Histoire populaire du Christianisme/VIIIe siècle

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HUITIÈME SIÈCLE.




Le pape Sergius mourut le 8 septembre 701. Jean VI lui succéda.

En 703, Justinien Rhinotmète, c’est-à-dire qui a le nez coupé, revint en vainqueur à Constantinople. Il se fit amener en plein cirque Apsimare et Léonce et les foula aux pieds ; puis il ordonna de leur couper la tête. Quant au patriarche Callinique, il le relégua à Rome après lui avoir crevé les yeux.

Le pape Jean VI mourut le 11 janvier 705. Jean VII lui succéda. Mort de Jean VII, le 18 octobre 707. Il eut pour successeur Sisinnius, le 19 janvier 708, et Constantin, le 25 mars de la même année.

Philippique, empereur en 711, ayant fait couper la tête de Justinien Rhinotmète, convoqua un nombreux Concile d’évêques et d’abbés qui rétablirent le Monothélisme. En 712, il y eut un autre Concile, réuni par Jean, patriarche de Constantinople, et par un eunuque nommé Germain, qui décida dans le même sens.

En 715, l’eunuque Germain fut nommé patriarche et chassé en 716 par l’empereur Théodose qui se prononça contre le Monothélisme, qui finit par être oublié. Le pape Constantin mourut cette année-là, le 9 avril. Grégoire II lui succéda.

Ce fut sous Théodose que parut l’hérésie des 
Iconoclastes ou briseurs d’images. Il est avéré que 
les Chrétiens ne connaissaient à l’origine ni temples 
ni simulacres d’aucune espèce. Tertullien, Origène, 
Lactance, Minutius Félix, Arnobe en font foi. Le 
fait même d’allumer des cierges était regardé 
comme un reste de paganisme. « Les païens, dit 
Lactance, allumaient des cierges comme si Dieu 
était dans les ténèbres. »

Les premiers Chrétiens avaient en horreur toute espèce d’images et surtout les statues : « Nous n’adorons les croix ni ne désirons les voir, dit Minutius Félix. » Mais les choses avaient bien changé, et l’Église était devenue Iconolâtre, c’est-à-dire adoratrice d’images ; donc, les briseurs d’images, bien que tous les anciens Pères fussent de leur avis, étaient et sont restés hérétiques.

En 722, l’empereur Léon, qui était Iconoclaste,
 ordonna aux Juifs et aux Montanistes de se faire
 baptiser. Alors, Juifs et Montanistes se réunirent et 
se brûlèrent solennellement pour échapper à l’apos
tasie.

Une singulière décrétale du pape Grégoire II, en 724, permit au mari dont la femme était malade d’en prendre une autre.

Ce pape mourut le 12 février 731. Grégoire III lui succéda. Cependant l’empereur Léon faisait briser de tous les côtés les figures de Jésus-Christ, de la Vierge, des anges et des saints, et il ordonna à Grégoire de les détruire aussi à Rome et dans toute l’Italie ; mais celui-ci se révolta très-nettement et signifia à l’empereur que les papes seuls étaient les arbitres de la chrétienté. « Nous aurions, comme étant l’autorité et la puissance de saint Pierre, lui écrivit-il, prononcé des peines contre vous, mais, puisque vous vous êtes donné à vous-même la malédiction, qu’elle vous demeure. »

En second lieu, pour se mettre à l’abri des entreprises de Léon, le pape contracta alliance avec le Frank Karl Martel, à qui il promit d’ouvrir l’Italie dès que le Barbare serait disposé à y venir.

Le pape Grégoire III mourut le 28 novembre 741 ; Zacharie lui succéda.

Ce fut à ce pape que l’archevêque de Mayence, saint Boniface, écrivit contre un prêtre nommé Virgile qui enseignait l’existence d’un autre monde ayant un soleil et une lune comme le nôtre. Le pape répondit à saint Boniface que, si Virgile persistait dans une doctrine aussi perverse, il fallait le chasser aussitôt de l’Église, ce qui fut fait.

En 750, le chef Frank Peppin envoya Pévêque de Vurzbourg, Burkard, au pape Zacharie pour lui demander si l’homme qui ne remplissait pas les fonctions de roi devait en garder le titre. Zacharie répondit que cela ne se devait pas. C’est pourquoi Peppin fit tondre les Mérovingiens Hildérik et Thierry, son fils, et, les ayant enfermés chacun dans un cloître, fut proclamé roi des Franks.

Le pape Zacharie mourut le 15 mars 752. Étienne lui succéda, mais, celui-ci étant mort quatre jours après, on nomma un autre Étienne.

Les Lombards, qui jusqu’alors avaient ménagé les papes, assiégèrent Rome en 753. Le pape Étienne alla dans les Gaules demander des secours à son allié le roi Peppin qui passa en Italie l’année suivante, battit les Lombards et fit donation à l’Église romaine de quelques villes qu’on nomma le Domaine utile. Les papes ne devinrent souverains que longtemps après.

Vers cette époque, il y eut dans tout l’Orient persécution des Iconolâtres et destruction des images. Constantin Copronyme, ainsi nommé parce qu’il avait souillé les fonts pendant son baptême, incendia les monastères, ordonna d’abattre toutes les croix plantées sur les églises et abrogea toutes les prières à la Vierge et aux saints. Il punit comme impie et sacrilège quiconque porterait des reliques ou en conserverait dans sa maison ; et, par surcroît, il voulut forcer tous les moines à se marier sans délai. Le plus grand nombre obéit ; ceux qui s’y refusèrent eurent les yeux crevés, le nez et la langue coupés.

Le pape Étienne II mourut le 26 avril 757. Le diacre Paul lui succéda.

En 758, saint Khrodegand, évêque de Metz, fit une règle pour les chanoines. On y trouve pour la première fois l’obligation de payer pour faire dire une messe. Cette règle pour les chanoines était fort dure : on les fouettait quand le supérieur le jugeait à propos.

Le pape Paul mourut le 29 juin 767. Un laïque, nommé Constantin, s’étant fait tonsurer, fut sacré pape, sur l’ordre du duc de Népi, par un Concile réuni pour la circonstance. Les Romains élurent de leur côté un nommé Philippe, puis Étienne. En 768, le primicier du Saint-Siège, à la tête de soldats lombards, s’empara de Rome et se saisit de Constantin. On commença par lui arracher les yeux ; puis les évêques italiens, auxquels s’étaient joints douze évêques franks, se réunirent pour le juger. Après lui avoir reproché le crime qu’il avait commis de s’être fait sacrer pape étant un simple laïque, les Pères du Concile l’accablèrent de coups et le jetèrent dehors. On décida ensuite qu’un tribut de respect et de vénération devait être rendu aux images et on anathématisa les Conciles Orientaux qui avaient décrété le contraire.

Ce fut au roi Peppin que l’Église dut le payement régulier de la dîme. « Ordonnez de notre part, écrivit-il à l’archevêque de Mayence, que chacun paye sa dîme, qu’il le veuille ou non. »

Le pape Étienne III mourut le 1er février 772. Adrien lui succéda.

Karl le Grand, nommé vulgairement Charlemagne, passa les Alpes en 773. Il battit les Lombards qui s’étaient emparés du Domaine utile, c’est-à-dire des villes données à l’Église par Peppin ; puis il assiégea Pavie. La ville fut prise l’année suivante, et Karl devint roi des Franks et des Lombards.

En 775, Constantin Copronyme mourut après un des règnes les plus sanglants que les peuples d’Orient eussent subis. Les adorateurs d’images avaient été poursuivis et massacrés pendant plusieurs années, presque sans interruption. D’ailleurs, les Iconolâtres persécutaient à leur tour les Iconoclastes dès qu’ils en avaient le pouvoir, et avec une égale fureur. Ainsi, l’impératrice Irène, régente pendant la minorité de Constantin Porphyrogénète, c’est-à-dire né dans la pourpre, s’empressa de rendre aux Iconoclastes tout le mal que son beau-père Copronyme et son mari Léon IV avaient fait aux Iconolâtres.

Vers 786, Irène et le patriarche Taraise, avec l’assentiment du pape Adrien, convoquèrent un Concile général à Constantinople ; mais les Pères étaient à peine réunis que tout le peuple s’insurgea, menaçant de massacrer l’assemblée qu’il soupçonnait d’être favorable au culte des images. Le Concile fut donc transféré à Nicée, en 787.

Trois cent cinquante évêques et abbés, présidés par le Patriarche de Constantinople, en présence des légats du pape Adrien, anathématisèrent trois fois les Iconoclastes. Puis, le canon ou décret des décisions prises fut traduit en latin et communiqué au pape, qui l’approuva.

À la même époque, un synode tenu dans le Northumberland, en Angleterre, décréta qu’il ne fallait ni attenter à la vie du roi, ni couper la queue aux chevaux.

En 788, Karl le Grand défendit par un capitulaire, sous peine de mort, de manger de la viande en carême. Deux ans après, il fit examiner par ses évêques les actes du Concile de Nicée et les rejeta comme étant contraires à la coutume d’Occident. Il convoqua enfin à Francfort, en 794, un autre Concile général d’Occident, composé de trois cents évêques franks, germains, italiens et espagnols, qui, sans tenir compte des décisions du Concile de Nicée et de l’approbation papale, déclarèrent le culte des images impie et condamnèrent tous ceux qui l’avaient autorisé. Karl envoya les actes du synode de Francfort au pape Adrien, qui jugea prudent de ne pas se quereller avec son puissant contradicteur et ne répondit point.

Adrien mourut le 26 décembre 795. Léon III lui succéda.

Dans l’intervalle, l’impératrice Irène avait été contrainte de remettre le pouvoir à son fils Constantin Porphyrogénète, qui ne partageait point ses idées au sujet du culte des images. Mais, le jeune empereur ayant négligé de faire tuer sa mère, selon l’usage du temps, celle-ci, à l’aide d’un grand nombre de prêtres et de moines, réussit à s’emparer de son fils, en 797, et lui it crever les yeux avec tant de barbarie, que celui-ci expira en quelques jours des suites de l’opération.

En 799, il y eut à Rome une aventure curieuse, en ce sens qu’elle établit en fait la suprématie juridique du roi des Franks dans les affaires de l’Église. Le primicier et le sacellaire de la cour pontificale, ayant enlevé le pape, le séquestrèrent dans un couvent, d’où il put s’évader et se réfugier auprès du roi Karl qui le renvoya à Rome avec des troupes. Là, on chargea sept évêques et trois comtes d’examiner la valeur des accusations intentées par le primicier et le sacellaire contre Léon III. Faute de preuves produites, les accusateurs furent arrêtés et déportés, et Léon fut remis en possession du Saint-Siège. Nous avons déjà vu certains papes jugés par des Conciles généraux ; en voici un autre acquitté par une commission royale, après un procès régulier. En ce temps-là, le dogme de l’infaillibilité papale était absolument ignoré.

En 800, le roi Karl vint à Rome. Quelques jours après son arrivée, il réunit de nouveau les évêques et leur demanda d’examiner une seconde fois l’affaire du pape. Les évêques, oubliant de la façon la plus absolue ce qu’ils avaient fait l’année précédente, déclarèrent qu’il ne leur appartenait pas de juger le Siège apostolique, chef de toutes les églises. La demande du roi et la réponse des évêques étaient probablement convenues, car il ne fut plus jamais question de l’affaire.

Seulement, le roi Karl, étant venu entendre la messe le jour de Noël, priait debout devant l’autel, le front incliné, quand le pape lui mit une couronne sur la tête, aux acclamations de la foule qui emplissait l’église et criait : « À Charles Auguste, couronné de la main de Dieu, grand et pacifique empereur des Romains, vie et victoire ! »

Depuis cette cérémonie, Karl le Grand porta le titre d’empereur d’Occident,

La querelle des Iconoclastes et des Iconolâtres, qui avait été le grand événement religieux du VIIIe siècle, n’était pas apaisée. Nous avons vu le pape Grégoire III excommunier quiconque s’opposerait au culte des images, puis le septième Concile général de Constantinople l’abolir, puis le septième Concile également général de Nicée le rétablir, puis le Concile de Francfort l’abolir de nouveau avec l’assentiment de Karl le Grand. Ces tergiversations du Saint-Esprit sont au-dessus de la raison humaine. Nous verrons enfin les Orientaux, qui furent les premiers briseurs d’images, se rallier à l’Iconolâtrie latine, au moment même où ils se sépareront de l’Église catholique sur la question Eucharistique et sur la procession du Saint-Esprit.



Fin du huitième siècle.