Histoire des quatre fils Aymon (1840)/Au lecteur

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AU LECTEUR.
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Quoique, selon l’opinion de plusieurs personnes, les livres qu’on appelle Romans aient plus de récréation que de vérité, toutefois, qui les saurait bien examiner n’y trouverait point de faute d’artifice ; mais bon sujet en tout, principalement en cette Histoire de Charlemagne, du duc Aymon et de son fils Regnaut. Car on ne doute point que Charlemagne qui donne commencement à ce livre, n’ait régné heureusement, et fait son devoir pour réprimer la fausse loi des payens, agissant par de continuelles guerres contre les croyans d’icelle, tellement que sa mort donna grandes réjouissances, non-seulement aux Sarrasins, mais encore à la maudite hérésie Arienne, pullulant déjà du temps de ce bon roi. Et vous pourez trouver aux annales d’Aquitaine, partie II, chapitre 6, et en Ançon la Belle, livre 6 de Gal. Plût à Dieu qu’un pareil zèle fût imité dans ce temps.

Le duc Aymon, du pays de Saxe, eut quatre fils, l’un desquels eut nom Regnaut, surnommé de Montauban, à cause du château que le roi lui donna ; il n’est rien de plus vrai, nul ne peut nier les prouesses, grandes vertus et la prompte obéissance envers son souverain Seigneur, que possédait Regnaut, et principalement la bonne volonté qu’il avait de détruire ladite secte Sarrasine pleine de tromperie.

Touchant la voie souterraine dudit château de Montauban, de laquelle parle le vingtième Chapitre de ce livre, et par où se sauvèrent Regnaut et les siens affamés par le long siège ; c’est chose contenue en la vraie Histoire de Froissard, tome III, chapitre 58, et dans la même est aussi parlé de l’antiquité de la maison de Regnaut de Montauban. Au reste, il y a plusieurs choses pour passe-temps et récréation des nobles esprits, et qui n’aiment point trop d’attachement à âpre lecture, après avoir satisfait aux choses nécessaires. Je ne suis pas seul en mode de procédé, car Homère, Virgile et plusieurs autres, ont enrichi leurs histoires de beaucoup d’ornemens, autrement elles eussent été froides en leur brièveté. C’est pourquoi, cher lecteur, vous voudrez bien égaler cette Histoire, tant pour les raisons susdites, que pour épargner ma peine ; je l’ai mis en tel état que si vous la conférez avec les vieux exemplaires qui ont eu cours jusqu’à présent, vous la trouverez purgée de toute erreur, accommodée à la vérité des anciennes annales et autres fidèles Histoires, et ornée élégamment pour l’acroissement de notre langue française.