Histoire naturelle générale et théorie du ciel/Deuxième partie/Chapitre VI

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CHAPITRE VI.

DE LA LUMIÈRE ZODIACALE.


Le Soleil est entouré d’une substance subtile et vaporeuse, qui forme une couche mince de part et d’autre du plan de son équateur et s’étend à grande distance, sans qu’on puisse affirmer si, comme le prétend M. de Mairan, elle vient au contact de la surface du Soleil sous la forme d’un verre convexe (figura lenticularis), ou si elle en est séparée de tous côtés à la manière de l’anneau de Saturne. Quoi qu’il en soit de ce point, il existe entre les deux phénomènes assez d’autres traits de ressemblance pour qu’on puisse comparer la substance de la lumière zodiacale à l’anneau de Saturne, et lui assigner une origine analogue. Si, comme il est le plus vraisemblable, cette matière est une effluve du Soleil, il est impossible de méconnaître la cause qui l’a rassemblée dans le plan de l’équateur solaire. La substance extrêmement fluide et légère que le feu du Soleil fait monter de sa surface, et en a fait monter depuis un long temps, est repoussée par la même action à une grande distance de cet astre, et continue, en proportion de sa légèreté, à se mouvoir à la distance où l’action répulsive des rayons solaires contre-balance la pesanteur de ces particules de vapeur ; on pourrait dire aussi que la matière déjà soulevée est supportée par les effluves de nouvelles particules qui s’élèvent incessamment par-dessous. Maintenant, puisque le Soleil, en tournant autour de son axe, imprime ce même mouvement aux vapeurs qui se détachent de sa surface, celles-ci conservent une certaine impulsion qui les force à circuler ; alors, conformément aux lois des forces centrales, les orbites de ces particules se croisent dans le plan de l’équateur solaire, et par suite, comme il s’y presse des quantités égales de matière venant de chacun des hémisphères, elles s’y amassent avec des forces égales, et forment une sorte de disque plat dans le plan de l’équateur solaire prolongé.

Mais, à côté de cette ressemblance avec l’anneau de Saturne, il existe entre les deux phénomènes une dissemblance essentielle, qui rend la lumière zodiacale toute différente de cet anneau. Les particules de l’anneau se maintiennent dans des orbites circulaires indépendantes en vertu du mouvement de rotation qui leur a été imprimé ; mais les particules de la matière zodiacale sont maintenues à distance par l’action des rayons solaires, sans laquelle le mouvement qu’elles tiennent de la rotation du Soleil serait insuffisant à les préserver de la chute et à les maintenir en libre circulation. Car, la force centrifuge à la surface du Soleil n’étant pas même 1/40000 de l’attraction, les vapeurs devraient s’éloigner à 40 000 rayons solaires pour trouver à cette distance une gravitation qui pût équilibrer leur vitesse. Il est donc certain que ce phénomène solaire ne peut être à ce point de vue assimilé à l’anneau de Saturne.

Enfin on pourrait encore, et non sans vraisemblance, assigner à cet ornement du Soleil une origine identique à celle de l’ensemble du système planétaire ; il a pu être formé des particules de la matière universelle qui se mouvaient dans les régions les plus élevées du monde solaire ; celles-ci ne sont tombées que tardivement vers cet astre, après la formation complète de tout le système, en suivant lentement une orbite courbe dirigée de l’ouest à l’est ; et, en vertu de cette révolution, elles sont venues croiser dans les deux sens l’équateur prolongé du Soleil et s’y sont accumulées. Elles sont maintenant soutenues à cette hauteur et dans ce plan à la fois par la répulsion des rayons solaires, et par leur vitesse circulaire effective. Cette explication n’a d’ailleurs d’autre valeur que celle qui convient à une hypothèse, et n’a pas la prétention de s’imposer à l’approbation du lecteur, qui reste libre de tourner ses préférences du côté où lui apparaîtra la plus grande probabilité.