Histoire financière de la France/Chapitre XIII

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CHAPITRE XIII.


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Règne de Louis XIII.


DEUXIÈME ÉPOQUE : Ministère du cardinal de Richelieu.


1624 — 1642.


SOMMAIRE.


Erection d’une chambre de justice contre les financiers. - Autres expédients employés pour subvenir aux dépenses des armées. - Projets de Richelieu. - Assemblée de notables en 1626. - Moyens indiqués par le cardinal pour obtenir le soulagement des peuples, la réduction des dépenses, le rachat des revenus aliénés et l’établissement du crédit. - Mémoires du marquis d’Effiat, surintendant des finances. - Doctrine de Richelieu sur le pouvoir de la couronne en fait d’imposition. - Secours accordés par les notables. - Déclaration du roi à la clôture de l’assemblée. - Obstacles à l’exécution des vues de Richelieu et du marquis d’Effiat. - Importation des denrées et des autres marchandises de la France prohibée par l’Angleterre. - Interdiction aux Français de tout commerce maritime, et motifs de cette mesure. - Entreprises de Richelieu contre les franchises des pays d’états. - Élévation rapide des impositions, de la gabelle, des droits de traite, etc. - Rétablissement et abandon de la subvention générale du vingtième des marchandises. - Droits sur les eaux-de-vie, sur les fers, le papier, etc. - Résistance de la cour des aides et du parlement réprimée. — Etablissement d’un droit sur le tabac. - Suite d’opérations extraordinaires de finances. - Subvention fournie spontanément à l’occasion de la prise de Corbie par les Espagnols. - Rétablissement de la liberté du commerce maritime. - Révoltes ; croquants ; va-nu-pieds. — Popularité acquise aux parlements par leur opposition aux levées d’impôts. - Le parlement, ramené à ses anciennes attributions, ne conserve qu’avec restriction la faculté de faire des remontrances matière de finance. - Emprunts volontaires et forcés. - Situation comparée des finances à la mort de Richelieu et à la fin du règne de Henri IV. - Conséquences de la vénalité des offices. - Extension donnée au pouvoir des intendants en fait d'impositions.


Les peuples, victimes des fausses mesures de l’administration non moins que des concussions de ses agents, et espérant toujours quelque soulagement de la poursuite des financiers, voyaient avec regret sans résultat les demandes formées à ce sujet par les dernières assemblées. L’arrivée du cardinal de Richelieu au pouvoir fut signalée par ce moyen violent de se procurer de l’argent.On érigea une nouvelle chambre de justice pour connaître de la gestion des financiers. Les poursuites, d’abord rigoureuses et suivies de condamnations capitales, se ralentirent à la sollicitation des familles puissantes qui avaient contracté des alliances avec les accusés. La révocation de ce tribunal redoutable fut prononcée, à la charge de payer des taxes arbitraires qui produisirent au trésor près de onze millions ; « et les gens de la cour s’y enrichirent plus que le roi. »


1626.- Des retranchements sur les pensions, qu’accompagnait la ressource plus abondante des offices, et des additions à la portion encore libre des impôts, des subsides extraordinaires accordés à titre de don gratuit sur le clergé et les pays d’états, formaient un revenu de beaucoup inférieur encore aux frais que nécessitaient cinq armées composant une force de quatre-vingt-dix mille hommes répartis en Languedoc, en Poitou, en Guyenne, dans la Valteline, et en Italie. Déjà pourtant les dépenses ordinaires excédaient de dix millions les fonds que recevait annuellement l’épargne ; la dette exigible montait à cinquante-deux millions ; des corps de troupes étaient arriérés de trente mois de solde ; les revenus d’une année se trouvaient absorbés à l’avance ; et telle était la détresse des campagnes que, loin de penser à une augmentation sur les tailles, déjà portées à vingt millions, on fut obligé d’accorder une remise sur cet impôt[1].

Héritier, en quelque sorte, des conceptions magnanimes de Henri IV et de la volonté despotique de Louis XI, Richelieu méditait de relever la monarchie française aux yeux de l’Europe par l’abaissement de la maison d’Autriche ; de raffermir le pouvoir de la couronne en accoutumant les grands à fléchir sous l’autorité des lois ; de mettre un terme aux guerres de religion par l’occupation de La Rochelle, dernier rempart des calvinistes ; enfin de créer un armement maritime capable de résister aux forces navales que possédait déjà l’Angleterre. Pour l’exécution de ces grands desseins, que le génie inflexible du cardinal sut accomplir, il fallait non seulement des ressources pécuniaires, mais encore l’expression de l’assentiment public aux intentions de la couronne. Richelieu voulut paraître obtenir ces deux moyens de la nation, consultée; mais, au lieu de s’adresser aux députés élus par les trois ordres, il fit convoquer une assemblée de notables qu’il choisit parmi la noblesse, le clergé, les intendants et les membres du conseil d’état.


1626 - 1627. - Après un discours long et diffus, dans lequel le garde des sceaux exposa à l’assemblée la situation politique de la France, l’état fâcheux de ses finances et du commerce, les immenses ressources du royaume et les vues du gouvernement pour sa prospérité future, le cardinal de Richelieu prit la parole. Dans la bouche de l’habile ministre, les désordres, les dépenses excessives et tous les résultats des fautes et de la faiblesse de l’administration durant les seize années qui s’étaient écoulées depuis que la France regrettait Henri IV, devinrent autant de sacrifices indispensables que la pureté et la probité avaient ménages, et dont la France « avait tout sujet de se louer au lieu de pouvoir s’en plaindre. » Présentant ensuite l’alternative dans laquelle se trouvait placé le gouvernement, ou de laisser le royaume exposé aux entreprises de ceux qui en méditaient l’abaissement et la ruine, ou de trouver des expédients pour le garantir de ces malheurs, il plaçait les réformes au premier rang des moyens. Elles devaient porter sur trois points : réduction des dépenses de la cour, diminution des pensions, et démolition des forteresses placées en dedans des frontières. Cette dernière proposition n’annonçait que l’intention d’atténuer les frais des garnisons; elle avait pour but réel de détruire cette multitude de remparts qui formaient le dernier appui de la féodalité. Déjà la mesure venait d’être exécutée en Bretagne sur les châteaux du duc de Vendôme, comme une satisfaction accordée aux états de la province, qui en avaient fait la demande dans une assemblée tenue en présence du roi et de Richelieu. Mais ces épargnes, bien qu’elles fussent évaluées à plus de trois millions, seraient trop faibles pour que les besoins de l’état n’excédassent pas encore ses revenus : « restoit donc à augmenter les recettes, non par de nouvelles impositions que les peuples ne pourroient plus porter, mais par des moyens innocents qui donnent lieu au roi de continuer ce qu’il a commencé à pratiquer, en déchargeant ses sujets par la diminution des tailles ; et l’avis que le roi vous demande n’est que votre consentement sur des choses qui dépendent nuement de Sa Majesté. »

Ces moyens consistaient à faire rentrer le gouvernement dans la jouissance de vingt-deux ou vingt-trois millions de revenus en domaines et autres produits qui étaient engagés. « Alors le trésor pourroit suffire à tous les besoins ; les peuples seroient soulagés, et ne payeroient d'impôts que ce qui seroit nécessaire pour qu’ils n’oublient pas leur condition et ne perdent pas la coutume de contribuer aux frais publics. En cas d’entreprise étrangère ou de rébellion intestine, ajoutait le cardinal, ou lorsqu’il sera question d’exécuter quelque dessein utile et glorieux pour l'état, il ne faudra plus courtiser les traitants ni puiser à grand prix dans leurs bourses, souvent pleines des deniers du roi ; on ne verra plus les cours souveraines occupées à vérifier des édits nouveaux ; et les rois ne paraîtront plus en lit de justice que pour révoquer des mesures dictées précédemment par la nécessité. »

Pour réaliser l’espoir d’un aussi bel avenir, il suffisait que l'assemblée procurât en six années les fonds nécessaires au rachat des domaines et des revenus engagés, opération qui devait être faite d'une manière équitable : car, disait Richelieu, « le plus grand gain que puissent faire les rois et les états est de garder la foi publique, qui contient en soi un fonds inépuisable, puisqu’elle en fait toujours trouver[2]. »

Pendant le cours des séances, le marquis d’Effiat, nouvellement appelé à la surintendance des finances, remit aux notables un mémoire dont les détails confirmaient les désordres que signalaient plusieurs écrits publiés à l’occasion de l’assemblée. Dans ce mémoire, aux principes qui avaient rétabli et maintenu l’ordre dans le recouvrement, l’emploi et la comptabilité des deniers de l’état, le surintendant opposait le résultat de la vénalité et de la multiplicité des offices, et de la corruption que cette dangereuse ressource avait introduite dans tous les degrés de l’administration financière. Par de semblables moyens les fermiers s’étaient rendus maîtres des traités; des aides, des gabelles et, de dix-neuf millions de tailles qui s’imposaient au nom du roi, six millions seulement restant à l’épargne n’y parvenaient qu’après avoir supporté les gages et les taxations que cent soixante receveurs particuliers et vingt receveurs généraux élevaient au triple des fixations réglées. Les contrôleurs, les trésoriers de France, toléraient ou partageaient ces prélèvements abusifs; et, lorsque la chambre des comptes en refusait l'allocation, on lui produisait des édits non enregistrés, ou des lettres de jussion la forçaient d’admettre ces allocations excessives. Tous les comptables, profitant du relâchement de l’administration et de l’incurie ou de l'incapacité de leurs surveillants, s’étaient affranchis des descriptions et des règles que Sully avait introduites. Le désordre et la confusion étaient portés à un tel point que le surintendant n’avait pu connaître ni la situation des ressources disponibles, ni le montant des dépenses acquittées pour les services de la guerre et de la marine. « Semblables à la seiche, qui à cette industrie de troua pour tromper les yeux du pêcheur qui 1°épie, de même les trésoriers de l’épargne et les receveurs généraux avoient obscurci leur maniement, » de telle sorte qu’il était impossible de reconnaître dans les comptes des premiers ce que les receveurs généraux avaient versé, ou de retrouver chez ceux-ci ce que les trésoriers avaient reçu. Le retard dans l'apurement des gestions devait être le résultat de ce désordre; et la chambre des comptes déclarait qu’il lui serait impossible de distinguer les recettes et les dépenses réelles des opérations supposées, tant que les trésoriers de l’épargne et leurs correspondants n’auraient pas remis leurs comptes, qu’ils n’avaient pas rendus depuis cinq ans, de même que les fermiers des impôts et les partisans.

Pour ramener l’ordre et la régularité dans les gestions, le surintendant s’engageait à exercer une surveillance vigilante sur les dépositaires de la fortune publique, afin d’assurer l’accomplissement de toutes leurs obligations, et de revenir aux états de contrôle que Sully avait introduits. Expliquant, ensuite à l’assemblée l’embarras où il avait trouvé le trésor, les expédients ruineux que la nécessité l’avait forcé d’adopter, et leurs fâcheuses conséquences, il rappela aux notables que l’intention du roi, en les convoquant, avait été de connaître leur avis sur les remèdes que l’état des affaires exigeait. « L’avis que le roi vous demande, ajoutait le marquis d'Effiat, n'est que votre consentement en des choses qui dépendent nuement de Sa Majesté. Il demande d’être secouru, non pour s’en prévaloir, mais parce que la sécurité publique le requiert....... Étant si éloigné de faire chose qui puisse fouler son peuple, qu’il les décharge de six cent mille livres par le brevet des tailles de cette année, qu’il pouvoit augmenter autant qu’il eût plu à sa souveraine autorité. »

Ces expressions ne laissaient aucun doute sur le droit absolu, que Richelieu attribuait à la couronne, de n’être arrêtée dans l’établissement et l’augmentation des impôts que par l’impossibilité de les percevoir. Cette prétention était contraire aux principes professés par Sully, et avant lui par Philippe de Commines : présentée au sujet des tailles dans les états-généraux tenus à Tours en 1484; elle avait été repoussée; elle fut inaperçue par des notables qui tous étaient exempts de la taille personnelle.

L’assemblée, se renfermant pour tout ce qui tenait aux questions d’un intérêt général dans le cercle tracé par les ministres, étendit cependant les voies d’économie qu’ils avaient indiquées. Elle supplia le roi d’ordonner

L'abandon de l’usage abusif des bons du comptant;

La réduction de l’état des pensions à deux millions, « si Sa Majesté ne trouvoit pas mieux de les supprimer tout-à-fait; »

Le retranchement, dans les dépenses de la maison du roi, de tout ce qui excédait celles qui avaient lieu du temps de Henri IV;

La démolition d’une grande quantité de forteresses de l’intérieur du royaume, qui ne servaient qu’à l’oppression des campagnes, augmentaient les frais de garnisons, favorisaient le soulèvement des grands, et exigeaient des armées pour les réduire, lorsqu’ils s’y étaient cantonnés;

La suppression des offices héréditaires;

Enfin, et eu égard aux bénéfices que les détenteurs avaient faits sur leurs marchés, le rachat des domaines et des revenus aliénés, au moyen de rentes qui seraient raient constituées pour la Normandie, à quatorze, et pour le reste du royaume, à seize capitaux du revenu, sans que les acquéreurs ou détenteurs pussent être dépossédés avant le remboursement.

Les notables, déférant aux insinuations du cardinal, accordèrent l’entretien d’un corps d’armée de deux mille chevaux et de dix-huit mille hommes d’infanterie, et l’armement de quarante-cinq vaisseaux de guerre, avec un nombre suffisant de galères pour protéger le commerce. La dépense devait être supportée pour un tiers par le trésor, et le reste, par les provinces, auxquelles on laissait le soin d’y pourvoir au moyen d’impositions à leur choix.

L’assemblée pria encore le roi d’obtenir pour les négociants français, dans les ports étrangers, la réduction des taxes de navigation au taux que les étrangers payaient en France, ou d’user de réciprocité envers eux, et de prohiber l’entrée des objets manufacturés dans l’étranger; enfin, d’assurer le libre transport des grains entre les provinces, et de n’en défendre l’exportation du royaume que dans les cas et sur les points où une disette serait à craindre, La noblesse demanda et obtint que les gentilshommes pussent prendre part au commerce sans déchoir de leurs privilèges.

A l’égard des malversations dont les comptables et les traitants se rendaient coupables, après de longues discussions on proposa de créer une chambre ambulatoire, composée d’officiers de tous les parlements, qui iraient dans les provinces pour connaître du péculat et des concussions des financiers, avec autorisation de prononcer les peines sur le témoignage de deux personnes. Mais l’assemblée, se bornant à demander au roi l’exécution des anciennes ordonnances, décida que les financiers seraient poursuivis par devant, les juges ordinaires, auxquels appartenait la connaissance du crime de péculat.

Les notables ne s’occupèrent des impôts existants que pour demander pareillement l’exécution des règlements anciens les plus propres à maintenir l’équité et l’égalité dans la répartition des tailles. Une voix cependant s’éleva pour proposer de rendre la taille réelle sur les biens, et de supprimer par conséquent la taille personnelle, qui, par l’arbitraire de sa fixation, était le fléau de l’agriculture. L’adoption de cette mesure eût été un bienfait pour les campagnes, et une source d’avantages et d’économies pour l’état ; mais l'avis ne trouva que trois partisans : les ecclésiastiques, les gentilshommes, les gens de robe, qui composaient l’assemblée, tous exempts de la taille personnelle, le rejetèrent comme dangereux.


1627. - La clôture de l’assemblée fut marquée par une déclaration dans laquelle le roi annonçait le dessein de délivrer ses sujets des vexations qui résultaient des dérèglements de la justice ; de rétablir le commerce ; de renouveler et d’amplifier ses privilèges, afin de le remettre en honneur ; de soulager le peuple en le déchargeant de trois millions de tailles dans les cinq années suivantes : « ce que nous ferions en une seule fois, dès à présent, portait la déclaration, si nous pouvions en un instant augmenter d’autre part notre revenu, venu, comme nous entendons faire dans ce temps par le rachat de nos domaines et droits aliénés sur nos tailles et gabelles[3]. »


1628.- La France ne devait pas voir l’accomplissement de cette promesse, et pourtant elle s’accordait avec les vues de Richelieu, parce qu’elle était dans l’intérêt de la monarchie. Mais la dernière guerre contre les calvinistes, que termina la prise de la Rochelle, et une rupture avec l’Angleterre, en exigeant des ressources extraordinaires, ne laissèrent au marquis d’Effiat que l’expédient de nouveaux offices, de constitutions de rentes, d’augmentations sur les gabelles, et d’autres édits bureaux que le roi fit vérifier en lit de justice, et sur lesquels on obtenait des avances dont l’intérêt n’excédait pas dix pour cent, taux que l’on considérait comme avantageux. Dans le même moment les contribuables se virent privés du moyen de subvenir au paiement des impôts, d’abord, par les mesures prises, en Angleterre, de repousser les denrées et les autres productions de la France, sous peine de confiscation; et en second lieu, par une déclaration du roi qui défendait tout commerce par mer avec amis ou ennemis. Le gouvernement, n’ayant pas encore de vaisseaux pour protéger la marine marchande contre les armements des Anglais, voulut les priver des secours que leur procuraient des prises ruineuses pour les armateurs de la France. Cette défense, qui arrêtait l’écoulement des produits du sol, fut maintenue pendant douze années.

Ce n’était pas assez pour Richelieu d’avoir fait signifier à la nation, dans la personne de ses notables, que la couronne était en possession d’établir désormais les impôts de sa seule autorité, il voulut préparer aux conséquences de cette maxime les pays d’états par l’intervention du gouvernement dans leur administration intérieure, et en profitant de toutes les circonstances qui pourraient y favoriser l’introduction des officiers royaux, dont l’établissement dans les autres provinces assurait le libre exercice de la puissance royale.

Dans une assemblée des trois ordres de la Bretagne, qui avait précédé de quelques mois la convocation des notables, Louis XIII, assistant à la tenue des états provinciaux, obtint un secours annuel de six cent mille livres. Les fonds devaient en être faits au moyen d’un impôt ou devoir de huit livres dix sous sur chaque pipe de vin du crû ou des autres provinces, à l’entrée dans les diocèses de Bretagne; mais, sur les réclamations des habitants de l’Anjou, dont cette taxe ruinait le commerce, un arrêt du conseil autorisa son changement en un droit à la consommation en détail du vin, de la bière et du cidre. En même temps plusieurs édits que le roi faisait enregistrer au parlement de Nantes érigeaient en titre d’office, avec attribution de gages, les emplois de receveurs des fouages, nom que l'on donnait en Bretagne à l’impôt des tailles, et y établissaient les offices héréditaires de greffiers de l’insinuation des contrats de vente, échange et autres aliénations[4].


1628.— En Dauphiné, des dissensions nées de l’inégale distribution de l’impôt foncier entre le troisième ordre et les classes privilégiées avaient amené la suspension des états. Privé de ce moyen d’opposition aux volontés du ministre absolu, la province subit l’établissement des élus royaux; et un commissaire-départi ou intendant fut chargé d’y faire le département des tailles, comme dans les pays d’élection, mais sur des bases cadastrales qui en rendaient la répartition moins arbitraire.


1629.- L'introduction d’administrateurs et d’officiers à la nomination de la couronne, dans les pays d’états, préparait autant de points d’appui pour l'établissement de la puissance absolue dans ces provinces. Une semblable tentative du cardinal eut moins de succès dans le Languedoc. Un ordre du roi prononça la dissolution de l’assemblée des états qui s’opposaient à l’établissement des élus royaux et à l’imposition additionnelle de deux cent vingt mille livres pour les gages et taxations annuelles de ces officiers. De son côté, le parlement de Toulouse n’ayant pas vérifié l’édit de création, on refusa, dans la plupart des diocèses, de reconnaître des nouveaux officiers, et d’imposer les tailles sur les mandements qu’ils avaient dressés. Le ministre alors proposa un autre arrangement : il consistait à faire rembourser par la province près de quatre millions avancés par les partisans qui avaient traité des offices, et à substituer aux élus des commissaires au département des tailles. Cette proposition tendait évidemment à obtenir de l’argent pour maintenir sous un autre nom les officiers que les diocèses repoussaient en vertu de leurs privilèges : elle excita un mécontentement général, et détermina les états à s’unir au duc de Montmorenci, qui sur ces entrefaites, avait pris les armes de concert avec Gaston d’Orléans, frère du roi. Après le combat de Castelnaudari, où Montmorenci fut fait prisonnier, le gouvernement consentit à la suppression des vingt-deux sièges d’élection, mais toujours à charge de remboursement du prix des offices. L’édit rétablissait les états dans le droit de se tenir tous les ans, les déclarait maintenus dans les libertés et privilèges dont ils jouissaient avant les troubles; mais il portait que, chaque année, la province paierait au trésor un million cinquante mille livres, « en vertu de lettres patentes qui seroient enregistrées en l’assemblée générale des états, pour y être pourvu consenti et délibéré à titre d’octroi ordinaire. » Cette forme d’imposition subsista jusqu’en 1649, que Louis XIV rendit aux états de Languedoc la délibération libre et entière de la quotité de leurs contributions annuelles aux besoins de la couronne[5].

Les états de Provence, mieux conseillés que ceux du Languedoc, s’affranchirent des officiers royaux qui leur étaient destinés, par l’octroi d’un subside extraordinaire de quinze cent mille livres payables en quatre années.


1629.- Dans les autres parties du royaume, les tributs s’élevèrent à partir de cette époque avec une rapidité qui n’avait pas encore d’exemple. On ajoutait continuellement au principal ou aux accessoires de la taille; l’impôt du sel subit plusieurs augmentations successives; sous prétexte d’une nouvelle appréciation des marchandises, on éleva de beaucoup les tarifs des droits de traite. La même opération, conseillée à Lyon par les agents de la douane, et appliquée indistinctement à l’entrée comme à la sortie, excita dans la ville une violente sédition. Plusieurs impôts abandonnés furent rétablis, notamment la taxe aussi onéreuse qu’incommode du vingtième ou son pour livre de la valeur des objets de consommation vendus ou échangés, qui reçut cette fois le nom de subvention générale. Mais les difficultés et les frais inséparables de cette imposition la firent convertir, à l’exception des droits sur les vins, en une addition de quinze cent mille livres aux tailles. Des villes et quelques provinces furent admises à se racheter de la taxe. On créa de nouveaux droits sur les eaux-de-vie, sur les fers en gueuse ou travaillés, sur le papier, sur les cartons, sur les ouvrages d’orfèvrerie.

Ces édits ne passaient point dans les cours souveraines sans difficultés ou sans remontrance. Une fois les membres de la cour des aides, prévenus que le comte de Soissons devait s’y rendre pour faire vérifier la création de plusieurs taxes, s’absentèrent tous, afin de témoigner leur opposition à l’enregistrement. Le roi les interdit, et nomma pour les remplacer des maîtres des requêtes et des conseillers d’état. Dans d’autres circonstances, les chambres du parlement ayant voulu s’assembler pour délibérer au sujet de nouvelles impositions, des présidents et des magistrats furent envoyés à la Bastille ou exilés, et l’affaire n’eut pas d’autres suites : tout fléchissait sous la volonté énergique du cardinal[6].


1629.- Le tabac attira, pour la première fois, l’attention du fisc. Cette plante, apportée en France en 1560 par Jean Nicot, et nommée, successivement, nicotíam, herbe à la reine, était alors connue sous la dénomination de petun ; Sa vertu séduisante commençait à en répandre l’usage, lorsqu’une déclaration enregistrée « du très exprès commandement » assujettit le petun à un droit de trente sous par livre à son entrée dans le royaume ; mais, par une exception motivée sur l’intention de favoriser les établissements coloniaux, le tabac récolté dans les îles et les autres possessions françaises d’outre-mer fut exempte de ce droit.


1632- 1633.- Par la succession rapide des événements, le marquis d’Effiat s'était trouvé entraîné dans la voie des affaires extraordinaires, dont la justesse de ses vues lui avait indiqué les inconvénients; mais son intégrité avait écarté des traités les abus dont lui-même avait révélé l’existence. Appliquant au rachat des revenus engagés les conditions de remboursement proposées par les notables, avant la fin de sa carrière ce surintendant avait dégagé les tailles et les gabelles de six millions deux cent mille livres de rentes ou d’attributions. Après lui, les aliénations, montant encore à treize millions huit cent mille livres, furent révoquées, et, pour les rembourser, on créa onze millions de rentes au denier quatorze sur les revenus. Mais l’édit qui ordonnait cette mesure étendit le remboursement à des obligations de gens d’affaires qui avaient prêté leur signature à l’épargne; statuant en outre que, dans le cas où les onze millions de rentes ne suffiraient pas, il en serait constitué de nouvelles pour le rachat du domaine et des autres revenus. Cette autorisation indéfinie, mais plus encore l’application abusive qui en fut faite par différents ministres, altéra la confiance; et une opération qui devait réduire la dette publique et délivrer l’état d’un assez grand nombre d’offices supprimés, marqua au contraire le retour au désordre et à la confusion qui régnèrent pendant trente années dans les finances[7].

1634. - La remise d’un quart des tailles et de la crue des garnisons, dans le moment où la guerre se poussait avec le plus d’activité en Lorraine et en Italie, avait été le résultat de l’exigence inconsidérée qui avait porté cet impôt à trente-six millions. Dans la vue de retrouver bientôt ce que faisait perdre ce dégrèvement obligé, la déclaration qui l'annonçait prononça la révocation des anoblissements vendus depuis trente ans, des abonnements consentis à des villes, des exemption accordées à des roturiers; et, afin d’assurer l’effet de ces dispositions à l’égard de ceux qui échappaient à l’imposition, soit en usurpant les privilèges de la noblesse, soit en se rendant redoutables aux collecteurs chargés de la formation des rôles, on renouvela les règlements préparés par Sully, qui autorisaient et même obligeaient les officiers des élections à taxer d'office les taillables qui ne seraient pas portés sur les listes[8].


1636.- Dans le coins des hostilités qui désolaient l’Europe, une armée espagnole pénètre en Champagne et en Picardie, parcourt, en les ravageant, ces provinces, assiège et prend Corbie, dernière place forte avant Paris. Dans ce moment de danger la nation donna la mesure des sacrifices que les rois de France peuvent attendre de l'affection et du patriotisme de leurs sujets. Les cours supérieures, l’université, la capitale, les villes, bourgs et villages, et des monastères, fournirent spontanément l’argent nécessaire pour l’armement et l’entretien de vingt-sept mille hommes qui, réunis à d’autres troupes, rejetèrent les ennemis dans la Flandre.


1639-1641.- Le gouvernement possédait alors des forces navales suffisantes pour protéger les flottes marchandes. Voulant remédier au mal qu’il avait causé en arrêtant l’exportation des produits du sol, il rétablit la liberté du commerce étranger, « dans l'espérance, porte la déclaration, que la vente des blés, des vins et des eaux-de-vie, soulagera les peuples. » Cette mesure, qui ne pouvait avoir d’effet que dans l’avenir, ne diminuait rien au mal présent. Le poids des impôts était excessif : à Toulouse, à Bordeaux, les parlements défendirent la levée de nouvelles taxes que l'on voulut établir. Enfin, les rigueurs de la perception excitèrent des émeutes à Paris et des soulèvements sur plusieurs points du royaume. Des bandes de paysans révoltés, sous le nom de croquants en Guyenne, et de va-nu-pieds dans la Normandie, exerçaient leur fureur sur les receveurs et les fermiers des tailles et des gabelles. Des troupes nombreuses étouffèrent la révolte, et les coupables furent punis. Le roi suspendit le parlement de Rouen et confisqua les revenus de la ville. Mais ces rigueurs, malheureusement nécessaires, en augmentant la mauvaise disposition des peuples, ajoutaient de nouvelles difficultés au recouvrement, qui n’en devint que plus onéreux.


1641.- Par le refus réitéré d'enregistrer les édits de création des nouveaux impôts, et par des arrêts portant défense d’exécuter les édits non vérifiés, le parlement de Paris avait plusieurs fois donné l’exemple de la résistance que les autres cours du royaume opposaient aux volontés du ministre. Chaque fois, à la vérité, l’exil ou l’emprisonnement de magistrats, et l’enregistrement en lit de justice, avaient triomphé de l’opposition et assuré l’exécution des ordres royaux ; mais, chaque fois aussi, ces moyens violents augmentaient la popularité des cours souveraines. Richelieu résolut de terminer cette lutte défavorable à la couronne, et qui contrariait l’accomplissement des desseins dont il suivait l’exécution. Un nouveau lit de justice fut indiqué. Là, développant la doctrine qu’il avait professée quinze ans auparavant dans l’assemblée des notables sur la légitimité de l’autorité absolue en fait d’impositions, Richelieu annonça que, si la force et la majesté avaient été rendues à l’état, c’était « en ne souffrant plus qu’on mît la main au sceptre du souverain, et que l’on partageait sa puissance, » et que le roi voulait affermir cette puissance en la personne de ses successeurs par un règlement général. « Notre cour de parlement, et toutes nos autres cours, ajoutait la déclaration, n’ont été établies que pour rendre la justice; nous leur faisons à l’avenir très expresse inhibition et défense de prendre connaissance d’aucune des affaires qui peuvent concerner l’état, administration et gouvernement d’icelui, que nous réservons à notre personne seule, et à celle de nos successeurs rois. Nous déclarons, dès à présent, toutes délibérations et arrêts qui pourroient être faits contre l’ordre de la présente déclaration nuls et de nul effet; voulons qu’il soit procédé contre ceux qui se trouveroient en pareille délibération, comme désobéissant à nos commandements, et entreprenant sur notre autorité.

Voulons et entendons que les édits concernant le gouvernement et l’administration de l'état soient publiés et enregistrés par nos dits officiers, sans en prendre connoissance, ni faire aucune déclaration sur iceux.

Pour les édits et déclarations qui regarderont les finances, voulons et entendons que nosdits officiers s’ils y trouvent quelque difficulté, se retirent par devers nous, afin que nous y pourvoyions ainsi que nous le jugerons à propos, sans qu’ils puissent y apporter aucune modification, ni user de ces mots ne devons ni ne pouvons, qui sont injurieux à l’autorité du prince; et en cas qu’après avoir entendu les remontrances nous jugions que les édits doivent être vérifiés, voulons et entendons qu’il soit procédé à l’enregistrement et vérification, toute affaire cessante. »

La déclaration privait de leurs fonctions plusieurs membres du parlement, « afin de faire connoître à tous que la création, la substitution et la suppression des charges est un effet de notre puissance, et afin que l’exemple de la peine encourue en la personne de ces magistrats retienne les autres dans le devoir[9]. »

Ramené, par l’énergie du ministre tout-puissant, dans les limites de ses anciennes attributions, le parlement perdit pour un temps l’importance politique que des circonstances habilement saisies lui avaient donnée. Il fut réduit aux fonctions d’une haute cour de judicature, à laquelle le roi confiait l’enregistrement et le dépôt des actes de l’autorité souveraine : car la restriction mise à la faculté des remontrances sur les mesures financières devait rendre nul l’effet de ces représentations. Dès lors Richelieu put marcher sans contradiction et sans trouble à l’accomplissement des vastes desseins qui l’occupaient pour l’agrandissement futur de la France; et les contribuables ne perdirent qu’une protection impuissante, parce que les remontrances, souvent inopportunes, avaient été rarement désintéressées de la part des magistrats que l’usage avait autorisés à les porter au pied du trône.


1642.- Cependant, l’entretien de nombreuses armées en Savoie, en Espagne, dans les Pays-Bas et en Alsace, imposait des besoins pressants qui s’augmentaient encore des fonds que Richelieu répandait dans les cours étrangères pour préparer l’accomplissement de ses vues. La voie des emprunts volontaires était épuisée. On créa six cent mille livres de rentes dont le capital devait être fourni par les personnes aisées du royaume. Sous Henri IV, au commence nient des réformes dont s’occupait Sully, et à l'issue des guerres civiles, la France épuisée avait répondu en peu de jours à un semblable appel : on y fut sourd cette fois, parce que l’administration inspirait peu de confiance. Il fallut recourir au placement des rentes par taxes arbitraires; mais des clameurs et des résistances, plus puissantes que n’avait été l’opposition du parlement, firent révoquer la création. On eut recours à de nouvelles impositions, à une subvention extraordinaire obtenue du clergé par forme d’amortissement perpétuel des biens que cet ordre possédait, et toujours à l’invention des offices. Mais les traitants eux-mêmes ne se prêtaient plus à l’émission des emplois, dont le placement devenait plus difficile en raison de leur abondance : car les commis des comptables, et jusqu’aux chauffe-cire dans les tribunaux, s’étaient vus, moyennant finance, décorés du titre d’officiers royaux héréditaires. Malgré le produit de ces ressources passagères, le revenu de trois années était absorbé à l’avance, lorsque Richelieu, et, peu de temps après, Louis XIII, finirent leur carrière.


1645.— Le montant des tailles était alors de quarante-quatre millions, c’est-à-dire supérieur de trente millions environ à ce qu’était cet impôt à la fin du règne précédent. Les autres droits perçus ou affermés pour le compte de l’état s’élevaient à trente-six millions. De ce total de quatre-vingts millions, quarante-sept étaient absorbés par les rentes, les gages et les autres aliénations ; et l’épargne n’avait la jouissance que de trente-trois millions pour satisfaire à des dépenses que le faste du ministre plus que celui de la couronne, la guerre et l’abus des acquits de comptant, élevaient à quatre-vingt-neuf millions : ce qui établissait une insuffisance annuelle de cinquante-six millions. Sous Henri IV, au contraire, sur vingt-six millions de revenus l’épargne en recevait vingt. Ainsi, dans l’espace de trente-trois ans, dont la moitié avait été marquée soit par des troubles, soit par une interdiction de commerce non moins funeste à la reproduction, le trésor avait acheté par quarante et un millions d’engagements un faible accroissement de revenu de treize millions, pour lequel la France était grevée d'une élévation d’impôts de cinquante-quatre millions. Cette dernière somme n’est que bien peu éloignée de l’excédant annuel des recettes sur les dépenses portées à leur plus haut terme, puisque toutes n’étaient pas le résultat de besoins réels[10]. N’est-il pas démontré par cette situation que, sans les rentes perpétuelles, sans les gages et les autres attributions pécuniaires, conséquence de la vénalité introduite par François Ier, les tributs annuels auraient suffi aux nécessités du gouvernement, même en temps de guerre; et de plus que, sans ce déplorable système, la population eut été exempte d’une multitude d’exactions particulières ? Ce qui précède en effet ne peut encore donner qu’une idée imparfaite du changement survenu en peu d’années dans la condition des peuples. Pour compléter ce tableau, il y manque, indépendamment du montant des droits exercés par la noblesse, par le clergé et par les tribunaux, L'aperçu des sommes que percevaient directement les titulaires d’offices non supprimés ou rétablis, celui des concussions commises impunément par les gouverneurs dans les provinces, et la connaissance des bénéfices réalisés par les fermiers des impôts. Ce dernier article devait être considérable sous un gouvernement dont le chef, livré tout entier aux combinaisons de la politique extérieure et au soin de sa conservation dans le poste éminent où son génie l’avait élévé, abandonnait la direction des finances à des hommes qui n’étaient pas dirigés par le zèle et l’intégrité à l’aide desquels Sully avait découvert les ruses des financiers et réprimé l’avidité des traitants. Car la trop courte administration du marquis d’Effiat n’avait pas laissé de vestiges du bien que ce surintendant voulait faire.

Dans un édit qui parut peu de mois après la mort du grand ministre[11] on retrouve l’intention qui l’anima sans cesse de rendre au gouvernement, en matière d’impôts, la toute-puissance et la liberté d’action que gênait l’existence des offices héréditaires ; La somme des tailles, imposée à chaque généralité par le conseil, était répartie par les officiers trésoriers de France entre les arrondissements d’élection, et par les élus entre les paroisses. Dans la vue de mettre un terme aux lenteurs et aux abus qui accompagnaient cette opération, on en avait confié la surveillance aux commissaires-départis ou intendants commissionnés, dont on a vu la création sous le règne de Henri II. Réunis aux trésoriers de France en bureau de finance, l’intendant arrêtait le département entre les élections. Ensuite, accompagné de l’un des trésoriers, il devait se transporter dans toutes les élections de la généralité. Là, avec les élus qu’il désignait, en présence du procureur du roi, du greffier de l’élection et du receveur des tailles, il procédait à la sous-répartition de l’impôt sur les villes, bourgs et paroisses taillables. Venaient ensuite les collecteurs nommés par les habitants, qui réglaient les cotisations individuelles et formaient les rôles, sauf vérification par les élus royaux. Le concours de tant de personnes dans les deux premiers degrés de répartition avait pour but d’écarter les injustices inhérentes à une espèce d'impôt qui ne reposait pas sur des bases certaines. Mais, nonobstant les règlements plusieurs fois renouvelés, le gouvernement était dépourvu d’autorité sur les propriétaires d’offices héréditaires, qui, au lieu de zèle, n’apportaient dans leurs fonctions que des prétentions fondées sur les privilèges honorifiques et pécuniaires qu’ils avaient achetés avec leur emploi; et la vanité ou l'incurie des trésoriers de France ou des élus entravaient l’opération importante de l’assiette des tailles par des difficultés qui compromettaient le recouvrement. Le nouveau règlement statua que, dans le cas où les trésoriers de France ne feraient pas délivrer les commissions nécessaires, ou s'ils faisaient difficulté d'accorder la présidence à l’intendant, « au premier refus ou délai, celui-ci devait seul faire expédier par son greffier les ordres de répartition aux élus, en leur indiquant le jour auquel il procéderait avec eux sans les trésoriers de France. » La décision de l’intendant ne pouvait être réformée que par le ministre. Cette disposition frappait de nullité les trésoriers de France, qui n’en existèrent pas moins eu égard à leur finance; mais elle livra les taillables à l’arbitraire de commissaires révocables à volonté, dont les commissions n’étaient pas même enregistrées, et qui n'attendaient leur maintien ou leur promotion que du zèle dont ils faisaient preuve. De ce moment l’autorité des intendants devint toute-puissante en fait d’imposition, et trop souvent ils n’en usèrent que pour entretenir les abus qu’ils auraient dû combattre.


  1. Discours et mémoires de M. de Marillac et du marquis d’Effiat à l’assemblée des notables de 1617.
  2. Journal de l’assemblée des notables convoqués à Paris en 1626; par le sieur Picardet, procureur au parlement de Dijon, l’un des membres de cette assemblée. - Procès-verbal de ce qui s’est passé à l'assemblée des notables en 1626.
  3. Déclaration de mars 1627.
  4. Mercure françois, année 1626.
  5. Mémoires sur les impositions, par Moreau de Beaumont, t. 2, p. 123 et suiv., et t. 5, p. 131.
  6. Comptes de Mallet, pag. 90 et 91.
  7. Recherches et considérations sur les finances, par Forbonnais, t. 2.
  8. Moreau de Beaumont, t. 2, p. 20, 21 et suiv.
  9. Lettres patentes, en forme d’édit, du 3 février 1641.
  10. Ce rapprochement et les observations qu’il fournit sont justifiés par les détails recueillis dans les Recherches de M. de Forbonnais et dans les comptes de Mallet, en ce qui concerne la quotité et la nature des revenus, des dépenses et des engagements du trésor, pendant les dernières années des règnes de Henri IV et de Louis XIII.
  11. Édit du 16 avril 1643.