qu’Aristote ait prétendu suivre ; il n’a pas toujours bien observé ; mais qui pourrait se flatter de ne s’être jamais trompé ? Néanmoins il a trouvé la vraie route, et la science n’a eu qu’à l’y suivre. — Les plus grands. Parce que l’observation y est plus facile et plus sûre. — De se rendre compte des choses. Les motifs qui en sont allégués ici sont de toute évidence. — Dans la vase qui les comble. La comparaison est fort juste ; mais il faut remarquer ce procédé de style, qui est très-rare dans Aristote. — Ce sont des fibres. Il aurait mieux valu dire que les ramifications des vaisseaux deviennent si ténues qu’on ne peut plus y distinguer le sang, et qu’elles se réduisent à de simples filets. — La grande veine. Si par la grande veine, on doit entendre la veine cave, ceci ne serait pas exact ; mais Aristote veut dire sans doute que, même dans les plus petits animaux, il y a toujours un vaisseau plus grand que tous les autres. — Pour toute cette théorie d’Aristote sur les veines, voir le Traité des Parties des animaux, liv. III, ch. IV, édit. et trad. Frantzius, pp. 134 et suiv. ; édit. Langkavel, pp. 69 et suiv. Le système des vaisseaux sanguins y est exposé mieux encore qu’il ne l’est ici. Voir aussi la discussion de E. Littré, Hippocrate, tome I, Introduction, pp. 218 et suiv.
  372. Les nerfs dans les animaux. De même que sous le nom commun de Veines, Aristote a confondu les veines proprement dites et les artères, de même ici il confondra les nerfs proprement dits et les muscles, sous le nom commun de nerfs. Ceci veut dire que, de son temps, l’analyse ne faisait que de commencer, et qu’elle n’avait pas été poussée assez loin. — Les nerfs partent aussi du cœur. Il n’est pas besoin de remarquer que ceci est une complète erreur ; les muscles n’ont pas une origine unique, comme les vaisseaux sanguins. Ils sont indépendants les uns des autres. — Dans sa plus grande cavité. Voir plus haut, liv. I, ch. XIV, § 3. La plus grande cavité du cœur paraît être, d’après Aristote, l’oreillette droite. — Une veine nerveuse. C’est la traduction exacte de l’expression grecque ; mais on voit sans peine combien l’idée est fausse. — De la nature des nerfs. Ce qui est vrai, c’est que les dernières artérioles sont tellement ténues qu’on peut les prendre pour de simples filets, comme les nerfs les plus minces. — Ne sont plus creuses. Au contraire, elles sont creuses certainement, puisqu’elles ont encore du sang ; mais le calibre en est excessivement petit. — La même possibilité de se tendre. Les artères sont formées de trois tuniques superposées, qui sont très-élastiques, surtout la tunique moyenne. De là vient la rétractilité si vive des artères. Les veines ont quatre tuniques ; leurs parois sont beaucoup plus extensibles que celles des artères ; voir Cuvier, Leçons d’anatomie comparée, tome VI, p. 227.
  373. Aux esquisses des peintres. La comparaison ne semble pas très-frappante. Aristote a voulu dire sans doute que le trajet des veines à la surface du corps, n’est pas plus marqué que ne l’est l’esquisse d’un dessin ébauché. On retrouve la même expression dans le Traité de la Génération des animaux, liv. II, § 88, p. 180, édit. et trad. Aubert et Wimmer ; voir aussi une comparaison analogue dans le Traité des Parties des animaux, liv. II, ch. IX, §5, p. 41, édit. Langkavel. — La même place que les chairs. Ceci est peu exact.
  374. Dans les membres, ou articulations. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte ; mais il a les deux sens que j’ai indiqués. — S’ils étaient continus. Répétition du paragraphe précédent. — Celle de qui dépend l’action du saut. J’ai dû prendre cette longue périphrase pour rendre la force de l’expression grecque. Aristote veut dire que les muscles les plus forts sont ceux qui servent à sauter. — Le jarret. Il s’agit de la région postérieure profonde de la jambe et du muscle poplité. — Un autre nerf double. Le tendon. Aristote entend par là sans doute les muscles jumeaux et le soléaire. Les premiers s’insèrent sur le condyle extérieur du fémur, en descendant jusqu’au tendon d’Achille et au calcanéum. Le soléaire s’insère à la tête du péroné, au-dessous des jumeaux, et va, par deux aponévroses, se perdre sur le tendon d’Achille. Ce tendon lui-même est à la partie inférieure et postérieure de la jambe ; il est volumineux et s’insère à la partie postérieure du calcanéum. — L’extenseur. Il me semble que c’est la traduction exacte du mot grec ; il s’agit très-probablement du deltoïde, situé à la partie supérieure et externe du bras. — À l’articulation des os…. sont reliés par des nerfs. C’est la partie de l’anatomie que les modernes ont appelée l’Arthrologie, et parfois aussi la Syndesmologie, les cartilages, les ligaments, les membranes synoviales. Les articulations sont très-nombreuses, à cause de la diversité même des mouvements.
  375. Une quantité de nerfs. Sous ce nom général, Aristote réunit une foule de choses que, depuis lui, les anatomistes modernes ont séparées et distinguées avec soin. — Si ce n’est pour la tête. Les os de la tête (crâne) sont reliés entre eux tout autrement que le reste des os. Le crâne est une boîte osseuse composée de huit os : quatre impairs et quatre pairs, tous juxtaposés entre eux sans ligaments comme les autres os, et reliés seulement par des sutures. — Le nerf…. se diviser en long. Ceci s’applique aux muscles et aux nerfs, qui n’étaient pas distingués à l’époque où écrit Aristote. — Il peut s’allonger beaucoup. Ce sont surtout les muscles qui sont composés d’éléments contractiles ; il faut qu’ils puissent se raccourcir et s’allonger, pour que les mouvements, qu’ils doivent faciliter, soient possibles, dans la vie de relation et dans la vie organique. Les nerfs sont des cordons blancs, allant toujours en ligne droite, sans flexuosités comme les artères, et cylindriques dans toute leur longueur. Le muscle se divise en long, parce qu’il est composé de fibres parallèles, réunies entre elles par du tissu cellulaire ; ce sont ces fibrilles qui sont essentiellement contractiles. — Autour des nerfs. Il semble qu’il s’agit ici de l’humeur synoviale, qui facilite le jeu des os sur lesquels les muscles s’attachent ; mais Aristote pousse l’analyse trop peu loin pour qu’on puisse bien reconnaître ce qu’il veut dire. Le liquide que sécrète la membrane synoviale, est, d’après les anatomistes modernes (voir le Traité d’anatomie descriptive de M. A. Jamain, p. 128), filant, onctueux, semblable à du blanc d’œuf. C’est sans doute de ce liquide qu’Aristote veut parler ; et alors les « nerfs » seraient plutôt les muscles ; mais encore une fois, Aristote confond toujours les uns et les autres. — La veine peut être brûlée, etc. Ceci ne se comprend pas bien, non plus que ce qui suit sur « le nerf qui ne reprend jamais ». Mais ces détails, obscurs et inexacts comme ils le sont, attestent néanmoins des expériences et des observations fort curieuses. On sait de reste que les nerfs reprennent après avoir été coupés.
  376. L’engourdissement…. où il n’y a pas de nerfs. Si le mot de « Nerf » doit être pris ici dans son véritable sens, ce passage semblerait prouver qu’Aristote était sur la voie de la grande découverte de la sensibilité des nerfs. Mais il est possible aussi que ce passage signifie simplement que, là où il n’y a pas de muscle, il n’y a pas de mouvement dans le corps. Le double sens que j’indique résulte toujours de la confusion des muscles et des nerfs. — Où il y a le plus de nerfs, ou de muscles. En effet, les muscles et les nerfs du bras, de la main, du pied, de l’omoplate, des côtes, sont très-nombreux, sans l’être beaucoup plus qu’ailleurs ; mais ils y sont peut-être plus apparents.
  377. Ont aussi des nerfs. Ou « Des muscles ». — Les nerfs les plus apparents. Il est clair qu’ici il est question des muscles proprement dits, puisqu’il s’agit du mouvement des nageoires dans les poissons.
  378. Sont placées au milieu. La suite de cette phrase prouve que MM. Aubert et Wimmer ont raison de ne penser ici qu’à une position matérielle. Les fibres « allant des veines aux nerfs et des nerfs aux veines » sont nécessairement placées entre les uns et les autres. Ce passage ne veut donc pas dire, comme l’ont cru quelques traducteurs, que la nature des fibres est intermédiaire entre celle des nerfs et celle des veines. — De la lymphe. On serait autorisé à croire qu’il s’agit des vaisseaux lymphatiques, qui portent aux veines la lymphe et le chyle. La description exacte de ces vaisseaux est une des conquêtes les plus récentes de la science moderne.
  379. Une autre espèce de fibres. Aristote revient sur ce genre de fibres du sang dans le Traité des Parties des animaux, liv. II, ch. IV, p. 30, édit. Langkavel, où il reproduit presque tous les détails qu’il donne ici. D’ailleurs le fait qu’il signale est exact ; et le sang privé de ses fibres ne se coagule pas. — Du chevreuil. Le nom grec de Dorcas paraît à Cuvier (Règne animal, tome I, p. 266, note) répondre à celui de Chevreuil : j’ai cru cependant devoir adopter ce nom de Chevreuil pour traduire le mot de Prox, qui est dans le texte. Voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 67, qui identifient le Prox avec le cervus capreolus, chevreuil, en allemand Reh. — Du bubale. On ne sait pas au juste quel est cet animal ; on croit que c’est une espèce d’antilope. D’autres ont cru aussi pouvoir l’assimiler au buffle ; voir MM. Aubert et Wiramer, loc. cit., p. 65. Cuvier, Règne animal, tome I, p. 269, range le Bubale des Anciens parmi les Antilopes. Aristote parle encore du Bubale, avec le Dorcas, dans le Traité des Parties des animaux, liv. III, ch. II, p. 63, édit. Langkavel.
  380. Comme celui du lièvre. Je ne sais pas si les zoologistes modernes ont essayé de renouveler ces comparaisons, qui ne manquent pas d’intérêt. — Comme celle du lait. Du lait non caillé, où la crème est mêlée au petit-lait.
  381. . Que celui des moutons. Suite des comparaisons précédentes. Il est évident qu’Aristote avait fait beaucoup d’observations sur le sang des différents animaux. La science moderne en a fait surtout sur le sang de l’homme ; mais elle s’est moins occupée du sang des animaux ; voir Cuvier, Leçons d’anatomie comparée, tome VI, pp. 38 et suivantes, 2e édition.
  382. Les veines, les nerfs et les fibres. Résumé des quatre deniers chapitres, II, III, IV et V.
  383. Tous les os dans les animaux. Les mêmes explications sur le rôle des os et du rachis se retrouvent, encore plus nettement exposées, dans le Traité des Parties des animaux, liv. II, ch. IX, édit. Langkavel, pp. 40 et suiv. La rédaction est souvent identique. — Ils se relient les uns aux autres. L’ensemble des os constitue le squelette, et ils tiennent les uns aux autres par des ligaments. Le nombre des os varie selon l’âge, parce que tantôt ils ne sont pas encore formés, ou que tantôt ils se soudent. Dans l’homme, les anatomistes les plus exacts en comptent 208, dont 34 impairs et le reste pairs ; mais selon qu’on admet dans le compte les os sésamoïdes et les os wormiens, le chiffre est différent. — Il n’y a point d’os qui soit isolé. Ceci n’est pas tout à fait exact. La rotule est un os qu’on peut considérer comme isolé et sésamoïde ; elle se développe vers la troisième année, dans l’épaisseur du ligament antérieur de la cuisse. — Le point de départ est le rachis. C’est encore par la colonne vertébrale que les anatomistes modernes commencent l’ostéologie, pour remonter à la tête et redescendre au thorax et aux membres inférieurs.
  384. Le rachis se compose de vertèbres. Le nombre des vertèbres varie selon les animaux qui en ont ; mais le rôle des vertèbres est toujours considérable ; et c’est sur cet organe qu’on a fondé la classe des vertébrés, à laquelle appartiennent les animaux les plus parfaits. — Aux hanches et au siège. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte ; et j’ai cru devoir en prendre deux dans notre langue, pour le rendre dans toute sa force. — Sont percées. C’est ce qu’on appelle le trou vertébral ; la succession des trous vertébraux forme le canal rachidien. — Il s’appelle le crâne. Dans la tête, on distingue le crâne proprement dit, et la face.
  385. Comme dans le chien. Ceci est inexact ; mais dans le chien, les sutures sont moins apparentes, et voilà comment les premiers observateurs ont pu ne pas les voir. — Comme dans l’homme. Le crâne humain se compose de huit os, dont quatre sont impairs, et quatre sont pairs ; ces derniers sont les pariétaux et les frontaux. — La femme n’a-t-elle qu’une suture circulaire. Ceci est une erreur, venant sans doute de ce que souvent les différentes parties du crâne se soudent tellement qu’on ne peut plus les distinguer. — Tandis que l’homme en a trois. Coronale, sagittale, et lambdoïde ou occipito-pariétale. — Une tête d’homme sans suture. Ceci n’est pas impossible. Non pas qu’il n’y eût jamais eu de sutures dans ces têtes ; mais les sutures avaient disparu, et les os s’étaient soudés. Voir tout ceci plus haut, livre I, ch. VII, § 3. — Mais de six. En fait, la tête a huit os ; la boîte osseuse du crâne se compose du frontal, de l’occipital, du sphénoïde, de l’ethmoïde, de deux pariétaux et de deux temporaux. Il est probable que c’est le sphénoïde et l’ethmoïde, qui, à cause de leur position à la base du crâne, auront échappé à l’attention d’Aristote, malgré leur forme singulière et si remarquable. — Qui sont vers les oreilles. Ce sont les temporaux, qui sont en effet un peu plus petits. Voir le Traité des Parties des animaux, livre II, ch. VII, p. 35, édit. Langkavel, sur le cerveau, et sur les sutures, p. 38.
  386. Qui forment les mâchoires. Les os maxillaires supérieurs. — Dans tous les animaux. Ainsi que le supposent MM. Aubert et Wimmer, ceci semble bien une interpolation, venue sans doute d’une remarque marginale. C’est la répétition d’une phrase qu’on trouve plus haut livre I, ch. IX, § 2, où elle est très-bien placée, tandis qu’ici elle est tout à fait hors de place. — Les dents, espèce d’os. Dans la science moderne, les dents ne font plus partie des os ; Aristote ne paraît pas non plus les prendre pour des os véritables. — N’est pas percée… est percée. Il s’agit du petit canal qui est creusé dans la racine de la dent ; et c’est par là que passent les vaisseaux et les nerfs dentaires, qui font que les dents ont une telle sensibilité. — Qu’on ne puisse pas tailler. C’est peut-être exagéré ; mais il est certain que la matière des dents ne permet guère qu’on puisse en tirer parti comme des autres os. Des trois parties qui composent la dent, émail, ivoire et cément, l’émail est très-dur mais très-fragile, et il n’est un peu épais qu’au sommet de la dent ; l’ivoire est un peu moins dur que l’émail, et il est traversé par de petits tubes qui s’ouvrent dans la cavité centrale de la dent ; enfin, le cément est moins serré encore que l’ivoire, bien que sa composition se rapproche beaucoup de celle des dents ; voir l’Anatomie descriptive de M. Jamain, p. 77. On comprend qu’une matière comme celle-là ne puisse pas se travailler comme les os, dont le tissu est très-dense, et dont la partie inorganique est très-dure. Cette dernière partie forme plus des deux tiers de l’os.
  387. L’os qui supporte la tête. C’est le sens que je donne, avec Camus, au mot du texte qui ne se trouve que dans ce seul passage ; il s’agit sans doute des deux premières vertèbres cervicales, l’atlas et l’axis ; mais on ne comprend pas qu’Aristote ait pu rattacher les clavicules à l’épine dorsale ; la clavicule ne s’articule qu’avec le sternum, et l’omoplate ; aussi MM. Aubert et Wimmer supposent-ils quelque altération dans ce passage. — Les côtes. Ceci est exact. Les côtes s’articulent sur les vertèbres et sur le sternum, pour former la cavité thoracique. Aristote peut très-bien le faire partir du rachis, tant pour les sept vraies côtes que pour les cinq fausses côtes, de chaque côté, vingt-quatre en tout. — Quelques côtes se rejoignent à elle. Ce sont les vraies côtes, qui vont de l’épine au sternum. — D’autres ne s’y rejoignent pas. Ce sont les fausses côtes, qui ne se rejoignent qu’aux vraies et ne vont pas jusqu’au sternum. — Autour de la région du ventre. Ceci veut dire, ou qu’il n’y a pas d’os circulaire autour du corps, ou simplement que le ventre n’est pas recouvert par un os. Cette observation, prise dans sa généralité, est exacte. — Les os qui sont dans les épaules. Les omoplates forment, avec les clavicules, la charpente de l’épaule ; elles s’articulent avec la clavicule, et l’humérus du bras. — Les os des bras. L’expression est bien vague ; mais les os du bras sont d’abord : l’humérus pour le bras proprement dit ; puis, le cubitus, en dedans ; et le radius, en dehors, pour l’avant-bras. — Les os de la main. Ici encore, l’expression est bien large. Les trois parties de la main, carpe, métacarpe et doigts, contiennent des os nombreux et très-différents ; huit dans le carpe ; cinq dans le métacarpe, et quatorze dans les phalanges, le pouce n’en ayant que deux au lieu de trois. Il y aurait en outre les sésamoïdes, au pouce et au métacarpe ; mais d’ordinaire on ne les compte pas.
  388. En bas de l’épine. Aristote semble comprendre dans l’épine le sacrum et le coccyx, sans les distinguer. — Après la hanche. Le sens du mot grec n’est pas bien déterminé ; il peut signifier le siège aussi bien que la hanche : mais il ne faut pas attendre, dans ces premières investigations de la science, une exactitude que nous n’avons pas encore complètement aujourd’hui. — La cavité cotyloïde. Le texte dit simplement Cotylédon. La cavité cotyloïde reçoit la tête du fémur, et c’est là sans doute ce qui l’aura signalée à l’attention d’Aristote, dans les deux os iliaques qui forment le bassin. — Les Côlènes. J’ai conservé le mot grec, comme l’ont fait plusieurs traducteurs ; le texte explique bien ce qu’on doit entendre par là ; les os des cuisses et des jambes sont le fémur, le tibia et le péroné. — Et dans les chevilles… qui ont une cheville. MM. Aubert et Wimmer mettent cette phrase entre crochets, pour indiquer qu’ils la regardent comme une interpolation ; il semble bien en effet que c’en est une, et « les ergots » de certains oiseaux n’ont rien à faire ici. — Viennent, à la suite, les os des pieds. Ceci est la suite naturelle de ce qui vient d’être dit sur les Côlènes ; après les os des jambes, il est tout simple de traiter des os des pieds. Mais Aristote n’essaie pas plus de compter les os des pieds qu’il n’a compté ceux de la main. Chez l’homme, il y a 14 os du tarse dans les deux jambes, 10 du métatarse et 28 des phalanges ; en tout 52.
  389. Les vivipares… Ceci est très-exact ; et dans les animaux supérieurs, vertébrés, mammifères, etc., on retrouve en général la plupart des os de l’homme, ou leurs équivalents.
  390. Ont de la moelle. C’est là encore une des considérations dont s’occupe la science moderne ; la moelle est en général contenue dans la cavité des os longs ; celle qu’on rencontre dans les os courts est un peu différente, moins rouge et moins consistante. Il est remarquable qu’Aristote ne la décrive pas. La moelle jaune n’est presque que de la graisse, tandis que la moelle rouge est surtout de l’eau. — Le lion par exemple. Les détails consignés ici prouvent qu’Aristote avait disséqué des lions. D’ailleurs, les mêmes observations sur les os du lion sont répétées dans le Traité des Parties des animaux, livre II, ch. VI, p. 72, édit. Frantzius, et ch. IX, p. 86. Dans ce dernier passage, la répétition est presque identique. Il ne paraît pas que les os du lion soient les seuls à être aussi durs. Voir ce qui en est dit plus loin, ch. XV, § 3.
  391. . Le dauphin a également des os ; mais il n’a pas d’épine. Sur le dauphin ordinaire (Delphinus delphis), qui est celui des Anciens, voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 287. — Comme ceux des oiseaux. Voir le Traité des Parties des animaux, livre II, ch. IX, p. 86, édit. Frantzius, où Aristote remarque que les os des oiseaux sont généralement plus faibles. — Correspondantes et identiques par analogie. Voir plus haut, livre II, ch. I, §§ 4 et suivants. C’est l’unité de plan qu’Aristote a reconnue le premier, et qu’il a étudiée dans presque toute la série animale. — Une épine cartilagineuse. C’est là ce qui les a fait nommer Chondroptérygiens par la zoologie moderne ; le squelette de ces poissons est essentiellement cartilagineux ; il ne s’y forme point de fibres osseuses. — Les sélaciens. Ce sont des Chondroptérygiens à branchies fixes, formant le deuxième ordre de cette classe. Il y en a deux genres principaux, les squales et les raies ; leur épine est divisée en vertèbres. Voir Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 383 et 385, et aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 812, trad. franc. — Où les ovipares. Il y a en effet dans ces poissons des espèces qui sont vivipares, et d’autres ovipares. — Une arête, qui reproduit le rachis. Le rapprochement est très-naturel ; c’est Aristote qui l’a fait le premier.
  392. Une organisation propre aux poissons. La remarque est exacte ; mais il aurait été possible de préciser davantage les espèces de poissons qui sont organisées ainsi. — Qui traversent la chair, et qui contribuent à la maintenir. — Le serpent est à peu près comme les poissons. La comparaison est juste ; mais elle est bien vague, puisque les espèces des serpents sont très-nombreuses, ainsi que celles des poissons. La colonne vertébrale des serpents est parfaitement caractérisée, et ce n’est pas une arête. — Dans les quadrupèdes ovipares. Crocodiles, lézards. — Plus semblable à l’arête. C’est la petitesse même des animaux qui fait que leurs vertèbres sont moins distinctes. — Tous les animaux qui ont du sang. Ce sont les deux principales classes d’animaux qu’ait distinguées Aristote. — De la nature de l’os. Chez les animaux supérieurs. — Ou de l’arête. Chez les animaux qui sont plus bas dans l’échelle de l’organisation.
  393. Quant aux autres espèces d’os. J’ai suivi la correction proposée et adoptée par MM. Aubert et Wimmer ; elle semble indispensable ; la leçon ordinaire est : « Quant aux autres parties des os »… Évidemment cette leçon est fautive, quoique donnée par tous les manuscrits. — Les os Côlènes. Voir plus haut, § 6. — Des différences de plus et de moins. Voir plus haut, liv. I, ch. I, § 7.
  394. Telle est donc dans les animaux. — Résumé de tout ce chapitre. Les observations d’Aristote sur les os sont en général exactes ; mais elles peuvent paraître trop peu nombreuses, si on les compare à l’ensemble de celles qu’a recueillies la science moderne ; voir Cuvier, Leçons d’anatomie comparée, tome I, p. 116 et suiv., 2° édit., où tous les détails nécessaires sont réunis ; et aussi le Manuel d’anatomie comparée de M. Gegenbaur, pp. 560 et suiv., trad. franc.
  395. Le cartilage. Tout ce chapitre sur le cartilage se retrouve à peu près mot pour mot dans le Traité des Parties des animaux, liv. II, ch. IX, p. 86, édit. Frantzius, et p. 43, édit. Langkavel. Les cartilages figurent surtout dans les articulations ; ils sont temporaires ou permanents ; ils sont si adhérents à l’os qu’ils semblent faire corps avec lui ; ils varient d’épaisseur et sont en général blancs et lisses ; quelques-uns ne sont presque que des fibres, et on les appelle Fibro-cartilages. Il faut bien distinguer les cartilages des ligaments. — De même que l’os. C’est un premier rapprochement ; un second, c’est l’absence de moelle, signalée dans le paragraphe suivant.
  396. Ne sont jamais percés. Ce caractère du cartilage est très-exact ; et en effet toute perforation eût absolument changé la nature du cartilage. — Dans les sélaciens, où l’épine est cartilagineuse. Dans le Traité des Parties des animaux, liv. II, ch. IX, p. 83, §11, édit. Langkavel, il est dit seulement que les sélaciens ont de la moelle dans leur épine cartilagineuse, qui tient lieu d’os. — Ceux qui sont larges. Il s’agit sans doute des raies. — Et contenant un liquide. J’ai adopté la correction de MM. Aubert et Wimmer, qui consiste à substituer un singulier à un pluriel, bien que l’on pût conserver aussi la leçon ordinaire.
  397. Des cartilages aux oreilles, au nez. Les cartilages du nez et de l’oreille sont précisément des fibro-cartilages, parce que la substance cartilagineuse y est mêlée à du tissu fibreux. — À certaines extrémités de leurs os. Ce sont les cartilages proprement dits, qui se rapprochent tellement des os que, dans bien des cas, ils ne semblent qu’en être des prolongements ; voir l’Anatomie descriptive de M. A. Jamain, p. 126.
  398. De la même nature que les os. Le texte est un peu moins précis ; mais le sens ne peut être douteux. — Les ongles, les soles, les griffes. C’est peut-être encore le mot de notre langue qui rend le mieux celui du texte, bien que ce dernier ait un sens plus étendu. On pourrait encore traduire : « les pinces » ; ou a les sabots ». Il ne paraît pas que la science moderne ait donné à ces parties diverses autant d’attention qu’Aristote ; c’est à peine si, à la suite des os, elle parle des formations épidermiques analogues aux os ; voir l’Anatomie comparée de M. Claus, p. 547, et les leçons d’Anatomie comparée de Cuvier, tome II. — Se plier et se fendre. Ces distinctions sont parfaitement exactes, et elles sont très-claires.
  399. La couleur. Ce caractère est encore très-distinctif, et la remarque vaut la peine d’être recueillie. Ces détails importants semblent avoir été négligés par les zoologistes modernes. Ils sont reproduits à peu près textuellement dans le Traité de la Génération des animaux, liv. II, ch. VI, p. 192, édit. et trad. Aubert et Wimmer. Sur les rapports de couleur entre la peau et les cheveux, voir ce même Traité, liv. V, p. 388, id. — Les sabots. Même remarque que plus haut.
  400. Les dents… de la couleur des os. Ce rapprochement est exact et curieux. Aristote est sans doute le premier qui l’ait fait. — Les Éthiopiens. Ce mot n’avait pas, dans l’Antiquité, le sens assez restreint qu’il peut avoir pour nous ; il signifiait la race noire en général. — Les ongles sont noirs. Ceci est surtout remarquable chez les nègres. Sur les dents, voir plus haut, liv. II, ch. III, § 12.
  401. Sont creuses. Observation très-exacte en ce qui concerne les ruminants. — Pleines et solides. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Il n’y a que le cerf. MM. Aubert et Wimraer font avec raison observer qu’Aristote a très-bien connu la différence des cornes en général et du bois des cerfs. — Pleines dans toute leur longueur. C’est exact. Buffon a consacré une étude très-attentive au bois des cerfs ; voir l’Histoire naturelle, article Cerf, tome XIV, pp. 372 et suiv., édit. de 1830. — À moins qu’il n’ait été coupé. Buffon fait une observation analogue. — Plus tard. Voir plus loin, liv. IX, ch. XXXVII, § 5.
  402. Les cornes tiennent plutôt à la peau. Cette observation paraît exacte ; mais je ne sais pas si elle est admise par la science moderne. — On voit en Phrygie. Il ne paraît pas que ce fait soit parfaitement exact ; du moins, on ne l’a pas vérifié depuis Aristote ; il est certain que, si les cornes du bœuf, par exemple, étaient mobiles, elles ne rempliraient pas leur fonction naturelle, qui est de contribuer à la défense de la bête. — La Phrygie était bornée à l’ouest par la Mysie, la Lydie et la Carie, au sud par la Lycie, à l’Est par la Lycaonie et au nord par la Bithynie ; c’étaient là ses limites sous l’Empire Romain ; mais elles ont beaucoup varié. La Phrygie a été successivement conquise par Crésus, par les Perses, par Alexandre et ses successeurs. Au temps d’Aristote, elle était connue beaucoup plus que de nos jours.
  403. Et tous ceux qui ont des pieds ont aussi des doigts. Camus et MM. Aubert et Wimmer pensent, non sans raison, que cette phrase est une interpolation. — Il n’y a d’exception que pour l’éléphant. Ceci n’est pas exact ; et l’éléphant a ses ongles attachés sur le bord d’une espèce de sabot. Ces ongles sont même le seul indice qui annonce au dehors les doigts de la bête ; ses doigts, au nombre de cinq, étant « tellement encroûtés dans la peau calleuse qui entoure le pied, qu’ils n’apparaissent pas bien a qu’ils soient très complets sur le squelette » ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 237. — Tout droits… recourbés. C’est un caractère distinct et assez frappant, que la science moderne n’a pas considéré et qui mérite de n’être pas négligé.
  404. Des poils et de leurs analogues. Toute cette étude sur les poils dans l’espèce animale tout entière, est peut-être encore la plus complète que présente la science ; du moins, je ne connais dans la zoologie contemporaine rien d’aussi étendu sur ce sujet. Voir l’Anatomie descriptive de M. Claus, p. 550, Formations épidermiques. Cuvier n’a pas touché cette matière dans ses Leçons d’anatomie comparée, qui, il est vrai, sont restées incomplètes. — De lamelles écailleuses. Le sens du mot grec n’est pas bien déterminé ; il s’agit sans doute des écailles des lézards, qui ont des pieds et qui sont ovipares ; voir plus haut, liv. I, ch. VI, § 5, où la même expression est employée. — Des œufs grenus. C’est, à ce qu’il me semble, la traduction littérale du mot du texte. — Parmi les poissons… n’en a point du tout. Toute cette phrase, qui interrompt le cours des pensées, paraît être une interpolation. De plus, ce passage semble contredire ce qui est dit plus loin de l’œuf des congres, liv. VI, ch. XVI, § 12. — L’anguille n’en a point du tout. La zoologie moderne n’est pas encore fixée sur ce point ; il règne toujours une grande obscurité sur la reproduction de ces poissons. Quelques naturalistes croient avoir découvert des ovaires chez l’anguille. D’ailleurs, l’anguille, le congre et la murène forment bien une espèce à part, et ces trois poissons se ressemblent beaucoup ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 348, Malacoptérygiens apodes, et anguilliformes ; voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 834, Physostomes apodes.
  405. L’épaisseur ou la légèreté. Après l’interpolation, la pensée reprend son cours. Cette même question de la nature des poils est exposée avec plus de développements qu’ici dans le Traité de la Génération des animaux, liv. V, ch. III, §§ 35 et suiv., édit. et trad. de MM. Aubert et Wimmer, p. 372. — De la nature de la peau, id, ibid., §40, p. 374. — Le poil est plus rude. Tous ces détails sont exacts. — Plus enfoncées et plus humides. Comme les aisselles. Par « plus humides », il faut sans doute entendre les places du corps où la transpiration est plus facile et plus abondante. — À écailles ou à lamelles écailleuses. La langue grecque a ici des nuances que la nôtre ne possède pas ; j’ai dû répéter presque les mêmes mots.
  406. Plus rude s’ils sont bien nourris. Je ne sais pas si cette observation est bien exacte pour tous les animaux en général ; il semble qu’il en est tout le contraire pour certains animaux domestiques, et que le poil des chiens et des chevaux s’adoucit d’autant plus qu’ils sont mieux nourris. — Selon les contrées. Le climat est peut-être la principale influence sur ces changements. — Dans les climats chauds. C’est généralement exact. — Tout droits. Par opposition à Frisés et Crépus ; car d’une manière spéciale, les poils, pour se tenir droits, doivent nécessairement être plus durs que les poils qui sont couchés. — Sont rudes et durs. Comme les cheveux des nègres.
  407. Permet de les fendre. C’est ce qu’on peut voir, même sur les cheveux de l’homme. — Les hérissons de terre. Voir plus haut, liv. I, ch. VI, § 7 ; et aussi Traité de la Génération des animaux, liv. V, ch. III, § 35, p. 372, édit. et trad. Aubert et Wimmer.
  408. L’homme a la peau plus mince. Observation qui paraît exacte, et qu’Aristote est le seul à avoir faite. — Une humeur visqueuse. Nous pouvons l’observer assez facilement sur nous-mêmes, et particulièrement à la commissure de nos ongles des mains avec la peau qui les entoure. — Où elle sert à faire de la colle. On fait en effet de la colle-forte avec les rognures de cuir et certaines parties de l’animal. — Dans certains pays. MM. Aubert et Wimmer mettent cette phrase entre parenthèses comme suspecte ; je suis de leur avis, bien que cette addition concorde assez avec ce qui précède.
  409. La peau est par elle-même insensible. Au premier coup d’œil, ceci semble tout à fait inexact, et la peau paraît au contraire être le sens du toucher, et par conséquent d’une sensibilité extrême. Cependant on peut avec des instruments très-tranchants se couper l’épiderme, sans plus le sentir que quand on se coupe les ongles. C’est là sans doute ce qu’Aristote aura voulu dire en parlant de la peau prise « en elle-même ». Le siège de la sensibilité serait, pour lui, dans la chair et non dans la peau. — Et surtout la peau de la tête. Ceci ne paraît pas très-exact ; et la peau de la tête, sans être très-sensible, n’est pas insensible cependant. Dans le Traité des Parties des animaux, Aristote revient à cette particularité de la tête, qui n’est pas charnue, liv. II, ch. X, § 40, p. 92, édit. et trad. Frantzius. — Elle ne reprend point. Ceci semble tout à fait inexact ; mais il est possible que la vraie pensée d’Aristote ne soit pas ici très-bien comprise ; il aura voulu dire sans doute que, dans ces parties de la peau, la cicatrice laisse toujours une lacune qui les déforme ; et cette observation semble vraie en ce qui regarde la paupière.
  410. La peau est continue. On ne peut pas même dire qu’elle cesse de l’être là où elle laisse passage à des ouvertures naturelles. — À la bouche et aux ongles. Là non plus la peau ne cesse pas d’être continue ; mais elle contourne ces ouvertures et ces parties du corps. — Plus haut. Voir plus haut, liv. I, ch. VI, § 7 et liv. II, ch. II, §§ 2 et suiv.
  411. Quand l’animal devient vieux. L’action de l’âge n’est pas moins puissante que celle du climat, sur le poil des animaux. — Blanchissent avec l’âge. C’est une observation que tout le monde peut faire. — Excepté dans le cheval. Le changement dans le cheval est encore bien moins évident que chez l’homme. Voir le Traité de la Génération des animaux, liv. V, § 64, p. 386, édit. et trad. Aubert et Wimmer. Voir Buffon, tome XIV, p. 37, édit. de 1830. — Par le bout. Cette observation paraît exacte. — Les cheveux gris. C’est le sens que me semble avoir l’expression grecque. — Comme on le prétend quelquefois. Il est difficile de savoir à qui Aristote veut faire allusion. Dans le Traité de la Génération des animaux, liv. V, § 60, p. 384, édit. et trad. Aubert et Wimmer, Aristote essaie d’expliquer d’où vient cette dessiccation. Il y donne plus de détails qu’ici, sur le grisonnement et la blancheur des cheveux. — Efflorescence. C’est la traduction littérale du mot grec, qu’on trouve aussi dans Hippocrate, Prorrhetique, liv. II, p. 74, édit. et trad. Littré. — La lèpre blanche. Voir Hippocrate, id., ibid., et aussi le Traité de la Génération des animaux, liv. V, ch. IV, § 57, édit. et trad. Aubert et Wimmer. — Ils repoussent noirs après la guérison. La même observation se retrouve dans le Traité de la Génération des animaux, liv. V, § 61, p. 384, édit. et trad. Aubert et Wimmer.
  412. Les tempes qui grisonnent les premières. Voir le Traité de la Génération des animaux, id., ibid. — Le devant de la tête… les parties sexuelles. Tous ces faits sont exacts.
  413. En naissant… avec l’âge. Autre distinction aussi importante que les précédentes, et dont la science moderne ne paraît pas s’être inquiétée. — L’homme est le seul… Je ne sais pas si cette observation a été confirmée ; mais peut-être n’a-t-on pas pu observer les animaux d’assez près. — Ceux du menton. La barbe apparaît, en effet, après tous les autres poils. — Est égal. Les parties sont au nombre de trois de part et d’autre ; et c’est là sans doute tout ce qu’Aristote a voulu dire.
  414. Les poils de la tête. J’ai gardé cette expression, au lieu de celle de Cheveux, pour rester plus près du texte, et aussi parce qu’il s’agit ici des poils en général. — Ce ne sont d’ailleurs que les cheveux de devant. Ici, ma traduction a pu revenir à l’expression naturelle et ordinaire. — Jamais. C’est peut-être trop dire ; mais il est vrai que la calvitie absolue de la tête entière est fort rare. — Calvitie. C’est le mot propre et générique ; notre langue n’a pas de mot spécial pour la chute des sourcils, comme pour celle des cheveux ; et voilà comment j’ai dû conserver le mot d’« Anaphalantiasis », pour lequel nous n’avons pas d’équivalent. — Des rapports sexuels. Cette observation paraît fort exacte ; et la calvitie prématurée tient le plus souvent à l’abus des plaisirs du sexe. — L’eunuque. Les Grecs connaissaient les eunuques par les nations étrangères ; par eux-mêmes, ils n’ont jamais songé, ce semble, à cette horrible mutilation. Hippocrate fait la même remarque sur les eunuques, Aphorismes, VIe section. § 28, p. 570, édit. et trad. E. Littré. — Excepté ceux des parties sexuelles. Voir la même observation dans le Traité de la Génération des animaux, liv. V, § 35, p. 380, édit. et trad. Aubert et Wimmer : comparer aussi tout ce passage avec ce qui est dit ici concernant les poils, et la calvitie, chez les hommes et les femmes, sur les eunuques, etc., j§ 50 à 56.
  415. N’a pas de poils au menton. J’ai dû conserver autant que possible la tournure grecque. — Quand leurs mois viennent à cesser. Ceci est exact en général ; mais on voit cependant quelques jeunes filles fort bien portantes avoir, outre la moustache assez prononcée, quelques poils au menton. — Les prêtresses de Carie… Ainsi que le pensent MM. Aubert et Wimmer, il est très-probable qu’Aristote emprunte cette tradition sur la barbe des prêtresses de Carie à Hérodote, liv. I, ch. CLXXV et liv. VIII, chap. CIV, pp. 58, et 412, édit. Firmin-Didot. Ces prêtresses étaient chez les Pedasiens, peuplade des environs d’Halicarnasse. Lorsqu’un malheur quelconque menaçait les Pédasiens ou leurs voisins, il poussait une longue barbe à leurs prêtresses : et ce phénomène étrange s’était, dit-on, produit deux ou trois fois — Les autres poils. Les poils autres que la barbe. — En quantité moindre. Ceci n’est peut-être pas très-exact ; car, en général, les femmes ont des cheveux plus abondants que les hommes. — Qui poussent avec l’âge. En opposition avec les poils qui paraissent dès la naissance. — Lorsqu’en même temps. J’ai adopté la leçon admise par MM. Aubert et Wimmer.
  416. Autres que ceux-là. Sans doute, ceux-là se rapporte aux poils des parties sexuelles. — Ceux de la tête. Tout ceci ne concerne évidemment que l’espèce humaine. — Les plus fins poussent davantage. Cette observation paraît exacte. — Les sourcils deviennent si épais. Le fait est exact en général ; mais l’explication qu’en donne Aristote ne l’est pas. — À la jointure des os. MM. Aubert et Wimmer remarquent avec raison qu’il n’y a pas à cette place de suture entre les os. L’os frontal, en effet, occupe à lui seul toute cette partie de la tête ; et bien qu’il soit en rapport avec une douzaine d’os différents, il est continu et n’offre aucune des sutures qu’Aristote suppose gratuitement. Tout au plus, voit-on sur le frontal une trace légère de la division primitive de l’os en deux parties perpendiculaires. — Les cils des paupières…. les poils qu’on arrache… ne repoussent plus. Détails curieux, dont la science moderne ne paraît pas s’être occupée. Il n’est pas exact d’ailleurs que les cils ne croissent pas.
  417. Une humeur gluante. Observation très-exacte. — Ils peuvent enlever les petits objets. Expérience ingénieuse et fort simple. Voir l’Anatomie comparée de M. Gegenbaur, p. 552, tr. franc.
  418. Sur la peau de la langue. Voir une observation analogue sur la langue du bélier, plus loin, liv. VI, ch. XIX, § 5 ; et aussi, Traité de la Génération des animaux, liv. V, § 75, p. 390, édit. et trad. Aubert et Wimmer, où Aristote examine longuement les rapports des poils et de la peau, relativement à la couleur, et aussi à la couleur de la langue dans quelques animaux. — À la lèvre. La langue grecque n’a pas de mot spécial pour signifier la Moustache. — Ce sont les mâchoires ou les joues. Même remarque pour les Favoris. — Ceux dont le menton est imberbe. Cette observation, qui appartient sans doute en propre à Aristote, est très-juste ; et parfois ce sont les hommes les plus vigoureux qui sont imberbes.
  419. Dans certaines maladies…. dans les ongles. Tous les détails donnés dans ce paragraphe paraissent à MM. Aubert et Wimmer n’être pas exacts ; je ne sais pas si leur critique est bien fondée ; ce qui est certain, c’est que très-souvent les poils grandissent étonnamment après la mort. — Dans les consomptions. Le terme grec est aussi vague que celui-ci ; peut-être s’agit-il des maladies de poitrine. — Et deviennent plus durs. Cet effet est incontestable pour la vieillesse. — Qui abusent des plaisirs sexuels. Ceci encore est fort exact. — Les gens sujets aux varices. Je ne sais pas si la science moderne a rien observé sur ce rapport des varices à la calvitie.
  420. . Le poil ne pousse pas. Cette explication physiologique paraît exacte ; le poil pousse par en bas ; et cela se conçoit bien, puisqu’il a une racine. — Les écailles des poissons. Voir plus haut, § 1 ; les écailles dans les poissons remplacent la peau, et presque toutes les formations épidermiques ; voilà comment Aristote est amené à s’en occuper ici. — Deviennent plus longs. Sous-entendu : « Avec l’âge », comme le prouve ce qui précède, et ce qui suit. — Comme aussi les becs des oiseaux. Quelquefois même le bec se recourbe tellement que l’oiseau ne peut plus l’ouvrir.
  421. Comme les oiseaux. Peut-être ceci est-il exact pour la couleur ; mais les oiseaux n’en marquent pas moins les signes de la vieillesse, en perdant leur vivacité et leurs formes. — Excepter la grue. Dans le Traité de la Génération des animaux, liv. V, ch. V. § 65, p. 386, édit. et trad. Aubert et Wimmer, Aristote répète que les grues deviennent plus noires en vieillissant, et il explique pourquoi. Il paraît que l’observation est assez exacte. — On voit quelquefois. Cette traduction ne contredit pas la leçon proposée par Schneider et adoptée par MM. Aubert et Wimmer ; cette correction rend la phrase plus régulière grammaticalement ; mais elle ne change rien au sens. — D’une couleur uniforme. Dans le Traité de la Génération des animaux, liv. V, p. 388, il est expliqué que par là on doit entendre les oiseaux dont l’espèce entière n’a qu’une seule et même couleur ; voir aussi id., ibid. p. 392. édit. et trad. Aubert et Wimmer. Aristote s’étend sur la couleur des animaux, dans ce traité, beaucoup plus qu’il ne le fait ici, où en quelque sorte il se résume. — Comme le corbeau… Je ne sais si la science moderne a confirmé ces observations. — Passer au noir. Observation très-curieuse et qui paraît fort exacte. — Changent si bien de couleur, avec les saisons. Même remarque.
  422. Avec la couleur des eaux. L’influence de la boisson est incontestable ; mais elle ne va pas aussi loin qu’Aristote semble le croire, soit d’après des faits qu’il aurait observés lui-même, soit d’après les faits que la tradition lui aurait transmis. — Ils deviennent blancs. MM. Aubert et Wimmer ont adopté une leçon qui limite ces changements au bétail, aux moutons. La leçon ordinaire, qui est plus large, me semble préférable. — S’étend jusque sur les portées. J’ai conservé avec tous les manuscrits et toutes les éditions cette phrase que MM. Aubert et Wimmer proposent de supprimer comme faisant double emploi avec ce qui suit. — Que les moutons. Le texte est moins précis ; mais la suite, où il est question des agneaux, prouve bien que ce passage se rapporte à une espèce particulière. — Dans la Chalcidique de Thrace. Cette contrée est un peu au nord-ouest de l’Eubée, au fond du golfe Thermaïque ; on y trouve Potidée, Olynthe et Stagire, patrie d’Aristote. On ne sait à quel fleuve de ce pays se rapporte le surnom de Froid. Voir la planche IV de l’atlas de Kiepert. — Assyritis. J’ai conservé l’orthographe que donnent tous les manuscrits ; mais il est bien probable qu’il s’agit de l’Astyritis, comme l’ont corrigé quelques éditeurs. L’Astyritis est le territoire d’Astyra, comme l’Antandrie, mentionnée un peu plus bas, est le territoire d’Antandros, ces deux villes étant l’une et l’autre à l’extrémité du golfe d’Adramytte. Alors, il faudrait déplacer Astyritis du texte et le rapprocher d’Antandrie, comme l’a fait M. Pikkolos, que MM. Aubert et Wimmer ne semblent pas désapprouver ; voir Strabon, liv. XIII, ch. I, Troade, p. 519, édit. Firmin-Didot. — Des moutons blancs…. des moutons noirs. Selon Strabon, liv. X, ch. I, § 14, p. 386, édit. Firmin-Didot, c’étaient deux fleuves de l’Eubée, le Cérée et le Nélée, qui produisaient cet effet sur le bétail. Strabon rapporte aussi des effets non moins merveilleux de deux fleuves, aux environs de Sybaris : l’un, le Crathis, qui changeait la couleur des cheveux des hommes qui buvaient de ses eaux ; l’autre avait une action non moins étonnante sur les chevaux, liv. VI, Italie, ch. I, § 13, p. 219, édit. Firmin-Didot. — Homère l’appelle le Xanthe. Homère dit seulement que les dieux appellent Xanthe le fleuve que les hommes appellent le Scamandre, Iliade, chant XX, vers 74.
  423. N’a de poils à l’intérieur. Observation curieuse et qu’Aristote est le seul à avoir faite. — Des extrémités. Il faut sous-entendre : « Des membres ». — En dessus… en dessous, des mains, par exemple, et des pattes. — Le lièvre seul…. Aristote répète la même chose, Traité de la Génération des animaux, liv. IV, § 94, p. 334, édit. et trad. Aubert et Wimmer. Le fait est exact pour le lièvre et le lapin. — Le rat de mer, le cétacé. Il est difficile de savoir de quel animal Aristote veut parler.
  424. Comme on l’a vu. Plus haut, § 17. — Mais elles tombent. Ceci n’est peut-être pas très-exact ; et les plumes ne tombent pas après qu’elles ont été coupées. — Est sans divisions. C’est une distinction très-caractéristique entre les ailes des diverses espèces d’insectes. — L’aiguillon ne repousse pas…. et dans ce cas, elle meurt. Ce sont là des faits certains et bien connus de la zoologie moderne.
  425. Des membranes. C’est une vue profonde qu’a eue Aristote, de distinguer les membranes de toutes les autres parties de l’organisation animale ; voir Cuvier, Règne animal, introduction, p. 22. La membrane est un des trois éléments organiques des animaux, avec la fibre musculaire et la matière médullaire. Sous le nom d’Histologie, l’étude des membranes tient une place considérable dans la science contemporaine. — À une peau serrée et mince. Cette définition est la première sans doute qu’on a essayé de donner de la membrane. — Mais c’est une autre nature. Par les qualités propres à la membrane, qui ne peut ni se déchirer ni se distendre. — Pour chaque os. Il est probable qu’Aristote comprend ici, sous le nom général de membrane, bien des éléments qu’on a plus tard séparés les uns des autres : cartilages, fibres cartilagineuses, ligaments, membranes synoviales, etc. — Aisément. J’ai ajouté ce mot ; le texte dit précisément : « invisibles », ou peut-être aussi : « indistinctes ».
  426. Les deux membranes qui enveloppent le cerveau. Il y a trois membranes du cerveau, ou méninges, et non, deux : la dure-mère, l’arachnoïde, et la pie-mère. — Celle qui est près de l’os. C’est sans doute la dure-mère, qui est en effet une membrane fibreuse, très-résistante, et qui est l’enveloppe la plus externe de l’axe cérébro-spinal. C’est elle aussi qui est la plus proche de l’os, qui forme le crâne ; voir plus haut, liv. I, ch. XIII, § 2. — Que celle qui enveloppe l’encéphale. C’est l’arachnoïde qu’Aristote confond avec la pie-mère, qui est la plus interne des trois membranes du cerveau. Chacune de ces trois membranes se divisent en Crânienne et en Rachidienne. La dure-mère est essentiellement fibreuse ; l’arachnoïde est séreuse ; et la pie-mère est surtout vasculaire. C’est par elle que passent tous les vaisseaux qui se rendent au cerveau. Voir sur le rôle des membranes le Traité des Parties des animaux, liv. III, ch. II, p. 89, édit. Langkavel. — Celle du cœur. Voir id., ibid. C’est le péricarde, qui enveloppe le cœur et l’origine des gros vaisseaux ; le péricarde est une sorte de sac fibro-séreux. Il n’est pas probable qu’Aristote ait connu la membrane qui tapisse les cavités du cœur, l’endocarde. — Réduite à elle seule. Il me semble que c’est le sens qu’a l’expression grecque, qui d’ailleurs n’est pas très-claire. — Les os dépouillés de leurs membranes. Ou plutôt : « Du périoste ».
  427. L’épiploon est également une membrane. Les épiploons ne sont que des replis du péritoine, membrane séreuse qui tapisse les parois de l’abdomen. Le grand épiploon qu’Aristote désigne sans doute ici, est flottant, par l’une de ses extrémités, et il va de la grande courbure de l’estomac à celle du côlon ; le petit épiploon s’appelle aussi, à cause de sa position, gastro-hépatique ; il y a encore l’épiploon gastro-splénique. Le nom de tous les épiploons leur vient de ce qu’ils semblent en quelque sorte flotter devant les viscères. — On trouve l’épiploon. Probablement, le grand épiploon. — Haut et bas. J’ai ajouté ces mots. — Présente une sorte de suture. C’est sans doute l’orifice pylorique de l’estomac, allant au duodénum. — Du grand estomac. L’auteur veut sans doute parler du premier des estomacs qu’ont les ruminants ; c’est à celui-là que s’attache l’épiploon ; voir plus haut, liv. II, ch. XII §§ 9 et suivants.
  428. La vessie… une sorte de membrane. La nature de la vessie est exactement exprimée par Aristote ; la science moderne voit encore dans la vessie une cavité musculo — membraneuse, servant de réservoir à l’urine. — Puisqu’elle peut se distendre. On a remarqué que la vessie a une capacité plus grande chez les personnes qui, comme les femmes, ont l’habitude de conserver longtemps leur urine. — La tortue est seule à en avoir. Voir plus haut, liv. II, ch. XII, § i. — Si ce n’est à l’origine même de l’uretère. Je ne sais pas si la science moderne a confirmé cette observation. D’ailleurs, Aristote lui-même remarque que les cas sont extrêmement rares. — Des concrétions sèches. La phrase du texte n’est pas très-correcte ; mais le sens n’est pas douteux ; c’est la maladie de la pierre. Les Anciens, même avant Hippocrate, essayaient déjà de pratiquer la taille ; il l’a défendue. — De vrais coquillages. — C’est parfaitement exact. Sur les plaies de la vessie, voir Hippocrate, des Maladies, liv. Ier, tome VI, p. 156, édit. et trad. E. Littré.
  429. On le voit donc. Résumé général de tous les chapitres antérieurs de ce livre, depuis le chapitre II jusqu’à la fin du présent chapitre.
  430. La chair. Aristote comprend sous le nom de Chair plus de choses sans doute que n’en comprend la science contemporaine. Pour Cuvier, la chair est surtout la fibre charnue ou musculaire, composée elle-même de filaments et d’une substance particulière appelée Fibrine. — Dans les animaux qui ont du sang. C’est en effet le fluide nourricier ou le sang, qui contient la fibrine et la gélatine qui forment la chair ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 22 et suiv. — Ce que l’arête est à l’os. L’arête dans les poissons correspond aux os dans les quadrupèdes ordinaires. — La matière charnue. L’expression du texte est aussi vague ; peut-être faudrait-il traduire : « L’analogue de la chair ».
  431. Est divisible en tout sens. Ce caractère est très-distinctif. — Les nerfs et les veines. Il faut entendre aussi les artères et les muscles, qu’Aristote ne distingue pas des veines et des nerfs. — Elle fond en veines et en fibres. C’est-à-dire qu’on ne voit plus que des fibres et des veines, et que tout le tissu cellulaire a dis-paru. — La graisse. Voir le chapitre suivant.
  432. Ont les veines plus petites. Ou du moins, les veines sont moins apparentes. — Et le sang plus rouge. Je ne sais pas si cette observation est acceptée par la science moderne, non plus que celles qui suivent. — Le sang est plus noir. Même remarque ; comme au temps d’Aristote, on ne distinguait pas le sang artériel du sang veineux, il était possible de confondre la couleur de l’un et de l’autre, dans les animaux aussi bien que dans l’homme. — Le ventre, également. Le terme dont se sert le texte est plus vague que celui de Ventre, puisqu’il signifie essentiellement une Cavité. — Deviennent charnus et gras. Il n’y a qu’un mot dans le texte. La zoologie moderne ne paraît pas s’être préoccupée de ces détails autant qu’Aristote. Voir Cuvier, Leçons d’Anatomie comparée, IIe leçon, p. 103, 2e édit., de la Fibre musculaire.
  433. La graisse et le suif diffèrent. Les différences indiquées ici sont très-réelles ; mais la zoologie ne paraît pas en avoir plus tard tenu beaucoup de compte ; elles devaient frapper les premiers observateurs. — Tout à fait cassant. Le suif se durcit et devient assez solide pour casser, en se refroidissant ; voir Cuvier, Règne animal, tome I. p. 256, sur la nature du suif. — Et ne se coagule pas. Je ne sais pas si ceci est bien exact ; et les faits dont nous pouvons nous assurer à chaque instant semblent prouver que la graisse se coagule aussi. — Les bouillons faits… Le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Avec des animaux gras. Ce sont plus particulièrement des Pachydermes. — Des animaux à suif. Le mouton peut être qualifié ainsi ; mais la chèvre ne semble pas avoir autant de suif. Voir Buffon, qui adopte complètement cette définition de la graisse et du suif, qu’il emprunte évidemment à Aristote, tome I, p. 248, Œuvres complètes, in-12, édit. de 1752 à 1805.
  434. Où se produisent le suif et la graisse. Le texte n’est pas aussi formel ; mais j’ai cru devoir le développer davantage pour plus de clarté. — L’extrémité des chairs. Ceci veut dire que le suif se place à la partie de la chair la plus voisine de la peau. — L’épiploon. Voir plus haut, ch. II, § 3. Il s’agit sans doute du grand épiploon. — Qui ont les deux rangées de dents. Ce sont les quadrupèdes ordinaires. — Qui n’ont pas ces deux rangées. Ce sont les ruminants, qui en général ont beaucoup de suif.
  435. . On en tire de l’huile. Comme c’est du foie des sélaciens qu’il est ici question, MM. Aubert et Wimmer en concluent que les Grecs ont connu l’huile de foie de morue. Il est peu probable cependant que, si cette découverte utile avait été faite dans l’Antiquité, on l’eût laissé perdre. — Moins gras, en graisse. Cette tautologie est dans le texte. — Le suif des poissons est graisseux. Il ne paraît pas que depuis Aristote on ait continué ce genre d’observations, bien qu’on ait fait la chimie des animaux.
  436. Tantôt répandue dans la chair… C’est ce qu’on peut voir aisément sur les volailles qu’on mange. — L’épiploon. Sans doute, le grand épiploon. — Comme l’anguille. C’est en effet un des poissons les plus gras, parmi ceux qu’on mange. — La région du ventre. Ou « de l’estomac ». L’observation est très-juste. Chez les hommes, c’est ce qu’on appelle : Prendre du ventre. — Qui font peu de mouvement. Les « Animaux » comprennent aussi les hommes, qui grossissent à ne rien faire.
  437. . La cervelle est gluante. Le mot du texte me semble avoir ce sens plutôt que tout autre, bien qu’en général on le traduise par Graisseux ; mais ici ce ne serait qu’une répétition que l’auteur ne paraît pas avoir voulu faire, puisqu’il prend deux expressions différentes. — Gluante… sèche. Ces observations ont été vérifiées et acceptées par la science moderne. Dans la région des reins. Tous ces faits ont dû être constatés sur les animaux domestiques, où il est facile de les observer. — Le moins chargé dégraisse. MM. Aubert et Wimmer affirment que le fait est exact, tout au moins pour le lapin. — Vers le milieu… C’est probablement du Bassinet qu’Aristote veut parler. Voir le Traité des Parties des animaux, liv. III, ch. IX, p. 160, édit. Frantzius, sur la graisse des reins. Aristote y répète en partie ce qu’il dit ici sur le suif des moutons et sur leurs maladies. — Un excès de nourriture.. Cette explication est fort probable. — Près de Léontium. La ville de Léontium était en Sicile au nord-ouest de Syracuse, à une petite distance. Ses plaines étaient célèbres par leur fécondité extraordinaire, surtout en blé. Léontium était la patrie de Gorgias.
  438. . Il y a de la graisse… Ceci correspond tout à fait à une théorie analogue du Traité du Sens et des choses sensibles, ch. II, § 7, p. 32 de ma traduction ; et c’est par là qu’Aristote explique que les yeux ne gèlent jamais. Aussi, ai-je adopté la correction fort heureuse que MM. Aubert et Wimmer ont faite de ce passage. La théorie peut être fausse ; mais l’auteur reste conséquent avec lui-même. La leçon ordinaire n’est pas acceptable.
  439. . Sont moins féconds. Voir la même observation dans le Traité des Parties des animaux, liv. II, ch. V, p. 70, édit. Frantzius. Cette infécondité, pour cause d’excès de graisse, est signalée particulièrement chez les hommes et les femmes, Traité de la Génération des animaux, liv. I, p. 94, édit. et trad. Aubert et Wimmer. — Avec les années… Chacun de nous peut vérifier l’exactitude de cette observation.
  440. Ce qu’il en est du sang. Voir plus haut ce qui a été dit déjà sur le cœur et le sang, liv. I, ch. XIV, et liv. II, ch. II. Voir aussi la Dissertation sur la composition de l’Histoire des Animaux. — Tardivement et après coup. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Profondément altérés. L’expression grecque est peut-être un peu plus forte ; et elle comprend aussi l’idée de la mort et de la destruction. — Qu’on appelle les veines. Voir plus haut les chapitres II, III et IV sur le sang, le cœur et les veines. — Dans le cœur tout seul. Voir plus haut liv. I, ch. XIV, § 8, et Traité des Parties des animaux, liv. III, ch. IV, p. 134, édit. et trad. Frantzius.
  441. Le sang n’est sensible quand on le touche. Voir la même pensée dans le Traité des Parties des animaux, liv. II, ch. III, p. 66, édit. et trad. Frantzius, et liv. III, ch. X, p. 136, id., ibid. Il est assez difficile de comprendre comment il est possible de toucher le sang et de savoir par là s’il est sensible ; on le comprend pour les excrétions intestinales, pour le cerveau et la moelle ; mais pour un liquide tel que le sang, on ne voit pas comment l’expérience pourrait être faite. Sur l’insensibilité du cerveau, voir le Traité des Parties des animaux, liv. II, ch. X, p. 90, édit. et trad. Frantzius. — Quand on les touche. Ou peut-être : « Quand ils sont touchés » par quelque corps étranger. — Partout où l’on coupe la chair. Fait certain et très-facile à observer. — La chair ne soit viciée. Le texte se sert ici du même mot que dans le paragraphe précédent.
  442. Douceâtre. C’est le sens du mot grec, et la saveur réelle du sang ; voir le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. II, édit. et trad. Frantzius. — Il est plus noir. On sait que, du temps d’Aristote, la science n’avait pas distingué le sang veineux et le sang artériel ; elle attribuait à une maladie la couleur plus foncée d’une partie du sang dans certains cas. — Soit naturellement. Par suite d’une constitution originairement vicieuse.
  443. Chaud et liquide. Voir le Traité des Parties des animaux, livre II, ch. II, p. 58, édit. et trad. Frantzius, sur la chaleur propre du sang, comparée à celle de l’eau et de l’huile. — Il se coagule. C’est ce qu’on peut voir aisément par le sang humain. — Le cerf et le daim. La même assertion se retrouve dans le Traité des Parties des animaux, livre II, ch. IV, p. 66, édit. et trad. Frantzius. Aristote attribue ce phénomène à la nature aqueuse et froide du sang chez les daims et les cerfs. — Le sang du taureau qui se coagule le plus rapidement. La science moderne n’a pas ratifié cette observation.
  444. Ont plus de sang. Je ne sais si l’observation est exacte : et la quantité relative du sang est assez difficile à mesurer. Toute cette phrase du texte est d’ailleurs assez embarrassée. — Ni trop de sang comme ceux qui boivent avec excès. La quantité du sang peut être augmentée par l’excès du liquide absorbé ; mais c’est surtout la qualité du sang qui est changée ; il devient beaucoup plus aqueux ; et par suite, moins nutritif. — Ils l’ont pur. La physiologie comparée ne semble pas, de notre temps, s’être occupée de ces phénomènes. — Qui avoisinent les os. Le phénomène que signale Aristote, en supposant qu’il soit exact, tiendrait sans doute à ce que, dans ces parties, la circulation est moins facile que partout ailleurs.
  445. C’est l’homme… le taureau et l’âne. Observations curieuses, mais dont l’exactitude serait sans doute à vérifier. — Dans les parties basses… Même remarque. Dans le Traité des Parties des animaux, livre II, ch. II, p. 54, édit. et trad. Frantzius, Aristote revient sur ces différences du sang, dans les parties hautes et basses du corps.
  446. Au même instant dans toutes les parties du corps. Ceci n’est pas tout à fait exact ; et l’on voit, à la réflexion, que ce ne peut pas l’être ; car il faut nécessairement qu’un certain temps s’écoule entre le départ du sang sortant du cœur par l’aorte, et son arrivée aux divers membres ; par exemple, au poignet, où d’ordinaire on tâte le pouls. On a, dans ces derniers temps, essayé de mesurer cet intervalle ; et on l’a trouvé d’une fraction de seconde assez petite ; mais les Anciens ne pouvaient pas faire ces observations, qui aujourd’hui même sont excessivement délicates et peu sûres. — Il est le seul liquide. Ceci est très-juste. MM. Aubert et Wimmer proposent une correction que je n’ai pas cru devoir admettre, et qu’eux-mêmes n’ont pas reproduite dans leur traduction. La leçon ordinaire me paraît la seule vraie. — D’abord dans le cœur. Ceci semble se rapporter à des observations sur le fœtus et aux premiers instants de la vie intra-utérine. Voir dans le Traité des Parties des animaux, livre III, p. 134, édit. et trad. Frantzius, un passage très — remarquable sur le rôle du cœur pendant la vie, et sur ses fonctions dès les premiers instants de l’existence. Il paraît clairement d’après ce passage que toutes ces théories d’Aristote s’appuyaient sur des dissections. — Avant même que le reste du corps.. Le cœur n’est pas la première partie du corps qui apparaisse dans le fœtus ; voir Buffon, Développement du fœtus, tome XI, p. 262, édit. de 1830.
  447. Est trop liquide. C’est bien souvent l’extrême liquidité du sang qui cause la maladie, si fréquente de nos jours, qu’on appelle l’anémie. — Une sueur sanguinolente. Le fait n’est pas absolument rare ; mais c’est toujours l’indice d’un cas morbide. — Et en l’isolant. C’est-à-dire en divisant la masse entière du sang, qu’on a tiré en plusieurs petites parties.
  448. Le sang n’en sort pas aussi complètement. Il ne paraît pas que cette observation soit exacte, bien qu’elle ne soit pas très-difficile à faire. — Par la coction. On ne comprend pas bien ce que l’auteur a voulu dire ici. — La graisse vient du sang. Sans doute ; mais dans le corps tout vient du sang, en un certain sens, puisque c’est le sang qui nourrit le corps tout entier. — Quand le sang est malade. C’est la traduction littérale du texte ; mais le fait n’est peut-être pas très-exact ; le saignement de nez n’est pas une maladie du sang, proprement dite, non plus que les hémorroïdes ou les varices. Ce serait plutôt une maladie ou une affection des vaisseaux sanguins.
  449. Des femelles… des mâles. J’ai conservé l’expression toute générale du texte ; quelques traducteurs ont plus particulièrement appliqué ceci à l’espèce humaine, aux hommes et aux femmes. — Il est plus épais et plus noir. Il ne semble pas que cette différence soit réelle ; mais il est possible que les climats aient une influence décisive, et qu’en Grèce les choses ne soient pas tout à fait ce qu’elles sont dans nos contrées. — De tous les animaux femelles. Ceci confirme la remarque faite au début de ce paragraphe. — Dans un état morbide. L’expression n’est peut-être pas assez précise. Le sang n’est pas malade lui-même ; mais, par une cause ou par une autre, il sort en trop grande abondance. — Le nom de perte. Le texte dit précisément : « Flux » ; voir le Traité de la Génération des animaux, livre I, §§ 72-75, et livre IV, § 20, édit. et trad. Aubert et Wimmer, où Aristote donne des explications plus développées sur le flux mensuel de la femme, pp. 98 et 290.
  450. Les femmes… Il peut y avoir quelque vérité dans ces observations à certains égards ; mais, pour les varices particulièrement, les femmes en ont, surtout pendant le temps des grossesses. Certaines professions, où les femmes doivent se tenir fréquemment debout, leur donnent aussi des varices.
  451. Selon les âges. Les observations suivantes sont en général fort exactes, et très-curieuses. — Même quand on le prend à la surface du corps. Cette traduction n’est peut-être pas très-sûre, parce qu’on ne voit pas clairement ce que l’auteur a voulu dire. — Ce phénomène ne se produit pas. C’est-à-dire que le sang ne se coagule pas aussi vite chez les jeunes gens. — La lymphe… en sérosité. MM. Aubert et Wimmer croient que cette phrase est une glose, qui, de la marge, sera passée dans le texte. Il est à remarquer qu’Aristote n’a rien dit de la théorie de son maître sur le sang ; voir le Timée de Platon, trad. de M. V. Cousin, p. 220.
  452. Un de ces liquides. Le mot de Liquide appliqué à la moelle n’est pas exact, parce qu’elle a trop de consistance pour qu’on puisse la regarder comme liquide, au même titre que le sang ou la lymphe. — Renfermés dans des vaisseaux. C’est un fait d’observation générale ; et c’est peut-être là ce qui aura déterminé Aristote à prendre la moelle pour un liquide, attendu qu’elle est renfermée dans le vaisseau des os, comme le sang l’est dans le vaisseau des veines. C’est ce rapprochement qui l’aura trompé. — Les autres liquides… intestins. MM. Aubert et Wimmer prennent cette phrase pour une interpolation ; et cette conjecture est très-probable.
  453. Tout à fait de la nature du sang. Ceci est exagéré ; mais il est vrai que, chez les sujets jeunes, la moelle n’a pas les mêmes caractères que chez les sujets vieux. — La moelle devient de la graisse. La science moderne ne paraît pas avoir poursuivi ces recherches sur la moelle. C’est à peine si Cuvier l’a mentionnée dans ses Leçons d’Anatomie comparée, leçon II, p. 116, 2e édit.
  454. Il n’y a pas de moelle dans tous les os. L’observation est exacte dans cette généralité ; mais l’analyse pouvait être poussée plus loin ; on pouvait essayer de déterminer les os qu’ont ou qui n’ont pas de moelle. — Les os du lion. Déjà il a été question du lion, plus haut, ch. VII, § 8. — Antérieurement. Id., ibid. — Les os du cochon… L’observation paraît exacte ; et elle était plus facile à faire sur un animal domestique que sur un animal sauvage, comme le lion ; voir le Traité des Parties des animaux, liv. II, ch. VIII p. 72, édit. et trad. Frantzius, où ces sujets sont exposés et développés de nouveau.
  455. Sont presque toujours de naissance. Aristote aurait pu indiquer à quels fluides il applique la restriction ; mais l’observation générale n’en est pas moins juste ; et il y a dans le corps de l’animal des fluides qui y existent dès le moment de la naissance, et d’autres qui n’apparaissent que plus tard. — Celui qui est sécrété séparément. Le mot du texte n’est pas d’un sens très-clair ; mais on doit très-probablement comprendre que le lait, par opposition à la laite des poissons, peut être extrait de l’animal dès qu’il s’y est produit. — Mais la liqueur séminale. Il est certain que la laite chez les poissons ne se présente pas sous forme de fluide, comme chez quelques autres animaux ; mais elle joue le rôle fécondant de cette liqueur, bien qu’elle ait une autre forme. Voir le Traité de la Génération des animaux, liv. I, § 14, p. 52, édit. et trad. Aubert et Wimmer. Dans ce dernier passage, le mot que je rends par Laite n’est pas le même qu’ici.
  456. Dans les mamelles. Ce caractère est assez important pour qu’il ait servi de base à la classification zoologique ; il forme toute La classe des Mammifères. — Soit qu’ils produisent leurs petits… Cette distinction entre les vivipares a été établie par Aristote, qui y revient souvent ; le petit peut être déjà vivant dans le sein de la mère avant la naissance ; ou bien, il peut ne recevoir la vie qu’au moment où il en sort. Tel est le cas de la vipère, par exemple. La suite du paragraphe prouve bien que c’est là le sens de ce passage. — Au phoque. MM. Aubert et Wimmer remarquent d’après M. Meyer (Zoologie d’Aristote) que c’est la seule fois qu’Aristote classe le phoque parmi les cétacés ; et ils accepteraient un changement de texte qui mettrait le phoque à part du dauphin et de la baleine. Le phoque est rangé parmi les mammifères carnassiers amphibies, tandis que la baleine et le dauphin sont effectivement des cétacés ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 166 pour le phoque, et pp. 281 et suiv., pour les cétacés. — Ont aussi des mamelles et du lait. C’est ce qui les a fait classer aussi parmi les mammifères, tout éloignés qu’ils sont des mammifères les plus ordinaires par leurs formes, et surtout par l’élément où ils vivent.
  457. Toutes les espèces de lait. Ceci montre qu’Aristote avait fait bien des observations et bien des comparaisons, pour arriver à ces généralités. — Le sérum, ou petit-lait. Il n’y a qu’un mot dans le texte. — Et qui a du corps. Il n’y a que ce seul mot dans le texte ; la traduction est littérale. — Le caséum, le fromage. Il n’y a également qu’un seul mot dans le texte. — Les laits plus épais. Tous ces faits sont très-exacts. — Qui n’ont pas les deux rangées de dents. Ce sont les ruminants, qui n’ont pas d’incisives à la mâchoire supérieure, celles de la mâchoire inférieure étant en général au nombre de huit ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 254. — Ne se coagule pas, non plus que la graisse. Ce membre de phrase pourrait bien être une interpolation. Voir plus haut, ch. XIII, § 1. — Le plus léger de tous… La physiologie moderne a généralement accepté ces données, qui sont fondées sur des observations exactes. — Le lait de l’âne. J’ai conservé, dans tout ce passage, les formules du texte, bien qu’il fût plus exact de dire Chamelle, Jument, Anesse. — Du bœuf. Même remarque ; il faudrait dire Vache. — Qui coagule. Ou, qui fait cailler. — C’est le feu. MM. Aubert et Wimmer font observer qu’il vaudrait mieux dire : « la chaleur », plutôt que le feu.
  458. En général… Ceci est fort exact ; et les exceptions indiquées ne le sont pas moins. — Le premier. C’est-à-dire : Dans les premiers temps où le lait s’est produit, il n’est pas très-bon. — Plus tard. Il est évident que ces mots ne peuvent pas se rapporter à ce qui précède, comme l’ont cru quelques traducteurs. — Les femmes aient conçu. Le texte n’est pas aussi précis. Ceci se rapporte aux femmes qui ont eu déjà des enfants, et qui plus tard, sans même être enceintes, ont du lait de nouveau. — Un peu de lait. En l’absence de la grossesse, le lait est moins abondant. — Quelques femmes, quoique vieilles. Le fait est exact, quoique assez rare ; peut-être l’était-il moins sous le climat de la Grèce.
  459. Du mont Oeta. Au sud de la Thessalie et du Sperchius, au nord-ouest de Thèbes. — Avec des orties. Je crois que cette coutume subsiste encore en plus d’une contrée. — Est mêlé de sang. Par suite de l’irritation extrême qu’aura causée le frottement des orties.
  460. Que dans l’homme. J’ai conservé la formule du texte. — Il y a pourtant quelques exceptions. Même dans l’espèce humaine. Les dictionnaires de médecine citent quelques-uns de ces cas tout exceptionnels, et des allaitements d’enfants faits par des hommes. — A Lemnos. île de la mer Egée, entre le mont Athos et l’Hellespont. Le fait que rapporte ici Aristote, sans doute d’après la tradition, paraît exact, d’après quelques observations modernes.
  461. Comme des présages. Ainsi qu’on regardait comme un présage la barbe qui poussait aux prêtresses de Carie ; voir plus haut, ch. X, § 12. A cet égard, les Anciens étaient encore bien plus superstitieux que nous. — Qui, après la puberté… C’est à cette époque que se produit le plus ordinairement ce singulier phénomène ; mais on l’observe aussi plus tard. — Quand un enfant les tette. Le texte n’est pas aussi précis. § 8. Une certaine graisse. Evidemment, c’est le beurre qu’Aristote veut désigner ici. — En Sicile. Les pâturages de Sicile étaient en général renommés pour leur fertilité. — Trop gras. Avec MM. Aubert et Wimmer, j’adopte cette leçon qui est préférable à la leçon ordinaire, bien qu’elle ne s’appuie pas sur les manuscrits. Elle résulte à peu près uniquement du changement d’une seule lettre.
  462. § 8. Une certaine graisse. Evidemment, c’est le beurre qu’Aristote veut désigner ici. — En Sicile. Les pâturages de Sicile étaient en général renommés pour leur fertilité. — Trop gras. Avec MM. Aubert et Wimmer, j’adopte cette leçon qui est préférable à la leçon ordinaire, bien qu’elle ne s’appuie pas sur les manuscrits. Elle résulte à peu près uniquement du changement d’une seule lettre.
  463. Ces animaux ont plus de lait. Il s’agit des animaux domestiques ; et selon les individus, le rendement est plus ou moins considérable. — Pour cet usage. C’est-à-dire pour la conservation. — De brebis et de chèvre ; et ensuite…. de vache. La pratique peut montrer tous les jours que cette classification des laits, sous le rapport de la conservation des fromages, est exacte. — Les fromages de Phrygie. Il paraît que ces fromages devaient avoir une valeur particulière, pour qu’on les connût si bien en Grèce, à une aussi grande distance. La Phrygie, dont les limites ont beaucoup varié selon les époques, était à l’ouest de l’Asie-Mineure, et elle correspondait à une partie occidentale de l’Arménie actuelle. Outre ses fromages, elle était connue de la Grèce par ses musiciens ; et la musique grecque lui avait emprunté un de ses modes. — De lait de jument et de lait d’ânesse. Je ne sais pas si cet usage s’est conservé dans le pays, — Il y a plus d’éléments de fromage. Ceci est fort exact ; et il paraît, d’après des recherches récentes, que la proportion indiquée ici de 19 à 30 est très-juste. M. Gorup-Besanez, cité par MM. Aubert et Wimmer (Chimie physiologique, p. 417), a trouvé que le lait de chèvre contenait 33 de caséine, tandis que le lait de vache en a 48. La proportionnalité est la mairie. — D’une amphore. La capacité de l’amphore a varié beaucoup ; il n’importe guère ici de savoir précisément ce qu’elle était, puisqu’il ne s’agit que d’une proportion. — D’une obole. Le prix de l’obole a varié également ; il correspondait à 15 ou 20 de nos centimes.
  464. Tantôt. Voir le début du paragraphe précédent. — Qui ont plus de deux mamelles. Les chiennes, par exemple, les truies, etc. — Aucun d’eux… de fromage. Tous ces détails sont exacts, et ils étaient fort curieux pour les premiers observateurs.
  465. Le suc du figuier. Je ne crois pas que, dans nos pays, on emploie encore ce moyen de faire railler le lait, comme on le faisait en Grèce. C’est surtout de la présure qu’on se sert. Du reste, les détails que donne Aristote sur l’emploi pratique du suc de figuier, sont intéressants. — La présure est déjà une sorte de lait. La présure se trouve en effet dans la caillette, ou quatrième estomac des ruminants et particulièrement du veau. — Ce lait a été cuit. Ou, si l’on veut, « a fermenté ». MM. Aubert et Wimmer contestent avec raison que la présure soit déjà du lait ; selon eux, c’est au contraire le lait absorbé par les jeunes animaux qui se change en présure. Il n’y a pas grande différence de part et d’autre, et l’explication d’Aristote semble fort correcte. Au fond, il ne distingue pas absolument la présure et le lait ; la présure commence par être du lait, avant de devenir ce qu’elle doit être, pour servir à faire cailler le lait. De là sans doute, le nom de Caillette donné au quatrième estomac des ruminants ; voir le Traité de la Génération des animaux, liv. II, § 61, p. 164, édit. et trad. Aubert et Wimmer, et le Traité des Parties des animaux, liv. III, ch. XV, p. 176, édit. et trad. Frantzius.
  466. Tous les ruminants ont de la présure. C’est surtout de la présure du veau qu’on se sert pour faire cailler le lait. Tant que le petit ruminant tette, la caillette est le plus grand de ses estomacs ; c’est ensuite la panse, ou le premier estomac, qui devient le plus grand, quand l’animal en arrive à manger de l’herbe. — Plus on garde la présure, meilleure elle est. Le Dictionnaire de l’Académie française, article Présure, cite cette phrase entière, évidemment empruntée à ce passage d’Aristote. — C’est surtout la vieille présure. Ceci semble n’être qu’une interpolation, jusqu’à la fin du paragraphe. — La meilleure des présures… Est-ce pour arrêter le flux du ventre, ou pour faire cailler le lait, c’est ce qu’on ne voit pas très-clairement. Je ne sais pas si la présure du lièvre a toutes les qualités qu’on lui prête ici. C’est de la muqueuse de l’estomac des ruminants qu’on tire aujourd’hui la Pepsine, que la médecine donne dans les maux d’estomac. Voir Pline (liv. XI. ch. XCVI, édit. et trad. E. Littré, p. 465), qui a répété presque mot pour mot tous ces détails d’après Aristote. Dans le chapitre XCVII, Pline ajoute de curieux renseignements sur les fromages, de diverses contrées, les plus estimés de son temps.
  467. Dans le Phase. Ou plutôt sur les bords du Phase, puisque le Phase est un fleuve, qui se jette dans le Pont-Euxin ; il porte aujourd’hui le nom turc de Pasch, ou Rioni. Le Phasis est célèbre par l’expédition des Argonautes, qui ont rapporté le faisan de ce pays en Europe. Le Phasis se jette dans la mer Noire, aux environs de Poti et de Redout-Kalé, après avoir traversé l’ancienne Colchide. — De petites vaches… Chez nous aussi les petites vaches bretonnes fournissent beaucoup de lait. — Une amphore et demie de lait. Il est difficile de savoir ce que représentait une amphore au temps d’Aristote ; une vache qui donne de douze à quinze litres est aujourd’hui regardée comme une très-bonne vache ; et c’est en effet un rendement énorme. C’était peut-être celui des grandes vaches de l’Épire. L’amphore était à peu près de dix litres ; ainsi l’amphore et demie en représente quinze. — Il faut se tenir debout. Ceci donne une idée de la grosseur de ces vaches. Voir plus loin, liv. VIII, ch. IX, § 4. — En Épire. L’Épire est située au nord-ouest de la Grèce ; et elle s’étendait de la Thessalie jusqu’à la mer Ionienne ou Adriatique. — Les chiens y sont énormes. Ce sont les chiens appelés Molosses. Je ne saurais dire si la faune de l’Épire est encore de nos jours ce qu’elle était au temps d’Aristote ; c’est probable.
  468. Du nom même du roi Pyrrhus. Ce roi est le fils d’Achille, Néoptolème, devenu roi d’Épire ; il y a eu plusieurs rois d’Épire portant le même nom.
  469. L’herbe médique. Voir plus loin, liv. VIII, ch. X, § 2, où il est encore question de l’herbe médique, dont la première coupe n’est pas bonne pour la nourriture des chevaux, des ânes et des mulets. Ceci ne dit pas précisément ce qu’était l’herbe médique, quoiqu’on voie bien que ce devait être un fourrage, sainfoin, trèfle, luzerne, etc. — Le cytise. Espèce de plantes légumineuses, où l’on compte des arbrisseaux, et même des arbres, à fleurs odorantes. — Les vesces. Ou les fèves, peut-être. — Elles mettent bas plus difficilement. Toutes ces observations sont très curieuses, et elles annoncent beaucoup d’attention au régime des animaux domestiques. — Est très-abondante. J’ai adopté la leçon de MM. Aubert et Wimmer, qui s’appuie sur plusieurs manuscrits, et qui est très-satisfaisante. — Certains fourrages flatueux. Voir plus loin, liv. VIII, ch. IX, § 1, sur l’usage des flatueux pour l’engraissement des bœufs. — À la petite chèvre au-dessous d’un an. Le nom grec donné à cette chèvre est Chimère ; j’ai dû, pour être clair, paraphraser ce mot.
  470. La mamelle tend à baisser. Il est bien probable que cette observation est exacte ; mais je ne sais pas si elle a été vérifiée. — Qu’ils restent sans porter. C’est sans doute en empêchant les vaches de s’approcher du mâle, qu’en Épire on avait obtenu ces fortes et puissantes races de bestiaux ; voir plus loin, liv. VIII, ch. IX, § 4. — Ont tout ce qu’il leur faut. Le texte n’est pas plus précis. — De l’année. J’ai ajouté ces mots. — Les ruminants. L’ordre des ruminants, le huitième ordre des mammifères, comprend le chameau, les chevrotains, les cerfs, les ruminants à cornes creuses, antilopes, chèvres, moutons, bœufs, etc. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 254 et suivantes.
  471. Les vaches de Torone. La ville de Torone, en Macédoine, était sur le bord de la mer, à l’extrémité de la presqu’île Sithonienne, et elle donnait son nom au golfe Toronaique, au fond duquel était Olynthe. Il est évident qu’ici Aristote parle de pays qu’il connaissait personnellement. — Chez les femmes. Je ne sais pas si la science moderne a sanctionné toutes ces observations, qui d’ailleurs sont assez faciles à faire. — Le lait des brunes est plus sain. On peut croire que ceci est vrai, quoique, parmi les hommes, les blonds ne soient pas moins robustes que les bruns. — Est plus salutaire aux enfants. Parce que l’autre est trop nourrissant. Voir Buffon, de l’Enfance, tome XI, pp. 339 et 350, édit. de 1830.
  472. Tous les animaux qui ont du sang. Il faut comprendre, par là, tous les animaux qui ont du sang rouge. — On dira ailleurs. La question est étudiée tout au long dans le Traité de la Génération des animaux, liv. II, §§ 14 et suiv. p. 134, édit. et trad. Aubert et Wimmer, et aussi § 60, p. 164. — Dans les animaux qui ont des poils. C’est là une généralité fort importante ; je ne sais pas si la science moderne l’accepte. — Hérodote. C’est par rapport aux Indiens qu’Hérodote signale cette particularité ; il ajoute qu’il en est de même des Ethiopiens, liv. III, ch. CI, p. 166, édit. Firmin-Didot.
  473. Le sperme, à l’état sain… Toutes ces explications attestent des observations physiologiques très-attentives, bien qu’on puisse en révoquer en doute la parfaite exactitude sur certains points. — Noir. Il est difficile de comprendre ce que l’auteur a voulu dire ; et il ne se peut guère que, dans aucune condition, la liqueur séminale prenne une couleur noire. — Les grands froids… la chaleur… Ce sont autant d’observations curieuses, que la science moderne ne paraît pas avoir recommencées. — Tout sec et congloméré. Même remarque. — Le sperme prolifique… Il est clair que ceci indique une suite d’expériences ; mais les détails que donne Aristote sont trop concis pour qu’on puisse voir jusqu’où ces expériences avaient été poussées, et ce qu’elles étaient.
  474. Ctésias n’a écrit que des erreurs. Aristote est revenu plus au long sur ces erreurs de Ctésias, dans le Traité de la Génération des animaux, liv. II, § 31, p. 146, édit. et trad. Aubert et Wimmer. Il y revient aussi sur l’assertion d’Hérodote concernant la liqueur séminale des Éthiopiens ; et il étudie plus longuement qu’ici la nature et les propriétés du sperme. Ctésias prétendait que le sperme des éléphants devenait, en séchant, aussi dur que de l’ambre ; Aristote nie absolument le fait. MM. Aubert et Wimmer, croient que ce fait peut n’être pas impossible. Pour Ctésias, voir ce qui nous reste de lui, dans ses Fragments, p. 88, à la suite de l’édition d’Hérodote, édit. Firmin-Didot. On fera bien, pour ce livre comme pour les précédents, d’avoir sans cesse sous les yeux les ouvrages de notre grand Cuvier, le Règne animal et son Anatomie comparée. En rapprochant le naturaliste moderne du naturaliste grec, on sera d’autant plus frappé de tout ce qu’Aristote savait déjà, et de tout ce qu’il avait observé et découvert, dès le IVe siècle avant notre ère.