Histoire du Canada et des Canadiens sous la domination anglaise, Vol 3, 1878./Avant-propos

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La compagnie d'impressions et de publication Novell (3p. 3-4).


AVANT-PROPOS.




« C’est la vérité que l’on cherche et que l’on doit trouver dans l’histoire : elle est faite pour instruire… Un historien est obligé de se renfermer dans les bornes de la plus exacte vérité ; c’est une loi fondamentale de l’histoire, qu’il ne doit jamais oublier : il perd la qualité d’historien, dès qu’il s’en écarte… Ce serait dénaturer, en quelque sorte, la science de l’histoire, que d’y admettre la moindre fausseté… C’est la vérité seule qui constitue son essence. » (Griffet.)

« Le fondement de l’histoire est la vérité, et ce n’est pas la rapporter fidèlement que d’en supprimer une partie… C’est une espèce de mensonge que de ne dire la vérité qu’à demi. Personne n’est obligé d’écrire l’histoire, mais quiconque l’entreprend s’engage à dire la vérité toute entière. M.de Sponde, évêque de Pamiers, après avoir donné de grandes louanges à l’historien Guichardin, ajoute : que si quelquefois il censure vivement les princes ou les choses dont il parle, c’est la faute des coupables, et non de l’historien ; il serait lui même repréhensible, s’il dissimulait les mauvaises actions qui peuvent rendre les autres plus sages, et les détourner d’en commettre de pareilles… Moyse ne dissimule ni les crimes de son peuple, ni ses propres fautes. » (Fleury).

L’écrivain partial s’étendra sur les faits qui lui plairont, et taira les autres, ou les noiera dans des déclamations ou des divagations hors de propos, comme pour jetter de la poudre aux yeux de ses lecteurs. À peine pourrait-on excuser le pamphlétaire ou le journaliste qui en agirait de la sorte, mais l’historien contemporain, quelque désagréable que lui puisse être la tâche de rechercher et de dire la vérité tout entière, il faut qu’il la remplisse fidèlement, à peine d’être qualifié à bon droit de prévaricateur.

Mais les circonstances permettent-elles de publier une histoire contemporaine ? Pouvait-on même écrire sitôt une histoire ? Oui, si l’on avait « la conscience de quelque impartialité », si l’on n’a pas été acteur dans le drame, si l’on a pu demeurer étranger aux passions, et surtout aux actes de partis extrêmes. « Les partis n’ont point encore parlé, du moins historiquement ; parlons donc avant eux ; décréditons d’avance les relations de la haine, de l’esprit de parti et de vengeance. » Il s’élève une génération qui nous demande compte de l’état présent des choses, ou des changemens survenus dans notre situation politique : n’aura-t-on à lui offrir que les gazettes, ou partiales, ou virulentes, ou licencieuses de l’époque ? La jeunesse n’y pourrait guère puiser que des idées erronées, des opinions exagérées, une éducation politique déplorable. « Réserver cette histoire pour un autre temps serait une injure pour la génération actuelle. » (Lacretelle)

« Au reste nous entendons que dans nos écrits chacun ne puisse être jugé que d’après lui-même, par ses propres opinions, par ses propres actes, de sorte que sans rien celer de ce que doit contenir cette histoire, l’historien ne soit pas accusé de prononcer avec malveillance, ou de se livrer à des personnalités inutiles et étrangères à l’instruction que l’on doit au public. » (Durand de Maillane).

« Comme historien, nous devons à nos lecteurs la vérité tout entière, quelles que soient les réputations qu’elle puisse blesser… Nous nous croirons suffisamment récompensés de nos peines, si, en nous lisant, on demeure convaincu qu’aucune passion particulière n’a dicté ni influencé notre récit. » (Durand de Maillane).