Histoire du chevalier Grandisson/Lettre 97

La bibliothèque libre.
Nouvelles lettres angloises, ou Histoire du chevalier Grandisson
Traduction par Abbé Prévost.
(tome VIIp. 60-61).

LETTRE XCVII.

Mylady G… à Miss Byron.

27 septembre.

Volez, Lettre d’une ligne, sur les ailes du Vent & de l’Amitié, pour assurer Henriette que je la mets dans mon cœur au-dessus de toutes les Femmes du monde, & des Hommes aussi, à l’exception de mon Frere. Apprenez-lui que ma tendresse est même augmentée, parce que je l’aime à présent pour elle & pour Sir Charles.

De la petitesse, Henriette ! Vous êtes tout ce qu’il y a de grand & de bon dans une Femme. La petitesse des autres ajoute à votre grandeur. Mes foibles n’en ont-ils pas toujours été la preuve ? Oui, ma chere, vous êtes grande, & aussi grande que Clémentine ; & je vous aime, s’il est possible, plus que moi-même.

Quelques lignes, je vous prie, sur d’autres sujets, car je ne puis vous faire une Lettre si courte. La Comtesse de D… est venue voir mon Frere : ils ont passé près d’une heure ensemble. En sortant elle m’a pris la main. Toutes mes espérances, m’a-t-elle dit, s’évanouissent comme une ombre, mais je n’en aimerai pas moins Miss Byron ; & Sir Charles, au jour de son pouvoir, ne me refusera pas l’amitié de l’heureux couple ; ni vous, Madame, une tendre liaison avec ses deux Sœurs.

Mylady Anne… pauvre Mylady Anne ! Je n’ose dire à mon Frere jusqu’où va sa tendresse pour lui ; je serois sûre de lui causer du chagrin.

Belcher me charge de ses complimens pour vous. Il est dans l’affliction. Son Pere est si mal, que les Médecins n’en esperent plus rien.

Adieu, mon Amour. Adieu, toutes mes Grands-Mamans, mes Tantes & mes Cousines de Northampton-Shire.