Histoire du Montréal, 1640-1672/26

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de l’automne 1663 jusqu’à l’automne 1664 au départ des vaisseaux du Canada.


La seigneurie du Montréal ayant été donné par Messieurs de cette compagnie à Messieurs du Séminaire de St. Sulpice, ils en ont pris possession cette année ; ce qui leur donna de l’exercice bientôt après et pour commencer, sans considération de l’autorité du roi qui avait donné une justice à cette seigneurie avec droit de ne ressortir par appel que devant une cour souveraine, on trouvai propos de ne lui pas même souffrir la moindre ombre de justice aussitôt que Messieurs de la compagnie du Montréal le lui auraient remise. Il est vrai que cette insulte est assez grande et qu’il est assez inouï de voir telles entreprises sans fondement, ni pouvoir ; c’était moins bien reconnaître 6 ou 7 cent mille livres de dépenses faites par les seigneurs de Montréal pour le soutien de ce pays où ils ont tant perdu de monde et où il n’y aura d’ici à longtemps que de la dépense à faire. Mais n’importe, Mrs. du Séminaire se consolent fort de cet affront en ce qui leur était cette justice extérieure qui regarde le barreau, 011 leur a donné lieu d’annoblir et d’accroitre celle qui est intérieure et qui regarde le ciel, au reste Mr. Tallon trop équitable pour souffrir de telles injustices a rétabli les seigneuries de ce lieu dans leur droit et a fait évanonir un certain fantôme de justice qui a régné quelque peu de temps se couvrant du beau manteau de Justice Royale contre tout droit et raison. Pour ce qui regarde la guerre, 011 a bien eu de la peine cette année, aussi bien que les autres ; il fallait toujours être ici sur ses gardes ; de tous côtés, on était en crainte à cause des embuscades, même si on voulait faire savoir des nouvelles à Quebec ou aux Trois-Rivières de quelque chose important la guerre, il fallait chercher les meilleurs canoteurs, les faire partir de nuit, et après, avec une diligence qu’aujourd’hui on ne voudrait pas croire, ils tâchaient de se rendre au lieu déterminé, et d’éviter par leur vitesse la rencontre des ennemis ; Mr. Lébert un des plus riches et honnêtes marchands qu’il y eut ici et même dans tout le Canada, a rendu ici de grands services à la Colonie, pour laquelle il s’est souvent exposé pour donner ses avis, soit en canot, soit sur les glaces, ou à travers les bois ; ce n’est pas là l’unique service qu’il ait rendu en ce lieu, d’autant que s’il a eu l’esprit de faire sa fortune par son commerce et en même temps beaucoup servir le public dans la manière aisée et commode en laquelle il l’a fait touchant les faits de guerre. Je rapporterai ici deux coups faits par les Iroquois, afin de faire voir les peines et les hasards où l’on était ici alors ; puisque à peine osait-on paraître à sa porte pour y aller chercher de quoi vivre. Feu Raguideau étant allé à la chasse avec plusieurs personnes dont il avait le commandement, Mr. Debelètre étant aussi sorti de l’habitation avec un parti dans le même temps et pour le même dessein, ces deux partis se joignirent à deux Isles qui sont un peu au dessous de ce lieu où ayant tué des bêtes, ils envoyèrent un canot devant eux, chargé de viande à l’habitation ; or comme on ne peut remonter ce fleuve à la rame sans être proche de terre pour éviter le courant, ce canot chemin faisant le long du rivage se trouva vis-à-vis d’une embuscade qui fit une décharge laquelle tua ou blessa trois ou quatre hommes qui étaient dans le canot ; cela fait, un Iroquois accourut afin de tirer le canot de l’eau, mais un de nos gens qui était encore en état de se défendre, jeta roide mort d’un coup de fusil l’Iroquois qui venait lui, cela fait, il mit au large, les autres Iroquois s’encoururent à leurs canots apparemment pour suivre nos gens moribonds et blessés, mais voyant Mr Debelètre, Saint Georges et autres Français, lesquels venaient au secours, ils changèrent le dessein en celui de s’enfuir. Au mois d’août de cette année, deux Français étaient tout proche du Montréal en canot, tout d’un coup, ils furent tués roides mort sans avoir le loisir de voir ceux qui les chargeaient ; enfin il y avait tellement la nuit à craindre de toutes parts en ce lieu et il y aurait tant d’exemples fâcheux à rapporter que nous n’en manquerions pas de trouver davantage, mais ceux-ci suffiront pour donner une idée générale du tout.